• « Le Nigeria est mieux préparé que nous aux épidémies » , Entretien avec l’historien Guillaume Lachenal, 20 avril 2020
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/200420/le-nigeria-est-mieux-prepare-que-nous-aux-epidemies?onglet=full

    Leçons à tirer des façons dont le Sud fait face aux épidémies, approche sécuritaire des virus, relations entre le médical et le politique, logiques sous-jacentes à la « médecine de tri »…

    Guillaume Lachenal est historien des sciences, chercheur au Medialab de Sciences-Po. Ses principales recherches portent sur l’histoire et l’anthropologie des épidémies, de la médecine et de la santé publique dans les contextes coloniaux et post-coloniaux d’Afrique. Il a notamment publié Le Médicament qui devait sauver l’Afrique (La Découverte, 2014, traduction anglaise The Lomidine files, Johns Hopkins University Press, 2017) et Le Médecin qui voulut être roi (Seuil, 2017).

    Qu’est-ce que les épidémies vécues récemment par les pays du Sud peuvent nous apprendre sur ce qui se passe aujourd’hui ?

    Guillaume Lachenal : Comme le disaient déjà les anthropologues Jean et John Comaroff, la théorie sociale vient désormais du Sud, parce que les pays du Sud ont expérimenté, avec vingt ou vingt-cinq ans d’avance, les politiques d’austérité sous des formes radicales. Le néolibéralisme précoce s’est déployé au Sud, notamment dans les politiques de santé. Il est à l’arrière-plan des épidémies de sida et d’Ebola.

    On découvre aujourd’hui le besoin d’une grille de compréhension qui parte des questions de pénurie, de rareté, de rupture de stocks qui se trouvent être au cœur de l’anthropologie de la santé dans les pays du Sud. On parle aujourd’hui beaucoup de mondialisation, de flux et de la façon dont le virus a épousé ces mouvements, mais observée d’Afrique et des pays du Sud, la mondialisation est une histoire qui ressemble à ce qu’on voit aujourd’hui : des frontières fermées, des avions qu’on ne peut pas prendre, des mobilités impossibles.
    Jusqu’au début des années 2000, en Afrique, l’épidémie de sida, c’est une histoire de médicaments qu’on n’arrive pas à obtenir, qu’on fait passer dans des valises au marché noir… Durant la grande épidémie d’Ebola de 2014, les structures de santé ont été dépassées pour des raisons matérielles élémentaires : manque de personnel, pénurie de matériel…

    Il existe donc, au Sud, tout un corpus d’expériences riche d’enseignements, comme le soulignait récemment l’historien Jean-Paul Gaudillière. Comme Ebola, le Covid est à maints égards une maladie du soin, qui touche en premier lieu les structures de santé, mais aussi les relations de prises en charge domestiques. Surtout, le Sud nous montre comment on a voulu mobiliser une approche sécuritaire des épidémies, au moment même où on négligeait les systèmes de santé.

    Toute l’histoire de la santé publique dans ces pays rappelle pourtant qu’il ne suffit pas d’applications pour monitorer le virus et de drones pour envoyer les médicaments ; que ces modes de gouvernement sont de peu d’efficacité face à une épidémie. On peut tenter de transposer, ici, cette critique d’une gouvernementalité spectaculaire qui produit seulement une fiction de préparation.

    Il y a trois ans, la conférence de Munich sur la sécurité avait été inaugurée par Bill Gates qui affirmait que la menace principale pour le monde était de nature épidémique et pas sécuritaire. Depuis quinze ans, tous les livres blancs de la Défense mettent les épidémies tout en haut de l’agenda. Et nous sommes pourtant dépassés quand elle arrive. Cette contradiction n’est en réalité qu’apparente. Parce que nous avons en réalité confié cette question sanitaire à une logique de start-up, d’innovation et de philanthropie, dans laquelle la politique sécuritaire des États consiste d’abord à mettre en scène sa capacité à intervenir, à simuler son aptitude à gouverner, mais sans véritable moyen de le faire.

