• badinter était pour la peine de mort des Palestiniens Abdalouahad Bouchal -

    Quatre jours après sa disparition et les louanges médiatiques qui l’ont accompagnée, il est utile de rappeler que robert badinter ne fût pas « que » l’infatigable abolitionniste de la peine de mort. Comme le décline l’analyste Abdalouahad Bouchal qui - à rebours des médias français - n’a pas la mémoire courte... en plein génocide perpétré contre les Palestiniens par l’État colonial d’israël, co-financé par la France et les États-Unis (I’A).


    
On peut s’être battu pour l’abolition de la peine de mort, en France, et être favorable à la mise à mort de tout un peuple, en Palestine. C’est ce que n’a cessé de nous démontrer robert #badinter en venant, sans discontinuer, au secours d’israël.

    Un soutien à un régime d’apartheid au demeurant moins étonnant que les arguments de cet éminent avocat s’articulant en faveur de Tel-Aviv, de façon aussi odieuse que stupide.

    Tout d’abord, fin décembre 2019, devant la Cour Pénale Internationale (CPI), badinter s’est évertué à défendre l’État d’israël pointé par une « enquête sur les éventuels crimes de guerre commis depuis juin 2014 en israël-Palestine ».

    A l’époque, selon badinter, israël et ses dirigeants ne pouvaient être traduits devant la CPI au prétexte que la partie requérante ne serait pas… un pays. A savoir, la Palestine. Or, bien que l’État de Palestine ne dispose que d’un statut d’observateur à l’assemblée des Nations-Unies, l’État palestinien est reconnu comme un État à part entière par les autres États signataires du statut de Rome et membres de la CPI.

    En effet, de 1988 à 2015, la Palestine a été reconnue par 138 États dont deux membres permanents du Conseil de sécurité (Russie et Chine). On pouvait donc, en 2019, être pour le moins perplexe à l’écoute des « arguments » de l’ancien garde des sceaux.

    Quels étaient les arguments de ce technicien du droit sur la recevabilité de la requête déposée jadis par l’Autorité palestinienne de Ramallah ? En voici le résumé, in extenso, dans un billet du chirurgien français Christophe Oberlin ( https://blogs.mediapart.fr/christophe-oberlin/blog/200220/cour-penale-internationale-face-aux-palestiniens-badinter-defend-net ) :

    « La Cour Pénale Internationale n’a pas juridiction sur les crimes prétendus avoir été commis en Cisjordanie, incluant Jérusalem Est et la bande de Gaza. Le terme « État » selon l’article 12(2) (a) du Statut de la Cour signifie que l’État est souverain, or la Palestine ne l’est pas. La Palestine n’est pas un « État » au regard de l’article 12 (2) (a) du Statut par sa simple adhésion au Statut de Rome. Ce n’est pas à la CPI de déterminer si la Palestine est un État souverain selon le droit international, ou si l’enquête en question s’applique « sur le territoire de » la Palestine alors que les parties sont engagées à trouver une solution négociée sur le statut d’état et les frontières. La Palestine ne remplit pas les critères d’un État selon le droit international. Et la seule façon d’enquêter sur des crimes commis dans ce cadre est constituée par la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité. Les accords d’Oslo s’imposent à la juridiction de la Cour. » 

    Pour les sceptiques, Oberlin enfonce le clou : « Le résumé de l’argumentaire de robert badinter, présenté en tête de son texte, est identique mot pour mot aux déclarations récentes du Premier ministre israélien #benjamin_netanyahou. Et la suite du document ne fait qu’insister à la fois sur l’illégalité des plaintes palestiniennes, et de la Cour Pénale Internationale à les prendre en compte. Le professeur badinter commet ainsi de remarquables erreurs de droit et d’éthique. »

    Bref, en 2020, robert badinter conduisait une armée de tabellions rémunérés par le gouvernement de l’époque de #benjamin_netanyahu, futur génocidaire en 2023-2024. Il y a 4 ans, israël a finalement été débouté par la présidente ougandaise de la CPI et l’affaire a fait « pschiiiiit ! »

    La France, patrie des lumières blafardes et des droits de l’homme blanc, brille quelques fois d’un bien mauvais éclat. Qu’à cela ne tienne, les lumières, même les plus amoindries, attireront toujours les insectes…

    Protéger certains collabos français 
Plus loin dans le temps, on peut aussi rappeler qu’en 1975, robert badinter s’était violemment opposé à la fameuse Résolution 242 des Nations-Unies https://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2004_2009/documents/fd/unresolutions_/unresolutions_fr.pdf . Celle-ci ordonnait, en son article premier :
    1) le « Retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés » ;
    2) la « Cessation de toutes assertions de belligérance ou de tous états de belligérance et respect et reconnaissance de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de chaque État de la région et leur droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues ».

    Aux plus distraits, cette opposition résolue de badinter indique que ce n’est pas d’hier que « Bob » s’est positionné en ennemi de la cause palestinienne.

    Ensuite, pour les cacahuètes du pousse-café, on rajoutera que l’avocat et ex-ministre de la Justice avait vertement engueulé les français juifs venus huer le président François mitterrand lors d’une cérémonie de commémoration du Vélodrome d’Hiver https://www.youtube.com/watch?v=AkebDVjaPjk&t=5s&ab_channel=C%C3%A0vous

    (1992). La cause de cette hostilité citoyenne ? Le refus persistant du monarque mitterrand à reconnaître la responsabilité de la France dans la période de Vichy (1940-1944).

    Voilà donc un bien curieux personnage que ce badinter. S’il s’est incontestablement investi dans l’abolition de la peine de mort, en France et à travers le monde, il a aussi, par fidélité (ou intérêt ?), su se mettre en colère pour protéger « le père François » ; collaborateur du régime de Vichy dans la France occupée de la Seconde Guerre mondiale.

    Par ailleurs, le premier des abolitionnistes français protégera encore#rené bousquet https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00296/les-relations-de-francois-mitterrand-et-rene-bousquet.html, antisémite et collabo de l’occupant nazi et… « ami » proche de mitterrand. Cela, jusqu’à ce que – le 8 Juin 1993 – un illuminé vienne tirer 5 balles dans le buffet de l’ex-directeur général de la police de Vichy ET superviseur de « la rafle du Vel d’Hiv’ » [Vélodrome d’Hiver]. Le bilan du haut fonctionnaire bousquet d’avril 1942 à décembre 1943 ? Plus de 60.000 juifs arrêtés par ou avec le concours de la police française pour être déportés vers le camp d’extermination d’Auschwitz…

    L’assassinat de bousquet évitera à mitterrand et son clan « socialiste », la tenue d’un Procès bousquet qui aurait été – comme chacun le sait – très encombrant.

    Enfin, dans la famille badinter, on n’est pas à une contradiction près.

    La veuve de Robert, par exemple, qui, en bonne FÉMINISTE, porte toujours le patronyme de feu son époux, élisabeth_badinter, a été et demeure une pasionaria du féminisme islamophobe. Sans que cela interroge ou énerve quiconque durant sa carrière de présidente au sein du groupe Publicis, dont l’un des très gros clients n’était autre que l’Arabie Saoudite ; pays longtemps soutien inconditionnel de l’État d’israël.



    Abdalaouhad Bouchal

    Source : https://investigaction.net/badinter-etait-pour-la-peine-de-mort-des-palestiniens

    #Palestine #vichy #israël #collaboration #france #elisabeth_badinter #laïcité #islamophobie #badinter #politique #justice #Auschwitz #robert_badinter

    • Des rappels qu’il semble effectivement important de rappeler, sans minimiser le rôle de la personne qui a incarné (en France, donc) l’abolition de la peine de mort, un sujet qui reste malheureusement toujours autant d’actualité. Notamment, en Israël.

      Juste une remarque quelque peu décentrée par rapport au contenu essentiel de ce texte : à propos d’Élisabeth Badinter (on pourra s’étonner que certains patronymes soient privés de majuscules), une féministe,certes, old school , à qui l’on reproche d’avoir conservé le nom de son époux.

      Pour les femmes de cette génération, de toute façon, elles n’avaient pas le choix : c’était soit le nom du mari, soit le nom du père. Pour certaines femmes, choisir le nom du père était une manière de s’affranchir de l’emprise du mari. Et inversement. Dans tous les cas, tant qu’il n’a pas été possible de choisir le nom de la mère ou d’inventer ex nihilo son propre patronyme, il s’agit d’un non-choix, puisque cette expression de la filiation reste la marque symbolique forte du patriarcat.

    • @biggrizzly Alors, s’il n’est pas nécessaire de discuter la question biaisée de la filiation patronymique, on se demande bien ce que vient faire l’évocation de cette personne dans un texte qui concerne son époux, si ce n’est de rattacher, dans leurs identités respectives, l’une à l’autre, respectant ainsi le schéma patriarcal. Le caractère islamophobe et réactionnaire des positionnements politiques d’Élisabeth Badinter ne justifie pas ce type de raccourcis et d’amalgame.

      @mfmb tout à fait d’accord, c’est la raison pour laquelle il me semble que la seule façon de sortir vraiment du truc est la création d’un patronyme.

    • Probablement d’accord, mais alors si l’on critique les positions politiques d’Élisabeth Badinter on le traite dans un sujet qui concerne la personne elle-même ; pas en tant que pièce rapportée d’un texte qui concerne son mari.

  • Les identifications minoritaires entre affiliation et assignation
    https://laviedesidees.fr/Willems-Musulman-assignation

    Les usages contemporains du terme « musulman » en France illustrent la pluralité des identifications minoritaires. Entre sémantique et ethnographie, M.-C. Willems met en lumière la diversité des formes d’appartenance qui s’offrent aux individus confrontés à l’exclusion. À propos de : Marie-Claire Willems, Musulman. Une assignation ?, Éditions du Détour

    #Société #islam #Double_Une
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240201_assignations.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240201_assignations.docx

  • « Pas un #euro aux #nazis d’#Israël » :-D :-D :-D

    Ca vole pas très haut, au niveau des interlocuteurs... particulièrement les #fanatiques #sionistes

    « Pas un #shekel aux nazis de #Gaza » : Israël gèle une partie des fonds de l’#Autorité_palestinienne

    « Israël a gelé le remboursement de plus de 100 millions de dollars appartenant à l’Autorité palestinienne en affirmant que ces fonds auraient pu servir au #Hamas, le mouvement #islamiste qui contrôle la bande de Gaza.

