• Faux abonnés, faux commentaires ou faux « j’aime » : comment tricher sur Instagram ? François Ruchti, Camille Lanci, Valentin Tombez - RTS - Mise au point
    Le business des influenceurs et influenceuses

    Acheter des abonnés ou des « j’aime » pour paraître plus populaire sur les réseaux sociaux : des sites internet proposent ce type de services pour une poignée de francs suisses. Parmi la clientèle, des personnes actives dans le monde de l’influence, de la politique ou du sport, comme le révèle une enquête de Mise au Point.

    En quelques clics, l’équipe de Mise au Point est virtuellement devenue, avec son profil « Emmalicieuse », l’un des comptes Instagram les plus prometteurs de Suisse romande. Pourtant, sur le profil de cette dernière, rien n’est vrai. Tout est acheté sur des sites internet qui proposent des centaines d’abonnés et des « j’aime » pour quelques euros.

    Pour paraître plus populaire et gonfler son audience, Emmalicieuse a ainsi pu compter sur l’achat de plus de 13’000 abonnés, de milliers de « j’aime » et de milliers de vues pour ses vidéos. Avec un budget total de 300 francs suisses , il a également été possible de lui payer des dizaines de commentaires comme « trop belle la photo » ou encore « j’adore ton look ». Son profil a depuis été effacé.

    Durant l’expérience qui a duré quelques semaines, le compte Emmalicieuse n’a jamais été bloqué par Instagram. Le réseau social prétend pourtant lutter activement contre les abonnés achetés et autres techniques pour gonfler sa notoriété.

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    Capture d’écran du profil d’Emmalicieuse [Instagram]

    Sous-traitants basés en Asie
    Parmi les fournisseurs d’abonnés achetés, Marc (Nom connu de la rédaction) , le patron d’une entreprise française spécialisée dans le domaine, a accepté de répondre aux questions de Mise au Point sous couvert d’anonymat.

    "Il y a différents types de qualité d’abonnés, avec plus ou moins de photos et d’éléments pour les rendre plus authentiques. Une fois qu’un client nous fait une commande, nous utilisons des stocks de profils pour générer des « j’aime » ou des commentaires. Généralement, ce ne sont pas de vraies personnes qui cliquent, tout est fabriqué par des réseaux d’ordinateurs et des sous-traitants basés en Asie. Il y a également la possibilité d’obtenir des vrais profils, des vrais abonnés. Ceci est possible grâce à des concours où il est obligatoire de s’abonner à nos clients. Ce service coûte plus cher", révèle-t-il.

    Ces gens veulent crédibiliser leur présence sur les réseaux. Avoir 100 ou 50’000 abonnés, cela fait la différence
    Marc*, le patron d’une entreprise française spécialisée dans le domaine

    Le jeune homme ne souhaite pas donner le nom de ses clients. « Parmi eux, il y a des gens qui souhaitent briller sur les réseaux, qui souhaitent impressionner leurs amis. Ce sont des ’Monsieur et Madame tout le monde’ », explique-t-il au micro de l’émission de la RTS. Avant d’ajouter qu’il y a aussi des politiciens, des influenceurs et de grosses entreprises qui font appel aux services de son entreprise. « Ces gens veulent crédibiliser leur présence sur les réseaux. Avoir 100 ou 50’000 abonnés, cela fait la différence », souligne-t-il.

    Son entreprise est également sollicitée pour se servir de l’algorithme de YouTube. Ces plateformes mettent en avant, comme il l’explique, les vidéos qui ont du succès. Et le succès amène le succès : « Notre service permet de créer de la visibilité. J’ai un client qui achète des dizaines de milliers de vues dès qu’il publie une vidéo. À chaque fois, cela lui permet de mettre en avant sa vidéo. Des vraies personnes finissent par aller voir sa vidéo. Et il fait ainsi facilement un million de vues », poursuit-il.

    Avec Emmalicieuse, la fausse influenceuse de Mise au Point, les abonnés ont été achetés via le site de Marc, mais également sur le site de ses concurrents. Ceci a permis d’identifier précisément un échantillon de 200 profils payants sur Instagram. L’équipe data de la RTS a analysé ces 200 comptes. Ces profils payants sont abonnés à Emmalicieuse, mais également à toute une série de gens bien réels.

    Des sportifs, artistes et politiciens _
    nicocapone.comedy [Instagram]De petites célébrités locales, des entrepreneurs, mais aussi quelques sportifs et artistes ont les mêmes abonnés qu’Emmalicieuse. Sur les 200 profils payants analysés, une cinquantaine suit par exemple le joueur de football Olivier Boumal. On trouve également une politicienne turque, Elvan Işık Gezmiş, membre du Parlement.

    En Suisse, c’est chez des influenceurs vaudois, nicocapone.comedy, qu’on retrouve une partie de notre échantillon de profils payants. Le couple vaudois, connu sur internet, fait régulièrement des apparitions à la télévision. Il affiche officiellement plus de 10 millions d’abonnés sur Instagram.

    Contactées, aucune de ces personnes n’a répondu à nos questions. Attention toutefois : les profils payants analysés se sont peut-être abonnés exceptionnellement gratuitement à ces différentes personnes.