    L’anthropologue et médecin Paul Farmer, qui avait été notamment l’envoyé spécial des Nations unies à Haïti après le séisme en 2009, rappelait à propos du fiasco de la réponse à Ebola, en 2014, que la réponse à une épidémie, c’est avant tout « staff and stuff » , des gens et des choses. La France se prend aujourd’hui en pleine figure le manque de masques, de matériels et de tests, et expose ainsi l’hiatus profond entre un débat public expliquant qu’il faut tester davantage, se protéger davantage, et la matérialité de la situation, avec le manque de réactifs, l’incapacité de produire suffisamment de masques, mais aussi l’absence de personnels de santé publique capables de faire le suivi des cas.

    Actuellement, ce n’est pas d’idées, de stratégies, de perspectives critiques que l’on manque… On manque de choses. Les questions les plus intéressantes aujourd’hui sont logistiques et il est sans doute plus intéressant de parler à un brancardier de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis ou à un livreur de Franprix qu’à n’importe quel chercheur. La question centrale, aujourd’hui, c’est l’épidémiologie sociale : comment le virus s’engouffre dans les failles de nos sociétés : les inégalités, les conditions de vie, les différences d’exposition du fait du travail, et toutes les comorbidités qui aggravent la maladie, comme on le voit avec les disparités raciales aux États-Unis, ou le cas de la Seine-Saint-Denis, ici.

    Avec une certaine ironie, on constate que des pays comme le Cameroun ou le Nigeria sont mieux préparés car ils disposent de ce qu’on appelle des agents de santé communautaire ( Community Health Workers ) qui sont des gens peu formés – ce ne sont pas des infirmiers – mais qui sont des sortes d’aides-soignants de santé publique, qui s’occupent des campagnes de vaccination, mais aussi de surveillance épidémiologique, et qui s’avèrent très utiles pour faire le suivi des cas, et des contacts des personnes infectées. C’est un savoir social que ne peut faire la police ou un smartphone.

    Au moment d’Ebola, quelques cas se sont déclarés à Lagos, au Nigeria, et on a craint le pire dans une métropole comme celle-ci, avec un virus aussi mortel. Mais en réalité, le pays a pu s’appuyer sur ces personnes très bien implantées dans les quartiers et les communautés, qui devaient déjà faire face à une épidémie de polio, et ont donc su tracer les contacts, isoler les malades, et réussi à éteindre l’épidémie. Cette success story africaine rappelle que la principale réponse aux épidémies est une réponse humaine, qu’on a complètement négligée ici, où personne ne viendra frapper à notre porte, et où rares sont les quartiers organisés en « communautés ».

    Vous avez coordonné, en 2014, une publication sur la « médecine de tri », dont on saisit aujourd’hui l’ampleur. Pourquoi jugez-vous qu’il s’agit du paradigme de la médecine de notre temps ?

    Ces pratiques de tri qu’on découvre aujourd’hui dans le débat public sont routinières en médecine. Elles sont violentes pour les soignants, difficiles éthiquement, insupportables philosophiquement, mais elles sont aussi nécessaires. On ne peut pas bien soigner les gens sans choisir où faire porter ses efforts. Et ces pratiques de tri sur critères médicaux sont aussi un moyen de traiter les gens de manière égalitaire, au sens où ce ne sera pas seulement celui qui paie le plus qui aura le droit à un ventilateur par exemple.
    Cela dit, ce tri se fait parce qu’il existe un écart entre des ressources rares et les besoins des patients. Or, cette rareté peut aussi être produite, en raison par exemple de la politique d’austérité qui frappe les systèmes de santé. Il est donc important d’avoir un débat sur la production de cette rareté, par exemple au sujet de la réduction du nombre de lits. Mais ce qui produit de la rareté, c’est aussi l’innovation médicale en tant que telle. La dialyse, le respirateur, la réanimation soulèvent de nouvelles questions d’accès et de tri, qui ne se posent pas dans de nombreux pays du Sud où quasiment personne n’y a accès.

