• Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • La tyrannie de la #commodité (par #Tim_Wu)

    Traduction d’un texte essentiel sur la notion de commodité, de #confort, publié en 2018 par le juriste américain Tim Wu dans le New York Times[1]. Les organisations (institutions étatiques, think tanks, ONG, associations, etc.) et influenceurs de la mouvance éco-capitaliste ne remettent aucunement en question le confort moderne. Le pouvoir ne remettra évidemment jamais en cause ce qui lui permet de tenir le peuple en laisse. Ce texte est à mettre en relation avec une excellente réflexion critique sur le confort publiée récemment par l’anthropologue Stefano Boni.

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    La commodité est la force la plus sous-estimée et la moins comprise dans le monde d’aujourd’hui. En tant que moteur des décisions humaines, elle n’offre pas le frisson coupable des désirs sexuels inconscients de Freud ou l’élégance mathématique des incitations de l’économiste. La commodité est ennuyeuse. Mais l’ennui se différencie de la banalité.

    Dans les pays développés du XXIe siècle, la commodité – c’est-à-dire des moyens plus efficients et plus pratiques pour accomplir des tâches quotidiennes – semble être la force la plus puissante qui façonne nos vies et nos économies. C’est particulièrement vrai en Amérique, où, malgré tous les hymnes à la liberté et à l’individualité, on se demande parfois si la commodité n’est pas en fait la valeur suprême.

    Comme l’a récemment déclaré Evan Williams, co-fondateur de Twitter, « la commodité décide de tout ». La commodité semble prendre les décisions à notre place, l’emportant sur ce que nous aimons imaginer être nos véritables préférences. (Je préfère faire mon café, mais le Starbucks instantané est si pratique que je ne fais presque jamais ce que je « préfère »). Faciliter les choses ne suffit pas, il faut trouver la manière la plus facile de faire, la meilleure.

    La commodité a la capacité de rendre d’autres options impensables. Une fois que vous avez utilisé une machine à laver, le lavage du linge à la main semble irrationnel, même s’il est probablement moins onéreux. Une fois que vous avez fait l’expérience de la télévision à la demande, attendre de voir une émission à une heure déterminée à l’avance semble idiot, voire un peu indigne. Résister à la commodité – ne pas posséder de téléphone portable, ne pas utiliser Google – en vient à exiger un dévouement particulier souvent pris pour de l’excentricité, voire du fanatisme.

    Malgré toute son influence dans sa manière de façonner les décisions individuelles, la part la plus importante du pouvoir de la commodité pourrait découler de décisions prises à un échelon global, à un niveau où il contribue de manière critique à structurer l’économie moderne. La bataille pour la commodité, particulièrement dans les secteurs liés à la #technologie, c’est la bataille pour s’assurer la #domination dans l’#industrie.

    Les Américains disent qu’ils accordent une grande importance à la #concurrence, à la multiplication des #choix, à l’individu. Pourtant, notre goût pour la commodité engendre plus de commodité, grâce à la combinaison des #économies_d’échelle et du pouvoir de l’#habitude. Plus il est facile d’utiliser Amazon, plus Amazon devient puissant – ce qui rend encore plus facile d’utiliser Amazon. La commodité et le #monopole semblent être des alliés naturels.

    Compte tenu de la croissance de la commodité – en tant qu’#idéal, #valeur, #mode_de_vie – il est utile de se demander ce que notre obsession pour celle-ci fait pour nous et pour notre pays. Je ne veux pas suggérer que la commodité est une force malfaisante. Rendre les choses plus faciles n’est pas un mal en soi. Au contraire, elle ouvre souvent des possibilités qui semblaient autrefois trop onéreuses à envisager, et elle rend généralement la vie moins pénible, en particulier pour les personnes les plus vulnérables aux corvées quotidiennes.

    Mais nous nous trompons en présumant que la commodité est toujours une bonne chose, car elle entretient une relation complexe avec d’autres idéaux qui nous sont chers. Bien qu’elle soit comprise et promue comme un instrument de libération, la commodité dévoile une face plus sombre. Avec sa promesse d’#efficacité en douceur et sans effort, elle menace d’effacer le genre de luttes et de défis qui donnent un sens à la vie. Créée pour nous libérer, elle peut devenir une #contrainte influençant ce que nous sommes prêts à faire. Et donc de manière subtile, elle peut nous asservir.

    Il serait pervers d’ériger l’inconfort en idéal, mais lorsque nous laissons la commodité décider de tout, nous capitulons trop souvent.

    La commodité telle que nous la connaissons aujourd’hui est un produit de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, lorsque des dispositifs permettant d’économiser le travail à la maison ont été inventés et commercialisés. Parmi les #innovations marquantes, citons l’invention des premiers « #aliments_de_confort », tels que le porc et les haricots en conserve et le Quaker Quick Oats [flocons d’avoine en boîte, NdT], les premières machines à laver électriques, les produits de nettoyage comme la poudre à récurer Old Dutch, et d’autres merveilles comme l’aspirateur électrique, le mélange pour gâteau instantané et le four à micro-ondes.

    La commodité apparaissait comme la version domestique d’une autre idée de la fin du XIXe siècle – l’#efficience_industrielle et la « gestion scientifique du travail » qui l’accompagnait. Elle représentait l’adaptation de la philosophie de l’usine à la vie domestique.

    Aussi banal que cela puisse paraître aujourd’hui, la commodité, grande libératrice de l’humanité enfin délivrée du #travail, était un #idéal_utopique. En faisant gagner du #temps et en éliminant la #corvée, elle créerait la possibilité de s’adonner à des #loisirs. Et avec les loisirs viendrait la possibilité de consacrer du temps à l’apprentissage, aux passe-temps ou à tout ce qui pouvait vraiment compter. La commodité mettrait à la disposition du grand public le type de liberté et d’élévation culturelle autrefois réservé à l’aristocratie. Dans cette perspective, la commodité apparaissait également comme une grande niveleuse des inégalités.

    Cette idée – la commodité perçue comme une #émancipation – peut être enivrante. Ses représentations les plus captivantes se trouvent dans la science-fiction et les univers futuristes imaginés au milieu du XXe siècle. Des magazines sérieux comme Popular Mechanics et des divertissements loufoques comme The Jetsons nous ont enseigné que la vie dans le futur atteindrait l’idéal du confort parfait. La nourriture serait préparée en appuyant sur un bouton. Les trottoirs en mouvement nous épargneraient l’ennui de la marche. Les vêtements se nettoieraient d’eux-mêmes ou s’autodétruiraient après une journée à les porter. La fin de la lutte pour l’existence pourrait enfin être envisagée.

    Le rêve de la commodité se fonde sur une représentation cauchemardesque de l’#effort_physique. Mais le travail éprouvant est-il toujours un cauchemar ? Voulons-nous vraiment être émancipés de tout cela ? Peut-être que notre humanité s’exprime parfois par des actions incommodes et des quêtes de longue durée. C’est peut-être la raison pour laquelle, à chaque avancée du confort, des résistants se manifestent. Ils résistent par entêtement, oui (et parce qu’ils ont le luxe de le faire), mais aussi parce qu’ils voient une menace pour leur identité, pour leur capacité à contrôler les choses qui comptent pour eux.

    À la fin des années 1960, la première révolution de la commodité commença à s’étouffer. La perspective d’une vie où l’inconfort aurait disparu semblait avoir perdu la première place parmi les grandes aspirations de la société. Commodité signifiait #conformité. La #contre-culture incarnait le besoin des gens de s’exprimer, de réaliser leur potentiel individuel, de vivre en harmonie avec la nature plutôt que de chercher constamment à surmonter ses nuisances. Jouer de la guitare n’était pas facile. Il n’était pas non plus aisé de cultiver ses propres légumes ou de réparer sa propre moto, mais de telles choses étaient néanmoins considérées comme ayant de la valeur – ou plutôt considérées comme un accomplissement. Les gens recherchaient à nouveau à se réaliser en tant qu’individus.

    Dès lors, il était peut-être inévitable que la deuxième vague de technologies de confort – la période que nous vivons – cherche à récupérer cet idéal. Elle rendrait l’#individualité plus pratique.

    Vous pouvez faire remonter le début de cette période à la sortie du Walkman de Sony en 1979. Avec le #Walkman, nous pouvons observer un changement subtil mais fondamental dans l’idéologie de la commodité. Si la première révolution de la commodité promettait de vous faciliter la vie et le travail, la seconde promettait de vous faciliter d’être vous-même. Les nouvelles technologies étaient des catalyseurs de l’#individualité. Elles ont permis l’application de l’efficience industrielle à l’expression individuelle.

    Prenons l’homme du début des années 1980 qui se promenait dans la rue avec son walkman et ses écouteurs. Il est enfermé dans un environnement acoustique de son choix. Il profite, en public, du genre d’expression qu’il ne pouvait autrefois connaître que dans son salon privé. Une nouvelle technologie lui permet de montrer plus facilement qui il est, ne serait-ce qu’à lui-même. Il se pavane dans le monde entier telle une vedette jouant dans son propre film.

    Cette vision est si séduisante qu’elle en est venue à dominer notre existence. La plupart des technologies puissantes et dominantes créées au cours des dernières décennies mettent la commodité au service de la #personnalisation et de l’#individualité. Pensez au magnétoscope, à la playlist, à la page Facebook, au compte Instagram. Ce genre de commodité ne consiste plus à économiser du travail physique – beaucoup d’entre nous n’avons plus à transpirer pour gagner notre vie. Il s’agit de minimiser les ressources mentales nécessaires pour choisir parmi les options disponibles afin d’exprimer son individualité ; la commodité en un clic, un guichet unique, l’expérience sans accroc du « plug and play ». L’idéal poursuivi ? La #préférence_individuelle, le tout sans effort.

    Bien sûr, nous sommes prêts à payer un prix plus élevé pour la commodité, mais nous réalisons moins souvent que nous acceptons de remplacer un service gratuit par un service payant plus commode. Par exemple, à la fin des années 1990, les technologies de distribution de la musique comme Napster ont permis de mettre de la musique en ligne gratuitement, et beaucoup de gens ont profité de cette nouvelle option. Mais s’il reste facile d’obtenir de la musique gratuitement, pratiquement plus personne n’en télécharge illégalement aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que le lancement de l’iTunes store en 2003 a rendu l’achat de musique encore plus pratique que le téléchargement illégal. La commodité a battu la #gratuité.

    Alors que les tâches quotidiennes se simplifient, un désir croissant pour davantage de confort crée une incitation à rendre tous les aspects de notre vie encore plus simple. Ce qui ne devient pas plus commode se fait distancer. Nous sommes pourris gâtés par l’instantanéité et nous sommes agacés par les tâches qui restent à un niveau antérieur d’effort et de durée. Lorsque vous pouvez éviter la file d’attente et acheter des billets de concert sur votre téléphone, faire la queue pour voter lors d’une élection devient irritant. C’est particulièrement vrai pour ceux qui n’ont jamais eu à faire la queue (ce qui peut expliquer le faible taux de participation des jeunes aux élections).

    La vérité paradoxale à laquelle je veux en venir, c’est que les technologies actuelles d’individualisation forment un ensemble de technologies d’individualisation de masse. La personnalisation peut être étonnamment uniformisante. Tout le monde ou presque est sur Facebook : c’est le moyen le plus pratique pour garder le contact avec vos amis et votre famille, qui en théorie devraient représenter ce qui il y a d’unique en vous et dans votre vie. Pourtant, avec Facebook, nous nous ressemblons tous. Son format et ses conventions nous privent de toutes les expressions d’individualité, sauf les plus superficielles telle que la photo d’une plage ou d’une chaîne de montagnes que nous choisissons en image de couverture.

    Je ne nie pas que faciliter les choses peut être d’une grande utilité en nous offrant de nombreux choix (de restaurants, de services de taxi, d’encyclopédies open-source) là où nous n’en avions que peu ou pas du tout auparavant. Mais être humain ne se résume pas à avoir des choix à faire. Il s’agit également de savoir comment faire face aux situations qui nous sont imposées, comment surmonter les défis qui en valent la peine et comment mener à bien les tâches difficiles – les combats qui contribuent à faire de nous ce que nous sommes. Qu’advient-il de l’expérience humaine lorsque tant d’obstacles et d’entraves, d’exigences et de préparatifs sont supprimés ?

    Le culte moderne de la commodité ne reconnaît pas que la #difficulté est une caractéristique constitutive de l’expérience humaine. La commodité y est décrite comme une destination et non un voyage. Mais escalader une montagne, ce n’est pas pareil que de prendre le tramway pour se rendre jusqu’au sommet, même si l’on arrive au même endroit. Nous devenons des personnes qui se soucient principalement ou uniquement des résultats. Nous risquons de faire de la plupart de nos expériences de vie une série de trajets en tramway.

    La commodité doit servir un but plus élevé qu’elle-même, de peur qu’elle ne conduise qu’à plus de commodité. Dans un ouvrage paru en 1963 devenu depuis un classique (The Feminine Mystique), Betty Friedan a examiné l’apport des technologies domestiques pour les femmes. Elle en a conclu que l’#électroménager avait simplement créé plus de demandes. « Même avec tous les nouveaux appareils qui permettent d’économiser du travail », écrit-elle, « la femme au foyer américaine moderne passe probablement plus de temps à faire des #travaux_ménagers que sa grand-mère ». Lorsque les choses deviennent plus faciles, nous pouvons chercher à remplir notre temps de vie avec d’autres tâches plus « faciles ». À un moment donné, la lutte déterminante pour la vie se transforme en une tyrannie de petites corvées et de décisions insignifiantes.

    Une conséquence fâcheuse de la vie dans un monde où tout est « facile » ? La seule compétence qui compte se résume à la capacité de faire plusieurs choses à la fois. À l’extrême, nous ne faisons rien ; nous ne faisons qu’organiser ce qui sera fait, une base bien peu solide pour une vie décente.

    Nous devons consciemment accepter l’#inconfort – pas toujours, mais plus souvent. De nos jours, faire au moins quelques choix incommodes, c’est cela l’individualité. Vous n’avez pas besoin de baratter votre propre beurre ou de chasser pour vous procurer votre propre viande, mais si vous voulez être quelqu’un, vous ne pouvez pas permettre que la commodité soit la valeur qui transcende toutes les autres. La lutte n’est pas toujours un problème. Parfois, la #lutte est une solution. Elle peut devenir une solution pour découvrir qui vous êtes.

    Accepter l’inconfort peut sembler étrange, mais nous le faisons déjà sans le considérer comme telle. Comme pour masquer le problème, nous donnons d’autres noms à nos choix incommodes : nous les appelons #hobbies, loisirs, #vocations, #passions. Ce sont les activités non utilitaires qui contribuent à nous définir. Elles nous récompensent en façonnant notre personnalité car elles impliquent de se frotter à une résistance significative – avec les lois de la nature, avec les limites de notre propre corps – par exemple en sculptant du bois, en faisant fondre des matières premières, en réparant un appareil cassé, en écrivant un code, en surfant des vagues ou encore en persévérant au moment où vos jambes et vos poumons commencent à se rebeller lorsque vous courez.

    De telles activités prennent du temps, mais elles nous redonnent aussi du #temps. Elles nous exposent au risque de #frustration et d’#échec, mais elles peuvent aussi nous apprendre quelque chose sur le monde et sur la place que nous y occupons.

    Réfléchissons donc à la #tyrannie_de_la_commodité, essayons plus souvent de résister à sa puissance stupéfiante, et voyons ce qui se passe. Nous ne devons jamais oublier le plaisir pris à faire quelque chose de lent et de difficile, la #satisfaction de ne pas faire ce qui est le plus facile. Cette constellation de choix inconfortables est probablement ce qui nous sépare d’une vie totalement conforme et efficiente.

    https://greenwashingeconomy.com/tyrannie-commodite-par-tim-wu
    #facilité #résistance

  • Ici commence la mort

    « Quelle connerie la #guerre ». Depuis le poème de Jacques Prévert et même bien avant. Et comme on n’arrête pas le progrès : la connerie devient de plus en plus ignoble. Depuis Gaza nous parviennent des informations effrayantes. Il y a bien entendu d’abord le décompte macabre des dizaines de milliers de morts. Mais la « manière » horrifie toujours un peu plus. D’autant plus quand on sait que l’#écosystème_grenoblois œuvre au développement des #robots_tueurs.

    Le 17 avril, le média Middle East Eye révèle que des « drones israéliens émettent des sons d’enfants qui pleurent dans le camp Al-Nuseirat à Gaza pour cibler et tirer sur les civils recherchant la source de ces appels de détresse. » Comme « preuve » : des témoignages d’habitants du camp et une vidéo tournée de nuit où l’on entend effectivement des pleurs d’enfants, qui ne permet pas de reconnaître les lieux ou d’éventuels drones israéliens. Alors, info ou intox de la part de ce « site d’actualité panarabe basé au Royaume-Uni » ? Impossible de savoir : le média France 24 reprend l’information le 26 avril en affirmant que rien « ne permet d’ailleurs de confirmer ou d’infirmer de manière indépendante si l’armée israélienne a effectivement employé une telle tactique ».

    Ainsi vont les incertitudes d’une guerre impossible à documenter précisément, qui a déjà causé la mort de plus d’une centaine de journalistes. S’il n’est pas possible de savoir si Israël diffuse effectivement des pleurs d’enfants pour faire sortir de leur cachette puis abattre des Gazaouis, force est de constater qu’on ne voit pas quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – empêcheraient Tsahal de le faire.

    Il est par contre prouvé que l’#armée_israélienne fait confiance à l’#intelligence_artificielle pour cibler les Palestiniens à abattre. Les systèmes s’appellent « #Lavender » ou « #Where’s_Daddy » et ils ont été « conçus pour marquer tous les agents présumés des ailes militaires du Hamas et du Jihad islamique palestinien, y compris les moins gradés, comme des cibles potentielles pour les bombardements » (L’Humanité, 4/04/2024).
    37 000 Palestiniens auraient ainsi été « marqués » comme « militants présumés – avec leurs maisons – en vue d’éventuelles #frappes_aériennes ». Ceci sans « vérification approfondie des raisons pour lesquelles la machine avait fait ces choix ni d’examen des données brutes de renseignement sur lesquelles elles étaient basées. (…) Le personnel humain ne faisait souvent qu’entériner les décisions de la machine, ajoutant que, normalement, il ne consacrait personnellement qu’environ “20 secondes” à chaque cible avant d’autoriser un #bombardement – juste pour s’assurer que la #cible marquée par Lavender est bien un homme. »

    Bienvenue dans l’époque des robots tueurs, aboutissement logique des évolutions technologiques. Y a-t-il des logiciels ou des composants réalisés par des entreprises grenobloises dans ces « innovations » du champ de bataille israélo-palestinien ? Ici aussi, impossible de trancher affirmativement ou négativement cette question, notamment à cause de l’opacité entourant la composition des armes militaires. Mais ici aussi, force est de constater qu’on ne voit pas pour quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – certains de nos « fleurons » locaux ne participeraient pas avec entrain à l’élaboration de telles armes. Les différentes révélations sur le commerce de composants servant à faire des armes avec la Russie sous embargo prouve l’absence - ou la très faible présence - de barrières éthiques.

    Le 20 mars dernier, Grenoble a reçu la visite de #Daniel_Halevy-Goetschel, « ministre conseiller aux Affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël de Paris » venu inspecter la « dynamique de l’écosystème grenoblois ». Au Daubé (21/03/2024), il confie : « Grenoble est un exemple assez frappant de synergies entre le monde de la #recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu), les #entreprises, les #start-up, et les #universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi, entre différents acteurs. En cette période qui n’est pas évidente, et des défis sécuritaires qu’elle pose, c’est important de soutenir l’économie d’Israël, et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir. »

    Les deux « modèles », israéliens et grenoblois, ont déjà quantité de « relations économiques », rappelées dans le texte « De Grenoble à Tel-Aviv » publié par le groupe Grothendieck sur le site Lundi matin le 1er avril dernier. Entre autres exemples :
    #Vérimag, laboratoire de recherche sur les #logiciels embarqués sur le campus de Saint-Martin-d’Hères, a mené des recherches sur des #drones_de_combat avec le mastodonte israélien de l’#armement #Israël #Aerospaces Industries.
    • Le #CEA_Grenoble a un partenariat structurel avec la start-up #Weebit_Nano, spécialiste du design et de la fabrication de #puces nouvelle génération pour la mémoire RAM.
    • La société meylanaise #Dolphin_Design, rachetée notamment par le marchand de missiles #MBDA, a depuis 2009 une filiale en Israël.
    • La multinationale d’origine grenobloise #STMicro est, selon le directeur de son site israélien #Stephan_Chouchan « l’un des plus grands acteurs du #semi-conducteur en Israël » grâce à quantité de partenariats avec des boîtes ou projets technologiques israéliens (#Mobileye, #Valens, #Cisco, #Mellanox, #Adasky, #Autotalk, #Temi, etc.). Le même explique : « Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de #recherche_et_développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’#innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la #technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de “grand frère technologique”, qui rend possibles des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. »

    À Grenoble, les élites essayent de faire croire que les #innovations_technologiques servent avant tout à la « transition » et occultent leurs applications militaires. En Israël, « pays en guerre perpétuelle » depuis sa création en 1948, les liens primordiaux entre l’innovation technologique et l’armée sont complètement assumés. #Nicolas_Brien, ancien directeur de #France_Digitale, s’en amuse sans complexe (israelvalley.com, 19/04/2023) : « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense. »

    Dans l’isolement de leur labo, de leur obscur projet de recherche, de leurs objectifs annuels, quantité d’ingénieurs grenoblois ne se rendent sans doute pas compte que – directement ou indirectement – ils contribuent à fabriquer des #armes toujours plus inhumaines. Que peut-être un bout de leur savoir-faire a servi à fabriquer un drone diffusant des pleurs d’enfants pour apitoyer des humains et les abattre froidement.