    En Israël, le gouvernement de Benyamin #Netanyahou s’est livré à tour de passe-passe financier. Sous la pression constante de #Bezalel_Smotrich, le ministre des #Finances et chef d’un parti d’#ultradroite, le remboursement de 120 millions de dollars à l’Autorité palestinienne a été gelé sur un compte en Norvège. (...) »

    #politique #occident #monde #marchands_du_temple #marchandage #confiscation #l_argent_ca_va_ca_vient #seenthis #vangauguin

    https://www.marianne.net/monde/proche-orient/pas-un-shekel-aux-nazis-de-gaza-israel-gele-une-partie-des-fonds-de-l-auto

  • L’#Europe et la fabrique de l’étranger

    Les discours sur l’ « #européanité » illustrent la prégnance d’une conception identitaire de la construction de l’Union, de ses #frontières, et de ceux qu’elle entend assimiler ou, au contraire, exclure au nom de la protection de ses #valeurs particulières.

    Longtemps absente de la vie démocratique de l’#Union_européenne (#UE), la question identitaire s’y est durablement installée depuis les années 2000. Si la volonté d’affirmer officiellement ce que « nous, Européens » sommes authentiquement n’est pas nouvelle, elle concernait jusqu’alors surtout – à l’instar de la Déclaration sur l’identité européenne de 1973 – les relations extérieures et la place de la « Communauté européenne » au sein du système international. À présent, elle renvoie à une quête d’« Européanité » (« Europeanness »), c’est-à-dire la recherche et la manifestation des #trait_identitaires (héritages, valeurs, mœurs, etc.) tenus, à tort ou à raison, pour caractéristiques de ce que signifie être « Européens ». Cette quête est largement tournée vers l’intérieur : elle concerne le rapport de « nous, Européens » à « nous-mêmes » ainsi que le rapport de « nous » aux « autres », ces étrangers et étrangères qui viennent et s’installent « chez nous ».

    C’est sous cet aspect identitaire qu’est le plus fréquemment et vivement discuté ce que l’on nomme la « #crise_des_réfugiés » et la « #crise_migratoire »

    L’enjeu qui ferait de l’#accueil des exilés et de l’#intégration des migrants une « #crise » concerne, en effet, l’attitude que les Européens devraient adopter à l’égard de celles et ceux qui leur sont « #étrangers » à double titre : en tant qu’individus ne disposant pas de la #citoyenneté de l’Union, mais également en tant que personnes vues comme les dépositaires d’une #altérité_identitaire les situant à l’extérieur du « #nous » – au moins à leur arrivée.

    D’un point de vue politique, le traitement que l’Union européenne réserve aux étrangères et étrangers se donne à voir dans le vaste ensemble de #discours, #décisions et #dispositifs régissant l’#accès_au_territoire, l’accueil et le #séjour de ces derniers, en particulier les accords communautaires et agences européennes dévolus à « une gestion efficace des flux migratoires » ainsi que les #politiques_publiques en matière d’immigration, d’intégration et de #naturalisation qui restent du ressort de ses États membres.

    Fortement guidées par des considérations identitaires dont la logique est de différencier entre « nous » et « eux », de telles politiques soulèvent une interrogation sur leurs dynamiques d’exclusion des « #autres » ; cependant, elles sont aussi à examiner au regard de l’#homogénéisation induite, en retour, sur le « nous ». C’est ce double questionnement que je propose de mener ici.

    En quête d’« Européanité » : affirmer la frontière entre « nous » et « eux »

    La question de savoir s’il est souhaitable et nécessaire que les contours de l’UE en tant que #communauté_politique soient tracés suivant des #lignes_identitaires donne lieu à une opposition philosophique très tranchée entre les partisans d’une défense sans faille de « l’#identité_européenne » et ceux qui plaident, à l’inverse, pour une « #indéfinition » résolue de l’Europe. Loin d’être purement théorique, cette opposition se rejoue sur le plan politique, sous une forme tout aussi dichotomique, dans le débat sur le traitement des étrangers.

    Les enjeux pratiques soulevés par la volonté de définir et sécuriser « notre » commune « Européanité » ont été au cœur de la controverse publique qu’a suscitée, en septembre 2019, l’annonce faite par #Ursula_von_der_Leyen de la nomination d’un commissaire à la « #Protection_du_mode_de_vie_européen », mission requalifiée – face aux critiques – en « #Promotion_de_notre_mode_de_vie_européen ». Dans ce portefeuille, on trouve plusieurs finalités d’action publique dont l’association même n’a pas manqué de soulever de vives inquiétudes, en dépit de la requalification opérée : à l’affirmation publique d’un « #mode_de_vie » spécifiquement « nôtre », lui-même corrélé à la défense de « l’#État_de_droit », « de l’#égalité, de la #tolérance et de la #justice_sociale », se trouvent conjoints la gestion de « #frontières_solides », de l’asile et la migration ainsi que la #sécurité, le tout placé sous l’objectif explicite de « protéger nos citoyens et nos valeurs ».

    Politiquement, cette « priorité » pour la période 2019-2024 s’inscrit dans la droite ligne des appels déjà anciens à doter l’Union d’un « supplément d’âme
     » ou à lui « donner sa chair » pour qu’elle advienne enfin en tant que « #communauté_de_valeurs ». De tels appels à un surcroît de substance spirituelle et morale à l’appui d’un projet européen qui se devrait d’être à la fois « politique et culturel » visaient et visent encore à répondre à certains problèmes pendants de la construction européenne, depuis le déficit de #légitimité_démocratique de l’UE, si discuté lors de la séquence constitutionnelle de 2005, jusqu’au défaut de stabilité culminant dans la crainte d’une désintégration européenne, rendue tangible en 2020 par le Brexit.

    Précisément, c’est de la #crise_existentielle de l’Europe que s’autorisent les positions intellectuelles qui, poussant la quête d’« Européanité » bien au-delà des objectifs politiques évoqués ci-dessus, la déclinent dans un registre résolument civilisationnel et défensif. Le geste philosophique consiste, en l’espèce, à appliquer à l’UE une approche « communautarienne », c’est-à-dire à faire entièrement reposer l’UE, comme ensemble de règles, de normes et d’institutions juridiques et politiques, sur une « #communauté_morale » façonnée par des visions du bien et du monde spécifiques à un groupe culturel. Une fois complétée par une rhétorique de « l’#enracinement » desdites « #valeurs_européennes » dans un patrimoine historique (et religieux) particulier, la promotion de « notre mode de vie européen » peut dès lors être orientée vers l’éloge de ce qui « nous » singularise à l’égard d’« autres », de « ces mérites qui nous distinguent » et que nous devons être fiers d’avoir diffusés au monde entier.

    À travers l’affirmation de « notre » commune « Européanité », ce n’est pas seulement la reconnaissance de « l’#exception_européenne » qui est recherchée ; à suivre celles et ceux qui portent cette entreprise, le but n’est autre que la survie. Selon #Chantal_Delsol, « il en va de l’existence même de l’Europe qui, si elle n’ose pas s’identifier ni nommer ses caractères, finit par se diluer dans le rien. » Par cette #identification européenne, des frontières sont tracées. Superposant Europe historique et Europe politique, Alain Besançon les énonce ainsi : « l’Europe s’arrête là où elle s’arrêtait au XVIIe siècle, c’est-à-dire quand elle rencontre une autre civilisation, un régime d’une autre nature et une religion qui ne veut pas d’elle. »

    Cette façon de délimiter un « #nous_européen » est à l’exact opposé de la conception de la frontière présente chez les partisans d’une « indéfinition » et d’une « désappropriation » de l’Europe. De ce côté-ci de l’échiquier philosophique, l’enjeu est au contraire de penser « un au-delà de l’identité ou de l’identification de l’Europe », étant entendu que le seul « crédit » que l’on puisse « encore accorder » à l’Europe serait « celui de désigner un espace de circulation symbolique excédant l’ordre de l’identification subjective et, plus encore, celui de la #crispation_identitaire ». Au lieu de chercher à « circonscri[re] l’identité en traçant une frontière stricte entre “ce qui est européen” et “ce qui ne l’est pas, ne peut pas l’être ou ne doit pas l’être” », il s’agit, comme le propose #Marc_Crépon, de valoriser la « #composition » avec les « #altérités » internes et externes. Animé par cette « #multiplicité_d’Europes », le principe, thématisé par #Etienne_Balibar, d’une « Europe comme #Borderland », où les frontières se superposent et se déplacent sans cesse, est d’aller vers ce qui est au-delà d’elle-même, vers ce qui l’excède toujours.

    Tout autre est néanmoins la dynamique impulsée, depuis une vingtaine d’années, par les politiques européennes d’#asile et d’immigration.

    La gouvernance européenne des étrangers : l’intégration conditionnée par les « valeurs communes »

    La question du traitement public des étrangers connaît, sur le plan des politiques publiques mises en œuvre par les États membres de l’UE, une forme d’européanisation. Celle-ci est discutée dans les recherches en sciences sociales sous le nom de « #tournant_civique ». Le terme de « tournant » renvoie au fait qu’à partir des années 2000, plusieurs pays européens, dont certains étaient considérés comme observant jusque-là une approche plus ou moins multiculturaliste (tels que le Royaume-Uni ou les Pays-Bas), ont développé des politiques de plus en plus « robustes » en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à séjourner durablement sur leur territoire et à intégrer la communauté nationale, notamment par voie de naturalisation. Quant au qualificatif de « civique », il marque le fait que soient ajoutés aux #conditions_matérielles (ressources, logement, etc.) des critères de sélection des « désirables » – et, donc, de détection des « indésirables » – qui étendent les exigences relatives à une « #bonne_citoyenneté » aux conduites et valeurs personnelles. Moyennant son #intervention_morale, voire disciplinaire, l’État se borne à inculquer à l’étranger les traits de caractère propices à la réussite de son intégration, charge à lui de démontrer qu’il conforme ses convictions et comportements, y compris dans sa vie privée, aux « valeurs » de la société d’accueil. Cette approche, centrée sur un critère de #compatibilité_identitaire, fait peser la responsabilité de l’#inclusion (ou de l’#exclusion) sur les personnes étrangères, et non sur les institutions publiques : si elles échouent à leur assimilation « éthique » au terme de leur « #parcours_d’intégration », et a fortiori si elles s’y refusent, alors elles sont considérées comme se plaçant elles-mêmes en situation d’être exclues.