    Sortir du lot *
    Mais pourquoi cette course aux « j’aime », aux abonnés ou aux commentaires ? Certains influenceurs interrogés ont avoué sous couvert d’anonymat utiliser ces artifices afin de sortir du lot et devenir attractifs pour les marques. En Suisse, une personne influenceuse peut déjà gagner plusieurs milliers de francs par mois avec 20 à 30’000 abonnés.

    Avec l’avènement des réseaux sociaux, des agences d’influence ont vu le jour. Ces agences mettent en relation les marques avec des influenceurs. Ils utilisent des outils afin de vérifier l’authenticité des influenceurs, mais la supercherie est parfois très dure à détecter. Hors caméra, des agences d’influenceurs avouent à demi-mot connaître l’ampleur du faux. Cette supercherie ne semble toutefois pas leur poser des problèmes.

    « Si 50% des abonnés d’un instagrammer sont achetés, ce n’est pas si grave. Certains ont plus d’un million de followers... Alors 50% de faux, ça reste 500’000 personnes qui peuvent être touchées, impactées par cette personne. Ca reste très intéressant de faire de la publicité avec ces influenceurs », indique l’une d’entre elles.

    Dans ce monde du faux, entre la course à la notoriété, aux partenariats, aux « j’aime » et aux commentaires, il est difficile de savoir qui joue le jeu sans tricher. Les consommatrices et consommateurs lambda sont donc laissés à eux-mêmes dans la jungle d’Instagram.

    #influenceurs #influenceuses #publicité #sport #politique #notoriété #réseaux_sociaux #blogs #notoriété #profils #abonnements #partenariats #fraude #internet #algorithmes #supercherie

    Source : https://www.rts.ch/info/suisse/14241142-faux-abonnes-faux-commentaires-ou-faux-jaime-comment-tricher-sur-instag

  • La cigarette Puff, ou comment l’industrie du tabac s’attaque aux mineurs RTS - Garance Aymon

    Facile d’utilisation, pas chère, arômes fruités et sucrés. Avec la puff, l’industrie du tabac met le paquet pour attirer une nouvelle génération de fumeurs. Devant l’essor de cette cigarette électronique jetable, la France et la Suisse envisagent de durcir leur législation.

    Alors qu’elle n’existe que depuis 2019, la cigarette électronique jetable, aussi appelée « puff », est dans le viseur de plusieurs gouvernements. L’Australie a déjà décidé de l’interdire, et les processus législatifs allant dans ce sens sont aussi en cours en Allemagne, en Irlande et en Suède.


    En cause ? Son succès auprès des jeunes. Selon une étude suisse récente réalisée par Unisanté, 12% des Romandes et Romands âgés de 14 à 25 ans consomment « fréquemment » des puffs, soit plus de 10 jours par mois.

    Cette étude révèle aussi que 39% des jeunes ont eu leur premier contact avec la nicotine via d’autres produits que la cigarette classique. Un chiffre nettement plus élevé que les générations précédentes.

    Stratégie marketing 2.0
    Cette tendance inquiétante est amplifiée par des stratégies marketing agressives orchestrées par les géants du tabac. Malgré leur interdiction de vente aux mineurs, des influenceurs, souvent suivis par un jeune public, sont payés pour promouvoir ces produits.

    Une stratégie adoptée par British American Tobacco, comme l’a révélé une enquête du Bureau of Investigative Journalism. La compagnie a investi pas moins de 1,2 milliard de dollars principalement sur Instagram et Tiktok, une plateforme dont la moyenne d’âge est de moins de 24 ans.

    Addictives et polluantes
    Selon les études actuelles, les puffs ne sont pas plus dangereuses pour la santé que les cigarettes classiques. Cependant, le sel de nicotine, une forme de nicotine présente dans les liquides de cigarettes électroniques, est plus facilement absorbé par l’organisme et la rend plus addictive, surtout pour les cerveaux encore en développement.

    Mais la santé de celles et ceux qui en fument n’est pas la seule en jeu. L’impact environnemental de ces dispositifs est significatif. Leur nature jetable, combinée à l’utilisation de plastique difficile à recycler et de batteries au lithium, nécessitant d’énormes quantités d’eau pour leur extraction, pose un sérieux problème écologique. Selon les estimations du Financial Times, pas moins de 90 tonnes de lithium ont été utilisées pour ces produits en 2022.

    De nouvelles mesures législatives
    Le succès des produits dérivés du tabac bénéficie aussi d’un certain flou juridique, les gouvernements ayant de la difficulté à suivre le rythme des innovations en la matière.

    La Suisse, qui classait auparavant les cigarettes électroniques comme des denrées alimentaires, a récemment requalifié ces produits pour les mettre au même niveau que les cigarettes classiques et ainsi imposer des restrictions publicitaires plus dures et une limitation d’âge à partir de 2024.

    Par ailleurs, ces derniers mois, deux motions, portées par les Vert.e.s, demandent d’interdire la vente des cigarettes électroniques à usage unique.

    #puff #cigarette_électronique_jetable #tabac #santé #lobbying #cigarettes #lobby #cancer #en_vedette #industrie_du_tabac #influenceurs #influenceuses

    Source : https://www.rts.ch/info/monde/14175703-la-cigarette-puff-ou-comment-lindustrie-du-tabac-sattaque-aux-mineurs.h

  • Le brasseur Anheuser-Busch perd 5 milliards en bourse après un partenariat avec une femme trans Raphaël Dubois - RTS

    Aux Etats-Unis, la bière Bud Light du brasseur américain Anheuser-Busch s’est associée à l’influenceuse transgenre Dylan Mulvaney. Mais son pari de miser sur l’inclusivité a raté : la marque a perdu 5 milliards de dollars en bourse suite à un boycott massif.