    Bien entendu, il ne s’agit pas ici de cibler spécifiquement Israël. De telles armes seraient utilisées par les Palestiniens, les Russes, les Ukrainiens, les Français, qu’elles seraient tout aussi effroyables.
    Il s’agit juste d’ouvrir les yeux sur les résultats de la fuite en avant technologique, dont l’écosystème grenoblois est un des « cerveaux ». Avec deux options principales : soit assumer le développement exponentiel des robots tueurs, soit œuvrer au démantèlement de ces technologies mortifères.

    https://www.lepostillon.org/Ici-commence-la-mort.html
    #complexe_militaro-industriel #Grenoble

    • De Grenoble à Tel Aviv. L’innovation de défense au fondement de la #start-up_nation

      Tout commence par une visite entre amis. En ce beau mois de mars, Daniel Halevy-Goetschel, ministre, conseiller aux affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël était en visite dans les Alpes françaises. Dans Le Dauphiné Libéré, il lâchait le morceau :

      « Grenoble est un exemple frappant de synergies entre le monde de la recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu) les entreprises, les start-up, les universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi entre différents acteurs. […] Et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir » [1]

      [1] Le Daubé,...

      Les synergies grenobloises évoquant le « modèle israélien », il serait utile d’en savoir plus sur celui-ci. Cela tombe bien, Daniel Halevy-Goetschel le détaillait l’an dernier dans le magazine Servir :

      « C’est d’un côté, l’implication des institutions publiques et notamment des armées, du gouvernement, sans oublier les universités et le Technion et l’Institut Weizman, et de l’autre côté, un système des start-up très dynamique avec des entrepreneurs qui prennent des risques et de multiples initiatives. En parallèle, il existe un mode de financement efficace, avec des fonds de capital-risque auquel s’ajoute la participation de grandes entreprises multinationales du domaine tech – environ 400 sociétés, connues mondialement et qui ont pour certaines d’entre elles construit des laboratoires de recherche en Israël, notamment EDF et Renault. » [2]

      [2] « La ’Start-Up nation’, Israël, un modèle à suivre pour...

      Voilà la définition du « modèle israélien » : des liens symbiotiques entre l’armée, le gouvernement, les universités, et des start-ups boostées au capital risque. Les lecteurs de notre livre L’Université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel [3]

      [3] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      reconnaîtront en effet là une forme de similarité avec le « modèle grenoblois ». Ainsi, la coopération de la « nation au 7000 start-up et 90 licornes » avec la « Silicon Valley grenobloise » paraît naturelle. Les liens sont symbiotiques entre les deux régions, qui parlent la même langue, celle de l’innovation.

      On sait qu’Israël est le pays comptant le plus de start-up par habitant. On sait aussi que le « modèle grenoblois » est à la source de la politique nationale des « pôles de compétitivité » qui structurent la recherche scientifique française et la coopération public-privé dans ce domaine. Nous nous proposons donc ici de jeter d’abord un œil sur l’économie israélienne et à la place structurante qu’y occupe la Défense, avant d’étudier les organismes principaux de coopération économique franco-israéliens, et de nous attarder quelques instants sur les collaborations spécifiques entre Grenoble et Israël. On verra qu’au coeur même de la notion de « start-up nation » chère à Emmanuel Macron, on trouve l’innovation de défense et la production de mort. Nous en profiterons pour livrer quelques réflexions sur les luttes en cours contre le Moloch.
      Zèbres, guépards et innovation

      « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense »
      Stephane Chouchan, directeur israëlien de STMicroelectronics [4]

      ...

      L’armée et l’industrie de l’armement structurent Israël depuis sa création en 1948. Depuis le début, Israël, avec l’aide des États-Unis, fabrique une bonne part de son armement, sa « base industrielle et technologique de défense » (le terme par lequel on désigne l’ensemble des entreprises du secteur privé travaillant pour la défense) étant maintenant très large et variée.

      « Pays en guerre perpétuelle, l’avance technologique est une réelle question de survie pour Israël : l’armée est au cœur de son écosystème. » [5]

      ...

      Le secteur de l’armement est le premier employeur public du pays. L’industrie technologique représente quant à elle 18% du PIB du pays [6]

      ...
      . En mettant de côté les crédits alloués à Tsahal, plus de 4,5% du PIB est consacré aux dépenses en R&D. Une part non négligeable de l’argent public va donc inévitablement dans l’innovation de défense. N’oublions pas qu’Israël est un pays extrêmement belliqueux depuis sa création et constitua progressivement dans les années 1970 avec l’aide des États-Unis [7]

      [7] Encore en 2012, l’aide militaire américaine à Israël...
      , un complexe scientifico-militaro-industriel très puissant développant une maîtrise hors-pair dans les drones, la surveillance militaire, la cybersécurité, les systèmes anti-missiles et le maintien de l’ordre [8]

      [8] Voir la brochure très complète de Patrice Bouveret...
      . Cette maîtrise adaptée à sa guerre coloniale fait d’Israël un pays compétitif dans l’exportation d’armement (toujours dans le top 10 des ventes d’armes).

      Comment cela fonctionne-t-il ? C’est l’Innovation Authority, sous mandat direct du Premier ministre qui finance aussi bien les start-up que les PME que les grands groupes, pour des projets intéressant en premier chef Tsahal (cyberdéfense, cybersécurité, nanotechnologies, IA, etc), mais aussi des domaines où la tech israélienne à déjà une longueur d’avance permettant de conforter son statut derrière les État-Unis, de « seconde Silicon Valley ».

      « L’écosystème israélien doit énormément à l’intervention publique massive dès les phases d’amorçage. En France, on a mis du temps à le comprendre. Il faut des instruments publics efficaces pour faire germer des start-up » [9]

      ...

      Ces financements sont aussi audacieux et fonctionnent selon le jeux « du zèbre et du guépard : l’État israélien produit en masse des start-up innovantes (les zèbres) qui se font racheter par les géants de la tech, la plupart du temps américain (les guépards). Ainsi les guépards s’implantent en Israël, créent des emplois, injectent des liquidités, confortent l’économie du pays et attirent de nouveaux groupes.

      On sait que cette politique économique axée sur les start-ups avait inspiré Emmanuel Macron dans sa désormais fameuse déclaration de 2017 :

      « I want France to be a start-up nation. A nation that thinks and moves like a start-up. »

      Quand, il transpose à la France ce mot d’ordre de « start-up nation » jusque-là réservé à Israël, Emmanuel Macron choisit de le faire lors du salon Vivatech, lui même calqué sur les grands showroom israéliens comme le salon DLD de Tel Aviv.
      Les liens France-Israël

      Les liens économiques entre la France et Israël sont anciens et nombreux. Ils sont assurés par quatre organismes principaux. Passons-les rapidement en revue.

      La Chambre de commerce et d’industrie France-Israël (CCIIF) est une structure créée en 1957 [10]

      ...
      . Elle laisse progressivement la place à La Chambre de commerce France-Israël (CCFI), et son site promotionnel Israel Valley [11]

      ...
      qui est surtout un relais médiatique en faveur de l’économie israélienne et des coopération avec la France. L’Observatoire de l’armement précise que la Chambre « organise nombre d’évènements dans lesquels il n’est pas rare de voir participer comme intervenants des chercheurs, des responsables français et israéliens, impliqués dans des domaines de cyberdéfense, du spatial et autres secteurs connexes à la défense et à la sécurité » [12]

      [12] Patrice Bouveret, « La coopération militaire et...
      .

      Le Technion France est le relais français du Technion Israel Institute of Technology, une grande université et école d’ingénieurs israélienne, sorte de « MIT du Moyen-Orient ». Le Technion France fait connaître les réalisations et les projets du Technion en France dans les milieux scientifiques, académiques, industriels et économiques. L’institution cherche à développer des partenariats et des coopérations sur des sujets d’intérêt commun comme la e-santé et les nanotechnologies. Il multiplie les coopérations industrielles avec des entreprises françaises comme Véolia, Total, Havas, ou encore Servier, Arkema, SEB Alliance et Alstom. Enfin, le Technion France a mis en place de nombreux partenariats académiques (co-tutelles de thèses, mobilité des étudiants, doubles diplômes…) notamment avec l’École Polytechnique, l’Institut Mines Télécom, Université Paris Dauphine, Centrale Supélec, ou encore l’Université Paris Saclay [13]

      ...
      .

      La French Tech en Israël, déclinaison israélienne depuis 2016 de la French Tech. En Israël, « il s’agit d’un réseau assez actif d’investisseurs et d’entrepreneurs » explique Stéphane Chouchan, « ambassadeur French Tech Israël, Conseiller du commerce extérieur et directeur pays pour Israël de STMicroelectronics » [14]

      [14] « Table ronde 2 – La start-up nation et la French Tech...
      , qui ajoute : « Le réseau fonctionne très bien aux États-Unis et en Israël, mais moins en France. »

      Enfin, le Comité Israël des Conseillers Extérieurs de la France (Comité Israël des CCE), le lobby des sociétés françaises œuvrant en Israël. On trouve dans leur conseil d’administration, les plus importantes de ces entreprises. Ainsi, le vice-président et trésorier du CCE Israël est le directeur de Thales-Israël, un autre est le représentant en Israël de direction générale internationale de Dassault Aviation. Ce dernier « a débuté sa carrière chez Dassault Aviation en 1990 dans le domaine de la guerre électronique puis après un passage à la direction commerciale en 1996 où il a négocié la vente de produits militaires et spatiaux, a été appelé à la direction des achats en 2002 afin de s’occuper de grand compte tel que Thales, puis des partenaires israéliens jusqu’en 2017. » [15]

      ...
      . On retrouve encore Stephane Chouchan :

      « En charge de la filiale du groupe depuis 2007. ST est implanté depuis plus de 18 ans en Israël avec un site de Vente et Marketing, un centre R&D et, depuis 2018, avec le ST-Up Accelerator : un accélérateur de startups hardware late-stage. Parmi les projets réalisés avec des composants ST : Mobileye EyeQ SoC ; Autotalks Craton SoC ; Adasky Ada SoC, des composants de puissance chez SolarEdge, le STM32 pour Strauss/Tami4 ainsi que l’implémentation de capteurs et micro-contrôleurs dans le robot de Temi. » [16]

      ...

      Tous ces structures bi-nationales servent à nourrir des partenariats technoscientifiques dans les domaines qui intéressent les deux régions, c’est-à-dire la plupart du temps dans la nano et microélectroniques, les capteurs, l’internet des objets, les supra-conducteurs ou l’atome. Le CEA-Grenoble et le CNRS font régulièrement des échanges de leur chercheurs avec de grandes universités israéliennes [17]

      [17] Par exemple :...
      permettant de renforcer les liens militaro-civils qui ne date pas d’hier et a permit historiquement à Israël d’avoir la bombe atomique, et dont l’Observatoire des armements note que cette coopération atomique à été relancé en 2010 [18]

      [18] « La coopération militaire et sécuritaire...
      .

      Les liens Grenoble-Israël

      À Grenoble, on peut s’intéresser aux activités de l’un des plus gros instituts de l’université, l’IMAG, centre de recherche en logiciel, IA et internet des objets. En son sein, le laboratoire Verimag, laboratoire de recherche sur les logiciels embarqués, avait retenu en 2020 notre attention pour ses liens étroits avec le complexe français [19]

      [19] Cf Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée, op....
      . Mentionnons par exemple le projet CAPACITES [20]

      ...
      qui réunissait de 2014 à 2017 pratiquement tout le complexe militaro-industriel français (MBDA, ONERA, Safran, Dassault Aviation, Airbus Helicopter, etc) sous la houlette de Verimag et de la start-up de design de puce pour l’armement, la grenobloise Kalray.

      Verimag s’est acoquiné plusieurs fois avec le mastodonte israélien de l’armement Israel Aerospace Industries (IAI) pour des projets des recherches en drones de combat : le projet COMBEST [21]

      ...
      (avec comme partenaire connexe EADS) ; le projet SafeAir II [22]

      ...
      (avec comme partenaire MBDA) ; les projet OMEGA [23]

      ...
      et SPEEDS (avec EADS). Précisons que l’actuel directeur de l’université, Yassine Lakhnech, figure comme chercheur de ces projets en lien avec le conglomérat israélien.

      La start-up israélienne Weebit Nano, spécialiste du design et de la fabrication de puces nouvelle génération pour la mémoire RAM a, elle, un partenariat structurel avec le CEA-Leti. Elle teste dans les salles blanches du CEA ses dernières innovations et utilise du substrat semi-conducteurs préparé par le Leti (notament du FD-SOI).

      On pourrait également citer la société Dolphin Design (ex Dolphin Integration), domiciliée à Meylan. Cette entreprise dessine des puces pour des applications civiles et militaires, notamment du SoC (System-on-Chip). Rachetée conjointement par la société iséroise Soitec et le géant français du missile MDBA, Dolphin Design est bien implantée en Israël depuis la moitié des années 90 [24]

      ...
      . Cette implantation lui permettant de ravir des marchés militaires au Proche-Orient et profiter des réseaux de la tech israélienne. Il est en effet très intéressant pour des sociétés qui font du design de puces et de la création de nouvelles fonctions électroniques de s’implanter en Israël. Non pas tant pour profiter d’un marché déjà bien saturé, mais plutôt pour se servir de son expertise en ce domaine [25]

      [25] Voir...
      .

      On sait que Grenoble est jumelée avec la ville universitaire de Rehovot depuis 1984. Or, à Rehovot on trouve l’Institut Weizmann, une sorte d’équivalent de la branche recherche du CEA [26]

      [26] Nous avons déjà parlé de l’Institut Weizman dans...
      . Le site de la mairie de Grenoble nous explique que ce jumelage est réalisé dans le cadre de coopération de l’Institut Weizmann avec l’Université Joseph Fourier (Grenoble 1) [27]

      ...
      .

      Comme au CEA, les chercheurs et doctorant bénéficient d’un cadre de travail relativement libre leur permettant de « buller » dans leur recherche pointilleuse en physique nucléaire ou biologie de synthèse [28]

      [28] C.f Groupe Grothendieck, Guerre généralisée au vivant...
      . Le directeur de l’institut l’explique à Bruno Lemaire lors de la visite de ce dernier.

      « Ici la recherche scientifique pure et ses futures applications sont deux choses absolument séparées. Les scientifiques étudient ici par curiosité, avec une liberté de pensée complète. Une fois que vous avez trouvé quelqu’un avec du talent, il faut lui donner tous les moyens possibles. » [29]

      ...

      Mais – car il y a toujours un « mais » à chaque fois que l’on parle de liberté dans le technocapitalisme – l’Institut Weizmann, via son bureau de transfert (Navor), touche des royalties sur les découvertes de ses blouses blanches, (comme le CEA dispose aussi de ses bureaux de transfert CEA-Investissement et sa société Supernova Invest [30]

      ...
      ). Ce qui lui a rapporté en 2016... 3,5 milliards de dollars ! [31]

      ...
      La liberté est à ce prix.

      Indiquons que l’institut Weizmann possède en France une fondation destinée à capter les deniers et les cerveaux français et à faire sa pub dans l’Hexagone, Weizmann France [32]

      ...
      . Le président de Weizmann France n’est autre que Maurice Levy, patron de Publicis – donc organisateur du salon des technologies israélienne Vivatech [33]

      ...
      .

      On ne peut pas conclure ce petit état de l’amitié entre les entreprises françaises et israéliennes sans parler du plus gros employeur grenoblois : STMicroelectronics. Écoutons encore une fois l’ambassadeur et blagueur Stéphane Chouchan :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël. […] Nous menons depuis plus de quinze ans des partenariats avec Mobileye ou Valens, mais nous nous sommes également stratégiquement rapprochés de Cisco, Mellanox ou autres. Nous partageons également des projets avec des centres de design. Nous ne sommes en effet pas toujours facilement identifiables. Or les centres de design constituent parfois une aide précieuse dans ce domaine. Nous menons aussi des partenariats avec les universités, comme le Technion ou l’université de Tel-Aviv. [… ] Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de recherche et développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de « grand frère technologique », qui rend possible des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. » [34]

      [34] « Table ronde 2 - La start-up nation et la French tech...

      ST joue en Israël comme son homologue américain Intel Corp., le rôle de guépard, captant les cerveaux et les start-up à forte valeur ajoutée pour nouer des partenariats ou les intégrer au groupe franco-italien.

      Il faut noter aussi que la fonderie israélienne Tower Semiconductor, spécialiste des circuits analogiques et capteurs thermiques a signé un accord avec ST pour s’implanter dans la nouvelle usine de ST d’Agrate en Italie [35]

      ...
      . L’activité de Tower ? Faire des circuits spéciaux notamment pour l’industrie de l’armement :

      « Tower est le fournisseur unique proposant la plus large gamme de technologies pouvant être utilisées par les clients A&D [Aérospatial et Défense] pour les besoins gouvernementaux, militaires et de défense, notamment les ROIC à grande matrice [36]

      [36] Les ROIC sont des micropuces utilisées pour lire les...
      , les imageurs, la photonique sur silicium, le CMOS sur SOI pour les applications RH, les MEMS et les dispositifs à ondes millimétriques, entre autres. » [37]

      ...

      L’entreprise a reçu, sous la marque « Towerjazz », les qualification ITAR (International Trafic in Arms Regulations) pour ses puces 65nm lui permettant de s’ouvrir au marché américain de la Défense. Elle est classée par le DMEA (Defense Microelctroniocs Activity) du
      ministère de la Défense américain (DoD) comme une boîte importante et sûre [38]

      ...
      .

      Puisqu’on parle de STMicroelectronics, il serait malvenu d’oublier sa voisine Soitec et comme elle, spin-off du CEA-Grenoble. Ainsi, les plaquettes SOI utilisées par Tower proviennent de Soitec, qui fournit à Tower des dizaines de milliers de plaquettes RF-SOI 300nm par an [39]

      ...
      .

      Comme Tower, ST a un certain savoir-faire dans les produits spécifiques à destination du militaire. L’entreprise grenobloise est le chef de file du projet militaire européen EXCEED notamment pour le design de « système sur puce » (’system-on-chip’ SoC [40]

      [40] Les SoC sont des circuits intégrés embarqués ayant sur...
      ) avec la technologie développée par Soitec (FD-SOI 28 nm) dans son centre de recherche grenoblois sur le Polygone scientifique. Parmi les partenaires du projet, on trouve ArianeGroup (fabricant du missile atomique M51), Thales, MBDA, Safran Electronics and Defense et l’avionneur italien Leonardo. Le projet durera de 2020 à 2025 avec une enveloppe totale de 12 Millions d’euros dont 1,9 pour ST. Les puces issues du projet sont destinées à équiper, d’après la communication :

      « les capteurs RF et réseaux de traitement du signal, radios flexibles, positionnement et navigation sécurisés, liaisons de données UAV [drone], réseaux militaires, des moteurs de cryptographie flexibles, soldat débarqué, contrôleurs de guidage et de mission critiques » [41]

      ...
      .

      Nos luttes sont matérielles et locales

      En guise de conclusion nous tenons à dire que nous n’avons rien ni contre les Israéliens, ni contre les Palestiniens, ni contre les Juifs, les Arabes, ni contre les Slaves, les Russes, les Ukrainiens, ni contre n’importe quel peuple. Ce que nous combattons, c’est une logique à l’oeuvre et une façon dont notre monde est agencé : le technocapitalisme et sa course en avant mortifère et sanguinaire, aidé dans cette course par les structures étatiques et supra-étatiques. Qu’elles soit « made in France », « made in Israel » ou « made in Ukraine », les technologies continueront à nous tuer en tant qu’humains et en tant qu’êtres vivants. Elles continueront à nous écraser et à nous asservir comme des esclaves.

      Nous ne disons pas que tout se vaut, mais, depuis notre position et avec les idées qui nous portent, nous ne pouvons nous contenter d’accepter benoîtement la guerre de « l’Axe du Bien » face à la « Barbarie ». A l’heure de la fusion intégrale entre le capital et la technologie, il n’y a plus à choisir. Il n’y a rien à regretter de notre monde absurde et sans consistance où la guerre industrielle est devenue une option de gouvernance parmi d’autres, où « tout change pour que rien ne change » dans un confort ouaté de consommateur-citoyen ou sous une maison en ruine. Notre exigence de liberté nous commande d’agir tout de suite et ici-même. La mobilisation totale pour la guerre nous guette, tâchons d’être plus rapide qu’elle avant que nous soyons tous pris dans son piège inextricable.

      Le combat se situe donc bien au-delà des appels patriotiques, nationalistes, ethniques ou communautaires. La seule communauté auxquels nous accordons de l’importance et pour laquelle nous nous battrons sans relâche, c’est la communauté humaine. C’est dans cette optique que nous essayons d’aider nos congénères dans une pure localité de la lutte : solidarité avec nos congénères opprimés et combats sans relâche contre les ingénieurs, scientifiques, technologues et encravatés des instituts mortifères. Car le pouvoir aujourd’hui se situe là : dans la puissance liée à l’argent et à la technologie, liée aux machines, aux usines, aux laboratoires et à leurs directives. Dans cette démarche d’action réelle et endurante, intransigeante et stratégique, nous combattons donc les sbires grenoblois et leur modèle de développement car nous savons que les répercussions – on les vois déjà – dépassent de loin les frontières naturelles de nos montagnes.

      Tout est à faire, les rapports de force se mettent en place pendant que les contradictions profondes réémergent. Tâchons de dépasser les fausses oppositions, précipitons les frictions et poussons les exigences de liberté à l’ensemble de la vie humaine pour qu’enfin, le mouvement de contestation émergeant embrasse dans la négation la totalité des existences.