    Les termes de « tournant » comme de « civique » sont à complexifier : le premier car, pour certains pays comme la France, les dispositifs en question manifestent peu de nouveauté, et certainement pas une rupture, par rapport aux politiques antérieures, et le second parce que le caractère « civique » de ces mesures et dispositifs d’intégration est nettement moins évident que leur orientation morale et culturelle, en un mot, identitaire.

    En l’occurrence, c’est bien plutôt la notion d’intégration « éthique », telle que la définit #Jürgen_Habermas, qui s’avère ici pertinente pour qualifier ces politiques : « éthique » est, selon lui, une conception de l’intégration fondée sur la stabilisation d’un consensus d’arrière-plan sur des « valeurs » morales et culturelles ainsi que sur le maintien, sinon la sécurisation, de l’identité et du mode de vie majoritaires qui en sont issus. Cette conception se distingue de l’intégration « politique » qui est fondée sur l’observance par toutes et tous des normes juridico-politiques et des principes constitutionnels de l’État de droit démocratique. Tandis que l’intégration « éthique » requiert des étrangers qu’ils adhèrent aux « valeurs » particulières du groupe majoritaire, l’intégration « politique » leur demande de se conformer aux lois et d’observer les règles de la participation et de la délibération démocratiques.

    Or, les politiques d’immigration, d’intégration et de naturalisation actuellement développées en Europe sont bel et bien sous-tendues par cette conception « éthique » de l’intégration. Elles conditionnent l’accès au « nous » à l’adhésion à un socle de « valeurs » officiellement déclarées comme étant déjà « communes ». Pour reprendre un exemple français, cette approche ressort de la manière dont sont conçus et mis en œuvre les « #contrats_d’intégration » (depuis le #Contrat_d’accueil_et_d’intégration rendu obligatoire en 2006 jusqu’à l’actuel #Contrat_d’intégration_républicaine) qui scellent l’engagement de l’étranger souhaitant s’installer durablement en France à faire siennes les « #valeurs_de_la_République » et à les « respecter » à travers ses agissements. On retrouve la même approche s’agissant de la naturalisation, la « #condition_d’assimilation » propre à cette politique donnant lieu à des pratiques administratives d’enquête et de vérification quant à la profondeur et la sincérité de l’adhésion des étrangers auxdites « valeurs communes », la #laïcité et l’#égalité_femmes-hommes étant les deux « valeurs » systématiquement mises en avant. L’étude de ces pratiques, notamment les « #entretiens_d’assimilation », et de la jurisprudence en la matière montre qu’elles ciblent tout particulièrement les personnes de religion et/ou de culture musulmanes – ou perçues comme telles – en tant qu’elles sont d’emblée associées à des « valeurs » non seulement différentes, mais opposées aux « nôtres ».

    Portées par un discours d’affrontement entre « systèmes de valeurs » qui n’est pas sans rappeler le « #choc_des_civilisations » thématisé par #Samuel_Huntington, ces politiques, censées « intégrer », concourent pourtant à radicaliser l’altérité « éthique » de l’étranger ou de l’étrangère : elles construisent la figure d’un « autre » appartenant – ou suspecté d’appartenir – à un système de « valeurs » qui s’écarterait à tel point du « nôtre » que son inclusion dans le « nous » réclamerait, de notre part, une vigilance spéciale pour préserver notre #identité_collective et, de sa part, une mise en conformité de son #identité_personnelle avec « nos valeurs », telles qu’elles s’incarneraient dans « notre mode de vie ».

    Exclusion des « autres » et homogénéisation du « nous » : les risques d’une « #Europe_des_valeurs »

    Le recours aux « valeurs communes », pour définir les « autres » et les conditions de leur entrée dans le « nous », n’est pas spécifique aux politiques migratoires des États nationaux. L’UE, dont on a vu qu’elle tenait à s’affirmer en tant que « communauté morale », a substitué en 2009 au terme de « #principes » celui de « valeurs ». Dès lors, le respect de la dignité humaine et des droits de l’homme, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit sont érigés en « valeurs » sur lesquelles « l’Union est fondée » (art. 2 du Traité sur l’Union européenne) et revêtent un caractère obligatoire pour tout État souhaitant devenir et rester membre de l’UE (art. 49 sur les conditions d’adhésion et art. 7 sur les sanctions).

    Reste-t-on ici dans le périmètre d’une « intégration politique », au sens où la définit Habermas, ou franchit-on le cap d’une « intégration éthique » qui donnerait au projet de l’UE – celui d’une intégration toujours plus étroite entre les États, les peuples et les citoyens européens, selon la formule des traités – une portée résolument identitaire, en en faisant un instrument pour sauvegarder la « #civilisation_européenne » face à d’« autres » qui la menaceraient ? La seconde hypothèse n’a certes rien de problématique aux yeux des partisans de la quête d’« Européanité », pour qui le projet européen n’a de sens que s’il est tout entier tourné vers la défense de la « substance » identitaire de la « civilisation européenne ».

    En revanche, le passage à une « intégration éthique », tel que le suggère l’exhortation à s’en remettre à une « Europe des valeurs » plutôt que des droits ou de la citoyenneté, comporte des risques importants pour celles et ceux qui souhaitent maintenir l’Union dans le giron d’une « intégration politique », fondée sur le respect prioritaire des principes démocratiques, de l’État de droit et des libertés fondamentales. D’où également les craintes que concourt à attiser l’association explicite des « valeurs de l’Union » à un « mode de vie » à préserver de ses « autres éthiques ». Deux risques principaux semblent, à cet égard, devoir être mentionnés.

    En premier lieu, le risque d’exclusion des « autres » est intensifié par la généralisation de politiques imposant un critère de #compatibilité_identitaire à celles et ceux que leur altérité « éthique », réelle ou supposée, concourt à placer à l’extérieur d’une « communauté de valeurs » enracinée dans des traditions particulières, notamment religieuses. Fondé sur ces bases identitaires, le traitement des étrangers en Europe manifesterait, selon #Etienne_Tassin, l’autocontradiction d’une Union se prévalant « de la raison philosophique, de l’esprit d’universalité, de la culture humaniste, du règne des droits de l’homme, du souci pour le monde dans l’ouverture aux autres », mais échouant lamentablement à son « test cosmopolitique et démocratique ». Loin de représenter un simple « dommage collatéral » des politiques migratoires de l’UE, les processus d’exclusion touchant les étrangers constitueraient, d’après lui, « leur centre ». Même position de la part d’Étienne Balibar qui n’hésite pas à dénoncer le « statut d’#apartheid » affectant « l’immigration “extracommunautaire” », signifiant par là l’« isolement postcolonial des populations “autochtones” et des populations “allogènes” » ainsi que la construction d’une catégorie d’« étrangers plus qu’étrangers » traités comme « radicalement “autres”, dissemblables et inassimilables ».

    Le second risque que fait courir la valorisation d’un « nous » européen désireux de préserver son intégrité « éthique », touche au respect du #pluralisme. Si l’exclusion des « autres » entre assez clairement en tension avec les « valeurs » proclamées par l’Union, les tendances à l’homogénéisation résultant de l’affirmation d’un consensus fort sur des valeurs déclarées comme étant « toujours déjà » communes aux Européens ne sont pas moins susceptibles de contredire le sens – à la fois la signification et l’orientation – du projet européen. Pris au sérieux, le respect du pluralisme implique que soit tolérée et même reconnue une diversité légitime de « valeurs », de visions du bien et du monde, dans les limites fixées par l’égale liberté et les droits fondamentaux. Ce « fait du pluralisme raisonnable », avec les désaccords « éthiques » incontournables qui l’animent, est le « résultat normal » d’un exercice du pouvoir respectant les libertés individuelles. Avec son insistance sur le partage de convictions morales s’incarnant dans un mode de vie culturel, « l’Europe des valeurs » risque de produire une « substantialisation rampante » du « nous » européen, et d’entériner « la prédominance d’une culture majoritaire qui abuse d’un pouvoir de définition historiquement acquis pour définir à elle seule, selon ses propres critères, ce qui doit être considéré comme la culture politique obligatoire de la société pluraliste ».

    Soumis aux attentes de reproduction d’une identité aux frontières « éthiques », le projet européen est, en fin de compte, dévié de sa trajectoire, en ce qui concerne aussi bien l’inclusion des « autres » que la possibilité d’un « nous » qui puisse s’unir « dans la diversité ».

    https://laviedesidees.fr/L-Europe-et-la-fabrique-de-l-etranger
    #identité #altérité #intégration_éthique #intégration_politique #religion #islam

    • Politique de l’exclusion

      Notion aussi usitée que contestée, souvent réduite à sa dimension socio-économique, l’exclusion occupe pourtant une place centrale dans l’histoire de la politique moderne. Les universitaires réunis autour de cette question abordent la dimension constituante de l’exclusion en faisant dialoguer leurs disciplines (droit, histoire, science politique, sociologie). Remontant à la naissance de la citoyenneté moderne, leurs analyses retracent l’invention de l’espace civique, avec ses frontières, ses marges et ses zones d’exclusion, jusqu’à l’élaboration actuelle d’un corpus de valeurs européennes, et l’émergence de nouvelles mobilisations contre les injustices redessinant les frontières du politique.

      Tout en discutant des usages du concept d’exclusion en tenant compte des apports critiques, ce livre explore la manière dont la notion éclaire les dilemmes et les complexités contemporaines du rapport à l’autre. Il entend ainsi dévoiler l’envers de l’ordre civique, en révélant la permanence d’une gouvernementalité par l’exclusion.

      https://www.puf.com/politique-de-lexclusion

      #livre

  • Spannungen zwischen Nato-Staaten und China : Analyse einer zunehmenden Rivalität
    https://www.telepolis.de/features/Spannungen-zwischen-Nato-Staaten-und-China-Analyse-einer-zunehmenden-Rival

    Dans une série d’articles bien documentés Norman Paech vérifie le bien fondé des accusations de génocide contre la Chine. Il confirme l’impression que j’ai depuis le début : Il y a sans doute beaucoup de pratiques du pouvoir chinois qu’on peut critiquer dans le détail, mais les reproches d’actes et de volonté génocidaires contre la Chine sont des fabrications des milieux islamistes et anticommunistes états-uniens, allemands et ouïgours.