    Comment définissez-vous la « santé globale » ? Et pourquoi dites-vous qu’il s’agit du « stade Dubaï » de la santé publique, en faisant référence à la façon dont le sociologue Mike Davis faisait de Dubaï l’emblème du capitalisme avancé ?

    Depuis le milieu des années 1990, les questions de sécurité sanitaire et de biosécurité ont pris de plus en plus de place sur l’agenda. Les réponses très verticales à des épidémies comme celle de VIH ont été motivées avant tout par des préoccupations sécuritaires, notamment d’un point de vue américain, avec l’idée qu’il ne fallait pas les laisser hors de contrôle.

    Ce tournant sécuritaire a coïncidé avec un tournant néolibéral, notamment dans le Sud, où on a contraint les États à diminuer les dépenses de santé publique, et à avoir recours à la philanthropie, ou à développer des infrastructures privées. Lors de mes enquêtes en Afrique par exemple, j’ai pu constater que la santé publique n’était plus qu’un souvenir, dont les personnes âgées parlaient souvent avec nostalgie, comme d’une époque où on pouvait obtenir des médicaments et se faire soigner gratuitement. À partir de la fin des années 1990, tout devient payant et on passe à une approche beaucoup plus minimaliste et sécuritaire de l’intervention de l’État en matière de santé.

    Ce moment qu’on désigne comme celui de « Global Health » , de santé mondiale, est caractérisé, dans le Sud, à la fois par un retrait des États et par un boom du financement global, assuré en particulier par la fondation Gates et les grandes banques de développement dont la banque mondiale, qui mettent en place des infrastructures de santé, le plus souvent avec des partenariats public-privé.

    Pour le dire schématiquement, vous avez des dispensaires qui tombent en ruine et des hôpitaux champignons tout neufs qui poussent parfois juste à côté, construits par les Indiens ou les Chinois, et financés par les banques de développement. Pour les habitants, ces institutions sont le plus souvent des mirages, parce qu’ils sont payants, ou, au sens propre, parce que construire un hôpital, même en envoyant des médecins indiens comme on l’a vu par exemple au Congo, n’est pas très utile quand on manque d’eau, d’électricité, de médicaments…
    D’où la référence à Mike Davis. Ces infrastructures sont des coquilles de verre impressionnantes mais qui demeurent des énigmes pour les habitants, et favorisent toute une épidémiologie populaire qui s’interroge sur ce qu’on a pris ici pour financer cela là, sur l’économie extractive qui a permis la construction de tel ou tel hôpital.

    Cette épidémiologie populaire désigne la façon dont les populations confrontées à des épidémies de type VIH-sida ou Ebola les inscrivent dans des économies politiques globales et des formes vernaculaires de compréhension, et relient les épidémies à des interrogations sur le sens de la maladie.

    C’est comme cela qu’on entend que le sida a été envoyé par tel politicien soucieux de se venger de tel ou tel village, ou Ebola par MSF pour pouvoir prélever des organes sur les cadavres… C’est aussi comme ça qu’on relie telle maladie, comme l’ulcère de Buruli, avec une transformation du paysage, avec tel ou tel changement environnemental. Évidemment tout n’est pas vrai, loin de là, mais dire que l’Afrique est dégradée par une économie extractive, c’est banalement exact.

    L’utopie du docteur David, que vous avez étudiée dans Le Médecin qui voulut être roi , d’un monde dont l’organisation serait entièrement déterminée par la médecine est-elle en train de se réaliser ?

