• L’#Italie et le transfert des migrants en #Albanie : le laboratoire et les cobayes

    Les gouvernements italien et albanais ont collaboré pour ouvrir deux centres, à #Shëngjin et à #Gjadër, destinés au #transfert_forcé, à la #détention et au #rapatriement des migrants arrivés en Italie. Ce laboratoire d’#externalisation des frontières, observé avec intérêt par d’autres pays, a un précédent : les #navires_de_quarantaine utilisés pendant la pandémie de Covid-19.

    En novembre 2023, les gouvernements italien et albanais ont signé un #accord selon lequel que les migrants et migrantes secourues par les autorités italiennes en mer Méditerranée ne sont pas conduits vers un port italien, mais en Albanie, où on a ouvert de centres de détention, d’#identification et d’#expulsion et de rapatriement. Dans les récits et les analyses, y compris les plus critiques, de la création de ces centres, on dit souvent qu’il s’agit d’un #laboratoire : avant tout, un laboratoire pour les politiques répressives et autoritaires d’Europe et d’ailleurs. On pourrait se demander laboratoire pour quoi, laboratoire pour qui, et avec le consentement de qui. Ou plutôt, on pourrait partir d’un postulat fondamental : que les laboratoires supposent généralement des cobayes.

    Le cas des centres extraterritoriaux albanais voulus par le gouvernement de Giorgia Meloni est en train de devenir un « #modèle » pour d’autres pays européens. Pourtant, ils ne sortent pas de nulle part. Ils sont eux aussi issus d’autres laboratoires. Plus précisément, d’autres tentatives d’#externalisation des frontières et de la gestion de ses migrants et demandeurs d’asile. Cependant, tout cela ne doit pas faire oublier que, tandis que les laboratoires procèdent habituellement par hypothèses potentielles, pour les personnes concernées, les mécanismes de #rétention, de #concentration et d’#exclusion sont tout sauf hypothétiques : elles les vivent en ce moment même, en cette heure.

    Du laboratoire au modèle

    En 2006, Ismaïl Kadaré avait intitulé l’un de ses derniers essais « L’identité européenne des Albanais ». On peut se demander si ce grand écrivain albanais, qui avait publié la plupart de ses œuvres sous une dictature si répressive, n’aurait jamais pu imaginer que l’Union européenne et l’Albanie seraient aujourd’hui liées par une tentative ambiguë d’externalisation de ces mêmes frontières européennes que Kadaré a vu changer au cours de sa vie.

    En octobre 2024, le gouvernement italien avait déclaré avoir achevé la construction d’un centre de détention pour migrants à Gjadër, en Albanie. Ce centre avait été ouvert en octobre dernier et était initialement destiné à accueillir des demandeurs d’asile secourus en mer et provenant de pays considérés comme « sûrs » par le gouvernement italien et l’Union Européenne. Mais les centres construits par l’Italie en Albanie n’avaient encore jamais fonctionné, car les tribunaux italiens n’ont jamais confirmé la détention des trois groupes de demandeurs d’asile qui y ont été transférés.

    Pourtant, le 11 avril 2025, alors que plusieurs centaines de migrants débarquaient à Lampedusa, une quarantaine de migrants, transférés depuis différents centres de rétention italiens, sont partis de Brindisi, dans les Pouilles, et arrivés dans le port et « #hotspot » albanais de Shëngjin, avant d’être emmenés au centre de Gjadër. Un mois plus tard, le 15 mai dernier, la Chambre des députés italienne a voté la #loi visant à transformer officiellement les centres albanais en « #centres_de_rapatriement ».

    Pour ces personnes migrantes, le passage du statut de « transféré » à celui de « détenu » a été immédiat et injustifié. Tout s’est déroulé dans l’opacité la plus totale. Selon un communiqué d’un réseau d’associations, des sources gouvernementales ont déclaré que les personnes transférées constituaient un « #danger_social » et avaient commis des délits, mais rien de tout cela n’a été prouvé. Le caractère punitif du projet albanais est donc évident. Certaines de ces personnes ont découvert qu’elles allaient être transférées en Albanie au moment même où elles sont arrivées, souvent menottées. Aucune information, aucun avertissement, aucune mesure officielle. Cela nous ramène à la dimension de modèle : comme le souligne l’Association italienne d’études juridiques sur l’immigration dans son rapport, cette affaire marque en effet un tournant dans les politiques migratoires et de gestion des frontières, ouvrant la voie à des scénarios inédits dans le contexte européen.

    Le précédent des #navires-quarantaine

    Pourtant, ce laboratoire italo-albanais n’est pas sorti de nulle part. Les pratiques d’#externalisation_des_frontières sont une caractéristique récurrente du régime actuel de gestion des migrations qualifiées d’« illégales » – et aussi, de plus en plus souvent, de « légales », comme nous le constatons par exemple aux États-Unis ces derniers mois. Un exemple parmi d’autres, ou plutôt des précurseurs : les centres de détention pour demandeurs d’asile ouverts en 2001 par le gouvernement australien sur les îles de Manus et de #Nauru. Dans le même temps, je pense qu’il est important de se pencher en priorité sur un exemple interne, européen, qui concerne à nouveau le gouvernement italien, avant même l’arrivée du gouvernement de #Giorgia_Meloni : il s’agit des navires de quarantaine mis en service pendant l’épidémie de #Covid-19.

    Le 7 avril 2020 le gouvernement italien publie un #décret dans lequel il déclare que les ports italiens ne devaient plus être considérés comme des « #POS#Place_of_safety ». Peu de jours après ce décret, en collaboration encore une fois avec la Croix-Rouge italienne, le système de navires-quarantaine a été mis en place et rapidement rendu actif, à travers de nombreuses #dérogations et #exceptions légitimées par l’#urgence_sanitaire. Le premier navire a levé l’ancre le 7 mai 2020. Immédiatement après, cinq autres grands navires sont affrétés et immédiatement mis en service.

    Exactement comme dans le cas des centres albanais, il n’y a jamais eu de communication officielle aux individus, qui n’ont même pas eu la possibilité d’un contact avec le monde extérieur. En outre, de nombreuses personnes contraintes d’embarquer sur des navires-quarantaine ont été soumises à l’obligation de quitter le territoire italien immédiatement après la fin de leur période d’isolement sur le navire en question, sans la possibilité de demander l’asile ou le regroupement familial. Les navires-quarantaine devenaient alors non seulement des centres d’expulsion externalisés et informels, mais aussi des espaces de droits suspendus : le confinement sur une base sanitaire se transformait immédiatement en un outil de gestion des frontières profondément ambigu. Ce que le gouvernement italien a pu faire sous prétexte de pandémie et de biosécurité, il tente désormais de le faire plus ouvertement à travers les centres albanais.

    Les #cobayes, c’est nous

    Les politiques migratoires sont classiquement un laboratoire d’expérimentation de pratiques et de normes à vocation autoritaire. Le cas des centres italiens en Albanie accélère ce processus. Tout cela repose avant tout sur le principe du chantage exercé sur les personnes classées comme migrants « illégaux » : désormais, tout migrant faisant l’objet d’un ordre de retour arbitraire et extrajudiciaire pourra être envoyé en Albanie et y être détenu.

    Ce qui est préoccupant dans cette dimension d’exemple ou de laboratoire, et de leur triste efficacité réelle, c’est qu’il ne s’agit ni d’une hypothèse, ni d’un projet lointain dans le temps. Pour revenir aux navires-quarantaine, il faut noter comment, pendant la pandémie, l’exemple italien a effectivement été suivi par certains : le navire #Bibby_Stockholm mis en place à l’été 2023 par le gouvernement britannique pour le confinement des demandeurs·euses d’asile, par exemple ; ou la proposition du maire de New York, Eric Adams, d’utiliser des #navires_de_croisière comme « solution créative » pour les supposées « vagues de migrants » arrivées dans la ville au cours des mois précédents. Et c’est déjà le cas pour les centres albanais. Pendant sa visite récente en Albanie, Keir Starmer, premier ministre britannique, vient de déclarer : « Nous négocions actuellement avec plusieurs pays au sujet des centres de rapatriement, que je considère comme une #innovation vraiment importante. » Il appelle ces centres « #return_hubs ».

    Face à la facilité avec laquelle ces types d’exemples répressifs sont aujourd’hui suivis et se propagent, il est nécessaire de rester vigilant et de se rappeler que, dans des situations où ces droits fondamentaux sont bafoués et où des personnes qui n’ont commis aucun crime sont soumises à des traitements inhumains et dégradants, le terme « laboratoire » s’avère alors pertinent : mais les cobayes de cette expérimentation sont nos démocraties, et nous tous et toutes.

    https://blogs.mediapart.fr/carta-academica/blog/060625/l-italie-et-le-transfert-des-migrants-en-albanie-le-laboratoire-et-l

    sur les #navi_quarantena :
    https://seenthis.net/messages/866072

    –-

    ajouté à la métaliste sur l’#accord entre #Italie et #Albanie pour la construction de #centres d’accueil (sic) et identification des migrants/#réfugiés sur le territoire albanais...

    https://seenthis.net/messages/1043873

  • #Eusko basque : quand utiliser une #monnaie_locale déclenche un réflexe coopératif

    Lancée en 2013, l’#Eusko_basque est la principale monnaie locale en Europe. Une étude menée à #Bayonne montre que son usage ne favorise pas seulement les #circuits_courts, mais il semble aussi rendre les utilisateurs… plus coopératifs.

    Alors que la guerre des monnaies fait rage, entre le dollar, l’euro ou même le yuan, la question des monnaies locales revient sur le devant de la scène. Les monnaies locales complémentaires, ou monnaies locales convertibles, sont des dispositifs monétaires mis en place à l’échelle d’un territoire pour favoriser l’#économie_locale. Échangeables à parité avec l’euro (1 eusko = 1 euro), mais utilisables uniquement au sein d’un réseau restreint d’acteurs – commerçants, associations, institutions –, elles visent à réorienter la consommation vers des circuits courts.

    Si leurs dynamiques ont largement nourri la réflexion théorique, les monnaies locales complémentaires font l’objet de bien moins d’analyses empiriques sur leurs #retombées concrètes. Elles n’en demeurent pas moins un phénomène significatif au sein des initiatives d’#innovation_sociale. Plus de 4 500 expériences de ce type ont été recensées dans la littérature au cours des trente dernières années.

    En France, l’Eusko, lancée en 2013 au Pays basque, est souvent citée comme un modèle. Avec plus de 5400 utilisateurs, 4,4 millions d’euskos en circulation et un volume de transactions de 6,5 millions d’euskos en 2024, il s’agit de la première monnaie locale d’Europe. Mais l’usage de ces monnaies peut-il avoir un effet sur les comportements individuels ? Notre étude menée à Bayonne montre que l’usage de l’Eusko ne favorise pas seulement les circuits courts, il semble aussi rendre les utilisateurs… plus coopératifs.
    Lab-in-the-field

    Pour explorer cette hypothèse, nous avons conçu une expérience de type « lab-in-the-field », c’est-à-dire un test comportemental inspiré des méthodes expérimentales classiques mais réalisé dans un cadre naturel. Ici, les cafés et librairies du centre-ville de #Bayonne.

    Nous avons recruté plus de 300 volontaires pour jouer à un jeu dit de « l’ultimatum », une expérience bien connue en économie comportementale. Le principe est simple : un joueur, le « proposeur », propose une partition d’une somme d’argent avec un autre joueur, le « répondant ». Ce dernier peut accepter ou rejeter l’offre. En cas de refus, aucun des deux ne gagne. Dans cette version de l’expérience, chaque participant prend sa décision avant de connaître celle de l’autre. Cette méthode permet d’évaluer les préférences de manière isolée, ainsi que les seuils d’acceptabilité de chacun.

    Mais cette fois, la nouveauté résidait notamment dans la monnaie utilisée pour jouer : certains participants jouaient avec des euros, d’autres avec des Euskos. Nous voulions savoir si la seule présence de cette monnaie locale, qui incarne un engagement collectif, pouvait influencer les choix des joueurs.

    Déclencheur de coopération

    Les résultats sont frappants. Les utilisateurs réguliers de l’Eusko se montrent significativement moins enclins à rejeter les offres lorsqu’ils jouent avec la monnaie locale plutôt qu’en euros. Autrement dit, face à une offre jugée imparfaite, ils choisissent plus souvent de l’accepter quand l’interaction se déroule en eusko. Ce comportement reflète une baisse de la réciprocité négative, c’est-à-dire une moindre tendance à « punir » une proposition perçue comme « injuste ».

    https://www.youtube.com/watch?v=65s6UKa9khI

    En revanche, un tel effet n’est observé chez les non-utilisateurs de l’Eusko, les échantillons ayant été randomisés. Nous en concluons que c’est bien l’usage régulier de la monnaie locale, et non une quelconque différence individuelle préalable, qui déclenche ce réflexe coopératif.

    #Valeurs communes

    Pourquoi une simple monnaie aurait-elle ce pouvoir ? Notre étude avance une interprétation théorique : l’Eusko active des intentions collectives déjà présentes chez ses utilisateurs. Autrement dit, en manipulant la monnaie, les participants se reconnectent à un engagement latent envers la solidarité locale. La monnaie devient un marqueur de valeurs communes, à la fois symboliques et morales, qui influe sur la manière dont les joueurs interprètent la situation.

    Ce mécanisme peut être éclairé par la théorie dite des « buts-cadres » ou goal-framing theory), selon laquelle notre comportement est façonné par des objectifs activés de manière contextuelle. Trois types de cadres coexistent : le cadre hédonique avec la recherche du plaisir/bien-être immédiat, le cadre de gain avec la recherche d’un intérêt personnel matériel à long terme et le cadre normatif avec l’adhésion à des règles et valeurs collectives.

    Dans ce contexte, l’Eusko ne crée pas de nouvelles motivations. Elle semble réactiver un cadre normatif préexistant chez les utilisateurs réguliers : un rapport au collectif, à la solidarité et à la coopération. En rendant ces objectifs saillants, la monnaie infléchit leur comportement de manière moins compétitive, plus conciliante.

    Relocaliser l’économie

    Le changement de monnaie dans cette expérience n’a pas modifié le comportement des « proposeurs », qui ont dans l’ensemble proposé une répartition équitable. Sans doute en raison du caractère public de l’expérience et d’un biais de désirabilité sociale ? L’effet observé concerne uniquement les « répondants », ceux qui acceptent ou refusent une offre. Les résultats confirment une intuition partagée par de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire : les dispositifs alternatifs comme les monnaies locales ne sont pas neutres.

    L’Eusko, comme d’autres monnaies locales en France, a souvent été défendu pour sa capacité à relocaliser l’économie et à renforcer les circuits courts. Cette étude montre qu’elle pourrait aussi jouer un rôle plus subtil mais tout aussi important : renforcer les normes de coopération au sein d’une communauté engagée. Ces résultats relancent les débats sur le rôle des outils monétaires dans la transformation sociale. Ils suggèrent une voie prometteuse pour la recherche : analyser non seulement les effets économiques directs de ces innovations, mais aussi leur capacité à façonner les représentations mentales et les comportements collectifs.

    Si des dynamiques identitaires liées au contexte basque sont parfois évoquées pour expliquer le succès de l’Eusko, celui-ci semble toutefois davantage porté par un contexte socio-politique fertile façonné par des décennies de mobilisation territoriale et de construction de la #confiance.

    https://theconversation.com/eusko-basque-quand-utiliser-une-monnaie-locale-declenche-un-reflexe
    #Pays_Basque #économie #relocalisation

  • N’avons-nous pas répété depuis des siècles l’adage de Descartes :
    "Je pense, donc je suis" ?

    Mais est-ce toujours vrai à l’ère de #ChatGPT ?
    Selon OpenAI, 400 millions de personnes utiliseraient leur chatbot chaque semaine

    On salue l’#innovation
    On applaudit la #rapidité

    Mais on oublie souvent de regarder la partie immergée de l’iceberg, là où apparaissent les premiers signes de #dépendance fonctionnelle...

    Les premières études évoquent plusieurs répercussions préoccupantes :

    👉 Perte d’#autonomie → difficulté à réfléchir sans l’outil

    👉 Perte de #confiance_en_soi → angoisse à l’idée de prendre des décisions seul

    👉 Dépendance à l’outil → stress en l’absence de ses recommandations

    👉 Affaiblissement de la #réflexion personnelle → le cerveau s’habitue à externaliser ses processus de pensée

    On veut aller vite
    On veut être efficace

    Mais on oublie les impacts à long terme :

    1️⃣Déléguer notre réflexion à l’IA pourrait affaiblir gravement l’#intelligence_collective des organisations

    2️⃣ L’IA crée une #dépendance_cognitive qui pourrait limiter l’#innovation_humaine et la #pensée_critique

    Alors, quand un employé me dit, après une formation :
    “Vous m’avez ouvert les yeux… je vais recommencer à réfléchir par moi-même.”

    C’est une victoire !
    Pour lui
    Pour notre communauté
    Et pour son entreprise

    Nous devons former les équipes à penser sans l’IA et à renforcer notre innovation humaine avec elle

    Parce que si nous demandons aux machines de penser à notre place,
    nous perdrons ce qui fait de nous des êtres humains 🧠

    Et vous, comment préparez-vous vos équipes à préserver leur souveraineté cognitive face à l’IA ?

    https://www.linkedin.com/posts/laurie-michel-vivala_hyperconnectivitaez-ia-chatgpt-activity-7323307641005
    #IA #AI #intelligence_artificielle #pensée #iceberg #ressources_pédagogiques

  • Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • La tyrannie de la #commodité (par #Tim_Wu)

    Traduction d’un texte essentiel sur la notion de commodité, de #confort, publié en 2018 par le juriste américain Tim Wu dans le New York Times[1]. Les organisations (institutions étatiques, think tanks, ONG, associations, etc.) et influenceurs de la mouvance éco-capitaliste ne remettent aucunement en question le confort moderne. Le pouvoir ne remettra évidemment jamais en cause ce qui lui permet de tenir le peuple en laisse. Ce texte est à mettre en relation avec une excellente réflexion critique sur le confort publiée récemment par l’anthropologue Stefano Boni.