    17.1.2024 - China gewinnt an Bedeutung, doch auch der Widerstand wächst. Vorwürfe vor allem aus Nato-Staaten. Wie sich der Konflikt auswirkt. Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 1)

    Völkerrechtliche Perspektiven auf die Situation der Uiguren in China
    https://www.telepolis.de/features/Voelkerrechtliche-Perspektiven-auf-die-Situation-der-Uiguren-in-China-9600

    20.1.2024 - UN-Hochkommissariat sieht Menschenrechtslage in Xinjiang kritisch. Chinas Vorgehen stehen zur Debatte. Was sagen Völkerrecht und UNO? Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 2)

    China und Xinjiang : Anschuldigungen wegen Völkermordes im Realitätscheck
    https://www.telepolis.de/features/China-und-Xinjiang-Anschuldigungen-wegen-Voelkermordes-im-Realitaetscheck-

    21.1.2024 - Überwachungsapparat in Xinjiang. Leben der Uiguren tiefgreifend verändert. Wird aber die uigurische Kultur zerstört? Eine Analyse in drei Teilen. (Teil 3 und Schluss)

    #USA #Chine #minorités_nationales #terrorisme #islamisme #impérialusme #génocide

  • A scuola di antirazzismo

    Questo libro propone di partire dai bambini e dalle bambine per prendere consapevolezza di come i processi di razzializzazione siano pervasivi nella società italiana e si possa imparare molto presto a riflettere criticamente sulle diseguaglianze confrontandosi tra pari. Nasce da una ricerca-azione antirazzista che si è svolta nelle scuole primarie ed è rivolto in primis agli/alle insegnanti, per creare dei percorsi didattici che possano contrastare le diverse forme del razzismo (razzismo anti-nero, antisemitismo, antiziganismo, islamofobia, xenorazzismo e sinofobia).

    E’ un libro che offre ricchi e originali materiali di lavoro (tavole di fumetti e video-interviste a testimoni privilegiate/i) per promuovere dialoghi nei contesti educativi.

    volume 1 (pensé pour l’#école_primaire) :


    https://www.meltingpot.org/2021/09/antirazzismo-e-scuole-vol-1

    volume 2 (pensé pour l’#école_secondaire) :


    https://www.meltingpot.org/2023/11/antirazzismo-e-scuole-vol-2

    #anti-racisme #racisme #manuel #ressources_pédagogiques #livre #racialisation #pédagogie #didactique #parcours_didactique #racisme_anti-Noirs #antisémitisme #anti-tsiganisme #islamophobie #xénophobie #sinophobie #racisme_anti-Chinois #discriminations

    –-

    Note : la couverture du volume 2 avec mise en avant des #noms_de_rue (#toponymie)

  • There Was an Iron Wall in Gaza
    https://jacobin.com/2024/01/iron-wall-gaza-israel-defense-forces-realpolitik-palestine-history

    Dans cet article nous apprenons l’histoire du mouvement palestinien, du développement de la politique sioniste et des approches égyptiennes au problème introduit dans la région par la fondation de l’état d’Israël. C’est une lecture obligatoire pour chacune et chacun qui ne sait pas expliquer dans le détail les événements depuis 1945 et le rôle des acteurs historiques. Attention, l’article contient quelques déscriptions d’atrocités qu’on préfère ne pas lire juste avant de prendre son petit déjeuner.

    4.1.2024 byy Seth Ackerman - In a 1948 essay, “The Twilight of International Morality,” the international relations theorist Hans Morgenthau looked back at the bygone style of diplomacy practiced by the old aristocratic states of Europe — what might be called “traditional Realpolitik” — and ventured a contrarian argument: that behind its amoral facade and despite its reputation for cynicism and duplicity, it was always grounded in an inviolable ethical code.

    He considered Otto von Bismarck, the German avatar of nineteenth-century Realpolitik, and contrasted him with Adolf Hitler. Both men had faced the same stubborn problem: the fact of Germany’s “encirclement” by dangerous neighbors, France to the west and Russia to the east.

    But whereas Bismarck “accepted the inevitability of that fact and endeavored to turn it to Germany’s advantage,” through an intricate and sometimes devious Realpolitik diplomacy, Hitler, being “free of the moral scruples which had compelled Bismarck to accept the existence of France and Russia,” set out, quite simply, to annihilate them both.

    Whether this difference was really attributable to “moral scruple” or not can be debated; Bismarck’s foreign policy was a practical success, after all, while Hitler’s obviously wasn’t. But Morgenthau had put his finger on a useful and important distinction.

    The “Bismarck method” and the “Hitler method” can be thought of as two alternative ways of dealing with danger in the world. The first is the method of Realpolitik, which accepts power realities for what they are; assumes coexistence with enemies to be, for better or worse, permanent and unavoidable; and for that reason prefers, wherever possible, to defuse threats by searching for areas of common interest, employing the minimum quantum of violence necessary to achieve vital objectives.

    The second method is animated by an ideologically driven demonology of one type or another — an obsession with monsters that must be destroyed — coupled with an insatiable craving for what Henry Kissinger, in a well-known aphorism, called “absolute security”: “The desire of one power for absolute security,” he wrote in his 1954 doctoral dissertation on the diplomacy of Austrian diplomat Klemens von Metternich, “means absolute insecurity for all the others.”
    United Behind Israel

    Since October 7, every voice of authority in the West, from Joe Biden on down — in the foreign ministries, the think tanks, the major media — has united behind Israel’s declared objective to “crush and eliminate” Hamas. Its commando strike through Israel’s Gaza “iron wall” and the spree of atrocities against civilians that accompanied it are said to have voided whatever legitimacy the group might once have been accorded. A demand for Hamas’s total defeat and eradication is — for now, anyway — official policy in the United States, the European Union, and the other G7 nations.

    The problem, however, is that Hamas, which won 44 percent of the vote in the last Palestinian legislative elections, is a mass political party, not just an armed group, and neither can in fact be eradicated “militarily.” As long as Hamas exists, attempting to permanently exclude it from Palestinian politics by foreign diktat is guaranteed not only to fail but to sow unending chaos.

    Because the Hamas-must-go policy is unachievable and unsustainable, it is fated to be temporary, and the only question is how long it will take the world’s leaders to recognize their mistake and how much damage will be done in the meantime.

    In Afghanistan it took the United States twenty years, across three administrations, to summon the nerve to admit that it couldn’t defeat the Taliban. Despite the nearly three thousand who died on American soil at the hands of the Taliban’s al-Qaeda “guests,” the US realized in the end that it had no better option than to talk to the group and make a deal. When an accommodation was finally reached, in 2020, it was — in classic Realpolitik fashion — based on a common interest in defeating a mutual enemy, namely ISIS. In exchange for a commitment from the Taliban not to allow its territory to be used as a base for foreign terrorist operations, the United States withdrew its forces in 2021 and the Taliban is now in power in Kabul.

    But Gaza can’t afford to wait twenty years for Biden and company to come to their senses; given the pace of Israel’s killing machine, the last surviving Palestinian there will be long dead by then.

    All his life, Israeli prime minister Benjamin Netanyahu has spoken publicly and privately of his dream that Israel might someday get an opportunity to finish the job of 1948 and rid the Land of Israel of its masses of Palestinian interlopers. He expounded on this theme one evening in Jerusalem in the late 1970s to an appalled dinner guest, the military historian Max Hastings, who recounted the conversation in his memoirs; and he returned to the theme on the floor of the Knesset a decade later, after the Tiananmen Square massacre, when he lamented Israel’s failure to have seized the moment while the world’s attention was focused on China, to carry out a “mass expulsion of the Arabs.”

    Now, thanks to a fortuitous convergence of circumstances — a vengeful public, a far-right governing coalition, and, most importantly, a compliant US president — Netanyahu has been given another chance, and he’s not letting the opportunity slip away.

    Israel has explained what it’s doing in plain language. No one can claim they didn’t know. Through a combination of mass-casualty terror bombing — what Robert Pape of the University of Chicago, a leading scholar of coercive air power, has called “one of the most intense civilian punishment campaigns in history” — the destruction of hospitals and other critical infrastructure, and a near-total blockade of humanitarian supplies, it is working “to create conditions where life in Gaza becomes unsustainable,” in the words of Major General (Ret.) Giora Eiland, an adviser to the current defense minister.

    Israel, in other words, is grimly marching Morgenthau’s argument to its logical conclusion — proving, before the eyes of the world, that the final and most fundamental alternative to Realpolitik is genocide.
    Speak of the Devil

    In a 2008 article published by the Israel Council on Foreign Relations, Efraim Halevy, one of the more pragmatic Realpolitikers in Israel’s security establishment, aired his qualms about the prevailing Israeli approach to dealing with Gaza and its rulers.

    A former head of the Mossad, director of Israel’s national security council, and ambassador to the European Union, Halevy had worked on the Hamas file for many years, and his message was blunt: Hamas wasn’t going away anytime soon. Israel would therefore do well to find a way to make the group “a factor in a solution” rather than a perpetually “insurmountable problem.”

    Since the notion of Hamas as a solution to anything was bound to jar the reader’s preconceptions, Halevy took care to lay out a few relevant facts.

    He explained, first, that whatever the group’s founding documents might say, twenty years of contact with real-world politics had educated Hamas in the realities of power, and it was now “more than obvious to Hamas that they have no chance in the world to witness the destruction of the State of Israel.”

    Consequently, the group’s leaders had reverted to a more achievable goal: rather than Israel’s destruction, they sought its withdrawal to its 1967 borders, in exchange for which Hamas would agree to an extended armistice — “a thirty-year truce,” Halevy called it — which the group said it would respect and even help enforce, and which could eventually be made permanent if the parties so desired.

    Second, although Hamas’s leaders were adamant that Hamas would not recognize Israel or talk to it directly, they didn’t object to Mahmoud Abbas doing so, and they declared themselves ready, according to Halevy, “to accept a solution negotiated [by Abbas] with Israel if it were approved in a national Palestinian referendum.”

