Le trésor des seniors
▻https://laviedesidees.fr/Le-tresor-des-seniors
Comment financer les investissements d’avenir qui nous attendent, en particulier concernant la transition écologique ? Par taxation de l’héritage, qui permette aux parents d’épargner pour leurs enfants. À propos de : André Masson, Chronique d’un #impôt sur l’héritage en perdition. Pourquoi et comment le sauver ?, Puf
]]>Ô mon #français !
J’ai passé ma jeunesse à suer sur des dictées à quatre points la faute, j’ai même fini par aimer ça. Suffisamment pour m’en infliger en dehors de l’école. J’ai le souvenir d’une dictée de Pivot, retransmise en direct à la télé, que j’avais tenu mordicus à faire. Télé vieillotte, en noir et blanc avec un écran qui crépitait et un son qui grésillait, dont il fallait ajuster la fréquence de la chaine à la main à l’aide d’un bouton-potentiomètre. Évidemment, je n’étais pas très fort, et j’enfilais les fautes comme les perles. Mais j’étais fier de faire mon maximum pour faire honneur à ma langue maternelle. Paternelle aussi, d’ailleurs. Et puis j’ai appris l’anglais, avec difficulté, tant bien que mal. Ça me paraissait au moins autant abscons et complexe que le français, mais c’était ainsi. Plus tard, j’étais en Italie, alors j’ai appris l’#italien. Également avec des efforts (je ne suis pas particulièrement doué pour les langues étrangères), mais le quotidien aidant, au bout de quelques mois (enfin, environ douze !) je fus capable de tenir une conversation. J’ai compris que l’italien était bien plus simple (et cela n’empêche pas les Italiens d’avoir une culture très riche !) que le français, ne serait-ce que parce qu’il se prononce quasiment comme il s’écrit (et inversement). Contrairement au français (et à l’anglais). De quoi avoir 20/20 à une dictée d’italien. Mais pour la peine, ça ne serait pas drôle. Donc il n’y a pas de dictée en italien.
Plus tard je suis tombé sur la vidéo d’une courte conférence intitulée « la faute de l’orthographe » par deux profs belges (inventez un mot, puis calculez combien il y aurait – théoriquement – de manières de l’écrire en français). Cette vidéo m’a ouvert l’esprit. J’ai compris que l’orthographe n’était qu’un #outil. Que la langue n’était qu’un outil ; pour communiquer, transmettre des idées, en l’occurrence. Et que si l’outil était moins complexe à utiliser qu’il ne l’est, le temps incommensurable que l’on passe à l’étudier, à tenter d’essayer de l’apprivoiser, à éventuellement vouloir le maitriser, pourrait être dédié à faire des choses plus constructives. Des maths, de la physique, écrire, lire, réfléchir, jouer de la musique, ou avec son chat, faire du ski de rando ou grimper, bref, d’autres trucs. L’orthographe devait redescendre du piédestal sur lequel mes études l’avaient placé.
Dans le même temps (ou avant, même, plutôt), cette histoire d’#écriture_inclusive commençait à infuser. Franchement, ajouter des points au milieu des mots dans une langue aussi complexe, ça n’allait pas aider. N’était-ce pas barbare ? En plus l’#Académie_française avait pris position contre cette incongruité. Alors…
Et puis j’ai commencé à faire pas mal de vélo, je me suis acheté un casque à conduction osseuse pour pouvoir écouter des podcasts assis sur ma selle. J’en écoute à la pelle. Je suis tombé sur les émissions de Binge Audio, je ne sais plus trop comment, et surtout sur le podcast de #Laélia_Véron, « Parler comme jamais » (►https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais). Notamment un épisode intitulé « Écriture inclusive : pourquoi tant de haine ? » que j’ai écouté par curiosité (►https://www.binge.audio/podcast/parler-comme-jamais/ecriture-inclusive-pourquoi-tant-de-haine). J’ai compris alors que l’écriture inclusive ne se limitait pas au point médian, loin s’en faut. Il y a beaucoup d’autres choses à côté. Mais alors pourquoi autant d’efforts à vouloir peser sur l’usage ? Simplement parce que les linguistes ont montré qu’une #langue_genrée avait un effet pas du tout négligeable sur les #inégalités_de_genre dans la société. Le linguiste #Pascal_Gygax, auteur de telles études, conclut un article de vulgarisation ainsi : « L’histoire nous enseigne que la société patriarcale a eu un effet sur la #masculinisation de la langue et les données disent que la #masculinisation_de_la_langue a une influence sur notre manière de percevoir le monde. À partir de là, ce qu’il faut se demander, c’est : veut-on changer cela ? Si oui, alors le langage inclusif est un outil pour y parvenir » (►https://www.revue-horizons.ch/2021/09/02/comment-le-masculin-forge-la-pensee-de-lenfant). Quand il a commencé à vulgariser son travail, il a reçu une flopée d’insultes. Décidément, touchez pas au français… Et pourtant, y toucher, volontairement, c’est changer potentiellement les rapports au monde de la moitié de l’humanité (tout au moins des francophones).
L’oppression de la femme par l’homme ne date pas d’hier, et le langage a été modelé par l’homme en ce sens au cours de l’histoire (comme pour leur interdire l’accès à certaines professions, par exemple). Le #patriarcat a ainsi fait son œuvre notamment via ce moyen de communication entre les humains et les humaines. Il semble n’y avoir que peu de langues, dans le monde, tout au moins celui qui vit dans les sociétés dites occidentales (même si elles sont aussi à l’orient suite aux colonisations), qui ne sont pas genrées, et ainsi, masculinisées.
Le patriarcat est une forme de #capitalisme. Ce dernier est l’#exploitation des ressources naturelles (ce que l’on nomme pudiquement externalités !) ad nauseam, qui génère des pollutions (autres externalités) ad nauseam, mais c’est aussi l’exploitation des humains (ressources « humaines »). Dans ce cadre, le patriarcat se fait un malin plaisir à exploiter un peu plus les femmes. Dès qu’il s’agit d’augmenter les profits et de trouver des marchés, le capitalisme n’a aucune limite, même si l’Histoire a tout de même réussi à mettre fin au marché de l’esclavagisme. Enfin, pas partout ; et les femmes y sont probablement les plus mal loties.
Pour mettre fin à ce capitalisme destructeur (de la planète, des sociétés humaines, de l’humanité), et à ses avatars que sont les nombreuses inégalités, dont les inégalités de #genre sous la forme du patriarcat qui perdurent y compris en France, il n’y a pas qu’une façon de faire, une méthode idéale, tracée, parfaite, avec un protocole qui resterait à appliquer. Ce qui est sûr, c’est que sans aplanir ces inégalités, c’est voué à l’échec, comme en témoigne le mouvement des Gilets Jaunes. La « solution » est nébulaire et diffuse, c’est pourquoi il faut faire feu de tout bois et utiliser tous les leviers disponibles. La langue, qui est l’outil avec lequel nous communiquons, est dans cette lutte d’une capitale importance : elle fabrique et façonne notre société ainsi que les rapports que nous avons entre nous.
La langue française actuelle (re)construite historiquement petit à petit par la classe bourgeoise masculine dominante comme un outil d’accès réservé à l’#élite (masculine) n’est pas immuable : l’outil peut très bien être retourné pour servir la cause. Et donc évoluer dans une direction souhaitable. Inclusive. En somme, un effort minuscule (changer à la marge notre façon d’écrire et de parler) pour un résultat immense : une diminution des inégalités de genre ! Le jeu en vaut certainement la chandelle d’autant qu’il est appuyé par les résultats de la #linguistique. Les enjeux écologiques de frontières planétaires que nous sommes en train de dépasser sont très liés à la question des #inégalités : toute l’humanité n’est pas responsable des pollutions diverses et variées, seulement une minorité, la plus riche. Inégalités de richesse donc, mais aussi, et c’est lié, de genre, de race, de handicap, de classe, de religion, nord-sud, et j’en passe. Dans le jeu de celui qui est le plus fort, ce dernier trouve toujours un moyen d’enfoncer les plus faibles ; et tous les coups sont permis.
Quand on identifie un nouvel outil dont il est démontré [1] qu’il pourrait permettre de diminuer une partie de ces inégalités pourquoi s’enfoncer dans un #conservatisme mortifère ? Allons-y ! Qu’avons-nous à perdre ? Le #français_inclusif, même si les études scientifiques se trompaient sur sa propension à diminuer les inégalités de genre, n’en serait pas moins toujours le moyen de communication au sein des sociétés francophones. Quant au #point_médian, ce n’est jamais qu’un raccourci à l’écrit, il n’est pas obligatoire [2], alors pourquoi tant de haine ? Je vous conseille la lecture de « Eutopia » de Camille Leboulanger, un roman qui raconte une société où la notion de propriété privée est abolie (non seulement des habitations, mais aussi de la nature, et même la notion de famille est revisitée !), seule perdure la propriété d’usage. Le roman est écrit au féminin générique. Vous verrez, ça rafraichit !
Mais la langue française n’attise pas les passions que sur les questions de genre. Je vous invite à lire le tract Gallimard « Le français va très bien, merci » par le collectif des Linguistes atterrés (►https://tracts.gallimard.fr/fr/products/le-francais-va-tres-bien-merci). Quelques citations glanées çà et là pour un panorama de ce que j’en retiens : « Le français n’a jamais été homogène. Le #standard unique est un mythe. » 300 millions de personnes parlent français dans le monde, il fait partie des cinq langues les plus parlées sur la planète. « Le français n’est pas envahi par l’anglais. […] Le contact entre les langues ressemble davantage à un jeu à somme positive qu’à une guerre : ce que « gagne » l’une, l’autre ne le perd pas. […] Le #mélange, l’impur sont signe de vitalité pour une langue. Le séparé, le pur, une vue de l’esprit, un idéal, une langue statufiée. La langue se renouvèle d’abord parce que le monde change et qu’il faut le nommer, pour le meilleur et pour le pire (« covid » est-il un mot anglais ou français ?), mais aussi par besoin expressif, par jeu, pour faire place aux jeunes, aux autres, à l’altérité. » Autre idée reçue : « le français n’est pas règlementé par l’Académie française. » Elle n’a aucun pouvoir sur la langue, et ne renferme aucun (ni aucune d’ailleurs) spécialiste de la langue puisqu’aucun (ni aucune) linguiste n’y siège. Son dictionnaire est obsolète et sa grammaire encore plus. Dans leur ouvrage « Le français est à nous ! », les linguistes Laélia Véron et Maria Candea posent la question « Au XXIe siècle, à quoi sert l’Académie française ? » Elles répondent : « À rien. Rigoureusement à rien. C’est une institution d’opérette. […] qui sert encore à recycler confortablement des personnalités, grâce à un patrimoine exorbitant et à des finances opaques. » L’orthographe est compliquée : « Il est devenu pratiquement impossible d’écrire sans faire aucune faute. » Cela parce que l’orthographe n’a pas été réformée depuis quasiment deux siècles : la dernière réforme en date, celle de 1990 « peine à s’imposer dans les pratiques. […] Et si notre orthographe ne parvient pas à faire peau neuve, c’est parce qu’elle est devenue un #marqueur_social extrêmement puissant qui donne l’illusion de pouvoir juger des facultés linguistiques de quelqu’un sans entrer dans la complexité de la syntaxe, du vocabulaire ou de tout ce qui constitue la véritable qualité d’un texte écrit. » Bref. Convaincu que réformer l’orthographe est un nivèlement par le haut, j’ai décidé, depuis la lecture de cet opus, d’appliquer la réforme de 1990 au mieux. Pour cela, je m’aide du logiciel Antidote (►https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/redaction-inclusive), qui est également utilisé par les étudiantes et les étudiants à l’université au Québec, tout comme elles (et les nôtres aussi) utilisent la calculatrice. Il y a beaucoup d’autres choses dans ce petit livre, que je vous laisse découvrir. Car vous allez le lire, maintenant, n’est-ce pas ?
[1] « Le langage inclusif […] a bien l’effet pour lequel il est préconisé : réduire les stéréotypes de genre et augmenter la visibilité des femmes. »
[2] Même si : « L’usage du point médian permet de supprimer le biais de représentation vers le masculin. » selon le psycholinguiste Léo Varnet.
▻http://gblanc.fr/spip.php?article780
#langue #langue_française #orthographe
Notation des allocataires : la CAF étend sa surveillance à l’analyse des revenus en temps réel – La Quadrature du Net
►https://www.laquadrature.net/2024/03/13/notation-des-allocataires-la-caf-etend-sa-surveillance-a-lanalyse-des-
Il y a tout juste deux mois, nous publiions le code source de l’algorithme de notation des allocataires de la CAF. Cette publication démontrait l’aspect dystopique d’un système de surveillance allouant des scores de suspicion à plus de 12 millions de personnes, sur la base desquels la CAF organise délibérement la discrimination et le sur-contrôle des plus précaires. Ce faisant, nous espérions que, face à la montée de la contestation1, les dirigeant·es de la CAF accepteraient de mettre fin à ces pratiques iniques. Il n’en fut rien.
À la remise en question, les responsables de la CAF ont préféré la fuite en avant. La première étape fut un contre-feu médiatique où son directeur, Nicolas Grivel, est allé jusqu’à déclarer publiquement que la CAF n’avait ni « à rougir » ni à s’« excuser » de telles pratiques. La deuxième étape, dont nous venons de prendre connaissance2, est bien plus inquiétante. Car parallèlement à ses déclarations, ce dernier cherchait à obtenir l’autorisation de démultiplier les capacités de surveillance de l’algorithme via l’intégration du suivi en « temps réel »3 des revenus de l’ensemble des allocataires. Autorisation qu’il a obtenue, avec la bénédiction de la CNIL, le 29 janvier dernier4.
Surveillance et « productivité » des contrôles
Pour rappel, le revenu est une des quelques quarante variables utilisées par la CAF pour noter les allocataires. Comme nous l’avions montré, plus le revenu d’un·e allocataire est faible, plus son score de suspicion est élevé et plus ses risques d’être contrôlé·e sont grands. C’est donc un des paramètres contribuant directement au ciblage et à la discrimination des personnes défavorisées.
Jusqu’à présent, les informations sur les revenus des allocataires étaient soit récupérées annuellement auprès des impôts, soit collectées via les déclarations trimestrielles auprès des allocataires concerné·es (titulaires du RSA, de l’AAH…)5. Désormais, l’algorithme de la CAF bénéficiera d’un accès en « temps réel » aux ressources financières de l’ensemble des 12 millions d’allocataires (salaires et prestations sociales).
Pour ce faire, l’algorithme de la CAF sera alimenté par une gigantesque base de données agrégeant, pour chaque personne, les déclarations salariales transmises par les employeurs ainsi que les prestations sociales versées par les organismes sociaux (retraites, chômage, RSA, AAH, APL…)6 : c’est le « Dispositif des Ressources Mensuelles » (DRM). Cette base, créée en 2019 lors de mise en place de la réforme de la « contemporanéisation » des APL7, est mise à jour quotidiennement, et offre des capacités inégalées de surveillance des allocataires.
La justification d’une telle extension de la surveillance à l’œuvre à des fins de notation des allocataires est d’accroître la « productivité du dispositif [de l’algorithme] » selon les propres termes des responsables de la CAF8. Qu’importe que se multiplient les témoignages révélant les violences subies par les plus précaires lors des contrôles9. Qu’importe aussi que les montants récupérés par l’algorithme soient dérisoires au regard du volume des prestations sociales versées par l’institution10. Les logiques gestionnaires ont fait de la course aux « rendements des contrôles » une fin en soi à laquelle tout peut être sacrifié.
]]>Que reste-t-il de Paris et le désert français ?
▻https://metropolitiques.eu/Que-reste-t-il-de-Paris-et-le-desert-francais.html
Un demi-siècle après la dernière réédition du best-seller du géographe Jean-François Gravier, que reste-t-il des thèses défendues dans cet ouvrage longtemps présenté comme la Bible des aménageurs du territoire d’après-guerre ? Publié pour la première fois en 1947 aux éditions Le Portulan, avant d’être réédité par Flammarion en 1958 puis en 1972, Paris et le désert français de Jean-François Gravier a laissé une trace significative. Ce livre « toujours cité, rarement lu, jamais discuté », selon la formule du #Essais
/ #décentralisation, #aménagement, #inégalités, #géographie, #aménagement_du_territoire, #histoire
]]>Pourquoi l’écologie n’est pas populaire
▻https://bascules.blog/2024/02/16/pourquoi-lecologie-nest-pas-populaire
Source : Sociater de février-mars 2024 et #PEPS,_Pour_une_Ecologie_Populaire_et_Sociale Visuels [png] Lien vers l’édito de PEPS : Soutien aux paysans victimes d’un modèle agro-industriel à bout de souffle ! Fichier [pdf]
#Bourgeoisie #Eco-citoenneté #Ecologie_populaire #Inégalités_environnementales #Inégalités_sociales
#Université, service public ou secteur productif ?
L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.
L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).
Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.
La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.
Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.
Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État
Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.
À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche
La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).
Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).
Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.
C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.
Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.
La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.
La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.
La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :
"Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."
La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).
Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).
On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).
Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste
L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.
La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.
C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.
La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.
C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.
Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.
Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.
Un régime face à ses contradictions
Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.
Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels
Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.
La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.
La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.
Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.
Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs
Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.
La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.
Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.
Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.
Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire
En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.
Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.
La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.
Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).
Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.
►https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
#ESR #facs #souffrance
Vivre et lutter dans un monde toxique. #Violence_environnementale et #santé à l’âge du #pétrole
Pour en finir avec les success stories pétrolières, voici une histoire des territoires sacrifiés à la transformation des #hydrocarbures. Elle éclaire, à partir de sources nouvelles, les #dégâts et les #luttes pour la santé au XXe siècle, du #Japon au #Canada, parmi les travailleurs et travailleuses des enclaves industrielles italiennes (#Tarento, #Sardaigne, #Sicile), auprès des pêcheurs et des paysans des « #Trente_Ravageuses » (la zone de #Fos / l’étang de# Berre, le bassin gazier de #Lacq), ou encore au sein des Premières Nations américaines et des minorités frappées par les #inégalités_environnementales en #Louisiane.
Ces différents espaces nous racontent une histoire commune : celle de populations délégitimées, dont les plaintes sont systématiquement disqualifiées, car perçues comme non scientifiques. Cependant, elles sont parvenues à mobiliser et à produire des savoirs pour contester les stratégies entrepreneuriales menaçant leurs #lieux_de_vie. Ce livre expose ainsi la #tension_sociale qui règne entre défense des #milieux_de_vie et #profits économiques, entre santé et #emploi, entre logiques de subsistance et logiques de #pétrolisation.
Un ouvrage d’une saisissante actualité à l’heure de la désindustrialisation des #territoires_pétroliers, des #conflits sur la #décarbonation des sociétés contemporaines, et alors que le désastre de #Lubrizol a réactivé les interrogations sur les effets sanitaires des dérivés pétroliers.
▻https://www.seuil.com/ouvrage/vivre-et-lutter-dans-un-monde-toxique-collectif/9782021516081
]]>Parcoursup renforce les inégalités plutôt que de les effacer
▻https://www.huffingtonpost.fr/life/article/les-revelations-sur-stanislas-et-oudea-castera-montrent-que-parcoursu
Abstraction et inégalités sociales (sept 2017)
Qu’est-ce que l’abstraction en économie ?
L’abstraction est dans la notion de travail elle-même, qui suppose l’échange. N’importe quelle activité est rapportée à un étalon, qui permet de convenir d’un échange : mon heure de travail en tant qu’ingénieur, ça vaut 4 heures de travail de ton travail, toi qui cultive la terre.
L’économie ne génère donc pas seulement des inégalités, mais l’acceptation sociale de ces inégalités.
Certains travaux valent plus que d’autres, mais l’abstraction de l’échange le masque car ce ne sont pas des travaux que l’on échange, mais de l’argent contre des marchandises. Si je paie 12 euros ton panier de légumes qu’il te faut une heure pour produire, tu ne sais pas que moi, j’ai mis 15 minutes pour obtenir ces 12 euros. Peu importe en fait, puisque l’économie, c’est de l’échange donnant-donnant avec de l’argent. Chaque fois qu’on achète un truc, on croit jouer à la marchande, alors qu’on réactualise les classes sociales. Et même bien souvent : c’est l’acheteur qui prétendument « aide » le vendeur… L’économie n’est pas qu’une réalité inventée, mais une réalité inversée. Une vassalisation du monde social déguisée en fluidité des échanges.