      Bella matribus detestata.

      https://lundi.am/De-Grenoble-a-Tel-Aviv

    • Guerres & Puces - La dure réalité de la microélectronique en temps de guerre mondialisée

      En pleine montée du bellicisme et de la barbarie au Moyen-Orient et pendant que Poutine et Biden nous refont la Guerre Froide avec notamment une nouvelle menace atomique, il nous faut redire encore et encore en quoi la France participe, avec son « écosystème de la microélectronique » aux guerres, avec ses morts, ses destructions et ses colères légitimes, de part et d’autre du globe.

      « Il existe un lien direct entre semi-conducteurs et puissance militaire [… ]. Bien que la plupart des puces produites aujourd’hui soient utilisées à des fins civiles, les grandes armées du monde sont de plus en plus dépendantes des semi-conducteurs les plus avancés. »

      Chris Miller, auteur de Chip War [1]

      [1] Chris Miller, La guerre des semi-conducteurs. L’enjeux...
      , interview dans Libération, 30 Août 2023.

      Le nerf de la guerre : les puces

      L’Observatoire des armements (OBSARM) vient de publier un compte-rendu à partir de deux rapports de la commission défense du parlement [2]

      ...
       : l’un concernant les exportations françaises d’armes et l’autre, les fameux « biens à double usage » [3]

      ...
      , c’est-à-dire le matériel civil servant à faire la guerre.

      Et la révélation est importante : en 2023 il y a eu une augmentation par six des exportations françaises de biens à double usage vers Israël. En effet le montant passe de 34 millions d’euros en 2022, à 192 millions d’euros en 2023, avec notamment 154 millions en puces (capteurs, lasers, etc).

      On se doute qu’une partie des puces et capteurs sont made in Grenoble, si on se souvient de l’enquête du media en ligne Blast, "Russian Paper [4]

      ...
      ", où il était démontré que les entreprises Lynred et STMircoelectronics utilisaient des intermédiaires israéliens pour acheminer leurs puces en Russie. D’intermédiaires, il est facile d’en faire des clients finaux. Sans compter que ST a des centres de R&D et des bureaux en Israël depuis 20 ans et que ses partenariats et autres acquisitions d’entreprises israéliennes sont nombreuses [5]

      [5] Groupe-Grothendieck, De Grenoble à Tel Aviv, sur...
       :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël [6]

      [6] Stéphane Souchan responsable de la French Tech en...
      . »

      Les guerres 2.0 ont un appétit gargantuesque en puces (contrôleurs, capteurs, processeurs) parce que le matériel jetable, c’est-à-dire les munitions, les missiles et les drones kamikazes en sont truffés. Le plus souvent, même des gros producteurs de puces comme Israël ou la Russie ne peuvent combler cet appétit avec seulement la production interne. Il faut donc rafler les puces partout où il y en a : des machines à laver kazakh [7]

      ...
      aux usines de la vallée grenobloise, tout est bon pour combler l’appétit sans fin de Moloch.

      D’où le fait que les exportations de puces françaises montent en flèche vers Israël et la Russie. Rappelons que pour l’année 2023, il a été découvert sur le champ de bataille ukrainien pour 94 millions d’euros de puces ST, le plus souvent issues de missiles russe [8]

      ...
      ….mais que font les syndicats des usines de Crolles ? Les morts russes et ukrainiens sont-ils plus « légitimes » que les morts palestiniens ? L’internationalisme est-il à géométrie variable ?

      Les embargos servent surtout à calmer les opinions publiques envers les vendeurs d’armes quand le sang éclabousse trop les caméras, mais n’ont jamais été réellement mis en application. Ils n’ont pas un rôle éthique du genre d’embargo qu’avait imposé De Gaulle à Israël en 1967 après l’attaque contre l’Égypte, espérant ainsi temporiser les déjà voraces appétits d’Israël. Les embargos aujourd’hui sont une manière de contraindre l’économie des ennemis à se reconfigurer. Ce qui prend du temps et qui permet de provoquer du mécontentement dans les populations qui ont à subir des coupes budgétaires et des baisses de salaires, et donne des temps de latence dans la production ou l’achat d’armement des assaillants.
      La guerre mondialisée : entre augmentation de la puissance technologique et ré-agencement économique

      Ce que l’on vient de dire précédemment est de la théorie. En pratique, le business l’emporte toujours sur le politique car le business est la vrai politique de notre temps. Enfin… le business couplé à l’accroissement sans limite de puissance, quitte à foutre en l’air des pans entiers du globe, à provoquer la haine de population pour trois générations, et à laisser planer sur la Terre entière des menaces d’holocauste atomique.

      Dans la guerre mondialisée, il n’y a plus cette ancienne rupture économique et sociale des guerres mondiales, où les fronts et frontières étaient bouclés, barricadés, et où la pénurie s’installait. Les échanges mondialisés et supportés par les réseaux virtuels s’accommodent maintenant d’affrontements durs et sanguinaires sur les fronts et frontières par un ré-agencement constant des routes et échanges économiques. Les pôles de puissances économiques maintenant variés et multiples (zone chinoise, zone étasunienne, zone singapourienne, zone indienne, zone turque, zone européenne, zone du golfe persique, etc) font qu’il est facile de changer de fournisseurs, d’acheteurs ou de vendeurs d’une denrée et d’échanger devises et actifs avec d’autres agents économiques.

      Prenons la Russie. Elle a complètement reconfiguré son système bancaire vers la Chine, réorienté ses exportations vers les Brics et dispose d’une diaspora aux quatre coins du monde permettant le transit de puces et autres matériels sensibles par des sociétés écrans singapouriennes, chinoises ou turques. Et vu que la demande en matières premières est bien souvent beaucoup plus forte que l’offre, au fur et à mesure de l’épuisement des ressources et du changement climatique, il est par exemple facile pour la Russie de vendre son excédant de gaz et d’autres matières pétrolifères à qui le veut. Poutine peut même se glorifier d’un peu de croissance et d’une augmentation générale des salaires de 17 % à 19 % [9]

      ...
      . Tournée générale, y’a rien à voir ! En somme, la routine capitaliste dans la guerre mondialisée.

      Israël ou l’Ukraine sont encore bien dépendantes des américains pour leur économie (de guerre il va sans dire !) mais développent toutes deux une forte « économie de la connaissance » liée à leur complexe scientifico-militaro-industriel, comprenez le système des start-up rachetées par des multinationales qui peuvent avoir comme client l’armée.

      Vous êtes haut technocrate d’un pays en guerre et vous voulez des points de croissance, malgré la guerre, les pleurs et le sang ? Injectez massivement de l’argent public dans des structures de recherches (Le Weizman Institute ou le Technion en Israël, CEA et l’AID en France, l’UCU et Polytechnique en Ukraine [10]

      ...
      ), puis concentrez le jus de cerveau de votre recherche publique dans des « incubateurs », enfin garantissez sur deux ou trois ans le revenu de vos nouveaux startuppers ex-chercheurs ou ingénieurs. Trois solutions sont à envisager. 1° Vos petites start-ups meurent car il n’y a pas de marché correspondant, c’est le lot des 3/4 des boîtes ; 2° Au contraire, des débouchés civils ou civilo-miltaires arrivent (investissez dans le drone, les biotechnologies ou l’IA en ce moment !) ; enfin, 3°, le must, c’est de se faire racheter très cher par les « guépards » du coin, c’est-à-dire par les grosses multinationales bien implantées dans les « silicon valley » françaises, israéliennes, russes ou ukrainiennes. C’est pour cette raison que tous les gros industriels français ou américains ont des centres et des bureaux en Israël, le pays au 7000 start-ups et 90 licornes. STMicroelectronics a même un incubateur géant, le ST-Up accelerator créé en 2018 à Jérusalem [11]

      [11] Pour une analyse du « jeu » des guépard, des zèbres...
      .

      Dans tout ce merdier, les industriels de l’armement français et les marchands de puces, notamment Safran [12]

      ...
      , Thales [13]

      ...
      , Nicomatic [14]

      ...
      et STMicroelectronics s’en sortent bien. Ils utilisent des intermédiaires chinois, singapouriens ou turques pour vendre des puces à des États en guerre de « haute intensité [15]

      [15] Il y a dans le monde quelques guerres dites par les...
       ».

      Quant aux « matières fissibles » (uranium enrichi ou déchets nucléaires), elles ne font même pas partie des embargos – et du reste on en parle pas – ce qui permet à la France de garder son train-train nucléariste comme à l’accoutumée (un tiers de notre uranium enrichi est importé des centrifugeuses du géant russe Rosatom ; Framatome (France) continue de construire, notamment en Hongrie, des centrales nucléaires avec Rosatom [16]

      ...
       ; et Orano refile une partie de ses déchets nucléaires à la Russie [17]

      ...
      .)

      Le technocapitalisme est une tuerie sans nom

      Revenons à Israël et aux liens avec la France et reparlons de plates vérités difficiles à entendre. La France exporte en moyenne tous les ans pour 20 millions d’euros d’armes à Israël. C’est juste 0,2 % de ses exportations mondiales pour ce mastodonte de l’armement (la France est deuxième exportateur mondial d’armement en 2023 [18]

      ...
      ). 20 millions, ce sont des broutilles diriez-vous, mais des broutilles qui tuent !

      On ne dira jamais assez qu’il ne faut pas voir tout le temps les quantités d’armes exportées mais plutôt le type (par exemple les boîtiers de détection Thalès classé ML5 « 
      Matériel de conduite de tir et matériel d’alerte et d’avertissement connexe » [19]

      [19] « Guide du classement du matériel de guerre et...
      peuvent avoir de grosse capacité de nuisance quand ils sont installés sur des drones israélien Hermes 900, même si leur coût n’est pas élevé, ni les quantités astronomiques [20]

      ...
      .)

      Sur le champ de bataille israélo-palestinien on peut retrouver l’hélicoptère AS565A Panther d’Airbus (ex-Eurocopter) baptisé « Atalef » [21]

      ...
      , des hommes de Tsahal équipés de fusils d’assaut de la marque PGM Précision [22]

      [22] Voir la brochure « Lyon, capitale européenne du...
      , des drones Watchkeeper WK450 d’une « joint venture » de Thales avec l’entreprise israélienne Elbit System [23]

      [23] « Les liaisons dangereuses de l’industrie française de...
      , ou encore de manière plus anecdotique, l’interception de drones iraniens par des missiles français tirés de bases françaises en Jordanie et en Irak [24]

      ...
      . La France donc, ou tout du moins son « savoir-faire », sont bien présent dans cette guerre d’extermination et ne font qu’amplifier le désastre même si elle se positionne dans le jeu médiatique en État-arbitre, renvoyant dos à dos palestiniens et israéliens.

      Mais ce n’est pas tout, Israël avec son gros Triangle de fer (complexe scientifico-militaro-industriel), exporte largement elle aussi, et les deniers récoltés peuvent retourner illico-presto pour faire la guerre aux palestiniens et maintenant aux libanais. Elle est toujours dans le top 10 des exportateurs d’armement, souvent talonnée par la Corée du Sud, et est leader dans quelques secteurs clé comme le drone, la cyberdéfense, maintenant l’IA militaire :

      « La concurrence israélienne est, quant à elle, très performante sur certains segments de haute technologie (matériels électroniques, drones, systèmes spatiaux, missiles). Les exportations d’armes israéliennes ont doublé en une décennie, en raison des changements de l’environnement stratégique en Europe et de la normalisation des relations diplomatiques avec plusieurs pays arabes. Malgré le conflit découlant de l’attaque du 7 octobre, l’industrie israélienne continue à proposer ses offres à l’export » [25]

      [25] « Rapport au Parlement 2023 sur les exportations...

      Le chiffre d’affaires combiné des trois entreprises israéliennes du Top 100 (Elbit System, IAI et Rafael) a atteint 12,4 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2021 [26]

      ...
      .

      Les échanges scientifico-techniques avec Israël ne se sont pas arrêtés, le Haut Conseil Franco-Israélien pour la Science et la Technologie (HCST) continue de délivrer des bourses à des chercheurs [27]

      ...
      , pendant que des gros instituts de recherche français nouent des partenariats de plus en plus serrés avec des pôles de recherches israélien. Notamment l’Institut national de recherche en informatique et automatisme (INRIA) qui a signé un accord cadre avec le Technion israélien avec à la clé une enveloppe bipartite de 720 Millions d’euros pour développer l’ordinateur quantique [28]

      ...
      . De plus l’INRIA continue a vouloir envoyer des chercheur en Israël [29]

      ...
      . L’INRIA n’est qu’un exemple, mais les échanges scientifiques franco-israéliens sont fructueux pour les deux « start-up nation » et mériteraient d’être cartographiés et dénoncés.

      La marche forcée scientifico-militaire n’a pas de point de vue « morale », au contraire, plus la guerre avance, plus « l’innovation de Défense », comprenez la mobilisation scientifique pour la guerre sera de mise. Il faut du jus de cerveau concentré et des savoirs-faire spécifiques pour que les drones tuent mieux, que l’IA détecte mieux les cibles et que les missiles soient le plus performant possible pour détruire ! Le technocapitalisme, dont la recherche publique est l’un des rouages [30]

      [30] Fabrice Lamarck, Des treillis dans les labo. La...
      (et le chercheur un pion mais un pion volontaire !), a besoin de ces cerveaux bien enrégimentés pour continuer à tuer et vendre des armes !

      Devant l’atrocité des massacres à Gaza, au Liban mais aussi sur le front russo-ukrainien, ou au Yémen, la neutralité scientifique n’a plus sa place. Continuer tout bonnement son train-train de recherche en IA, en informatique, en microélectronique, en résistance des matériaux, continuer à bosser dans des laboratoires où Thales ou MBDA ont investit et donnent des conseils, être chercheur ou ingénieur chez ST ou Airbus, c’est sûrement avoir du sang sur les mains. Et oui, quand nous sommes « en paix » (paix toute relative), les questions morales échauffent moins les oreilles de nos producteurs de biens ou de savoir parce que les massacres et la guerres existent qu’en potentiel. Effectivement, la France a un potentiel de mort et de destruction quasi-illimité, et cela c’est grâce en grande partie à nos chercheurs et à leur technoscience que nous le devons.

      Cependant, il n’y a pas les mêmes responsabilités entre un trimard faisant les 3-8 en salle blanche et le chef de projet R&D d’une multinationale, qui passe des commandes et comprend à quoi vont servir les puces de son unité de conception. Mais de toute façon, au-delà des parcours individuels, que ces usines et ces instituts de mort ferment, malgré les emplois, malgré la Connaissance, malgré le « Progrès », malgré la manne financière, serait la meilleur des solutions politiques pour mettre fin à la destruction sans concession à laquelle notre génération assiste.

      Quant aux thésards, étudiants, réfusant, celles et ceux qui ne sont pas résignés ou pas encore trop bien installés dans l’ordre technoscientifique commencent à se mobiliser. Il y a des énergies vivantes et en colères qui fomentent en interne. La technocratie en place va avoir du mal à « fixer » et à « canaliser » ce mouvement de fond et tant mieux !
      Conclusion : aux hésitants et refusants, c’est maintenant qu’il faut agir

      Il paraît clair que la France est rentrée tête baissée dans une économie de guerre et qu’elle se prépare à la guerre de « haute intensité ». Les signaux faibles de ce futur engagement sont pléthores (3 milliards pour les hôpitaux militaires, Jeux de rôles militaires avec l’OTAN, obligation pour les industriels de l’armement de faire des stocks, loi sur les ingérences étrangères, bourrage de crane intensif, etc). Encore beaucoup de personnes nient l’évidence et ce même après les multiples prises de parole de Macron, du Ministre des Armées Lecornu et des chefs militaires. Elle y rentrera doucement en guerre, elle y est déjà rentré en faite ! Le fait que la marine française ai intercepté des tirs de missiles houthis en provenance du Yémen le 21 Mars [31]

      ...
      , mais aussi les interceptions de quelques drones et missiles iraniens lors de l’attaque massive du 13 Avril dernier contre Israël [32]

      ...
      , montre qu’elle est déjà sur les théâtres d’opération (opération ASPIDES en mer Rouge, mission Aigle aux frontières Roumanie-Ukraine), prête à dégainer quand papa-OTAN le décidera.

      C’est une spirale montante dont on ne sait où elle mènera et quand elle s’arrêtera… si elle s’arrête un jour !, Et nous sommes bien malgré nous tous prit dedans en tant que producteurs de savoir, producteurs de biens à double-usage, producteurs d’armement mais aussi en tant que soldats et réservistes (objectif de 300 000 hommes au total pour 2030), et enfin en tant que citoyens, c’est-à-dire sujet de l’État nous nous prenons au jeu d’imaginer des stratégies de guerre, de promouvoir la violence (« faut bien se défendre ! ») et vivons torses bombés dans une atmosphère patriotique foncièrement réactionnaire. Les militaires appellent cette dernière « composante » du militarisme français, les « forces morales de la nation », qui devront, en cas de coup dur, être derrière les « premiers de cordée » cette fois habillés tout de kaki, arme à la main pour sauver les valeurs mortifères de la France [33]

      [33] Si vous voulez vous tenir au courant des agissements...
      .

      Les personnes qui soutiennent le calvaire palestinien en ce moment, les anti-militaristes convaincus ou qui viennent de le devenir, les sympathisants des causes anti-impérialistes, anti-colonialistes, les pacifistes, les anarchistes anti-nation, tous commencent à comprendre l’ampleur des forces bellicistes des pays du sommet capitaliste et de comment la France mène sa barque industriellement et militairement là dedans.

      Des groupes en réseaux comme Stop Arming Israël [34]

      ...
      ou le Réseau de surveillance de l’Observatoire des armements [35]

      ...
      , ont compris qu’il était intéressant d’agir localement sur le complexe scientifico-militaro-industriel, dans chaque ville de France, d’Angleterre ou d’Allemagne où ces instituts et multinationales se déploient. Manifestations, piquets devant les usines, jets de faux sang, sabotages, pression sur les pouvoirs publics, discussions dans les laboratoires, affiches de la honte, mobilisations des syndicats des boîtes, enquêtes critiques… un large panel d’actions se met en place un peu partout en France d’un mouvement anti-militariste qui, nous l’espérons, ne s’arrêtera pas au massacre des palestiniens, mais embrassera petit à petit toutes les misères des guerres en cours dont la France trempe salement.

      Principalement répartie en France en trois « pôles de compétitivité de rang mondial » à Grenoble, Paris-Saclay et Bordeaux-Toulouse, le côté « innovation de Défense » (le lien armée-recherche) commence à être aussi dénoncé dans les facs et écoles d’ingénieurs où les entreprises d’armement comme Thales, Airbus et SAFRAN [36]

      [36] Par exemple à Grenoble :...
      sont bien installées et amplifient leurs encrages, proposant cours, bourses pour les étudiants précaires [37]

      ...
      , présences dans les forums étudiants et surtout finançant des recherches grâces aux chaires privées [38]

      [38] Par exemple la chaire « Deepred » à Grenoble créée par...
      . Mais les étudiants et les syndicats commencent à réagir : tribune des chercheurs pour un cessez-le-feu à Gaza [39]

      [39] « Engageons-nous activement pour arrêter immédiatement...
      , occupation de la Sorbonne en mai dernier (86 gardés à vue) [40]

      ...
      , actions multiples contre Thales à Toulouse [41]

      ...
      , AG étudiante luttant contre la présence de Thales à Grenoble… la sauce monte et les directeurs d’universités feront tout pour conserver cette manne financière, quitte à avoir les mains sales et à envoyer la flicaille au moindre débordement, Attal l’a promis ! De toute façon, le Triangle de fer est structurant pour les 3 pôles de compétitivité depuis les années 1950-1960 [42]

      [42] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      , alors nous espérons que contester la présence de Thales pourra permettre de dérouler la vieille bobine mortifère d’une recherche publique française qui travaille structurellement pour le capitalisme mortifère… et peut-être permettre une remise en cause de l’ordre technoscientifique et de savoir s’il faut vraiment continuer la recherche scientifique ? [43]

      [43] Voir le collectif Grenoblois FIC la recherche ?...

      https://lundi.am/Guerres-Puces

  • Out of sight, out of mind : EU planning to offshore asylum applications ?

    In a letter sent to EU heads of state last month, European Commission president #Ursula_von_der_Leyen named 2024 “a landmark year for EU migration and asylum policy,” but noted that the agreement on new legislation “is not the end.” She went on to refer to the possibility of “tackling asylum applications further from the EU external border,” describing it as an idea “which will certainly deserve our attention.”

    “Safe havens”

    The idea of offshoring asylum applications has come in and out of vogue in Europe over the last two decades. In the early 2000s, a number of states wanted camps established in Albania and Ukraine, with the Blair government’s “safe haven” proposals providing an inspiration to other governments in the EU.

    The idea has come back with a bang in the last few years, with the UK attempting to deport asylum-seekers to Rwanda (a plan now shelved), and EU governments noting their approval for similar schemes.

    Austria plays a key role in the externalisation of border and migration controls to the Balkans, and the country’s interior minister has called on the EU to introduce “asylum procedures in safe third countries,” referring to “a model that Denmark and Great Britain are also following.” Denmark adopted their own Rwanda plan, but that was suspended last year.

    “Innovative strategies”

    Now the idea has made it to the top of the EU’s political pyramid.

    “Many Member States are looking at innovative strategies to prevent irregular migration by tackling asylum applications further from the EU external border,” says von der Leyen’s letter (pdf).

    “There are ongoing reflections on ideas which will certainly deserve our attention when our next institutional cycle is under way,” it continues, suggesting that the intention is to get working on plans quickly from September onwards.

    The news comes just as almost 100 organisations, including Statewatch, have published a statement calling on EU institutions and member states to uphold the right to asylum in Europe, underlining that attempts to outsource asylum processing have caused “immeasurable human suffering and rights violations.”

    Von der Leyen goes on to indicate that the offshoring of asylum applications may be tacked onto existing migration control initiatives: “Building on experience with the emergency transit mechanisms or the 1:1, we can work upstream on migratory routes and ways of developing these models further.”