    Two years earlier, Hamas had prevailed in Palestinian elections by emphasizing its pragmatism and willingness to respect the two-state center-ground of Palestinian public opinion. That decision had represented a victory for the moderates within the organization. One of them, Riad Mustafa, a Hamas parliamentary deputy representing Nablus, explained the group’s position in a 2006 interview:

    I say unambiguously: Hamas does not and never will recognize Israel. Recognition is an act conferred by states, not movements or governments, and Palestine is not a state. Nevertheless, the [Hamas-led] government’s program calls for the end of the occupation, not the destruction of Israel, and Hamas has proposed ending the occupation and a long-term truce to bring peace to this region.

    That is Hamas’ own position. The government has also recognized President Abbas’ right to conduct political negotiations with Israel. If he were to produce a peace agreement, and if this agreement was endorsed by our national institutions and a popular referendum, then — even if it includes Palestinian recognition of Israel — we would of course accept their verdict. Because respecting the will of the people and their democratic choice is also one of our principles.

    According to Halevy, Hamas had conveyed these ideas to the Israeli leadership as far back as 1997 — but it never got a response. “Israel rejected this approach out of hand,” he wrote, “viewing it as a honey trap that would allow Hamas to consolidate its strength and status until such time as it would be capable of confronting Israel in battle, with a chance of winning.”

    Halevy regarded this as a serious mistake. “Is the current approach of Hamas genuine or is it a honey trap?” he asked. “Who can say?” Everything would depend on the details — but “such details cannot be pursued unless Hamas is engaged in meaningful discussion.”

    Finally — and presciently, it’s now clear — he reminded his readers that refusing to talk brought risks of its own:

    The Hamas leadership is by no means unanimous concerning the policies it should adopt. There are the pragmatists, the die-hard ideologues, the politicians, and the commanders in the field. All are now locked in serious debate over the future.

    As long as the door to dialogue is closed, there is no doubt as to who will prevail in this continuous deliberation and soul-searching.

    Organized Inhumanity

    Instead of taking Halevy’s Realpolitik advice, Israel and the United States doubled down on their monster-slaying crusade. Following Hamas’s election victory, they cut off aid to the Palestinian Authority, boycotted its new government, and tried to foment an anti-Hamas coup in Gaza, using forces loyal to elements of Fatah. The coup backfired, however, and when the dust cleared in early 2007, Fatah’s forces in Gaza had been routed, leaving Hamas in full control of the Strip.

    In response to that fiasco, Israel’s cabinet designated Gaza a “hostile entity” and prescribed an unprecedented tightening of its blockade, a measure officially referred to as the “closure” — an elaborate system of controls over the movement of people and goods into and out of the enclave, made possible by Israel’s continued grip over Gaza’s borders.
    Prime Minister Ismail Haniya, of Hamas (L), and Palestinian president Mahmoud Abbas, of Fatah, chair the first meeting of the previously attempted Palestinian unity government, on March 18, 2007, in the Gaza Strip.
    (Abid Katib / Getty Images)

    The closure of Gaza was a unique experiment — a pioneering innovation in organized inhumanity. The United Nations (UN) human rights jurist John Dugard has called it “possibly the most rigorous form of international sanctions imposed in modern times.”

    To make it sustainable, the closure was crafted to allow Israel to fine-tune the level of suffering Gazans experienced. The goal, as an adviser to Prime Minister Ehud Olmert put it, was “to put the Palestinians on a diet, but not to make them die of hunger.” Thus, on the one hand, the productive economy was comprehensively wiped out by denying it materials, fuel, and machinery. But on the other hand, Israel would try to estimate how many truckloads of food deliveries per day it would need to approve in order for the minimum caloric requirements of Gaza’s population to be met without producing famine conditions.

    The phrase that Israel’s closure administrators used among themselves to summarize their objective was, “No prosperity, no development, no humanitarian crisis.” By October 7, this policy had been in place for sixteen years, and a majority of Gaza’s population could not remember a time before it.

    Jamie Stern-Weiner has summarized the effects:

    The unemployment rate soared to “probably the highest in the world,” four-fifths of the population were forced to rely on humanitarian assistance, three-quarters became dependent on food aid, more than half faced “acute food insecurity,” one in ten children were stunted by malnutrition, and over 96 percent of potable water became unsafe for human consumption.

    The head of the United Nations (UN) agency for Palestinian refugees, UNRWA, observed in 2008 that “Gaza is on the threshold of becoming the first territory to be intentionally reduced to a state of abject destitution, with the knowledge, acquiescence and — some would say — encouragement of the international community.”

    The UN warned in 2015 that the cumulative impact of this induced “humanitarian implosion” might render Gaza “unlivable” within a half-decade. Israeli military intelligence agreed.

    As time went on, Israel under Netanyahu tried to turn the closure into a tool of coercive statecraft. When Hamas was being cooperative, the restrictions were minutely eased and Gazans’ misery would ever so slightly subside. When Hamas was recalcitrant, Israel would, so to speak, put the Palestinians on a more stringent diet.

    But even in the most convivial moments of the Israel-Hamas relationship, conditions in Gaza were maintained at a level of deprivation that, anywhere else, would be considered catastrophic. In the period just prior to October 7, Gazans had electricity for only half the day. Eighty percent of the population relied on humanitarian relief for basic needs, 40 percent suffered from a “severe” lack of food, and 75 percent of the population lacked access to water fit for human consumption.

    That was the bad news. The good news was that Israel had recently hinted it might permit repairs to Gaza’s water desalination plants — depending on how Hamas behaved.
    Bismarck in Zion

    It would be wrong to compare this situation to old-style, nineteenth-century colonialism. It was much worse than that. It was more like a grotesque parody of colonialism — “no prosperity, no development, no humanitarian crisis” — a cartoonishly malevolent version of the kind of foreign domination against which “wars of national liberation” have been fought by people on every continent and in every era — and by the most gruesome means.

    One can debate this or that aspect of the academic left’s discourse about Israel as a settler-colonial state. But the colonial dynamic that lies at the root of Israel’s conflict with the Palestinians is not a matter of debate; it’s a fact of history, recognized as such not just by campus social-justice activists but by the leading figures of modern Zionism.

    Vladimir Jabotinsky, the erudite and much misunderstood Zionist leader who posthumously became the founding father of the Israeli right (one of his closest aides, Benzion Netanyahu, was the father of the current prime minister) sought to drive home just this point in his famous 1923 essay “The Iron Wall.”

    At the time, many on the Zionist left still clung to the pretense that Zionism posed no threat to the Palestinians. They dissembled in public about the movement’s ultimate aims — the creation of a state “as Jewish as England is English,” in the words of Chaim Weizmann — and, even in private, some of them professed to believe that the Jewish presence in Palestine would bring such wondrous economic blessings that the Palestinians themselves would someday be won over to the Zionist cause.

    This combination of deception and self-deception put the whole Zionist venture at risk, Jabotinsky believed, and in “The Iron Wall” he set out, in exceptionally lucid and unforgiving prose, to strip away the Left’s illusions.

    It’s worth quoting him at length:

    My readers have a general idea of the history of colonization in other countries. I suggest that they consider all the precedents with which they are acquainted, and see whether there is one solitary instance of any colonization being carried on with the consent of the native population. There is no such precedent.

    The native populations, civilized or uncivilized, have always stubbornly resisted the colonists, irrespective of whether they were civilized or savage.

    And it made no difference whatever whether the colonists behaved decently or not. The companions of Cortez and Pizzaro or (as some people will remind us) our own ancestors under Joshua Ben Nun, behaved like brigands; but the Pilgrim Fathers, the first real pioneers of North America, were people of the highest morality, who did not want to do harm to anyone, least of all to the Red Indians, and they honestly believed that there was room enough in the prairies both for the Paleface and the Redskin. Yet the native population fought with the same ferocity against the good colonists as against the bad.

    Every native population, civilized or not, regards its lands as its national home, of which it is the sole master, and it wants to retain that mastery always; it will refuse to admit not only new masters but even new partners or collaborators.

    This is equally true of the Arabs. Our peace-mongers are trying to persuade us that the Arabs are either fools, whom we can deceive by masking our real aims, or that they are corrupt and can be bribed to abandon to us their claim to priority in Palestine, in return for cultural and economic advantages. I repudiate this conception of the Palestinian Arabs. Culturally they are five hundred years behind us, they have neither our endurance nor our determination; but they are just as good psychologists as we are, and their minds have been sharpened like ours by centuries of fine-spun logomachy.

    We may tell them whatever we like about the innocence of our aims, watering them down and sweetening them with honeyed words to make them palatable, but they know what we want, as well as we know what they do not want. They feel at least the same instinctive jealous love of Palestine, as the old Aztecs felt for ancient Mexico, and the Sioux for their rolling Prairies.

    To imagine, as our Arabophiles do, that they will voluntarily consent to the realization of Zionism in return for the moral and material conveniences which the Jewish colonist brings with him, is a childish notion, which has at bottom a kind of contempt for the Arab people; it means that they despise the Arab race, which they regard as a corrupt mob that can be bought and sold, and are willing to give up their fatherland for a good railway system.

    There is no justification for such a belief. It may be that some individual Arabs take bribes. But that does not mean that the Arab people of Palestine as a whole will sell that fervent patriotism that they guard so jealously, and which even the Papuans will never sell. Every native population in the world resists colonists as long as it has the slightest hope of being able to rid itself of the danger of being colonized.

    That is what the Arabs in Palestine are doing, and what they will persist in doing as long as there remains a solitary spark of hope that they will be able to prevent the transformation of “Palestine” into the “Land of Israel.”

    What should the Zionists do, then, according to Jabotinsky? First, and most important, he urged the movement to build up its military strength — the “iron wall” of the essay’s title.

    Second, under the shield of its armed forces, the Zionists should speed ahead with the colonization of Palestine, against the will of the indigenous Arab majority, by securing a maximum of Jewish immigration in a minimum span of time.

    Once a Jewish majority had become a fait accompli (in 1923, Jews still made up only about 11 percent of Palestine’s population), it would only be a matter of time, Jabotinsky thought, before it finally penetrated the minds of the Arabs that the Jews were not going to be chased out of Palestine. Then they would see that they had no better option than to come to terms with Zionism.