Critiquer l’abstraction économique, ce n’est donc pas juste critiquer le non-sens des activités qu’on mène pour de l’argent (comme le font les tenants de la nouvelle droite, pour mieux fantasmer un retour aux « métiers » qui ont du sens). L’abstraction économique fait qu’à la fois l’économie nous échappe politiquement, autant qu’elle maintient une stratification sociale.
Évidemment la solution n’est pas de donner la même valeur à l’heure de travail de chacun, et de continuer à échanger. C’est une solution irréaliste car quand nous aurons la main politiquement sur l’économie pour organiser les choses ainsi, nous n’aurons plus besoin de l’économie pour définir une organisation matérielle décente.
#inégalités-sociales #classes-sociales #post-capitalisme #monnaie #post-monétaire
]]>The myth of meritocracy: who really gets what they deserve?
Sorting people by ‘merit’ will do nothing to fix inequality
Michael Young was an inconvenient child. His father, an Australian, was a musician and music critic, and his mother, who grew up in Ireland, was a painter of a bohemian bent. They were hard-up, distractible and frequently on the outs with each other. Michael, born in 1915 in Manchester, soon found that neither had much time for him. Once when his parents had seemingly forgotten his birthday, he imagined that he was in for a big end-of-day surprise. But no, they really had forgotten his birthday, which was no surprise at all. He overheard his parents talk about putting him up for adoption and, by his own account, never fully shed his fear of abandonment.
Everything changed for him when, at the age of 14, he was sent to an experimental boarding school at Dartington Hall in Devon. It was the creation of the great progressive philanthropists Leonard and Dorothy Elmhirst, and it sought to change society by changing souls. There it was as if he had been put up for adoption, because the Elmhirsts treated him as a son, encouraging and supporting him for the rest of their lives. Suddenly he was a member of the transnational elite: dining with President Roosevelt, listening in on a conversation between Leonard and Henry Ford.
Young, who has been called the greatest practical sociologist of the past century, pioneered the modern scientific exploration of the social lives of the English working class. He did not just aim to study class, though; he aimed to ameliorate the damage he believed it could do. The Dartington ideal was about the cultivation of personality and aptitudes whatever form they took, and the British class structure plainly impeded this ideal. What would supplant the old, caste-like system of social hierarchy? For many today, the answer is “meritocracy” – a term that Young himself coined 60 years ago. Meritocracy represents a vision in which power and privilege would be allocated by individual merit, not by social origins.
Inspired by the meritocratic ideal, many people these days are committed to a view of how the hierarchies of money and status in our world should be organised. We think that jobs should go not to people who have connections or pedigree, but to those best qualified for them, regardless of their background. Occasionally, we will allow for exceptions – for positive discrimination, say, to help undo the effects of previous discrimination. But such exceptions are provisional: when the bigotries of sex, race, class and caste are gone, the exceptions will cease to be warranted. We have rejected the old class society. In moving toward the meritocratic ideal, we have imagined that we have retired the old encrustations of inherited hierarchies. As Young knew, that is not the real story.
Young hated the term “welfare state” – he said that it smelled of carbolic – but before he turned 30 he had helped create one. As the director of the British Labour party’s research office, he drafted large parts of the manifesto on which the party won the 1945 election. The manifesto, “Let Us Face the Future”, called for “the establishment of the Socialist Commonwealth of Great Britain – free, democratic, efficient, progressive, public-spirited, its material resources organised in the service of the British people”. Soon the party, as it promised, raised the school-leaving age to 15, increased adult education, improved public housing, made public secondary school education free, created a national health service and provided social security for all.
As a result, the lives of the English working class were beginning to change radically for the better. Unions and labour laws reduced the hours worked by manual labourers, increasing their possibilities of leisure. Rising incomes made it possible for them to buy televisions and refrigerators. And changes, partly driven by new estate taxes, were going on at the top of the income hierarchy, too. In 1949, the Labour chancellor of the exchequer, Stafford Cripps, introduced a tax that rose to 80% on estates of £1m and above, or about £32m in contemporary inflation-adjusted terms. (Disclosure: I’m a grandson of his.) For a couple of generations afterward, these efforts at social reform both protected members of the working classes and allowed more of their children to make the move up the hierarchy of occupations and of income, and so, to some degree, of status. Young was acutely conscious of these accomplishments; he was acutely conscious, too, of their limitations.
Just as happened in the US, college attendance shot up in Britain after the second world war, and one of the main indicators of class was increasingly whether you had been to university. The middle-class status of meagerly compensated librarians reflected a vocational requirement for an education beyond secondary school; that the better-paid assembly-line workers were working-class reflected the absence of such a requirement. Working-class consciousness – legible in the very name of the Labour party, founded in 1900 – spoke of class mobilisation, of workers securing their interests. The emerging era of education, by contrast, spoke of class mobility – blue collars giving way to white. Would mobility undermine class consciousness?
These questions preyed on Young. Operating out of a community studies institute he set up in Bethnal Green, he helped create and nurture dozens and dozens of programmes and organisations, all attending to social needs he had identified. The Consumers’ Association was his brainchild, along with its magazine, Which?. So was the Open University, which has taught more than 2 million students since Young founded it in 1969, making it the largest academic institution in the UK by enrolment. Yet education mattered to him not just as a means of mobility, but as a way to make people more forceful as citizens, whatever their station – less easily bulldozed by commercial developers or the government planners of Whitehall. Late in life, he even set up the School for Social Entrepreneurs. Over the decades, he wanted to strengthen the social networks – the “social capital”, as social scientists say these days – of communities that get pushed around by those who were increasingly claiming a lion’s share of society’s power and wealth.
What drove him was his sense that class hierarchies would resist the reforms he helped implement. He explained how it would happen in a 1958 satire, his second best-seller, entitled The Rise of the Meritocracy. Like so many phenomena, meritocracy was named by an enemy. Young’s book was ostensibly an analysis written in 2033 by a historian looking back at the development over the decades of a new British society. In that distant future, riches and rule were earned, not inherited. The new ruling class was determined, the author wrote, by the formula “IQ + effort = merit”. Democracy would give way to rule by the cleverest – “not an aristocracy of birth, not a plutocracy of wealth, but a true meritocracy of talent.” This is the first published appearance of the word “meritocracy”, and the book aimed to show what a society governed on this principle would look like.
Young’s vision was decidedly dystopian. As wealth increasingly reflects the innate distribution of natural talent, and the wealthy increasingly marry one another, society sorts into two main classes, in which everyone accepts that they have more or less what they deserve. He imagined a country in which “the eminent know that success is a just reward for their own capacity, their own efforts”, and in which the lower orders know that they have failed every chance they were given. “They are tested again and again … If they have been labelled ‘dunce’ repeatedly they cannot any longer pretend; their image of themselves is more nearly a true, unflattering reflection.”
But one immediate difficulty was that, as Young’s narrator concedes, “nearly all parents are going to try to gain unfair advantages for their offspring”. And when you have inequalities of income, one thing people can do with extra money is to pursue that goal. If the financial status of your parents helped determine your economic rewards, you would no longer be living by the formula that “IQ + effort = merit”.
Those cautions have, of course, proved well founded. In the US, the top fifth of households enjoyed a $4tn increase in pretax income between 1979 and 2013 – $1tn more than came to all the rest. When increased access to higher education was introduced in the US and Britain, it was seen as a great equaliser. But a couple of generations later, researchers tell us that higher education is now a great stratifier. Economists have found that many elite US universities – including Brown, Dartmouth, Penn, Princeton, and Yale – take more students from the top 1% of the income distribution than from the bottom 60%. To achieve a position in the top tier of wealth, power and privilege, in short, it helps enormously to start there. “American meritocracy,” the Yale law professor Daniel Markovits argues, has “become precisely what it was invented to combat: a mechanism for the dynastic transmission of wealth and privilege across generations.”
Young, who died in 2002 at the age of 86, saw what was happening. “Education has put its seal of approval on a minority,” he wrote, “and its seal of disapproval on the many who fail to shine from the time they are relegated to the bottom streams at the age of seven or before.” What should have been mechanisms of mobility had become fortresses of privilege. He saw an emerging cohort of mercantile meritocrats who can be insufferably smug, much more so than the people who knew they had achieved advancement not on their own merit but because they were, as somebody’s son or daughter, the beneficiaries of nepotism. The newcomers can actually believe they have morality on their side. So assured have the elite become that there is almost no block on the rewards they arrogate to themselves.
The carapace of “merit”, Young argued, had only inoculated the winners from shame and reproach.
Americans, unlike the British, don’t talk much about working-class consciousness; it is sometimes said that all Americans are, by self-conception, middle class. But this, it turns out, is not currently what Americans themselves think. In a 2014 National Opinion Research Center survey, more Americans identified as working-class than as middle-class. One (but only one) strand of the populism that tipped Donald Trump into power expressed resentment toward a class defined by its education and its values: the cosmopolitan, degree-laden people who dominate the media, the public culture and the professions in the US. Clinton swept the 50 most educated counties, as Nate Silver noted shortly after the 2016 election; Trump swept the 50 least. Populists think that liberal elites look down on ordinary Americans, ignore their concerns and use their power to their own advantage. They may not call them an upper class, but the indices that populists use to define them – money, education, connections, power – would have picked out the old upper and upper-middle classes of the last century.
And many white working-class voters feel a sense of subordination, derived from a lack of formal education, and that can play a part in their politics. Back in the early 1970s, the sociologists Richard Sennett and Jonathan Cobb recorded these attitudes in a study memorably titled The Hidden Injuries of Class. This sense of vulnerability is perfectly consistent with feeling superior in other ways. Working-class men often think that middle-class and upper-class men are unmanly or undeserving. Still, a significant portion of what we call the American white working class has been persuaded that, in some sense, they do not deserve the opportunities that have been denied to them.
They may complain that minorities have unfair advantages in the competition for work and the distribution of government benefits. Nevertheless, they do not think it is wrong either that they do not get jobs for which they believe they are not qualified, or that the jobs for which they are qualified are typically less well paid. They think minorities are getting “handouts” – and men may feel that women are getting unfair advantages, too – but they don’t think the solution is to demand handouts for themselves. They are likely to regard the treatment of racial minorities as an exception to the right general rule: they think the US mostly is and certainly should be a society in which opportunities belong to those who have earned them.
If a new dynastic system is nonetheless taking shape, you might conclude that meritocracy has faltered because, as many complain, it isn’t meritocratic enough. If talent is capitalised efficiently only in high tax brackets, you could conclude that we have simply failed to achieve the meritocratic ideal. Maybe it is not possible to give everyone equally good parenting, but you could push more rigorously for merit, making sure every child has the educational advantages and is taught the social tricks that successful families now hoard for their children. Why isn’t that the right response?
Because, Young believed, the problem was not just with how the prizes of social life were distributed; it was with the prizes themselves. A system of class filtered by meritocracy would, in his view, still be a system of class: it would involve a hierarchy of social respect, granting dignity to those at the top, but denying respect and self-respect to those who did not inherit the talents and the capacity for effort that, combined with proper education, would give them access to the most highly remunerated occupations. This is why the authors of his fictional Chelsea Manifesto – which, in The Rise of the Meritocracy, is supposed to serve as the last sign of resistance to the new order – ask for a society that “both possessed and acted upon plural values”, including kindliness, courage and sensitivity, so all had a chance to “develop his own special capacities for leading a rich life”. Even if you were somehow upholding “IQ + effort = merit”, then your equation was sponsoring a larger inequality.
This alternative vision, in which each of us takes our allotment of talents and pursues a distinctive set of achievements and the self-respect they bring, was one that Young had learned from his schooling at Dartington Hall. And his profound commitment to social equality can seem, in the mode of schoolhouse utopias, quixotic. Yet it draws on a deeper philosophical picture. The central task of ethics is to ask what it is for a human life to go well. A plausible answer is that living well means meeting the challenge set by three things: your capacities, the circumstances into which you were born, and the projects that you yourself decide are important. Because each of us comes equipped with different talents and is born into different circumstances, and because people choose their own projects, each of us faces his or her own challenge. There is no comparative measure that would enable an assessment of whether your life or my life is better; Young was right to protest the idea that “people could be put into rank order of worth”. What matters in the end is not how we rank against others. We do not need to find something that we do better than anyone else; what matters, to the Dartingtonians, is simply that we do our best.
The ideal of meritocracy, Young understood, confuses two different concerns. One is a matter of efficiency; the other is a question of human worth. If we want people to do difficult jobs that require talent, education, effort, training and practice, we need to be able to identify candidates with the right combination of aptitude and willingness and provide them incentives to train and practice.
Because there will be a limited supply of educational and occupational opportunities, we will have to have ways of allocating them – some principles of selection to match people to positions, along with appropriate incentives to ensure the necessary work gets done. If these principles of selection have been reasonably designed, we can say, if we like, that the people who meet the criteria for entering the schools or getting the jobs “merit” those positions. This is, to enlist some useful philosophers’ jargon, a matter of “institutional desert”. People deserve these positions in the sense in which people who buy winning lottery tickets deserve their winnings: they got them by a proper application of the rules.
Institutional desert, however, has nothing to do with the intrinsic worthiness of the people who get into college or who get the jobs, any more than lottery winners are people of special merit and losers are somehow less worthy. Even on the highest levels of achievement, there is enormous contingency at play. If Einstein had been born a century earlier, he might have made no momentous contributions to his field; a Mozart who came of age in the early 20th century and trained on 12-tone rows might not have done so either. Neither might have made much use of their aptitudes had they grown up among the Amazonian Nukak.
And, of course, the capacity for hard work is itself the result of natural endowments and upbringing. So neither talent nor effort, the two things that would determine rewards in the world of the meritocracy, is itself something earned. People who have, as The Rise of the Meritocracy bluntly put it, been repeatedly “labelled ‘dunce’” still have capacities and the challenge of making a meaningful life. The lives of the less successful are not less worthy than those of others, but not because they are as worthy or more worthy. There is simply no sensible way of comparing the worth of human lives.
Put aside the vexed notion of “merit”, and a simpler picture emerges. Money and status are rewards that can encourage people to do the things that need doing. A well-designed society will elicit and deploy developed talent efficiently. The social rewards of wealth and honour are inevitably going to be unequally shared, because that is the only way they can serve their function as incentives for human behaviour. But we go wrong when we deny not only the merit but the dignity of those whose luck in the genetic lottery and in the historical contingencies of their situation has left them less rewarded.
Yes, people will inevitably want to share both money and status with those they love, seeking to get their children financial and social rewards. But we should not secure our children’s advantages in a way that denies a decent life to the children of others. Each child should have access to a decent education, suitable to her talents and her choices; each should be able to regard him- or herself with self-respect. Further democratising the opportunities for advancement is something we know how to do, even if the state of current politics in Britain and the US has made it increasingly unlikely that it will be done anytime soon. But such measures were envisaged in Young’s meritocratic dystopia, where inheritance was to hold little sway. His deeper point was that we also need to apply ourselves to something we do not yet quite know how to do: to eradicate contempt for those who are disfavoured by the ethic of effortful competition.
“It is good sense to appoint individual people to jobs on their merit,” Young wrote. “It is the opposite when those who are judged to have merit of a particular kind harden into a new social class without room in it for others.” The goal is not to eradicate hierarchy and to turn every mountain into a salt flat; we live in a plenitude of incommensurable hierarchies, and the circulation of social esteem will always benefit the better novelist, the more important mathematician, the savvier businessman, the faster runner, the more effective social entrepreneur. We cannot fully control the distribution of economic, social and human capital, or eradicate the intricate patterns that emerge from these overlaid grids. But class identities do not have to internalise those injuries of class. It remains an urgent collective endeavour to revise the ways we think about human worth in the service of moral equality.
This can sound utopian, and, in its fullest conception, it undoubtedly is. Yet nobody was more practical-minded than Young, institution-builder par excellence. It is true that the stirrings of Young’s conscience responded to the personal as well as the systemic; dying of cancer in a hospital ward, he worried whether the contractor-supplied African immigrants who wheeled around the food trolleys were getting minimum wage. But his compassion was welded to a sturdy sense of the possible. He did not merely dream of reducing inherited privilege; he devised concrete measures to see that it happened, in the hope that all citizens could have the chance to develop their “own special capacities for leading a rich life”. He had certainly done exactly that himself. In the imaginary future of The Rise of the Meritocracy, there was still a House of Lords, but it was occupied solely by people who had earned their places there through distinguished public service. If anyone had merited a place in that imaginary legislature, it would have been him.
That was far from true of the House of Lords he grew up with, which was probably one reason why his patron Leonard Elmhirst declined a peerage when offered one in the 1940s; in the circles he moved in, he made clear, “acceptance would neither be easy for me to explain nor easy for my friends to comprehend”. So it is more than a little ironic that when Young, the great egalitarian, was offered a peerage in 1978, he took it. Naturally, he chose for himself the title Baron Young of Dartington, honouring the institution he had served as a trustee since the age of 27. As you would expect, he used the opportunity to speak about the issues that moved him in the upper house of the British parliament. But there is a further, final irony. A major reason he had accepted the title (“guardedly”, as he told his friends) was that he was having difficulties meeting the expense of travelling up to London from his home in the country. Members of the Lords not only got a daily allowance if they attended the house; they got a pass to travel free on the railways. Michael Young entered the aristocracy because he needed the money.
▻https://www.theguardian.com/news/2018/oct/19/the-myth-of-meritocracy-who-really-gets-what-they-deserve
#mythe #méritocratie #inégalités
via @freakonometrics
Loi « immigration » : le risque d’une généralisation des droits différenciés pour les étudiants étrangers
La loi sur l’immigration inscrit dans le #code_de_l’éducation des #droits_d’inscription plus élevés pour les étudiants non européens. Une mesure qui existe depuis 2019, mais qui était en pratique peu appliquée.
C’était l’une des mesures les plus décriées du plan « #Bienvenue_en_France », présenté par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal. Depuis 2019, les étudiants étrangers doivent s’acquitter de droits d’inscription plus élevés que les candidats européens. Plusieurs universités s’étaient jusqu’ici engagées à ne pas mettre en place ce principe, mais la récente loi « immigration », en inscrivant celui-ci dans le code de l’#éducation, rendrait obligatoire son application.
En déplacement au salon d’orientation postbac de Paris-La Villette, vendredi 12 janvier, #Sylvie_Retailleau, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, reconduite au sein du nouveau gouvernement, a assuré avoir obtenu des engagements « forts » auprès du président de la République, Emmanuel Macron. Une manière de rassurer la communauté universitaire, qui avait fermement condamné les dispositions de la loi « immigration », dont la généralisation des #droits_différenciés. Ceux-ci ne sont pas une nouveauté. Depuis 2019, les étudiants extracommunautaires (hors Union européenne) qui souhaitent s’inscrire à un diplôme national de licence, de master ou de cycle d’ingénieur doivent débourser 2 270 euros pour une licence et 3 770 euros pour un master, contre 170 et 243 euros pour le reste des candidats.
Le ministère avait cependant accordé, par décret, aux facultés la possibilité d’exonérer de droits d’inscription 10 % de leurs étudiants. Un dispositif que les présidents ont massivement choisi d’utiliser en faveur des candidats extracommunautaires. Ainsi en 2023, 57 % des universités (soit 42 d’entre elles) ont exonéré l’intégralité des étudiants étrangers, selon un décompte publié par l’agence de presse spécialisée AEF. Elles sont 16 (22 %) à en exonérer une partie, selon des critères académiques, de nationalités ou linguistiques. Seules 13 universités (18 %) appliquent complètement les frais majorés.
Selon la vice-présidente de l’université Paris-II Panthéon-Assas, Emmanuelle Chevreau, à la rentrée 2023, ces frais majorés, mis en place par l’administration précédente, ont concerné 900 étudiants – sur les 3 000 candidats étrangers accueillis. Ces derniers peuvent ensuite faire une demande d’exonération partielle. « Ensuite, 50 % des demandes sont acceptées selon des critères économiques et sociaux. Cette année, seuls 10 % des étudiants en ont fait la demande », indique-t-elle.