    –-

    La commodité est la force la plus sous-estimée et la moins comprise dans le monde d’aujourd’hui. En tant que moteur des décisions humaines, elle n’offre pas le frisson coupable des désirs sexuels inconscients de Freud ou l’élégance mathématique des incitations de l’économiste. La commodité est ennuyeuse. Mais l’ennui se différencie de la banalité.

    Dans les pays développés du XXIe siècle, la commodité – c’est-à-dire des moyens plus efficients et plus pratiques pour accomplir des tâches quotidiennes – semble être la force la plus puissante qui façonne nos vies et nos économies. C’est particulièrement vrai en Amérique, où, malgré tous les hymnes à la liberté et à l’individualité, on se demande parfois si la commodité n’est pas en fait la valeur suprême.

    Comme l’a récemment déclaré Evan Williams, co-fondateur de Twitter, « la commodité décide de tout ». La commodité semble prendre les décisions à notre place, l’emportant sur ce que nous aimons imaginer être nos véritables préférences. (Je préfère faire mon café, mais le Starbucks instantané est si pratique que je ne fais presque jamais ce que je « préfère »). Faciliter les choses ne suffit pas, il faut trouver la manière la plus facile de faire, la meilleure.

    La commodité a la capacité de rendre d’autres options impensables. Une fois que vous avez utilisé une machine à laver, le lavage du linge à la main semble irrationnel, même s’il est probablement moins onéreux. Une fois que vous avez fait l’expérience de la télévision à la demande, attendre de voir une émission à une heure déterminée à l’avance semble idiot, voire un peu indigne. Résister à la commodité – ne pas posséder de téléphone portable, ne pas utiliser Google – en vient à exiger un dévouement particulier souvent pris pour de l’excentricité, voire du fanatisme.

    Malgré toute son influence dans sa manière de façonner les décisions individuelles, la part la plus importante du pouvoir de la commodité pourrait découler de décisions prises à un échelon global, à un niveau où il contribue de manière critique à structurer l’économie moderne. La bataille pour la commodité, particulièrement dans les secteurs liés à la #technologie, c’est la bataille pour s’assurer la #domination dans l’#industrie.

    Les Américains disent qu’ils accordent une grande importance à la #concurrence, à la multiplication des #choix, à l’individu. Pourtant, notre goût pour la commodité engendre plus de commodité, grâce à la combinaison des #économies_d’échelle et du pouvoir de l’#habitude. Plus il est facile d’utiliser Amazon, plus Amazon devient puissant – ce qui rend encore plus facile d’utiliser Amazon. La commodité et le #monopole semblent être des alliés naturels.

    Compte tenu de la croissance de la commodité – en tant qu’#idéal, #valeur, #mode_de_vie – il est utile de se demander ce que notre obsession pour celle-ci fait pour nous et pour notre pays. Je ne veux pas suggérer que la commodité est une force malfaisante. Rendre les choses plus faciles n’est pas un mal en soi. Au contraire, elle ouvre souvent des possibilités qui semblaient autrefois trop onéreuses à envisager, et elle rend généralement la vie moins pénible, en particulier pour les personnes les plus vulnérables aux corvées quotidiennes.

    Mais nous nous trompons en présumant que la commodité est toujours une bonne chose, car elle entretient une relation complexe avec d’autres idéaux qui nous sont chers. Bien qu’elle soit comprise et promue comme un instrument de libération, la commodité dévoile une face plus sombre. Avec sa promesse d’#efficacité en douceur et sans effort, elle menace d’effacer le genre de luttes et de défis qui donnent un sens à la vie. Créée pour nous libérer, elle peut devenir une #contrainte influençant ce que nous sommes prêts à faire. Et donc de manière subtile, elle peut nous asservir.

    Il serait pervers d’ériger l’inconfort en idéal, mais lorsque nous laissons la commodité décider de tout, nous capitulons trop souvent.

    La commodité telle que nous la connaissons aujourd’hui est un produit de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, lorsque des dispositifs permettant d’économiser le travail à la maison ont été inventés et commercialisés. Parmi les #innovations marquantes, citons l’invention des premiers « #aliments_de_confort », tels que le porc et les haricots en conserve et le Quaker Quick Oats [flocons d’avoine en boîte, NdT], les premières machines à laver électriques, les produits de nettoyage comme la poudre à récurer Old Dutch, et d’autres merveilles comme l’aspirateur électrique, le mélange pour gâteau instantané et le four à micro-ondes.

    La commodité apparaissait comme la version domestique d’une autre idée de la fin du XIXe siècle – l’#efficience_industrielle et la « gestion scientifique du travail » qui l’accompagnait. Elle représentait l’adaptation de la philosophie de l’usine à la vie domestique.

    Aussi banal que cela puisse paraître aujourd’hui, la commodité, grande libératrice de l’humanité enfin délivrée du #travail, était un #idéal_utopique. En faisant gagner du #temps et en éliminant la #corvée, elle créerait la possibilité de s’adonner à des #loisirs. Et avec les loisirs viendrait la possibilité de consacrer du temps à l’apprentissage, aux passe-temps ou à tout ce qui pouvait vraiment compter. La commodité mettrait à la disposition du grand public le type de liberté et d’élévation culturelle autrefois réservé à l’aristocratie. Dans cette perspective, la commodité apparaissait également comme une grande niveleuse des inégalités.

    Cette idée – la commodité perçue comme une #émancipation – peut être enivrante. Ses représentations les plus captivantes se trouvent dans la science-fiction et les univers futuristes imaginés au milieu du XXe siècle. Des magazines sérieux comme Popular Mechanics et des divertissements loufoques comme The Jetsons nous ont enseigné que la vie dans le futur atteindrait l’idéal du confort parfait. La nourriture serait préparée en appuyant sur un bouton. Les trottoirs en mouvement nous épargneraient l’ennui de la marche. Les vêtements se nettoieraient d’eux-mêmes ou s’autodétruiraient après une journée à les porter. La fin de la lutte pour l’existence pourrait enfin être envisagée.

    Le rêve de la commodité se fonde sur une représentation cauchemardesque de l’#effort_physique. Mais le travail éprouvant est-il toujours un cauchemar ? Voulons-nous vraiment être émancipés de tout cela ? Peut-être que notre humanité s’exprime parfois par des actions incommodes et des quêtes de longue durée. C’est peut-être la raison pour laquelle, à chaque avancée du confort, des résistants se manifestent. Ils résistent par entêtement, oui (et parce qu’ils ont le luxe de le faire), mais aussi parce qu’ils voient une menace pour leur identité, pour leur capacité à contrôler les choses qui comptent pour eux.

    À la fin des années 1960, la première révolution de la commodité commença à s’étouffer. La perspective d’une vie où l’inconfort aurait disparu semblait avoir perdu la première place parmi les grandes aspirations de la société. Commodité signifiait #conformité. La #contre-culture incarnait le besoin des gens de s’exprimer, de réaliser leur potentiel individuel, de vivre en harmonie avec la nature plutôt que de chercher constamment à surmonter ses nuisances. Jouer de la guitare n’était pas facile. Il n’était pas non plus aisé de cultiver ses propres légumes ou de réparer sa propre moto, mais de telles choses étaient néanmoins considérées comme ayant de la valeur – ou plutôt considérées comme un accomplissement. Les gens recherchaient à nouveau à se réaliser en tant qu’individus.

    Dès lors, il était peut-être inévitable que la deuxième vague de technologies de confort – la période que nous vivons – cherche à récupérer cet idéal. Elle rendrait l’#individualité plus pratique.

    Vous pouvez faire remonter le début de cette période à la sortie du Walkman de Sony en 1979. Avec le #Walkman, nous pouvons observer un changement subtil mais fondamental dans l’idéologie de la commodité. Si la première révolution de la commodité promettait de vous faciliter la vie et le travail, la seconde promettait de vous faciliter d’être vous-même. Les nouvelles technologies étaient des catalyseurs de l’#individualité. Elles ont permis l’application de l’efficience industrielle à l’expression individuelle.

    Prenons l’homme du début des années 1980 qui se promenait dans la rue avec son walkman et ses écouteurs. Il est enfermé dans un environnement acoustique de son choix. Il profite, en public, du genre d’expression qu’il ne pouvait autrefois connaître que dans son salon privé. Une nouvelle technologie lui permet de montrer plus facilement qui il est, ne serait-ce qu’à lui-même. Il se pavane dans le monde entier telle une vedette jouant dans son propre film.

    Cette vision est si séduisante qu’elle en est venue à dominer notre existence. La plupart des technologies puissantes et dominantes créées au cours des dernières décennies mettent la commodité au service de la #personnalisation et de l’#individualité. Pensez au magnétoscope, à la playlist, à la page Facebook, au compte Instagram. Ce genre de commodité ne consiste plus à économiser du travail physique – beaucoup d’entre nous n’avons plus à transpirer pour gagner notre vie. Il s’agit de minimiser les ressources mentales nécessaires pour choisir parmi les options disponibles afin d’exprimer son individualité ; la commodité en un clic, un guichet unique, l’expérience sans accroc du « plug and play ». L’idéal poursuivi ? La #préférence_individuelle, le tout sans effort.

    Bien sûr, nous sommes prêts à payer un prix plus élevé pour la commodité, mais nous réalisons moins souvent que nous acceptons de remplacer un service gratuit par un service payant plus commode. Par exemple, à la fin des années 1990, les technologies de distribution de la musique comme Napster ont permis de mettre de la musique en ligne gratuitement, et beaucoup de gens ont profité de cette nouvelle option. Mais s’il reste facile d’obtenir de la musique gratuitement, pratiquement plus personne n’en télécharge illégalement aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que le lancement de l’iTunes store en 2003 a rendu l’achat de musique encore plus pratique que le téléchargement illégal. La commodité a battu la #gratuité.

    Alors que les tâches quotidiennes se simplifient, un désir croissant pour davantage de confort crée une incitation à rendre tous les aspects de notre vie encore plus simple. Ce qui ne devient pas plus commode se fait distancer. Nous sommes pourris gâtés par l’instantanéité et nous sommes agacés par les tâches qui restent à un niveau antérieur d’effort et de durée. Lorsque vous pouvez éviter la file d’attente et acheter des billets de concert sur votre téléphone, faire la queue pour voter lors d’une élection devient irritant. C’est particulièrement vrai pour ceux qui n’ont jamais eu à faire la queue (ce qui peut expliquer le faible taux de participation des jeunes aux élections).

    La vérité paradoxale à laquelle je veux en venir, c’est que les technologies actuelles d’individualisation forment un ensemble de technologies d’individualisation de masse. La personnalisation peut être étonnamment uniformisante. Tout le monde ou presque est sur Facebook : c’est le moyen le plus pratique pour garder le contact avec vos amis et votre famille, qui en théorie devraient représenter ce qui il y a d’unique en vous et dans votre vie. Pourtant, avec Facebook, nous nous ressemblons tous. Son format et ses conventions nous privent de toutes les expressions d’individualité, sauf les plus superficielles telle que la photo d’une plage ou d’une chaîne de montagnes que nous choisissons en image de couverture.

    Je ne nie pas que faciliter les choses peut être d’une grande utilité en nous offrant de nombreux choix (de restaurants, de services de taxi, d’encyclopédies open-source) là où nous n’en avions que peu ou pas du tout auparavant. Mais être humain ne se résume pas à avoir des choix à faire. Il s’agit également de savoir comment faire face aux situations qui nous sont imposées, comment surmonter les défis qui en valent la peine et comment mener à bien les tâches difficiles – les combats qui contribuent à faire de nous ce que nous sommes. Qu’advient-il de l’expérience humaine lorsque tant d’obstacles et d’entraves, d’exigences et de préparatifs sont supprimés ?

    Le culte moderne de la commodité ne reconnaît pas que la #difficulté est une caractéristique constitutive de l’expérience humaine. La commodité y est décrite comme une destination et non un voyage. Mais escalader une montagne, ce n’est pas pareil que de prendre le tramway pour se rendre jusqu’au sommet, même si l’on arrive au même endroit. Nous devenons des personnes qui se soucient principalement ou uniquement des résultats. Nous risquons de faire de la plupart de nos expériences de vie une série de trajets en tramway.

    La commodité doit servir un but plus élevé qu’elle-même, de peur qu’elle ne conduise qu’à plus de commodité. Dans un ouvrage paru en 1963 devenu depuis un classique (The Feminine Mystique), Betty Friedan a examiné l’apport des technologies domestiques pour les femmes. Elle en a conclu que l’#électroménager avait simplement créé plus de demandes. « Même avec tous les nouveaux appareils qui permettent d’économiser du travail », écrit-elle, « la femme au foyer américaine moderne passe probablement plus de temps à faire des #travaux_ménagers que sa grand-mère ». Lorsque les choses deviennent plus faciles, nous pouvons chercher à remplir notre temps de vie avec d’autres tâches plus « faciles ». À un moment donné, la lutte déterminante pour la vie se transforme en une tyrannie de petites corvées et de décisions insignifiantes.

    Une conséquence fâcheuse de la vie dans un monde où tout est « facile » ? La seule compétence qui compte se résume à la capacité de faire plusieurs choses à la fois. À l’extrême, nous ne faisons rien ; nous ne faisons qu’organiser ce qui sera fait, une base bien peu solide pour une vie décente.

    Nous devons consciemment accepter l’#inconfort – pas toujours, mais plus souvent. De nos jours, faire au moins quelques choix incommodes, c’est cela l’individualité. Vous n’avez pas besoin de baratter votre propre beurre ou de chasser pour vous procurer votre propre viande, mais si vous voulez être quelqu’un, vous ne pouvez pas permettre que la commodité soit la valeur qui transcende toutes les autres. La lutte n’est pas toujours un problème. Parfois, la #lutte est une solution. Elle peut devenir une solution pour découvrir qui vous êtes.

    Accepter l’inconfort peut sembler étrange, mais nous le faisons déjà sans le considérer comme telle. Comme pour masquer le problème, nous donnons d’autres noms à nos choix incommodes : nous les appelons #hobbies, loisirs, #vocations, #passions. Ce sont les activités non utilitaires qui contribuent à nous définir. Elles nous récompensent en façonnant notre personnalité car elles impliquent de se frotter à une résistance significative – avec les lois de la nature, avec les limites de notre propre corps – par exemple en sculptant du bois, en faisant fondre des matières premières, en réparant un appareil cassé, en écrivant un code, en surfant des vagues ou encore en persévérant au moment où vos jambes et vos poumons commencent à se rebeller lorsque vous courez.

    De telles activités prennent du temps, mais elles nous redonnent aussi du #temps. Elles nous exposent au risque de #frustration et d’#échec, mais elles peuvent aussi nous apprendre quelque chose sur le monde et sur la place que nous y occupons.

    Réfléchissons donc à la #tyrannie_de_la_commodité, essayons plus souvent de résister à sa puissance stupéfiante, et voyons ce qui se passe. Nous ne devons jamais oublier le plaisir pris à faire quelque chose de lent et de difficile, la #satisfaction de ne pas faire ce qui est le plus facile. Cette constellation de choix inconfortables est probablement ce qui nous sépare d’une vie totalement conforme et efficiente.

    https://greenwashingeconomy.com/tyrannie-commodite-par-tim-wu
    #facilité #résistance

  • L’#IA va-t-elle nous rendre crétins ?

    Les effets du recours à l’#intelligence_artificielle sur les individus suscitent l’inquiétude d’un grand nombre de scientifiques. Ils expriment la crainte qu’elle affaiblisse la capacité de chacun à #penser par soi-même.

    En nous connectant à des contenus de piètre qualité ou en les générant à notre place, l’IA affaiblit notre #esprit_critique.

    Baisse des résultats des tests Pisa, évaluations alarmantes des #capacités_cognitives et effondrement de la #lecture. Ces jours-ci encore, ce constat du déclin de l’#intelligence des jeunes et des adultes alarme le Financial Times. L’état de tutelle des consciences par les écrans où président des IA n’est pas étranger à l’épidémie de #solitude grandissante, affectant aussi nos facultés émotionnelles et sociales. Quel est le rôle de l’IA dans tout cela ?

    L’#IA_prédictive, d’abord, optimise sans cesse nos interfaces numériques afin de nous rendre #accros. L’#économie_de_l’attention repose sur cette absorption du #temps conscient pour extraire des données et influencer les #comportements. L’ingénieur Andrej Karpathy, acteur de la Vallée du silicium, le dit sans détour : « Tiktok, c’est du crack digital qui a attaqué mon cerveau ! » L’#addiction est un fait générationnel. La moitié des adolescents aux États-Unis sont presque constamment connectés. Connectés à quoi ? La « #pourriture_cérébrale » ! Soit des contenus de piètre qualité qui détériorent les #capacités_mentales.

