• Harold Burris-Meyer, le nom ne vous dit rien ? Jamais entendu parler ? Vous êtes sûrs ? Et pourtant lui vous connaît. Lui vous murmure aux oreilles depuis la première moitié du XXème siècle. Invisible, certes, mais pas inaudible. Encore que même dans la bande-son il soit passé maître de l’art du camouflage. Au point, sans doute que nombre de ses suiveurs, notamment dans les basses œuvres, ignorent jusqu’au nom de leur véritable maître à penser.

    Juliette Volcler, déjà auteure d’un très beau livre sur les usages militaires du son, vient de publier une manière de biographie rapport sur les activités de ce monsieur et ce faisant elle a sans doute rendu visible une destinée qui serait passé entièrement inaperçue en dépit d’aspects absolument déterminants dans l’œuvre insoupçonnable de cet homme, dont tout l’art, justement, était de masquer ses intentions et celles de ses employeurs, d’abord les metteurs en scène des grands théâtre de Broadway, puis les grands industriels du pays, puis l’armée et retour à l’industrie et au commerce. Le livre de Juliette Volcler s’intitule Contrôle , il est plus ou moins entendu que c’est sous ce contrôle que va s’écrire une certaine histoire du capitalisme, et au-delà de ce dernier, de la domination.

    Encore aujourd’hui, il m’arrive de mentionner quelques cas de grands trucages notamment des images, quand bien même ces derniers remontent souvent à une époque un peu lointaine dans laquelle les trucages justement bavaient un peu sur les bords et étaient encore décelables à l’œil nu. Et bien souvent j’en venais à conclure que ce qui se voyait encore, ce qui ne se dérobait pas encore tout à fait au regard, en revanche passait très en dessous de nos radars pour ce qui était du son, j’ai deux exemples en tête, ce sont des exemples minuscules, je repense à des reportages à propos de manifestations en Côte d’Ivoire dans les années nonante et dans lesquels un monteur de la télévision avait fuité à l’époque qu’on lui avait demandé, en haut lieu, de rajouter des coups de feu dans la bande-son d’une manifestation tout ce qu’il y avait de pacifiste, j’ai également le souvenir d’avoir vu côte à côté à la faveur d’un changement de chaîne de télévision dans une chambre d’hôtel, deux reportages très différents mais avec les mêmes images d’une Rachida Dati, alors garde des sceaux, inaugurant je ne sais plus quel nouveau palais de justice et se heurtant à l’accueil de personnels très hostiles à sa réforme en cours, notamment une haie de déshonneur d’avocats en robe et en grève et qui l’invectivaient parfois très vulgairement, le même reportage sur TF1, la chaîne des amis du président des otaries de droite, présentait les mêmes images mais à la bande-son nettoyée de tous les quolibets cela donnait le sentiment d’une inauguration tout à fait cordiale et d’une haie d’honneurs d’avocats venus accueillir leur ministre de tutelle. Et en ces deux occasions je m’étais fait cette réflexion que dans la bande-son on pouvait mettre ce que l’on voulait et qu’il n’y avait pas pire aveugle que celui qui ne veut pas entendre.

    C’est avec minutie et opiniâtreté que Juliette Volcler est parvenue à dessiner la figure d’un homme de l’ombre et de remplir cette silhouette fuyante avec des éléments qui disent assez bien comment la manipulation sonore est d’une efficacité prodigieuse, qu’elle peut nourrir les applaudissements d’une salle de spectacle plutôt tiède et donc convaincre le public de cette dernière qu’il a apprécié le spectacle et renchérir d’applaudissements, elle peut aussi influer sur l’ardeur d’ouvriers et d’ouvrières notamment ceux et celles dévolus aux tâches les plus répétitives, en leur passant de la musique dont les rythmes sont étudiés pour mieux souligner la répétition et donc accroître le rendement, et enfin, elle peut dérouter l’ennemi en pleine guerre et lui faire croire à l’éminence d’un débarquement ou d’un assaut dans une région aux antipodes du véritable combat.

    Et il est admirable de comprendre avec Juliette Volcler que l’homme Harold Burris-Meyer avait lui-même un sens étonnant du camouflage ce qui rend le travail de sa biographe épineux, mais c’est sans compter l’opiniâtreté et la ténacité de l’auteure pour traquer Harold Burris-Meyer dans ses zones d’ombre les plus reculées. Et dans la mise à jour d’un tel spectre on acquiert une manière de preuve définitive de la domination sournoise, oui, du capitalisme, rien moins que cela.

    J’ai par endroits regretté que Juliette Volcler soit restée maîtresse d’elle-même et soit restées sourdes aux sirènes de la fiction tant le personnage de Harold Burris-Meyer détient de potentiel romanesque mais avec le recul, une certaine sécheresse soucieuse d’exactitude permet au contraire de jeter une lumière crue et impartiale sur des zones d’ombre dont il importe précisément que nous en connaissions à la fois l’existence, les buts et les manières, et pour cela le lecteur en quête d’émancipation étanche sa soif d’une eau non polluée.

    #qui_ca

    @intempestive

  • Contre les violences policières | La voix sans maître
    http://www.campuslille.com/index.php/entry/contre-les-violences-policieres

    Mêlant les actualités locales et nationales concernant les violences policières, l’émission La Voix Sans Maître a reçu ce vendredi 17 mars 2017 Hamid Aït Omghar et deux membres du CRIME (Collectif contre la Répression des Individus et des Mouvements d’Émancipation). Hamid est le frère de Lahoucine, assassiné de 5 balles par trois policiers à Montigny-en-Gohelle, en 2013. Il est venu avec le CRIME pour nous rappeler les conditions dans lesquelles son frère a été tué, la répression que toute la famille a subie et le mépris de la justice pour l’affaire, depuis le début. Durée : 1h. Source : Radio Campus Lille

    http://www-radio-campus.univ-lille1.fr/ArchivesN/2017-03-17/20h.mp3