    The phrase “the 1:1” refers to the intended human trading scheme introduced by the 2016 EU-Turkey deal: “For every Syrian being returned to Turkey from Greek islands, another Syrian will be resettled from Turkey to the EU.” In a seven-year period, up to May 2023, fewer than 40,000 people were resettled under the scheme, while tens of thousands of people remained trapped in Greek camps awaiting their intended removal to Turkey.

    The current Commission president, who is soon likely to be elected for a second five-year term, goes on to say that the EU can “draw on the route-based approach being developed by UNHCR and IOM,” allowing the EU to “support the setting up of functioning national asylum systems in partner countries while strengthening our cooperation on returns to countries of origin.” In short: someone else should take care of the problem.

    These efforts will be bolstered by the new Asylum Procedure Regulation, says the letter, with the Commission considering “how to better work in synergy with future designated safe third countries.”

    “Hybrid attacks”

    The letter closes with a consideration of the use of so-called “hybrid attacks” by the EU’s geopolitical enemies.

    “When I was in Lappeenranta [in Finland] in April, it was clear that Russia’s actions at the border with Finland, or those of Belarus at the border with Poland, Latvia and Lithuania, are hybrid attacks aimed at undermining the security of our external borders, as well as that of the border regions and our citizens,” von der Leyen writes.

    The Commission president goes on to suggest that more legislation may be forthcoming on the topic, further reinforcing the security approach to migration, despite the EU having only just approved rules on the issue, where the term used is “instrumentalisation of migrants.”

    “We will therefore need to continue reflecting on strengthening the EU’s legal framework to provide for an appropriate response not only from a migration but also from a security perspective in line with the Treaties,” says the letter.

    The need for new legislation is also hinted at in the “strategic agenda” adopted by the European Council at the end of June, the same meeting to which von der Leyen’s letter was addressed.

    That document states the European Council’s intention to “find joint solutions to the security threat of instrumentalised migration.”

    As for the people targeted by all these initiatives, they are barely mentioned in the letter – but von der Leyen notes that the Commission is “conscious of the need… to enable durable solutions to be found for the migrants themselves.”

    It might be remarked, however, that “solutions” will likely only be considered “durable” to the EU if they are outside its territory.

    https://www.statewatch.org/news/2024/july/out-of-sight-out-of-mind-eu-planning-to-offshore-asylum-applications
    #lettre #migrations #asile #réfugiés #externalisation #frontières #safe_havens #ports_sûrs #Tony_Blair #Albanie #Rwanda #pays_tiers #pays_tiers_sûrs #Autriche #Balkans #route_des_Balkans #Danemark #innovations #accord_UE-Turquie #1:1 #IOM #OIM #HCR #hybrid_attacks #attaques_hybrides #géopolitique #Russie #Biélorussie #frontières_extérieures #instrumentalisation #menaces_sécuritaires

  • Sans #transition. Une nouvelle #histoire de l’#énergie

    Voici une histoire radicalement nouvelle de l’énergie qui montre l’étrangeté fondamentale de la notion de transition. Elle explique comment matières et énergies sont reliées entre elles, croissent ensemble, s’accumulent et s’empilent les unes sur les autres.
    Pourquoi la notion de transition énergétique s’est-elle alors imposée ? Comment ce futur sans passé est-il devenu, à partir des années 1970, celui des gouvernements, des entreprises et des experts, bref, le futur des gens raisonnables ?
    L’enjeu est fondamental car les liens entre énergies expliquent à la fois leur permanence sur le très long terme, ainsi que les obstacles titanesques qui se dressent sur le chemin de la #décarbonation.

    https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557
    #livre #Jean-Baptiste_Fressoz

    • « #Transition_énergétique » : un #mythe qui nous mène dans le mur

      Transition énergétique, ce mot est partout aujourd’hui. Dans les discours du gouvernement, la communication des entreprises fossiles, des multinationales, dans les rapports scientifiques.. Le message est clair, face à l’urgence climatique, il nous faut opérer une transition énergétique pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et décarboner les économies d’ici à 2050. La notion de de #transition part de l’idée que nous devrions répéter les transition du passé, du bois au charbon puis du charbon au pétrole pour désormais aller vers le nucléaire et les renouvelables et ainsi échapper au chaos climatique. Pour Jean-Baptiste Fressoz, chercheur au CNRS, la transition énergétique n’est qu’une #fable créée de toute pièce par le capital et que toute l’histoire déconstruit. Dans son livre “ Sans transition” il écrit “Rien de plus consensuelle que la transition énergétique, rien de plus urgent que de ne pas y croire” L’historien des sciences le rappelle “après deux siècles de “transitions énergétiques”, l’humanité n’a jamais brûlé autant de pétrole et de gaz, autant de charbon et même de bois”. À l’échelle mondiale, il faut dire que la transition énergétique est invisible. Depuis le début du XXème siècle, les énergies et les ressources que l’on utilise se sont accumulées sans se remplacer. L’histoire de l’énergie est donc une histoire d’accumulation et de symbiose. Même la consommation de charbon, considéré comme l’énergie de la révolution industrielle, a battu un nouveau record en 2023. Les énergies renouvelables ne remplacent pas les fossiles, elles s’ y additionnent. Et les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter Alors la transition énergétique n’est-elle qu’une illusion ? Pour Jean Baptiste Fressoz, en se basant sur une lecture fausse du passé selon laquelle chaque énergie serait venue en remplacer une autre, nous nous empêchons de construire une politique climatique rigoureuse. Pourquoi la transition énergétique nous empêche de penser convenablement le défi climatique ? Comment cette notion s’est-elle imposée ? Et en quoi est-il urgent de ne pas y croire et de penser autrement nos réponses au plus grand défi du siècle ? Réponses dans cet entretien de Paloma Moritz avec Jean Baptiste Fressoz.

      https://www.blast-info.fr/emissions/2024/transition-energetique-un-mythe-qui-nous-mene-dans-le-mur-Inu5q1eWT0WwT7X

      #audio #podcast

    • Énergies : le #mythe de la #transition

      La notion de « transition énergétique » a été dévoyée, estime l’historien des sciences #Jean-Baptiste_Fressoz. Il explique pourquoi #charbon et #pétrole n’ont jamais remplacé le #bois. Et que la lutte contre le #changement_climatique doit se fonder sur des techniques disponibles et bon marché.

      Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de votre livre Sans transition – Une nouvelle histoire de l’énergie, qui vient d’être traduit en anglais et a obtenu le prix d’histoire du Sénat ?
      Jean-Baptiste Fressoz1 La nécessité de mettre l’histoire de l’énergie à la hauteur du défi climatique. Il y a un genre dominant, dans ce domaine : celui de la grande fresque énergétique de l’humanité, qui narre les transitions successives que l’on aurait accomplies par le passé – du bois au charbon, puis du charbon au pétrole – et qui préluderaient à la transition à venir en dehors des #énergies_fossiles. Le problème de cette approche, que je qualifie de « phasiste », est qu’elle minore la nouveauté radicale de ce qu’il faut accomplir maintenant, face au changement climatique.

      On dispose aussi d’une riche historiographie mono-énergétique sur le bois à l’époque préindustrielle, sur le charbon au XIXe siècle et sur le pétrole au XXe. Mais ces histoires des énergies et des matières ne peuvent se comprendre les unes sans les autres, elles sont interdépendantes, se complètent et se cumulent. En outre, 95 % du charbon a été extrait après 1900. Et le bois-énergie a énormément cru au XXe siècle, et plus fortement encore depuis les années 2000.

      Il faut donc arrêter de se focaliser sur les transitions et les basculements, de penser les énergies comme étant en compétition. Cela peut être le cas dans certains domaines (par exemple, les moteurs Diesel remplacent les machines à vapeur dans l’entre-deux-guerres), mais, globalement, aux XIXe et XXe siècles, l’histoire de l’énergie est celle de l’expansion.

      Il y a pourtant bien eu des ruptures – entre la bougie et l’électricité, par exemple ?
      J.-B. F. Tout à fait, mais ce sont des ruptures technologiques qui masquent la permanence des matières et des énergies. Donc, oui, l’#électrification représente une vraie révolution, qui rend obsolètes les lampes à pétrole. Mais, paradoxalement, elle entraîne une énorme croissance de la consommation de pétrole pour l’éclairage ! Dans les années 2000, les seuls phares des automobiles (le parc mondial est de 1,5 milliard de voitures) consomment bien plus de pétrole que le monde entier en 1900 quand tout le monde ou presque s’éclairait au pétrole. Et nos ampoules LED, aussi efficaces soient-elles, envoient presque 1 milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère – des milliers de fois plus qu’à l’époque du gaz d’éclairage et des lampes à pétrole…

      Quelles que soient les #innovations_technologiques, les #matières_premières n’ont pour le moment jamais été obsolètes. Les exceptions à cette règle sont rarissimes. L’#huile_de_baleine est un exemple unique de disparition d’une source d’énergie. Il y a aussi la laine de mouton, qui a reculé d’un tiers depuis les années 1950 face aux fibres synthétiques. Ou l’amiante, qui a diminué grâce à des interdictions. Mais, au bout du compte, l’éventail des matières consommées s’élargit et chacune est consommée en quantité croissante. On estime que le poids total des matières premières utilisées par l’économie au XXe siècle (l’extraction de biomasse, d’énergies fossiles, de minerais et de granulats ; on ne compte pas l’eau et l’air) a été multiplié par 12 !

      Mais si on prend le cas de la #révolution_industrielle, le charbon a bien remplacé le bois ?
      J.-B. F. Eh bien, non, pour une raison simple : pour exploiter des mines de charbon, il était indispensable d’étayer les galeries avec énormément de bois. Sous la pression des roches, les étais pliaient et devaient être remplacés régulièrement. Au début du XXe siècle, les mines britanniques engloutissent chaque année entre 3 et 4,5 millions de mètres cubes d’étais, alors qu’un siècle auparavant, les habitants ne brûlaient « que » 3,6 millions de mètres cubes de bois de feu. Comme la production de bois d’œuvre (c’est-à-dire de construction) requiert 4 fois plus de surface que celle du bois de feu (il faut attendre que les arbres grandissent), on peut estimer que l’Angleterre utilisait 6 à 7 fois plus d’espace forestier pour produire son énergie en 1900 qu’un siècle et demi auparavant.

      En Chine, le manque de bois sera pendant longtemps un obstacle majeur à l’extraction du charbon. Et les « chemins de fer » auraient dû être appelés « chemins de bois », car ils consommaient bien plus de bois que de fer, du fait des traverses qui devaient être fréquemment remplacées.

      Aujourd’hui encore, le bois est source d’énergie ?
      J.-B. F. Effectivement, cette utilisation du bois-énergie n’a fait que croître dans les pays riches au XIXe et aussi au XXe siècle. À cause de la production de papier et de carton d’emballage, et aussi parce qu’on produit de plus en plus d’électricité à partir de bois. De nos jours, la centrale thermique à bois de Drax, au Royaume-Uni, consomme à elle seule au moins quatre fois plus de bois que le pays tout entier deux siècles plus tôt. Un beau résultat, après deux siècles de transition énergétique…

      En France, l’entreprise Vallourec (fabricant de tubes en acier pour l’industrie du pétrole et du gaz) possède d’immenses plantations d’eucalyptus au Brésil. Cette seule entreprise consomme 1,2 million de mètres cubes de bois (transformés en granulés) par an, soit trois fois ce que la sidérurgie française tout entière consommait à son pic de consommation de charbon de bois, en 1860 ! Dans ce cas, on a du bois qui sert à faire de l’acier pour extraire… du pétrole.

      Enfin, le charbon de bois a l’image d’une énergie pré-industrielle. Pourtant, on n’en a jamais autant produit qu’aujourd’hui, notamment pour cuisiner, dans les pays en voie de développement. Depuis 1960, dans le monde, la quantité de bois de feu est passée de 1 à 2 milliards de mètres cubes. En Afrique, des mégalopoles de 10 millions d’habitants (Lagos, au Nigeria, Kinshasa, en République démocratique du Congo, Dakar, au Sénégal, Dar es-Salaam, en Tanzanie) consomment à elles seules plus de bois que des pays européens entiers un siècle plus tôt !

      Comment expliquer que l’on a ainsi présenté de façon erronée l’histoire des énergies ?
      J.-B. F. La raison est simple : les historiens se sont intéressés à l’énergie du point de vue économique, pour comprendre les racines de l’industrialisation et de la croissance. Pour ce faire, ils convertissent les tonnes de bois, de charbon, de pétrole en unités énergétiques, et considèrent l’évolution du mix en relatif. Et, effectivement, en 1900, dans les pays industrialisés, l’apport énergétique du bois, par exemple, devient négligeable par rapport à celui du charbon.

      Mais, du point de vue des arbres, de la biodiversité et du climat, ce sont les valeurs absolues qui importent. Or le nombre d’arbres abattus ne fait que croître. En outre, ils n’ont pas étudié les inter-relations entre les énergies – par exemple, tout le bois nécessaire à extraire le charbon ou tout le charbon nécessaire pour extraire et utiliser le pétrole.

      Malgré tout, dans les pays riches, la surface des forêts augmente. Elles ne semblent pas menacées ?
      J.-B. F. Oui, certains géographes parlent d’ailleurs de « transition forestière » pour décrire ce phénomène encourageant. Le problème, c’est qu’une bonne part de cette reforestation repose sur une déforestation dans les pays tropicaux, sur des transferts de biomasse (soja, pâte à papier…) vers les pays du Nord. En outre, la foresterie a été révolutionnée par le pétrole. C’est grâce à cette énergie qu’à partir des années 1950 de nouvelles tronçonneuses, légères, et des véhicules dotés de bras hydrauliques remplacent la force musculaire des bûcherons. Dans les années 1970, des engins capables d’abattre, d’ébrancher et de tronçonner un arbre en moins d’une minute rendent l’industrie forestière hyper productive. Reste à développer des milliers de kilomètres de routes forestières, avec des bulldozers roulant au diesel, et à accroître la productivité, grâce à des engrais de synthèse parfois épandus sur les forêts par avions…

      La sylviculture est devenue une branche de l’agriculture intensive. Avec une essence clé : l’eucalyptus, dont les rendements en climat tropical et dopés aux engrais sont faramineux. En ce sens, la transition forestière, n’est forcément pas une bonne nouvelle pour le climat.

      Le pétrole ne remplace pas plus le charbon que ce dernier n’a remplacé le bois ?
      J.-B. F. Non, car le pétrole sert avant tout à faire avancer des voitures qui consomment énormément de charbon pour leur fabrication. En outre, les carburants des années 1930 incorporent beaucoup de benzol, issu de la distillation de la houille. Les automobiles ont besoin de routes, donc de ciment, et d’acier, donc de charbon. Enfin, grâce au pétrole, utiliser le ciment est plus aisé (pensons au camion toupie) et le charbon devient moins cher, car plus facile à transporter grâce au camion à benne levante.

      Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a une symbiose entre toutes ces énergies. C’est avec des engins en acier, fabriqués avec l’énergie du charbon et mus par celle du pétrole, que la plupart des matières premières (bois, produits agricoles, métaux) sont produites, extraites, transportées. En 2020, les trois quarts de l’acier mondial sont produits avec… 1 milliard de tonnes de charbon.

      Le charbon a donc toujours de beaux jours devant lui ?
      J.-B. F. Je ne suis pas prospectiviste. Mais la production de charbon s’est effectivement beaucoup modernisée depuis les années 1980. Il s’exporte maintenant massivement. Il est probable que sa plus forte croissance historique soit passée. Mais rappelons que la Chine brûle à elle seule autant de charbon que le monde entier en 1980, et que la part des énergies fossiles dans le mix énergétique mondial demeure supérieure à 80 % aujourd’hui.

      Alors, d’où vient cette notion de transition énergétique ? Quand est-elle lancée ?
      J.-B. F. Elle vient de la futurologie atomique américaine des années 1950-1970. Elle est inventée par un petit groupe de savants qui sont passés par le projet Manhattan et sont persuadés que le surgénérateur nucléaire2 est la clef de survie de l’humanité pour faire face à la fin des ressources fossiles. Ils sont très minoritaires, et n’imaginent pas une telle transition avant trois ou quatre siècles. Mais l’idée de transition se diffusera dans le sillage de la crise pétrolière.

      Un discours de Jimmy Carter va jouer un grand rôle dans la fortune de cette expression. Le 18 avril 1977, devant les caméras de télévision, il commente trois courbes représentant trois systèmes énergétiques se succédant harmonieusement, et explique en substance que la première transition a eu lieu il y a 200 ans, quand nous sommes passés du pétrole au charbon, la deuxième avec l’utilisation du pétrole et du gaz naturel, et que, face à la raréfaction du pétrole, il est temps d’accomplir une troisième transition, vers le solaire et les économies d’énergie. Le Président ancre ce récit dans une histoire fausse.

      Pourquoi ce concept de transition, infondé, a-t-il connu un tel succès ?
      J.-B. F. C’est une expression simple et très inclusive. Dans la décennie 1970, tout le monde peut s’y retrouver : partisans du nucléaire, défenseurs du solaire, mais aussi promoteurs du charbon. Le scandale est que cette notion a été recyclée pour penser le défi climatique. Rappelons que les atomistes américains des années 1960 imaginaient une transition en trois ou quatre siècles. Or, face au réchauffement, il faut accomplir cette transition en trois ou quatre décennies, alors que les énergies fossiles sont abondantes.

      La raison de ce transfert est facile à comprendre : à partir de la fin des années 1970, ce sont des économistes – William Nordhaus étant le plus célèbre – qui ont fait leur classe pendant la crise énergétique qui s’emparent de la question climatique. Ils vont utiliser les mêmes raisonnements pour penser des problèmes qui étaient pourtant très différents. Le réchauffement climatique est une tragédie de l’abondance, et non de la rareté.

      Les énergies renouvelables ont-elles un rôle à jouer ?
      J.-B. F. Oui, bien évidemment. Les énergies renouvelables, surtout le solaire, coûtent de moins en moins chères et ont la capacité d’être déployables rapidement. Bien sûr, elles dépendent des ressources fossiles (acier, ciment, silicium), mais cela représente relativement peu de dioxyde de carbone (CO2). La vraie question est : que fait-on ensuite de cette électricité décarbonée ? Si on l’utilise pour faire rouler des voitures de 2 tonnes qui ont besoin de ponts en acier et de routes en ciment, on réduit l’intensité carbone de l’économie, certes, mais on ne règle pas le problème des émissions de CO2 !

      Et quid des véhicules électriques ?
      J.-B. F. La voiture électrique est avant tout une affaire de souveraineté énergétique. La moitié du parc mondial roule en Chine, où les deux tiers de l’électricité sont produits à partir du charbon. Pour l’instant, la voiture électrique a eu pour effet de renforcer la part du charbon face au pétrole dans la mobilité mondiale.

      Les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ont-ils proposé des solutions technologiques ?
      J.-B. F. Quand on se plonge dans leurs rapports, on est surpris par la technophilie incroyable qui y règne. Dans leur dernier document, il est fait référence au train hyperloop d’Elon Musk, l’hydrogène est partout, on y parle bitcoin et intelligence artificielle, mais le sujet de la sobriété est tout à fait marginal.

      Les experts du groupe III3 ont imaginé des solutions éminemment contestables à propos de la capture et du stockage du CO2 (CCS)4, poussés par l’industrie fossile, les cimentiers et la sidérurgie. Après avoir souligné, en 2001, que l’électricité au charbon avec capture du carbone reviendrait plus cher que l’électricité nucléaire, ils présentent en 2005 les capacités de stockage (dans les sous-sols ou au fond des océans) comme gigantesques et finalement pas si onéreuses !

      Surgit ensuite une idée encore plus extravagante : pomper du CO2 de l’atmosphère grâce à la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECSC)5. Concrètement, on brûle du bois pour faire de l’électricité, puis on récupère le CO2 à la sortie des cheminées pour l’enfouir dans le sol. Dans le rapport de 2014, le Giec prévoit ainsi (dans ses scénarios médians) des émissions négatives à hauteur de 10 milliards de tonnes de CO2 par an grâce à la BECSC ! Pourtant, il faut savoir que la production mondiale de bois, c’est 4 milliards de mètres cubes seulement. Donc, il faudrait au moins tripler ou quadrupler la production mondiale pour produire le bois qui serait ensuite brûlé dans ces centrales électriques équipées de dispositifs de CCS !

      Ces « solutions » sont donc irréalistes ?
      J.-B. F. On pourrait s’en amuser si elles n’influençaient pas les décisions politiques internationales et ne détournaient pas l’attention des véritables mesures à prendre. Les états ont adopté en 2015 l’Accord de Paris, qui reposait sur des promesses technologiques intenables inscrites dans le rapport du Giec de 2014.

      Aucun scientifique ne met en doute ces fausses solutions ?
      J.-B. F. Si, bien sûr. En 2017, une association des académies des sciences européennes les critique explicitement, soulignant qu’elles risquent d’aboutir à l’attentisme. Alors, dans le rapport de 2022, les experts du Giec les limitent un peu et ne parlent plus « que », selon les scénarios, de 170 à 900 gigatonnes6 de CO2 qu’il faut stocker d’ici à 2100. Mais ça reste énorme !

      La technologie ne nous permettra pas de lutter contre le réchauffement ?
      J.-B. F. Mon livre n’est pas technophobe. Le progrès technologique existe et il a même été gigantesque au XXe siècle. Par exemple, le passage de la machine à vapeur au moteur électrique divise par 10 l’intensité carbone de la force mécanique dans l’entre-deux-guerres. De nos jours, les renouvelables divisent par 12 l’intensité carbone de l’électricité par rapport au gaz. Ce que l’on fait avec les renouvelables, c’est diminuer l’intensité carbone de l’économie. Ni plus ni moins.