    L’histoire coloniale est riche d’enseignements car on y voit des médecins coloniaux qui, à l’instar du docteur David, peuvent enfin vivre leur rêve d’avoir les rênes du pouvoir et d’appliquer leur science à toute la société. Pendant la guerre, le docteur David possède ainsi un pouvoir absolu sur toute une partie du Cameroun. Il profite de ses pleins pouvoirs en tant que médecin pour lutter contre les épidémies. Mais ce qui est instructif, c’est qu’il découvre son impuissance et il n’arrive pas à changer grand-chose au destin des maladies, car il ne comprend pas la société locale, car il n’a pas tous les leviers d’action qu’il croit posséder en ayant pourtant à la fois la science médicale et le pouvoir politique.
    Il peut être intéressant de jouer du parallèle, car l’utopie qui donnerait tout le pouvoir aux médecins, et travaille toute la santé publique et la biopolitique, n’a jamais été vraiment mise en place, mais demeure à l’état de rêve et de projet politiques – Foucault parlait du « rêve politique de la peste » . Ce qu’on traverse en ce moment, c’est à la fois l’apparence d’une toute-puissance biopolitique, mais aussi l’impuissance fondamentale de tout cela, parce que la réalité ne coïncide pas avec le projet. Ce n’est pas parce que les citoyens ne respectent pas le confinement, au contraire, mais parce que les autorités, notamment municipales, improvisent et imposent une théorie du confinement qui est loin d’être fondée sur une preuve épidémiologique.

    Les derniers arrêtés municipaux, c’est le Gendarme de Saint-Tropez derrière les joggeurs ! Rien ne dit aujourd’hui que le virus s’est beaucoup transmis dans les parcs, et une approche de santé publique rationnelle, qui arbitrerait coûts, sur la santé mentale et les enfants notamment, et bénéfices, imposerait plutôt de les rouvrir au plus vite, avec des règles adaptées – comme en Allemagne par exemple. Comme à l’époque coloniale, on a plutôt l’impression d’une biopolitique qui ne calcule pas grand-chose, et dont la priorité reste en fait d’éprouver sa capacité à maintenir l’ordre.

    Dans un texte publié mi-février, vous affirmiez à propos de l’épidémie qui débutait alors, qu’il s’agissait d’un « phénomène sans message » et qu’il fallait « se méfier de cette volonté d’interpréter ce que le coronavirus “révèle” » . Vous situez-vous toujours sur cette position deux mois plus tard ?

    Je maintiens cette position d’hygiène mentale et d’hygiène publique qui me paraît importante. Sans vouloir jeter la pierre à quiconque, toute une industrie du commentaire s’est mise en place et on se demande aujourd’hui ce que le coronavirus ne « révèle » pas.

    En tant qu’enseignant qui se trouvait être en train de faire un cours sur l’histoire des épidémies lorsque celle-ci est apparue, je me méfiais de l’ennui qu’on peut ressentir à enseigner cette histoire si on s’en tient aux invariants : le commencement anodin, le déni, la panique, l’impuissance, les digues morales qui sautent, les tentatives plus ou moins rationnelles pour comprendre et contrôler, et puis la vague qui se retire avec ses blessures…

    Dans ce contexte, la pensée de l’écrivain Susan Sontag a été ma boussole, en tout cas une position qu’il me semble nécessaire de considérer : il est possible que tout cela n’ait pas de sens. La chercheuse Paula Treichler avait, dans un article célèbre, évoqué « l’épidémie de significations » autour du sida. On se trouve dans une configuration similaire, avec tout un tas de théories du complot, le raoultisme, mais aussi des interprétations savantes qui ne font guère avancer les choses. Il me paraît ainsi intéressant de relever l’homologie entre les théories du complot et celles qui attribuent cela à Macron, à Buzyn ou à telle ou telle multinationale, et qui ont en commun d’exiger qu’il y ait une faute humaine à l’origine de ce qui arrive.
    Ce sont des choses qu’on a beaucoup vues dans des pays du Sud qui n’ont jamais cessé de connaître des épidémies secouant la société, qu’il s’agisse du sida en Haïti et en Afrique ou du virus Ebola. Ces théories jugées complotistes ne sont pas forcément irrationnelles ou inintéressantes politiquement. Pendant la dernière épidémie d’Ebola au Kivu congolais, on a accusé le pouvoir central, l’OMS ou certains politiciens locaux d’être derrière l’épidémie pour profiter de « l’Ebola business ».

    Des enquêtes journalistiques menées depuis, comme celle d’Emmanuel Freudenthal, ont effectivement montré l’ampleur de la structure de corruption mise en place autour de la réponse Ebola au Kivu, même si cela ne veut pas dire qu’elle avait été provoquée. L’épidémiologie populaire, comme on la désigne en anthropologie de la santé, est porteuse de diagnostics sociaux et politiques qui sont souvent au moins aussi intéressants que certains discours de sciences sociales qui cherchent à mettre du sens là où il n’y en a pas toujours.