    “La violence de sa chute en bourse est effarante, c’est du jamais vu", s’est étonnée l’historienne et chercheuse à l’Université d’Oslo Audrey Millet, qui a décrypté cet échec marketing sur Forum.

    La marque avait conclut un partenariat avec Dylan Mulvaney, une femme transgenre qui documente sa transition de genre sur les réseaux sociaux auprès de millions d’abonnés. L’objectif des publicitaires était de revigorer la marque en se montrant plus inclusive.

    Résultat : sa maison mère, Anheuser-Busch, qui commercialise aussi la célèbre Budweiser aux Etats-Unis, a perdu 5 milliards de dollars en bourse, car la marque a subit un boycott massif par une partie des consommateurs.

    Pas le bon public-cible
    "Cette bière a déjà une histoire. Elle est peu chère, consommée par beaucoup de conservateurs, et elle est notamment la bière qui a été copiée dans l’émission des Simpson”, rappelle l’historienne. Selon elle, la marque a mal estimé qui est le public-cible auquel elle s’adresse.

    "D’autres marques ont subi de lourdes critiques, mais pas à ce point", ajoute Audrey Millet. Après un "bad buzz" comme celui-là, elle estime que "Bud Light risque simplement de changer de publicité, sans personne transgenre, car elle a compris qui est son public."

    Pour l’historienne, la marque aurait franchit une ligne rouge. Même si l’on observe une évolution des moeurs au sujet des revendications sociales, et que l’on voit de plus en plus de femmes trans dans la publicité, par exemple, la visibilisation des personnes transgenres reste très difficile, explique-t-elle.

    La masculinité toxique selon Gillette
    Ce n’est pas la première fois qu’une marque subit d’importants revers en tentant une telle stratégie. "Il y a déjà eu Gillette, la marque de rasoir, fondée en 1901 avec son slogan ’le meilleur qu’un homme puisse obtenir’ [dans le monde anglophone, ndlr] . En 2019, le marketing de Gillette change sa stratégie, après MeToo, et le slogan devient ’le meilleur qu’un homme puisse être’" rappelle Audrey Millet

    A cette occasion, la marque avait alors diffusé un clip dans lequel on voyait principalement des hommes en train de tenir des discours genrés et faire des activité caricaturalement masculines, comme s’occuper d’un barbecue, puis le clip posait la question : "Est-ce vraiment le meilleur qu’un homme puisse être ?"

    "La pub insistait sur la problème de la masculinité toxique", précise l’historienne. "Ce fut un tollé et la marque a essuyé beaucoup plus de ’dislike’ que l’inverse. Tout comme Bud Light, Gillette n’a pas choisi le bon public auquel s’adresser."

    * Polarisation autour du "wokisme"
    "Il y a une tendance aux Etats-Unis qui consiste en une véritable confrontation entre "woke" et "anti-woke". Des marques refusent ouvertement d’être woke, d’inclure plus de personnes noires, plus de femmes" rapporte Audrey Millet. Pour elle, ces marques s’adressent à un public plutôt conservateur.

    "Le combat sur le wokisme est dévoyé depuis plusieurs années. Il y une lutte entre woke et anti-woke, entre conservateurs et progressistes". Elle rappelle que "woke" veut dire "être éveillé", à savoir reconnaître les inégalités sociales et les atteintes à la démocratie, ce qui lui semble être "assez positif".

    Source : https://www.rts.ch/info/monde/13944244-le-brasseur-anheuserbusch-perd-5-milliards-en-bourse-apres-un-partenari

    #marketing à la con #bière #influenceuses #bêtise #boycott #usa #transgenrisme #transgenres #queer #woke #wokisme #bad_buzz #transgenre

  • Entre escroquerie et humiliation, la face cachée des live TikTok RTS - Hélène Krähenbühl

    Lors de ces « lives control », des jeunes filles proposent aux internautes d’obéir à des ordres contre de l’argent. [Illustration : C_cou]

    L’application TikTok est connue pour ses vidéos de danse rigolotes, parfois sexy, ses sketchs absurdes ou encore ses challenges viraux. Mais la fonctionnalité « live » cache un côté bien plus sombre qui flirte parfois avec l’exploitation humaine.

    Une femme voilée, assise sur le sol, se verse des seaux d’eau sur la tête. « Thank you, thank you » répète-t-elle inlassablement face caméra. Elle semble frigorifiée.
    Dans le chat, les commentaires des internautes défilent. Certains lui envoient des « cadeaux virtuels » : il y a la rose, le donut ou encore le ballon de rugby. A chaque récompense, la jeune femme se jette un nouveau seau d’eau sur la tête.

    Cet exemple illustre l’une des dérives du système de monétisation de TikTok, basée sur les « cadeaux virtuels ». Concrètement ces dons prennent la forme de jetons virtuels allant des « roses », l’équivalent de quelques centimes de dollars, aux « lions » d’une valeur de 500 dollars. Il est ensuite possible d’échanger ces autocollants contre de l’argent « réel » qui ira directement dans la poche du tiktokeur ou de la tiktokeuse.