En pratique, rares sont les étudiants qui payent l’intégralité des frais : sur les 96 600 étudiants inscrits à la rentrée 2021, ils ne sont même que 6 %, indique une note du service statistique et analyse de l’enseignement supérieur parue en mars 2023. Près de 17 % en sont totalement exonérés, le reste bénéficiant d’exonérations partielles, décidées par l’établissement ou via des bourses du gouvernement et d’ambassade. A l’université de Limoges, jusqu’en 2021, la présidence avait refusé de faire payer davantage aux étudiants étrangers. Mais la nouvelle équipe, elle, a fait un autre choix. « Nous avons simplement décidé de respecter la loi », souligne le vice-président de l’établissement, Laurent Bourdier, qui réfute « toute considération idéologique ».
« Nous avons essayé de faire quelque chose d’équilibré en mettant en place plusieurs garde-fous et surtout en jouant sur le jeu des exonérations par le biais d’attribution de bourses d’excellence », détaille-t-il. Sur les 2 000 étudiants étrangers accueillis sur le campus de Limoges, seuls 420 se sont bien acquittés des frais dans leur intégralité. « Le système reste imparfait, il y a eu quelques remous, ça a été difficile d’introduire les droits d’inscription différenciés auprès de nos équipes, reconnaît M. Bourdier. Je ne minimise pas le fait qu’il s’agit de frais importants qui peuvent freiner certains candidats. »
Ces droits différenciés avaient été présentés par le ministère comme une manne financière devant permettre un meilleur accueil de ces étudiants. « Nous avons un devoir d’exemplarité envers tous ceux qui s’acquittent de ces frais », assure le responsable. A Limoges, ce sont donc 90 000 euros qui sont consacrés à l’accompagnement « individualisé » des étudiants étrangers. Entre 600 000 et 700 000 euros sont dévolus à l’agrandissement du campus international. En tout, les droits d’inscription différenciés rapporteraient environ 900 000 euros à l’établissement.
D’autres universités arguent qu’elles n’ont pas d’autre choix que d’appliquer ces droits. C’est le cas à l’université de Strasbourg, où pour la première fois, en 2024, l’établissement appliquera les droits différenciés pour les étudiants étrangers puisque le seuil d’exonération de 10 % devrait être dépassé. Une règle a toutefois été décidée : exonérer complètement les étudiants en licence mais faire payer ceux arrivant en master. Certaines universités résistent pourtant tant bien que mal. A Rennes-II, les candidats étrangers représentent 15 % de la population étudiante (23 000) et 85 % d’entre eux sont des étudiants extracommunautaires. Vincent Gouëset, le président de l’université, s’était opposé, dès 2019, à la mise de cette mesure en pointant du doigt la « rupture d’égalité » pour les étudiants étrangers issus de milieux défavorisés. « Le choix de ne pas appliquer ces droits différenciés nous conduit à dépasser le seuil des 10 % autorisé, c’est un choix assumé qui répond aux valeurs d’inclusion et de justice sociale portées par l’établissement, le rectorat en est informé et ne nous a rien dit », déclare le président, conscient que l’adoption de la loi sur l’immigration pourrait pousser le rectorat à lui imposer une application plus stricte des textes.
►https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/15/loi-immigration-le-risque-d-une-generalisation-des-droits-differencies-pour-
#loi_immigration #étudiants_étrangers #migrations #université #étudiants #inégalités #discrimination
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ajouté à la métaliste sur les augmentations des #taxes_universitaires prévues en #France dès la rentrée 2019-2020
]]>« Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est la fin programmée du collège unique », Claude Lelièvre
Invité à préciser ce qu’il entendait par « libéralisme avancé », le président de la République Valéry Giscard d’Estaing (« VGE ») déclarait, sur RTL, le 20 mai 1975 : « Il y a dans la pensée de gauche des éléments positifs importants dont je compte bien m’inspirer ; ce qui fait que, dans l’action libérale avancée, il y a beaucoup d’idées de gauche qui doivent être mises en œuvre. »
Quelques-unes d’entre elles ont alors défrayé la chronique : création d’un secrétariat à la condition féminine, loi Veil sur l’IVG, abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans, regroupement familial pour les immigrés, collège unique.
On aurait pu penser qu’avec son antienne du « en même temps », la présidence d’Emmanuel Macron s’inscrirait dans cette filiation. On voit clairement qu’il n’en est rien. La loi Veil sur l’IVG a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés de gauche le 20 décembre 1974 et une minorité de parlementaires de droite.
A contrario, la récente loi sur l’immigration a été adoptée avec l’appui de l’ensemble des députés du Rassemblement national. Par ailleurs, Michelle Perrot, la grande spécialiste de l’histoire des femmes, a pu se dire « scandalisée » par les propos d’Emmanuel Macron concernant l’affaire Depardieu.
Rupture avec la « tradition républicaine »
La conception du « collège unique » est une version française de l’« école de base » suédoise (sociale-démocrate), de la « comprehensive school » (travailliste), de la « Gesamtschule » (sociale-démocrate). Dans le cadre du « libéralisme avancé », le collège unique a été voulu et porté personnellement par Valéry Giscard d’Estaing, mais a rencontré de nombreuses oppositions, en particulier dans son propre camp politique. Encore en octobre 1991, Alain Juppé (alors secrétaire général du RPR) proclamait qu’il fallait « casser le collège unique ». Mais, dans son livre paru en vue de la campagne présidentielle de 2017, il ne prônait plus que quelques aménagements.
Marine Le Pen, elle, a proposé dans son programme pour l’élection présidentielle de 2022 une arme de « destruction massive » afin d’en finir avec le collège unique : « Le diplôme national du brevet deviendra un examen d’orientation post-troisième. » L’ex-ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, a repris pour l’essentiel cette prescription en annonçant que le brevet serait désormais une condition nécessaire pour entrer en seconde (générale et/ou technologique ?), ce qu’il n’a jamais été jusque-là. Faire du brevet l’examen de l’entrée en seconde, c’est choisir sans appel que le collège doit être une propédeutique au lycée, et non pas la deuxième phase d’une instruction obligatoire (pour tous).
C’est la fin programmée du collège unique et de son sens originel initié dans le cadre du libéralisme « avancé ». « VGE » avait été très net, en 2001 : « Le débat doit se concentrer sur cette question : quels savoirs donner à cet ensemble de jeunes qui constituent un acquis culturel commun ? On n’a guère avancé depuis vingt-cinq ans. Au lieu d’avoir rabattu tout l’enseignement des collèges vers l’enseignement général, les rapprochant des classes de la 6e à la 3e des lycées d’autrefois, en un peu dégradé, il aurait mieux valu en faire une nouvelle étape de la construction du cycle scolaire. »
Le renoncement aux ambitions portées par le libéralisme « avancé » dans certains domaines peut parfois aller plus loin et rompre non seulement avec le « libéralisme avancé » mais même avec la simple « tradition républicaine ». On peut en prendre pour exemple significatif la volonté réitérée constamment ces derniers mois par l’ex-ministre de l’éducation nationale d’aller vers une forte « labellisation » ministérielle des manuels scolaires.
Le choix des manuels scolaires, question vive
La question du choix des manuels scolaires a été une question vive lors de l’instauration de l’école républicaine et laïque, sous la IIIe République. Le 6 novembre 1879, le directeur de l’enseignement primaire, Ferdinand Buisson, dans une note adressée à Jules Ferry, indique qu’« il y aurait de graves inconvénients à imposer aux maîtres leurs instruments d’enseignement » et qu’« il n’y en a aucun à leur laisser librement indiquer ce qu’ils préfèrent ».
En conséquence, Jules Ferry signe, le 16 juin 1880, un arrêté qui fait largement appel au concours des maîtres et il souligne que « cet examen en commun deviendra un des moyens les plus efficaces pour accoutumer les enseignants à prendre eux-mêmes l’initiative, la responsabilité et la direction des réformes dont leur enseignement est susceptible ». Le 13 octobre 1881, une circulaire établit, pour les professeurs de collèges et lycées, des réunions mensuelles en leur confiant le choix des livres de classe.
L’école républicaine instituée sous la IIIe République s’est ainsi distinguée nettement de ce qui l’a précédée et de ce qui l’a suivie dans ce domaine. Par exemple, François Guizot, ministre de l’instruction publique en 1833, a fait paraître des manuels scolaires officiels dans les cinq matières principales de l’école primaire. Et, dès l’arrivée de Philippe Pétain au pouvoir, un décret du 21 août 1940 a mis un terme à l’attitude libérale qui avait prévalu : ce décret ne traite plus de la liste « des livres propres à être mis en usage » mais de celle « des livres dont l’usage est exclusivement autorisé ».
A la Libération, le 9 août 1944, une ordonnance annule « tous les actes relatifs à l’interdiction de livres scolaires ou instituant des commissions à l’effet d’interdire certains livres ».
En miroir, on peut rappeler la réponse du ministre de l’éducation nationale Alain Savary à une question écrite de parlementaires en avril 1984 à propos d’un manuel incriminé : « Le ministre ne dispose pas du pouvoir d’injonction lui permettant de faire retirer ni même de faire amender un ouvrage. Il n’exerce aucun contrôle a priori sur le contenu des manuels scolaires et il n’a pas l’intention de modifier la politique traditionnellement suivie à cet égard. Il n’existe pas de manuels officiels, pas plus qu’il n’existe de manuels recommandés ou agréés par le ministère de l’éducation nationale. Il y a eu dans le passé des tentatives allant dans ce sens, avec risques de censure. »
Oui, dans bien des domaines, on est désormais loin de l’horizon d’un certain libéralisme « avancé » qui se voulait « moderniste » : ce qui se profile, c’est presque sans fard un libéralisme « d’attardés » plus ou moins assumé.
Claude Lelièvre est l’auteur de L’Ecole d’aujourd’hui à la lumière de l’histoire (Odile Jacob, 2021).
▻https://www.lemonde.fr/education/article/2024/01/16/faire-du-brevet-l-examen-de-l-entree-en-seconde-c-est-la-fin-programmee-du-c
]]>Inégalités mondiales : pour les riches, la norme d’abondance
Dans son rapport annuel, publié ce lundi 14 janvier, jour de l’ouverture du Forum de Davos, l’ONG Oxfam dénonce l’extrême concentration de la richesse depuis 2020 et le pouvoir des multinationales, alors qu’une large partie de la population mondiale souffre de l’inflation.
La France n’a plus de Première ministre, mais elle a « gagné » une « pionnière » d’un tout autre genre. En effet, la première femme à avoir vu sa fortune dépasser les 100 milliards de dollars (91 milliards d’euros) est française, il s’agit de Françoise Bettencourt Meyers, l’héritière du fondateur de L’Oréal, selon l’indice Bloomberg des milliardaires de fin décembre (elle est repassée depuis sous cette barre symbolique). Pour autant, dans cette coterie-là non plus, les inégalités entre les hommes et les femmes ne sont pas près de disparaître. Bernard Arnault, le fondateur de LVMH, qui figure dans le trio des plus riches du monde, détient une fortune bien plus importante que sa compatriote, estimée aujourd’hui à 162 milliards de dollars par le même indice.
Pendant qu’une grande partie de la population se débattait avec l’inflation, ces deux-là comme les 40 autres milliardaires français, se sont considérablement enrichis. Ils ont gagné, en cumulé, 230 milliards de dollars ces trois dernières années, calcule l’ONG Oxfam, en s’appuyant sur les données du magazine américain Forbes. Au total leur fortune atteint près de 600 milliards de dollars.
« Danger bien réel »
Ce lundi 15 janvier, jour de l’ouverture du 54e Forum économique mondial dans la station de ski suisse de Davos, où Emmanuel Macron mettra les pieds mercredi pour la première fois depuis six ans, Oxfam publie son rapport annuel sur les inégalités mondiales. Ces dernières s’accroissent. Tandis que les plus riches le sont toujours plus – depuis 2020, la fortune des milliardaires s’est appréciée de 34 %, soit de 3 300 milliards de dollars, trois fois plus que l’inflation –, près de cinq milliards de personnes se sont appauvries, estime Oxfam en compilant plusieurs sources. Constatant que « l’augmentation spectaculaire de l’extrême richesse observée depuis 2020 est désormais gravée dans le marbre », l’ONG s’alarme du « danger bien réel de voir cette aggravation devenir la norme ».
Le rapport décrit une extrême concentration de la richesse, sur différents plans. Entre les zones géographiques. « Seulement 21 % de l’humanité vit dans les pays du Nord, mais ces pays abritent 69 % de la richesse privée et 74 % de la richesse mondiale des milliardaires. » Dans la détention des actifs financiers : les 1 % les plus riches possèdent 43 % de tous les actifs financiers mondiaux. Entre les entreprises : « Au niveau mondial, les 0,001 % d’entreprises les plus importantes empochent environ un tiers de tous les bénéfices des entreprises. »
« Eviter le piège à la con »
Ces multinationales, et leurs propriétaires par la même occasion, viennent de vivre des années de crises ultraprofitables. En analysant les profits de 148 des plus grandes entreprises mondiales, Oxfam constate qu’en 2021 et 2022, ils sont en hausse de 89 % par rapport à la moyenne des années 2017 à 2020. D’après les premiers chiffres disponibles, « l’année 2023 devrait battre tous les records de bénéfices pour les grandes entreprises », note aussi le rapport. Les compagnies pétrolières et gazières, les marques de luxe, les entreprises du secteur financier ainsi que les laboratoires pharmaceutiques apparaissent comme les plus gagnantes, comme d’autres études l’avaient déjà démontré. Pendant que les revendications de hausses salariales ont été ravivées dans de nombreux pays par le choc inflationniste, le partage de la valeur dans les grandes entreprises reste loin d’être équitable. En considérant cette fois 96 d’entre elles et les douze mois précédant juin 2023, Oxfam calcule que pour chaque tranche de 100 dollars de bénéfices, 82 dollars sont allés vers les actionnaires, en rachats d’actions ou en distribution de dividendes.
Oxfam s’attaque aux monopoles et à leur pouvoir, qualifié de « machine implacable à fabriquer des inégalités » – un sujet de préoccupations et débats particulièrement vifs aux Etats-Unis. Rappelant les évolutions des trois dernières décennies, comme les fusions successives qui ont abouti à l’avènement des dix géants mondiaux de l’industrie pharmaceutique, ou l’émergence des « Big tech » avec Meta (maison mère de Facebook), Alphabet (maison mère de Google) et Amazon qui raflent les trois quarts des dépenses publicitaires en ligne, Oxfam dénonce « un pouvoir des monopoles qui s’accroît et alimente les inégalités », notamment avec une coordination implicite pour augmenter les prix et les marges. La hausse de ces dernières est même soupçonnée d’avoir nourri l’inflation dans la zone euro, formant une boucle prix profits, selon les travaux de plusieurs économistes du Fonds monétaire international publiés en juin.
Afin de réduire les inégalités, l’ONG continue de plaider pour une réforme de la fiscalité. Son antenne française, dirigée par Cécile Duflot, propose plusieurs mesures fiscales, qui mettraient davantage à contribution seulement 30 % des Français. Parmi elles, un ISF climatique. Celui-ci prendrait en compte le niveau de patrimoine des plus aisés ainsi que son empreinte carbone et pourrait rapporter autour de 15 milliards d’euros par an. Au printemps dernier, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz esquissaient dans leur rapport sur les aspects économiques de la transition climatique une version plus restreinte de ce mécanisme, avec un impôt temporaire dédié au financement de la transition, qui serait prélevé sur le patrimoine financier des 10 % les plus riches et générerait environ 5 milliards d’euros par an. Emmanuel Macron avait alors tenté de clore les discussions, en enjoignant à la Première ministre, selon des propos tenus en Conseil des ministres et rapportés par le Figaro, « d’éviter le piège à la con du débat sur la fiscalité des riches ». Rien n’indique qu’il a changé d’avis.
▻https://www.liberation.fr/economie/inegalites-mondiales-pour-les-riches-la-norme-dabondance-20240115_LGVC6SH
#richesse #pauvreté #riches #pauvres #inégalités #visualisation #graphique #France #statistiques #chiffres #inflation #multinationales #concentration_de_la_richesse #milliardaires #Bernard_Arnault #LVMH #fortune #impôts #fiscalité
C’était l’heure de commencer une #métaliste sur la #publication_scientifique
#business #édition_scientifique #arnaque #revues_scientifiques #revues_prédatrices #escroquerie #recherche #droits_d'auteur #recherche #université #ESR #coût #profit #publish_or_perish
]]>Large Language Publishing, par Jeff Pooley
▻https://doi.org/10.54900/zg929-e9595
Analyse très intéressante sur l’Open access dans la science, ses limites notamment en termes de licence et de droit d’utilisation et de l’usage des articles scientifiques pour entrainer l’intelligence artificielle (#AI) avec la question de la captation des profits associés alors que les éditeurs scientifiques ne rémunèrent jamais, quant à eux, les producteurs de connaissance scientifique et au contraire, exploitent les universités et leurs financements publics sous forme d’abonnements des bibliothèques aux revues ou de APC (charges payées par les scientifiques pour être publiés en #open_access). Le texte soulève d’intéressants paradoxes sur ces enjeux, en faisant un parallèle avec le procès que les grands journaux comme le New York Times ont lancé contre OpenAI et autres entreprises d’intelligence artificielle pour avoir entrainé les logiciels d’AI sans autorisation et surtout sans paiement leurs archives.
Thus the two main sources of trustworthy knowledge, science and journalism, are poised to extract protection money—to otherwise exploit their vast pools of vetted text as “training data.” But there’s a key difference between the news and science: Journalists’ salaries, and the cost of reporting, are covered by the companies. Not so for scholarly publishing: Academics, of course, write and review for free, and much of our research is funded by taxpayers. The Times suit is marinated in complaints about the costly business of journalism. The likes of Taylor & Francis and Springer Nature won’t have that argument to make. It’s hard to call out free-riding when it’s your own business model.
[...]
Enter Elsevier and its oligopolistic peers. They guard (with paywalled vigilance) a large share of published scholarship, much of which is unscrapable. A growing proportion of their total output is, it’s true, open access, but a large share of that material carries a non-commercial license. Standard OA agreements tend to grant publishers blanket rights, so they have a claim—albeit one contested on fair-use grounds by OpenAI and the like—to exclusive exploitation. Even the balance of OA works that permit commercial re-use are corralled with the rest, on propriety platforms like Elsevier’s ScienceDirect. Those platforms also track researcher behavior, like downloads and citations, that can be used to tune their models’ outputs.
[...]
As the Times lawsuit suggests, there’s a big legal question mark hovering over the big publishers’ AI prospects. The key issue, winding its way through the courts, is fair use: Can the likes of OpenAI scrape up copyrighted content into their models, without permission or compensation? The Silicon Valley tech companies think so; they’re fresh converts to fair-use maximalism, as revealed by their public comments filed with the US Copyright Office. The companies’ “overall message,“ reported The Verge in a round-up, is that they “don’t think they should have to pay to train AI models on copyrighted work.” Artists and other content creators have begged to differ, filing a handful of high-profile lawsuits.
The publishers haven’t filed their own suits yet, but they’re certainly watching the cases carefully. Wiley, for one, told Nature that it was “closely monitoring industry reports and litigation claiming that generative AI models are harvesting protected material for training purposes while disregarding any existing restrictions on that information.” The firm has called for audits and regulatory oversight of AI models, to address the “potential for unauthorised use of restricted content as an input for model training.“ Elsevier, for its part, has banned the use of “our content and data” for training; its sister company LexisNexis, likewise, recently emailed customers to “remind” them that feeding content to “large language models and generative AI” is forbidden.
[...]