    Le stade Dubaï de la santé publique
    La santé globale en Afrique entre passé et futur
    Guillaume Lachenal
    Dans Revue Tiers Monde 2013/3 (n°215), pages 53 à 71
    https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2013-3-page-53.htm

    Sans gendarme de Saint-tropez : Security agents killed more Nigerians in two weeks than Coronavirus
    https://seenthis.net/messages/845017

    Articles cités :

    Covid-19 et santé globale : la fin du grand partage ?, Jean-Paul Gaudillière
    https://aoc.media/analyse/2020/04/02/covid-19-et-sante-globale-la-fin-du-grand-partage
    est sous#paywall...

    Donner sens au sida, Guillaume Lachenal
    https://journals.openedition.org/gss/2867

    Bill Gates, « l’homme le plus généreux du monde », ne l’est pas tant que cela
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/110519/bill-gates-l-homme-le-plus-genereux-du-monde-ne-l-est-pas-tant-que-cela?on

    En RDC, la Riposte de l’OMS rattrapée par l’« Ebola business »
    https://www.liberation.fr/planete/2020/02/04/en-rdc-la-riposte-de-l-oms-rattrapee-par-l-ebola-business_1776970

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  • Le « respirateur moléculaire » d’Hemarina testé dans deux hôpitaux parisiens - Bretagne - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/bretagne/le-respirateur-moleculaire-d-hemarina-teste-dans-deux-hopitaux-parisien


    Franck Zal, P-DG de la société de biotechnologie Hemarina, a expédié ses premières doses d’HEMO2Life, ce lundi, à destination des hôpitaux parisiens Georges-Pompidou et de La Pitié Salpêtrière.
    Photo Claude Prigent/Le Télégramme

    Dans les tout prochains jours, la molécule HEMO2Life produite par la société morlaisienne Hemarina va être testée sur dix patients atteints de Covid-19, dans deux hôpitaux parisiens.

    Son appel a été entendu. Franck Zal, ancien chercheur au CNRS et cofondateur de la société de biotechnologie morlaisienne Hemarina, a obtenu, samedi, l’accord de l’Agence nationale de la sécurité des médicaments (ANSM). S’il est encore dans l’attente de l’avis du Centre de protection des personnes (CPP), l’affaire semble donc en bonne voie. Sa molécule baptisée HEMO2Life, transporteur universel d’oxygène issu de l’hémoglobine du ver arénicole (ver marin), va pouvoir entrer, cette semaine, en phase d’essais cliniques sur des patients atteints de Covid-19 dans deux hôpitaux parisiens.

    Essai sur dix patients
    « Dans un premier temps, nous allons tester la molécule sur dix patients hospitalisés à La Pitié Salpêtrière et Georges-Pompidou. Nos produits sont partis dès ce lundi après-midi, car il n’y a pas une minute à perdre pour aider les premières lignes à soigner les malades », souffle Franck Zal. À Pompidou, l’essai sera encadré par le professeur Bernard Cholley, chef du service de réanimation ; à La Pitié Salpêtrière, par les professeurs Alain Combes et Jean-Michel Constantin, respectivement chef du service réanimation et anesthésiste réanimateur. « Le professeur Laurent Lantiéri, qui a déjà utilisé cette molécule dans le cadre d’une greffe totale de visage sur un Landivisien, sera également en support à Pompidou », précise le P-DG d’Hemarina.