      La politique climatique doit être fondée sur des techniques disponibles, bon marché – peu importe qu’elles soient anciennes ou récentes. Par exemple, il ne sert probablement à rien de rêver d’avions à hydrogène ou de fusion nucléaire à l’horizon 2050. En revanche, on sait déjà décarboner l’électricité et, dans ce domaine, on peut sans doute parler de transition énergétique. Mais l’électricité ne représente que 40 % des émissions.

      Quelles solutions proposez-vous ?
      J.-B. F. C’est la question clé à laquelle mon livre ne répond absolument pas. Quelle politique climatique mener une fois que l’on comprend que la neutralité carbone est en grande partie illusoire et qu’on peut ralentir le changement, mais sans doute pas l’arrêter ? Si l’on veut réduire les émissions de secteurs comme l’aviation, le ciment, l’acier, le plastique, l’agriculture, autant de secteurs très difficiles à décarboner, il faut parler de niveau de production et donc de répartition. Il faut distinguer entre le CO2 utile et le CO2 inutile. Il faut transformer les comportements, et il faut sans doute plus d’égalité pour que ces transformations très profondes soient socialement acceptables. ♦

      https://lejournal.cnrs.fr/articles/energies-le-mythe-de-la-transition
      #transition_énergétique #énergie #histoire

  • Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »

    Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.

    Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.

    Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).

    Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?

    Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.

    En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?

    « Israël mène une #guerre_totale à une population civile »

    Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.

    Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?

    La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.

    Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.

    L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».

    Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie

    Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.

    Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.

    Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?

    C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.

    Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.

    La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.

    « Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »

    À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.

    Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?

    Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.

    « Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »

    Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.

    Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?

    Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.

    https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
    #agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie

    • La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine

      Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.

      https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
      #livre

  • Les #espions #russes recrutent sur #Leboncoin
    https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/21/les-espions-russes-recrutent-sur-leboncoin_6146733_3210.html

    Cette affaire vient, à son tour, appuyer le recours à une nouvelle pratique de l’#espionnage russe en France. Selon une source du ministère de l’intérieur, « une douzaine d’approches de ressortissants français sur des sites type Leboncoin.fr par des officiers traitants du SVR » ont été recensées ces dernières années, jusqu’en 2022. Les espions de Moscou ont ciblé, à chaque fois, des « profils tendres mais à haut potentiel », des étudiants, des diplômés de grandes écoles ou de jeunes professionnels. Tous étant susceptibles d’occuper, à l’avenir, des postes à responsabilité dans des entreprises de pointe ou des fonctions importantes au sein de l’administration française. Leur curiosité s’est portée, en priorité, sur la politique intérieure, la #recherche_scientifique et les #innovations_technologiques.

    Augmenter sa #rémunération
    Après quelques cours de mathématiques, Zakharov, le faux consultant tchèque, a proposé au jeune ingénieur d’augmenter sa rémunération contre des rapports et des documents sur des recherches scientifiques dans certains domaines technologiques de pointe. Dans un premier temps, ce jeune débutant plein d’avenir dans l’univers militaro-industriel français n’a pas vu malice aux questions qualifiées d’« anodines et légitimes », car liées à des prospections faites en France par le cabinet de conseil de son « élève ». Elles étaient destinées, en fait, à tester sa réceptivité à des sollicitations sortant du strict cadre des cours. Des doutes seraient apparus lorsque Valentin Zakharov a insisté pour obtenir des informations sensibles directement liées à son travail.

    Le profil de Zakharov fait écho à ceux des membres de la nomenklatura du renseignement russe, qui mêle business et espionnage. En parallèle de ses activités dans le monde du renseignement économique, il figure au sein d’un conseil d’administration d’une société privée de métallurgie installée à Saint-Pétersbourg. Le 26 février 2021, la représentation commerciale de la Russie en France et le ministère du développement économique de la Fédération de Russie organisaient le premier forum franco-russe sur… l’intelligence artificielle. D’après les éléments recueillis par Le Monde, les autorités françaises estiment à près de 75 le nombre d’agents secrets russes agissant sous fausse qualité diplomatique, qui leur permet de bénéficier de l’immunité s’ils se font arrêter.

    Pour le SVR, choisir de jeunes cibles est un investissement à long terme qui revêt de nombreux avantages. Leur naïveté, leur faible expérience et leur ignorance des méthodes d’espionnage russes en font des recrues faciles à pressurer pour des officiers expérimentés. L’objectif est double. Il s’agit de soutirer à la source des informations confidentielles et
    sensibles, liées au domaine d’expertise du « professeur », et sur son employeur, mais également d’accéder à son cercle professionnel et personnel. Dans les deux cas, l’officier traitant parie sur la future carrière de son contact.

    Des notes payées entre 200 et 300 euros
    Parmi la douzaine de cas découverts par la DGSI, un autre officier du SVR, chargé des questions politiques, travaillant à l’ambassade de Russie à Paris, a approché un jeune diplômé de grande école en répondant à l’une de ses annonces pour des cours de français postée sur Internet. Cette fois-ci, il n’a pas fait mystère de sa qualité de diplomate russe avant de donner à ces rencontres bimensuelles un tour de plus en plus confidentiel, en évitant toute trace électronique. Justifiant ses questions par « son isolement, en tant que russe, sur la scène diplomatique française », l’officier a, peu à peu, sollicité la rédaction de notes payées entre 200 et 300 euros sur des sujets variés de politique intérieure et étrangère, ainsi que sur des enjeux énergétiques tels que le projet de gazoduc Nord Stream 2.

  • « Nous, démissionnaires » : enquête sur la désertion d’en bas
    https://www.frustrationmagazine.fr/enquete-desertion

    Les discours vibrants d’étudiants d’une grande école d’ingénieurs agronomes, au moment de la remise de leur prestigieux diplôme, qui déclarent ne pas vouloir suivre la voie royale que notre société de classe leur réserve, ont eu un grand retentissement. Or, si la désertion d’une petite frange de nos élites est un événement, elle masque trop souvent la désertion d’en bas, moins flamboyante mais parfois plus héroïque, des membres de la classe laborieuse. Elle survient actuellement dans tous les secteurs, de la restauration à l’informatique en passant par l’Éducation nationale ou l’associatif. Les démissionnaires d’en bas disent beaucoup du dégoût du travail et de la vie sous le capitalisme. Ils remettent en question avec force la façon dont on produit, dirige et travaille dans ce pays comme ailleurs. Ils (...)

    • Des étudiants d’AgroParisTech appellent à « déserter » des emplois « destructeurs »

      Huit diplômés de l’école d’ingénieurs agronomes se sont exprimés, lors de leur cérémonie de remise de diplômes, contre un avenir tout tracé dans des emplois qu’ils jugent néfastes.

      « Ne perdons pas notre temps, et surtout, ne laissons pas filer cette énergie qui bout quelque part en nous. » Sur la scène de la luxueuse salle parisienne Gaveau, ce 30 avril, ils sont huit ingénieurs agronomes, fraîchement diplômés de la prestigieuse école AgroParisTech, à prendre la parole collectivement. Dans l’ambiance plutôt policée de cette soirée de remise de diplômes, après une introduction de musique disco sous éclairage de néons violet et vert bouteille, ils déroulent, d’un ton calme, un discours tranchant très politique.

      https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/11/des-etudiants-d-agroparistech-appellent-a-deserter-des-emplois-destructeurs_

    • « Nous, démissionnaires » : enquête sur la désertion d’en bas

      Les discours vibrants d’étudiants d’une grande école d’ingénieurs agronomes, au moment de la remise de leur prestigieux diplôme, qui déclarent ne pas vouloir suivre la voie royale que notre société de classe leur réserve, ont eu un grand retentissement. Or, si la désertion d’une petite frange de nos élites est un événement, elle masque trop souvent la désertion d’en bas, moins flamboyante mais parfois plus héroïque, des membres de la classe laborieuse. Elle survient actuellement dans tous les secteurs, de la restauration à l’informatique en passant par l’Éducation nationale ou l’associatif. Les démissionnaires d’en bas disent beaucoup du dégoût du travail et de la vie sous le capitalisme. Ils remettent en question avec force la façon dont on produit, dirige et travaille dans ce pays comme ailleurs. Ils sont un groupe dont on ne parle pas mais qui augmente en nombre et dont l’existence est un caillou dans la botte du patronat. Enquête sur la désertion d’en bas.

      Il y a un an, j’ai conclu une rupture conventionnelle et quitté mon dernier CDI. Deux mois plus tard, une amie faisait de même. Six mois plus tard, un autre m’annonçait sa démission. Il y a deux semaines, mon frère a démissionné de son premier CDI, il a vécu ce moment comme une libération. Après des années de brimades et de résistances dans une association, ma belle-mère a fait de même. Autour de moi, au travail, “on se lève et on se casse”. “Félicitations pour ta démission !” est un message que j’envoie plus souvent que “bravo pour ta promotion !” . Le récit du premier rendez-vous Pôle Emploi est devenu, parmi mes proches, plus répandu que celui du prochain entretien d’embauche. Le média en ligne Reporterre nous a informé la semaine dernière que nous n’étions pas les seuls, loin de là. Le phénomène de la « grande démission », qui a concerné aux Etats-Unis autour de 47 millions de personnes, semble toucher la France. L’enquête périodique du ministère du Travail sur les mouvements de main-d’œuvre le confirme : on assiste depuis 2 ans à une augmentation importante des démissions (+20,4% entre le premier trimestre 2022 et le dernier trimestre 2019).

      Ça n’a échappé à personne tant que le matraquage médiatique est intense : des secteurs peinent à recruter, ou perdent du personnel. C’est le cas de la restauration, dont le patronat se plaint, dans Le Figaro, de ne plus oser parler mal à ses salariés de peur qu’ils fassent leur valise. Mais c’est aussi le cas de l’hôpital public ou de l’Education nationale. Les explications médiatiques laissent le plus souvent à désirer : pour le Point, nous aurions perdu le goût de l’effort, tandis que la presse managériale se lamente sur ce problème qui serait générationnel. Ces dernières semaines, le thème de la désertion est essentiellement traité du point de vue d’une petite partie de la jeunesse diplômée et bien née, qui pour des principes éthiques et politiques, refuserait, comme par exemple dans les discours devenus viraux des étudiants d’AgroParisTech dont nous parlions en introduction, de diriger une économie basée sur la destruction de notre habitat pour se reconvertir dans l’agriculture paysanne.

      Mais qu’en est-il de cette désertion du milieu et d’en bas, celle des employés, des cadres subalternes, des fonctionnaires, des techniciens et des exécutants de la société capitaliste qui décident – souvent parce qu’ils n’en peuvent plus – de quitter leur emploi ? Derrière les grands principes, la réalité du travail est exposée dans la cinquantaine de témoignages que nous avons reçue, issus de tous secteurs : la désertion de la classe laborieuse est avant tout une quête de survie individuelle dans un monde du travail absurde et capitaliste. Elle dit beaucoup de la perte de nos outils collectifs de résistance aux injustices, de la solitude des travailleurs dont tout le monde se fout, mais aussi d’un refus puissant de jouer le rôle qu’on nous assigne. La grande démission est-elle une chance à saisir pour changer la société ?

      La démission, une question de survie face à la violence au travail

      Arthur* ne parle pas de « désertion ». Il n’a pas eu l’occasion de faire un discours vibrant lors de sa remise de diplôme. C’est normal, il est devenu apprenti pâtissier dès ses 14 ans et n’a pas eu le temps de souffler depuis. Mais il y a deux mois, il a démissionné de son emploi dans la restauration. Son patron a refusé la rupture conventionnelle, ce dispositif légal qui permet de partir, avec l’accord de son employeur, en échange d’indemnités minimales mais d’un accès aux indemnités chômage. Sa justification ? « Je t’ai appris des valeurs donc tu ne vas pas pointer au chômage ». Parmi les valeurs de ce Père La Morale : l’homophobie, qui a contraint Arthur à devoir cacher sa sexualité, avant d’être poussé au coming out, devant des collègues, par son patron. Dans cette petite entreprise, il a enduré des années de brimades et d’humiliations qui lui ont fait perdre confiance en lui et le goût de son travail. Depuis sa démission, il est sans revenus et a du mal à retrouver un emploi décent. Il n’empêche qu’il vit son départ comme un soulagement, après avoir enduré tête baissée ces années de captivité professionnelle, avec ses horaires décalées, son chef tyrannique et sa paye minimale. Le confinement de 2020 a joué un rôle déterminant dans sa prise de décision : Arthur a enfin eu du temps pour voir ses proches, sa famille, pour s’intéresser à la politique et ainsi, avancer.

      Les problèmes de turnover du secteur de la restauration ne sont quasiment jamais décrits du point de vue d’Arthur et de ses collègues. La presse est entièrement mobilisée pour relayer le point de vue du patronat, qui se plaint d’une pénurie de main-d’œuvre. Arthur rit jaune devant un tel spectacle : « ça me fait autant marrer que ça me dégoûte, m’explique-t-il, et mon patron tenait aussi ce discours de ouin-ouin « il y a un grand turn over plus personne ne veut travailler… » alors qu’on faisait quasiment tous 65h payées 39h ». Le secteur de la restauration est à l’avant-poste de tout ce qui dysfonctionne – ou plutôt fonctionne selon les intérêts du patronat – dans le monde du travail : des salariés isolés, sans représentation syndicale efficace, une hiérarchie omniprésente et intrusive, un travail difficile, en horaires décalés, avec beaucoup d’heures supplémentaires (souvent non payées) et avec peu d’autonomie et où le droit est très peu respecté.

      C’est aussi à cause de la violence généralisée que Yann a quitté plusieurs emplois successifs, dans la manutention puis le bâtiment. Pour lui, le problème venait tout autant de hiérarchies « maltraitantes » que de l’ambiance générale entretenue au sein des entreprises qu’il a connu : « J’avais cette sensation qu’on m’obligeait à bosser avec des personnes que j’aurais détesté fréquenter en dehors, et d’un autre côté qu’on me mettait en compétition avec des gens avec qui j’aurais pu être pote » m’a-t-il raconté. L’ambiance « stupidement viriliste » au travail ne lui convenait pas et il n’a pas trouvé de possibilités d’améliorer les choses.

      La plupart des témoignages reçus viennent confirmer une tendance lourde du monde du travail des années 2020 : si la violence est aussi répandue, c’est parce que la pression au travail s’est accrue, et pèse sur les épaules de toute une partie des effectifs, des managers aux employés de base. L’absence d’empathie des chaînes hiérarchiques semble être devenue la norme, comme nous l’avions déjà décrit dans un précédent article. C’est ainsi que Sara*, responsable de boutique dans une chaîne d’épicerie, a fini par quitter son emploi, après avoir gravi tous les échelons. Déjà éprouvée par la misogynie continuelle qu’elle subissait au quotidien, elle s’est retrouvée seule face à une situation de violence au travail, sans réaction de sa hiérarchie. Dans cette structure jeune, très laxiste sur le droit du travail, elle n’a pas trouvé de soutien face à la pression continuelle qu’elle subissait. Résultat, nous dit-elle, « j’allais au travail la boule au ventre, je faisais énormément de crises d’angoisse chez moi le soir, beaucoup d’insomnies aussi. J’ai un terrain anxieux depuis l’adolescence mais c’était la première fois depuis des années que j’ai ressenti le besoin d’être sous traitement. Je me sentais impuissante et en danger ».

      Ce témoignage est tristement banal : il semblerait qu’en France, les hiérarchies se complaisent dans l’inaction face aux atteintes à la santé des salariés. Il faut dire que les dernières évolutions législatives ont considérablement favorisé cette nouvelle donne. Nous en avons parlé à de multiples reprises : depuis la loi El Khomri de 2016 et les ordonnances travail de 2017, la santé au travail est reléguée au second plan, et le pouvoir du patronat face aux salariés a été considérablement renforcé. Le prix à payer était, jusqu’ici, l’augmentation du mal-être au travail, du burn out ainsi que des accidents, qui fait de la France une triste championne d’Europe de la mortalité au travail.

      La démission et le turn over qui en résultent, ainsi que la difficulté à recruter dans de nombreux secteurs, est désormais le prix que doivent payer les employeurs, et ils ne sont pas contents : peut-être auraient-ils pu y songer quand ils envoyaient toutes leurs organisations représentatives (MEDEF, CPME…) plaider pour détricoter le code du travail auprès des gouvernements successifs.

      La « perte de sens » : une question matérielle et non spirituelle

      Dans les témoignages reçus, la question du sens occupe une place moins grande que celle des (mauvaises) conditions de travail. Là encore, la désertion d’en bas diffère de la désertion d’en haut décrite dans la presse, où la question du sens et des grands principes est centrale. Au point que les grands groupes s’adaptent pour retenir leurs « talents » (c’est comme ça que les cadres sup appellent les autres cadres sup) en se donnant une « raison d’être » qui ne soit pas que la satisfaction de l’appât du gain des actionnaires. Ce dispositif est permis par la loi PACTE depuis 2019, et il ne sert à rien d’autre qu’à faire croire qu’une boîte capitaliste n’est pas seulement capitaliste : elle aime les arbres, aussi. Quand il s’agit du sens au travail, personne n’évoque la politique de “Responsabilité Sociale et Écologique » que les grands groupes affichent fièrement sur des affiches dans le hall du siège social. En revanche, trois cas de figures semblent se dessiner : le sentiment d’absurdité et d’inutilité, le sentiment de ne pas réussir à faire correctement son travail et de voir ses missions dévoyées, et enfin celui de faire un travail nuisible, intrinsèquement mauvais, qu’il convient de quitter pour des raisons politiques et morales.
      1 – L’absurdité au rendez-vous : « qu’on existe ou pas, ça ne change rien »

      Mon frère a quitté une structure associative où il était constamment noyé de boulot… sans savoir à quoi il servait. « J’ai encore une histoire à la The Office à te raconter » avait-il l’habitude de m’écrire. The Office, brillante série américaine, met en scène des salariés qui font toujours autre chose que leur travail, car constamment sollicités par un patron égocentrique et extravagant les entraînant dans un tourbillon de réunions, formations sécurité, séminaires de team building, concours de meilleur employé etc. Mais à la fin, ils servent à quoi, ces gens qui travaillent ? Dans le cas de mon frère, si le sens était altéré, c’était d’abord en raison d’une mauvaise gestion, d’un objet mal défini par un compromis politique reconduit chaque année par un directoire composé d’élus locaux. Il n’empêche que pour mon frère, l’intérêt de son job pour la société n’était pas avéré : « qu’on existe ou pas, ça ne change rien » m’a-t-il dit avant de décider de partir.

      Le thème des « bullshit jobs », ces métiers inutiles et ennuyeux dont l’existence a été brillamment théorisée par l’anthropologue britannique David Graeber, peut expliquer tout un pan du désamour d’une partie des cadres moyens pour leurs professions vides de sens. Pour mon ami A., son activité de consultant s’inscrivait en partie dans ce paradigme-là. Bien sûr, son action avait une utilité pour l’entreprise cliente, car le logiciel qu’il y mettait en place et pour lequel il formait le personnel à une organisation dédiée améliorait vraiment les choses. Mais que faire si l’entreprise elle-même avait une activité absurde ?

      Le capitalisme contemporain, nous dit Graeber, génère une immense aristocratie constituée de services de ressources humaines et de cabinets de consultants, c’est-à-dire de gens dont le travail est de gérer le travail des autres. Forcément, l’utilité ne tombe pas toujours sous le sens. Cette masse de gens qui dépendent de cette économie des services pour le travail n’a cessé de grossir, et ses contradictions génèrent sa propre croissance : dans ces entreprises où les cadres s’ennuient et se demandent à quoi ils servent, il faut faire venir des consultant en bien-être au travail qui vont organiser des ateliers et des cercles de parole pour parler de ce problème.

      Le problème du sentiment d’absurdité au travail, c’est qu’aucune hiérarchie ne tolère qu’il s’exprime librement. Les techniques de management des années 2020 insistent sur la nécessité de l’engagement, en toute bienveillance évidemment : il s’agit d’être sûr que tout le monde adhère à fond au sens de son travail. Ecrire un hymne en l’honneur de l’entreprise, comme A. a été invité à le faire lors d’un week-end de « team building », poster des photos de son travail et de son enthousiasme sur un réseau social interne, comme doivent le faire les salariés d’un grand groupe agroalimentaire où j’ai eu l’occasion de mener une expertise en santé au travail. Le non-engagement est sanctionné : dans cette entreprise, une évaluation comportementale annuelle se penche sur le niveau d’engagement et d’implication des salariés. Le soupir n’est pas de mise. Comment, dans ces conditions, tenir le coup sans devenir un peu fou ? A., comme d’autres consultants qui m’ont écrit, a choisi la démission.
      2 – La qualité empêchée : « j’aimerais juste pouvoir faire mon travail »

      Le sentiment d’absurdité ne peut expliquer à lui seul la succession de démissions et de déception professionnelle. Au contraire, nombre de récits reçus sont ceux de gens qui croyaient en ce qu’ils faisaient mais se sont vu empêcher de mener correctement leurs missions. La question du sens est le plus souvent abordée sous l’angle de la capacité ou non à bien faire son travail. Or, autour de moi et dans les témoignages reçus pour cette enquête, tout le monde semble frappé de ce que les psychologues du travail appellent la « qualité empêchée ».

      L’histoire de Céline*, maîtresse de conférence dans l’université d’une grande ville française, s’inscrit en partie dans ce cadre. Elle aussi a été poussée au départ par une pression administrative constante et l’absence de solidarité de son équipe. Elle a quitté une situation pourtant décrite comme confortable et stable : fonctionnaire, dans l’université publique… Pour elle, son travail est détruit par « les dossiers interminables pour avoir des moyens ou justifier qu’on a bien fait son travail », mais aussi les programmes et l’organisation du travail qui changent constamment et, évidemment, le manque de moyens. Paloma, enseignante dans le secondaire, a pris conscience de son envie de partir lors des confinements, mise face à la désorganisation de l’Education nationale, au niveau du pays comme des deux établissements où elle enseignait. Plus généralement, elle m’a confié que “le plus dur, c’était de constater que les élèves détestent l’école et les profs aussi, et qu’on ne cherche pas à faire réfléchir les élèves ou à développer leur sens critique. Je ne voulais pas contribuer à ça.”