    L’interaction sociale comme monnaie d’échange
    La monnaie virtuelle s’achète par « pack ». Un pack de 36 pièces vaut 0,50 euro, un pack de 350 pièces vaut environ 5 francs, un pack de 3500 pièces dépasse les 50 francs. Il faut dépenser en moyenne plus de 100 francs pour obtenir 7000 pièces. Le cadeau le plus cher coûte près de 5000 pièces, soit environ 760 francs en monnaie réelle.

    Pour obtenir des publicités et gagner des abonnés, je lui ai viré plusieurs centaines d’euros via PayPal, en utilisant la carte bleue de mon père
    Hugo, 13 ans

    Des influenceurs du monde entier en ont fait un véritable business. Par exemple, des tiktokeurs n’hésitent pas à réclamer des « cadeaux virtuels » à leurs abonnés.

    En échange, le donateur voit son nom apparaître sur le live, lui permettant de gagner en nombre d’abonnés et donc d’acquérir une certaine visibilité. Plus le cadeau est coûteux, plus la personne sera mise en avant dans le live. L’interaction avec la communauté devient ainsi une véritable monnaie d’échange.

    De l’argent envoyé par des mineurs
    En France, certains influenceurs s’adonnant à cette pratique ont été dénoncés par des lanceurs d’alerte. Il y a notamment l’exemple de l’une des personnalités francophones les plus influentes du réseau social avec 10,4 millions d’abonnés. En 2020, ce tiktokeur est accusé d’avoir manipulé de jeunes abonnés dans le but de leur soutirer de l’argent.

    « Pour obtenir des publicités et gagner des abonnés, je lui ai viré plusieurs centaines d’euros via PayPal, en utilisant la carte bleue de mon père », confie Hugo, 13 ans, dans le magazine 60 millions de consommateurs. https://www.60millions-mag.com/2020/09/09/sur-tiktok-des-influenceurs-font-raquer-les-ados-17653# « Quand mes parents ont constaté les sommes débitées, ils ont alerté PayPal, qui leur a rendu l’argent », poursuit Hugo. L’influenceur « m’a alors menacé via les réseaux sociaux de me bannir et de ruiner ma réputation ». Selon l’adolescent, il aurait été jusqu’à débarquer en voiture avec une bande d’amis pour réclamer son dû et le menacer.

    En réaction, Hugo et sa mère, présente lors de l’incident, ont déposé une main courante au commissariat de police. Quelques jours plus tard, le tiktokeur a finalement publié des vidéos d’excuses et appelé sa communauté à ne plus lui envoyer d’argent.

    Absence de contrôle
    Plus de deux ans après, la plateforme ne semble pas avoir durci sa politique de contrôle de l’âge de ses utilisateurs. Au contraire, en 2022, elle est même soupçonnée par le régulateur britannique en charge de la protection des données de s’être emparée de données personnelles sensibles concernant les mineurs.

    Lors des live, une grande partie des personnes envoyant ces « cadeaux » sont des enfants. Officiellement, la plateforme stipule pourtant que seules les personnes majeures peuvent acheter des « pièces de monnaie » et participer aux live. En réalité, aucun contrôle d’identité n’est effectué. Ainsi, tout un chacun peut, en se créant un compte, définir son année de naissance et donc envoyer de l’argent.

    Dans le cas où les coordonnées bancaires sont mémorisées par Google Play ou App Store, un enfant n’a même pas besoin d’emprunter la carte de ses parents pour effectuer un virement. En quelques secondes, des sommes importantes peuvent être dilapidées, via ces petit autocollants colorés. Le géant chinois définit lui-même le taux de conversion de cette monnaie, sans aucune transparence. Il empoche également 50% de commission sur les cadeaux virtuels une fois convertis.

    Une machine à sous humaine
    « On partage le live, on tapote sur le téléphone, allez, allez ». Certains directs se sont transformés en véritables machines à sous humaines. Et pour cause : ils sont consacrés uniquement à l’envoi de cadeaux numériques. Ces vidéos sont souvent animées par des femmes d’origine africaine qui demandent aux internautes de leur envoyer des cadeaux en masse en échange d’abonnements et de « likes ». Il n’est désormais plus question pour le tiktokeur de discuter avec ses abonnés ou avoir un semblant d’interaction sociale. A certaines heures de la journée, ce type de vidéos représentent la majorités des live.

    Autre phénomène, les « live control ». Lors de ces vidéos en direct, des jeunes filles, souvent d’origine asiatique, se mettent en scène, allongées sur un lit. Sur l’écran figure tout ce qu’elles proposent de faire en échange d’un cadeau virtuel. Par exemple, se réveiller en échange d’une « rose », danser en échange d’un « cygne » ou encore faire semblant d’être effrayée contre un « donut ». Les internautes peuvent ainsi « contrôler » la personne en direct contre de l’argent. Là encore, il n’y aucun moyen de savoir si la jeune fille est majeure, ni si elle est complètement consentante ou intégrée à un réseau.

    TikTok prend sa part
    Mais les dérives sur l’application ne s’arrêtent pas là. En octobre 2022, une enquête de la BBC https://www.bbc.com/news/world-63213567 révélait comment la plateforme et des intermédiaires, appelés « Tiktok middlemen », tiraient profit des demandes de dons de Syriens déplacés dans des camps. Durant ces live, des enfants suppliaient pendant des heures les internautes pour obtenir des cadeaux virtuels pour pouvoir ensuite les convertir en argent réel. Assis sur le sol, parfois entourés de leur famille, et répétant les quelques phrases en anglais apprises par coeur tels que : « Please like, please share, please gift ».