    D’ailleurs, l’expression a été élue mot de l’année par le dictionnaire d’Oxford. Gageons qu’elle rejoigne celle de « #crétin_digital » forgée par Michel Desmurget pour caractériser la surexposition aux écrans. L’IA générative, ensuite, crée du contenu sans #effort. Dans les années 1980, le philosophe Ellul écrivait que si « vous mettez un appareil entre les mains d’un imbécile, il ne deviendra pas intelligent pour cela ». L’actualité continue de lui donner raison. Même les consultants de McKinsey sont trompés par des résultats erronés de ChatGPT. Plus ils y recourent et moins ils sont moins performants et créatifs. Allant dans le même sens, une étude de Microsoft et de l’université Carnegie démontre que l’usage des IA génératives au travail diminue l’esprit critique.

    L’IA interactive, enfin, crée une relation avec l’utilisateur. L’université de Cambridge alerte sur l’essor de ces compagnons IA ouvrant la voie à la capture et la #manipulation de nos intentions. Ce n’est plus seulement l’#attention, mais l’#intention qui est l’objet de la machinerie algorithmique. Même les choix les plus ordinaires (quel film regarder ? quel cadeau offrir ?) sont délégués et toute faculté que l’on n’exerce plus finit par s’atrophier. Ces études ne sont pas anecdotiques, puisque le MIT a recensé pas moins de 777 #risques documentés scientifiquement de l’IA répartis en 23 catégories, dont la #dépendance_affective et la #perte_d’autonomie.

    Le « #capitalisme_numérique colonise tous les lieux que nous dés-habitons », écrit la philosophe Rouvroy. Il en est de même de nos esprits. Le temps d’écran est la continuation du temps de travail. La destruction de nos intelligences est le corollaire de la production au sein de ce #capitalisme. Pour nous maintenir dans un défilement morbide de pourriture cérébrale devant un écran, il faut d’abord nous transformer. La fainéantise d’Oblomov a remplacé le puissant Stakhanov.

    Alerte ! Après la télévision, les jeux vidéo, le rap, les réseaux sociaux numériques, voici la nouvelle innovation qui menace l’intelligence de l’humanité tout entière : l’IA. Les prophéties alarmistes réitérées à chaque nouveauté technologique, fleurissent sur la #crétinisation annoncée des masses, et encore plus sur celle d’une jeunesse déjà régulièrement qualifiée de crétine (digitale).

    Selon plusieurs études récentes, l’IA séduirait la population, fascinée par les #performances de l’outil. Beaucoup de bruit pour une banale évidence : l’absence ou la fragile #éducation – ici, au numérique – nuit gravement à l’exercice d’un esprit critique. Immense boîte noire, nourrie par d’innombrables corpus de textes et d’images, bien souvent sans le consentement de leurs auteurs, l’usage de l’IA générative nous pousse à interroger notre rapport aux #sources, à l’#information, à la #propriété_intellectuelle. Elle nous rappelle combien l’éducation est la clé d’un regard distancié et critique, d’un pouvoir d’agir informé sur le monde. Mais l’IA ne porte aucune responsabilité. Aucune.

    Ont une #responsabilité les professionnels de l’information qui jouent aux apprentis sorciers, se pâmant devant une IA « trop forte », s’émerveillant de ses #performances comme s’ils assistaient à une démonstration de magie. Ont une responsabilité ceux qui s’évertuent à pointer les « erreurs » commises par une IA, surpris qu’un programme conçu pour générer du contenu à partir de #modèles_statistiques « se trompe », et lui reprochant de nous attirer dans les limbes des approximations, méprises et autres faussetés. Dans les deux cas est alimenté le fantasme d’une IA autonome, quasi divine, que nous utilisons, impuissants.

    Prenons le temps. Ne nous jetons pas à corps et esprits perdus dans les multiples potentialités et/ou affres de l’IA. Le procès en crétinisme évite le vrai procès, citoyen celui-ci : de quelle IA voulons-nous ? De celle qui récupère des données que nous cédons sur le Web à des industries sans éthique ? De celle qui, à l’empreinte écologique colossale, condamne un peu plus (vite) l’avenir de notre planète ? De celle à laquelle nous déléguons jusqu’à notre créativité singulière au profit de l’hégémonie d’un savoir standardisé, aseptisé et parfois, pour ne pas dire bien souvent, biaisé ? De celle que l’on utilise pour contribuer à cette accélération dénoncée par Hartmut Rosa qui nous asservit chaque jour davantage aux dogmes les plus avilissants qui soient ?

    Prenons le temps. Celui de mesurer des choix, vertigineux mais aussi passionnants, qui nous reviennent. Celui de prendre nos responsabilités, individuelles et collectives, en décidant de la place que nous souhaitons accorder à une #innovation qui n’est en aucun cas toute-puissante. Celui de faire société, en exerçant notre capacité à « penser d’après nous-mêmes » selon l’intemporelle pensée de Condorcet. L’IA n’a ni cerveau ni valeurs. Nous si. À nous de jouer. Sérieusement.

    https://www.humanite.fr/en-debat/citoyennete/lia-va-t-elle-nous-rendre-cretins

    via @freakonometrics

  • Abandon des projets d’automatisation à la frontière canado-américaine

    Un poste frontalier canadien sans douanier, avec une barrière contrôlée à distance et des passeports balayés directement par le conducteur : c’était l’idée imaginée il y a quelques années par la direction des services frontaliers du Canada.

    Mais cette volonté, critiquée à l’interne, n’ira finalement pas plus loin, a appris Radio-Canada.


    L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a décidé de mettre le frein à cette innovation, pourtant présentée il y a quelques années comme « une option efficace et viable ». https://www.cbsa-asfc.gc.ca/agency-agence/reports-rapports/bp2020/2016/trav-voy-pro-fra.html

    “Ça marche et ça fonctionne beaucoup dans les aéroports, parce qu’on connaît les gens qui arrivent. Mais aux frontières terrestres, c’est un peu plus difficile”, admet le directeur général de la région du Québec de l’ASFC, Eric Lapierre, en référence aux bornes automatisées ayant permis de réduire les délais d’attente pour les voyageurs aériens.
    . . . . .
    Une borne automatisée n’interceptera pas de contrebande ou d’armes à feu illégales, et ne peut pas remplacer la présence d’agents frontaliers en première ligne.

    . . . . .
    Débuté en 2016 au poste local de Morses Line, à Saint-Armand, ce programme expérimental n’aurait pas donné pleine satisfaction, notamment en raison des coûts et de la surveillance à distance, a-t-on confié à Radio-Canada.

    Après quatre années d’étude, “plus de 5800 voyageurs et 3500 véhicules” ont expérimenté cet outil, qui a coûté 16,1 millions de dollars, précise Jacqueline Roby, porte-parole de l’ASFC.

    #innovation #bidon , inutile et couteuse #frontière #râteau de la #technologie #Mirages_numériques
    Source et détails : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2148501/automatisation-poste-frontiere-canada-etats-unis-douane

  • Exclusif : la #Commission_européenne s’apprête à proposer des « #centres_de_retour » pour les migrants

    La Commission européenne réfléchit à une nouvelle législation européenne sur le #retour des migrants, alors que de nombreux pays insistent sur la nécessité d’adopter une ligne dure.

    La Commission européenne est désormais prête à inclure les « centres de retour » situés en dehors des frontières de l’Union et à partir desquels les migrants peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine dans une prochaine proposition législative visant à accélérer le retour des demandeurs d’asile déboutés. Cette information émane des « minutes » d’une réunion informelle des ministres de l’Intérieur de l’UE qui s’est tenue la semaine dernière et qu’euronews a pu consulter.

    Lors du Conseil informel qui s’est tenu à Varsovie le 30 janvier, le nouveau commissaire autrichien à l’immigration, Magnus Brunner, a discuté de propositions « innovantes » pour la gestion de l’immigration avec des représentants des Etats membres de l’espace Schengen et des institutions de l’UE (https://fr.euronews.com/my-europe/2024/10/15/delocalisation-des-migrants-hors-de-lue-la-commission-europeenne-favora). A ce stade, il a surtout été question de la #législation sur les #retours, d’après le compte-rendu.

    Les réunions informelles du Conseil sont des rassemblements réguliers des États membres et des institutions de l’UE, organisés par la présidence tournante du Conseil de l’UE, cette fois-ci dirigée par la Pologne, qui a accueilli l’événement dans sa capitale.

    Interrogé par euronews, un porte-parole de la Commission a refusé de commenter les informations divulguées.

    La proposition de l’UE visant à accélérer le retour des migrants devrait être publiée par la Commission dès la fin de ce mois, donnant ainsi le coup d’envoi du processus législatif.

    Le commissaire Brunner a proposé des « règles plus strictes en matière de #détention » et la « possibilité de développer des centres de retour » au cours de la réunion, selon le document.

    Les centres de retour sont des lieux proposés en dehors de l’UE, où les personnes dont la demande d’asile a été rejetée au sein de l’Union pourraient être envoyées avant d’être renvoyées dans leur pays d’origine. C’est le genre de solution que l’Italie a déjà mis en place après un accord avec l’Albanie, mais qui soulève beaucoup de questions juridiques.

    L’#Autriche, la #Bulgarie, la #République_tchèque, le #Danemark, l’#Allemagne, la #Grèce, l’#Italie, la #Lettonie et #Malte ont accueilli favorablement la proposition de centres de retour et l’ont décrite comme « un moyen de #dissuasion possible de l’#immigration_irrégulière ».

    Les décisions en matière d’immigration sont prises à la majorité qualifiée, ce qui signifie qu’au moins 15 des 27 États membres représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne doivent approuver la proposition.

    Lisbonne et Madrid ont émis des doutes

    D’autres Etats membres, tels que le Portugal et l’Espagne, ont émis des « #doutes » d’un point de vue juridique et opérationnel, tandis que d’autres, tels que l’Irlande et la Belgique, ont « souligné la nécessité de mesures réalistes et réalisables, dans le respect des #droits_fondamentaux », selon le compte-rendu.

    Lors de son audition de confirmation au Parlement européen à l’automne dernier, M. Brunner avait déclaré que l’Union européenne devait rester « ouverte » à l’exploration de « nouvelles idées » pour freiner l’immigration irrégulière.

    L’établissement de ces centres pourrait se faire d’une manière « humaine et juridiquement saine », avait-il déclaré à l’époque, ajoutant qu’une réflexion plus approfondie était nécessaire pour « découvrir à quoi ce type de concept pourrait ressembler » dans la pratique.

    Les organisations humanitaires ont déjà rejeté cette initiative, affirmant que ces centres conduiraient à des détentions sans fin et à des souffrances endémiques. La législation européenne actuelle interdit aux autorités d’envoyer des migrants contre leur gré dans des pays avec lesquels ils n’ont pas de lien.

    Mais la pression politique exercée pour améliorer le #taux_d'expulsion a eu raison de ces avertissements, favorisant une approche plus stricte dans de nombreux États membres.

    La présidente de la Commission, #Ursula_von_der_Leyen, a également soutenu fermement les « centres de retour » dans une lettre adressée aux dirigeants de l’UE avant un sommet de deux jours à Bruxelles dominé par les discussions sur l’immigration en octobre dernier. Dans cette lettre, Mme Von der Leyen estimait qu’un protocole de migration conclu entre l’Italie et l’Albanie - qui a fait l’objet d’une contestation juridique - pourrait déterminer les prochaines étapes de la politique migratoire de l’UE.

    Autres détails de la future #loi

    Mme Brunner a également proposé d’introduire une obligation pour les personnes renvoyées de « coopérer et d’énoncer des conséquences claires » en cas de non-respect des règles, de renforcer les règles pour les « personnes renvoyées qui représentent une #menace_pour_la_sécurité » et de faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions de retour au sein de l’Union.

    Les ministres du Danemark, de l’Islande, du Liechtenstein, de la Lituanie, de Malte, de la Norvège, de la Roumanie, de la Slovénie et de la Suède ont salué les « obligations claires des rapatriés et les sanctions » pour ceux qui refusent de coopérer.

    Plusieurs pays ont accepté l’idée d’une #reconnaissance_mutuelle des décisions de retour entre les Etats membres, la France étant la seule à s’y opposer totalement, selon le compte-rendu.

    L’Espagne, soutenue par le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et l’Islande, a demandé un renforcement du rôle de #Frontex, l’agence européenne des frontières, pour les retours. L’agence « a accepté la proposition [...] et a souligné la nécessité d’avoir des ressources adéquates pour cela », selon le compte-rendu.

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé dans son discours de réélection l’été dernier qu’elle avait l’intention de tripler le personnel de Frontex.

    Enfin, le document indique que la plupart des Etats membres considèrent qu’il est préférable de rédiger la loi sous la forme d’une #directive plutôt que d’un #règlement, afin de donner aux Etats membres plus de #flexibilité dans son #application.

    Suspension du #droit_d'asile

    Le procès-verbal fait également état d’une discussion sur le trafic de migrants aux frontières de la Russie et du Bélarus, sous le titre « #armement_des_migrants ».

    M. Brunner a rappelé aux États membres qu’ils peuvent prendre les « mesures nécessaires pour s’opposer aux acteurs hostiles » qui envoient des migrants aux frontières de l’UE. Cependant, toute action contre ces #acteurs_hostiles pouvant avoir un impact sur les demandeurs d’asile doit être considérée comme une « mesure exceptionnelle » et doit être conforme au droit international, a-t-il déclaré.

    À cet égard, la Suède a présenté la #suspension des régimes d’asile « dans des circonstances exceptionnelles » comme une réponse possible à ces « acteurs hostiles ».

    Cette idée reflète des initiatives similaires prises récemment par la Finlande et la Pologne.

    Prochaines étapes

    Après la publication de la proposition sur le retour des demandeurs d’asile, la Commission européenne entamera son processus législatif, qui dure généralement deux ans.

    Le commissaire Brunner sera chargé de mettre en œuvre le nouveau #pacte_pour_l'immigration_et_l'asile, la réforme de grande envergure que l’#Union_européenne a achevée en mai après près de quatre ans de négociations acharnées. Le Parlement considère le nouveau pacte comme une réussite historique et souhaite que tous les États membres se conforment aux nouvelles règles.

    Cependant, la Pologne et la Hongrie ont ouvertement déclaré qu’elles ne le feraient pas, ce qui alimente les craintes que la réforme complexe ne s’effondre avant d’avoir eu la chance de produire des résultats.

    Le nouveau commissaire s’est engagé à poursuivre en justice ceux qui ne respectent pas les règles. « Si cela s’avère nécessaire et justifié, des procédures d’infraction pourraient être engagées », a-t-il déclaré.

    https://fr.euronews.com/my-europe/2025/02/04/exclusif-la-commission-europeenne-sapprete-a-proposer-des-centres-de-re
    #migrations #asile #réfugiés #expulsions #innovation #renvois #guerre_hybride #externalisation

    via @karine4

    –-

    ajouté à la métaliste sur l’#accord entre #Italie et #Albanie pour la construction de #centres d’accueil (sic) et identification des migrants/#réfugiés sur le territoire albanais...

    https://seenthis.net/messages/1043873

  • La Chine talonne les Américains dans la course à l’intelligence artificielle
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/01/25/la-chine-talonne-les-americains-dans-la-course-a-l-intelligence-artificielle


    Lors de la conférence mondiale de l’intelligence artificielle, à Shanghaï, en Chine, le 6 juillet 2023. WANG ZHAO / AFP

    Alors que Donald Trump a annoncé 100 milliards de dollars d’investissements, les #start-up_chinoises peuvent compter sur la créativité d’ingénieurs bien formés et le soutien des autorités. Par Simon Leplâtre

    Dans la course à l’intelligence artificielle (#IA) générative, les entreprises américaines ont pris de l’avance, mais la #Chine réalise un retour remarqué : fin décembre 2024, DeepSeek, une petite start-up chinoise, a publié un modèle qui rivalise avec les meilleurs du secteur. Et pour une fraction du coût : alors que l’américain OpenAI aurait dépensé 3 milliards de dollars (2,85 milliards d’euros) pour entraîner ses différents modèles en 2024, DeepSeek affirme avoir développé le sien pour seulement 6 millions de dollars. Une prouesse en termes d’efficacité qui pose la question des limites des sanctions américaines censées empêcher les Chinois d’accéder aux puces électroniques les plus avancées pour l’IA.

    [...]

    « On sait que les modèles chinois ont été entraînés pour éviter de répondre à certaines questions, sur [le massacre de 1989 de la place] Tiananmen ou sur la répression des Ouïgours. Et dans la mesure où les gens sont amenés à utiliser de plus en plus fréquemment ces modèles, cela peut devenir une véritable opération de désinformation », met en garde Ritwik Gupta, spécialiste des questions de régulation de l’IA à l’université de Californie, à Berkeley.

    Qu’importe, pour les #informaticiens qui demandent simplement à #DeepSeek de leur écrire du #code. Aujourd’hui, le programme le plus utilisé par les développeurs dans le monde est déjà chinois, il s’appelle Qwen 2.5, création d’Alibaba. (...)

    (...) « Je pense qu’en réponse à ces sanctions [américaines], les entreprises chinoises ont été forcées d’optimiser leurs logiciels et de trouver des solutions innovantes », commente le spécialiste des politiques d’innovation chinoises Jeffrey Ding. (...)

    https://justpaste.it/fj786

    #sanctions_américaines #innovation

  • Au #Salon_AGIR, l’irrésistible ascension de la #haute_technologie dans le domaine de la #sécurité_intérieure

    Organisées une fois par an par la #gendarmerie, ces rencontres mettent en relation « porteurs de projet » publics et industriels de la #sécurité appâtés par un #marché estimé à 30 milliards d’euros.