      La question du manque de moyens est omniprésente lorsque l’on discute avec les personnels des services publics. Ce manque, qui se ressent dans la rémunération mais qui transforme toute envie d’agir ou d’améliorer les choses en parcours du combattant face à des gestionnaires omniprésents et tâtillons, brisent l’envie de rester. Les soignant.e.s ne cessent de le répéter, apparemment en vain : « En formation, on apprend que chaque patient est unique et qu’il faut le traiter comme tel, résumait Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers. Mais quand on arrive à l’hôpital, on est face à un processus bien plus industriel, où on n’a pas le temps d’accompagner le patient, d’être à l’écoute. Il y a alors le sentiment de mal faire son travail et une perte de sens ». C’était il y a un an. Désormais, la pénurie de personnel entraîne la fermeture de services d’urgences la nuit, un peu partout en France. Ce sont les patients, et le personnel qui continue malgré tout, qui subissent de plein fouet les départs en masse de l’hôpital public où « la grande démission » n’est pas une légende médiatique.

      Face à ces problèmes très concrets, la question du sens devient presque une opportunité rhétorique pour le gouvernement et les strates hiérarchiques : il faudrait « réenchanter la profession », donner du sens aux métiers du service public à base de communication abstraite, plutôt que de donner les moyens de travailler correctement.
      3 – Le sentiment de faire un travail nocif : ​​”j’étais surtout un maillon de la perpétuation de la violence sociale”

      Hugo* travaillait pour un important bailleur social d’Île-de-France. Désireux de sortir de la précarité continue qu’il connaissait en enchaînant les CDD dans la fonction publique, il est devenu chef de projet dans cette structure, en ayant l’espoir de pouvoir se rendre utile. « J’y suis arrivé plein d’entrain car j’avais à cœur de faire un métier « qui ait du sens » … loger les pauvres, être un maillon de la solidarité sociale, etc ». Il a vite déchanté : « Globalement, je me suis rendu compte que j’étais surtout un maillon de la perpétuation de la violence sociale. In fine, malgré tout l’enrobage du type « bienveillance », « au service des plus démunis », des photos de bambins « de cité » tout sourire, il s’agissait d’encaisser les loyers pour engraisser les actionnaires (c’était un bailleur social privé, pas public). J’ai ainsi participé à une opération de relogement d’une tour de 60 habitants, qui allait être démolie dans le cadre du « renouvellement urbain ». Autant vous dire que les locataires n’étaient pour beaucoup (hormis quelques fonctionnaires communaux ayant encore un peu d’âme) que des numéros. Des « poids » à dégager au plus vite. Toutes les semaines je devais faire un « reporting » sur combien étaient partis, combien il en restait encore, avec un objectif… Je devais faire 3 propositions de logement aux locataires et leur mettre la pression pour qu’ils acceptent, en brandissant la menace de l’expulsion à demi-mot. Je voyais l’angoisse sur le visage des gens. » Hugo a fini par craquer et obtenir – au forceps – une rupture conventionnelle.

      Selma* et Damien* travaillaient aussi dans des professions participant de la façon dont on construit et on habite les villes. La première est urbaniste, le second architecte. Ils ont quitté des métiers pourtant souvent perçus comme intéressants et utiles parce que les effets de leur action leur semblaient vains voire néfastes, sur le plan social et écologique. Pour Selma, les mauvaises conditions de travail liées aux contraintes financières de son entreprise rachetée par un grand groupe sapait la qualité de son travail. Quant à Damien, il déplore les activités de son ancienne agence d’architecture : “Les projets sur lesquels je travaillais étaient très loin de mes convictions : des logements pour des promoteurs, en béton, quasiment aucune réflexion sur l’écologie (au-delà des normes thermiques obligatoires). Je faisais partie d’une organisation qui construisait des logements dans le seul but de faire de l’argent pour les promoteurs avec qui je travaillais.” Sa conclusion est sans appel : “Globalement, j’en suis arrivé à la conclusion que nous allions tous dans le mur (écologique). Les villes seront bientôt invivables, ne sont pas résilientes au changement climatique (essayez de passer un été sans clim à Strasbourg). J’ai constaté que j’étais totalement impuissant pour changer un tant soit peu les choses.”

      Les personnes qui travaillent dans des domaines d’activité nocifs à la société et qui en souffrent évoluent dans une contradiction forte, qui se termine souvent par un départ, faute d’avoir pu faire changer les choses de l’intérieur. Le manque d’autonomie conjugué à la quête de sens peut expliquer le nombre croissant de démissions et la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs (le nucléaire, par exemple, a de grosses difficultés à recruter – étonnant, non ?). Chercher du sens dans son travail pose néanmoins une question de ressources : la stabilité économique doit d’abord être garantie, et la majeure partie de la classe laborieuse n’a pas le luxe de s’offrir le sens et la sécurité tout à la fois.
      La démission : une forme (désespérée) de protestation au travail ?

      Je repense à mes départs successifs (trois, au total : un non-renouvellement de CDD, une démission, une rupture conventionnelle) avec soulagement mais aussi une pointe de culpabilité. Quitter un emploi, c’est laisser derrière soi des collègues que l’on appréciait, avec qui l’on riait mais aussi avec qui on luttait. Deux de mes départs ont été le résultat de petites ou de grosses défaites collectives, accompagné d’un dégoût ou d’un désintérêt pour des secteurs ou des entreprises que j’estimais impossibles, en l’état du rapport de force, à changer. J’ai donc demandé à toutes les personnes qui m’ont raconté leur démission si elles avaient tenté de changer les choses de l’intérieur, et comment cela s’était passé. La majeure partie des personnes qui m’ont répondu ont tenté de se battre. En questionnant la hiérarchie sur les conditions de travail, en réclamant justice, en poussant la structure à s’interroger sur le sens de son action et de ses missions… en vain.

      Les situations les plus désespérées en la matière m’ont sans doute été racontées de la part de démissionnaires du monde associatif. Les associations, des structures où l’on exerce en théorie des métiers qui ont du sens… et qui sont progressivement vidées de leur essence par des hiérarchies calamiteuses, des conditions de travail très dégradées, des logiques néolibérales et gestionnaires qui viennent s’appliquer au forceps, contre l’intérêt des salariés et des usagers… Et le pire, c’est que le discours du sens y est devenu une arme mobilisée par le patronat associatif pour mater les salariés récalcitrants en leur opposant la noblesse de leur mission et la nécessité de ne pas y déroger pour ne pas nuire aux usagers. Antoine, démissionnaire d’une association d’éducation populaire dans l’ouest de la France, résume bien la situation : “dans l’associatif, la répression syndicale est super forte, joli combo avec le côté « on est dans une association alors on est toustes des gens biens et militants donc ça se fait pas de parler de domination”, qui décourage pas mal à se mobiliser…”.

      Il y a des secteurs qui sont structurellement moins propices à la résistance salariale collective, et l’associatif en fait partie, et pas seulement à cause du discours évoqué par Antoine. Le syndicat ASSO, la branche de Solidaires dédié aux salariés de l’associatif, rappelle qu’il s’agit d’un secteur “très atomisé, où nombre de salarié.e.s se trouvent seul.e.s dans de très petites structures : plus de 80 % des associations emploient moins de 10 salarié.e.s. L’organisation d’élections n’est pas obligatoire selon le code du travail pour les structures de moins de 10 salarié.e.s (6 pour la Convention de l’animation). Très peu de salarié.e.s ont une voix officielle, via un représentant.e du personnel, pour participer aux discussions sur leurs conditions de travail et pas d’appuis en interne en cas de conflit.” Par ailleurs, “près de 30% des salarié.e.s associatifs ne sont pas couverts par une convention collective (contre 8% dans le secteur privé marchand)”. On part donc de plus loin, quand on est salarié de l’associatif, que d’autres, pour améliorer les choses. Mais c’est le cas, d’une façon générale, dans l’ensemble des secteurs du pays qui ont tous subi d’importants reculs en matière de rapport de force salarial. Partout, le patronat est sorti renforcé des différentes réformes gouvernementales.

      C’est le cas à la SNCF, dont le personnel est massivement sur le départ depuis 2018, date de la réforme ferroviaire et d’une longue grève brisée par Macron et Borne, alors ministre des Transports et depuis Première ministre. En 2019, les départs ont augmenté de 40% par rapport à 2018, et ils suivent depuis le même rythme. La direction de la SNCF a tout fait pour briser les collectifs de travail, atomiser les salariés et modifier leurs conditions de travail. Dans Libération, les cheminots racontent comment la fin de leur statut a mis fin, entre autres, à la retraite garantie à 55 ans, compensation d’un rythme de travail épuisant.

      Difficile de résister quand les syndicats sont de moins en moins présents et nombreux. Yann, notre manutentionnaire démissionnaire, s’en prend quant à lui à la perte de culture du rapport de force chez ses collègues : « J’ai 35 ans et j’ai entendu de plus de plus les discours managériaux et les exigences patronales dans la bouche des ouvriers. C’est d’une déprime… Rien à prendre aussi du côté des « anciens » avec des dos défoncés qui ressassent des discours du type « on se plaignait pas avant », « les jeunes veulent plus rien faire »… ». Le problème dépasse largement, selon Yann, la culture de son ex-entreprise. Il s’étonne : “C’est fou que le sujet du malheur au travail ne soit quasiment jamais abordé à part par le côté clinique des burn out. Le sujet est absent de toutes les dernières campagnes électorales.”

      La solitude et la désunion, ou du moins l’absence de culture du rapport de force au travail, est une réalité qu’il est facile d’éprouver : la baisse continue des effectifs syndicaux n’en est que l’illustration statistique la plus flagrante. La démission devient alors une façon de mettre le collectif face à ses contradictions, d’interpeller collègues, direction et la société plus globalement sur les injustices qui s’accumulent. C’est un peu ce que concluait mon amie Orianne, infirmière à l’AP-HP et depuis en disponibilité pour exercer dans le privé. Comme des milliers de soignant.e.s en France, elle a déserté des hôpitaux publics détraqués par les gouvernements successifs – et celui-ci en particulier. Membre du collectif InterUrgences, Orianne s’est pourtant battue pendant plusieurs années, avec ses collègues, pour obtenir une revalorisation salariale et de meilleures conditions de travail, globalement en vain. Les applaudissements aux fenêtres durant le premier confinement n’auront donc pas suffi : le départ a été pour elle une issue personnelle et, dans un sens, collective ; face au manque de soignant.e.s, le gouvernement va-t-il finir par réagir ?

      De là à dire que la démission est une forme radicale et individuelle de grève, il n’y a qu’un pas que nous franchirons pas : car les grèves renforcent le collectif, soudent les collègues autour d’un objectif commun alors que la démission vous laisse le plus souvent seul, même si des effets collectifs peuvent se créer. Antoine a bon espoir que sa démission ait un peu secoué les choses : “mon départ a pas mal remué le Conseil d’Administration de mon association qui a prévu un gros travail sur la direction collégiale entre autres. A voir si cela bouge en termes de fonctionnement interne”, me dit-il. Lorsque mon frère a quitté son association, il s’est demandé si ses supérieurs hiérarchiques allaient “se remettre en question”. Je lui ai plutôt conseillé de ne pas en attendre grand-chose : les hiérarchies sont généralement expertes pour ne pas se remettre en question. Les “départs” sont évoqués, dans les entreprises, avec une grande pudeur, voire carrément mis de côté ou rangés du côté des fameux “motifs personnels” qui sont la réponse préférée des hiérarchies aux manifestations de la souffrance au travail.
      La quête (vaine ?) d’un ailleurs

      “Si ça continue, je vais partir élever des chèvres dans le Larzac moi” : c’est une phrase que j’ai souvent entendu, cliché du changement de vie après des déceptions professionnelles. Force est de constater que ce n’est pas la route empruntée par la plupart des démissionnaires, sinon les départements de la Lozère ou de l’Ariège auraient fait un signalement statistique. La plupart des personnes qui ont témoigné au cours de cette enquête ont des aspirations plus modestes : trouver un emploi avec des horaires moins difficiles, quitter une entreprise toxique, prendre le temps de réfléchir à la suite ou devenir indépendant.

      La reconversion agricole ou la reconversion tout court restent des possibilités accessibles à une minorité de personnes, en raison du temps et de l’argent que cela requiert. Yann, à nouveau, a tout résumé : “J’entends souvent le type de discours sur la perte de sens des CSP+ qui rêvent d’ouvrir un food truck ou un salon de massage, et ça m’irrite au plus haut point. Quand on est cadre, on a le capital financier/scolaire et le réseau pour faire autre chose. C’est nettement plus difficile quand on est préparateur de commande”. Mon compagnon fait partie de celles et ceux qui ont choisi la reconversion agricole comme planche de salut après des expériences désastreuses dans d’autres secteurs de l’économie. Il est le premier à relativiser le discours qui fait de l’agriculture un “ailleurs” au capitalisme . Ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’il a franchi ce cap, mais bien en raison d’un désir de vivre à la campagne, loin de la ville et dans un secteur qui l’intéressait davantage. Mais pour lui ce n’est pas une “alternative” au capitalisme, et c’est loin d’être une activité qu’il conseillerait à toutes celles et ceux qui veulent déserter les bureaux ou les entrepôts de la vie capitaliste : “C’est dur et tu gagnes mal ta vie”.

      Loin de l’image d’Epinal de la reconversion agricole enchantée où l’on vit d’amour et d’eau fraîche dans des cabanes dans les bois, façon vidéo Brut, l’agriculture, même biologique, s’insère dans un marché et dans des rapports de force qui sont tout sauf anticapitalistes. Le poids politique de l’agriculture intensive, le règne de la FNSEA, le principal lobby agro-industriel qui impose ses vues à tout le monde, avec le soutien du gouvernement, ne font pas de ce secteur un endroit apaisé et éloigné des turpitudes décrites précédemment.

      J’ai voulu un temps m’y lancer moi aussi (depuis, je me contente d’être vendeur au marché, ce qui me convient très bien) et j’ai vu, lors des formations que je suivais, l’attraction que le secteur exerçait sur de nombreux salariés désireux de changer, littéralement, d’horizon. J’ai vu ceux d’en bas, qui luttaient pour obtenir un lopin de terre à peine cultivable, et ceux d’en haut, qui rachètent des domaines immenses, font creuser des étangs et plantent le jardin bio-permaculture de leur rêve – pardon, font planter par des ouvriers agricoles – et semblent y jouer une vie, comme Marie-Antoinette dans la fausse fermette construite pour elle dans les jardins de Versailles. Puis ils s’étonnent que la population locale ne les accueille pas à bras ouverts… Bref, le monde agricole n’est pas un ailleurs, il est une autre partie du capitalisme où il faut lutter – même si le paysage y est souvent plus beau. Et d’ailleurs, les agriculteurs démissionnent aussi – de leur métier ou, c’est une réalité tragique, de leur propre vie. Les exploitants agricoles ont malheureusement la mortalité par suicide la plus élevée de toutes les catégories sociales.

      S’il y a bien un désir qui réunit la majeure partie des démissionnaires à qui j’ai parlé, et qui m’a moi-même animé, c’est celui de sortir du lien de subordination et du monde étouffant de l’entreprise en devenant indépendant. Ce désir d’indépendance, souvent snobé, quand on est de gauche, car il s’apparenterait à de la soumission déguisée en autonomie entrepreneuriale, n’est pourtant pas vécu comme un “projet” disruptif et capitaliste. Bien au contraire, les gens qui choisissent la voie de “l’auto-entrepreneuriat” et du freelance savent que c’est aussi une précarité économique que l’on peut vivre si on en a les moyens : quelques économies, un niveau de qualification suffisant, un petit réseau… Mais parfois, après avoir subi la violence du lien hiérarchique, on peut s’en contenter si c’est une possibilité. Mohamed, ingénieur, résume ce qui, pour lui, mène à l’envie d’indépendance, et qui résulte directement des impasses structurelles du travail sous le capitalisme contemporain : “Je n’ai que trois possibilités : faire partie d’un grand groupe (Atos, Orange, Thales, etc.), pire solution car travaillant exclusivement pour des actionnaires avec un boulot qui n’a aucun sens. Repartir en PME, ce qui est très bien pour 5 ans maximum mais on finit toujours par se faire racheter par les gros. Ou devenir indépendant.” Mais pour beaucoup, après la démission, c’est la quête d’un boulot salarié “moins pire” qui reste le seul choix possible.

      Démissionnaires de tous les secteurs, unissons-nous !

      Poussés dehors par des entreprises et des services publics de plus en plus macronisés (c’est-à-dire où la violence des rapports humains, la fausseté du discours et la satisfaction des actionnaires ou des gestionnaires prennent toute la place), nous sommes amenés à chercher des recours possibles pour mener une vie plus tranquille, un peu à l’égard de la guerre que le capitalisme nous mène. Mais l’ailleurs n’existe pas, ou bien il implique des choix de vie radicaux et sacrificiels. “Je me demande s’il y a moyen de dire fuck à la société capitaliste sans devenir un primitiviste babos qui ne se lave plus”, me résumait cette semaine mon frère, sans pitié. Franchement, sans doute pas. On peut s’épargner des souffrances inutiles en refusant le salariat, des boulots absurdes et profondément aliénants – quand on le peut – mais partout où on l’on se trouve, il faut lutter.

      Ce constat serait plombant si j’étais le seul à avoir quitté à répétition mes derniers emplois. Mais ce n’est pas le cas. Nous, démissionnaires, sommes des dizaines de milliers. Nous, les rescapés des ruptures conventionnelles, les démissionnaires sans allocations, les abandonneurs de postes, rejoignons chaque jour le cortège ordinaire des licenciés, des en-incapacité-de-travailler, des accidentés, des malades, de tous ceux qui ont été exclus ou se sont exclus du cursus honorum que le capitalisme accorde à celles et ceux qui ne font pas partie de la classe bourgeoise : baisse la tête, obéis au chef, endette-toi, fais réparer ta voiture et peut-être qu’à 40 ans tu seras propriétaire de ton logement.

      Nous, démissionnaires, sommes si nombreux et si divers. Les écœurés du virilisme des chantiers comme Yann, les saoulées du sexisme de boutique comme Sara, les rescapés de la brutalité patronale comme Arthur, les Selma et Damien qui ne veulent pas nuire aux habitants en faisant de la merde, les Céline, Paloma et Orianne qui n’ont pas rejoint le service public pour maltraiter élèves et patients mais aussi les Mohamed, les Hugo qui ne veulent pas engraisser des actionnaires en faisant de l’abattage de dossier pour gonfler les chiffres… Démissionnaires = révolutionnaires ? En tout cas, leur démission est une preuve de non-adhésion au système capitaliste.

      Démissionnaires de tous les secteurs : vous n’êtes pas seuls, nous sommes des milliers, et notre existence fait le procès de l’entreprise capitaliste. Notre amour du travail bien fait, de la justice et de la solidarité sont incompatibles avec la façon dont le capitalisme transforme nos activités, même celles qui en sont a priori le plus éloignées. Démissionnaires de tous les secteurs : unissons-nous !

      https://www.frustrationmagazine.fr/enquete-desertion

      #désertion #désertion_d'en_bas #démissionnaires #travail

  • Le #foncier_agricole dans une société urbaine : #Innovations et enjeux de #justice

    Résumé : Dans des sociétés de plus en plus urbaines, l’aménagement des espaces agricoles redevient d’actualité. La gestion durable du foncier apparaît comme un principe pour soutenir l’adaptation de l’agriculture à la proximité urbaine et aux attentes de la société en matière d’alimentation, de paysage, d’environnement, d’insertion sociale et de revitalisation des territoires ruraux. Les acteurs locaux innovent. Un enjeu majeur dans ces innovations est d’articuler justice sociale et préservation de l’environnement. C’est la thèse développée ici à travers différentes études de cas. Cet ouvrage présente une série d’initiatives locales de gestion publique du foncier et du bâti agricoles, en #France méditerranéenne, en #Suisse, en #Italie et en #Algérie. Replacées dans leur contexte territorial, ces initiatives témoignent de nouveaux agencements spatiaux, de nouvelles relations entre acteurs urbains et agricoles. Elles sont analysées à travers deux prismes : celui de l’innovation, pour éclairer la part du « nouveau » dans les processus de changement, et celui des enjeux de justice, pour montrer les répercussions sociales de ces changements. Ce livre combine des regards disciplinaires pluriels, en géographie, sociologie, urbanisme, architecture et économie. Il s’adresse à la communauté scientifique, aux étudiants et aux décideurs intéressés par le foncier agricole, l’aménagement rural et l’urbanisme.

    https://hal.inrae.fr/hal-02945439
    #livre #foncier

  • #grenoble : des Minibox pour garer son #Vélo en toute sécurité en bas de chez soi
    http://carfree.fr/index.php/2021/04/20/grenoble-des-minibox-pour-garer-son-velo-en-toute-securite-en-bas-de-chez-so

    La Métropole de Grenoble et Métrovélo proposent depuis 2018 une nouvelle solution de #stationnement pour les vélos : les Minibox. Ces installations inédites en France prennent la forme de petites boites Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #innovations

  • Bribes d’autres voies :

    "L’idée choc étudiée en Islande : et si on retirait aux banques la capacité de créer de la monnaie ?" http://www.latribune.fr/economie/international/l-idee-choc-etudiee-en-islande-et-si-on-retirait-aux-banques-la-capacite-d

    "La révolution du système monétaire en Islande peut-être pour demain" https://mrmondialisation.org/une-revolution-du-systeme-monetaire-en-islande

    "L’Islande envisage une révolution monétaire" http://www.gaullistelibre.com/2015/04/lislande-envisage-une-revolution.html

    "L’Islande a laissé ses banques faire faillite, et jeté des banquiers en prison. Et voici ce qui s’est produit" http://www.express.be/business/fr/economy/lislande-a-laisse-ses-banques-faire-faillite-et-jete-des-banquiers-en-prison-et-voici-ce-qui-sest-produit/214182.htm

    "Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur l’Islande post-crise : France 2 réécrit l’histoire" http://www.acrimed.org/article4652.html

    Des Pirates à l’assaut de l’Islande, par Philippe Descamps (Le Monde diplomatique, octobre 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/10/DESCAMPS/56432

    #Islande #Monnaie
    http://zinc.mondediplo.net/messages/9951#message14442

    Le banquier, l’anarchiste et le bitcoin, par Edward Castleton (Le Monde diplomatique, mars 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/CASTLETON/54957
    #Monnaie #Innovations #Alternatives #Socialisme #Finance

    –Et si la banque centrale nous faisait un joli cadeau pour Noël ?
    http://www.lenouveleconomiste.fr/et-si-la-banque-centrale-nous-faisait-un-joli-cadeau-pour-noel%e2

    « Pourquoi pas la rediriger vers les ménages, et des investissements utiles par exemple pour ralentir le réchauffement climatique, sujet qui est, paraît-il, d’une actualité brûlante : cet argent pourrait aider les gens à isoler leur maison ou acheter un véhicule électrique ?