    Selon les informations de la BBC, le géant chinois prenait jusqu’à 70% des recettes, un chiffre démenti par la plateforme. Toujours selon le média britannique, les live auraient rapporté jusqu’à 1000 dollars de l’heure (soit près de 920 francs) alors que les habitants des camps n’en recevaient qu’une infime partie. Suite à la diffusion de l’enquête, TikTok a promis de renforcer sa politique en matière de mendicité et d’exploitation. Elle a également assuré avoir supprimé la totalité de ces comptes.

    6 milliards dépensés en 2022
    Le système de monétisation, également utilisé par la plateforme Twitch, a fait de TikTok l’application où les internautes dépensent le plus d’argent. Avant, la plupart des plateformes occidentales reposaient uniquement sur la publicité et les posts sponsorisés.

    En tout, 840 millions de dollars ont été dépensés dans TikTok au premier trimestre de l’année 2022 pour atteindre 6 milliards à la fin de l’année d’après le cabinet Data. En 2023, les utilisateurs devraient dépenser 10 milliards de dollars à l’intérieur de l’application. Parmi les plus gros porte-monnaies, les Etats-Unis et la Chine.

    Depuis 2020, les utilisateurs d’Instagram peuvent eux aussi soutenir les influenceurs préférés pendant leurs live avec des « badges  » allant de 1 à 5 dollars.

    #TikTok #chalenge #exploitation #monnaie_virtuelle #escroquerie à la #mendicité #exploitation #influenceurs #influenceuses #cadeaux_virtuels #monétisation #Google_Play #App_Store #Instagram

    Source : https://www.rts.ch/info/sciences-tech/13784782-entre-escroquerie-et-humiliation-la-face-cachee-des-live-tiktok.html

  • Une campagne d’ingérence étrangère proaméricaine démantelée sur Twitter et Facebook Jeff Yates - Radio Canada
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1907927/ingerence-etrangere-americaine-moyen-orient-iran-asie-centale-faceb

    L’opération était gérée depuis les États-Unis, mais il n’est pas possible de savoir si le gouvernement se cache derrière.

    Des chercheurs ont détecté une campagne clandestine sur les réseaux sociaux visant à promouvoir les intérêts des États-Unis et à alimenter la méfiance envers leurs adversaires, selon un nouveau rapport publié mercredi https://fsi.stanford.edu/news/sio-aug-22-takedowns .

    Cette campagne clandestine, active depuis 2017, visait à influencer les utilisateurs de réseaux sociaux habitant en Asie centrale, en Iran, en Afghanistan et au Moyen-Orient. À l’aide de faux comptes se faisant passer pour des médias et des habitants locaux, la campagne cherchait à attiser le ressentiment envers la Russie, l’Iran et la Chine. Près de la moitié des comptes visaient la population iranienne.

    Les chercheurs, travaillant pour la firme d’analyse des réseaux sociaux Graphika, ainsi que pour l’Observatoire de l’Internet de l’Université Stanford, jugent qu’il s’agit de “la plus vaste opération d’influence pro-occidentale sur les réseaux sociaux jamais analysée par des chercheurs œuvrant dans le renseignement d’origine sources ouvertes (open source)”.

    En tout, l’équipe a analysé près de 300 000 tweets provenant de 146 faux comptes Twitter, ainsi que 39 faux comptes, 16 pages, 2 groupes sur Facebook et 26 comptes Instagram. Les chercheurs ont aussi trouvé des faux comptes associés sur d’autres réseaux sociaux de langue russe. Selon leur analyse, tous ces faux comptes agissaient de façon coordonnée.

    Meta, l’entreprise qui détient Facebook et Instagram, et Twitter ont supprimé l’entièreté du réseau et affirment que ces faux comptes auraient été gérés depuis les États-Unis. Ni ces entreprises ni les chercheurs ne peuvent dire avec certitude qui est derrière cette campagne.

    Les chercheurs notent toutefois qu’une version archivée d’un des faux comptes montre que celui-ci indiquait en 2021 appartenir à CENTCOM, le commandement central des États-Unis, responsable des opérations militaires au Moyen-Orient et en Asie centrale, entre autres.

    Le réseau a même utilisé des portraits générés par l’intelligence artificielle pour créer des faux profils plus réalistes. Ces comptes ont répandu des articles provenant de sites web de faux médias locaux, des caricatures, ainsi que des pétitions comportant un message pro-occidental.

    Quelques faux profils appartenant au réseau et visant le Moyen-Orient. Les photos de profil ont été créées à l’aide de l’intelligence artificielle. Photo : Graphika/Stanford University

    Peu après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, plusieurs de ceux-ci ont cherché à dépeindre la Russie comme étant un agresseur et à mettre l’accent sur les atrocités alléguées commises par les soldats russes.

    “Jusqu’à maintenant, presque toute la recherche sur les opérations d’influence se penchait sur des activités liées à des régimes autoritaires. Notre rapport offre un des premiers regards sur une opération clandestine proaméricaine sur les réseaux sociaux”, juge Shelby Grossman, qui fait partie des auteurs du rapport et chercheuse à l’Observatoire de l’Internet de Stanford.