    Jeudi 28 novembre, dans la salle de réception du beffroi de Montrouge (Val-de-Marne), des gendarmes, des pompiers ou des policiers en civil installés à des tables hautes attendent la visite d’industriels. Les pancartes posées près d’eux détaillent sur leurs besoins – lutte antidrones, systèmes de communication, acquisition de renseignement, cybersécurité… Pour sa quatrième édition, le salon AGIR (Accompagnement par la gendarmerie de l’#innovation, de l’#industrie et de la #recherche), témoigne de l’irrésistible – et parfois inquiétante – ascension de la haute technologie dans le domaine de la sécurité intérieure. Depuis la première édition du salon, en 2021, le nombre de sociétés du secteur présentes est passé de 110 à près de 500.

    Comme pour un speed-dating, chaque professionnel dispose d’un quart d’heure pour convaincre un « porteur de besoin » qu’il possède une solution adaptée ou est capable de la développer. Les rendez-vous, ponctués d’un sabir mêlant anglais des affaires et jargon de la sécurité, concernent un large spectre de besoins, du compostage de déchets organiques pour les réfectoires au logiciel de très haute technologie destiné au traitement de masse des données numériques. « En revanche, on ne tope pas à la fin de la journée », précise le colonel Mikaël Petit, conseiller innovation/transformation au pôle stratégie de la Direction générale de la Gendarmerie nationale et cheville ouvrière du salon. Après une première prise de contact, un processus de définition des besoins précis et de collaboration s’étend sur plusieurs mois avant que le produit fini soit validé et mis en service.

    Les entreprises présentes, parfois des start-up, constituent le cœur de cible des partenariats espérés par les services de sécurité et de secours en raison de l’importance prise par les technologies « duales », dont l’usage relève à la fois de la #sécurité ou de la #défense, et du #civil. Les #drones en fournissent un excellent exemple. S’il y a peu de chances que des criminels puissent déployer un engin volant de type militaire, le recours à des drones civils à des fins offensives ou de renseignement a été déjà été observé, pour livrer de la drogue derrière les murs d’une enceinte carcérale ou scruter les mouvements des concurrents d’un narcotrafiquant. Or, dans la quasi-totalité des cas, des drones acquis dans le commerce sont utilisés pour parvenir à de telles fins. « D’où l’importance de connaître cet écosystème et trouver rapidement une solution à un besoin opérationnel », précise encore le colonel Petit.

    Deux millions d’euros de contrats en 2021

    En 2021, lorsque la gendarmerie acquiert ses quatre-vingt-dix exemplaires du #Centaure, un blindé polyvalent entré en service un an plus tard, elle ne dispose toujours pas de simulateur de pilotage. #Exail, une société spécialisée basée à Lannion (Côtes-d’Armor), se présente à la première édition du salon. « Nous avions trente-cinq ans d’expérience dans l’élaboration de simulateurs pour la conduite d’urgence ou les services d’intervention, nous avons adapté nos solutions et remporté le marché », détaille #Louis_Elcabache, le responsable des ventes de l’entreprise. Idem pour #Factem, une entreprise installée à Bayeux (Calavdos) qui conçoit notamment les « casques de pont d’envol » utilisés sur les porte-avions : elle développera le système audio de communication pour le conducteur du blindé et les autres personnels embarqués. « Avant ça, nous étions présents sur le marché de la défense mais pas sur celui de la sécurité intérieure », détaille Quentin Plattier, ingénieur produits de la société.

    Pour les représentants de ces #TPE et #PME, mettre un pied dans la porte des commandes publiques du ministère de l’intérieur constitue un enjeu fondamental pour s’affirmer dans un #marché_global (#sécurité_privée et #sécurité_de_l’Etat) estimé à trente milliards d’euros au niveau national, sans compter le statut de fournisseur officiel d’une institution régalienne, qui peut assurer d’intéressants débouchés dans le privé ou à l’international. « Lorsque des délégations étrangères visitent les centres où sont déployés nos simulateurs, on ne va pas se mentir, ça nous fait de la pub », dit encore Louis Elcabache. « Mais pour arriver à ce résultat, nos clients, gendarmes en tête, nous mettent quand même pas mal la pression et n’hésitent pas à faire jouer la concurrence, avec une approche très offensive de la négociation », explique un autre industriel sous couvert d’anonymat.

    La gendarmerie revendique deux millions d’euros de contrats passés avec des industriels pour des besoins exprimés depuis le premier salon, en 2021, sans livrer le détail de la ventilation de ces marchés. Avec un art consommé de la communication et une certaine suite financière dans les idées, l’institution n’oublie jamais de tirer profit de ces partenariats. « Lorsque nous mettons à la disposition du projet l’un de nos mille ingénieurs ou trois cents docteurs pour des retours d’expérience sur des produits en cours de développement, nous négocions des parts de propriété intellectuelle », explique encore le colonel Petit. Une habile initiative qui lui permet de percevoir une commission sur d’éventuelles futures ventes du produit.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/11/29/au-salon-agir-l-irresistible-ascension-de-la-haute-technologie-dans-le-domai
    #AGIR #technologie #complexe_militaro-industriel #business #France

    ping @karine4

  • #Plastique, l’#escroquerie du #recyclage

    La fin de l’âge du fer ? Au début des années 1960, scientifiques et plasturgistes prédisent que les progrès fulgurants dans la fabrication des #polymères permettront aux plastiques de détrôner métaux, verres et bois sur le podium des matériaux dominants. Chacun s’extasie. Le sémiologue Roland Barthes qualifie en 1957 le produit de la distillation du pétrole de « substance alchimique », de « matière miraculeuse ». Un an plus tard, le poète Raymond Queneau succombe au chant du styrène et à l’esthétique des « innombrables objets au but utilitaire » appelés à surgir du naphta, ce liquide provenant du raffinage à partir duquel se fabriquent l’essentiel des plastiques (1). Au XXIe siècle, les plastiques écrasent effectivement la concurrence. Entre 1950 et 2015, le secteur pétrochimique en a produit plus de 8 milliards de tonnes, surtout au cours des vingt dernières années, et l’accélération se poursuit (2).

    Après l’extase, l’effroi : soixante-dix ans plus tard, 350 millions de tonnes de déchets plastiques se déversent chaque année sur le monde. La pollution qu’ils engendrent fait peser sur les vivants et non-vivants une menace aussi lourde que documentée (3). On boit, on mange, on respire du plastique. Pour faire face à ce cataclysme synthétique, les industries pétrochimiques promeuvent sans relâche une solution selon elles miraculeuse : le recyclage, avec son ruban de Möbius - une flèche circulaire conçue par les lobbies à la fin des années 1980 -, symbole d’une économie où rien ne se perd et tout se transforme. Une économie qui continue donc à produire ce poison environnemental, mais sous une forme partiellement réutilisable.

    Célébré comme plus intelligent et respectueux de la nature que l’incinération ou la mise en décharge, ce procédé a fini par s’imposer au nombre des priorités politiques mondiales. Le résultat laisse perplexe : après quatre décennies de propagande, moins de 10 % des 6,3 milliards de tonnes de plastique produit et jeté entre 1950 et 2017 a fait l’objet d’un recyclage (4). Pourtant, l’Europe et, singulièrement, la France ont adopté ce mot d’ordre avec un enthousiasme déconcertant.

    En 2019, Matignon fixe un objectif stratosphérique : 100 % des déchets plastiques nationaux recyclés en 2025. La méthode ? Rendre les industriels responsables du destin des objets polymères qu’ils produisent. L’approche française s’inscrit dans la droite ligne de celle impulsée par la Commission européenne : obligation faite aux États membres depuis 2021 d’interdire les plastiques à #usage_unique et d’utiliser au moins 30 % de matériaux recyclés dans les #bouteilles plastifiées ; recyclage en 2030 de 55 % des déchets d’#emballages plastiques (5).

    Alléchés, les industriels européens ne tardent pas à communiquer sur des #technologies « novatrices » ajustées à la nouvelle législation européenne. En 2022, les chimistes #BASF et #Borealis, l’emballeur #Südpack et le laitier bavarois #Zott claironnaient la mise au point d’un prototype d’emballage multicouche de mozzarella entièrement réalisé en nylon et polyéthylène recyclés. Mais ces « projets-pilotes » largement médiatisés représentent une goutte d’eau dans l’océan des ambitions politiques. D’autant qu’en période d’#austérité les #investissements d’infrastructure nécessaires à la collecte et au #tri des #déchets plastiques se trouvent rarement en tête des priorités, tant en Europe qu’aux États-Unis. D’où ces révélations aussi spectaculaires que banales, comme celle qui épouvanta l’été dernier Mme #Brandy_Deason, habitante de Houston, au Texas : quelques jours après avoir placé un traceur dans ses déchets plastiques destinés au conteneur recyclage, elle les géolocalisa non pas dans un centre de traitement dernier cri, mais dans une décharge géante à ciel ouvert (6).

    Ce cas extrême met en évidence le poids des considérations économiques dans l’#échec du recyclage. Du fait d’une production surabondante d’#éthylène, produit à partir du #pétrole ou du gaz, le prix du plastique « vierge » s’effondre et mine la #rentabilité des recycleurs européens, dont l’activité consiste en grande partie à retraiter le #polyéthylène (polymère de l’éthylène). Dans un monde guidé par la boussole du calcul coût-avantage, pourquoi les industriels et les distributeurs européens privilégieraient-ils des produits recyclés plus chers que le neuf ? En Allemagne, l’usine #Veolia de Rostock recyclait annuellement environ 36 000 tonnes de #polyéthylène_téréphtalate usagé (#PET). Elle a fermé ses portes car, selon la direction, l’#industrie_agro-alimentaire rechignait à soutenir ce produit plus vert mais plus cher. Non loin de là, un tribunal néerlandais a déclaré en faillite l’usine de recyclage de plastique d’#Umincorp, à Amsterdam (7). À moins que l’Union européenne n’édicte de nouvelles #réglementations plus contraignantes, le recyclage occidental ne pourra concurrencer l’orgie d’éthylène. D’autant que de nouveaux sites de production de ce composé chimique s’apprêtent à sortir de terre en Chine, aux États-Unis et en Arabie saoudite, ce qui, à demande constante, orienterait les #prix à la baisse.

    Mais la grande escroquerie du recyclage réside ailleurs : le procédé n’a jamais été viable, ni techniquement ni économiquement ; les industriels le savent de longue date, mais jouent avec succès sur la corruptibilité des pouvoirs et la crédulité du public. Un rapport du Center for Climate Integrity (CCI) publié en février 2024 a détaillé un secret que nul au fond ne voulait exhumer (8). Pendant des décennies, les grandes compagnies pétrochimiques ont sciemment provoqué la crise des #déchets_plastiques. « Ils ont menti, affirme M. Richard Wiles, un responsable du CCI. Voici venu le temps de rendre des comptes pour les dégâts qu’ils ont commis. »

    Sur les milliers de variétés produites, seules deux présentent des propriétés qui rendent le recyclage viable à ce jour : les PET et les #polyéthylènes_à_haute_densité (#PEHD). Le procédé nécessite donc un tri méticuleux qui renchérit le coût et conduit à écarter les éléments composés d’alliages de plastiques ou de plusieurs matériaux que l’on trouve dans de nombreux objets jetables. Un flacon et un bocal tous deux en PET devront être séparés s’ils comportent des additifs ou des colorants différents, de même que les bouteilles en PET vertes et transparentes. Autre difficulté de taille : les plastiques se dégradent à chaque #réutilisation et ne peuvent donc être réemployés qu’une fois ou, plus rarement, deux fois. Faute de quoi non seulement leurs propriétés se dénaturent, mais leur #toxicité peut s’accroître.

    La filière pétrochimique n’a jamais rien ignoré de ces obstacles structurels. Pour désarmer la mobilisation qui enfle contre les décharges à ciel ouvert ou la mode du jetable, et éviter le risque d’une réglementation trop contraignante, elle adopte au milieu des années 1980 l’idée du recyclage. En 1984 naît une fondation réunissant la pétrochimie et les embouteilleurs axée sur un engagement en faveur de ce procédé. L’année suivante, le secteur lance en grande pompe un centre de recherche à l’université Rutgers, dans le New Jersey, puis un projet-pilote de recyclage à Saint Paul, dans le Minnesota, alors que le conseil municipal de la ville venait juste d’interdire le polystyrène. Derrière les portes closes, personne n’y croit. « Il se peut qu’un jour cela puisse devenir une réalité, observait en 1994 un représentant d’#Eastman_Chemical lors d’une conférence sur le sujet. Il est plus probable que nous nous réveillerons et comprendrons que nous n’allons pas nous sortir de la question du recyclage des déchets solides. » Peu importait au fond puisque, comme le déclarait un employé d’Exxon au personnel de l’American Plastics Council (APC) : « Nous sommes engagés dans les activités de recyclage des plastiques, mais nous ne sommes pas tenus à des résultats. »

    Depuis quarante ans, l’« #engagement » consiste en une série de #campagnes de #désinformation et d’#enfumage sur les #mirages du recyclage. Elles mobilisent tantôt les #multinationales de la #pétrochimie, leurs associations professionnelles, leurs fondations, tantôt leurs multiples groupes de façade. À la fin de la décennie 1990, l’interdiction du polystyrène et du #polychlorure_de_vinyle (#PVC) dans plusieurs États accélère le mouvement. « Nous devons agir à la base et mener une guerre de guérilla comme nos adversaires », note un participant lors d’une réunion de l’Association européenne des producteurs de plastiques (Plastics Europe) le 2 janvier 1994. Des millions de dollars gonflent les caisses des agences de communication pour vendre la « solution » et riveter dans les consciences les mots : « modernité », « #innovation_technologique », « #efficacité », « engagement », « approche intégrée pour la gestion des plastiques », « avantage économique », etc. L’industrie chante désormais les vertus du « #recyclage_avancé », un procédé d’#incinération ou de #dégradation_chimique, plus polluant que la méthode classique, et qui ne produit que 1 à 14 % de matière réutilisable.

    Les pétrochimistes ont gagné leur bataille : en 2021, les États-Unis ne recyclaient que 5 à 6 % de leurs déchets plastiques (9) ; et l’industrie produisait toujours plus de #polymères. En 2022, le procureur général de Californie a lancé, sur la base du rapport du CCI, une enquête ciblant les fabricants « pour leur rôle dans la crise globale de la #pollution_plastique ». Mais quel tribunal international mettra l’humanité à l’abri de leur conduite criminelle ?

    Note(s) :

    (1) Roland Barthes, Mythologies, Seuil, Paris, 2010 (1re éd. : 1957) ; Raymond Queneau dans Le Chant du styrène, 1958, film commandé à Alain Resnais par le groupe de pétrochimie Péchiney.

    (2) Roland Geyer, Jenna R. Jambeck et Kara Lavender Law, « Production, use, and fate of all plastics ever made », Science Advances, vol. 3, n° 7, 2017.

    (3) Lire Mickaël Correia, « Le plastique, c’est fantastique », Le Monde diplomatique, février 2022.

    (4) Atlas du plastique. Faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques, Fondation Heinrich Böll - La Fabrique écologique - Break Free From Plastic, 2020.

    (5) Alex Scott, « Europe hardens stance on plastic recycling », Chemical and Engineering News, vol. 97, n° 29, Washington, DC, 2019.

    (6) Rachel Dobkin, « Woman drops AirTag in recycling to see if plastics are actually recycled », Newsweek, New York, 2 septembre 2024.

    (7) Alex Scott, « Global plastics glut and weak regulations hurt European recyclers », Chemical and Engineering News, vol. 102, n° 4, 2024.

    (8) Davis Allen, Alyssa Johl, Chelsea Linsley et Naomi Spoelman, « The fraud of plastic recycling. How big oil and the plastics industry deceived the public for decades and caused the plastic waste crisis » (PDF), Center for Climate Integrity, février 2024, dont sont tirées les citations suivantes. Cf. également Dharma Noor, « "They lied" : Plastics producers deceived public about recycling report reveals », The Guardian, Londres, 15 février 2024.

    (9) « The real truth about US plastic recycling rate », Beyond plastics, mai 2022.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2024/11/LARBI_BOUGUERRA/67771
    #green-washing #coût #mensonge #dégradation #réemploi

  • Ici commence la mort

    « Quelle connerie la #guerre ». Depuis le poème de Jacques Prévert et même bien avant. Et comme on n’arrête pas le progrès : la connerie devient de plus en plus ignoble. Depuis Gaza nous parviennent des informations effrayantes. Il y a bien entendu d’abord le décompte macabre des dizaines de milliers de morts. Mais la « manière » horrifie toujours un peu plus. D’autant plus quand on sait que l’#écosystème_grenoblois œuvre au développement des #robots_tueurs.

    Le 17 avril, le média Middle East Eye révèle que des « drones israéliens émettent des sons d’enfants qui pleurent dans le camp Al-Nuseirat à Gaza pour cibler et tirer sur les civils recherchant la source de ces appels de détresse. » Comme « preuve » : des témoignages d’habitants du camp et une vidéo tournée de nuit où l’on entend effectivement des pleurs d’enfants, qui ne permet pas de reconnaître les lieux ou d’éventuels drones israéliens. Alors, info ou intox de la part de ce « site d’actualité panarabe basé au Royaume-Uni » ? Impossible de savoir : le média France 24 reprend l’information le 26 avril en affirmant que rien « ne permet d’ailleurs de confirmer ou d’infirmer de manière indépendante si l’armée israélienne a effectivement employé une telle tactique ».