One near-term consequence may be a shift in the big publishers’ approach to open access. The companies are already updating their licenses and terms to forbid commercial AI training—for anyone but them, of course. The companies could also pull back from OA altogether, to keep a larger share of exclusive content to mine. Esposito made the argument explicit in a recent Scholarly Kitchen post: “The unfortunate fact of the matter is that the OA movement and the people and organizations that support it have been co-opted by the tech world as it builds content-trained AI.“ Publishers need “more copyright protection, not less,“ he added. Esposito’s consulting firm, in its latest newsletter, called the liberal Creative Commons BY license a “mechanism to transfer value from scientific and scholarly publishers to the world’s wealthiest tech companies.“ Perhaps, though I would preface the point: Commercial scholarly publishing is a mechanism to transfer value from scholars, taxpayers, universities to the world’s most profitable companies.
[...]
There are a hundred and one reasons to worry about Elsevier mining our scholarship to maximize its profits. I want to linger on what is, arguably, the most important: the potential effects on knowledge itself. At the core of these tools—including a predictable avalanche of as-yet-unannounced products—is a series of verbs: to surface, to rank, to summarize, and to recommend. The object of each verb is us—our scholarship and our behavior. What’s at stake is the kind of knowledge that the models surface, and whose knowledge.
[...]
These dynamics of cumulative advantage have, in practice, served to amplify the knowledge system’s patterned inequalities—for example, in the case of gender and twentieth-century scholarship, aptly labeled the Matilda Effect by Margaret Rossiter.
The deployment of AI models in science, especially proprietary ones, may produce a Matthew Effect on the scale of Scopus, and with no paper trail. The problem is analogous to the well-documented bias-smuggling with existing generative models; image tools trained on, for example, mostly white and male photos reproduce the skew in their prompt-generated outputs. With our bias-laden scholarship as training data, the academic models may spit out results that, in effect, double-down on inequality. What’s worse is that we won’t really know, due to the models’ black-boxed character. Thus the tools may act as laundering machines—context-erasing abstractions that disguise their probabilistic “reasoning.” Existing biases, like male academics’ propensity for self-citation, may win a fresh coat of algorithmic legitimacy. Or consider center-periphery dynamics along North-South and native-English-speaking lines: Gaps traceable to geopolitical history, including the legacy of European colonialism, may be buried still deeper. The models, in short, could serve as privilege multipliers.
[...]
So it’s an urgent task to push back now, and not wait until after the models are trained and deployed. What’s needed is a full-fledged campaign, leveraging activism and legislative pressure, to challenge the commercial publishers’ extractive agenda. One crucial framing step is to treat the impending AI avalanche as continuous with—as an extension of—the publishers’ in-progress mutation into surveillance-capitalist data businesses.
[...]
So far the publishers’ data-hoovering hasn’t galvanized scholars to protest. The main reason is that most academics are blithely unaware of the tracking—no surprise, given scholars’ too-busy-to-care ignorance of the publishing system itself. The library community is far more attuned to the unconsented pillage, though librarians—aside from SPARC—haven’t organized on the issue. There have been scattered notes of dissent, including a Stop Tracking Science petition, and an outcry from Dutch scholars on a 2020 data-and-publish agreement with Elsevier, largely because the company had baked its prediction products into the deal. In 2022 the German national research foundation, Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG), released its own report-cum-warning—“industrialization of knowledge through tracking,” in the report’s words. Sharp critiques from, among others Bjorn Brembs, Leslie Chan, Renke Siems, Lai Ma, and Sarah Lamdan have appeared at regular intervals.
None of this has translated into much, not even awareness among the larger academic public. A coordinated campaign of advocacy and consciousness-raising should be paired with high-quality, in-depth studies of publisher data harvesting—on the example of SPARC’s recent ScienceDirect report. Any effort like this should be built on the premise that another scholarly-publishing world is possible. Our prevailing joint-custody arrangement—for-profit publishers and non-profit universities—is a recent and reversible development. There are lots of good reasons to restore custody to the academy. The latest is to stop our work from fueling the publishers’ AI profits.
]]>Health inequalities ‘caused 1m early deaths in England in last decade’ | Inequality | The Guardian
▻https://www.theguardian.com/inequality/2024/jan/08/england-deaths-inequality-poverty-austerity-covid-study-public-health
▻https://i.guim.co.uk/img/media/403b7b855c99ce4ff336c696244da1cedbdfe16c/0_301_4592_2755/master/4592.jpg?width=1200&height=630&quality=85&auto=format&fit=crop&overlay-ali
More than 1 million people in England died prematurely in the decade after 2011 owing to a combination of poverty, austerity and Covid, according to “shocking” new research by one of the UK’s leading public health experts.
The figures are revealed in a study by the Institute of Health Equity at University College London led by Sir Michael Marmot. They demonstrate the extent to which stark economic and social inequalities are leading to poorer people dying early from cancer, heart problems and other diseases.
‘1 Million Early Deaths in England’
1 million+ poorer people in England died prematurely over a decade from cancer, heart problems, and other diseases, a “dismal” new study finds.
Government austerity measures and COVID-19 led to “stark economic and social inequalities” that worsened outcomes, The Guardian reports.
The study: For the Health Inequalities, Lives Cut Short report, researchers at the Institute of Health Equity at University College London analyzed life expectancies of people across England who do not live in the wealthiest 10% of areas between 2011 and 2019.
The findings:
1 million+ people died earlier than they would have if they lived in those rich areas.
148,000 of those deaths were linked to economic austerity measures implemented in 2010.
Pandemic-era inequalities led to an additional 28,000 excess deaths.
People in the U.K. fared worse in “healthy life years”—how long someone lives free of ill health—compared with E.U. countries.
The Quote: “Our country has become poor and unhealthy, where a few rich, healthy people live,” said IHE leader Sir Michael Marmot, who described the mounting inequality as a “shocking political failure.”
Only one other developed country, said Marmot, fares worse in terms of inequality: the U.S.
]]>Plus exposés mais aussi plus fragiles, les jeunes enfants des ménages modestes sont les plus affectés par la #pollution_de_l’air
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie une étude sur les inégalités de santé chez les jeunes enfants en lien avec la pollution de l’air. Au-delà des différences d’exposition, qui sont en défaveur à la fois des jeunes enfants des ménages les plus aisés et des ménages les plus modestes, il existe de fortes disparités de vulnérabilité vis-à-vis de la pollution de l’air. 10 % des enfants concentrent l’essentiel des effets observables lors d’une augmentation de l’exposition à la pollution de l’air avant leur premier anniversaire, via le recours aux soins en lien avec certaines pathologies respiratoires. Plus souvent dans un moins bon état de santé à la naissance, ils ne sont pas répartis de façon égale sur l’échelle de niveaux de vie des parents : parmi ces enfants les plus affectés, le dixième le plus modeste est 1,6 fois plus représenté que le dixième le plus aisé.
L’exposition à la pollution de l’air est plus élevée chez les enfants les plus aisés et les plus modestes
En France métropolitaine, ce sont les jeunes enfants vivant dans les ménages les plus aisés et dans les ménages les plus modestes qui sont les plus exposés à la pollution de l’air due aux particules fines de moins de 2,5 micromètres. D’une part, la pollution atmosphérique se concentre dans les villes, où les plus aisés résident plus souvent. D’autre part, les moins aisés vivent plus souvent, au sein des aires d’attraction des villes, dans les communes les plus polluées : au sein de ces espaces, ce sont les enfants des ménages les plus modestes qui sont les plus exposés du fait de leur localisation (graphique).
Les enfants modestes, plus fragiles à la naissance et plus souvent hospitalisés en urgence pour asthme et bronchiolite
Alors que les enfants nés prématurément représentent 9,1 % des naissances parmi les 10 % les plus modestes de la cohorte étudiée, ils représentent 6,1 % des enfants parmi les 10 % les plus aisés. Ainsi, les enfants les plus modestes ont un risque 1,5 fois plus élevé de naître prématurément que les plus aisés. En outre, parmi les enfants nés à terme, les plus modestes nécessitent en moyenne plus de soins lors de leur séjour de naissance. Avant leur troisième anniversaire, 1,4% des enfants sont admis à l’hôpital en urgence pour asthme sur la période étudiée (2008-2017). Cela représente environ 11 000 enfants nés chaque année qui sont touchés avant leur trois ans. En ce qui concerne les enfants les plus modestes, ils sont 1,9 % à être admis à l’hôpital en urgence pour asthme avant leur troisième anniversaire, contre 1,2 % des plus aisés, soit un risque multiplié par 1,6. Concernant les hospitalisations en urgence pour bronchiolite avant le deuxième anniversaire, qui concernent 3,6 % des enfants soit de l’ordre de 28 000 enfants nés chaque année, les différences sont encore plus marquées, avec un risque doublé pour les plus modestes par rapport aux plus aisés (graphique). En revanche, les délivrances de médicaments contre l’asthme en pharmacie de ville, qui concernent un peu plus d’un quart des enfants, sont bien moins fréquentes chez les plus modestes que pour les dixièmes de niveaux de vie intermédiaires à élevés. En l’absence de mesure directe de l’état de santé respiratoire, la consommation des médicaments contre l’asthme peut être interprétée à la fois comme le marqueur d’une pathologie respiratoire, aiguë ou chronique, mais également comme un indicateur de la qualité de sa prise en charge, puisqu’il existe des différences d’accès, de recours et d’observance des traitements.
Des recours aux soins respiratoires plus fréquents chez les enfants surexposés à la pollution dans leur première année de vie
La simple comparaison d’enfants plus exposés à la pollution de l’air que les autres de par leur lieu de vie sur des données observationnelles ne permet d’établir qu’une coïncidence entre cette exposition en moyenne sur l’année et le fait d’être traité pour soins respiratoires. Afin de pouvoir donner une interprétation causale aux estimations de l’effet d’une surexposition à la pollution atmosphérique, deux groupes de jeunes enfants sont ici comparés, un groupe « surexposé » et l’autre « sous-exposé » (l’appartenance à chaque groupe n’étant pas déterminé de façon univoque par le lieu de vie). L’assignation des enfants au groupe « fortement exposé » repose sur leur exposition dans leur première année de vie à un nombre plus important de jours avec une inversion thermique qu’habituellement dans leur commune de résidence, phénomène météorologique ayant pour conséquence l’accumulation des polluants atmosphériques, notamment, mais pas seulement, les PM2,5 et donc par une sur-exposition à la pollution de l’air de ces enfants « fortement exposés » (voir précaution méthodologique).
Sur la période 2008-2017, environ 28 000 enfants de chaque génération sont hospitalisés pour bronchiolite avant leurs deux ans et 11 000 pour asthme avant leurs trois ans. Si l’on pouvait diminuer l’exposition moyenne annuelle aux principaux polluants atmosphérique d’environ 1 % sur la première année de vie, ce qui revient à préserver les enfants de moins de un an d’une quinzaine de jours d’augmentation ponctuelle importante de leur exposition à ces polluants, alors de l’ordre de 2 000 cas hospitalisés de bronchiolites, 1 800 cas hospitalisés d’asthmes et 6 100 prises en charge d’enfants avec des délivrances de médicaments anti-asthmatiques seraient évités.
Les enfants les plus affectés par un surcroît de pollution de l’air font plus souvent partie des plus modestes
La vulnérabilité à la pollution de l’air est vraisemblablement variable d’un enfant à l’autre, ce qu’occultent ces comparaisons globales. Concernant les hospitalisations en urgence pour bronchiolite et la délivrance de médicaments contre l’asthme, les effets importants, détectables statistiquement, seraient concentrés dans un groupe représentant 10 % des enfants, le groupe des enfants les plus affectés par la pollution de l’air. Que ce soit en termes d’hospitalisations en urgence pour bronchiolite ou de délivrance de médicaments anti-asthmatiques, les enfants les 10 % les plus affectés présentent plus souvent un état de santé défavorable à la naissance et font également plus souvent partie des plus modestes. Pour ce qui est des hospitalisations pour bronchiolite, ces disparités sont particulièrement marquées : les enfants les plus affectés par un surcroît de pollution de l’air dans leur première année sont avant tout des enfants dont l’état de santé à la naissance est moins favorable : 18,7 % sont nés prématurément, contre 5,9 % parmi les 50 % les moins affectés. Ces enfants appartiennent aussi 1,9 fois plus souvent au dixième de niveau de vie le plus modeste, qui représente 17,4 % des enfants les plus affectés.
▻https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/etudes-et-resultats/plus-exposes-mais-aussi-plus-fragiles-les
#pollution #pauvreté #air #France #enfants #enfance #inégalités #statistiques #chiffres #santé #inégalités_de_santé #vulnérabilité #pathologies_respiratoires #asthme #bronchiolite #hospitalisation
]]>#Violences et fabrique de la #subalternité_foncière à #Sihanoukville, Cambodge
Depuis le milieu des années 2010, la ville de Sihanoukville au Cambodge, principal #port du pays et petit centre de villégiature, fait l’objet d’un #développement_urbain éclair porté par la construction de nouvelles infrastructures de transport et de zones logistiques, de casinos (plus de 150 nouveaux casinos depuis 2015) et la mise en place de #mégaprojets_immobiliers à vocation touristique qui nourrissent une #spéculation_foncière galopante. Ces transformations territoriales sont notamment le fruit d’une coopération technique, politique et économique entre le Cambodge et la #Chine au nom de la #Belt_and_Road_Initiative, la nouvelle politique étrangère globale chinoise lancée en 2013 par #Xi_Jinping. Pour le gouvernement cambodgien, Sihanoukville et sa région doivent devenir, au cours de la prochaine décennie, la seconde plateforme économique, logistique et industrielle du pays après Phnom Penh, la capitale (Royal Government of Cambodia, 2015). Ce développement urbain très rapide a entraîné une évolution concomitante des logiques d’échange et de valorisation des #ressources_foncières. Comme le relève régulièrement la presse internationale, il nourrit d’importants #conflits_fonciers, souvent violents, dont pâtissent en premier lieu les habitants les plus pauvres.
Cette recherche veut comprendre la place et le rôle de la violence dans le déploiement des mécanismes d’#exclusion_foncière à Sihanoukville. Pour reprendre les mots de Fernand Braudel (2013 [1963]), alors que ces #conflits_fonciers semblent surgir de manière « précipitée », notre recherche montre qu’ils s’inscrivent aussi dans les « pas lents » des relations foncières et de la fabrique du territoire urbain. Dans ce contexte, le jaillissement des tensions foncières convoque des temporalités et des échelles variées dont la prise en compte permet de mieux penser le rôle de la violence dans la production de l’espace.
Les processus d’exclusion foncière au Cambodge s’inscrivent dans une trajectoire historique particulière. Le #génocide et l’#urbicide [1] #khmers_rouges entre 1975 et 1979, l’abolition de la #propriété_privée entre 1975 et 1989 et la #libéralisation très rapide de l’économie du pays à partir des années 1990 ont posé les jalons de rapports fonciers particulièrement conflictuels, tant dans les espaces ruraux qu’urbains (Blot, 2013 ; Fauveaud, 2015 ; Loughlin et Milne, 2021). Ainsi, l’#appropriation, l’#accaparement et la #valorisation des ressources foncières au Cambodge, et en Asie du Sud-Est en général, s’accompagnent d’une importante « #violence_foncière » tant physique (évictions et répression) que sociale (précarisation des plus pauvres, exclusion sociale), politique (criminalisation et dépossession des droits juridiques) et économique (dépossession des biens fonciers et précarisation).
Cet article souhaite ainsi proposer une lecture transversale de la violence associée aux enjeux fonciers. Si la notion de violence traverse la littérature académique portant sur les logiques d’exclusion foncière en Asie du Sud-Est (Hall, Hirsch et Li, 2011 ; Harms, 2016) ou dans le Sud global plus généralement (Peluso et Lund, 2011 ; Zoomers, 2010), peu de recherches la placent au cœur de leurs analyses, malgré quelques exceptions (sur le Cambodge, voir notamment Springer, 2015). Par ailleurs, la violence est souvent étudiée en fonction d’ancrages théoriques fragmentés. Ceux-ci restent très divisés entre : 1) des travaux centrés sur le rôle de l’État et des systèmes de régulation (notamment économiques) dans le déploiement de la violence foncière (Hall, 2011 ; Springer, 2013) ; 2) des analyses politico-économiques des formes de dépossession liées aux modes de privatisation du foncier, à la propriété et à l’accumulation du capital, parfois resituées dans une lecture historique des sociétés coloniales et postcoloniales (voir par exemple Rhoads, 2018) ; 3) des approches considérant la violence comme stratégie ou outil mobilisés dans la réalisation de l’accaparement foncier et la répression des mouvements sociaux (voir par exemple Leitner and Sheppard, 2018) ; 4) des analyses plus ontologiques explorant les processus corporels, émotionnels et identitaires (comme le genre) qui découlent des violences foncières ou conditionnent les mobilisations sociales (voir par exemple Brickell, 2014 ; Schoenberger et Beban, 2018).
Malgré la diversité de ces approches, la notion de violence reste principalement attachée au processus de #dépossession_foncière, tout en étant analysée à une échelle temporelle courte, centrée sur le moment de l’#éviction proprement dit. Dans cet article et à la suite de Marina Kolovou Kouri et al. (2021), nous défendons au contraire une approche multidimensionnelle des violences foncières analysées à des échelles temporelles et spatiales variées. Une telle transversalité semble indispensable pour mieux saisir les différentes forces qui participent de la construction des violences et de l’exclusion foncières. En effet, si les conflits fonciers sont traversés par diverses formes de violences, celles-ci ne découlent pas automatiquement d’eux et sont également déterminées par le contexte social, économique et politique qui leur sert de moule. Ces violences restent ainsi attachées aux différents #rapports_de_domination qui organisent les #rapports_sociaux en général (Bourdieu, 2018 [1972]), tout en représentant une forme d’#oppression à part entière participant des #inégalités et #injustices sociales sur le temps long (Young, 2011).
Nous voyons, dans cet article, comment des formes de violence variées structurent les rapports de pouvoir qui se jouent dans l’appropriation et la valorisation des ressources foncières, ainsi que dans la régulation des rapports fonciers. Nous montrons que ces violences servent non seulement d’instrument d’oppression envers certains groupes de populations considérés comme « indésirables », mais aussi qu’elles les maintiennent dans ce que nous nommons une « subalternité foncière ». En prenant appui sur Chakravorty Spivak Gayatri (2005) et Ananya Roy (2011), nous définissons cette dernière comme la mise en place, sur le temps long et par la violence, d’une oppression systémique des citadins les plus pauvres par leur #invisibilisation, leur #criminalisation et l’#informalisation constante de leurs modes d’occupations de l’espace. La #subalternité foncière représente en ce sens une forme d’oppression dont la violence est l’un des dispositifs centraux.
Cet article s’appuie sur des recherches ethnographiques menées à Phnom Penh et à Sihanoukville, entre 2019 et 2021. Elles comprennent un important travail d’observation, la collecte et l’analyse de documents officiels, de rapports techniques, d’articles de presse et de discours politiques, ainsi que la réalisation de près de soixante-dix entretiens semi-directifs (effectués en khmer principalement, parfois en mandarin, et retranscrits en anglais) auprès d’habitants de Sihanoukville, de représentants territoriaux locaux, d’experts et de membres de groupes criminels. Dans ce texte, le codage des entretiens suit la dénomination suivante : « OF » désigne les employés publics, « EX » des experts ayant une connaissance privilégiée du sujet, « RE » les résidents des zones d’habitat précaire et « F » les acteurs de la criminalité ; le numéro qui suit la lettre est aléatoire et sert à distinguer les personnes ayant répondu à l’enquête ; vient ensuite l’année de réalisation de l’entretien. De nombreux entretiens avec les habitants ont été conduits en groupe.
▻https://www.jssj.org/article/violences-et-fabrique-de-la-subalternite-fonciere
]]>Le #Royaume-Uni plonge dans une #pauvreté historique
Les écarts entre riches et pauvres retrouvent des niveaux proches de l’ère victorienne, avant l’État providence. Les #bas_salaires en sont la cause.
Au cours des quinze dernières années, les inégalités se sont accrues de manière spectaculaire au sein de la société britannique. Au point que « le Royaume-Uni risque de retomber dans les « deux nations » de l’ère victorienne, marquée par un fossé grandissant entre la société dominante et une classe inférieure déprimée et frappée par la pauvreté, alerte un rapport sur la pauvreté, publié le 11 décembre.