    And at that point, Jabotinsky concluded, “I am convinced that we Jews will be found ready to give them satisfactory guarantees” — guarantees of extensive civil, political, even national rights, within a Jewish state — “so that both peoples can live together in peace, like good neighbors.”

    Whatever one thinks of the morality — or the sincerity — of Jabotinsky’s strategy in “The Iron Wall,” as Realpolitik it made eminent sense. It started from a realistic appraisal of the problem: that the Palestinians could not be expected to give up the fight to preserve their homeland. It proposed a program of focused coercive violence to frustrate their resistance. And it held out a set of assurances safeguarding key Palestinian interests in the context of an overall settlement in which the main Zionist objective would be achieved.

    Whether this Bismarckian program could have “worked” (from the Zionist perspective) will never be known, however. For in the years that followed, a very different sort of scenario gained prominence in the thinking of the Zionist leadership.

    This was what was known as “transfer”: a euphemism meaning the “voluntary” or involuntary physical removal of the Palestinian population from the “Land of Israel.”

    In 1923, when he wrote “The Iron Wall,” Jabotinsky was firmly opposed to transfer. “I consider it utterly impossible to eject the Arabs from Palestine,” he wrote. “There will always be two nations in Palestine.” He maintained this stance quite adamantly until the final years of his life, holding firm even as support for the concept steadily spread through both the mainstream Zionist left and among his own increasingly radicalized right-wing followers.

    The Israeli historian Benny Morris chronicled this doctrinal shift in his The Birth of the Palestinian Refugee Problem. He summarized it this way:

    As Arab opposition, including violent resistance, to Zionism grew in the 1920s and 1930s, and as this opposition resulted in periodic British clampdowns on Jewish immigration, a consensus or near-consensus formed among the Zionist leaders around the idea of transfer as the natural, efficient and even moral solution to the demographic dilemma.

    Thus, by 1948, Morris concluded, “transfer was in the air.”
    We Will Attack and Smite the Enemy

    In the early morning hours of Friday, April 9, 1948, during the conflict that Israelis call the War of Independence, 132 armed men — mostly from the Irgun, the right-wing paramilitary group that Jabotinsky had led until his death in 1940, but also a few others from a splinter-group offshoot called Lehi — entered a Palestinian village near Jerusalem with the intention of capturing it and requisitioning supplies from its inhabitants.

    Six months earlier, the UN had announced its decision to partition Palestine into a Jewish state, which was to be allocated 55 percent of the territory, and a Palestinian Arab state, on the remaining 45 percent. (At the time, there were about 600,000 Jews and 1.3 million Arabs in Palestine.)

    The Zionists were delighted to gain such a prize, while the Palestinians — in shock at the prospect of having more than half their homeland torn away from them — rejected the plan in its totality. In response to the announcement, a wave of civil strife between Jews and Arabs erupted, shortly escalating into all-out war.

    Amid this violence, the village in question, Deir Yassin, had been faithfully respecting a truce with nearby Jewish settlements. “There was not even one incident between Deir Yassin and the Jews,” according to the local commander of the Haganah, the mainstream Zionist militia that would soon become the core of the newly created Israel Defense Forces (IDF).

    Despite this, the rightist paramilitaries had made a decision to carry out the “liquidation of all the men in the village and any other force that opposed us, whether it be old people, women, or children,” according to an Irgun officer, Ben-Zion Cohen, who participated in the operation’s planning. The stated reason for this decision was that it would “show the Arabs what happens” when Jews were united and determined to fight.

    (Cohen’s recollections of the operation, as well as those of several other Deir Yassin veterans, were recorded and deposited with the Jabotinsky Institute archives in Tel Aviv in the mid-1950s, where they were discovered decades later by an Israeli journalist.)

    That morning, the inhabitants of Deir Yassin awoke to the sound of grenades and gunfire. Some began fleeing in their nightclothes; others scrambled for their weapons or took refuge in the homes of neighbors. The attackers’ initial battle plan quickly fell apart amid equipment failures and communication problems, and they took unexpectedly heavy casualties from the local men armed with rifles. After a few hours of fighting, a decision was made to call a retreat.

    Cowering inside their homes at that moment were the Palestinian families who’d been unable to flee in time. As soon as the paramilitary commanders ordered the retreat, these villagers became the targets of the Jewish fighters’ frustrations.

    What happened next was recounted by survivors to British police investigators from the Palestine Mandate’s civil administration. Twenty years later, the records of the investigation were obtained by two journalists, Larry Collins and Dominique Lapierre, for their bestselling 1972 book, O Jerusalem!

    The survivors described scenes like the following.

    Fahimi Zeidan, a twelve-year-old girl, recalled the door to her house being blasted open as she and her family hid along with members of a neighboring family. The paramilitaries took them outside. “The Jews ordered all our family to line up against the wall and they started shooting us.” After they shot an already wounded man, “one of his daughters screamed, they shot her too. They then called my brother Mahmoud and shot him in our presence, and when my mother screamed and bent over my brother (she was carrying my little sister Khadra who was still being breastfed) they shot my mother too.”

    Haleem Eid, a thirty-year-old woman, testified that she saw “a man shoot a bullet into the neck of my sister Salhiyeh who was nine months pregnant. Then he cut her stomach open with a butcher’s knife.” When another village woman, Aiesch Radwas, tried to extricate the fetus from the dead mother’s womb, she was shot, too.

    Zeinab Akkel recalled that she tried to save her younger brother’s life by offering the Jewish attackers all her money (about $400). One of them took the money and “then he just knocked my brother over and shot him in the head with five bullets.”

    Sixteen-year-old Naaneh Khalil said she saw a man take “a kind of sword and slash my neighbor Jamil Hish from head to toe then do the same thing on the steps to my house to my cousin Fathi.”

    Meir Pa’il, a Jewish Agency intelligence official who was on the scene, later described the sight of Irgun and Lehi fighters running frantically through the village, “their eyes glazed over, full of lust for murder.”

    When some Irgunists discovered a house that had earlier been the source of fatal gunfire for one of their fallen comrades, they assaulted it, and nine civilians emerged in surrender. One of the paramilitaries shouted: “This is for Yiftach!” and machine-gunned them all to death.

    Prisoners were loaded onto trucks and driven through the streets of Jerusalem in a “victory parade.” After a group of male villagers was paraded in this way, they were unloaded from the trucks and executed. Meir Pa’il recalled photographing roughly twenty-five men shot in firing squad formation.

    According to Haganah intelligence documents, some of the villagers were taken to a nearby paramilitary base, where Lehi fighters killed one of the babies and then, when its mother fainted in shock, finished off the mother as well.

    One of the British officers from the Criminal Investigation Division attached the following note to the investigation file:

    I interviewed many of the women folk in order to glean some information on any atrocities committed in Deir Yassin but the majority of those women are very shy and reluctant to relate their experiences especially in matters concerning sexual assault and they need great coaxing before they will divulge any information. The recording of statements is hampered also by the hysterical state of the women who often break down many times whilst the statement is being recorded.

    There is, however, no doubt that many sexual atrocities were committed by the attacking Jews. Many young school girls were raped and later slaughtered. Old women were also molested. One story is current concerning a case in which a young girl was literally torn in two. Many infants were also butchered and killed. I also saw one old woman who gave her age as one hundred and four who had been severely beaten about the head by rifle butts. Women had bracelets torn from their arms and rings from their fingers and parts of some of the women’s ears were severed in order to remove earrings.”

    The next day, when Haganah forces inspected the village, one of them was shocked to find Jewish guerrillas “eating with gusto next to the bodies.” A doctor who accompanied the detachment noted that “it was clear that the attackers had gone from house to house and shot the people at close range,” adding: “I had been a doctor in the German Army for five years in World War I, but I never saw such a horrifying spectacle.”

    The commander of the Jewish youth brigade sent to assist in the cleanup operation entered a number of the houses and reported finding several bodies “sexually mutilated.” A female brigade member went into shock upon discovering the corpse of a pregnant woman whose abdomen appeared to have been crushed.

    The cleanup crew burned and buried the bodies in a quarry, later filling it with dirt.

    As they did so, a radio broadcast could be heard in Jerusalem delivering the following message:

    Accept my congratulations on this splendid act of conquest.

    Convey my regards to all the commanders and soldiers. We shake your hands.

    We are all proud of the excellent leadership and the fighting spirit in this great attack.

    We stand to attention in memory of the slain.

    We lovingly shake the hands of the wounded.

    Tell the soldiers: you have made history in Israel with your attack and your conquest. Continue thus until victory.

    As in Deir Yassin, so everywhere, we will attack and smite the enemy. God, God, Thou hast chosen us for conquest.

    The voice delivering the message belonged to the Irgun’s chief commander — the future Nobel Peace Prize winner and prime minister of Israel, Menachem Begin.
    Saying No to Yes

    “More than any single occurrence in my memory of that difficult period, it was Deir Yassin that stood out in all its awful and intentional fearsomeness,” the late Palestinian American literary scholar Edward Said, who was twelve at the time and living in Cairo, later recalled — “the stories of rape, of children with their throats slit, mothers disemboweled, and the like. They gripped the imagination, as they were designed to do, and they impressed a young boy many miles away with the mystery of such bloodthirsty and seemingly gratuitous violence against Palestinians whose only crime seemed to be that they were there.”

    A different memory of Deir Yassin was conveyed by Yaacov Meridor, a former Irgun commander, during a 1949 debate in the Israeli Knesset: to a disapproving mention of the massacre by a left-wing deputy, he retorted: “Thanks to Deir Yassin we won the war, sir!”

    Because of the wide publicity it received, Deir Yassin contributed disproportionately to the terrified panic that spurred the Palestinians’ flight in 1948–49. But it was only one of several dozen massacres perpetrated by Jewish forces, most of which had been the work of the mainstream Haganah/IDF. In a few cases, the IDF appears to have matched or even exceeded the depravity of the Irgun in Deir Yassin (as, for example, at al-Dawayima in October 1948).
    Palestinian refugees fleeing in October–November 1948. (Wikimedia Commons)

    The radicalized heirs of Jabotinsky delighted in reminding the Left of these details. “How many Deir Yassins have you [the Left] been responsible for?” another rightist deputy interjected. “If you don’t know, you can ask the Minister of Defense.” (The minister of defense was David Ben-Gurion, who’d been kept abreast of the atrocities perpetrated by his troops during the war.)