    Et, justement, le site européen QE4People (http://www.qe4people.eu) vient de lancer une pétition dans ce sens, déjà signée par 71 économistes. Il a calculé que si la monnaie créée par la BCE était destinée aux ménages, cela ferait 175 euros par citoyen européen par mois.

    Le 23 septembre devant le Parlement européen, le président de la banque centrale n’a pas dit non a priori, a même dit que l’idée était étudiée, y compris par la BCE, mais qu’il fallait regarder si elle était compatible avec les traités européens (lesquels ne disent rien à ce sujet) »

    #BCE #UE #BCE_QE

    Les banques centrales envisagent de distribuer de l’argent aux gens - Express [FR]
    http://fr.express.live/2016/03/31/les-banques-centrales-envisagent-de-distribuer-de-largent-aux-gens
    http://fr.express.live/wp-content/uploads/sites/2/2016/03/000_WAS2005010725401.jpg

    -"Les banques centrales du monde envisagent de plus en plus d’employer une stratégie appelée “hélicoptère monétaire“, qui consiste à imprimer de l’argent pour le distribuer directement au secteur privé (entreprises ou ménages) afin de stimuler l’activité économique et la demande, rapporte le blog américain The Economic Collapse." ;
    –"Cette réflexion est révélatrice de l’inquiétude qui règne, face aux faibles résultats obtenus par les instruments de politiques monétaires traditionnels, écrit-il. Depuis 2008, les banques centrales ont en effet réduit 637 fois les taux d’intérêt, et injecté 12.300 milliards de dollars dans l’économie mondiale au travers de multiples politiques d’assouplissement quantitatif (“QE”). Mais la croissance est restée anémique, tandis que les dettes souveraines ont explosé. En Europe, 16 pays sont entrés en déflation."

    #Monnaie #Hélicoptère_monétaire


    Les Suisses voteront pour ôter aux banques leur pouvoir de création monétaire. Par Romaric Godin
    http://www.latribune.fr/economie/international/les-suisses-voteront-pour-oter-aux-banques-leur-pouvoir-de-creation-moneta

    -"Cette initiative dispose du soutien de plusieurs économistes, suisses et européens. Mais elle fait, on s’en doute, l’objet de vives critiques de la part du secteur bancaire helvétique, qui est, avec près de 12 % du PIB suisse, un des piliers de l’économie nationale. Mais Reinhold Harringer estime que l’initiative va permettre au secteur de revenir à une activité « plus traditionnelle et plus solide. » Il cite le cas de banques comme la banque postale suisse, qui, sans avoir la possibilité de créer de la monnaie, réalisent de bons bénéfices. Reste que, pour les géants bancaires comme Credit Suisse ou UBS, qui vivent sur les activités de marché, le coup pourrait être rude et ils pourraient ainsi décider de quitter le pays. Mais l’initiative semble viser un changement de système : mieux vaut des banques plus modestes, mais plus utiles, que des géants bancaires instables et qui font peser un risque continuel sur les comptes publics." ;
    –"L’initiative n’est, il est vrai, pas fondée sur du sable. Elle s’inscrit dans une longue histoire. C’est, dans les années 1930, l’économiste Irving Fisher, qui avait lancé la proposition dans le cadre du « plan de Chicago » proposé au président Franklin Delano Roosevelt. Ce dernier a rejeté cette proposition, mais elle a été reprise par plusieurs économistes, dont le monétariste Milton Friedman. Cette idée a cependant été progressivement oubliée sous le triomphe de la financiarisation de l’économie. C’est la crise de 2007-2008 qui la fait revivre avec notamment une étude de deux économistes du FMI, Jaromir Benes et Michael Kumhof, qui reprennent et valident les thèses d’Irving Fisher, voyant dans le retrait aux banques de la création monétaire, un moyen de dynamiser la croissance en réduisant les risques de crise." ;

    #QU #Islande #Suisse #Monnaie #Banque_Centrale #Politique_monétaire #Economie #Banques #Finance #Bulles_spéculatives #Crédit

    –-"Ni protectionnisme, ni néolibéralisme mais une « relocalisation ouverte », base d’une nouvelle internationale" - Basta !
    http://www.bastamag.net/Ni-protectionnisme-ni-neoliberalisme-mais-une-relocalisation-ouverte-base-

    Décevant de voir ici une rhétorique usée jusqu’à la corde par les orthodoxes médiatiques : homme de paille et anathèmes. Ce qui donne : #Protectionnisme égal repli-sur-soi-égoiste-entretenant-la-logique de-compétition-de-tous-contre-(presque)-tous.

    A part ça, plus intéressant :

    -"Or, l’enjeu n’est pas de trouver des palliatifs pour adoucir la tyrannie de l’économie, ni de réguler l’économie. Il s’agit bien de sortir la religion de l’économie, de nous libérer de ces addictions, de faire des « pas-de-côté » et de questionner le sens de nos productions bien plus que d’en protéger leur localisation." ;

    –" Il s’agit de sortir de la logique de l’économie toute puissante. En finir avec une économie décisionnaire de nos vies" ;

    –"L’enjeu est de revenir à de vraies questions. Celles du sens de nos vies" ;

    –"Est-ce à dire que toutes les idées derrière le terme de protectionnisme sont inutiles ? Non, si nous en utilisons certaines comme des outils de transition au service d’une relocalisation désormais nécessaire de l’économie, mais dans une logique d’ouverture et d’altruisme, de dialogue et de manière concertée."
    (Bon, soit je manque d’attention soit il aurait fallu commencer par faire le tri, je ne sais pas.) ;

    –"La relocalisation ouverte signifie clairement la remise en cause du primat de l’économie, du travail comme valeurs centrales de nos sociétés mais aussi la repolitisation de la société afin que nos sociétés deviennent autonomes et responsables.

    « La folle valse des crevettes, pêchées au Danemark et décortiquées au Maroc pour des raisons de coût de main d’œuvre, ou le yaourt à la fraise dont les ingrédients parcouraient en 1992 plus de 9 000 kilomètres, ont contribué à construire chez moi un certain scepticisme sur la marche du monde », rappelle l’ingénieur Philippe Bihouix" ;

    –"On pourrait par exemple penser les limites par des distances au lieu des frontières, et ainsi donner naissance à des territoires superposés et reliés, au lieu de territoires juxtaposés et étrangers. C’est ce que l’on voit apparaître avec les projets dits transfrontaliers qui s’inscrivent dans des territoires écologique et de vie."

    Poulet ivoirien : la filière se remplume
    https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/poulet-ivoirien-la-filiere-se-remplume_2732591.html
    #Afrique #Agriculture #Protectionnisme

    –-
    #Alternatives #Innovations

    alternatives | Mr Mondialisation
    https://mrmondialisation.org/tag/alternatives

    La carte de France des alternatives écologiques et sociales - Basta !
    http://www.bastamag.net/La-carte-de-France-des

    Alternatives concrètes - Basta !
    http://www.bastamag.net/Alternatives-concretes

    Inventer - Basta !
    http://www.bastamag.net/Inventer

    #Démocratie #Institutions :
    #DataGueule S4E14 - Démocratie représentative : suffrage, Ô désespoir ! IRL
    http://irl.nouvelles-ecritures.francetv.fr/datagueule-S4E14-1.

    Un processus de vote pour faire de Nuit Debout une réelle démocratie participative – Gazette debout
    https://gazettedebout.org/2016/05/07/un-processus-de-vote-pour-faire-de-nuit-debout-une-reelle-democratiqu

    Aux urnes, citoyens : si l’élection présidentielle avait eu lieu au jugement majoritaire, voilà qui serait le président | Atlantico.fr (Le titre est trompeur)
    http://www.atlantico.fr/decryptage/aux-urnes-citoyens-election-presidentielle-avait-eu-lieu-au-jugement-major

    Noter pour mieux voter ?, par Charles Perragin (Le Monde diplomatique, octobre 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/10/PERRAGIN/58013
    #Sciences_Politiques #Sondages

    "« Au-delà de la qualification au second tour, le premier tour de la présidentielle donne aussi une photographie des rapports de forces entre les familles politiques, ainsi que l’importance de divers enjeux de société (écologie, immigration, sécurité…). Cette photographie sera importante pour la suite, non seulement pour négocier des portefeuilles ministériels ou des alliances aux élections suivantes, mais plus généralement pour la perception que la société a d’elle-même », rappelle Karine van der Straeten, de l’École d’économie de Toulouse.

    Selon le politiste Nicolas Sauger, dont le travail s’articule autour des transformations historiques de la compétition politique, « [...] Il faut garder à l’esprit qu’un mode de scrutin différent aurait aussi des répercussions en amont, sur les discours politiques, la structure des partis et, plus généralement, sur la façon de faire de la politique ». On peut aussi s’interroger sur la façon dont une presse avide de spectacle et de prescriptions pourrait s’en saisir."

    Pour la république sociale, par Frédéric Lordon (Le Monde diplomatique, mars 2016)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2016/03/LORDON/54925

    Et si l’on refondait le droit du travail…, par Alain Supiot (Le Monde diplomatique, octobre 2017)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/10/SUPIOT/58009

    #Islande
    http://zinc.mondediplo.net/messages/4349

  • #Police attitude, 60 ans de #maintien_de_l'ordre - Documentaire

    Ce film part d´un moment historique : en 2018-2019, après des affrontements violents entre forces de l´ordre et manifestants, pour la première fois la conception du maintien de l´ordre a fait l´objet de très fortes critiques et d´interrogations insistantes : quelle conception du maintien de l´ordre entraîne des blessures aussi mutilante ? N´y a t-il pas d´autres manières de faire ? Est-ce digne d´un État démocratique ? Et comment font les autres ? Pour répondre à ces questions, nous sommes revenus en arrière, traversant la question du maintien de l´ordre en contexte de manifestation depuis les années 60. Pas seulement en France, mais aussi chez nos voisins allemands et britanniques, qui depuis les années 2000 ont sérieusement repensé leur doctrine du maintien de l´ordre. Pendant ce temps, dans notre pays les autorités politiques et les forces de l´ordre, partageant la même confiance dans l´excellence d´un maintien de l´ordre « à la française » et dans le bien-fondé de l´armement qui lui est lié, ne jugeaient pas nécessaire de repenser la doctrine. Pire, ce faisant c´est la prétendue « doctrine » elle-même qui se voyait de plus en plus contredite par la réalité d´un maintien de l´ordre musclé qui devenait la seule réponse française aux nouveaux contestataires - lesquels certes ne rechignent pas devant la violence, et c´est le défi nouveau qui se pose au maintien de l´ordre. Que nous apprend in fine cette traversée de l´Histoire ? Les approches alternatives du maintien de l´ordre préférées chez nos voisins anglo-saxons ne sont sans doute pas infaillibles, mais elles ont le mérite de dessiner un horizon du maintien de l´ordre centré sur un rapport pacifié aux citoyens quand nous continuons, nous, à privilégier l´ordre et la Loi, quitte à admettre une quantité non négligeable de #violence.

    https://www.dailymotion.com/video/x7xhmcw


    #France #violences_policières
    #film #film_documentaire #Stéphane_Roché #histoire #morts_de_Charonne #Charonne #répression #mai_68 #matraque #contact #blessures #fractures #armes #CRS #haie_d'honneur #sang #fonction_républicaine #Maurice_Grimaud #déontologie #équilibre #fermeté #affrontements #surenchère #désescalade_de_la_violence #retenue #force #ajustement_de_la_force #guerilla_urbaine #CNEFG #Saint-Astier #professionnalisation #contact_direct #doctrine #maintien_de_l'ordre_à_la_française #unités_spécialisées #gendarmes_mobiles #proportionnalité #maintien_à_distance #distance #Allemagne #Royaume-Uni #policing_by_consent #UK #Angleterre #Allemagne #police_militarisée #Irlande_du_Nord #Baton_rounds #armes #armes_à_feu #brigades_anti-émeutes #morts #décès #manifestations #contestation #voltigeurs_motoportés #rapidité #23_mars_1979 #escalade #usage_proportionné_de_la_force #Brokdorf #liberté_de_manifester #innovations_techniques #voltigeurs #soulèvement_de_la_jeunesse #Malik_Oussekine #acharnement #communication #premier_mai_révolutionnaire #Berlin #1er_mai_révolutionnaire #confrontation_violente #doctrine_de_la_désescalade #émeutes #G8 #Gênes #Good_practice_for_dialogue_and_communication (#godiac) #projet_Godiac #renseignement #état_d'urgence #BAC #brigades_anti-criminalité #2005 #émeutes_urbaines #régime_de_l'émeute #banlieue #LBD #flashball #lanceur_de_balles_à_distance #LBD_40 #neutralisation #mutilations #grenades #grenade_offensive #barrage_de_Sivens #Sivens #Rémi_Fraisse #grenade_lacrymogène_instantanée #cortège_de_tête #black_bloc #black_blocs #gilets_jaunes #insurrection #détachement_d'action_rapide (#DAR) #réactivité #mobilité #gestion_de_foule #glissement #Brigades_de_répression_des_actions_violentes_motorisées (#BRAV-M) #foule #contrôle_de_la_foule #respect_de_la_loi #hantise_de_l'insurrection #adaptation #doctrine #guerre_civile #défiance #démocratie #forces_de_l'ordre #crise_politique

  • Terrestrial Revolutionary Aircraft International Network
    http://carfree.fr/index.php/2020/06/10/terrestrial-revolutionary-aircraft-international-network

    Nouvelle pluie de milliards en perspective pour l’industrie aéronautique avec l’inénarrable #bruno_le_maire qui annonce un « plan de soutien » à la filière de 15 milliards d’euros et, dans l’euphorie, Lire la suite...

    #Alternatives_à_la_voiture #Transports_publics #art #avions #carbone #CO2 #critique #humour #industrie #innovations #trains #transports_en_commun

  • Accompagner la #transformation_numérique et enrichir les modes traditionnels d’enseignement : j’annonce en lien avec le @SGPI_avenir le lancement d’un #appel_à_projets « #Hybridation_des_formations ».

    https://twitter.com/VidalFrederique/status/1268920823718588418

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    Appel à projets sur l’hybridation des formations d’enseignement supérieur

    La #crise_sanitaire actuelle et ses impacts sur la #rentrée_2020 nécessitent de repenser l’intégralité des #modes_d’enseignement pour concourir à la réussite des étudiants, peu habitués à ces modalités de formation, et pour permettre le développement de #nouvelles_compétences_pédagogiques_numériques pour les enseignants.

    L’appel à projets « Hybridation des formations » répondra à deux cas de figure :

    – L’extension du champ d’action et ou le soutien supplémentaire à des projets d’ores et déjà sélectionnés dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir en matière d’enseignement supérieur et de recherche (principalement les NCU, IDEFI/IDEFI-N, DUNE ou #Disrupt_Campus) ;
    – La détection puis le soutien à des initiatives qui n’ont pas encore fait l’objet d’une #labellisation #PIA mais qui visent à accompagner la transformation numérique de l’enseignement supérieur en enrichissant les #modes_traditionnels d’enseignement.

    Dans les deux cas, il s’agit d’accompagner les établissements d’enseignement supérieur pour réussir cette rentrée dans les meilleures conditions possibles et de soutenir financièrement le développement de cursus diplômant complet, à partir de #ressources_pédagogiques mutualisées et modulaires qui permettront aux étudiants en formation initiale comme en formation continue de construire leurs parcours de formation.

    Qu’ils s’appuient sur un projet déjà soutenu dans le cadre du PIA ou non, les établissements et leurs #partenaires du secteur de la #EdTech devront faire la démonstration, d’une part, de leur capacité à mettre en œuvre une #transformation_pédagogique et numérique et, d’autre part, de l’#efficacité de leur modèle d’#organisation_pédagogique_hybride. Cette #démonstration se traduira par la création de solutions de #formation_à_distance ou hybrides pour la rentrée 2020-2021 ou en #flux_tendu pendant l’année pour une utilisation en 2020-2021.

    Il s’agira également d’accompagner en priorité la création de modules de formation pour le #premier_cycle post-bac, que celui-ci soit proposé par les universités (licences, licences professionnelles, DUT) ou les écoles (premier cycle préparatoire). Pour ces dernières, seules les préparations à des formations bénéficiant d’une reconnaissance de l’Etat (visa ou grade) seront éligibles au dispositif.

    La sélection de ces projets se fera à travers un dialogue pour valider et accompagner la démarche des porteurs de projet et de leurs partenaires publics ou privés (EdTech) : les établissements devront rédiger une note synthétique de 10 pages faisant état de leur capacité à respecter le cahier des charges de l’appel à projets et précisant si les projets reposent ou non sur un objet d’#excellence déjà sélectionné. Le comité de sélection animera ce dialogue afin d’affiner les besoins des établissements, de vérifier leur capacité à enrichir les #ressources_pédagogiques déjà disponibles et à rendre les dispositifs les plus efficients possibles.

    https://anr.fr/fr/investissements-davenir/appels-a-projets-en-cours/appel-a-projets-sur-lhybridation-des-formations-denseignement-superieur

    #France #Vidal #Frédérique_Vidal #ESR #enseignement_supérieur #université #stratégie_du_choc #le_monde_d'après #distanciel #présentiel #enseignement_à_distance #ANR #pédagogie

    Quand on sait que dans mon université, à Grenoble, qui est une fac très bien dotée par rapport à d’autres, où il manque du papier toilettes et l’eau courante, on n’a pas d’argent pour remplacer les vidéoprojecteurs qui ne marchent plus............

    • ENTRETIEN. « Des #innovations_pédagogiques ont été mises en place durant le confinement »

      Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, entame aujourd’hui une visite de deux jours en Bretagne. L’occasion de parler avec les acteurs de terrain des perspectives ouvertes par la crise sanitaire du Covid-19.

      Madame la ministre, vous êtes pour deux jours en Bretagne. Quel est le but de cette visite qui intervient dans le contexte de la crise sanitaire ?

      La Bretagne est la deuxième étape d’un tour de France pour voir comment l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation peuvent participer à la relance et à la redynamisation des territoires. Il s’agit de réfléchir à la meilleure manière de travailler ensemble, État et collectivités, pour mettre la production et la diffusion de connaissances, le transfert technologique, au service de cette relance (1).

      La crise sanitaire a bouleversé les manières d’enseigner. Vous demandez aux universités de réfléchir au maintien des cours à distance. Pourquoi ?

      En réalité, il y avait déjà eu des réflexions sur cette question de l’enseignement à distance et des financements alloués, notamment dans les universités en Bretagne. Tout s’est évidemment accéléré durant le confinement. Les établissements doivent maintenant se servir de toutes les innovations pédagogiques mises en place pendant cette période compliquée. L’objectif de ma visite est de faire le recueil des besoins nécessaires de manière à ce qu’on puisse accompagner les établissements qui voudront s’engager dans cette révolution pédagogique. Il ne s’agit pas seulement d’utiliser le numérique pour enseigner, mais de penser autrement la pédagogie d’un cours et d’utiliser le numérique au service de cette pédagogie réinventée.

      Le développement de l’enseignement à distance ne risque-t-il pas d’accentuer une forme de fracture numérique chez les étudiants ?

      Les établissements ont extrêmement bien réagi durant cette crise. Ils ont identifié les étudiants qui avaient des difficultés pour avoir une continuité pédagogique, que ce soit par défaut d’équipement, ordinateur ou tablette, ou par défaut de connexion. J’ai souhaité que les choses se passent au plus près. Les établissements et les Crous ont disposé de financements qui ont permis d’acheter des ordinateurs, de les prêter aux étudiants, d’acheter des clés 4G, d’étendre des forfaits Internet ou de téléphonie. Évidemment, si les établissements passent en mode hybride, à la fois en présentiel et en enseignement à distance, une des priorités absolues sera que l’ensemble des étudiants soient correctement équipés pour pouvoir bénéficier de ces nouvelles pédagogies.

      Quel bilan tirez-vous des examens à distance ? Que pensez-vous des applications de télésurveillance pour lutter contre la fraude ?