    Elle et ses collègues soulignent que la campagne était relativement de piètre qualité. Certains textes étaient par exemple traduits de l’anglais au russe de façon approximative. Les publications de ces faux comptes ont généré peu d’engouement chez les populations visées. Le tweet moyen associé à cette campagne a reçu 0,49 j’aime et 0,02 retweet, fait remarquer Mme Grossman. . . . . . . .

    #USA #CIA #twitter #facebook #méta #manipulation #algorithmes #réseaux_sociaux #ia #intelligence_artificielle #pétitions #influenceurs #influenceuses #centcom #médias #ukraine

  • Selon une étude, les laits infantiles ne seraient pas bien testés
    https://www.letemps.ch/sciences/selon-une-etude-laits-infantiles-ne-seraient-bien-testes

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    Les laits infantiles, vendus aux jeunes parents pour remplacer l’allaitement maternel, sont dans l’ensemble mal testés et risquent donc d’être accompagnés d’affirmations trompeuses en matière de nutrition, prévient jeudi une étude publiée dans le British Medical Journal.


    Le rayon des laits infantiles dans un supermarché d’Orléans, en France, le 11 janvier 2018. — © AFP / Guillaume SOUVANT

    Ces substituts, par exemple fabriqués à partir de protéines de lait de vache, représentent un marché de plus en plus porteur dans le monde. Ils promettent d’offrir au nourrisson un aliment équivalent au lait de sa mère.

    Les producteurs de lait infantile doivent donc systématiquement mener des essais cliniques qui visent à prouver que leur produit nourrit suffisamment bien le bébé. Mais « (ces) essais ne sont pas fiables », concluent les auteurs d’une étude publiée dans le BMJ. Celle-ci a examiné le déroulement de 125 essais menés depuis 2015.

    Les producteurs impliqués de trop près dans les études
    Pour quatre cinquièmes d’entre eux, il y a assez de lacunes pour douter de leurs conclusions. Par exemple, de multiples essais ne précisent pas avant leur déroulement ce qui doit être évalué. Pour être crédible, un bon essai clinique doit, au contraire, être clair dès le départ quant à son objectif, sans quoi le chercheur peut être tenté de ne retenir que ce qui l’arrange.

    Autre problème, certains essais excluent arbitrairement des nourrissons du groupe testé. Cela laisse craindre une comparaison faussée.

    En fin de compte, « les conclusions sont presque toujours favorables », soulignent les auteurs, qui jugent que les producteurs sont impliqués de trop près dans les études, au risque d’un manque d’indépendance.

    Ils estiment aussi que les essais manquent de gardes-fous pour s’assurer que les nourrissons testés ne courent pas de risque, notamment de dénutrition. Il faut « changer de manière conséquente la façon dont les essais (...) sont menés et font ensuite l’objet de publications, afin (...) que les consommateurs ne subissent pas d’informations trompeuses », conclut l’étude.

    #allaitement #bébés #nourrissons #multinationales #Lait #essais_cliniques #tests #essais

    • Du rififi dans les biberons Le BabyNes de nestlé
      https://www.letemps.ch/lifestyle/rififi-biberons

      BabyNes, la machine à faire des biberons de Nestlé, fait polémique sur le Web. Pas écolo, inutile, trop chère, mais surtout indigne d’une bonne mère, disent les uns. Merci, répondent les autres

      Dans la publicité, l’appartement est vide et lumineux, la mère et l’enfant sereins, la machine à biberons disposée sur une table vierge. Dans la vraie vie, il peut faire nuit, la mère trébuche sur un jouet et son bébé hurle de faim. La machine à biberons est installée entre celle à café, le Babycook pour faire les pots, le stérilisateur et une corbeille pleine de hochets à faire patienter les jeunes voraces. Evidemment, la publicité n’est pas la vie mais celle-ci vend l’idée qu’elle vous la facilitera. Depuis une dizaine de jours, Nestlé propose son lait infantile en capsules sur le marché français, après seize mois de phase pilote en Suisse (LT du 12.09.2012). BabyNes, la bien nommée, est donc une machine à emplir les biberons à partir de dosettes de lait adaptées aux différents âges des bambins. Une simplification de la tâche que l’on pardonne davantage aux buveurs de café qu’aux parents – qu’aux mères en réalité, à lire les commentaires qui inondent la toile.

      Le lancement de BabyNes en Suisse avait déjà provoqué des réactions passionnées sur Internet en 2011. Elles redoublent depuis une semaine. Certains fustigent le prix de l’ustensile, d’autres son coût pour l’environnement. Beaucoup questionnent l’utilité de la chose, puisqu’il ne leur semble pas sorcier de faire un biberon. A fortiori lorsque l’on possède des seins, rajoutent quelques-uns. Et c’est là que le débat s’enflamme, parce que l’on touche à l’identité de la mère. Et surtout à son « mérite ».