    Ainsi vont les incertitudes d’une guerre impossible à documenter précisément, qui a déjà causé la mort de plus d’une centaine de journalistes. S’il n’est pas possible de savoir si Israël diffuse effectivement des pleurs d’enfants pour faire sortir de leur cachette puis abattre des Gazaouis, force est de constater qu’on ne voit pas quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – empêcheraient Tsahal de le faire.

    Il est par contre prouvé que l’#armée_israélienne fait confiance à l’#intelligence_artificielle pour cibler les Palestiniens à abattre. Les systèmes s’appellent « #Lavender » ou « #Where’s_Daddy » et ils ont été « conçus pour marquer tous les agents présumés des ailes militaires du Hamas et du Jihad islamique palestinien, y compris les moins gradés, comme des cibles potentielles pour les bombardements » (L’Humanité, 4/04/2024).
    37 000 Palestiniens auraient ainsi été « marqués » comme « militants présumés – avec leurs maisons – en vue d’éventuelles #frappes_aériennes ». Ceci sans « vérification approfondie des raisons pour lesquelles la machine avait fait ces choix ni d’examen des données brutes de renseignement sur lesquelles elles étaient basées. (…) Le personnel humain ne faisait souvent qu’entériner les décisions de la machine, ajoutant que, normalement, il ne consacrait personnellement qu’environ “20 secondes” à chaque cible avant d’autoriser un #bombardement – juste pour s’assurer que la #cible marquée par Lavender est bien un homme. »

    Bienvenue dans l’époque des robots tueurs, aboutissement logique des évolutions technologiques. Y a-t-il des logiciels ou des composants réalisés par des entreprises grenobloises dans ces « innovations » du champ de bataille israélo-palestinien ? Ici aussi, impossible de trancher affirmativement ou négativement cette question, notamment à cause de l’opacité entourant la composition des armes militaires. Mais ici aussi, force est de constater qu’on ne voit pas pour quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – certains de nos « fleurons » locaux ne participeraient pas avec entrain à l’élaboration de telles armes. Les différentes révélations sur le commerce de composants servant à faire des armes avec la Russie sous embargo prouve l’absence - ou la très faible présence - de barrières éthiques.

    Le 20 mars dernier, Grenoble a reçu la visite de #Daniel_Halevy-Goetschel, « ministre conseiller aux Affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël de Paris » venu inspecter la « dynamique de l’écosystème grenoblois ». Au Daubé (21/03/2024), il confie : « Grenoble est un exemple assez frappant de synergies entre le monde de la #recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu), les #entreprises, les #start-up, et les #universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi, entre différents acteurs. En cette période qui n’est pas évidente, et des défis sécuritaires qu’elle pose, c’est important de soutenir l’économie d’Israël, et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir. »

    Les deux « modèles », israéliens et grenoblois, ont déjà quantité de « relations économiques », rappelées dans le texte « De Grenoble à Tel-Aviv » publié par le groupe Grothendieck sur le site Lundi matin le 1er avril dernier. Entre autres exemples :
    #Vérimag, laboratoire de recherche sur les #logiciels embarqués sur le campus de Saint-Martin-d’Hères, a mené des recherches sur des #drones_de_combat avec le mastodonte israélien de l’#armement #Israël #Aerospaces Industries.
    • Le #CEA_Grenoble a un partenariat structurel avec la start-up #Weebit_Nano, spécialiste du design et de la fabrication de #puces nouvelle génération pour la mémoire RAM.
    • La société meylanaise #Dolphin_Design, rachetée notamment par le marchand de missiles #MBDA, a depuis 2009 une filiale en Israël.
    • La multinationale d’origine grenobloise #STMicro est, selon le directeur de son site israélien #Stephan_Chouchan « l’un des plus grands acteurs du #semi-conducteur en Israël » grâce à quantité de partenariats avec des boîtes ou projets technologiques israéliens (#Mobileye, #Valens, #Cisco, #Mellanox, #Adasky, #Autotalk, #Temi, etc.). Le même explique : « Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de #recherche_et_développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’#innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la #technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de “grand frère technologique”, qui rend possibles des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. »

    À Grenoble, les élites essayent de faire croire que les #innovations_technologiques servent avant tout à la « transition » et occultent leurs applications militaires. En Israël, « pays en guerre perpétuelle » depuis sa création en 1948, les liens primordiaux entre l’innovation technologique et l’armée sont complètement assumés. #Nicolas_Brien, ancien directeur de #France_Digitale, s’en amuse sans complexe (israelvalley.com, 19/04/2023) : « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense. »

    Dans l’isolement de leur labo, de leur obscur projet de recherche, de leurs objectifs annuels, quantité d’ingénieurs grenoblois ne se rendent sans doute pas compte que – directement ou indirectement – ils contribuent à fabriquer des #armes toujours plus inhumaines. Que peut-être un bout de leur savoir-faire a servi à fabriquer un drone diffusant des pleurs d’enfants pour apitoyer des humains et les abattre froidement.

    Bien entendu, il ne s’agit pas ici de cibler spécifiquement Israël. De telles armes seraient utilisées par les Palestiniens, les Russes, les Ukrainiens, les Français, qu’elles seraient tout aussi effroyables.
    Il s’agit juste d’ouvrir les yeux sur les résultats de la fuite en avant technologique, dont l’écosystème grenoblois est un des « cerveaux ». Avec deux options principales : soit assumer le développement exponentiel des robots tueurs, soit œuvrer au démantèlement de ces technologies mortifères.

    https://www.lepostillon.org/Ici-commence-la-mort.html
    #complexe_militaro-industriel #Grenoble

    • De Grenoble à Tel Aviv. L’innovation de défense au fondement de la #start-up_nation

      Tout commence par une visite entre amis. En ce beau mois de mars, Daniel Halevy-Goetschel, ministre, conseiller aux affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël était en visite dans les Alpes françaises. Dans Le Dauphiné Libéré, il lâchait le morceau :

      « Grenoble est un exemple frappant de synergies entre le monde de la recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu) les entreprises, les start-up, les universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi entre différents acteurs. […] Et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir » [1]

      [1] Le Daubé,...

      Les synergies grenobloises évoquant le « modèle israélien », il serait utile d’en savoir plus sur celui-ci. Cela tombe bien, Daniel Halevy-Goetschel le détaillait l’an dernier dans le magazine Servir :

      « C’est d’un côté, l’implication des institutions publiques et notamment des armées, du gouvernement, sans oublier les universités et le Technion et l’Institut Weizman, et de l’autre côté, un système des start-up très dynamique avec des entrepreneurs qui prennent des risques et de multiples initiatives. En parallèle, il existe un mode de financement efficace, avec des fonds de capital-risque auquel s’ajoute la participation de grandes entreprises multinationales du domaine tech – environ 400 sociétés, connues mondialement et qui ont pour certaines d’entre elles construit des laboratoires de recherche en Israël, notamment EDF et Renault. » [2]

      [2] « La ’Start-Up nation’, Israël, un modèle à suivre pour...

      Voilà la définition du « modèle israélien » : des liens symbiotiques entre l’armée, le gouvernement, les universités, et des start-ups boostées au capital risque. Les lecteurs de notre livre L’Université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel [3]

      [3] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      reconnaîtront en effet là une forme de similarité avec le « modèle grenoblois ». Ainsi, la coopération de la « nation au 7000 start-up et 90 licornes » avec la « Silicon Valley grenobloise » paraît naturelle. Les liens sont symbiotiques entre les deux régions, qui parlent la même langue, celle de l’innovation.

      On sait qu’Israël est le pays comptant le plus de start-up par habitant. On sait aussi que le « modèle grenoblois » est à la source de la politique nationale des « pôles de compétitivité » qui structurent la recherche scientifique française et la coopération public-privé dans ce domaine. Nous nous proposons donc ici de jeter d’abord un œil sur l’économie israélienne et à la place structurante qu’y occupe la Défense, avant d’étudier les organismes principaux de coopération économique franco-israéliens, et de nous attarder quelques instants sur les collaborations spécifiques entre Grenoble et Israël. On verra qu’au coeur même de la notion de « start-up nation » chère à Emmanuel Macron, on trouve l’innovation de défense et la production de mort. Nous en profiterons pour livrer quelques réflexions sur les luttes en cours contre le Moloch.
      Zèbres, guépards et innovation

      « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense »
      Stephane Chouchan, directeur israëlien de STMicroelectronics [4]

      ...

      L’armée et l’industrie de l’armement structurent Israël depuis sa création en 1948. Depuis le début, Israël, avec l’aide des États-Unis, fabrique une bonne part de son armement, sa « base industrielle et technologique de défense » (le terme par lequel on désigne l’ensemble des entreprises du secteur privé travaillant pour la défense) étant maintenant très large et variée.

      « Pays en guerre perpétuelle, l’avance technologique est une réelle question de survie pour Israël : l’armée est au cœur de son écosystème. » [5]

      ...

      Le secteur de l’armement est le premier employeur public du pays. L’industrie technologique représente quant à elle 18% du PIB du pays [6]

      ...
      . En mettant de côté les crédits alloués à Tsahal, plus de 4,5% du PIB est consacré aux dépenses en R&D. Une part non négligeable de l’argent public va donc inévitablement dans l’innovation de défense. N’oublions pas qu’Israël est un pays extrêmement belliqueux depuis sa création et constitua progressivement dans les années 1970 avec l’aide des États-Unis [7]

      [7] Encore en 2012, l’aide militaire américaine à Israël...
      , un complexe scientifico-militaro-industriel très puissant développant une maîtrise hors-pair dans les drones, la surveillance militaire, la cybersécurité, les systèmes anti-missiles et le maintien de l’ordre [8]

      [8] Voir la brochure très complète de Patrice Bouveret...
      . Cette maîtrise adaptée à sa guerre coloniale fait d’Israël un pays compétitif dans l’exportation d’armement (toujours dans le top 10 des ventes d’armes).

      Comment cela fonctionne-t-il ? C’est l’Innovation Authority, sous mandat direct du Premier ministre qui finance aussi bien les start-up que les PME que les grands groupes, pour des projets intéressant en premier chef Tsahal (cyberdéfense, cybersécurité, nanotechnologies, IA, etc), mais aussi des domaines où la tech israélienne à déjà une longueur d’avance permettant de conforter son statut derrière les État-Unis, de « seconde Silicon Valley ».

      « L’écosystème israélien doit énormément à l’intervention publique massive dès les phases d’amorçage. En France, on a mis du temps à le comprendre. Il faut des instruments publics efficaces pour faire germer des start-up » [9]

      ...

      Ces financements sont aussi audacieux et fonctionnent selon le jeux « du zèbre et du guépard : l’État israélien produit en masse des start-up innovantes (les zèbres) qui se font racheter par les géants de la tech, la plupart du temps américain (les guépards). Ainsi les guépards s’implantent en Israël, créent des emplois, injectent des liquidités, confortent l’économie du pays et attirent de nouveaux groupes.

      On sait que cette politique économique axée sur les start-ups avait inspiré Emmanuel Macron dans sa désormais fameuse déclaration de 2017 :

      « I want France to be a start-up nation. A nation that thinks and moves like a start-up. »

      Quand, il transpose à la France ce mot d’ordre de « start-up nation » jusque-là réservé à Israël, Emmanuel Macron choisit de le faire lors du salon Vivatech, lui même calqué sur les grands showroom israéliens comme le salon DLD de Tel Aviv.
      Les liens France-Israël

      Les liens économiques entre la France et Israël sont anciens et nombreux. Ils sont assurés par quatre organismes principaux. Passons-les rapidement en revue.

      La Chambre de commerce et d’industrie France-Israël (CCIIF) est une structure créée en 1957 [10]

      ...
      . Elle laisse progressivement la place à La Chambre de commerce France-Israël (CCFI), et son site promotionnel Israel Valley [11]

      ...
      qui est surtout un relais médiatique en faveur de l’économie israélienne et des coopération avec la France. L’Observatoire de l’armement précise que la Chambre « organise nombre d’évènements dans lesquels il n’est pas rare de voir participer comme intervenants des chercheurs, des responsables français et israéliens, impliqués dans des domaines de cyberdéfense, du spatial et autres secteurs connexes à la défense et à la sécurité » [12]

      [12] Patrice Bouveret, « La coopération militaire et...
      .

      Le Technion France est le relais français du Technion Israel Institute of Technology, une grande université et école d’ingénieurs israélienne, sorte de « MIT du Moyen-Orient ». Le Technion France fait connaître les réalisations et les projets du Technion en France dans les milieux scientifiques, académiques, industriels et économiques. L’institution cherche à développer des partenariats et des coopérations sur des sujets d’intérêt commun comme la e-santé et les nanotechnologies. Il multiplie les coopérations industrielles avec des entreprises françaises comme Véolia, Total, Havas, ou encore Servier, Arkema, SEB Alliance et Alstom. Enfin, le Technion France a mis en place de nombreux partenariats académiques (co-tutelles de thèses, mobilité des étudiants, doubles diplômes…) notamment avec l’École Polytechnique, l’Institut Mines Télécom, Université Paris Dauphine, Centrale Supélec, ou encore l’Université Paris Saclay [13]

      ...
      .

      La French Tech en Israël, déclinaison israélienne depuis 2016 de la French Tech. En Israël, « il s’agit d’un réseau assez actif d’investisseurs et d’entrepreneurs » explique Stéphane Chouchan, « ambassadeur French Tech Israël, Conseiller du commerce extérieur et directeur pays pour Israël de STMicroelectronics » [14]

      [14] « Table ronde 2 – La start-up nation et la French Tech...
      , qui ajoute : « Le réseau fonctionne très bien aux États-Unis et en Israël, mais moins en France. »

      Enfin, le Comité Israël des Conseillers Extérieurs de la France (Comité Israël des CCE), le lobby des sociétés françaises œuvrant en Israël. On trouve dans leur conseil d’administration, les plus importantes de ces entreprises. Ainsi, le vice-président et trésorier du CCE Israël est le directeur de Thales-Israël, un autre est le représentant en Israël de direction générale internationale de Dassault Aviation. Ce dernier « a débuté sa carrière chez Dassault Aviation en 1990 dans le domaine de la guerre électronique puis après un passage à la direction commerciale en 1996 où il a négocié la vente de produits militaires et spatiaux, a été appelé à la direction des achats en 2002 afin de s’occuper de grand compte tel que Thales, puis des partenaires israéliens jusqu’en 2017. » [15]

      ...
      . On retrouve encore Stephane Chouchan :

      « En charge de la filiale du groupe depuis 2007. ST est implanté depuis plus de 18 ans en Israël avec un site de Vente et Marketing, un centre R&D et, depuis 2018, avec le ST-Up Accelerator : un accélérateur de startups hardware late-stage. Parmi les projets réalisés avec des composants ST : Mobileye EyeQ SoC ; Autotalks Craton SoC ; Adasky Ada SoC, des composants de puissance chez SolarEdge, le STM32 pour Strauss/Tami4 ainsi que l’implémentation de capteurs et micro-contrôleurs dans le robot de Temi. » [16]

      ...

      Tous ces structures bi-nationales servent à nourrir des partenariats technoscientifiques dans les domaines qui intéressent les deux régions, c’est-à-dire la plupart du temps dans la nano et microélectroniques, les capteurs, l’internet des objets, les supra-conducteurs ou l’atome. Le CEA-Grenoble et le CNRS font régulièrement des échanges de leur chercheurs avec de grandes universités israéliennes [17]

      [17] Par exemple :...
      permettant de renforcer les liens militaro-civils qui ne date pas d’hier et a permit historiquement à Israël d’avoir la bombe atomique, et dont l’Observatoire des armements note que cette coopération atomique à été relancé en 2010 [18]

      [18] « La coopération militaire et sécuritaire...
      .

      Les liens Grenoble-Israël

      À Grenoble, on peut s’intéresser aux activités de l’un des plus gros instituts de l’université, l’IMAG, centre de recherche en logiciel, IA et internet des objets. En son sein, le laboratoire Verimag, laboratoire de recherche sur les logiciels embarqués, avait retenu en 2020 notre attention pour ses liens étroits avec le complexe français [19]

      [19] Cf Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée, op....
      . Mentionnons par exemple le projet CAPACITES [20]

      ...
      qui réunissait de 2014 à 2017 pratiquement tout le complexe militaro-industriel français (MBDA, ONERA, Safran, Dassault Aviation, Airbus Helicopter, etc) sous la houlette de Verimag et de la start-up de design de puce pour l’armement, la grenobloise Kalray.

      Verimag s’est acoquiné plusieurs fois avec le mastodonte israélien de l’armement Israel Aerospace Industries (IAI) pour des projets des recherches en drones de combat : le projet COMBEST [21]

      ...
      (avec comme partenaire connexe EADS) ; le projet SafeAir II [22]

      ...
      (avec comme partenaire MBDA) ; les projet OMEGA [23]

      ...
      et SPEEDS (avec EADS). Précisons que l’actuel directeur de l’université, Yassine Lakhnech, figure comme chercheur de ces projets en lien avec le conglomérat israélien.

      La start-up israélienne Weebit Nano, spécialiste du design et de la fabrication de puces nouvelle génération pour la mémoire RAM a, elle, un partenariat structurel avec le CEA-Leti. Elle teste dans les salles blanches du CEA ses dernières innovations et utilise du substrat semi-conducteurs préparé par le Leti (notament du FD-SOI).