    The result was that, by mid-1949, the majority of the Palestinian population had fled for their lives or been expelled from their homes by Jewish forces and were living now as refugees beyond the borders of Palestine. Their abandoned villages would be bulldozed, and they would never be allowed to return. Israel, meanwhile, had expanded its control in Palestine from the 55 percent of the land awarded to it in 1947 by the UN to the 78 percent of the 1949 armistice lines.

    Throughout the 1950s and 1960s, the Arab states and Palestinian organizations were unanimous in declaring Israel an illegitimate “Zionist entity” that would be dismantled and destroyed when Palestine was finally liberated. Until then, Arab governments were to have no contacts with Israel of any kind — even purely economic — on penalty of ostracism from the rest of the Arab world. This stance was affirmed and reaffirmed, year after year, in speeches, diplomatic texts, and Arab League communiqués.

    But Israel spent these years patiently tending to its iron wall, so that by 1967, when a second general Arab-Israeli war arrived, the wall was so impregnable that Israel was able to defeat the combined forces of all its adversaries in less than a week, conquering vast expanses of Egyptian, Jordanian, and Syrian territory.

    From that moment on, the rules of the conflict changed. There was only one feasible way for the Arab states to regain their conquered territories, and that was by coming to terms with the conqueror. Moshe Dayan, Israel’s defense minister, captured the essence of the situation in a laconic remark made three days after the war’s end. “We are quite pleased with what we have now. If the Arabs desire any change, they should call us.”

    With the brute physics of military compulsion now forcing the Arabs to rethink their long-held attitude toward the Jewish state, Israel had a unique opportunity to finally pursue the Bismarckian type of settlement that Jabotinsky had advocated fifty years earlier (albeit in a very different context).

    But for reasons originating in both the traumas of Jewish history and the political circumstances of the post-1967 world, Israel was unable to do it. Since the war, its political culture — on the Left and the Right, among the secular as well as the religious — had become suffused with a messianic belief in the imperative of Jewish territorial expansion and the illegitimacy of territorial compromise. Israelis clung to a concept of “absolute security” (in Kissinger’s sense) that over the years would drive them into a series of military disasters, most notably the 1982 “incursion” into Lebanon, which was supposed to last a few weeks but ended up dragging on for almost two decades. And a grossly distorted mental image of Israel’s Arab neighbors was cultivated in the nation’s collective psyche, based on the self-fulfilling prophecy of eternal enmity driven by a timeless hatred of Jews.

    The mentality was acutely captured by Joshua Cohen in his 2021 novel, The Netanyahus, a fictionalized account of a 1960 sojourn by Benzion Netanyahu and his young family (including a teenage Binyamin) to a bucolic American college town for a faculty job interview.

    At one point in the book, a fellow Israeli academic assesses the work of Netanyahu père, who was a scholar of medieval Jewish history:

    [There] comes a point in nearly every text he produces where it emerges that the true phenomenon under discussion is not anti-Semitism in Early Medieval Lorraine or Late Medieval Iberia but rather anti-Semitism in twentieth-century Nazi Germany; and suddenly a description of how a specific tragedy affected a specific diaspora becomes a diatribe about the general tragedy of the Jewish Diaspora, and how that Diaspora must end — as if history should not describe, but prescribe — in the founding of the State of Israel.

    I am not certain whether this politicization of Jewish suffering would have the same impact on American academia as it had on ours, but, in any milieu, connecting Crusader-era pogroms with the Iberian Inquisitions with the Nazi Reich must be adjudged as exceeding the bounds of sloppy analogy, to assert a cyclicity of Jewish history that approaches dangerously close to the mystical.

    The paradoxical result of all this was that the more powerful Israel became, the more power it felt it needed, and the more concessions it extracted from its enemies, the more concessions it required. Jabotinsky had advised the Zionist movement to build up its military strength in order to frustrate its adversaries’ attacks — and Israel became quite adept at this. But absent external duress, it could never bring itself to clinch the culminating step of Jabotinsky’s Bismarckian program: the ultimate accommodation with the defeated enemy.

    Put another way, Israel couldn’t take yes for an answer.

    In February 1971, Anwar Sadat, the new president of Egypt, the largest and most powerful Arab state, became the first Arab leader to declare his willingness to sign a peace treaty with Israel. He would do so, he said, if Israel committed to withdraw from Egypt’s Sinai Peninsula and agree to a negotiated resolution of the Palestinian issue.

    Eventually, Sadat’s persistence in seeking an agreement with Israel paid off: through the good offices of Jimmy Carter, an Egyptian-Israeli agreement on the terms of a peace treaty was signed at Camp David in 1978 — for which Sadat shared the 1978 Nobel Peace Prize — and Israel handed back Egypt’s Sinai Peninsula in stages, ending in 1982.

    But it would take eight years, a region-wide war, a US-Soviet standoff that brought the world close to nuclear Armageddon, and a spectacular diplomatic gesture on Sadat’s part — his astonishing 1977 visit to Jerusalem, which led directly to his assassination by Islamic extremists four years later — to overcome Israeli obstructionism and make an Egyptian-Israeli agreement a reality.

    For two years following his February 1971 initiative, Sadat fruitlessly tried to advance his peace proposal in the face of Israel’s contemptuous rejection. (In those days, the Israeli sociologist Uri Ben-Eliezer writes, Sadat was still “depicted in Israel as an ignorant Egyptian peasant and a target for mockery.”) By spring 1973, he’d decided that his diplomatic avenues were exhausted, and he resolved to go to war to recover Egypt’s lost territory.

    Sadat knew that Egypt couldn’t reconquer the territories in battle. His plan, in essence, was a barroom brawler’s stratagem: he would start a fight with his stronger opponent, quickly get in a few good blows, and then count on onlookers — in this case the United States and the Soviet Union — to step in and break up the scuffle before too much damage could be done. By creating a Cold War crisis, he intended to force the United States, the only power with any leverage over Israel, to drag the Israelis to the negotiating table.

    His brilliantly executed surprise attack of October 6, 1973, secretly coordinated with Syria, served its purpose. It caught Israel unaware and unprepared, triggering a national crisis of confidence whose reverberations would be felt throughout Israeli society for years to come. It led to a US-Soviet confrontation that came close to the point of nuclear escalation. And it forced the United States to begin the process of nudging Israel in the direction of a settlement.

    Looking back on this sequence of events in his memoirs decades later, the Israeli elder statesman Shimon Peres, not wanting to cast judgment on the decisions of his former colleagues (he’d been a junior minister in government in 1971–73), wrote cautiously about Sadat’s rejected prewar peace terms: “It is hard to judge today whether peace with Sadat might have been possible at that time on the terms that were eventually agreed to five years later.”

    But other officials from that era have been less reserved. “I truly believe that it was a historic mistake” to have spurned Sadat’s 1971 overture, wrote Eytan Bentsur, a top aide to then foreign minister Abba Eban, in a judgment now echoed by many Israeli and American analysts. “History will judge if an opportunity had not been missed — one which would have prevented the Yom Kippur War and foreshadowed the peace with Egypt” at Camp David.
    “Do Not Be Fooled by Wily Sadat”

    If Sadat’s 1971 proposal was killed by negatives quietly conveyed via confidential diplomatic channels, it also fell victim, in the public sphere, to a deeply entrenched mental tic in Western discourse on the Middle East: the reflex of construing any given Arab peace proposal as a trick secretly designed to achieve not peace but the destruction of Israel.

    How a peace initiative can even be a trick, and what anyone could hope to gain by announcing a “trick peace proposal,” are questions that lack obvious answers. But to this day, the legend of the “fake Arab peace initiative” continues to exert a powerful psychological hold over many Western and Israeli observers.

    For example, shortly after Sadat publicized his 1971 peace offer, the diplomatic historian A. J. P. Taylor — the most famous British historian of his time — warned in a newspaper commentary that the Egyptian leader was attempting an elaborate ruse. “Do not be fooled by wily Sadat,” Taylor cautioned. The telltale clue that exposed Sadat’s real intentions, according to the scholar, was his insistence on the return of all occupied Egyptian territory, including the strategically important city of Sharm e-Shaikh.

    Taylor was certain that Sharm el-Shaikh was “a place of no use or importance to Egypt” aside from its dominating position at the mouth of the Gulf of Aqaba. If Sadat wanted it back so badly, that could only mean one thing: he wasn’t really seeking peace; he “merely wants to be in a position to strangle Israel again.”

    Obviously, history has not been kind to that conjecture. Fifty-two years later, Sharm el-Shaikh is an upscale resort town, the jewel of Egypt’s tourism industry. An Egyptian-Israeli peace treaty has been in force for more than four decades and has never been breached, by either side. Israel, needless to say, remains unstrangled.

    The mentality of Israel’s Western publicists grew more and more detached from reality in this way, with world events interpreted through the increasingly distorted lens of Zionist demonology. A 1973 editorial in what was then the largest-circulation Jewish newspaper in the United States, New York Jewish Week, is illustrative. At that moment, a UN Middle East peace conference was getting underway in Geneva, and there had recently been a spate of press commentary cautiously suggesting that perhaps Sadat might really want peace with Israel after all.

    The editorialists of Jewish Week had a question for such naïfs: Had they learned nothing from Hitler?

    The Arab leaders have told us that their aims are quite limited. They say they merely want to regain the territories that Israel conquered in 1967. Then they will be satisfied and recognize Israel, to live in peace forever after.

    Had Chamberlain and Daladier read “Mein Kampf” and heeded its warnings, they would have known that Hitler was dissembling [about] his real aims.

    Were the gullible editors and statesmen who believe the Arab protestations of limited war objectives to read the unrepudiated war aims of the Arab leaders who now profess moderation, they would know that the Yom Kippur War and the subsequent Arab peace offensive were right out of the Munich betrayal.

    With the benefit of hindsight and the enormous condescension of posterity, it’s all too easy to laugh at this kind of hysteria. Surely, after fifty years, the jury is in, and we can now say with certainty that no Middle Eastern Czechoslovakia has fallen victim to the battalions of the Egyptian Wehrmacht.