Le coefficient de Gini des #revenus, après impôts et prestations sociales, dans le pays – un indicateur qui permet de rendre compte de leur niveau d’inégalité – était le plus élevé d’Europe occidentale en 2022, avec 0,35 point. À titre de comparaison il ressort à 0,31 en Suisse, 0,29 en France et 0,28 en Allemagne.
Le pays n’a jamais été aussi inégalitaire
Le Royaume-Uni du premier ministre Rishi Sunak n’est néanmoins plus celui d’Oliver Twist, l’orphelin pauvre du livre de Charles Dickens, publié en 1838. « Évidemment, les conditions de vie sont meilleures pour l’individu moyen qu’au milieu du XIXe siècle », tempère David Gordon, professeur de justice sociale à l’Université de Bristol et directeur du Bristol Poverty Institute. La capitale anglaise, cadre de ce roman, n’en continue pas moins de concentrer ces maux. La City of London, centre de la finance nationale, était alors mitoyenne de plusieurs des arrondissements les plus pauvres d’Angleterre qui le demeurent aujourd’hui encore.
« En termes d’écart de richesse entre les plus riches et les plus pauvres, nous avons reculé de vingt-cinq ans à la fin des dix-huit années de thatchérisme », indique le professeur. « L’écart se rapproche du niveau enregistré avant la mise en place de l’État providence au Royaume-Uni, tout au long de la première partie du XXe siècle, qui avait permis une réduction considérable de la pauvreté », poursuit ce dernier.
Une constante apparaît dans les différents rapports publiés sur le sujet au cours des derniers mois : les deux plus forts mouvements d’accroissement des inégalités de l’époque contemporaine ont eu lieu lors de longues périodes de gouvernement conservateur. Ainsi à partir de l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, en 1979, qui « a cassé le consensus de l’après-guerre en mettant en place des politiques néolibérales qui ont augmenté les ressources de la moitié supérieure de la société aux dépens de celles des plus modestes », explique le spécialiste. Puis avec les mesures d’austérité budgétaire déployées en 2010 par David Cameron – qui ont notamment touché les personnes handicapées et les enfants – poursuivies par ses successeurs Theresa May de 2016 à 2019 puis Rishi Sunak depuis 2022.
Insécurité professionnelle
Cette évolution amène son lot de « problèmes déjà visibles pendant les époques victorienne et édouardienne (ndlr : 1837 à 1914), poursuit David Gordon – des niveaux de criminalité et de maladie élevés, une société moins cohésive. »
Le Centre for Social Justice les traite dans le détail dans son rapport et place l’accent sur le monde du travail, central dans l’accroissement de la pauvreté. Depuis 2000, 20 à 25% des travailleurs disent ainsi ressentir une insécurité professionnelle à la suite du développement de l’auto-entrepreneuriat et des contrats « zéro heure » – qui n’assurent aucune heure de travail hebdomadaire et donc aucun revenu. Mais aussi en raison de la détérioration des conditions de travail ainsi que du remplacement de nombreux emplois industriels « qualifiés, sûrs et souvent bien rémunérés » par des postes dans les services, non qualifiés et moins bien payés.
Des #salaires insuffisants
En septembre 2023, « 38% des bénéficiaires d’aides sociales avaient un emploi, ce qui signifie que leurs #revenus ne sont pas suffisants [pour vivre] sans le soutien du système d’#aide_sociale », confirme le rapport.
David Gordon rappelle que « c’était déjà le cas lors de la première véritable enquête sur la pauvreté réalisée dans les années 1880 par Charles Boothe : la pauvreté est largement due à des revenus bas ». Le directeur du Bristol Poverty Institute rappelle que, à l’époque déjà, les politiciens ne voulaient pas croire à ses découvertes, certains que le comportement des plus pauvres – en l’occurrence l’alcoolisme ou la dépendance à la drogue – était la cause principale de leurs difficultés.
▻https://www.tdg.ch/explosion-des-inegalites-a-londres-le-royaume-uni-plonge-dans-une-pauvrete-histo
#inégalités #Londres #UK #Angleterre #statistiques #chiffres
Le dessous des images. Derniers instants avant le naufrage
Au large de la Grèce, une équipe de garde-côtes survole et capture cette scène depuis un hélicoptère. Des centaines de migrants appellent au secours depuis un chalutier. La plupart ne survivront pas au naufrage. Mais à quoi a servi cette image ? Présenté par Sonia Devillers, le magazine qui analyse les images de notre époque.
Ce cliché du 13 juin 2023 est repris dans toute la presse internationale. Les autorités grecques ont photographié ce bateau de pêche qu’ils savent bondé et fragile, et dont les passagers sont affamés et déshydratés. Pourtant, ils ne seront pas capables de les secourir. La responsabilité des garde-côtes sera mise en cause par médias et ONG. Arthur Carpentier, journaliste au Monde et coauteur d’une enquête sur ce naufrage, nous explique en quoi les images ont permis de reconstituer le drame. Le chercheur suisse Charles Heller nous aide à comprendre l’impact médiatique, politique et symbolique des images de migrants et de naufrages en Méditerranée.
▻https://www.arte.tv/fr/videos/110342-133-A/le-dessous-des-images
Citation de #Charles_Heller :
« Ces #images cristallisent toutes les #inégalités et les #conflits du monde dans lequel on vit. Elles nous disent aussi la #normalisation de la #violence des #frontières, sur la large acceptation de dizaines de milliers de #morts aux frontières européennes, et en #Méditerranée en particulier »
#naufrage #migrations #réfugiés #mer #Méditerranée #mer_Méditerranée #Grèce #reconstruction #Pylos #géolocalisation #architecture_forensique #images #mourir_en_mer #morts_en_mer #garde-côtes #Frontex #reconstitution #SAR #mer_Egée #border_forensics #domination #imaginaire #invasion #3_octobre_2013 #émoi #émotions #normalisation_de_la_violence
ping @reka
Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »
Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.
Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.
Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).
Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?
Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.
En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?
« Israël mène une #guerre_totale à une population civile »
Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.
Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?
La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.
Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.
L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».
Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie
Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.
Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.
Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?
C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.
Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.
La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.
« Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »
À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.
Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?
Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.
« Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »
Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.
Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?
Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.
▻https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
#agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie
« En sociologie, la prise en compte du ressenti peut aider à identifier les inégalités les plus critiques », Nicolas Duvoux
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/20/en-sociologie-la-prise-en-compte-du-ressenti-peut-aider-a-identifier-les-ine
La sociologie ne peut prétendre à la neutralité, puisqu’elle est une science étudiant la société au sein de laquelle elle émerge. Elle est prise dans les divisions et conflits sociaux, elle met au jour des formes de contrainte et de domination auxquelles elle ne peut rester indifférente. De quel côté penchons-nous ?, demandait à ses pairs le sociologue américain Howard Becker, dans un texte majeur (« Whose Side Are We on ? », Social Problems, 1967). Cependant, cette discipline n’a pas vocation à se substituer à la politique et aux choix collectifs qui relèvent du débat public. La contribution qu’elle peut apporter est de formuler un diagnostic aussi précis que possible sur les dynamiques sociales et la différenciation de leurs effets selon les groupes sociaux.
L’inflation et la hausse des prix alimentaires très forte depuis l’année 2022 affectent beaucoup plus durement les ménages modestes. Ceux-ci consacrent en effet une part plus importante de leurs revenus à ce poste de consommation. Le relever revient à formuler un constat objectif. De même, la hausse des taux d’intérêt immobiliers exclut davantage de l’accès à la propriété les ménages sans apport (plutôt jeunes et de milieux populaires) que les autres. Il y va ainsi des évolutions de courte durée, mais aussi de celles de longue durée : le chômage touche plus fortement les moins qualifiés, les ouvriers et employés, même s’il n’épargne pas les cadres, notamment vieillissants ; la pauvreté touche davantage les jeunes, même si elle n’épargne pas les retraités.
Formuler un diagnostic suppose d’éviter deux écueils qui se répondent et saturent un débat public fait d’oppositions, voire de polarisation, au détriment d’une compréhension de l’état de la société. La littérature du XIXe siècle – comme les sciences sociales avec lesquelles elle a alors partie liée – a souvent oscillé entre d’un côté une représentation misérabiliste du peuple, en soulignant la proximité des classes laborieuses et des classes dangereuses, et de l’autre une vision populiste qui exalte les vertus des classes populaires. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron l’ont montré dans un livre qui a fait date (Le Savant et le Populaire, Gallimard, 1989). De la même manière, le débat public semble aujourd’hui osciller entre un optimisme propre aux populations favorisées économiquement et un catastrophisme des élites culturelles.
Cruel paradoxe
Pouvoir envisager l’avenir de manière conquérante vous place du côté des classes aisées ou en ascension. Cette thèse a un enjeu politique évident : le rapport subjectif à l’avenir nous informe sur la position sociale occupée par un individu et non sur sa représentation de la société. Pour ne prendre qu’un exemple, sur la fracture entre les groupes d’âge, on n’est guère surpris qu’en pleine période inflationniste le regain de confiance en son avenir individuel soit le privilège quasi exclusif [d’un %] des seniors. Il faut être déjà âgé pour penser que l’on a un avenir, cruel paradoxe d’une société qui fait porter à sa jeunesse le poids de la pauvreté et de la précarité de l’emploi, au risque de susciter une révolte de masse.
Peut-être est-ce un signe de l’intensité des tensions sociales, nombre d’essais soulignent le décalage entre la réalité d’une société où les inégalités sont relativement contenues et le pessimisme de la population. Les dépenses de protection sociale sont parmi les plus élevées du monde, sinon les plus élevées. En conséquence de ces dépenses, les Français jouissent d’un niveau d’éducation, d’égalité et d’une sécurité sociale presque sans équivalent. Ces faits sont avérés.
Mais le diagnostic ne se borne pas à ce rappel : les données objectives qui dressent le portrait d’une France en « paradis » sont, dans un second temps, confrontées à l’enfer du « ressenti », du mal-être, du pessimisme radical exprimé par les Français, souvent dans des sondages. Ainsi, dans « L’état de la France vu par les Français 2023 » de l’institut Ipsos, il apparaît que « 70 % des Français se déclarent pessimistes quant à l’avenir de la France ». Les tenants de la vision « optimiste », qui se fondent sur une critique du ressenti, tendent à disqualifier les revendications de redistribution et d’égalité.
Or l’écart entre le « ressenti » et la réalité objective des inégalités peut être interprété de manière moins triviale et surtout moins conservatrice. Cet écart peut être travaillé et mis au service d’un diagnostic affiné de la situation sociale, un diagnostic qui conserve l’objectivité de la mesure tout en se rapprochant du ressenti.
Une autre mesure de la pauvreté
La notion de « dépenses contraintes » en porte la marque : ce sont les dépenses préengagées, qui plombent les capacités d’arbitrage des ménages, notamment populaires, du fait de la charge du logement. Entre 2001 et 2017, ces dépenses préengagées occupent une part croissante du budget, passant de 27 % à 32 %, selon France Stratégie. « Le poids des dépenses préengagées dans la dépense totale dépend d’abord du niveau de vie. Il est plus lourd dans la dépense totale des ménages pauvres que dans celle des ménages aisés, et l’écart a beaucoup augmenté entre 2001 (6 points d’écart) et 2017 (13 points d’écart). »
Cette évolution et le renforcement des écarts placent de nombreux ménages – même s’ils ne sont pas statistiquement pauvres – en difficulté. La volonté de rapprocher « mesure objective » et « ressenti » permet de prendre une tout autre mesure de la pauvreté, qui double si l’on prend en compte le niveau de vie « arbitrable » , soit le revenu disponible après prise en compte des dépenses préengagées.
De ce point de vue, l’équivalent du taux de pauvreté, c’est-à-dire la part des personnes dont le revenu arbitrable par unité de consommation est inférieur à 60 % du niveau de vie arbitrable médian, s’établissait à 23 % en 2011, selon des travaux réalisés par Michèle Lelièvre et Nathan Rémila pour la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Ce chiffre atteint même 27 % si l’on prend en compte les dépenses peu compressibles, comme l’alimentation. Comparativement, le taux de pauvreté tel qu’on le définit traditionnellement se fixait en 2011 à 14,3 %. L’augmentation de la fréquentation des structures d’aide alimentaire témoigne des difficultés croissantes d’une part conséquente de la population.
Le parti du catastrophisme
L’optimisme empêche de penser les réalités dans toute leur violence et d’identifier les remèdes qui conviennent le mieux à ces maux. Le catastrophisme doit également être évité. Il a tendance à accuser exclusivement les super-riches dans la genèse des maux sociaux, en mettant en avant une explosion des inégalités démentie par les faits, si l’on exclut le patrimoine et la forte augmentation de la pauvreté dans la période post-Covid-19. En prenant le parti du catastrophisme, la sociologie, et avec elle la société, s’exonérerait d’un travail de fond.
Un certain nombre de points soulignés par ceux qui critiquent le pessimisme restent vrais. La société française a connu une relative mais réelle démocratisation de l’accès à des positions privilégiées. Les postes d’encadrement n’ont cessé d’augmenter en proportion de la structure des emplois, une partie non négligeable de la population – y compris au sein des catégories populaires – a pu avoir accès à la propriété de sa résidence principale, a pu bénéficier ou anticipe une augmentation de son patrimoine. Les discours sur la précarisation ou l’appauvrissement généralisés masquent la pénalité spécifique subie par les groupes (jeunes, non ou peu qualifiés, membres des minorités discriminées, femmes soumises à des temps partiels subis, familles monoparentales) qui sont les plus affectés et qui servent, de fait, de variable d’ajustement au monde économique. Le catastrophisme ignore ou feint d’ignorer les ressources que les classes moyennes tirent du système éducatif public par exemple.
Le catastrophisme nourrit, comme l’optimisme, une vision du monde social homogène, inapte à saisir les inégalités les plus critiques et les points de tension les plus saillants, ceux-là mêmes sur lesquels il faudrait, en priorité, porter l’action. La prise en compte du ressenti peut aider à les identifier et à guider le débat et les décideurs publics, à condition de ne pas entretenir de confusion sur le statut des informations produites, qui ne se substituent pas aux mesures objectives, mais peuvent aider à les rapprocher du sens vécu par les populations et ainsi à faire de la science un instrument de l’action.
Nicolas Duvoux est professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, auteur de L’Avenir confisqué. Inégalités de temps vécu, classes sociales et patrimoine (PUF, 272 pages, 23 euros).
voir cette lecture des ressorts du vote populaire RN depuis les années 2000
►https://seenthis.net/messages/1027569
#sociologie #inflation #alimentation #aide_alimentaire #dépenses_contraintes #revenu_arbitrable #revenu #pauvreté #chômage #jeunesse #femmes #mères_isolées #précarité #taux_de_pauvreté #patrimoine #inégalités #riches #classes_populaires
]]>🟥 Egalité climatique : une planète pour les 99% - Oxfam France
À quelques jours de la COP28, Oxfam publie un nouveau rapport sur les inégalités climatiques dans le monde. Ce rapport révèle que les 1% les plus riches émettent plus de CO2 que les deux tiers les plus pauvres de l’humanité soit 5 milliards de personnes.
Alors que les individus, les entreprises et les pays les plus riches continuent de détruire la planète, les personnes les plus pauvres, celles qui sont les plus marginalisées, sont parallèlement les plus durement touchées par la crise climatique.
#écologie #planète #pollution #CO2 #riches #pauvreté #inégalités #dérèglementclimatique #inégalitésclimatiques
►https://www.oxfamfrance.org/rapports/egalite-climatique-une-planete-pour-les-99
Les paysannes du Sud, premières victimes de la crise climatique
Lorsque le changement climatique affecte l’agriculture, les femmes en deviennent d’autant plus vulnérables. Une situation particulièrement marquée dans des pays d’Afrique et d’Asie, montrent des chercheurs.
Le changement climatique affecte l’agriculture et rend les petits paysans plus vulnérables, surtout dans les pays à bas et moyens revenus. Et ces vulnérabilités touchent particulièrement les femmes. Une carte du monde permet dorénavant de s’en rendre compte en un coup d’œil, grâce au travail réalisé par des chercheurs, publié le 16 novembre dans la revue Frontiers in Sustainable Food Systems (Les Frontières dans les systèmes alimentaires durables : ▻https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2023.1197809/full#SM1).
L’équipe internationale de scientifiques s’est employée à collecter de nombreuses données d’études hétérogènes et antérieures traitant de trois facteurs clés :
- Les dangers climatiques pour les systèmes agroalimentaires (sécheresses, inondations, baisse des rendements agricoles, etc.) ;
– Le niveau d’exposition des hommes et des femmes à ces dangers ;
- La vulnérabilité des hommes et des femmes exposés à ces catastrophes climatiques.
Ils ont ensuite combiné ces facteurs pour bâtir un index et identifier par des cartes les points chauds de ces « inégalités de genre-agriculture-climat ».
Sur un total de 87 pays à bas et moyens revenus analysés par les chercheurs, en Amérique latine, en Asie et en Afrique, il ressort que les femmes les plus exposées et vulnérables se trouvent dans les régions sud, est et centrale de l’Afrique ainsi que dans l’ouest et le sud de l’Asie.
De plus en plus documentées par la recherche, les inégalités de genre face au changement climatique, et plus particulièrement dans le cadre des systèmes agroalimentaires, s’expriment de différentes manières. D’une part parce que les femmes et les hommes ne sont pas soumis aux mêmes risques climatiques. D’autre part parce que, même face à un même risque, les femmes se trouvent souvent être plus vulnérables.
En termes d’exposition aux risques, les chercheurs soulignent notamment que les contextes socioéconomiques et normes culturelles propres à chaque région entraînent une différenciation des rôles agricoles : les femmes travaillent en plus grande proportion que les hommes sur certains types de cultures.
Un moindre accès aux ressources
Dans le nord du Bangladesh, par exemple, les femmes ont un rôle majeur dans la culture du riz et de plus en plus dans la gestion des fermes. Notamment à cause de l’émigration croissante des hommes, de plus en plus pratiquée en réponse au changement climatique.
À cela s’ajoute une plus grande vulnérabilité des femmes, liée à leur moindre accès aux ressources : leur statut social souvent défavorable, le manque d’éducation, leur manque d’accès aux informations pour anticiper les catastrophes et pour travailler à des systèmes plus résilients, leur moindre accès à la possession des terres et des compétences, les empêchent d’affronter les catastrophes dans de bonnes conditions.
Le manque d’accès des femmes au capital et à la propriété, source de moindres capacités d’adaptation, s’explique aussi par les inégalités dans la rétribution du travail, les femmes n’étant pas ou moins bien payées que les hommes, dans des contextes climatiques aggravant parfois cet état de fait.
Les cultivatrices de riz du nord du Bangladesh, par exemple, subissent doublement l’émigration climatique des hommes puisqu’elles se retrouvent à la fois seules aux champs et pour le travail domestique. Pour un temps de travail similaire au Bangladesh, les femmes passent 86 % de leur temps de travail affairées à des activités domestiques non rétribuées, contre 25 % du temps pour les hommes.
Les normes sociales patriarcales finissent de désavantager les femmes lorsqu’il s’agit d’être promptes à s’adapter aux risques. Au Burundi, illustrent les chercheurs, les hommes adaptent plus rapidement que les femmes leurs cultures de bananes aux risques de maladies et mettent en place davantage de techniques innovantes, grâce à leur meilleur accès à l’information ainsi qu’à des groupes de formation des agriculteurs. En Ouganda, au Ghana ou au Bangladesh, ce sont également les normes et pratiques socioculturelles qui restreignent l’accès des femmes aux programmes de formation.
Indépendamment des conséquences pour les paysannes sur leurs cultures en tant que telles, les inégalités de genre inhérentes au changement climatique pèsent également directement sur le corps des femmes. Après la survenue de catastrophes naturelles, les femmes et les filles sont ainsi plus sujettes à la faim que les hommes, indiquent les auteurs. « En Inde, par exemple, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes à moins manger après une sécheresse », écrivent-ils.