    Gagner du temps et soulager les soignants
    Si le Covid-19 ne présente aucun danger chez certains patients, il y a aussi des cas graves, mortels, qui se multiplient dans le pays, le pic de la pandémie n’étant pas encore atteint. Les poumons de ces malades se remplissent de mucus, ils ne peuvent plus respirer et s’asphyxient. « C’est là que nous pouvons intervenir avec notre molécule, explique Franck Zal. HEMO2Life a une forte capacité oxygénante ».. Ce « respirateur moléculaire » n’est pas un traitement qui soigne la maladie, mais il évitera les asphyxies et ralentira les admissions en réanimation, selon le patron d’Hemarina. Du temps de gagné donc. « Ce qui permettra au personnel soignant de se concentrer sur les cas les plus lourds, qu’il faut intuber et qui demandent des moyens humains et matériels considérables ».

    Si l’essai s’avère concluant, Hemarina est déjà en capacité de fournir 5 000 doses de son HEMO2Life. « Et nous nous mettons déjà en ordre de bataille pour pouvoir en produire 15 000 autres. Mais ça prendra un peu de temps. Nous étions prêts il y a deux ans et demi mais la réglementation nous a bloqués, ce qui explique qu’on ne puisse pas être totalement réactifs. Il va falloir tout réactiver, en plein confinement ».

    • Franck Zal : « J’ai l’impression que notre essai gêne beaucoup de monde » - France - Le Télégramme
      https://www.letelegramme.fr/france/franck-zal-j-ai-l-impression-que-notre-essai-gene-beaucoup-de-monde-09-

      Surpris par la suspension unilatérale de l’essai clinique Monaco par l’AP-HP, Franck Zal, le fondateur d’Hemarina, se veut confiant quant à la reprise rapide d’essais de son transporteur universel d’oxygène issu des vers marins.

      Ce jeudi 9 avril, l’Agence du médicament (ANSM) a décidé de suspendre l’essai clinique porté par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) mais pas encore réalisé sur des patients, après avoir pris connaissance du fait qu’une étude menée sur des porcs, en 2011, avait échoué. Par voie de communiqué, l’AP-HP a signifié son choix « de ne plus être promoteur » de cet essai clinique. Une décision qualifiée d’« expéditive » par Franck Zal, fondateur de l’entreprise morlaisienne #Hemarina, persuadé que sa molécule, transporteur universel d’oxygène issu des vers marins, peut permettre de sauver des vies pour des patients atteints du Covid-19. Et qui espère obtenir très rapidement une nouvelle autorisation de la part de l’ANSM pour lancer un essai thérapeutique avec d’autres partenaires.

      Quelle est votre réaction à cette annonce de la suspension de l’essai clinique Monaco basé sur les propriétés oxygénantes du ver marin ?
      Je suis complètement confiant pour la suite, l’essai clinique est suspendu, mais pas arrêté. J’ai encore eu un contact avec l’ANSM, qui m’a demandé des informations que j’ai envoyées dans la nuit de mercredi à jeudi. Ils ont toutes les informations en main. Ce sont des données complémentaires qu’ils voulaient avoir sur une étude que j’ai faite, il y a dix ans, sur des porcs, où, en fait, la plupart de ceux-ci décédaient de choc hémorragique létal… Cette étude n’a pas pu montrer le bénéfice ou l’absence de bénéfice du produit. Voilà, il n’y a rien. En revanche, cela prouve que notre essai gêne beaucoup de monde aujourd’hui.

      Comment expliquez-vous que l’on soit remonté à une étude aussi ancienne ?
      C’est un truc qui date de dix ans, il n’y avait même pas de production pharmaceutique, c’était des algues qu’on allait chercher sur la plage. Ce n’est pas le même produit. Je pense que c’est un règlement de compte… J’ai répondu en temps et en heure avec des documents confidentiels qui ont été donnés à l’ANSM. Et, d’un seul coup, on parle de données qui étaient dans ces documents confidentiels, qui sortent par l’AP-HP (Assistance publique - hôpitaux de Paris). Je me pose pas mal de questions sur l’AP-HP, j’ai des interrogations.

      Vous êtes tombé des nues en apprenant cet arrêt de l’essai ?
      Complètement. J’ai appris que, soi-disant, ce serait quelqu’un qui aurait envoyé une lettre anonyme. Une lettre anonyme permet d‘arrêter un essai clinique : voilà, je vous laisse juge. Je suis effaré de ce qui se passe. Comment peut-on arrêter un essai clinique qui, potentiellement, pouvait sauver des gens avec une lettre anonyme ?