      On pourrait également citer la société Dolphin Design (ex Dolphin Integration), domiciliée à Meylan. Cette entreprise dessine des puces pour des applications civiles et militaires, notamment du SoC (System-on-Chip). Rachetée conjointement par la société iséroise Soitec et le géant français du missile MDBA, Dolphin Design est bien implantée en Israël depuis la moitié des années 90 [24]

      ...
      . Cette implantation lui permettant de ravir des marchés militaires au Proche-Orient et profiter des réseaux de la tech israélienne. Il est en effet très intéressant pour des sociétés qui font du design de puces et de la création de nouvelles fonctions électroniques de s’implanter en Israël. Non pas tant pour profiter d’un marché déjà bien saturé, mais plutôt pour se servir de son expertise en ce domaine [25]

      [25] Voir...
      .

      On sait que Grenoble est jumelée avec la ville universitaire de Rehovot depuis 1984. Or, à Rehovot on trouve l’Institut Weizmann, une sorte d’équivalent de la branche recherche du CEA [26]

      [26] Nous avons déjà parlé de l’Institut Weizman dans...
      . Le site de la mairie de Grenoble nous explique que ce jumelage est réalisé dans le cadre de coopération de l’Institut Weizmann avec l’Université Joseph Fourier (Grenoble 1) [27]

      ...
      .

      Comme au CEA, les chercheurs et doctorant bénéficient d’un cadre de travail relativement libre leur permettant de « buller » dans leur recherche pointilleuse en physique nucléaire ou biologie de synthèse [28]

      [28] C.f Groupe Grothendieck, Guerre généralisée au vivant...
      . Le directeur de l’institut l’explique à Bruno Lemaire lors de la visite de ce dernier.

      « Ici la recherche scientifique pure et ses futures applications sont deux choses absolument séparées. Les scientifiques étudient ici par curiosité, avec une liberté de pensée complète. Une fois que vous avez trouvé quelqu’un avec du talent, il faut lui donner tous les moyens possibles. » [29]

      ...

      Mais – car il y a toujours un « mais » à chaque fois que l’on parle de liberté dans le technocapitalisme – l’Institut Weizmann, via son bureau de transfert (Navor), touche des royalties sur les découvertes de ses blouses blanches, (comme le CEA dispose aussi de ses bureaux de transfert CEA-Investissement et sa société Supernova Invest [30]

      ...
      ). Ce qui lui a rapporté en 2016... 3,5 milliards de dollars ! [31]

      ...
      La liberté est à ce prix.

      Indiquons que l’institut Weizmann possède en France une fondation destinée à capter les deniers et les cerveaux français et à faire sa pub dans l’Hexagone, Weizmann France [32]

      ...
      . Le président de Weizmann France n’est autre que Maurice Levy, patron de Publicis – donc organisateur du salon des technologies israélienne Vivatech [33]

      ...
      .

      On ne peut pas conclure ce petit état de l’amitié entre les entreprises françaises et israéliennes sans parler du plus gros employeur grenoblois : STMicroelectronics. Écoutons encore une fois l’ambassadeur et blagueur Stéphane Chouchan :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël. […] Nous menons depuis plus de quinze ans des partenariats avec Mobileye ou Valens, mais nous nous sommes également stratégiquement rapprochés de Cisco, Mellanox ou autres. Nous partageons également des projets avec des centres de design. Nous ne sommes en effet pas toujours facilement identifiables. Or les centres de design constituent parfois une aide précieuse dans ce domaine. Nous menons aussi des partenariats avec les universités, comme le Technion ou l’université de Tel-Aviv. [… ] Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de recherche et développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de « grand frère technologique », qui rend possible des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. » [34]

      [34] « Table ronde 2 - La start-up nation et la French tech...

      ST joue en Israël comme son homologue américain Intel Corp., le rôle de guépard, captant les cerveaux et les start-up à forte valeur ajoutée pour nouer des partenariats ou les intégrer au groupe franco-italien.

      Il faut noter aussi que la fonderie israélienne Tower Semiconductor, spécialiste des circuits analogiques et capteurs thermiques a signé un accord avec ST pour s’implanter dans la nouvelle usine de ST d’Agrate en Italie [35]

      ...
      . L’activité de Tower ? Faire des circuits spéciaux notamment pour l’industrie de l’armement :

      « Tower est le fournisseur unique proposant la plus large gamme de technologies pouvant être utilisées par les clients A&D [Aérospatial et Défense] pour les besoins gouvernementaux, militaires et de défense, notamment les ROIC à grande matrice [36]

      [36] Les ROIC sont des micropuces utilisées pour lire les...
      , les imageurs, la photonique sur silicium, le CMOS sur SOI pour les applications RH, les MEMS et les dispositifs à ondes millimétriques, entre autres. » [37]

      ...

      L’entreprise a reçu, sous la marque « Towerjazz », les qualification ITAR (International Trafic in Arms Regulations) pour ses puces 65nm lui permettant de s’ouvrir au marché américain de la Défense. Elle est classée par le DMEA (Defense Microelctroniocs Activity) du
      ministère de la Défense américain (DoD) comme une boîte importante et sûre [38]

      ...
      .

      Puisqu’on parle de STMicroelectronics, il serait malvenu d’oublier sa voisine Soitec et comme elle, spin-off du CEA-Grenoble. Ainsi, les plaquettes SOI utilisées par Tower proviennent de Soitec, qui fournit à Tower des dizaines de milliers de plaquettes RF-SOI 300nm par an [39]

      ...
      .

      Comme Tower, ST a un certain savoir-faire dans les produits spécifiques à destination du militaire. L’entreprise grenobloise est le chef de file du projet militaire européen EXCEED notamment pour le design de « système sur puce » (’system-on-chip’ SoC [40]

      [40] Les SoC sont des circuits intégrés embarqués ayant sur...
      ) avec la technologie développée par Soitec (FD-SOI 28 nm) dans son centre de recherche grenoblois sur le Polygone scientifique. Parmi les partenaires du projet, on trouve ArianeGroup (fabricant du missile atomique M51), Thales, MBDA, Safran Electronics and Defense et l’avionneur italien Leonardo. Le projet durera de 2020 à 2025 avec une enveloppe totale de 12 Millions d’euros dont 1,9 pour ST. Les puces issues du projet sont destinées à équiper, d’après la communication :

      « les capteurs RF et réseaux de traitement du signal, radios flexibles, positionnement et navigation sécurisés, liaisons de données UAV [drone], réseaux militaires, des moteurs de cryptographie flexibles, soldat débarqué, contrôleurs de guidage et de mission critiques » [41]

      ...
      .

      Nos luttes sont matérielles et locales

      En guise de conclusion nous tenons à dire que nous n’avons rien ni contre les Israéliens, ni contre les Palestiniens, ni contre les Juifs, les Arabes, ni contre les Slaves, les Russes, les Ukrainiens, ni contre n’importe quel peuple. Ce que nous combattons, c’est une logique à l’oeuvre et une façon dont notre monde est agencé : le technocapitalisme et sa course en avant mortifère et sanguinaire, aidé dans cette course par les structures étatiques et supra-étatiques. Qu’elles soit « made in France », « made in Israel » ou « made in Ukraine », les technologies continueront à nous tuer en tant qu’humains et en tant qu’êtres vivants. Elles continueront à nous écraser et à nous asservir comme des esclaves.

      Nous ne disons pas que tout se vaut, mais, depuis notre position et avec les idées qui nous portent, nous ne pouvons nous contenter d’accepter benoîtement la guerre de « l’Axe du Bien » face à la « Barbarie ». A l’heure de la fusion intégrale entre le capital et la technologie, il n’y a plus à choisir. Il n’y a rien à regretter de notre monde absurde et sans consistance où la guerre industrielle est devenue une option de gouvernance parmi d’autres, où « tout change pour que rien ne change » dans un confort ouaté de consommateur-citoyen ou sous une maison en ruine. Notre exigence de liberté nous commande d’agir tout de suite et ici-même. La mobilisation totale pour la guerre nous guette, tâchons d’être plus rapide qu’elle avant que nous soyons tous pris dans son piège inextricable.

      Le combat se situe donc bien au-delà des appels patriotiques, nationalistes, ethniques ou communautaires. La seule communauté auxquels nous accordons de l’importance et pour laquelle nous nous battrons sans relâche, c’est la communauté humaine. C’est dans cette optique que nous essayons d’aider nos congénères dans une pure localité de la lutte : solidarité avec nos congénères opprimés et combats sans relâche contre les ingénieurs, scientifiques, technologues et encravatés des instituts mortifères. Car le pouvoir aujourd’hui se situe là : dans la puissance liée à l’argent et à la technologie, liée aux machines, aux usines, aux laboratoires et à leurs directives. Dans cette démarche d’action réelle et endurante, intransigeante et stratégique, nous combattons donc les sbires grenoblois et leur modèle de développement car nous savons que les répercussions – on les vois déjà – dépassent de loin les frontières naturelles de nos montagnes.

      Tout est à faire, les rapports de force se mettent en place pendant que les contradictions profondes réémergent. Tâchons de dépasser les fausses oppositions, précipitons les frictions et poussons les exigences de liberté à l’ensemble de la vie humaine pour qu’enfin, le mouvement de contestation émergeant embrasse dans la négation la totalité des existences.

      Bella matribus detestata.

      https://lundi.am/De-Grenoble-a-Tel-Aviv

    • Guerres & Puces - La dure réalité de la microélectronique en temps de guerre mondialisée

      En pleine montée du bellicisme et de la barbarie au Moyen-Orient et pendant que Poutine et Biden nous refont la Guerre Froide avec notamment une nouvelle menace atomique, il nous faut redire encore et encore en quoi la France participe, avec son « écosystème de la microélectronique » aux guerres, avec ses morts, ses destructions et ses colères légitimes, de part et d’autre du globe.

      « Il existe un lien direct entre semi-conducteurs et puissance militaire [… ]. Bien que la plupart des puces produites aujourd’hui soient utilisées à des fins civiles, les grandes armées du monde sont de plus en plus dépendantes des semi-conducteurs les plus avancés. »

      Chris Miller, auteur de Chip War [1]

      [1] Chris Miller, La guerre des semi-conducteurs. L’enjeux...
      , interview dans Libération, 30 Août 2023.

      Le nerf de la guerre : les puces

      L’Observatoire des armements (OBSARM) vient de publier un compte-rendu à partir de deux rapports de la commission défense du parlement [2]

      ...
       : l’un concernant les exportations françaises d’armes et l’autre, les fameux « biens à double usage » [3]

      ...
      , c’est-à-dire le matériel civil servant à faire la guerre.

      Et la révélation est importante : en 2023 il y a eu une augmentation par six des exportations françaises de biens à double usage vers Israël. En effet le montant passe de 34 millions d’euros en 2022, à 192 millions d’euros en 2023, avec notamment 154 millions en puces (capteurs, lasers, etc).

      On se doute qu’une partie des puces et capteurs sont made in Grenoble, si on se souvient de l’enquête du media en ligne Blast, "Russian Paper [4]

      ...
      ", où il était démontré que les entreprises Lynred et STMircoelectronics utilisaient des intermédiaires israéliens pour acheminer leurs puces en Russie. D’intermédiaires, il est facile d’en faire des clients finaux. Sans compter que ST a des centres de R&D et des bureaux en Israël depuis 20 ans et que ses partenariats et autres acquisitions d’entreprises israéliennes sont nombreuses [5]

      [5] Groupe-Grothendieck, De Grenoble à Tel Aviv, sur...
       :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël [6]

      [6] Stéphane Souchan responsable de la French Tech en...
      . »

      Les guerres 2.0 ont un appétit gargantuesque en puces (contrôleurs, capteurs, processeurs) parce que le matériel jetable, c’est-à-dire les munitions, les missiles et les drones kamikazes en sont truffés. Le plus souvent, même des gros producteurs de puces comme Israël ou la Russie ne peuvent combler cet appétit avec seulement la production interne. Il faut donc rafler les puces partout où il y en a : des machines à laver kazakh [7]

      ...
      aux usines de la vallée grenobloise, tout est bon pour combler l’appétit sans fin de Moloch.

      D’où le fait que les exportations de puces françaises montent en flèche vers Israël et la Russie. Rappelons que pour l’année 2023, il a été découvert sur le champ de bataille ukrainien pour 94 millions d’euros de puces ST, le plus souvent issues de missiles russe [8]

      ...
      ….mais que font les syndicats des usines de Crolles ? Les morts russes et ukrainiens sont-ils plus « légitimes » que les morts palestiniens ? L’internationalisme est-il à géométrie variable ?

      Les embargos servent surtout à calmer les opinions publiques envers les vendeurs d’armes quand le sang éclabousse trop les caméras, mais n’ont jamais été réellement mis en application. Ils n’ont pas un rôle éthique du genre d’embargo qu’avait imposé De Gaulle à Israël en 1967 après l’attaque contre l’Égypte, espérant ainsi temporiser les déjà voraces appétits d’Israël. Les embargos aujourd’hui sont une manière de contraindre l’économie des ennemis à se reconfigurer. Ce qui prend du temps et qui permet de provoquer du mécontentement dans les populations qui ont à subir des coupes budgétaires et des baisses de salaires, et donne des temps de latence dans la production ou l’achat d’armement des assaillants.
      La guerre mondialisée : entre augmentation de la puissance technologique et ré-agencement économique

      Ce que l’on vient de dire précédemment est de la théorie. En pratique, le business l’emporte toujours sur le politique car le business est la vrai politique de notre temps. Enfin… le business couplé à l’accroissement sans limite de puissance, quitte à foutre en l’air des pans entiers du globe, à provoquer la haine de population pour trois générations, et à laisser planer sur la Terre entière des menaces d’holocauste atomique.

      Dans la guerre mondialisée, il n’y a plus cette ancienne rupture économique et sociale des guerres mondiales, où les fronts et frontières étaient bouclés, barricadés, et où la pénurie s’installait. Les échanges mondialisés et supportés par les réseaux virtuels s’accommodent maintenant d’affrontements durs et sanguinaires sur les fronts et frontières par un ré-agencement constant des routes et échanges économiques. Les pôles de puissances économiques maintenant variés et multiples (zone chinoise, zone étasunienne, zone singapourienne, zone indienne, zone turque, zone européenne, zone du golfe persique, etc) font qu’il est facile de changer de fournisseurs, d’acheteurs ou de vendeurs d’une denrée et d’échanger devises et actifs avec d’autres agents économiques.

      Prenons la Russie. Elle a complètement reconfiguré son système bancaire vers la Chine, réorienté ses exportations vers les Brics et dispose d’une diaspora aux quatre coins du monde permettant le transit de puces et autres matériels sensibles par des sociétés écrans singapouriennes, chinoises ou turques. Et vu que la demande en matières premières est bien souvent beaucoup plus forte que l’offre, au fur et à mesure de l’épuisement des ressources et du changement climatique, il est par exemple facile pour la Russie de vendre son excédant de gaz et d’autres matières pétrolifères à qui le veut. Poutine peut même se glorifier d’un peu de croissance et d’une augmentation générale des salaires de 17 % à 19 % [9]

      ...
      . Tournée générale, y’a rien à voir ! En somme, la routine capitaliste dans la guerre mondialisée.

      Israël ou l’Ukraine sont encore bien dépendantes des américains pour leur économie (de guerre il va sans dire !) mais développent toutes deux une forte « économie de la connaissance » liée à leur complexe scientifico-militaro-industriel, comprenez le système des start-up rachetées par des multinationales qui peuvent avoir comme client l’armée.

      Vous êtes haut technocrate d’un pays en guerre et vous voulez des points de croissance, malgré la guerre, les pleurs et le sang ? Injectez massivement de l’argent public dans des structures de recherches (Le Weizman Institute ou le Technion en Israël, CEA et l’AID en France, l’UCU et Polytechnique en Ukraine [10]

      ...
      ), puis concentrez le jus de cerveau de votre recherche publique dans des « incubateurs », enfin garantissez sur deux ou trois ans le revenu de vos nouveaux startuppers ex-chercheurs ou ingénieurs. Trois solutions sont à envisager. 1° Vos petites start-ups meurent car il n’y a pas de marché correspondant, c’est le lot des 3/4 des boîtes ; 2° Au contraire, des débouchés civils ou civilo-miltaires arrivent (investissez dans le drone, les biotechnologies ou l’IA en ce moment !) ; enfin, 3°, le must, c’est de se faire racheter très cher par les « guépards » du coin, c’est-à-dire par les grosses multinationales bien implantées dans les « silicon valley » françaises, israéliennes, russes ou ukrainiennes. C’est pour cette raison que tous les gros industriels français ou américains ont des centres et des bureaux en Israël, le pays au 7000 start-ups et 90 licornes. STMicroelectronics a même un incubateur géant, le ST-Up accelerator créé en 2018 à Jérusalem [11]

      [11] Pour une analyse du « jeu » des guépard, des zèbres...
      .

      Dans tout ce merdier, les industriels de l’armement français et les marchands de puces, notamment Safran [12]

      ...
      , Thales [13]

      ...
      , Nicomatic [14]

      ...
      et STMicroelectronics s’en sortent bien. Ils utilisent des intermédiaires chinois, singapouriens ou turques pour vendre des puces à des États en guerre de « haute intensité [15]

      [15] Il y a dans le monde quelques guerres dites par les...
       ».

      Quant aux « matières fissibles » (uranium enrichi ou déchets nucléaires), elles ne font même pas partie des embargos – et du reste on en parle pas – ce qui permet à la France de garder son train-train nucléariste comme à l’accoutumée (un tiers de notre uranium enrichi est importé des centrifugeuses du géant russe Rosatom ; Framatome (France) continue de construire, notamment en Hongrie, des centrales nucléaires avec Rosatom [16]

      ...
       ; et Orano refile une partie de ses déchets nucléaires à la Russie [17]

      ...
      .)