      « L’arrivée d’un enfant, attendu ou pas, doit pousser les parents à faire passer son bien-être avant tout. On ne naît pas parent, on le devient et cela passe par le changement des couches, la préparation des repas et les moments d’amusement », écrivait Aurore sur consolglobe.net après l’annonce de la mise en vente de l’appareil. « Moi je connais une machine qui réunit tous les avantages ; elle ne se nettoie pas, ne nécessite pas d’électricité, ne produit aucun déchet, s’adapte au bébé et à ses besoins, ne prend pas de place… », énumérait Audrey sur le même site avant de livrer la clé que tout le monde redoutait : « La machine de rêve, ce sont vos seins ». La blogueuse « mamafunky », récente utilisatrice de BabyNes, évoque de son côté une « solution miracle », rappelant les nuits brumeuses à compter et recompter les cuillerées destinées au breuvage de son nouveau-né. Les « Pascalettes », autres mères blogueuses, saluent carrément « une révolution ». Comme Moulinex en son temps, Nestlé libérerait donc la femme et cela déplaît à certains, à l’heure où le naturel revient en force. Une polémique comparable fut soulevée dans les années 1970 par l’introduction des couches jetables.

      « Il n’y a évidemment pas eu les mêmes débats autour du café ou du thé en capsules, fabriqués par la même entreprise. Le problème ici est que l’on touche au mythe de la « vraie mère », forcément nourricière, analyse Stéphanie Pahud, auteure du Petit Traité de désobéissance féministe (Ed. Arttesia). Les autres considérations me paraissent relever du faux procès à une société qui est là pour gagner de l’argent et use du marketing en ce sens, même s’il est très hypocrite de vouloir faire croire à l’existence d’un bébé clé en main. »

      Nestlé s’attendait à ce déluge et ne manque pas de prôner l’allaitement sur le site Internet de ­BabyNes, comme le veut une convention signée avec l’Organisation mondiale de la santé. « Nous ne sommes pas surpris par toutes ces réactions ; elles étaient prévisibles, confie Valérie Bignon, directrice de la communication de Nestlé France. Tout ce qui tourne autour de l’allaitement relève de l’intime et peut, dans certains cas, s’avérer idéologique. Cela dit, la contestation est plutôt dans le présupposé là où les avis favorables émanent d’utilisateurs. »

      Misant sur l’adage « l’essayer, c’est l’adopter », la compagnie a contacté de potentiel(le)s aficionados, leaders d’influence de surcroît. Emma Defaud, « mauvaise mère » revendiquée sur le blog éponyme, très lu par les mamans internautes, a refusé le gadget : « Le problème est que l’on essaie de nous refourguer des machines à 100 euros. Après le Babycook, dont la capacité ne permet de remplir qu’un demi-pot, le BabyNes (199 euros puis 1,50 euro par capsule. 249 francs en Suisse, ndlr). On est dans l’inutile complet, en essayant de faire croire que ce truc est branché et vous simplifiera la vie. Le seul accessoire nécessaire est le doseur de lait en poudre et il coûte quelques euros ! » Là encore, la marque veveysanne se défend, via Valérie Bignon : « Toutes les technologies commencent par être chères avant de se démocratiser. Les huit ans de recherche menée pour ce produit se retrouvent aujourd’hui dans son prix ».

      Derrière la mère hyperactive, indigne ou sacrificielle qui émeut les internautes, se cache aussi le bébé victime encore innocente de capitalistes sans scrupule. Elodie, qui écrit sur le blog « conseils éducatifs », désapprouve la captivité du consommateur, happé dès la naissance par le système Nestlé. « Lorsqu’on est habitué à une marque, on en change rarement », estime la mère de famille.

      « Dire que la BabyNes induira la Nespresso revient à penser que faire du roller enfant pousse à la moto adulte, tempère Patrice Duchemin, sociologue de la consommation. C’est une conception soixante-huitarde des choses. Aujourd’hui, les clients zappent et gagnent en indépendance. » La méfiance, sur ce terrain-là, est sans doute accrue par le fait que Nestlé est un poids lourd de l’alimentation, détenteur de multiples marques et déclencheur de quelques scandales.

      Certains redoutent déjà que quelqu’un n’invente une machine à changer les couches. Une douce utopie !

      « Le problème ici est que l’on touche au mythe de la « vraie mère », forcément nourricière »

      #marketing #BabyNes #nestlé #capsules #fric #influenceuses #Nespresso #blogueuses

  • Au Maroc, la beauté à tout prix
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/10/30/au-maroc-la-beaute-a-tout-prix_6057917_4500055.html

    La procédure popularisée au Brésil consiste à prélever de la graisse dans une autre partie du corps, généralement le ventre, pour la transférer dans les fesses. Au Maroc, le BBL, ou son dérivé, « MBL », pour Moroccan Butt Lift, est une des chirurgies les plus prisées par les jeunes femmes qui rêvent d’un postérieur imposant tout en ayant une taille de guêpe. « En résumé, toutes les Marocaines ! », sourit Fadela.

    « Depuis mon opération des fesses,
    j’ai rencontré un gars qui me loue un appartement au centre-ville. Il prend soin de moi, me fait des cadeaux, m’emmène au restaurant. » Fadela, 28 ans

    Depuis qu’elle s’est payé cette nouvelle paire de fesses aux proportions impressionnantes, la jeune femme de 28 ans a enterré sa vie d’avant. Fini les réveils à 6 heures du matin pour se rendre au travail depuis son quartier périphérique de la ville, les galères financières et les gens ordinaires. Fadela ne fréquente désormais plus que les beaux quartiers, sauf lorsqu’elle rend visite à sa famille. « J’ai dit que j’avais pris des vitamines pour grossir. Je les aide financièrement, alors ils ne posent pas de questions. »

    Le soleil se couche, c’est l’heure de la pause selfie. La terrasse avec vue sur l’océan est bientôt envahie par une demi-douzaine de jeunes femmes. Chaque visage présente une ressemblance troublante avec celui des stars d’Instagram, cloné comme pour effacer tout signe de distinction sociale. On les reconnaît à leurs pommettes saillantes, leurs nez fins, leurs lèvres gonflées à l’acide hyaluronique, leur poitrine siliconée, leurs muscles du visage paralysés par les injections de botox et, bien sûr, à leur fessier disproportionné.

