• Faux chômeurs, faux problème, Jean-Francis Pécresse
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    La pratique de l’intermittence permanente se fait sur le dos de l’assurance chômage.

    Il ne faudrait pas que la négociation qui s’ouvre sur l’assurance chômage se fourvoie sur la question d’un meilleur contrôle des demandeurs d’emploi. Ce serait un piège. Les profiteurs du « système » ne sont pas ces chômeurs de longue durée que l’on présume confortablement installés dans le filet de sécurité de Pôle emploi. Bien sûr, ce n’est pas trop exiger de ceux qui perçoivent une indemnité pour avoir perdu leur emploi qu’ils en cherchent activement un autre. C’est même une double exigence. A l’égard de ceux qui cotisent, employeurs et salariés, en droit d’attendre que cette fraction du salaire ne soit pas gaspillée sous forme de rente. A l’égard, aussi, des demandeurs d’emploi eux-mêmes car notre longue expérience de champions du chômage nous a au moins appris que plus tard un nouvel inscrit se met à chercher du travail, plus il s’éloigne durablement du marché de l’emploi. L’efficacité comme la justice commandent donc de s’assurer que les chômeurs cherchent vite et bien un emploi. Nul besoin, au demeurant, pour y parvenir, de faire de nouveaux moulinets politiques : il suffit d’appliquer une loi de 2008, laquelle permet de sanctionner le refus de deux offres raisonnables d’emploi. L’Etat n’a qu’à donner à Pôle emploi ce pouvoir qu’il a retiré, en pratique, aux préfets et qui n’est donc plus exercé par personne... Mais c’est se bercer d’illusions que de penser réaliser, grâce à cela, des économies dans les dépenses sociales. Menée entre 2015 et 2017, la seule grande étude de Pôle emploi sur ce sujet sensible confirme ce que les connaisseurs de l’assurance chômage pressentaient : il y aurait moins de 15 % de demandeurs d’emploi vraiment peu empressés de retravailler... C’est trop, bien sûr, mais la moitié d’entre eux ne touchent déjà plus - ou pas encore - d’allocation. Le chômeur en charentaises existe, mais il demeure un épiphénomène. Il peut affecter le consentement des actifs à la solidarité, pas les finances de l’assurance chômage. Bien plus dangereux, en revanche, est le phénomène de la « permittence », cette alternance de contrats courts et de courtes périodes de chômage. Encouragée par un avantageux système qui accorde quatre mois d’indemnités à tout salarié ayant travaillé quatre mois, cette pratique de l’intermittence permanente arrange souvent tout le monde, sur le dos de l’assurance chômage : les employeurs qui y trouvent de la souplesse, de trop nombreux employés qui peuvent y trouver de meilleurs salaires, des primes et... des vacances. Boulet financier, le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle n’en est qu’une version extrême de ce travers français. Si gouvernement et partenaires sociaux veulent vraiment lutter contre ceux qui abusent du chômage, ce n’est pas tellement les chômeurs qu’il faut mieux contrôler. C’est le refus répété de passer de CDD en CDI qu’il faut sanctionner en cessant de l’indemniser.

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