      Comment envisagez-vous la suite de l’essai clinique, désormais ?
      Je suis complètement confiant que l’autorisation initiale va être redonnée avec les documents que l’on a fournis à l’ANSM. On n’a rien caché, on n’a rien à cacher. Ces essais ont été concluants sur une greffe de rein et sur une greffe de visage, les patients peuvent vous en parler, ils sont toujours là. Que dire de plus, sinon que j’ai l’impression que celui qui essaie de proposer quelque chose d’innovant se fait « taper » dessus. Est-ce qu’on en est là, je n’en sais rien ? En tout cas, je continue mon combat. La technologie, elle est là, je suis persuadé qu’elle permettrait de sauver des vies. Je suis complètement confiant sur la suite des opérations.

  • Coronavirus : à l’hôpital de Vannes, l’oxygène à haut débit évite des intubations - France - Le Télégramme
    https://www.letelegramme.fr/france/coronavirus-a-l-hopital-de-vannes-l-oxygene-a-haut-debit-evite-des-intu


    Le Dr Audrey Créac’h Cadec, chef du service de pneumologie du Centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes.
    Photo Stéphanie Le Bail

    Pour les malades du Covid-19 en grande détresse respiratoire, le parcours de soins passe par l’intubation. Sauf à Vannes, où il existe une alternative : l’oxygénation à haut débit qui a pu jusqu’ici éviter des embouteillages de patients en réanimation.

    Début mars, le Centre Hospitalier Bretagne Atlantique (CHBA) de Vannes a été le premier hôpital breton à recevoir le plus de malades atteints du coronavirus. Pourtant, malgré l’augmentation du nombre de patients graves à prendre en charge, les équipes de soignants n’ont pas été débordées.

    Une situation que les médecins mettent en parallèle avec le développement de l’oxygénation à haut débit nasal, dans l’unité de soins aigus du service de pneumologie. « C’est une technique en laquelle je crois et que nous utilisons depuis deux ans dans le service pour les pneumopathies. En collaboration avec les réanimateurs, j’ai voulu voir si cela fonctionnait sur les pneumopathies liées au coronavirus », explique le Dr Créac’h Cadec, chef du service de pneumologie du CHBA. « Le but était de retarder l’intubation et de voir si on pouvait ainsi passer l’étape aiguë de la détresse respiratoire ».

    Sur 29 patients 20 sorties de l’hôpital
    Le service de pneumologie est ainsi équipé pour prendre en charge 14 patients Covid, avec deux équipes dédiées « protégées au maximum, sans aucune contamination de soignant jusqu’à présent », précise la pneumologue.

    Résultats ? À ce jour, sur 29 patients, âgés de 28 à 88 ans, qui ont bénéficié de cette technique, vingt sont sortis de l’hôpital, six ont dû être intubés en réanimation et trois, pour lesquels l’intubation n’était pas possible, sont décédés.

    Outre l’avantage de ne pas embouteiller le service de réanimation qui compte 20 lits, « la technique a moins d’effets secondaires et génère moins de risques infectieux que l’intubation. Le patient n’est pas placé en coma artificiel, il peut être installé au fauteuil et on peut très souvent maintenir l’alimentation », précise Audrey Créac’h Cadec.

    « Un effet boule de neige en Bretagne »
    La médecin souligne la coordination entre les services de pneumologie, de réanimation, des maladies infectieuses et de médecine polyvalente, « qui fait la force de cette prise en charge. Ainsi qu’avec les radiologues pour le suivi à venir de ces patients ».

    Ça a eu un effet boule de neige en Bretagne.
    Si Vannes a été le premier hôpital à utiliser cette technique pour des patients Covid - qui ne se fait pas dans l’Est, ni dans les hôpitaux parisiens - désormais le CHU de Rennes le fait également et les autres hôpitaux bretons s’y intéressent de près : « Ça a eu un effet boule de neige en Bretagne », constate le Dr Creac’h Cadec.