    Fadela gonfle la poitrine, se déhanche pour faire apparaître la courbe de ses fesses et ajoute un filtre pour lisser davantage son grain de peau. La photo viendra alimenter les stories Instagram de ses 10 000 abonnés. « Sans mes fesses, je n’aurais jamais pu venir dans un endroit pareil. »

    Elles sont de plus en plus nombreuses à passer sur la table d’opération pour se plier aux nouveaux diktats de beauté de l’ère Instagram. La démocratisation de l’accès à Internet et le succès fulgurant du marketing d’influence ont transformé le rapport des Marocaines à leur corps.
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    « Nous assistons à une “Kardashianisation” de la société. Elle est d’autant plus forte au Maroc où le poids des apparences est très important. Les patientes arrivent avec des photos de modèles Instagram auxquels elles veulent rassembler, persuadées que cela leur permettra d’échapper à leur condition sociale ou de gravir les échelons », déplore une dermatologue à Casablanca, qui souhaite conserver l’anonymat.

    En juin dernier, le décès d’Imane Bensmina a provoqué un vif émoi dans la presse marocaine et sur les réseaux sociaux, où elle était suivie par une communauté de blogueuses. La jeune femme de 32 ans, créatrice d’une marque de vêtements, s’était rendue dans une clinique privée de la capitale pour une liposuccion. Elle a succombé à une embolie graisseuse.

    « On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé. Elle était très jolie, peut-être qu’elle avait deux kg en trop, témoigne sa cousine, Aïcha Zaimi Sakhri. L’opération a duré huit heures, c’est bizarre pour une liposuccion. Est-ce qu’elle a voulu avoir les fesses de Kim ? Elle ne nous avait rien dit. »
    « Si tu n’es pas riche, si tu n’es pas refaite, tu n’es rien »

    L’annonce du décès a eu l’effet d’une bombe dans le petit monde des Instagrameuses. Sollicitées ­fréquemment par les cliniques pour faire la promotion d’interventions et de soins esthétiques, elles ont été pointées du doigt, accusées d’encourager la chirurgie sans en évoquer les risques.

    « C’est vrai qu’Imane avait des complexes. Mais elle a été influencée par les blogueuses qui font de la pub pour les interventions comme on vend un parfum, dénonce une de ses amies. Sur Instagram, les influenceuses marocaines montrent un monde illusoire dans lequel si tu n’es pas riche, si tu n’es pas refaite, tu n’es rien. Elles oublient qu’elles ont une audience de filles très jeunes, parfois pauvres, et que cela crée des frustrations. »

    Il est appelé à l’étage, où de jeunes femmes attendent silencieusement leur tour en consultation. Elles ressemblent à s’y méprendre aux instagrameuses aperçues à La Corniche. Les dents d’un blanc aveuglant, les cheveux lisses et longs jusqu’aux fesses, le sac, la montre, tout y est. « Nos patientes viennent de tous les milieux, certaines sont voilées. Nous avons même de jeunes secrétaires, des femmes avec des salaires très bas », assure-t-on à la clinique, qui a signé une convention avec une société de crédit spécialisée dans l’esthétique.

    « Etre bien dans son corps, c’est un plein droit. C’est pourquoi je permets d’échelonner les paiements et je fais des rabais aux plus nécessiteux. C’est mon credo depuis le début : démocratiser l’accès à la médecine esthétique car c’est un besoin essentiel », déclare le docteur Guessous d’un ton rassurant.

    Il y a quelque chose d’hypnotisant dans sa façon de parler de chirurgie. La peur s’efface, l’acte devient anodin, inoffensif. « C’est tout ce que tu veux faire ? », glisse-t-il dans un clin d’œil charmeur à une Tangéroise vêtue d’un trench Balenciaga, un foulard en soie camouflant ses cheveux.

    « Les choses sont allées trop loin. C’est devenu un commerce : les médecins n’ont plus d’infirmières mais des community managers ! Pourtant, le Conseil national de l’ordre des médecins ne fait rien. » Un médecin marocain

    Elle a fait le chemin jusqu’à Casablanca avec sa fille de 20 ans pour faire des injections de plasma riche en plaquettes (PRP), le fameux « vampire lift », une technique permettant de régénérer la peau du visage grâce à son propre plasma, également popularisée par Kim Kardashian. Sa fille, qui a déjà subi une rhinoplastie, a opté pour un gonflement des lèvres. « Mon mari n’est pas au courant. Même si c’est devenu banal, ça ne se dit pas. Si les voisines remarquent une différence, on dira qu’on sort d’une cure de repos », confie la mère dans un éclat de rire.

    #Chirurgie_esthétique #Instagram #Influenceuses #Kardashianisation (excellent celui-là, fallait l’inventer ;-)