      Comme en temps normal, les établissements ont choisi leur mode d’évaluation. Ils ont soit imaginé des devoirs maison, soit fait travailler les étudiants en mode projet, soit, pour certains d’entre eux, choisi de faire passer des examens télésurveillés. Dans tous les cas, cela se fait dans le respect du RGPD et de la préservation des données personnelles et individuelles (2). Si les établissements étaient incapables de respecter le RGPD, alors, évidemment, ils n’ont pas mis en œuvre ces examens télésurveillés. La seule règle, c’est qu’il fallait impérativement qu’une évaluation ait lieu pour garantir la qualité des diplômes délivrés cette année.

      À la rentrée, les cours en amphi devront respecter les règles de distanciation. N’est-ce pas un peu mission impossible ?

      On a commencé à travailler avec les conférences d’établissements pour regarder ce qui leur paraissait raisonnable. Il y a de multiples solutions : extension des plages horaires, rotations des étudiants entre du présentiel et du distanciel, pédagogie inversée, où les cours sont mis à disposition des étudiants en amont. Ensuite, on les prend en petits groupes en présentiel et on travaille les points du cours qu’ils ont moins bien compris. Il faut partager les expériences. Lorsqu’elles ont du sens au plan pédagogique, on les applique à plus grande échelle.

      L’Université Loire-Bretagne n’a pas marché, le projet d’Université unique de Rennes patine. Quelle est aujourd’hui la stratégie du ministère pour les universités bretonnes ? Quelle est leur vocation et doivent-elles se regrouper ?

      C’est un sujet qui est au cœur de mon déplacement en Bretagne. Ce que je demande aux établissements, en réalité, ce n’est pas de se regrouper de manière artificielle. C’est de porter un projet de signature de leur territoire. Pour qu’une université rayonne à l’international, il faut qu’elle ait une signature, il faut qu’elle soit connue pour quelque chose qui est exceptionnel. Cette signature, elle se fait, bien sûr, par la qualité de la recherche et de la formation et par l’attractivité auprès des étudiants. Elle se fait aussi par la capacité à travailler avec son territoire. En Bretagne, il y a par exemple de la recherche et de la formation de pointe autour de la mer et des océans, mais également autour du numérique, de la cybersécurité et de la chimie.

      (1) Lors de sa visite en Bretagne, Frédérique Vidal devrait annoncer, conjointement avec le Secrétariat général pour l’investissement, un plan gouvernemental de 550 millions d’euros, dont 450 millions dans les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts pour la transition énergétique (ITE) , pour soutenir la transformation de l’appareil productif et développer de nouvelles solutions pour l’industrie et la transition énergétique.

      (2) RGPD : Règlement général sur la protection des données, adopté par l’Union européenne en 2018.

      https://www.ouest-france.fr/bretagne/enseignement-superieur-des-innovations-pedagogiques-mises-en-place-dura
      #innovation_pédagogique

  • Innovations sociales en montagne

    Vous êtes sur la plateforme de l’innovation sociale en montagne.

    Vivre en montagne, c’est bien souvent vivre différemment. C’est s’attacher à des enjeux de climat, de relief, de mobilités, d’enclavement, de saisonnalité.
    Vivre en montagne, c’est faire face à des conditions qui peuvent aussi devenir des ressources spécifiques.
    Les territoires de montagne sont confrontés, peut-être plus fortement qu’ailleurs, à l’urgence de la transition écologique et sociétale.

    Les territoires de montagne sont autant de sociétés locales avec leurs aspirations et leurs besoins particuliers.
    La recherche d’une meilleure adaptation aux contraintes, d’une meilleure qualité de vie et d’une harmonie entre les populations et leur environnement nous conduisent à une quête d’innovations sociales.

    Ces innovations sociales renforcent la capacité à agir de tous les participants à la société locale, dans un souci de partenariat et d’intérêt général.

    Pour donner de la visibilité à ces projets qui donnent de l’espoir aux territoires de montagne, nous souhaitons, à travers cette plateforme, aider chacun à les connaître, à les comprendre et à les répercuter.

    Et une liste des #initiatives :
    https://ferme.yeswiki.net/InnovationsMontagne/?ListeInnov
    https://ferme.yeswiki.net/InnovationsMontagne/?PagePrincipale
    #innovation_sociale #innovations_sociales #montagne #plateforme #base_de_données #database #cartographie #visualisation

  • Territori partecipativi

    Verso una geografia per la partecipazione
    Tiziana Banini, Marco Picone

    Orti urbani tra partecipazione e retorica. Il caso del #Comun’Orto di #Rovereto
    Angela Alaimo
    #agriculture_urbaine

    Sperimentazioni di pianificazione partecipata: #cross-action all’#Officina_dei_Saperi a #Ferrara
    Valentina Albanese, Domenico Casellato
    #planification #aménagement_du_territoire

    Associazioni e territorio: tracce partecipative nella #Valle_dell’Aniene
    Tiziana Banini

    I processi partecipativi nell’esperienza del Piano Paesaggistico Regionale del #Friuli-Venezia_Giulia
    Alma Bianchetti, Andrea Guaran

    Vulnerabilità e partecipazione in una piccola comunità della foresta amazzonica guyanese
    Elisa Bignante
    #Guyane #Amazonie #vulnérabilité

    Partecipazione e identità territoriale. Il caso di #Castel_del_Giudice (Molise)
    Stefano De Rubertis, Angelo Belliggiano, Marilena Labianca

    Tra didattica partecipata e “nuove” forme partecipative dell’abitare: l’esperienza di un docufilm
    Isabelle Dumont
    #film_documentaire #habiter

    Progettualità e partecipazione nella Strategia Nazionale per le #Aree_Interne: il #Basso_Sangro-Trigno
    Valentina Evangelista

    The City of the Sensitive and the Brave. Personal Stories, #Art and Place-Making in #Cluj, #omania
    Kinga Xénia Havadi-Nagy, Oana-Ramona Ilovan
    #Roumanie

    La participation pour la protection de l’#eau en #Bretagne: quelle place pour les “territoires”?
    Emmanuelle Hellier

    Sviluppo locale e pratiche partecipative: tra aspettative deluse e innovazioni territoriali inaspettate
    Marina Marengo
    #développement_local #innovation #innovations_territoriales

    Innovazione sociale e istituzionalizzazione: l’esempio delle cooperative di comunità nell’area interna dell’Appennino Emiliano
    Maria Giulia Pezzi, Giulia Urso
    #innovations_sociales #coopératives #Apennins

    Roll-with-Participation. Il caso di #ProMondello a #Palermo
    Marco Picone
    #Palerme

    Processi partecipativi glocal. Il caso di #Isernia
    Emilia Sarno

    La #participation_citoyenne via un appel à projets: interprétation libre ou imposée de la participation, de l’#identité et de la #convivialité villageoise?
    Serge Schmitz

    Coesione e partecipazione territoriale per un rinnovato concetto di cittadinanza attiva. Il caso di #Urban_Experience
    Silvia Siniscalchi
    #cohésion_territoriale #citoyenneté #citoyenneté_active

    Identità, conflitti e riqualificazione: i processi partecipativi nel quartiere #Bolognina a #Bologna
    Diana Sprega, Emanuele Frixa, Matteo Proto

    #requalification #Bologne


    https://www.ageiweb.it/geotema
    #géographie #revue #participation #Italie #territoire

  • L’#urbanisation du #Japon, le pays des #possibles, partie 2 : de nouvelles formes mises à l’essai.

    http://www.demainlaville.com/le-japon-le-pays-des-possibles
    Publié le 01/10/2014
    Vu le 07/06/2018

    Dans son article, Architecture by road nous présente les #innovations dans l’#architecture #japonaise d’abord par la #maison de monsieur #Moriyama « un monde blanc » et vert, une maison composée de multiples #volumes reliés par un tapis de pierres dessiné sur le sol et qui possède un #jardin. Plusieurs #foyers y cohabitent lorsque le #blogueur s’y rend et il se rend compte que le passage par l’extérieur est obligatoire pour circuler d’une pièce à une autre, la #nature possédant donc une place principale dans la vie des #habitants.

    Il rencontre ensuite #Sou #Fujimoto qui lui fait découvrir une maison dessinée par ses ateliers en 2010, complètement transparente sur une structure blanche et constituée d’une succession de plateaux donnant l’impression de « vivre à l’intérieur comme si vous viviez dans un arbre. » L’organisation des pièces de la maison dépend d’ailleurs de la #structure et non pas l’inverse. Ainsi, nous pouvons considérer que si ces #conditions d’#habitation sont acceptées, il est possible de penser l’#urbain par un nouveau prisme de #contraintes et de #possibilités.

  • Le #Japon : entre #culture et #coutumes ancestrales, #technologie de pointe et #controverse.
    (Japan: between culture and ancestral customs, advanced technology and controversy.)

    Ces dimensions se superposent dans un pays dont 93,93% de la #population est #urbaine (selon la Banque mondiale) et qui possède de nombreuses #contraintes #naturelles desquelles peuvent résulter des #catastrophes à la suite de prises de #risques parfois considérées comme nécessaires pour le développement #économique (comme ce fut le cas de Fukushima en 2011). Le Japon est aussi une île déphasée du reste du monde et dévastée pendant la Seconde Guerre #mondiale, qui a pourtant connu un #développement rapide à la suite de cette destruction. Or, c’est précisément dans cet élan qu’on été emportés culture et #traditions. C’est également ainsi que le pays a su garder l’#insularité qui fait sa spécificité tout en étant en étroite connexion avec le reste du #monde par ses #innovations et son #soft-power. Ce sont tous ces aspects de l’archipel japonais qui donnent lieu à des sujets se prêtant à l’approche #géographique.

    These dimensions superimpose themselves in a country made of 93,93% city-dweller (according to the World Bank) and that possesses many natural constraints from which can result catastrophes after risk taking sometimes considered as necessary for the economic development (as it happened in Fukushima in 2011). Japan is also an island out of sync with the rest of the world and devastated during World War II, that has however acquainted a fast development after that destruction. However, it’s precisely in this rush that have been carried culture and traditions. It is also this way that the country knew how to keep its insularity which made its specificity while being in close connection with the rest of the world through its innovation and soft-power. All of these aspects of the Japanese archipelago permit subjects suitable to a geographic approach.

  • Montagnes et #conflictualité : le #conflit, facteur d’adaptations et d’#innovations territoriales

    Dans l’introduction à son ouvrage sur les conflits, Patrice Melé posait la question de la pertinence heuristique de la conflictualité dans l’analyse de la territorialisation (Melé, Larrue, Rosemberg, 2004, p. 13-32). Cette même approche est ici reprise puisque nous postulons que le conflit peut être un puissant révélateur, qui génère du territoire autant que le territoire produit lui-même du conflit. Par les distorsions qui lui sont inhérentes, le conflit déroute, grossit et révèle, notamment en débordant du cadre strictement privé pour atteindre la sphère publique. Ce faisant, on peut dire qu’il fracture aussi les identités autant qu’il les construit. Pour que nous puissions en saisir toute l’amplitude, le conflit doit être envisagé dans le sens large que lui confère le sens premier de son étymologie : conflictus, le choc, et confligere, heurter. Ce qui heurte ou ce qui choque provoque par définition du mouvement et du changement. En cela la conflictualité recouvre les notions d’oppositions et de luttes, qu’elles soient armées ou non, propres aux domaines militaires ou politiques, mais aussi les aspects sociaux et culturels. Ce conflit lato sensu recoupe également les notions de résistances, de protestations, ou de réactions.

    https://rga.revues.org/3178

    #revue #montagne #revue

    Stéphane Gal
    Montagnes et conflictualité : le conflit, facteur d’#adaptations et d’innovations territoriales [Texte intégral]
    Une introduction
    Mountains and Conflict : Conflict as a Factor in Territorial Adaptation and Innovation [Texte intégral | traduction]
    An Introduction
    Franck Roubeau
    La Frichelette de #Thônes. #Guerre, #mémoire et #identité_territoriale dans les #Aravis de 1793 à l’âge d’internet [Texte intégral]
    La Frichelette of Thônes. War, Memory and Territorial Identity in Aravis from 1793 to the Age of Internet [Texte intégral | traduction]
    Alessandro Celi
    Conflits et identité en #Valgrisenche [Texte intégral]
    Conflict and Identity in Valgrisenche [Texte intégral | traduction]
    Michel Lompech
    Des conflits du passé, des conflits dépassés ? Les oppositions au #collectivisme dans les #Tatras [Texte intégral]
    Are Past Conflicts Now Over ? Oppositions to Collectivism in the Tatras [Texte intégral | traduction]
    Agnès Bergeret
    Conflit #foncier, reconfiguration territoriale et valeurs de la #terre dans les montagnes de #Cahabón (#Guatemala) [Texte intégral]
    Land Conflict, Territorial Reconfiguration and the Values Tied to Land in the Cahabón Mountains (Guatemala) [Texte intégral | traduction]
    Kevin Sutton
    L’affirmation d’une opposition française au « Lyon-Turin » : un conflit entre liminarité et intermédiarité [Texte intégral]
    The Assertion of French Opposition to the “Lyon-Turin” Rail Link : a Conflict Between Liminality and Intermediate Spatiality [Texte intégral | traduction]
    Anne Montenach
    Conflit, territoire et économie de la #frontière : la #contrebande dans les #Alpes dauphinoises au XVIIIe siècle [Texte intégral]
    Conflict, Territory and the Frontier Economy : Smuggling in the Alps of Dauphiné During the 18th Century [Texte intégral | traduction]
    Consuelo Biskupovic et Caroline Stamm
    Quand les mobilisations citoyennes transforment la précordillère des #Andes : le cas d’une association de riverains à Santiago du #Chili [Texte intégral]
    When Citizen Mobilisations Transform the Andean Foothills : the Case of the Group for the Defence of the Precordillera [Texte intégral | traduction]
    Sylvie Clarimont et Vincent Vlès
    Les contestations sociales du développement touristique dans les #Hautes-Pyrénées : le rendez-vous manqué de l’#innovation_territoriale ? [Texte intégral]
    Societal Opposition to Tourism-Related Development in the Hautes-Pyrénées : a Missed Opportunity for Territorial Innovation ? [Texte intégral | traduction]
    Amélie Robert
    Au cœur de la guerre du Việt Nam : #herbicides, #napalm et bulldozers contre les montagnes d’A Lưới [Texte intégral]
    At the Heart of the Vietnam War : Herbicides, Napalm and Bulldozers Against the A Lưới Mountains [Texte intégral | traduction]
    #TAV #Vietnam

  • Faire levier de l’intelligence collective via @InternetActu.net ... Ce que l’on constate, c’est que les innovations dans le domaine social ne sont pas des percées fondamentales ou des choses très originales. Elles reposent souvent sur des méthodes faciles à décrire comme ... http://www.internetactu.net/2011/07/20/faire-levier-de-lintelligence-collective
    #intelligenceCollective #innovationSociale #crowdDesign

  • Choc pour l’industrie : la viande transformée hautement cancérigène dit l’OMS | Mr Mondialisation
    https://mrmondialisation.org/choc-pour-lindustrie-la-viande-transformee-hautement-cancerigene-d

    La nourriture du futur que nous concocte l’industrie agroalimentaire - Basta !
    http://www.bastamag.net/La-nourriture-du-futur-que-nous

    Infâmie et réhabilitation du steak - Arrêt sur images
    http://www.arretsurimages.net/chroniques/2015-10-27/Infamie-et-rehabilitation-du-steak-id8157

    -"Impossible de savoir quelle quantité de cette mixture est ajoutée à la viande. Secret industriel. Aucune mention sur l’étiquetage, puisque le pink slime est considéré comme « 100 % bœuf ». Le ministère de l’Agriculture impose une limite de 15 % du fait du traitement à l’ammoniaque. Difficile à contrôler."

    –" En France, le volailler Doux, avec sa marque Père Dodu, a été accusé par la répression des fraudes de tromperie sur l’étiquetage : entre 2009 et 2011, il a écoulé 1 282 colis de saucisses de « poulet séparée mécaniquement » en les présentant comme « viande »... Destination : des cantines scolaires et des maisons de retraite"

    –" Cargill a lancé en 2009 un « fromage » sans lait. "

    –"le « fromage analogue », autre produit de substitution en circulation. Ce dernier, à base d’huile de palme, d’amidon, de sel et d’exhausteurs de goût – et 15 % seulement de protéines de lait –, a déjà inondé le marché européen. "

    –"En Europe, pas de problème de commercialisation des substituts de fromage : il suffit que les composants soient clairement indiqués sur l’étiquette. Mais qui peut deviner que le « galactomannane » inscrit sur l’emballage désigne la pâte fromagère de la pizza ou des lasagnes ?
    (...) Un laboratoire allemand a analysé une centaine de sandwichs au fromage. Verdict : un tiers d’entre eux ne contenaient pas du « vrai fromage »."

    –" Des vaches hypermusclées, des chèvres dont le lait fabrique de la soie, des porcs avec un gène de souris… Des animaux porteurs de gènes étrangers à leur espèce pourraient arriver bientôt dans nos assiettes. (...)
    L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) vient de lancer une consultation publique concernant l’évaluation des risques environnementaux des animaux génétiquement modifiés. Objectif : définir les données requises et la méthodologie à appliquer « si des demandes d’autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne devaient être soumises dans le futur »…"

    #Alimentation #Alternatives (ou future cata’ ?)
    Insectes comestibles : une industrie à inventer | CNRS Le journal
    https://lejournal.cnrs.fr/videos/insectes-comestibles-une-industrie-a-inventer

    SuperMeat : produire de la viande sans tuer d’animal, la révolution polémique - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2016/09/11/supermeat-produire-viande-sans-tuer-danimal-revolution-polemique-26

    "Comment obtenir un comportement embryonnaire avec des cellules adultes  ? Secret industriel."

    "Il redoute que les brevets appartiennent à de grandes firmes et que le schéma des OGM (organismes génétiquement modifiés), où les agriculteurs sont pris à la gorge par des entreprises de l’agroalimentaire, se reproduise  : « Il n’y aura plus besoin de négocier avec les producteurs.  »"

    "Il expose ici un aspect de la théorie hygiéniste (à ne pas confondre avec l’hygiénisme) selon laquelle une trop faible exposition à des agents infectieux pourrait être à l’origine de l’augmentation des maladies auto-immunes."

    (Pour Le Dr Michel Lallement) "« La viande de manière générale n’est pas un aliment indispensable à la santé. Au contraire, il est désormais bien établi que plus on en consomme, plus les risques de maladies cardio-vasculaires ou de cancers augmentent, même avec les viandes blanches. De fait, les végétariens vivent plus vieux que les carnivores ! »"

    "après la poitrine de poulet, le SuperMeat souhaite s’attaquer au foie gras."

    "À la différence du végétarisme, ou du végétalisme, le véganisme est une posture morale qui consiste à ne consommer aucun produit issu de l’exploitation animale, y compris dans le secteur des vêtements ou des divertissements."

    "D’autres, comme Beyond Meat ou Patrick O. Brown à Stanford s’immiscent dans une autre voie  : recréer la structure moléculaire de la viande à partir de végétaux.

    L’enjeu est colossal, car il est sûr que nous ne pourrons pas continuer à produire comme aujourd’hui."

  • Vers une société sans emploi ? | Meta-media | La révolution de l’information
    http://meta-media.fr/2015/05/01/vers-une-societe-sans-emploi.html

    Les #innovations numériques vont certes permettre l’émergence de nouveaux secteurs et la création de nouveaux emplois, mais qui seront moins bien payés que ceux qui vont disparaître, et ce pour plusieurs raisons :

    – une mécanisation et une émergence des robots qui entrent en compétition avec les compétences humaines ;
    – un manque d’éducation au numérique et une fracture des usages ;
    – une dissociation entre la recherche et le développement et innovation (beaucoup de technologies ne sont pas intégrées dans la société car elles ne répondent/collent pas à des usages) ;
    – un manque d’investissement dans les moyens de production, c’est-à-dire une difficulté de passer du prototype à la masse.

    2. La deuxième proposition de Stanislas Jourdan (co-fondateur et coordinateur du Mouvement Français pour un Revenu de Base) concerne la création d’un #revenu_universel et inaliénable pour tous les individus. Le revenu de base inconditionnel (RBI) serait un revenu attribué sans condition, sur le principe de droit fondamental. Celui-ci serait déconnecté de l’emploi et serait perçu par chaque individu de la société peu importe son âge, son statut socio-professionnel.
    Ce revenu de base serait financé par un capital collectif, celui du travail gratuit qui contribue à la création de bien commun. Selon Stanislas Jourdan, le revenu de base serait compris entre 500 et 800 euros par mois et par personne. Il permettrait une accélération économique plus collaborative et aux salariés de renégocier avec leur entreprise leur condition de travail. Le revenu de base permettrait de libérer le temps des individus.

    Comment serait financé ce revenu ? Selon le rapport Colin et Collin sur la fiscalité du numérique, le revenu de base pourrait puiser ses ressources dans la création d’une taxe sur l’exploitation des données personnelles qui financerait la protection sociale et le revenu de base. D’autre part, cela encouragerait les entreprises à avoir un comportement plus éthique concernant l’utilisation et à la protection des données personnelles.

    3. La dernière proposition, émise par le consultant Frédéric Fonsalas, part d’un questionnement sur la disparition du travail. Actuellement, une croissance de 3% serait nécessaire pour nous assurer du travail ; cette équation ne serait effective que si l’on parle du #travail_salarié. De ce fait, Frédéric Fonsalas propose une nouvelle définition du #travail, à savoir “toute action transformante impliquant un effort”. Dans un second temps, il soutient le fait que la possession est de l’ordre de l’inné, tandis que le don requiert une éducation. Il faut donc changer le système éducatif et fonder le nouveau sur cinq piliers équivalents en poids : la culture ; le corps et ses soins ; la structure de l’esprit qui doit être verticale ; la formation à l’entrepreneuriat et l’art et l’artisanat.
    Il s’agit enfin de repenser le rapport à l’argent comme rémunération et de créer des nouveaux modes de rétribution, développer une économie sociale et solidaire.