Les femmes ont en outre plus de risques d’être tuées lors de catastrophes naturelles, en partie, selon la littérature scientifique, en raison de leur moindre accès à l’information, aux abris et aux outils leur permettant de prendre les bonnes décisions dans les moments critiques.
À cette violence sociale s’ajoute une violence plus frontale, les cas de trafic d’êtres humains, d’esclavage sexuel et d’autres violences genrées s’accroissant après des catastrophes naturelles.
Au sein des régions asiatiques et africaines les plus fortement concernées par ces inégalités, les scientifiques ont appliqué plus en détail leur méthodologie à 4 pays : le Mali, la Zambie, le Bangladesh et le Pakistan, mettant en exergue des différences structurelles dans la manière dont se mettaient en place ces inégalités.
« Pour les deux pays d’Asie, les forts dangers climatiques et l’exposition des femmes paysannes à ces dangers sont les facteurs principaux, tandis que pour les deux pays africains, les inégalités structurelles jouent un rôle plus important », analyse dans un communiqué l’autrice principale de l’étude, Els Lecoutere, chercheuse au sein du partenariat international CGIAR, à la Gender impact platform au Kenya.
Investir contre les inégalités structurelles
La carte confectionnée par les auteurs reste incomplète et souffre de diverses lacunes. Plusieurs pays à faibles revenus, susceptibles d’être hautement concernés par cet indice d’inégalité de genre-agriculture-climat, sont notamment absents de leur travail, faute de données disponibles.
Pour autant, les chercheurs espèrent avec cet outil inciter les décideurs politiques à prendre à bras-le-corps cette question des inégalités de genre, fondamentale dans l’adaptation au changement climatique. Sur les « points chauds » identifiés sur la carte, l’adaptation des systèmes agroalimentaires vers des modèles justes et durables « ne dépendra pas seulement de la capacité à réduire les inégalités de genre dans les systèmes agroalimentaires mais aussi à éviter qu’ils ne s’aggravent », souligne l’étude.
« Un autre moment clé pour utiliser les résultats de notre étude sera la COP28 à venir et les négociations en cours autour du fond pour les pertes et dommages, et des autres investissements climatiques », dit encore Els Lecoutere. À bon entendeur.
▻https://reporterre.net/Agriculture-une-carte-revele-les-inegalites-femmes-hommes-face-au-climat
#paysannerie #agriculture #femmes #climat #changement_climatique #genre #inégalités #vulnérabilité #accès_aux_ressources #monde #inégalités_structurelles
Comment l’austérité paralyse l’université
[Rentrée sous tension à la fac] Pour dénoncer leur manque de #reconnaissance, des enseignants démissionnent de leurs #tâches_administratives, alors que le projet de loi de finances 2024 risque d’aggraver les difficultés financières de l’université.
Les présidents d’université l’ont mauvaise. La raison ? Le #projet_de_loi_de_finances (#PLF) 2024, qui n’est pas à la hauteur des besoins de leurs établissements. Déjà fortement impactées par la hausse des prix en général et des coûts de l’énergie en particulier, les universités vont en effet devoir financer pour 2023 et 2024 une partie de la hausse des #salaires décidée en juin par le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini. « Une très mauvaise nouvelle », a réagi France Universités dans un communiqué du 19 octobre :
« Pour les universités, cela signifie qu’elles devront financer 120 millions d’euros [sur un coût total d’environ 400 millions d’euros, NDLR], soit par prélèvement sur leurs fonds de roulement, soit par réduction de leur campagne d’emplois. Cela équivaut à 1 500 #emplois de maîtres de conférences en moins, non ouverts au recrutement, dénonce l’association, qui fédère l’ensemble des présidents d’universités. Encore une fois, les universités font les frais de la #politique_budgétaire du gouvernement qui considère l’#enseignement_supérieur et la #recherche comme une variable d’ajustement et non comme un investissement en faveur de la jeunesse », ajoute le communiqué.
La situation est, il est vrai, particulièrement difficile, avec de nombreuses universités au #budget_déficitaire ou en passe de le devenir. Et un gouvernement qui n’entend rien leur concéder.
Chute de la dépense par étudiant
Début septembre, #Emmanuel_Macron expliquait, dans un échange avec le Youtubeur Hugo Travers, qu’il n’y avait « pas de problème de moyens » dans l’enseignement supérieur public, dénonçant une forme de « #gâchis_collectif » puisque, à ses yeux, il y aurait « des formations qui ne diplôment pas depuis des années » et d’autres qui se maintiennent « simplement pour préserver des postes d’enseignants ».
Dans la foulée, la ministre #Sylvie_Retailleau, exigeait de libérer leurs #fonds_de_roulement – cet « argent public qui dort » d’après elle – estimés à un milliard d’euros, et qui permettrait de financer une partie des mesures en faveur du pouvoir d’achat des #fonctionnaires décidées cet été. Seulement, arguent les chefs d’établissements, ces fonds sont destinés aux rénovations énergétiques des bâtiments ou aux équipements de laboratoires de recherches.
Déjà peu élevée par rapport aux autres pays d’Europe, la #dépense_par_étudiant décroche en réalité nettement depuis 2010. À l’université, le nombre d’inscrits a augmenté de 25 %, et le budget d’à peine 10 %. Le nombre d’enseignants a, lui, baissé de 2 %.
« Pour retrouver les #taux_d’encadrement de 2010, il faudrait créer 11 000 postes dans les universités », a calculé Julien Gossa, maître de conférences en sciences informatiques à l’université de Strasbourg et fin observateur des questions liées à l’enseignement supérieur.
Dans le détail, ces chiffres masquent des #inégalités : tous les établissements ne sont pas dotés de la même manière. Difficile d’obtenir des données officielles à ce sujet, mais celles produites par Julien Gossa révèlent des écarts allant parfois du simple au double.
A L’université de Créteil, qui a vu ses effectifs exploser ces dernières années et devrait atteindre un #déficit de 10 millions d’euros cette année, l’Etat débourse en moyenne 6 750 euros par étudiant. À Aix-Marseille, le montant s’élève à 10 000 euros. À la Sorbonne, celui-ci est de 13 000 euros, soit presque deux fois plus qu’à Nantes (7 540 euros). Et largement plus qu’à Nîmes (5 000 euros). « Ces grandes différences ne peuvent s’expliquer uniquement par des frais de structures », souligne Hervé Christofol, membre du bureau national du Snesup-FSU.
La #concurrence s’est aggravée en 2007 avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (#LRU). Réforme majeure du quinquennat de #Nicolas_Sarkozy, elle a transféré aux établissements universitaires la maîtrise de leurs budgets, et de leurs #ressources_humaines, qui revenait jusqu’ici à l’Etat.
« On nous a vendu l’idée selon laquelle les universités seraient plus libres de faire leurs propres choix en s’adaptant à leur territoire. Mais en réalité, le gouvernement s’est tout simplement déresponsabilisé », tance Julien Gossa.
Manque de profs titulaires
Concrètement, pour fonctionner à moyens constants, les présidents d’universités sont contraints de mener des politiques d’austérité. Conséquences : les #recrutements d’#enseignants_titulaires sont gelés dans plusieurs universités, comme à Créteil, et celles et ceux en poste accumulent les #heures_supplémentaires.
En 2022, le nombre d’ouvertures de postes de maîtres de conférences a augmenté de 16 %, mais cela ne suffit pas à rattraper la stagnation des dernières années. Le Snesup-FSU, syndicat majoritaire, avait d’ailleurs identifié la date du 26 janvier comme le « #jour_du_dépassement_universitaire », autrement dit le jour à compter duquel les titulaires ont épuisé les heures correspondant à leurs obligations de service pour l’année en cours.
Au-delà, tous les enseignements sont assurés en heures supplémentaires, ou bien par le recrutement de #contractuels ou #vacataires – des #contrats_précaires qui interviennent de façon ponctuelle, sans que l’université ne soit leur activité principale. Les syndicats estiment qu’ils sont entre 100 000 et 130 000. Leur #rémunération : à peine 40 euros bruts de l’heure, contre environ 120 euros bruts pour un titulaire.
Les problématiques de rémunération ont d’ailleurs créé la pagaille lors de la rentrée dans un certain nombre d’universités. À Paris-Est-Créteil, les étudiants de première année de la filière sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) ont vu leur rentrée décalée de deux semaines. Puis les cours ont démarré, mais dans une situation pour le moins dantesque : pas préparés en amont, les groupes de TD ont été créés dans la panique par des agents administratifs déjà débordés… Sans tenir compte des options souhaitées par les étudiants.
Une quinzaine d’enseignants ont en effet démissionné d’une partie de leurs responsabilités : ils continuent d’assurer leurs cours, mais refusent d’effectuer leurs tâches administratives ou pédagogiques non statutaires pour dénoncer ce qu’ils qualifient d’un « manque de reconnaissance » de l’État. À Rouen, ils sont 57 à en avoir fait de même. Même son de cloche à l’IUT Sciences de gestion de l’Université de Bordeaux, ou à celui de Chimie d’Aix-Marseille.
« Cela impacte tout le monde, insiste Gabriel Evanno, représentant du bureau des élèves de Staps à Créteil. Pour l’instant, nous ne savons même pas si les partiels de cet hiver pourront avoir lieu puisqu’il n’y a plus de surveillants d’examens. Nous ne savons pas non plus qui sera en mesure de signer nos conventions de stages étant donné que les enseignants qui étaient en mesure de le faire n’y sont plus habilités depuis leurs démissions de ces tâches. »
L’étudiant soutient, malgré tout, la protestation des enseignants.
Mobilisations des « ESAS »
Ces #démissions_massives sont le fruit d’une #mobilisation démarrée il y a un an à l’initiative du collectif 384 regroupant près de 2 000 enseignants au statut particulier, les #enseignants_du_secondaire_affectés_dans_le_supérieur (#ESAS) : des professeurs agrégés, d’autres certifiés, d’autres issus de lycées professionnels. Au nombre de 13 000, ces enseignants se trouvent majoritairement dans les instituts universitaires de technologie (IUT), les filières Staps ou les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).
Toutes et tous assurent 384 heures de cours par an, soit deux fois plus que les enseignants-chercheurs, sans compter le suivi des étudiants.
Or, début 2022, un nouveau système de #primes pouvant atteindre d’ici 2027 6 400 euros par an a été mis en place, pour inciter à prendre en charge des tâches administratives et pédagogiques. Le problème, c’est qu’il a été réservé aux enseignants-chercheurs, alors même que les ESAS remplissent tout autant ce genre de missions.
« En plus de nos heures de cours, nous assurons depuis longtemps des missions non statutaires, parfois délaissées par les enseignants-chercheurs : le suivi des stages, le recrutement des étudiants, ou encore l’élaboration des emplois du temps, énumère Nicolas Domergue, porte-parole du collectif et enseignant à l’IUT du Puy-en-Velay. Le tout pour la somme ridicule de 600 euros par an. On est surinvestis, et pourtant oubliés au moment des réformes. »
Pour Guillaume Dietsch, enseignant en Staps de l’Université de Paris-Est-Créteil et « démissionnaire », cette exclusion des primes a été « la goutte d’eau de trop. Cette injustice a été perçue de façon symbolique comme un manque de reconnaissance plus large de notre travail. »
Le Ministère de l’enseignement supérieur avait d’abord justifié cette différence de traitement par l’absence de mission de recherche des enseignants issus du second degré, avant de chercher un moyen de stopper la vague des démissions. Pour calmer la grogne, début septembre, le Ministère a débloqué 50 millions d’euros afin de revaloriser la prime des ESAS qui passera à 4 200 euros en 2027. Ce qui fait toujours 2 200 euros de moins que celle accordée aux enseignants-chercheurs.
« Contrairement à ce que ce procédé laisse entendre, nous pensons que la formation des futurs actifs doit être reconnue au même niveau que la recherche », rétorque Nicolas Domergue.
Au-delà de cette question de prime, se joue une autre bataille : celle de l’évolution de carrière. De par leur statut hybride, ces enseignants sont pris en étau entre deux ministères, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui de l’éducation nationale.
« Notre carrière est quasiment à l’arrêt dès que l’on quitte le secondaire, regrette Céline Courvoisier, membre du collectif 384 et professeure agrégée de physique à l’IUT d’Aix-Marseille. Nous ne sommes plus évalués par le rectorat au motif que nous travaillons dans le supérieur. »
Ces enseignants sont, de fait, exclus des primes dont peuvent bénéficier leurs collègues dans les collèges ou les lycées. Pour eux, c’est la double peine quand les effets de l’austérité budgétaire s’ajoutent à leur insuffisante reconnaissance salariale. Ainsi, depuis 2021, les IUT se font désormais en trois ans au lieu de deux auparavant.
« Nous avons dû monter une troisième année à coûts constants alors que cela nécessite nécessairement des embauches, des salles… Comment est-ce possible ? », interroge Céline Courvoisier.
Surtout, a-t-on envie de se demander, combien de temps cette situation va-t-elle pouvoir durer ?
▻https://www.alternatives-economiques.fr/lausterite-paralyse-luniversite/00108494
]]>Émeutes urbaines et #politique_de_la_ville
▻https://metropolitiques.eu/Emeutes-urbaines-et-politique-de-la-ville.html
Alors que la Première ministre vient d’annoncer une série de mesures sécuritaires et financières, le géographe Guy Burgel revient sur l’interprétation des #émeutes de l’été 2023. Il propose une refonte de la politique de la ville, à recentrer sur les mesures sociales et non urbanistiques, et en particulier sur la question scolaire. Octobre 2023. Quatre mois à peine après le séisme social qui a ébranlé la France, l’émeute urbaine paraît oubliée par des médias, accaparés par la tragédie du terrorisme et de la #Débats
/ #banlieue, émeutes, politique de la ville, #inégalités, #rénovation_urbaine
]]>Changer de boussole. La croissance ne vaincra pas la pauvreté
« En tant que moyen de lutter contre la pauvreté et les #inégalités, la #croissance_économique a franchi le pic de son utilité : dans les pays riches, elle est devenue contre-productive.
Elle nous a conduit à franchir une série de limites planétaires : la Terre ne peut plus continuer à fournir des ressources à ce rythme, ni à absorber les déchets et la pollution causés par notre culture du jetable et notre désir infini de consommer. Mais la quête de croissance a aussi conduit à augmenter les inégalités et l’#exclusion_sociale. Au nom de cette quête, on a flexibilisé le #marché_du_travail, et on a encouragé l’émergence d’un #précariat_mondial. On a abaissé les obstacles aux échanges commerciaux et à l’investissement, ce qui a fragilisé les travailleurs et travailleuses les moins qualifiés et affaibli le pouvoir de négociation des #syndicats. On a encouragé la marchandisation de pans entiers de l’existence, au risque d’augmenter encore la mise à l’écart de celles et ceux qui ont le moins.
Depuis quarante ans, la quête de croissance a ainsi créé de l’exclusion, et elle a conduit à une augmentation massive des inégalités. Il nous faut autre chose : il nous faut imaginer la #prospérité sans croissance. C’est à cette condition qu’on pourra réconcilier la population, y compris les plus précarisés, avec la #transformation_écologique : faire en sorte que celle-ci soit vue comme une opportunité plutôt que comme un fardeau. »
▻http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Changer_de_boussole-9791020924889-1-1-0-1.html
#livre #pauvreté #croissance #travail
To reduce inequalities in research evaluation, give researchers a universal basic income for research impact
As the review of REF2021 begins, Mark Reed proposes that rather than allocating impact funding to a small number of high performing institutions, funding should be allocated more broadly to individual researchers. He argues that not only would this limit the over-concentration of resources in particular institutions, but would also benefit the wider culture of research impact by limiting zero-sum competition between institutions for impact and enabling researchers to pursue, or choose not to pursue, more intrinsically motivated forms of research impact.
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The link between research assessment and funding allocations has created perceived and real conflicts of interest for researchers seeking to generate impact, and is at the root of many of the negative unintended consequences of the impact agenda in the UK. A majority (57%) of UK academics hold negative attitudes towards REF, feel pressured to meet REF targets (54%), and think that their creativity is being stifled due to research being driven by an impact agenda (75%). But, few have opinions about what should replace REF.
Other countries are following in the UK’s footsteps as they develop their own systems for evaluating the impact of publicly funded research, but none have so far linked scores to funding in quite the same way. They have also not experienced the same level of unintended consequences. One way of resolving this tension would be to weaken the link between impact scores in REF and funding allocations, and thereby reduce extrinsic incentives for impact. Currently funding is “quality rated” so the “best” institutions get most funding, but does this “rich get richer” system simply perpetuate inequality and make it harder for post-1992 institutions to build and retain talent? Do research intensive institutions produce more high-quality research because they have better researchers and facilities? Or, do they out-compete newer Universities in large part because of a system that they have the power and vested interest to maintain? The answer is both.
If the system concentrates resources in a small number of institutions, it will be easier to produce high quality research in those places and they will attract the most ambitious researchers from new universities, who will seek out the advantage that comes with moving to a Russell Group institution. Speaking from experience, when I moved from a post-1992 to a Russell Group institution, I noticed a big jump in my funding success and the number of invitations and opportunities, which had previously passed me by. I was no different, but I was perceived differently. I didn’t want to leave my post-1992 colleagues, but it felt like the only way I could reach the critical mass I was looking for in my research team (now I’ve achieved that, I’ve moved back out of the Russell Group to a specialist college). If resources were spread more equitably, it might be easier to do research in post-1992 institutions, which in turn would be able to invest in their best researchers with less fear that they will be snapped up by their local Russell Group institution as soon as they start bringing in significant research income.
So, here’s an idea (not a new one, but a good one): make funding proportional to the number of research active academics and give them all a universal basic income for their research and impact. I’m not talking about scrapping competitive research funding, but if at least 50% of funding from REF were to go into individual staff accounts, we’d all have equal opportunities to do seed-corn projects, impact, networking and capacity building to prepare us for our next funding bid, and we might have a fairer chance of success. I’ve often been surprised by the creativity and outputs that ECRs get from very small amounts of funding and I think we’d be blown away by the research and impact that could be made possible by universal basic income for researchers. It would also curtail the “projectification” of research, where researchers “are currently hopping from project grant to project grant” instead of conducting “groundbreaking, continuous lines of research”, as the Dutch Academy put it, in its own proposal to the Dutch Government to introduce universal basic income for researchers in The Netherlands (still pending a decision by the Ministry of Education). It would also go some way to paying for the estimated 37% of research in UK Universities that is currently self-funded by researchers and their institutions, often to support REF submissions. If REF funding is meant to build UK research capacity and leadership, why limit it to those who already lead and have most capacity, when we could level up across the sector? The best resourced institutions and teams already have enough advantage to maintain their trajectory without such a change leading to a levelling off for them.
I’m not suggesting there should be no strings attached. Researchers would have to demonstrate they are research active (as they already do in REF), and I think institutions should still have to produce impact case studies underpinned by rigorous research. But those case studies should be graded only for the purposes of choosing which ones to publish publicly, with funding linked to the submission of enough case studies above this quality threshold. I wouldn’t set such a threshold particularly high in terms of the significance and reach of impact; the goal would be to publish a database of impacts that doesn’t include case studies based on questionable research, or that consist of long lists of activities with no evidence of impact (there are many of the latter in the REF2014 database). If an institution doesn’t submit enough case studies above the threshold, then they wouldn’t get their full funding allocation.
By decoupling impact scores from funding, we could also relax rules around where the underpinning research was conducted, or even who it was conducted by, as long as an institution has invested in the generation of impact during the assessment period. Many of the most robust impacts are based on diverse bodies of work and evidence synthesis. This kind of impact work would stand to gain much from a system that encouraged collaboration, rather than competition, between institutions..
I’d make the minimum number per head of staff lower than it is now (though not as low as it is in Australia), but allow institutions to submit as many cases as they wanted, so we celebrate a much wider range of impacts. One of the reasons we’re increasingly narrowing and instrumentalising what we submit to REF is that we are being driven to prioritise case studies we think will make the top grade. If the threshold was lowered for funding (say to 2* or above), institutions would be less risk averse and celebrate many more impacts, empowering those who wish to disengage from impact and enabling others to pursue impact on their own terms based on what inspires and motivates them intrinsically. We would begin to see more of the “unsung impacts” we saw submitted to the recent Fast Track Impact competition of this title, including transformational changes that had limited reach, and we’d discover all the rich impacts arising from public engagement in more applied disciplines that tend to currently only submit easier to measure, more instrumental impacts on things like policy or the economy.
