scénarios avant les résultats des législatives de 2024 en France
1°) Premier scénario hautement improbable, qu’il n’est pas utile d’explorer. La gauche est le premier groupe à l’assemblée et accède au gouvernement. Mais la coalition de gauche ne parvient aucunement à mener son programme pour diverses raisons (ne serait que du fait des blocages internes) et la situation économique et sociale s’aggrave. Retour à la case départ aux prochaines élections avec un vote RN encore plus élevé.
2°) Le RN parvient au gouvernement grâce à une majorité absolue à l’assemblée. Mais une forte agitation sociale se déclenche dans les grandes villes, les manifestations fortement réprimées, avec l’assentiment entier du peuple RN. En retour des actions violentes sont menées par différents groupes, y compris d’extrême-droite visant à accentuer les tensions. Le RN perd la main sur une situation de plus en plus compliquée qu’il ne parvient pas à stabiliser. Macron reprend la main dans un second temps, légitimé par le climat de guerre civile qui s’installe (la fameuse « grenade dégoupillée ») grâce à l’article 16 de la constitution. Qu’est-ce qu’il fera alors qui permettrait un retour au calme et aux affaires ?
2° a) Macron ne parvient pas plus à rétablir l’ordre social que le RN, au contraire. Pourquoi ? Du fait des pleins pouvoirs que Macron s’octroie à lui-même, la situation de guerre civile glisse vers une insurrection, où les différentes fractions de la société qui se faisaient la guerre (gauche vs droite) se retrouvent face à un ennemi commun, l’Etat incarné par Macron. Le peuple de gauche refuse la dictature tandis que le peuple d’extrême-droite refuse qu’on lui vole sa victoire électorale. Une insurrection visant directement l’Etat est enclenchée où chacun est amené à dépasser le rôle qu’il tenait auparavant.
Un scénario similaire a été exploré dans la fiction Bâtir aussi (1) où des révolutionnaires de gauche se retrouvent à devoir s’allier aux activistes d’extrême-droite face à un ennemi commun.
2° b) Macron parvient à rétablir l’ordre social dans la continuité de sa politique précédente au augmentant encore d’un cran le degré de répression des mouvements sociaux. Il donne des gages à l’extrême-droite, en déléguant à quelques figures du RN du gouvernement d’exception les politiques touchant à l’immigration, la préférence nationale, la laïcité, la répression de la délinquance, la gestion des prisons etc. Il donne des gages aux milieux d’affaire également par la poursuite de la réindustrialisation et de politiques économiques protectionnistes dans certains secteurs. Un an plus tard il déclenche une nouvelle dissolution où il arrive en force, légitimé par sa capacité à avoir rétabli l’ordre social et le business.
3°) Le RN est le premier groupe à l’assemblée mais ne parvient pas à une majorité absolue même en tenant compte de quelques députés LR alliés. Dans ces conditions l’assemblée est totalement bloquée et le pays n’a plus de gouvernement. En soi ce n’est pas forcément très grave mais Macron ne laisse pas faire cela. Dans ce scénario également il reprend l’initiative, légitimité par ce blocage des institutions. Par exemple en déclenchant un processus de réécriture de la constitution. Il nomme un premier ministre et un gouvernement provisoires destinés à écrire une loi constitutionnelle pour une 6ème république. Il propose d’y inclure potentiellement des revendications hétéroclites de tout bords politiques, et toute la société se met à débattre de la société idéale dans des comités consultatifs. Et...
(1) ▻https://antemonde.org/textes/phoenix
(...)
– Faites des alliances avec les fachos et bientôt, on massacrera nos opposants pour que ce ne soit pas eux qui nous déportent… No way, je ne rentrerai pas dans cette spirale-là.
– Je ne veux pas non plus de ça, intervient Karim. Mais nous n’en sommes pas là, Dunya.
– Quand nous en serons là, il sera trop tard pour l’éviter !
– Je comprends tes craintes, je les partage, temporise encore Karim. Mais la situation nous pousse à aller de l’avant, à saisir les opportunités. Sinon, les libéraux reprendront le contrôle de la situation, ils tableront sur la nécessité d’un État fort pour rétablir la stabilité. Et nous ne voulons pas de ça non plus.
Thierry complète à voix basse :
– La seule solution… c’est de clarifier nos positions politiques pour qu’il n’y ait pas d’amalgame possible. Il n’est pas question d’alliances… mais au vu de la situation, nous pouvons avoir un but commun pendant un temps.
– Un but commun ?!
– Oui, Dunya. Renverser le gouvernement, ils le veulent comme nous.
– Je suis d’accord, enchaîne Karim, ce qui est important c’est de tenir nos « pourquoi », qui sont radicalement opposés aux leurs. Pour chacun de nos gestes, nous devons donner une explication politique. C’est ce qui va nous permettre de nous distinguer d’eux. L’extrême droite rentre dans la partie, ok. Mais ce n’est pas leur vision raciste et réactionnaire qui gagnera. Il faut qu’on continue ce qu’on fait déjà, avec encore plus d’intensité. Il faut qu’on explique à tout bout de champ notre manière de voir le monde et qu’on…
– Mais comment tu veux qu’on explique ça avec les fachos en face ?! le coupe Dunya toujours hors d’elle.
– De la même manière que toujours, répond Fred dans un sursaut. Avec nos journaux, la radio, sur chaque piquet de grève, pendant les cantines… Nous n’avons pas à devenir des politicards, nos stratégies restent les mêmes. Mais le monde autour de nous est en train de changer et nous avons maintenant à nous battre pour gagner tout ce qu’on pourra.
(...)
– Je crois qu’on devrait réévaluer la situation de manière un peu plus terre à terre, propose Gasp, arrêter de se cacher derrière de grands principes qui nous empêchent de passer à l’action. On n’aime pas les fachos, c’est sûr. Mais si on est un peu lucides, on a quand même pas mal de terrains d’alliance possibles. Ils tiennent des discours anticapitalistes comme nous, anti-Europe comme nous, anti-industriels et écologistes comme nous. Il y en a même qui portent des sweats à capuche et qui font des actions comme nous…
– Pas comme nous ! hurle Dunya, les yeux exorbités.
Gasp fait comme si elle avait parlé tout à fait normalement et poursuit :
– Oui Dunya, pour moi aussi c’est troublant, mais ça vaut la peine d’y penser… Sans être naïfs, je veux dire. C’est sûr qu’on ne les aime pas, mais on a un bon paquet d’idées en commun.