      Le technocapitalisme est une tuerie sans nom

      Revenons à Israël et aux liens avec la France et reparlons de plates vérités difficiles à entendre. La France exporte en moyenne tous les ans pour 20 millions d’euros d’armes à Israël. C’est juste 0,2 % de ses exportations mondiales pour ce mastodonte de l’armement (la France est deuxième exportateur mondial d’armement en 2023 [18]

      ...
      ). 20 millions, ce sont des broutilles diriez-vous, mais des broutilles qui tuent !

      On ne dira jamais assez qu’il ne faut pas voir tout le temps les quantités d’armes exportées mais plutôt le type (par exemple les boîtiers de détection Thalès classé ML5 « 
      Matériel de conduite de tir et matériel d’alerte et d’avertissement connexe » [19]

      [19] « Guide du classement du matériel de guerre et...
      peuvent avoir de grosse capacité de nuisance quand ils sont installés sur des drones israélien Hermes 900, même si leur coût n’est pas élevé, ni les quantités astronomiques [20]

      ...
      .)

      Sur le champ de bataille israélo-palestinien on peut retrouver l’hélicoptère AS565A Panther d’Airbus (ex-Eurocopter) baptisé « Atalef » [21]

      ...
      , des hommes de Tsahal équipés de fusils d’assaut de la marque PGM Précision [22]

      [22] Voir la brochure « Lyon, capitale européenne du...
      , des drones Watchkeeper WK450 d’une « joint venture » de Thales avec l’entreprise israélienne Elbit System [23]

      [23] « Les liaisons dangereuses de l’industrie française de...
      , ou encore de manière plus anecdotique, l’interception de drones iraniens par des missiles français tirés de bases françaises en Jordanie et en Irak [24]

      ...
      . La France donc, ou tout du moins son « savoir-faire », sont bien présent dans cette guerre d’extermination et ne font qu’amplifier le désastre même si elle se positionne dans le jeu médiatique en État-arbitre, renvoyant dos à dos palestiniens et israéliens.

      Mais ce n’est pas tout, Israël avec son gros Triangle de fer (complexe scientifico-militaro-industriel), exporte largement elle aussi, et les deniers récoltés peuvent retourner illico-presto pour faire la guerre aux palestiniens et maintenant aux libanais. Elle est toujours dans le top 10 des exportateurs d’armement, souvent talonnée par la Corée du Sud, et est leader dans quelques secteurs clé comme le drone, la cyberdéfense, maintenant l’IA militaire :

      « La concurrence israélienne est, quant à elle, très performante sur certains segments de haute technologie (matériels électroniques, drones, systèmes spatiaux, missiles). Les exportations d’armes israéliennes ont doublé en une décennie, en raison des changements de l’environnement stratégique en Europe et de la normalisation des relations diplomatiques avec plusieurs pays arabes. Malgré le conflit découlant de l’attaque du 7 octobre, l’industrie israélienne continue à proposer ses offres à l’export » [25]

      [25] « Rapport au Parlement 2023 sur les exportations...

      Le chiffre d’affaires combiné des trois entreprises israéliennes du Top 100 (Elbit System, IAI et Rafael) a atteint 12,4 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2021 [26]

      ...
      .

      Les échanges scientifico-techniques avec Israël ne se sont pas arrêtés, le Haut Conseil Franco-Israélien pour la Science et la Technologie (HCST) continue de délivrer des bourses à des chercheurs [27]

      ...
      , pendant que des gros instituts de recherche français nouent des partenariats de plus en plus serrés avec des pôles de recherches israélien. Notamment l’Institut national de recherche en informatique et automatisme (INRIA) qui a signé un accord cadre avec le Technion israélien avec à la clé une enveloppe bipartite de 720 Millions d’euros pour développer l’ordinateur quantique [28]

      ...
      . De plus l’INRIA continue a vouloir envoyer des chercheur en Israël [29]

      ...
      . L’INRIA n’est qu’un exemple, mais les échanges scientifiques franco-israéliens sont fructueux pour les deux « start-up nation » et mériteraient d’être cartographiés et dénoncés.

      La marche forcée scientifico-militaire n’a pas de point de vue « morale », au contraire, plus la guerre avance, plus « l’innovation de Défense », comprenez la mobilisation scientifique pour la guerre sera de mise. Il faut du jus de cerveau concentré et des savoirs-faire spécifiques pour que les drones tuent mieux, que l’IA détecte mieux les cibles et que les missiles soient le plus performant possible pour détruire ! Le technocapitalisme, dont la recherche publique est l’un des rouages [30]

      [30] Fabrice Lamarck, Des treillis dans les labo. La...
      (et le chercheur un pion mais un pion volontaire !), a besoin de ces cerveaux bien enrégimentés pour continuer à tuer et vendre des armes !

      Devant l’atrocité des massacres à Gaza, au Liban mais aussi sur le front russo-ukrainien, ou au Yémen, la neutralité scientifique n’a plus sa place. Continuer tout bonnement son train-train de recherche en IA, en informatique, en microélectronique, en résistance des matériaux, continuer à bosser dans des laboratoires où Thales ou MBDA ont investit et donnent des conseils, être chercheur ou ingénieur chez ST ou Airbus, c’est sûrement avoir du sang sur les mains. Et oui, quand nous sommes « en paix » (paix toute relative), les questions morales échauffent moins les oreilles de nos producteurs de biens ou de savoir parce que les massacres et la guerres existent qu’en potentiel. Effectivement, la France a un potentiel de mort et de destruction quasi-illimité, et cela c’est grâce en grande partie à nos chercheurs et à leur technoscience que nous le devons.

      Cependant, il n’y a pas les mêmes responsabilités entre un trimard faisant les 3-8 en salle blanche et le chef de projet R&D d’une multinationale, qui passe des commandes et comprend à quoi vont servir les puces de son unité de conception. Mais de toute façon, au-delà des parcours individuels, que ces usines et ces instituts de mort ferment, malgré les emplois, malgré la Connaissance, malgré le « Progrès », malgré la manne financière, serait la meilleur des solutions politiques pour mettre fin à la destruction sans concession à laquelle notre génération assiste.

      Quant aux thésards, étudiants, réfusant, celles et ceux qui ne sont pas résignés ou pas encore trop bien installés dans l’ordre technoscientifique commencent à se mobiliser. Il y a des énergies vivantes et en colères qui fomentent en interne. La technocratie en place va avoir du mal à « fixer » et à « canaliser » ce mouvement de fond et tant mieux !
      Conclusion : aux hésitants et refusants, c’est maintenant qu’il faut agir

      Il paraît clair que la France est rentrée tête baissée dans une économie de guerre et qu’elle se prépare à la guerre de « haute intensité ». Les signaux faibles de ce futur engagement sont pléthores (3 milliards pour les hôpitaux militaires, Jeux de rôles militaires avec l’OTAN, obligation pour les industriels de l’armement de faire des stocks, loi sur les ingérences étrangères, bourrage de crane intensif, etc). Encore beaucoup de personnes nient l’évidence et ce même après les multiples prises de parole de Macron, du Ministre des Armées Lecornu et des chefs militaires. Elle y rentrera doucement en guerre, elle y est déjà rentré en faite ! Le fait que la marine française ai intercepté des tirs de missiles houthis en provenance du Yémen le 21 Mars [31]

      ...
      , mais aussi les interceptions de quelques drones et missiles iraniens lors de l’attaque massive du 13 Avril dernier contre Israël [32]

      ...
      , montre qu’elle est déjà sur les théâtres d’opération (opération ASPIDES en mer Rouge, mission Aigle aux frontières Roumanie-Ukraine), prête à dégainer quand papa-OTAN le décidera.

      C’est une spirale montante dont on ne sait où elle mènera et quand elle s’arrêtera… si elle s’arrête un jour !, Et nous sommes bien malgré nous tous prit dedans en tant que producteurs de savoir, producteurs de biens à double-usage, producteurs d’armement mais aussi en tant que soldats et réservistes (objectif de 300 000 hommes au total pour 2030), et enfin en tant que citoyens, c’est-à-dire sujet de l’État nous nous prenons au jeu d’imaginer des stratégies de guerre, de promouvoir la violence (« faut bien se défendre ! ») et vivons torses bombés dans une atmosphère patriotique foncièrement réactionnaire. Les militaires appellent cette dernière « composante » du militarisme français, les « forces morales de la nation », qui devront, en cas de coup dur, être derrière les « premiers de cordée » cette fois habillés tout de kaki, arme à la main pour sauver les valeurs mortifères de la France [33]

      [33] Si vous voulez vous tenir au courant des agissements...
      .

      Les personnes qui soutiennent le calvaire palestinien en ce moment, les anti-militaristes convaincus ou qui viennent de le devenir, les sympathisants des causes anti-impérialistes, anti-colonialistes, les pacifistes, les anarchistes anti-nation, tous commencent à comprendre l’ampleur des forces bellicistes des pays du sommet capitaliste et de comment la France mène sa barque industriellement et militairement là dedans.

      Des groupes en réseaux comme Stop Arming Israël [34]

      ...
      ou le Réseau de surveillance de l’Observatoire des armements [35]

      ...
      , ont compris qu’il était intéressant d’agir localement sur le complexe scientifico-militaro-industriel, dans chaque ville de France, d’Angleterre ou d’Allemagne où ces instituts et multinationales se déploient. Manifestations, piquets devant les usines, jets de faux sang, sabotages, pression sur les pouvoirs publics, discussions dans les laboratoires, affiches de la honte, mobilisations des syndicats des boîtes, enquêtes critiques… un large panel d’actions se met en place un peu partout en France d’un mouvement anti-militariste qui, nous l’espérons, ne s’arrêtera pas au massacre des palestiniens, mais embrassera petit à petit toutes les misères des guerres en cours dont la France trempe salement.

      Principalement répartie en France en trois « pôles de compétitivité de rang mondial » à Grenoble, Paris-Saclay et Bordeaux-Toulouse, le côté « innovation de Défense » (le lien armée-recherche) commence à être aussi dénoncé dans les facs et écoles d’ingénieurs où les entreprises d’armement comme Thales, Airbus et SAFRAN [36]

      [36] Par exemple à Grenoble :...
      sont bien installées et amplifient leurs encrages, proposant cours, bourses pour les étudiants précaires [37]

      ...
      , présences dans les forums étudiants et surtout finançant des recherches grâces aux chaires privées [38]

      [38] Par exemple la chaire « Deepred » à Grenoble créée par...
      . Mais les étudiants et les syndicats commencent à réagir : tribune des chercheurs pour un cessez-le-feu à Gaza [39]

      [39] « Engageons-nous activement pour arrêter immédiatement...
      , occupation de la Sorbonne en mai dernier (86 gardés à vue) [40]

      ...
      , actions multiples contre Thales à Toulouse [41]

      ...
      , AG étudiante luttant contre la présence de Thales à Grenoble… la sauce monte et les directeurs d’universités feront tout pour conserver cette manne financière, quitte à avoir les mains sales et à envoyer la flicaille au moindre débordement, Attal l’a promis ! De toute façon, le Triangle de fer est structurant pour les 3 pôles de compétitivité depuis les années 1950-1960 [42]

      [42] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      , alors nous espérons que contester la présence de Thales pourra permettre de dérouler la vieille bobine mortifère d’une recherche publique française qui travaille structurellement pour le capitalisme mortifère… et peut-être permettre une remise en cause de l’ordre technoscientifique et de savoir s’il faut vraiment continuer la recherche scientifique ? [43]

      [43] Voir le collectif Grenoblois FIC la recherche ?...

      https://lundi.am/Guerres-Puces

  • Olivier Hamant, chercheur en #biologie et #biophysique :

    « Dans la question socio-écologique ce qui domine c’est le climat. On a réduit la #complexité_écologique à une molécule, le #CO2, c’est une aberration.

    Du coup les solutions qu’on apporte c’est pour réduire la quantité de CO2 dans l’atmosphère. Cet été en Islande on a construit la première grande usine de capture CO2.

    Un enfant de 5 ans comprendrait que ça n’a aucun sens, c’est bcp d’énergie et de métaux et c’est une opération financière. On a privatisé le CO2.

    Le #climat c’est le pire levier, il faut commencer par la #biodiversité. Notre #performance est une #guerre_à_la_vie.

    La #biodiversité ça coute rien, on peut le faire à toutes les échelles et c’est positif pour le #climat et les #pénuries »

    Eloquente prise de parole d’Olivier Hamant qui rappelle que la révolution à accomplir est avant tout culturelle et non une question d’#innovation technologique.

    Pour faire de la robustesse, il nous faut aller contre la performance et sortir du #capitalisme en s’inspirant des pratiques naissantes à la marge telles les #coopératives et l’#économie_de_la_fonctionnalité & de l’usage."

    https://x.com/GabrielMalek9/status/1847973387106152647

    Survie dans le Chaos : La #robustesse à l’épreuve ? #Olivier_Hamant
    https://www.youtube.com/watch?v=JPW_m8JBl2Q

    #CO2 #économie_de_l'usage #imprévisibilité #fluctuation #compétition #colonisation #mécanisation #grande_accélération #culte_de_la_performance #délire_de_la_performance #agriculture_circulaire #basculement #interactions #crises

  • The Brief – Solidarity replaced by calls for tougher measures in EU migration debate

    The trend appears to include the entire political spectrum, from far-right figures like Geert Wilders to progressive leaders like Olaf Scholz.

    “Since 2015 everyone said that I am an idiot or evil to have this point of view. But at the end of the day everyone is going to agree with me in the end," said Viktor Orbán in Strasbourg last week.

    The Hungarian prime minister’s words are starting to sound more like a prophecy, as we witness a significant shift in how leaders approach and discuss migration policies in the EU.

    The trend appears to encompass the entire political spectrum. From growing calls to opt out of migration policies, led by far-right figures like Geert Wilders in the Netherlands and Viktor Orbán in Hungary, to progressive leaders such as German Chancellor Olaf Scholz, and even from outside the EU, UK Prime Minister Keir Starmer, showing interest in Italy’s controversial offshore migration deal with Albania.

    Questions persist over what drove this shift in the EU’s migration narrative, as the focus on solidarity, responsibility sharing and unity has now been replaced by member states advocating for tougher measures.

    The EU’s migration debate now focuses almost exclusively on combating smugglers, addressing instrumentalisation, tightening border controls, and reinforcing the external dimension of migration.

    Externalisation efforts ramped up following the 2015 migration crisis, which highlighted the weaknesses of the EU’s asylum system and exacerbated internal divisions. This crisis underscored the need for a unified and integrated approach across the Union.

    “This is also a long-term trend,” said #Giuseppe_Campesi, Associate Professor in Law and Society at the Department of Political Sciences of the University of Bari. “Starting with the agreement with Turkey, then the strengthened collaboration between Italy and Tunisia, and now the European Union’s partnership with Tunisia,” he added.

    After the 2015 crisis, the EU has actively pursued reforms to promote a more integrated migration strategy.

    After all, as the most quoted saying of founding father Jean Monnet goes, “Europe will be forged in crisis” and will be the “sum of the solutions adopted for those crises.”

    In May 2020, the newly established von der Leyen Commission announced its plan to introduce the New Pact on Migration and Asylum, which was ultimately approved in April this year amid considerable criticism from both governments and NGOs.

    But it seemed that lessons were learned when, in 2022, following Russia’s invasion of Ukraine, the Council unanimously adopted a resolution to activate the Temporary Protection Directive (TPD), reviving the long-dormant “sleeping beauty” of the EU asylum system to welcome Ukrainians fleeing the conflict.

    Two years later, however, the Ukrainian crisis stands as a unique circumstance that did not indicate a shift in the European Union’s strategy, especially as the political discourse surrounding migration becomes harsher.

    On the eve of the October European Council, which is expected to focus on migration, the push for a stricter migration policy is more evident than ever.

    The Commission’s letter sent to member states on Monday (October 14) outlines plans for innovative strategies to combat illegal migration, explicitly mentioning the “development of #return_hubs outside the EU.”

    In the approved New Pact, “the idea of containment at the border is very strong, particularly the concept of mandatory border procedures involving detention,” Campesi said.

    The new rules will affect border infrastructure by necessitating the establishment of detention centres, imposing significant costs on the countries of first arrival.

    “Until now, border procedures existed, but they were not mandatory and did not necessarily involve detention. However, that will no longer be the case,” he added.

    The letter sent by the Commission also references the “Italy-Albania protocol,” as the EU “will also be able to draw lessons from this experience in practice,” further normalising the offshore model, that now represents a practice from which the EU can learn and potentially expand.

    Just last year, former Council of Europe Commissioner for Human Rights Dunja Mijatović highlighted some controversial aspects of the pact, stating that it raises concerns for human rights “and adds to a worrying European trend towards the externalisation of asylum responsibilities.”