Research assessments like REF present the highly polished tip of an iceberg. I think the public deserve to see the true depth and breadth of that iceberg. And when they do, I think that they too will support the idea of trusting individual researchers with funding, and the creativity that comes from this.
▻https://blogs.lse.ac.uk/impactofsocialsciences/2021/06/21/to-reduce-inequalities-in-research-evaluation-give-researchers-a-univer
#université #recherche #revenu_de_base #revenu_universel #projets_de_recherche #inégalités #impact #compétition #néo-management #néo-libéralisme #université_néolibérale #financement #financement_par_projet
]]>🔴 VIDEO. « Je ne prends qu’un repas par jour » : comment une épicerie solidaire aide des personnes en grande précarité à Poitiers...
"16% des Français ne mangent pas à leur faim..."
Chaque mardi, Sabrina, Laurent, Lucie et Malik se croisent dans un magasin d’alimentation pas comme les autres. Coordonnée par Chloé et animée par des bénévoles impliqués, cette épicerie, qui n’ouvre qu’une fois par semaine, est sociale et solidaire. Elle n’accepte que les clients pour qui manger est devenu un défi au quotidien. Dans ce lieu, la clientèle, fragilisée, se sent considérée et délestée quelques heures durant de la honte liée au manque d’argent et au besoin impérieux de nourriture (...)
#pauvreté #précarité #capitalisme #inégalités #Anticapitalisme
▻https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/video-je-ne-prends-qu-un-repas-par-jour-comment-une-epicerie-solidaire-
Une « approche féministe » du #cancer pourrait sauver la vie de 800 000 femmes par an, selon « The Lancet »
▻https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-vendredi-29-septembre-2023
Les #inégalités sociales entre les #femmes et les hommes entravent les diagnostics précoces et l’accès des femmes aux soins et aux traitements pour le cancer, par manque d’éducation, d’autonomie par l’emploi et donc de pouvoir de décision, dans les sociétés patriarcales. Cette étude du Lancet, également relayée par le Guardian, El Pais et le quotidien Indian Express, montre que « les femmes restent valorisées pour un rôle reproductif et maternel ». L’accent en matière de santé a donc été mis sur les « cancers féminins » – du sein, du col de l’utérus – alors que le cancer du poumon et le cancer colorectal sont parmi les trois principales causes de décès par cancer chez les femmes. En jeu, également, la sous-représentation des femmes dans le secteur de l’oncologie en tant que responsables. Ce n’est pas une coïncidence, selon le Lancet, si la recherche est encore insuffisante sur les causes du cancer du sein, le cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde.
]]>Sans les #services_publics, les #inégalités exploseraient
Une étude de l’#Insee montre à quel point le modèle social français et les services publics, notamment l’#éducation et la #santé, permettent de réduire les inégalités en #France. Et que leur #dégradation s’avérerait désastreuse.
SouventSouvent vilipendés pour le poids trop important qu’ils représentent dans la dépense publique, le modèle social français et les services publics jouent un rôle fondamental dans la baisse des inégalités en France. Une étude de l’Insee publiée le 19 septembre le montre de manière chiffrée.
Pour étayer leur propos, les statisticiens de l’Insee ont développé une approche comptable élargie du système de redistribution français. Ils considèrent d’abord, concernant les prélèvements obligatoires, que « tout impôt prélevé a in fine une contrepartie directe ou indirecte pour les ménages ». Dès lors, ils prennent en compte dans leurs calculs « outre les impôts directs, les autres prélèvements comme les taxes sur les produits et la production ainsi que les cotisations sociales des employeurs et des salariés ».
Et côté versements, l’Insee considère toutes les prestations sociales – retraites, chômage, APL, etc. – mais aussi, et c’est une particularité de son étude, « une valorisation monétaire des services publics » qu’ils soient individualisables – comme l’éducation et la santé – ou collectifs, comme la défense ou la recherche.
Baisse drastique des inégalités
Tout cela pris en compte, l’Insee estime que l’ensemble de ces transferts publics s’élève « à un peu plus de 500 milliards d’euros (25 % du revenu national net en 2019) » et « contribue à une réduction significative des inégalités de revenus ».
Voyez plutôt : avant transferts, les ménages aisés – les 10 % les plus riches – ont un revenu 18 fois plus élevé que celui des ménages pauvres – ceux dont les revenus sont inférieurs à 60 % du niveau de vie médian, soit environ 13 % de la population. Mais après transferts publics, ce rapport n’est plus que de… 1 à 3.
Autres chiffres : en 2019, et toujours en prenant en compte l’approche de redistribution élargie de l’Insee, 57 % des personnes recevaient plus qu’ils ne versaient à la collectivité. Cette part de bénéficiaires nets de la redistribution élargie s’élève à 85 % parmi les 30 % les plus modestes et, à l’inverse, à 13 % parmi les 5 % les plus aisés. Preuve que le système redistributif, s’il est loin d’être parfait, remplit une partie de sa mission.
Quels sont les principaux facteurs explicatifs de cette baisse des inégalités ? Principalement « l’ampleur des dépenses en santé et d’éducation » qui explique plus de 50 % de la réduction des inégalités ; ainsi que les minima sociaux ciblés sur les plus modestes, qui pèsent 40 % de la baisse, répond l’Insee.
Les dépenses de santé, d’abord, réduisent les inégalités du fait « des montants plus importants de remboursements de santé en direction des plus modestes, liés à un état de santé plus dégradé de cette partie de la population », dit l’Insee.
Les dépenses d’éducation, ensuite, bénéficient de la même manière aux ménages ayant des enfants scolarisés indépendamment de leurs revenus, donc « elles contribuent à réduire la différence relative de revenus ». Par ailleurs, « les ménages ayant des enfants en âge d’être scolarisés (ou à leur charge) se retrouvent plus souvent dans le bas de la distribution du niveau de vie [...] en premier lieu les familles monoparentales » qui bénéficient donc plus en part de leurs revenus « du service rendu par l’éducation », ce qui tend à réduire les inégalités.
Enfin, précise l’Insee, les prestations sociales en espèces – hors retraites – jouent un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté : « Les minima sociaux et allocations logement sont en effet ciblés sur les 30 % des personnes les plus modestes et décroissent fortement avec les revenus. »
En plus des plus modestes, des familles avec enfants et des ménages les moins diplômés, une autre catégorie de population bénéficie fortement de la redistribution en France : les retraités. Environ 90 % des individus appartenant à un ménage dont la personne de référence est âgée de 65 ans ou plus voient leur niveau de vie augmenter grâce au système de redistribution élargie, nous dit l’Insee.
S’ils bénéficient moins des dépenses d’éducation que les autres ménages car ils n’ont pour la plupart plus d’enfant scolarisé, en revanche ils sont les principaux destinataires des dépenses de santé et du système de retraite par répartition.
Un système fiscal injuste
Mais il demeure toutefois d’importants trous dans la raquette du système de redistribution en France. Et ce, principalement concernant le système fiscal qui, précise l’Insee, tend à augmenter légèrement les inégalités.
Cela est dû à deux choses : d’abord à l’effet dégressif avec les revenus des taxes sur les produits et sur la production, qui pénalisent les plus modestes. L’exemple le plus connu est celui de la TVA dont le taux sur les produits dans les rayons des supermarchés s’applique de la même manière au consommateur au Smic qu’à l’ultrariche. C’est également le cas avec les impôts indirects sur l’alcool, le tabac et les carburants.
Hélas, dit l’Insee, l’effet de ces taxes inégalitaires n’est pas compensé totalement par l’effet progressif des impôts sur le revenu et le patrimoine.
L’autre raison au caractère injuste du système fiscal français tient à la sous-taxation des plus riches : au sein des 10 % les plus aisés, explique l’Insee, le profil des prélèvements décroît en part du revenu, principalement en raison d’une hausse de l’épargne, qui n’est pas imposée au moment de sa constitution, et des revenus du patrimoine, qui sont moins soumis aux cotisations sociales que les salaires.
Besoins de services publics
En somme, faute de système fiscal efficace, heureusement que le modèle social et les services publics sont là pour compenser, grâce aux transferts publics, les effets inégalitaires de l’économie de marché. Il est toujours bon de le rappeler à quelques jours de l’ouverture des débats budgétaires sur la prochaine loi de finances, durant lesquels la vision comptable de l’économie l’emporte souvent sur l’intérêt général.
D’autant que la qualité des services publics au regard des besoins tend à se dégrader. Une étude récente du collectif « Nos services publics » montre que sur plusieurs pans de l’action publique – la santé, l’éducation, la justice, les transports, l’environnement... –, les dépenses pour les services publics sont très loin de suivre l’évolution des besoins non pourvus de la population en la matière.
Cela a des conséquences désastreuses : l’augmentation des inégalités, le désamour de la chose publique et la marchandisation de secteurs pourtant considérés comme d’intérêt général. L’exécutif gagnerait à prendre davantage en compte ce constat pour le maintien de la cohésion sociale du pays.
▻https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/200923/sans-les-services-publics-les-inegalites-exploseraient
#statistiques #chiffres
Livre de #Cagé et #Piketty : les #data sont un sport de combat | Mediapart
▻https://www.mediapart.fr/journal/politique/120923/livre-de-cage-et-piketty-les-data-sont-un-sport-de-combat?userid=554f9cc5-
dommage de ne pas parler de la théorie du #bloc_bourgeois de #bruno_amable et #stefano_palombarini, qui étudient ces sujet et avaient identifié une large série de résultats de cette étude il y a plus de 10ans, et dont la primauté n’est rappelé dans aucun média...
]]>🛑 Il manque des professeurs dans la moitié des établissements secondaires - Contre Attaque
L’enquête a été réalisée dans 500 établissements par la FSU, le principal syndicat enseignant. Et les chiffres sont accablants : il manque au moins un enseignant dans 48% des collèges et lycées de France métropolitaine. Ce n’est pas l’exception, c’est un système. Dans un établissement public sur deux, des élèves n’ont pas accès à tous leurs cours. C’est une faillite majeure d’un service public censé assurer l’accès à tous à une éducation gratuite et de qualité (...)
#éducation #enseignant #inégalités #GabrielAttal #macronie
▶️ Lire la suite...
▶️ ▻https://contre-attaque.net/2023/09/13/il-manque-des-professeurs-dans-la-moitie-des-etablissements-secondai
QUI EST RESPONSABLE DU DEREGLEMENT CLIMATIQUE ?
Ce graphique est très pédagogique car il permet de visualiser la responsabilité de chaque pays (dont l’UE) qui est le dépassement du seuil d’émission par habitant.
On visualise également le poids de chaque population.
Le mince cercle bleu ce sont les émissions cumulées autorisées, compte tenu de l’effectif de la population, pour limiter le réchauffement à 1,5°.
Le cercle coloré en rouge et jaune, ce sont le CO2 émis accumulé depuis le début de l’ère industrielle (surtout depuis l’après-guerre) par le pays.
Les pays qui ont le plus dépassé les émissions cumulées autorisées sont les États-Unis, l’Union Européenne, et dans une moindre mesure car sa population est plus petite, la Russie.
La Chine a encore une petite marge d’émissions supplémentaires (sa population est très importante).
Les pays pauvres ont des marges considérables, car le mode de vie de la plus grande part de leur population fait qu’il n’émettent que très peu de CO2, et n’ont pratiquement aucune responsabilité dans le dérèglement climatique.
Les pauvres des pays pauvres n’émettent pratiquement pas de CO2.
S’IL Y A UNE DÉMOGRAPHIE A MAITRISER, UNE NATALITÉ A RÉDUIRE, C’EST CELLE DES CATÉGORIES RICHES ET MOYENNES DES PAYS RICHES, ET AUSSI CELLE DES CATÉGORIES TRÈS RICHES DES PAYS ÉMERGENTS (Les Chinois très riches, au mode de vie occidental, émettent beaucoup de CO2 par personne).
#Climat #Inégalités #dérèglement-climatique #réchauffement-climatique #occident #pays-pauvres #démographie #maitrise-de-la-natalité
]]>#PAUVRETÉ : “IL Y A LARGEMENT ASSEZ DE RICHESSES POUR TOUT LE MONDE”
Les pauvres sont paresseux, ils ne savent pas gérer leur argent, et ils méritent la situation qui est la leur. Voici quelques clichés sur la pauvreté que l’économiste #Esther_Duflo démonte depuis des années, au travers de son vaste travail sur la pauvreté.
A l’heure où les #inégalités explosent, qu’une poignée de privilégiés détiennent un niveau de richesses toujours plus important, et ce alors qu’ils sont ceux qui polluent le plus, comment réduire ce fossé, comment lutter contre la pauvreté et offrir des conditions de vie dignes à toutes et à tous ?
Comment les économistes peuvent-ils impacter les prises de décision des dirigeants politiques, comment lutter contre les #clichés sur les pauvres ? Esther Duflo répond à toutes ces questions au micro de Salomé Saqué.
0:00 : Introduction
1:36 : La pauvreté expliquée aux enfants
8:09 : #Définition de la pauvreté
9:29 : Pauvreté et #universalité
12:35 : Le bond en arrière de la pauvreté
14:13 : L’#extrême_pauvreté
16:35 : Comment répartir les richesses ?
20:42 : Un #impôt_international sur les #grandes_fortunes ?
27:07 : Pauvreté : quel est le #discours_politique ?
34:38 : Faut-il distribuer de l’argent aux pauvres ?
36:34 : L’impact de l’#économie sur la #politique
44:46 : Que peut-on faire en tant que citoyen ?
▻https://www.youtube.com/watch?v=H7syPQvbHOU
#richesse #idées-reçues #répartition_des_richesses #préjugés #interview #vidéo
L’élite oligarchique américaine et son impact sur le monde - Chris Hedges
Elucid (Les crises) : L’élite oligarchique américaine et son impact sur le monde Chris Hedges - Olivier Berruyer
Chris Hedges est un journaliste américain, lauréat d’un prix Pulitzer. Il a été correspondant de guerre pour le New York Times pendant quinze ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Dans cette interview par Olivier Berruyer pour Elucid, il propose une critique de ce qu’il appelle « l’élite progressiste » américaine, l’hypocrisie de ses valeurs et son accointance avec les puissances d’argent ("les entreprises"). Il décortique le rôle de cette oligarchie, comment elle a pris le pouvoir et comment elle impacte dorénavant le monde entier.
La vidéo => : ▻https://elucid.media/politique/lelite-oligarchique-americaine-et-son-impact-sur-le-monde-chris-hedges/?mc_ts=crises
#usa #néolibéralisme #capitalisme #médias #journalisme #universités #censure #chris_hedges #inégalités #guerre #oligarchie
]]>POURQUOI LES HOMMES SONT PLUS RICHES QUE LES FEMMES ?
▻https://www.youtube.com/watch?v=MBq4ZRflXig&ab_channel=BLAST%2CLesouffledel%27info
Les femmes sont plus pauvres que les hommes. De l’argent de poche à la retraite, en passant par les impôts ou l’absence d’éducation financière, un ensemble de mécanismes œuvrent à les appauvrir, à très grande échelle. A chaque étape de leur vie, elles sont structurellement désavantagées, et parfois sans que nous en ayons conscience collectivement. Si les femmes se sont battues pour avoir le droit de gagner leur propre argent, la lutte n’est clairement pas terminée. Alors qu’est ce qui pénalise tant les femmes exactement, comment cela pourrait il en être autrement, comment faire en tant que femme ou en tant qu’homme pour lutter contre cette inégalité ? Salomé Saqué donne la parole à la journaliste Titiou Lecoq, autrice du livre « Le couple et l’argent » aux éditions l’Iconoclaste.
]]>Coop ou pas coop de trouver une alternative à la grande distribution ?
Un #magasin sans client, sans salarié, sans marge, sans contrôle, sans espace de pouvoir où la confiance règne vous y croyez ? Difficile, tant le modèle et les valeurs de la grande distribution, et plus largement capitalistes et bourgeoises ont façonnés nos habitus. Néanmoins, parmi nous certains cherchent l’alternative : supermarchés coopératifs, collaboratifs, épiceries participatives, citoyennes, etc. Des alternatives qui pourtant reprennent nombre des promesses de la grande distribution et de ses valeurs. Les épiceries “autogérées”, “libres” ou encore en “gestion directe” tranchent dans ce paysage. Lieux d’apprentissage de nouvelles habitudes, de remise en cause frontale du pouvoir pyramidal et pseudo-horizontal. Ce modèle sera évidemment à dépasser après la révolution, mais d’ici-là il fait figure de favori pour une #émancipation collective et individuelle.
Le supermarché : une #utopie_capitaliste désirable pour les tenants de la croyance au mérite
Le supermarché est le modèle hégémonique de #distribution_alimentaire. #Modèle apparu seulement en 1961 en région parisienne il s’est imposé en quelques décennies en colonisant nos vies, nos corps, nos désirs et nos paysages. Cette utopie capitaliste est devenue réalité à coup de #propagande mais également d’adhésion résonnant toujours avec les promesses de l’époque : travaille, obéis, consomme ; triptyque infernal où le 3e pilier permet l’acceptation voire l’adhésion aux deux autres à la mesure du mérite individuel fantasmé.
Malgré le succès et l’hégémonie de ce modèle, il a parallèlement toujours suscité du rejet : son ambiance aseptisée et criarde, industrielle et déshumanisante, la relation de prédation sur les fournisseurs et les délocalisations qui en découlent, sa privatisation par les bourgeois, la volonté de manipuler pour faire acheter plus ou plus différenciant et cher, le greenwashing (le fait de servir de l’écologie de manière opportuniste pour des raisons commerciales), etc., tout ceci alimente les critiques et le rejet chez une frange de la population pour qui la recherche d’alternative devient motrice.
C’est donc contre ce modèle que se (re)créent des #alternatives se réclamant d’une démarche plus démocratique, plus inclusive, ou de réappropriation par le citoyen… Or, ces alternatives se réalisent en partant du #modèle_dominant, jouent sur son terrain selon ses règles et finalement tendent à reproduire souvent coûte que coûte, parfois inconsciemment, les promesses et les côtés désirables du supermarché.
Comme le dit Alain Accardo dans De Notre Servitude Involontaire “ce qu’il faut se résoudre à remettre en question – et c’est sans doute la pire difficulté dans la lutte contre le système capitaliste -, c’est l’#art_de_vivre qu’il a rendu possible et désirable aux yeux du plus grand nombre.”
Le supermarché “coopératif”, l’épicerie participative : des pseudo alternatives au discours trompeur
Un supermarché dit “coopératif” est… un supermarché ! Le projet est de reproduire la promesse mais en supprimant la part dévolue habituellement aux bourgeois : l’appellation “coopératif” fait référence à la structure juridique où les #salariés ont le #pouvoir et ne reversent pas de dividende à des actionnaires. Mais les salariés ont tendance à se comporter collectivement comme un bourgeois propriétaire d’un “moyen de production” et le recrutement est souvent affinitaire : un bourgeois à plusieurs. La valeur captée sur le #travail_bénévole est redistribuée essentiellement à quelques salariés. Dans ce type de supermarché, les consommateurs doivent être sociétaires et “donner” du temps pour faire tourner la boutique, en plus du travail salarié qui y a lieu. Cette “#coopération” ou “#participation” ou “#collaboration” c’est 3h de travail obligatoire tous les mois sous peine de sanctions (contrôles à l’entrée du magasin pour éventuellement vous en interdire l’accès). Ces heures obligatoires sont cyniquement là pour créer un attachement des #bénévoles au supermarché, comme l’explique aux futurs lanceurs de projet le fondateur de Park Slope Food le supermarché New-Yorkais qui a inspiré tous les autres. Dans le documentaire FoodCoop réalisé par le fondateur de la Louve pour promouvoir ce modèle :”Si vous demandez à quelqu’un l’une des choses les plus précieuses de sa vie, c’est-à-dire un peu de son temps sur terre (…), la connexion est établie.”
L’autre spécificité de ce modèle est l’#assemblée_générale annuelle pour la #démocratie, guère mobilisatrice et non propice à la délibération collective. Pour information, La Louve en 2021 obtient, par voie électronique 449 participations à son AG pour plus de 4000 membres, soit 11%. Presque trois fois moins avant la mise en place de cette solution, en 2019 : 188 présents et représentés soit 4,7%. À Scopeli l’AG se tiendra en 2022 avec 208 sur 2600 membres, soit 8% et enfin à la Cagette sur 3200 membres actifs il y aura 143 présents et 119 représentés soit 8,2%
Pour le reste, vous ne serez pas dépaysés, votre parcours ressemblera à celui dans un supermarché traditionnel. Bien loin des promesses de solidarité, de convivialité, de résistance qui n’ont su aboutir. Les militants voient de plus en plus clairement les impasses de ce modèle mais il fleurit néanmoins dans de nouvelles grandes villes, souvent récupéré comme plan de carrière par des entrepreneurs de l’#ESS qui y voient l’occasion de se créer un poste à terme ou de développer un business model autour de la vente de logiciel de gestion d’épicerie en utilisant ce souhait de milliers de gens de trouver une alternative à la grande distribution.
#La_Louve, le premier supermarché de ce genre, a ouvert à Paris en 2016. Plus de 4000 membres, pour plus d’1,5 million d’euros d’investissement au départ, 3 années de lancement et 7,7 millions de chiffre d’affaires en 2021. À la création il revendiquait des produits moins chers, de fonctionner ensemble autrement, ne pas verser de dividende et de choisir ses produits. Cette dernière est toujours mise en avant sur la page d’accueil de leur site web : “Nous n’étions pas satisfaits de l’offre alimentaire qui nous était proposée, alors nous avons décidé de créer notre propre supermarché.” L’ambition est faible et le bilan moins flatteur encore : vous retrouverez la plupart des produits présents dans les grandes enseignes (loin derrière la spécificité d’une Biocoop, c’est pour dire…), à des #prix toujours relativement élevés (application d’un taux de 20% de marge).
À plus petite échelle existent les épiceries “participatives”. La filiation avec le #supermarché_collaboratif est directe, avec d’une cinquantaine à quelques centaines de personnes. Elles ne peuvent généralement pas soutenir de #salariat et amènent des relations moins impersonnelles grâce à leur taille “plus humaine”. Pour autant, certaines épiceries sont des tremplins vers le modèle de supermarché et de création d’emploi pour les initiateurs. Il en existe donc avec salariés. Les marges, selon la motivation à la croissance varient entre 0 et 30%.
#MonEpi, startup et marque leader sur un segment de marché qu’ils s’efforcent de créer, souhaite faire tourner son “modèle économique” en margeant sur les producteurs (marges arrières de 3% sur les producteurs qui font annuellement plus de 10 000 euros via la plateforme). Ce modèle très conforme aux idées du moment est largement subventionné et soutenu par des collectivités rurales ou d’autres acteurs de l’ESS et de la start-up nation comme Bouge ton Coq qui propose de partager vos données avec Airbnb lorsque vous souhaitez en savoir plus sur les épiceries, surfant sur la “transition” ou la “résilience”.
Pour attirer le citoyen dynamique, on utilise un discours confus voire trompeur. Le fondateur de MonEpi vante volontiers un modèle “autogéré”, sans #hiérarchie, sans chef : “On a enlevé le pouvoir et le profit” . L’informatique serait, en plus d’être incontournable (“pour faire ce que l’on ne saurait pas faire autrement”), salvatrice car elle réduit les espaces de pouvoir en prenant les décisions complexes à la place des humains. Pourtant cette gestion informatisée met toutes les fonctions dans les mains de quelques sachant, le tout centralisé par la SAS MonEpi. De surcroit, ces épiceries se dotent généralement (et sont incitées à le faire via les modèles de statut fournis par MonEpi) d’une #organisation pyramidale où le simple membre “participe” obligatoirement à 2-3h de travail par mois tandis que la plupart des décisions sont prises par un bureau ou autre “comité de pilotage”, secondé par des commissions permanentes sur des sujets précis (hygiène, choix des produits, accès au local, etc.). Dans certains collectifs, le fait de participer à ces prises de décision dispense du travail obligatoire d’intendance qui incombe aux simples membres…
Pour finir, nous pouvons nous demander si ces initiatives ne produisent pas des effets plus insidieux encore, comme la possibilité pour la sous-bourgeoisie qui se pense de gauche de se différencier à bon compte : un lieu d’entre-soi privilégié où on te vend, en plus de tes produits, de l’engagement citoyen bas de gamme, une sorte d’ubérisation de la BA citoyenne, où beaucoup semblent se satisfaire d’un énième avatar de la consom’action en se persuadant de lutter contre la grande distribution. De plus, bien que cela soit inconscient ou de bonne foi chez certains, nous observons dans les discours de nombre de ces initiatives ce que l’on pourrait appeler de l’#autogestion-washing, où les #inégalités_de_pouvoir sont masqués derrière des mots-clés et des slogans (Cf. “Le test de l’Autogestion” en fin d’article).
L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. Et on pourrait s’en contenter et même y adhérer faute de mieux. Mais ne peut-on pas s’interroger sur les raisons de poursuivre dans des voies qui ont clairement démontré leurs limites alors même qu’un modèle semble apporter des réponses ?
L’épicerie autogérée et autogouvernée / libre : une #utopie_libertaire qui a fait ses preuves
Parfois nommé épicerie autogérée, #coopérative_alimentaire_autogérée, #épicerie_libre ou encore #épicerie_en_gestion_directe, ce modèle de #commun rompt nettement avec nombre des logiques décrites précédemment. Il est hélas largement invisibilisé par la communication des modèles sus-nommés et paradoxalement par son caractère incroyable au sens premier du terme : ça n’est pas croyable, ça remet en question trop de pratiques culturelles, il est difficile d’en tirer un bénéfice personnel, c’est trop beau pour être vrai…Car de loin, cela ressemble à une épicerie, il y a bien des produits en rayon mais ce n’est pas un commerce, c’est un commun basé sur l’#égalité et la #confiance. L’autogestion dont il est question ici se rapproche de sa définition : la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés.
Mais commençons par du concret ? À #Cocoricoop , épicerie autogérée à Villers-Cotterêts (02), toute personne qui le souhaite peut devenir membre, moyennant une participation libre aux frais annuels (en moyenne 45€ par foyer couvrant loyer, assurance, banque, électricité) et le pré-paiement de ses futures courses (le 1er versement est en général compris entre 50€ et 150€, montant qui est reporté au crédit d’une fiche individuelle de compte). À partir de là, chacun.e a accès aux clés, au local 24h/24 et 7 jours/7, à la trésorerie et peut passer commande seul ou à plusieurs. Les 120 foyers membres actuels peuvent venir faire leurs courses pendant et hors des permanences. Ces permanences sont tenues par d’autres membres, bénévolement, sans obligation. Sur place, des étagères de diverses formes et tailles, de récup ou construites sur place sont alignées contre les murs et plus ou moins généreusement remplies de produits. On y fait ses courses, pèse ses aliments si besoin puis on se dirige vers la caisse… Pour constater qu’il n’y en a pas. Il faut sortir une calculatrice et calculer soi-même le montant de ses courses. Puis, ouvrir le classeur contenant sa fiche personnelle de suivi et déduire ce montant de son solde (somme des pré-paiements moins somme des achats). Personne ne surveille par dessus son épaule, la confiance règne.
Côté “courses”, c’est aussi simple que cela, mais on peut y ajouter tout un tas d’étapes, comme discuter, accueillir un nouveau membre, récupérer une débroussailleuse, participer à un atelier banderoles pour la prochaine manif (etc.). Qu’en est-il de l’organisation et l’approvisionnement ?
Ce modèle de #commun dont la forme épicerie est le prétexte, cherche avant tout, à instituer fondamentalement et structurellement au sein d’un collectif les règles établissant une égalité politique réelle. Toutes les personnes ont le droit de décider et prendre toutes les initiatives qu’elles souhaitent. “#Chez_Louise” dans le Périgord (Les Salles-Lavauguyon, 87) ou encore à #Dionycoop (St-Denis, 93), comme dans toutes les épiceries libres, tout le monde peut, sans consultation ou délibération, décider d’une permanence, réorganiser le local, organiser une soirée, etc. Mieux encore, toute personne est de la même manière légitime pour passer commande au nom du collectif en engageant les fonds disponibles dans la trésorerie commune auprès de tout fournisseur ou distributeur de son choix. La trésorerie est constituée de la somme des dépôts de chaque membre. Les membres sont incités à laisser immobilisé sur leur fiche individuelle une partie de leurs dépôts. Au #Champ_Libre (Preuilly-Sur-Claise, 37), 85 membres disposent de dépôts moyens de 40-50€ permettant de remplir les étagères de 3500€ selon l’adage, “les dépôts font les stocks”. La personne qui passe la commande s’assure que les produits arrivent à bon port et peut faire appel pour cela au collectif.
D’une manière générale, les décisions n’ont pas à être prises collectivement mais chacun.e peut solliciter des avis.
Côté finances, à #Haricocoop (Soissons, 02), quelques règles de bonne gestion ont été instituées. Une #créditomancienne (personne qui lit dans les comptes bancaires) vérifie que le compte est toujours en positif et un “arroseur” paye les factures. La “crédito” n’a aucun droit de regard sur les prises de décision individuelle, elle peut seulement mettre en attente une commande si la trésorerie est insuffisante. Il n’y a pas de bon ou de mauvais arroseur : il voit une facture, il paye. Une autre personne enfin vérifie que chacun a payé une participation annuelle aux frais, sans juger du montant. Ces rôles et d’une manière générale, toute tâche, tournent, par tirage au sort, tous les ans afin d’éviter l’effet “fonction” et impliquer de nouvelles personnes.
Tout repose donc sur les libres initiatives des membres, sans obligations : “ce qui sera fait sera fait, ce qui ne sera pas fait ne sera pas fait”. Ainsi, si des besoins apparaissent, toute personne peut se saisir de la chose et tenter d’y apporter une réponse. Le corolaire étant que si personne ne décide d’agir alors rien ne sera fait et les rayons pourraient être vides, le local fermé, les produits dans les cartons, (etc.). Il devient naturel d’accepter ces ‘manques’ s’il se produisent, comme conséquence de notre inaction collective et individuelle ou l’émanation de notre niveau d’exigence du moment.
Toute personne peut décider et faire, mais… osera-t-elle ? L’épicerie libre ne cherche pas à proposer de beaux rayons, tous les produits, un maximum de membres et de chiffre d’affaires, contrairement à ce qui peut être mis en avant par d’autres initiatives. Certes cela peut se produire mais comme une simple conséquence, si la gestion directe et le commun sont bien institués ou que cela correspond au niveau d’exigence du groupe. C’est à l’aune du sentiment de #légitimité, que chacun s’empare du pouvoir de décider, de faire, d’expérimenter ou non, que se mesure selon nous, le succès d’une épicerie de ce type. La pierre angulaire de ces initiatives d’épiceries libres et autogouvernées repose sur la conscience et la volonté d’instituer un commun en le soulageant de tous les espaces de pouvoir que l’on rencontre habituellement, sans lequel l’émancipation s’avèrera mensongère ou élitiste. Une méfiance vis-à-vis de certains de nos réflexes culturels est de mise afin de “s’affranchir de deux fléaux également abominables : l’habitude d’obéir et le désir de commander.” (Manuel Gonzáles Prada) .
L’autogestion, l’#autogouvernement, la gestion directe, est une pratique humaine qui a l’air utopique parce que marginalisée ou réprimée dans notre société : nous apprenons pendant toute notre vie à fonctionner de manière autoritaire, individualiste et capitaliste. Aussi, l’autogestion de l’épicerie ne pourra que bénéficier d’une vigilance de chaque instant de chacun et chacune et d’une modestie vis-à-vis de cette pratique collective et individuelle. Autrement, parce que les habitudes culturelles de domination/soumission reviennent au galop, le modèle risque de basculer vers l’épicerie participative par exemple. Il convient donc de se poser la question de “qu’est-ce qui en moi/nous a déjà été “acheté”, approprié par le système, et fait de moi/nous un complice qui s’ignore ?” ^9 (ACCARDO) et qui pourrait mettre à mal ce bien commun.
S’affranchir de nos habitus capitalistes ne vient pas sans effort. Ce modèle-là ne fait pas mine de les ignorer, ni d’ignorer le pouvoir qu’ont les structures et les institutions pour conditionner nos comportements. C’est ainsi qu’il institue des “règles du jeu” particulières pour nous soutenir dans notre quête de #confiance_mutuelle et d’#égalité_politique. Elles se résument ainsi :
Ce modèle d’épicerie libre diffère ainsi très largement des modèles que nous avons pu voir plus tôt. Là où la Louve cherche l’attachement via la contrainte, les épiceries autogérées cherchent l’#appropriation et l’émancipation par ses membres en leur donnant toutes les cartes. Nous soulignons ci-dessous quelques unes de ces différences majeures :
Peut-on trouver une alternative vraiment anticapitaliste de distribution alimentaire ?
Reste que quelque soit le modèle, il s’insère parfaitement dans la #société_de_consommation, parlementant avec les distributeurs et fournisseurs. Il ne remet pas en cause frontalement la logique de l’#économie_libérale qui a crée une séparation entre #consommateur et #producteur, qui donne une valeur comptable aux personnes et justifie les inégalités d’accès aux ressources sur l’échelle de la croyance au mérite. Il ne règle pas non plus par magie les oppressions systémiques.
Ainsi, tout libertaire qu’il soit, ce modèle d’épicerie libre pourrait quand même n’être qu’un énième moyen de distinction sociale petit-bourgeois et ce, même si une épicerie de ce type a ouvert dans un des quartiers les plus défavorisés du département de l’Aisne (réservée aux personnes du quartier qui s’autogouvernent) et que ce modèle génère très peu de barrière à l’entrée (peu d’administratif, peu d’informatique,…).
On pourrait aussi légitimement se poser la question de la priorité à créer ce type d’épicerie par rapport à toutes les choses militantes que l’on a besoin de mettre en place ou des luttes quotidiennes à mener. Mais nous avons besoin de lieux d’émancipation qui ne recréent pas sans cesse notre soumission aux logiques bourgeoises et à leurs intérêts et institutions. Une telle épicerie permet d’apprendre à mieux s’organiser collectivement en diminuant notre dépendance aux magasins capitalistes pour s’approvisionner (y compris sur le non alimentaire). C’est d’autant plus valable en période de grève puisqu’on a tendance à enrichir le supermarché à chaque barbecue ou pour approvisionner nos cantines et nos moyens de lutte.
Au-delà de l’intérêt organisationnel, c’est un modèle de commun qui remet en question concrètement et quotidiennement les promesses et les croyances liées à la grande distribution. C’est très simple et très rapide à monter. Aucune raison de s’en priver d’ici la révolution !
Le Test de l’Autogestion : un outil rapide et puissant pour tester les organisations qui s’en réclament
À la manière du test de Bechdel qui permet en trois critères de mettre en lumière la sous-représentation des femmes et la sur-représentation des hommes dans des films, nous vous proposons un nouvel outil pour dénicher les embuscades tendues par l’autogestion-washing, en toute simplicité : “le test de l’Autogestion” :
Les critères sont :
- Pas d’AGs ;
- Pas de salarié ;
- Pas de gestion informatisée.
Ces 3 critères ne sont pas respectés ? Le collectif ou l’organisme n’est pas autogéré.
Il les coche tous ? C’est prometteur, vous tenez peut être là une initiative sans donneur d’ordre individuel ni collectif, humain comme machine ! Attention, le test de l’autogestion permet d’éliminer la plupart des faux prétendants au titre, mais il n’est pas une garantie à 100% d’un modèle autogéré, il faudra pousser l’analyse plus loin. Comme le test de Bechdel ne vous garantit pas un film respectant l’égalité femme-homme.
Il faut parfois adapter les termes, peut être le collectif testé n’a pas d’Assemblée Générale mais est doté de Réunions de pilotage, n’a pas de salarié mais des services civiques, n’a pas de bureau mais des commissions/groupe de travail permanents, n’a pas de logiciel informatique de gestion mais les documents de gestion ne sont pas accessibles sur place ?
Pour aller plus loin :
Le collectif Cooplib fait un travail de documentation de ce modèle de commun et d’autogestion. Ses membres accompagnent de manière militante les personnes ou collectifs qui veulent se lancer (= gratuit).
Sur Cooplib.fr, vous trouverez des informations et des documents plus détaillés :
– La brochure Cocoricoop
– Un modèle de Statuts associatif adapté à l’autogestion
– La carte des épiceries autogérées
– Le Référentiel (règles du jeu détaillées)
– Le manuel d’autogestion appliqué aux épiceries est en cours d’édition et en précommande sur Hello Asso
Ces outils sont adaptés à la situation particulière des épiceries mais ils sont transposables au moins en partie à la plupart de nos autres projets militants qui se voudraient vraiment autogérés (bar, librairie, laverie, cantine, camping,…). Pour des expérimentations plus techniques (ex : garage, ferme, festival,…), une montée en compétence des membres semble nécessaire.
D’autres ressources :
– Quelques capsules vidéos : ▻http://fede-coop.org/faq-en-videos
– “Les consommateurs ouvrent leur épiceries, quel modèle choisir pour votre ville ou votre village ?”, les éditions libertaires.
►https://www.frustrationmagazine.fr/coop-grande-distribution
#alternative #grande_distribution #supermarchés #capitalisme #épiceries #auto-gestion #autogestion #gestion_directe #distribution_alimentaire
sur seenthis :
▻https://seenthis.net/messages/1014023
Usbek & Rica - « Les riches nous imposent une société de #pornopulence »
J’aime bien (non) ce nouveau mot dièse.
▻https://usbeketrica.com/fr/article/les-riches-nous-imposent-une-societe-de-pornopulence
Mégayachts, îles artificielles, bitcoin, fusées, soirées arrosées… Les mille visages de la #richesse s’étalent chaque jour en Une de l’actualité, sur les réseaux sociaux et, surtout, dans notre inconscient collectif. Résultat ? Pour la sociologue et professeure à l’université d’Ottawa, « bernés par les prestidigitations des ultra-riches, nous les regardons, stupéfaits, dilapider les ressources de la planète » tandis que les #inégalités demeurent.
D’où le titre de son nouvel essai en forme de pamphlet sans concession, à paraître ce 22 août aux éditions Lux : La société de provocation – Essai sur l’#obscénité des riches. Une référence explicite au roman Chien blanc de Romain Gary, dans lequel l’ancien résistant fustige « cet ordre social où l’exhibitionnisme de la richesse érige en vertu la démesure et le luxe ostentatoire tout en privant une part de plus en plus large de la population des moyens de satisfaire ses besoins réels ». De passage à Paris, Dahlia Namian a répondu à nos questions.
]]>How The Bell Curve Naturalized Inequality
▻https://jacobin.com/2023/08/the-bell-curve-murray-herrnstein-genetics-hereditarianism-inequality
Motivated by progressive aims, too many anti-hereditarians take the bait and leap right into the jaws of the genetic trap by attacking genetics itself, as though the many shortcomings of the science promoted by hereditarians and other determinists was the core problem.
Nowhere is this clearer than in the rush of scientists to embrace the nascent field of epigenetics, which, in its most extreme and overhyped form, posits considerable inheritance of acquired characteristics in a nongenetic fashion, resurrecting Lamarckism for the twenty-first century. Many scientists will even go out of their way to avoid genetics because they themselves buy into the falsehood that “genetic” means “determined.” In addition to being an ineffective response to hereditarianism, the frequency with which critics step into the genetic trap gives hereditarianism support by strengthening the often-unstated framing of social problems as being located in the basic constitution of individuals in an inevitable world, as opposed to calling for us to dedicate our efforts toward finding new social organizations to address historically contingent and by no means inevitable inequalities.
A good first step in combating hereditarianism is to stop agreeing with it. The second step is to turn our attention to the social world, examining the causes of poverty and human suffering that are often clear enough to be observed even without the use of a microscope.
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