    “It seems that Italy is partially preparing for the implementation of new rules on border asylum procedures and returns, which have yet to be approved but are set to take effect in 2026,” Campesi added.

    https://www.euractiv.com/section/politics/opinion/the-brief-solidarity-replaced-by-calls-for-tougher-measures-in-eu-migratio

    #procédure_à_la_frontière #frontières #migrations #réfugiés #asile #pacte #pacte_européen #enfermement #détention #rétention #centres_de_retour #externalisation #modèle_albanais

    ping @karine4
    –-

    ajouté au fil de discussion:
    Procedura di frontiera: dall’UE arrivano le quote massime per ciascun Paese
    https://seenthis.net/messages/1067127

    ajouté à la métaliste sur #Pacte_européen_sur_la_migration_et_l’asile:
    https://seenthis.net/messages/1019088

    • Migration : les Européens à la recherche de solutions « innovantes »

      Il faut mettre en place des solutions innovantes pour faire baisser le nombre d’entrées illégales sur le territoire européen. Cette demande se fait de plus en plus pressante aux quatre coins de l’Union européenne. Et qu’importe si de récentes études universitaires comme le projet MIRREM (Measuring Irregular Migration) tendent à démontrer que le nombre d’étrangers en situation irrégulière dans l’UE reste stable depuis 2008 (environ 1% de la population de l’UE), les États membres veulent rajouter des briques dans la forteresse Europe.
      Une pression politique de plus en plus forte

      La pression politique est forte. La poussée de l’extrême droite dans les urnes en France, en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas… donne des sueurs froides aux dirigeants européens. C’est dans ce contexte que le 15 mai dernier, une quinzaine d’États membres de l’UE a demandé à la Commission européenne « d’identifier, d’élaborer et de proposer de nouveaux moyens et des solutions innovantes pour prévenir l’immigration irrégulière en Europe ». Une initiative lancée par le Danemark rejoint par l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, l’Italie, La Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne et la Roumanie. L’annonce avait initialement été accueillie avec un certain scepticisme « Je ne voudrais pas faire partie d’une solution innovante » avait lancé un diplomate européen à ses collègues.

      Aujourd’hui, la donne a changé. L’atmosphère politique s’est tendue. L’Allemagne rétablit les contrôles à ses frontières, les Pays Bas veulent se retirer de la politique d’asile et de migration européenne, la France veut augmenter le nombre d’expulsions… C’est ainsi que les solutions innovantes se sont officiellement retrouvées à l’ordre du jour de la réunion des 27 ministres de l’intérieur ce jeudi à Luxembourg.
      Un concept encore très flou

      Le concept reste encore assez flou mais la plupart des appels vers des solutions innovantes semblent aller dans le sens de la mise en place de « hubs de retour ». Des centres situés hors du territoire de l’Union européenne et vers lesquels seraient renvoyés des migrants en situation irrégulière.

      Ces « hubs » s’inspireraient largement de l’accord passé par le gouvernement de Giorgia Meloni avec l’Albanie où deux centres doivent recevoir les migrants arrêtés dans les eaux italiennes. Ils rappellent aussi le projet (désormais abandonné par Londres) d’expulser au Rwanda les migrants arrivés illégalement au Royaume Uni.

      Le flou du projet européen devrait se dissiper sous peu. La Hongrie qui préside le Conseil des ministres de l’Union européenne a promis des initiatives concrètes lors d’une prochaine réunion des 27 ministres de l’intérieur de l’UE. Les solutions innovantes commencent à prendre la forme d’une politique de découragement de l’immigration vers l’Europe et il n’y a plus grand monde aujourd’hui pour s’en émouvoir.
      La solution innovante alternative de l’Espagne

      Seule l’Espagne prend le contrepied de la majorité des États membres. Depuis des mois, le pays fait face à une hausse des arrivées de migrants illégaux aux îles Canaries. Malgré cette pression, le chef du gouvernement socialiste Pedro Sanchez prône une approche ouverte. Et pour lui, ce n’est pas juste une question morale. « L’immigration n’est pas qu’une question d’humanité, même si serait déjà suffisant en soi. Elle est, en plus, nécessaire pour la prospérité de notre économie et le maintien de notre bien-être » a déclaré ce mercredi le chef du gouvernement espagnol.

      Pour défendre sa vision, Pedro Sanchez pointe la place qu’occupent déjà les migrants dans l’économie de son pays. Ils représenteraient déjà 25 à 50% des travailleurs dans le secteur de l’hôtellerie, de l’agriculture ou de la construction. Le Premier ministre souligne aussi les difficultés de recrutement auxquelles les entreprises ibériques font face.

      « Aujourd’hui, plus de la moitié des entreprises espagnoles font état de difficultés pour trouver de la main-d’œuvre et le nombre de postes vacants non pourvus dépasse déjà les 150.000, a-t-il détaillé. Il s’agit d’un niveau record qui, si nous n’agissons pas, se multipliera au cours des prochaines décennies ». Dans la foulée, le chef du gouvernement espagnol a annoncé une réforme de l’accueil des migrants pour éliminer les procédures bureaucratiques inutiles et faciliter leur intégration.
      Avancer la mise en œuvre du pacte européen sur l’asile et la migration

      Pourtant comme les autres Européens, les Espagnols se disent de plus en plus inquiets face à la migration. Selon un sondage publié mardi par le quotidien El Pais, 57% d’entre eux estiment qu’il y a trop d’immigrés dans leur pays et 41% se disent « préoccupés » face à l’immigration, soit 16 points de plus qu’il y a un an et demi.

      Mais face à cette inquiétude Pedro Sanchez refuse la course à l’échalote. Pour lui, les « hubs de retour » ne sont que de la poudre aux yeux. Sa solution innovante, il préfère aller la chercher dans ce qui a déjà été approuvé par les 27 États membres. Le Premier ministre espagnol voudrait avancer d’un an, soit dès l’été prochain, l’entrée en vigueur du pacte européen sur l’asile et la migration. Nul besoin de solution innovante. Tout ce dont les Européens ont besoin y figure déjà : un renforcement des frontières extérieures de l’Union et surtout un mécanisme de solidarité avec les pays qui, comme l’Espagne, sont sous pression migratoire.

      https://www.rtbf.be/article/migration-les-europeens-a-la-recherche-de-solutions-innovantes-11447499

      #innovation

    • UN refugee agency endorses EU ‘#return_hubs’ — but with conditions

      The UN refugee agency (UNHCR) says EU ’return hubs’ in foreign countries may work as an incentive for rejected asylum seekers in Europe to go home.

      The concept aims to forcibly send failed asylum seekers in the EU, who refuse to leave, to centres abroad before final repatriation later on.

      “UNHCR gives preference to voluntary returns,” Jean-Nicolas Beuze, the agency’s representative in Brussels, told EUobserver earlier this week.

      But he also said \"return hubs can work as an incentive for rejected asylum seekers to go back home, because they are no longer on European soil."

      Coupled with reintegration and assistance once back home, the EU would also need to be involved to ensure conditions at the centres are up to human right standards, he said.

      “People should have access to adequate health facilities, education and so on and so forth, pending the time they are able or willing to return to their country of origin” he said.

      The UNHCR has not been consulted on any specific country where return hubs could be located. Instead, Beuze said they are talking with the EU Commission to ensure the centres would “be legally viable in line with international and eventually European law.”

      Asked why foreign-based centres could expedite forced returns when member states are unable to do it themselves, Beuze said there is a belief that the host nation could facilitate communication between the EU and the country of origin.

      “I think that there’s some belief that by having this staged approach, it will give more time for a deal to be made with the receiving country,\” he said.

      ’Catastrophic human cost’

      However, the issue has generated alarm among civil society, which warn similar efforts have either failed to deliver or have been corrupted by massive human rights violations.

      “Every time this kind of scheme has been attempted, it has had a truly catastrophic human cost,” said Olivia Sundberg Diez of Amnesty International.

      “From our perspective, these are not humane. These are not sustainable or even feasible examples to follow,” she said, noting the enormous financial and human costs.

      Unlike return hubs, Italy’s deal aims to process asylum claims of people rescued on the high seas at centres in Albania under Italian jurisdiction.

      But it is also set to cost €670m, or possibly more, over the next five years. And an initial batch of people disembarked at the centres were eventually returned to Italy, following a Rome court decision.

      A UK plan with Rwanda to send asylum seekers arriving on British shores to the central African nation reportedly cost over €800m. The scheme, now scrapped by the new Labour government, managed to send only four people who had volunteered after being offered over €3,000 each

      Australia’s decade-old efforts to offshore people to Nauru, a remote small pacific island, or Papua New Guinea, has led to riots, hunger strikes and suicides

      Whatever the stakes, the current European Commission appears determined to explore such ideas amid pressure from member states to curtail asylum arrivals.

      European Commission president Ursula von der Leyen has tasked commissioner-designate Magnus Brunner, among others, for the task.

      The Austrian national and finance minister is set to become the European Commissioner for internal affairs.

      Brunner made no mention of return hubs in his letter ahead of the hearing with the European Parliament next week, but instead referenced future legislation on returns.

      https://euobserver.com/migration/ar9f2c375e
      #HCR

    • ‘Return hubs’ possible under new EU rules

      The new regulation, seen by Euractiv, is expected to introduce tougher migration rules and facilitate the creation of return hubs.

      The Commission is “aiming to make it possible” for member states to explore innovative ideas, including “return hubs,” in new legislation set to be unveiled today.

      The EU’s new return rules – the so-called “missing piece” of the asylum and migration system – are set to be unveiled during Parliament’s plenary session in Strasbourg today. The new legislation will replace the existing directive, which has been in place since 2008.

      The new text, which as Euractiv previously reported is set to be a regulation, will be directly applicable and binding in all member states, bypassing the need for national implementation.
      The draft regulation seen by Euractiv paves the way for the EU to establish controversial “return hubs” – dedicated deportation centers outside the bloc.
      “I aim to make it possible for member states to think about new, innovative ideas, including return hubs,” EU Commission chief Magnus Brunner said during a closed-door briefing on Monday.

      The issue has been under EU-level discussion for months, with Commission President von der Leyen raising the concept in a letter to member states last October, calling for further exploration.

      The new proposal will outline three return scenarios for individuals: their country of origin, the country they transited from, or a country with a “return hub” agreement with an EU member state, the draft reads.

      According to Brunner, the issue of returns is “existential”. “We try to give people the feeling that they have control over what is happening in Europe”, the Commissioner said. He stressed that if the democratic center parties do not address the issue, “we will lose the trust of our citizens altogether.”
      A unified EU system and harsher rules
      The new rules aim to create a unified return system across member states, addressing inconsistencies in rule interpretation to tackle the EU’s low return rates.

      “Four out of five people with a return decision remain in the European Union,” Brunner said. “That’s not acceptable.”

      As announced by EU Commission President on Sunday, the regulation will propose a new “European return order,” and mutual recognition of return decisions among member states. However the draft says this mutual recognition will not be mandatory.

      The new proposal will introduce tougher rules for individuals with a return decision, particularly those considered security threats. Detention grounds should be expanded to address the risk of absconding, with a possible detention period of up to 24 months. For those deemed security risks, detention is expected to last as long as a judge deems necessary following assessment.

      Entry bans, previously capped at 5 years, could now extend to 10 years, with high-risk individuals facing bans of up to 20 years. The proposal will also introduce new obligations for returnees and removes the fixed 7 to 30-day voluntary departure period, giving member states control over deadlines.

      The text could also pave the way for a broader role for the EU Border Agency Frontex in returns, to be addressed in a future regulatory reshuffle. “We are working on that,” Brunner said.

      European Commission President Ursula von der Leyen’s second-term agenda includes tripling the European Border and Coast Guard to 30,000, a move that will require a major regulatory overhaul.
      The new text forms part of a broader push for stricter rules. The EU migration chief has confirmed plans to fast-track the safe third country review under the new Pact of Migration.

      Last week, the Commission also confirmed that an EU safe country of origin list is in the making, set for completion before June.

      Euractiv has previously reported that the Commission was consulting member states to accelerate the review to March instead of June.

      https://www.euractiv.com/section/politics/news/return-hubs-possible-under-new-eu-rules

    • Le Royaume-Uni envisage des « centres de retour » pour migrants hors de ses frontières

      En déplacement en #Albanie, le Premier ministre britannique #Keir_Starmer a évoqué avoir entamé des discussions pour créer, hors du Royaume-Uni, des « centres de retour » pour les demandeurs d’asile déboutés. Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2024, le gouvernement travailliste multiplie les annonces visant à lutter contre l’immigration irrégulière.

      https://seenthis.net/messages/1116344

  • Allemagne : près de 500.000 arbres abattus sur le site de la gigantesque usine Tesla E.P.

    Près de 500.000 arbres auraient déjà été abattus au sud de Berlin, dans la zone où s’étend l’usine géante de Tesla. C’est ce que révèlent les analyses satellites de la société de renseignement environnemental Kayrros, relayées par le quotidien britannique The Guardian. https://www.theguardian.com/technology/article/2024/aug/22/trees-cut-down-site-tesla-gigafactory-germany-deforestation Selon les images, 329 hectares de la forêt de Grünheide ont déjà été défrichés pour ce projet d’extension du fabricant de voitures électriques appartenant au milliardaire Elon Musk, et que remettent en cause des militants écologistes.


    . . . . . .
    Source et suite : https://www.lefigaro.fr/international/allemagne-pres-de-500-000-arbres-abattus-sur-le-site-de-la-gigantesque-usin
    #arbres #écologie #tesla #elon_musk #voiture_électrique #innovation #Allemagne

  • Transferts de migrants dans des centres hors de l’UE : #Bruno_Retailleau « n’écarte aucune solution a priori »

    « Toutes les solutions innovantes doivent être utilisées », a dit le ministre de l’intérieur lors d’une réunion européenne à Luxembourg, à propos de cette proposition qui a de faibles chances d’aboutir.

    Le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a souligné, jeudi 10 octobre à Luxembourg, qu’il « n’écart[ait] aucune solution a priori », a-t-il souligné au sujet des centres où transférer des migrants illégaux en dehors de l’Union européenne (UE). « Toutes les solutions innovantes doivent être utilisées », a-t-il dit à propos de cette proposition. Le ministre a toutefois précisé qu’une telle mesure ne pourrait pas s’appliquer aux « demandeurs d’asile » en France, au nom de « l’ordre constitutionnel ».

    Les ministres de l’intérieur de l’UE se retrouvent jeudi à Luxembourg, dans un déjeuner de travail, pour évoquer notamment cette proposition inflammable. Défendus par la Hongrie ou l’Italie, ces « hubs de retour » ne sont qu’une simple piste et non une initiative concrète à ce stade. La discussion a peu de chances d’aboutir, selon des sources diplomatiques contactées par l’Agence France-Presse, mais elle illustre le durcissement de ton sur l’immigration en Europe, marquée par la poussée de l’extrême droite.
    Pression pour une révision de la « directive retour »

    Ces « hubs » s’inspirent de l’accord controversé conclu par le gouvernement de Giorgia Meloni, cheffe du parti post-fasciste Fratelli d’Italia, avec l’Albanie, où deux centres doivent recevoir des migrants arrêtés dans les eaux italiennes. Ils rappellent aussi le projet abandonné par le Royaume-Uni d’expulser cers le Rwanda de façon groupée des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni.

    L’immigration sera aussi à l’ordre du jour du sommet des 17 et 18 octobre à Bruxelles, où les chefs d’Etat et de gouvernement doivent aborder le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’UE et l’accélération des retours. Sur le plan législatif, le sujet semblait pourtant balisé après l’adoption, à la mi-mai, du pacte sur la migration et l’asile, qui durcit les contrôles et établit un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept dans la prise en charge des demandeurs d’asile.

    A Luxembourg, Bruno Retailleau a aussi réclamé une mise en œuvre « si possible anticipée » de quelques mois du « Pacte asile et migration », scellé en mai et dont l’entrée en vigueur est prévue mi-2026. De nombreux Etats poussent déjà pour aller plus loin que ce texte : à peine le pacte scellé, une quinzaine de pays, dont la Grèce et l’Italie, avaient réclamé une politique d’expulsion « plus efficace », qui « pourrait » inclure des « mécanismes » de « hubs » en dehors de l’Europe.

    A Luxembourg, Bruno Retailleau a aussi insisté pour la révision de la « directive retour » de 2008, une législation européenne qui harmonise les règles en matière de reconduite aux frontières. Le ministre français accuse ce texte de rendre « quasiment impossibles » les retours de migrants. Il a plaidé pour qu’il soit revu « dans les quelques mois qui viennent », notant une « convergence » sur le sujet au sein de l’Union européenne.

    De fait, plusieurs pays européens réclament une telle révision. Une récente note des Pays-Bas et de l’Autriche sur le sujet a reçu le soutien de l’Allemagne et de la France afin de « faciliter » et « accélérer » les retours. En début de semaine, la Hongrie du nationaliste Viktor Orban a demandé à Bruxelles une dérogation aux règles de l’UE sur l’asile, emboîtant le pas aux Pays-Bas, même si cette procédure a peu de chances d’aboutir.

    Selon Eurostat, en 2023, 484 160 ressortissants de pays tiers ont reçu l’ordre de quitter l’UE, et 91 465 (18,9 %) ont fait l’objet d’un retour effectif.

    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/10/10/transferts-de-migrants-dans-des-centres-hors-de-l-ue-bruno-retailleau-n-ecar

    #innovation #externalisation #migrations #réfugiés #procédure_d'asile #externalisation_de_la_procédure #asile #France

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    Quant au terme "solutions innovantes" :
    "solution" "innovante" ? Bon, que ce n’est pas la "solution", on le sait, mais quant à l’ innovation, peut-être c’est moins su... L’Australie a mis en place ce système (Pacific Solution) en 2001 et Tony Blair l’avait proposée (sans réussir à l’implémenter) en 2003... ça fait donc plus de 20 ans que nos dirigeant·es nous enfument avec cette "solution".

    Voir la métaliste sur les tentatives de différentes pays européens d’#externalisation non seulement des contrôles frontaliers :
    https://seenthis.net/messages/900122

    ping @karine4 @_kg_