    But exactly the same reasoning and rhetoric are routinely deployed today, only now with Hamas replacing Anwar Sadat’s Egypt as the epicenter of the looming Fourth Reich — a dream-logic montage of history in which an interchangeable chorus of Hitlerian Arabs “professes moderation” at an uncannily Munich-like Geneva (or is it a Geneva-like Oslo?) in order to dupe gullible Westerners about their genocidal intentions.

    In fairness to the editorialists of Jewish Week, it should be recalled that Sadat — whose saintly memory as a peacemaker is venerated today by everyone in official Washington, from earnest White House speechwriters to flag-pinned congressional yahoos — routinely indulged in antisemitic invective of a virulence that would never be heard from the top leaders of Hamas today.

    In a 1972 speech, he called the Jews “a nation of liars and traitors, contrivers of plots, a people born for deeds of treachery” and said that “the most splendid thing that the Prophet Mohammad did was to drive them out of the whole of the Arabian peninsula.” For good measure, he promised that he would “never conduct direct negotiations” with the Jews. (As seen, he soon did just that.)

    Nor did Sadat hesitate to verbally evoke the “destruction of Israel” when it suited him; he did so routinely, including in a speech to his ruling Arab Socialist Union party just four months after his February 1971 peace initiative. In that June address, he spoke of his eagerness for the coming battle to destroy the “Zionist intrusion.”

    There were two contrasting ways of interpreting this sort of rhetoric from Sadat. On the one hand, there was the approach taken by the editorialists of the English-language Jerusalem Post — a publication deeply in thrall to the legend of the Arab peace fake-out — who gleefully declared that Sadat’s speech had “pulled off the mask of the peace-seeker, to show the true face of the warmonger.” His peace initiative of four months earlier had thereby been exposed as “a calculated fraud.”

    But how did the editorialists know it was the February peace proposal that was the fraud and not the June war threat? And if the peace proposal was a “calculated fraud,” why would Sadat expose his own calculated fraud? The Arab-peace-fake-out theory has always had this tendency to run itself into a logical ditch.

    An alternative interpretation could be found in a rival Israeli newspaper, Al HaMishmar, the organ of the small, far-left Mapam party, which proposed a much more believable explanation for Sadat’s bellicose rhetoric. The paper simply pointed out that his oration had been an election speech, delivered at a party conference. Most likely, the paper suggested — in the skeptical spirit of clear-eyed Realpolitik — it had just been a bit of electioneering.

    Al HaMishmar was right, of course, and the Jerusalem Post was wrong. Sadat’s peace proposal was not a fraud, and the theory of the Sadat peace fake-out had no truth to it.

    But more importantly, it was the opposite of the truth.

    Recall that Sadat’s position was that he was willing to make peace with Israel, but only on the condition that Israel withdraw from the occupied territories and accept a just solution to the Palestinian question. To Arab audiences, he promised again and again that he would always insist on both — that he would never stoop to anything so dishonorable, so treacherous, as making a separate peace with Israel that failed to address the plight of the suffering Palestinians.

    However, in the end, that’s exactly what he did. At Camp David in 1978, when he found himself unable to extract any substantive concessions from Israel on the Palestine file, he yielded to the superior force of Israel’s iron wall and signed an agreement that restored Egypt’s lost territory while offering little more than a fig-leaf gesture toward the Palestinians. (The agreement pledged that Egypt and Israel would continue negotiations on Palestinian “autonomy” under Israeli sovereignty; the brief trickle of pro forma negotiations that followed quickly petered out, as expected.)
    President Jimmy Carter shaking hands with Anwar Sadat and Menachem Begin at the signing of the Egyptian-Israeli Peace Treaty at the White House, 1979. (Wikimedia Commons)

    The defection of Egypt, the strongest Arab state, from the Arab coalition was a historic disaster for the Palestinian movement, from which it arguably never recovered.

    Which means that if Sadat had, in fact, been harboring any dark thoughts in the back of his mind when he put forward his 1971 peace proposal, what they amounted to was not a secret plan to bring about the destruction of the Jewish state, as erroneously proclaimed by Taylor and the American Jewish press and a cavalcade of witting and unwitting propagandists from the pages of Reader’s Digest to the platforms of Meet the Press.

    What Sadat was actually concealing was his shamefaced readiness to countenance the defeat of the Palestinian cause — which is how it came to be that Menachem Begin, thirty years after proclaiming, “As in Deir Yassin, so everywhere, we will attack and smite the enemy,” and Sadat, seven years after declaring that he would “never conduct direct negotiations” with Israel but would strive to bring about its “complete destruction,” could stand together on the White House lawn and warmly shake hands while a beaming Jimmy Carter looked on.

    That was Realpolitik in action.
    “The Language of Lies and Treason”

    At that moment, the man who would become the moving spirit behind the creation of Hamas — a forty-three-year-old quadriplegic Gazan named Ahmed Yassin — was on the cusp of an astonishing political ascendancy.

    At the time of the Camp David Accords, politics in Israeli-occupied Gaza revolved around two poles. On the Left, there was a constellation of forces grouped around the physician Haidar Abdel-Shafi, a former communist, and his local branch of the Palestinian Red Crescent Society. These included the feminist and labor leader Yusra al-Barbari of the General Union of Palestinian Women; Fayez Abu Rahmeh of the Gaza Bar Association, which aided Gazan political prisoners; and Mousa Saba, the head of the Gaza chapter of the YMCA (Young Men’s Christian Association), which hosted summer camps and discussion seminars for Palestinians of all faiths. Abdel-Shafi, who’d been a founding member of the Palestine Liberation Organization (PLO) in the 1960s, was an early proponent of a two-state settlement in which an independent Palestinian state would coexist alongside Israel.

    The other pole centered on the Gaza branch of the Muslim Brotherhood, which had been founded in 1946. Yassin, a pious schoolteacher with a thin voice who’d been paralyzed in a sports accident as a child, joined the Brotherhood early on and in the 1960s began attracting a devoted local following for his charismatic lay preaching.

    At the end of the 1960s, the local Brotherhood was at a low ebb, its membership no more than a few dozen. But over the course of the 1970s, Yassin and his band of followers would embark on an energetic organizing campaign whose institutional expression was what they called the “Mujama al-Islamiya” (the Islamic “Center,” or “Collective”), a network of religious schools, community centers, children’s nurseries, and the like.

    Throughout this process of institution-building, Yassin and his followers rigorously kept their distance from anti-Israel violence — or indeed nationalist agitation of any kind. Jean-Pierre Filiu, a French Arabist scholar and author of a magisterial history of Gaza, writes that Yassin “adhered to the Brotherhood’s moralizing line that prioritized spiritual revival over active militancy.” In Yassin’s view, “the Palestinians had lost Palestine because they were not sufficiently Muslim — it was only by returning to the sources of their faith and to their daily duties as Muslims that they would ultimately be able to recover their land and their rights.”

    In a significant political gesture, the Israeli military governor in Gaza attended the 1973 inauguration ceremony of the Jura al-Shams mosque, the central hub and showpiece of the Mujama. As late as 1986, an Israeli governor of Gaza, General Yitzhak Segev, could explain that Israel was giving “financial aid to Islamic groups via mosques and religious schools in order to help create a force that would stand against the leftist forces which support the PLO.”

    Occasionally, these connections attracted accusations from PLO partisans that Yassin and his men were puppets or stooges of the Israelis. But the Islamists’ tacit nonaggression pact with the occupier was not the product of manipulation; it reflected a coincidence of interests — an expression of Realpolitik on both sides.

    What really drove Yassin and his followers, above all else, was their vision of “Islamization from below”: the creation of a society in which every individual could choose to be a good Muslim and be surrounded by institutions that would nurture that choice. That was the essence of the Muslim Brotherhood’s ideology everywhere, and like the US religious right, its exponents were highly adaptable when it came to the means by which to advance it. American fundamentalists might alternately burn Beatles records or sponsor Christian rock festivals, build suburban megachurches or preach with long hair in hippie conventicles. The Islamists of Gaza would approach their mission with a similar flexibility.

    In the 1970s and 1980s, the ethos of the Mujama was defined by a vehement rejection of all politics (“the language of lies and treason,” they liked to say) in favor of priorities like family, education, and a return to traditional mores. Hence the Islamists’ adamancy about abstaining from the national struggle — a choice that had the added benefit of shielding their project from harassment by the Israeli military authorities.

    The men of the Mujama were not above using violence against other Palestinians in pursuit of their objectives: in a moment of hubris amid the wave of Arab revulsion at Sadat’s peace treaty, Yassin’s forces tried to take on the local left — “the communists,” “the atheists,” as they contemptuously called all their left-wing rivals — by running a candidate against Abdel-Shafi in elections to the presidency of the Red Crescent Society.

    When the Islamist candidate lost in a landslide, “several hundred Islamist demonstrators expressed their anger on 7 January 1980 by ransacking the Red Crescent offices, before moving on to cafés, cinemas, and drinking establishments in the town center,” Filiu reports. (The Israeli army conspicuously refrained from intervening.) In the 1980s, Gaza would be the scene of a vicious and at times violent campaign by the Islamists to impose “modest” dress on women.

    It was only after the outbreak of the First Intifada at the very end of 1987 — a spontaneous and massive popular uprising over which PLO cadres quickly assumed leadership — that Yassin overruled his divided advisers and made a strategic decision to join the struggle against Israel.

    Amid the explosion of mass strikes and boycotts, stone-throwing demonstrations and confrontations with Israeli soldiers, the men of the Mujama saw which way the wind was blowing. They had a product to sell, and it was obvious what their target market wanted. In contradiction to everything they had preached over the previous decade, they began issuing anonymous leaflets calling on the faithful to resist the occupation. Soon they started signing the leaflets “the Islamic Resistance Movement,” whose Arabic initials spell “Hamas.”

    Almost overnight, the notorious quietists of Gaza’s religious right, once ridiculed and condemned by Palestinian nationalists for sitting out the anti-Israel struggle, transformed themselves into armed guerrillas.

    By the time of the 1993 Oslo Accords, they had become the unlikely standard-bearers of uncompromising Palestinian nationalism.
    Arafat Says Uncle

    If the Oslo Accords signing ceremony in 1993 looked like a restaging of the earlier handshake on the White House lawn — a new production of an old play, with Yasser Arafat and Yitzhak Rabin in the Sadat and Begin roles, and Bill Clinton typecast as the new Jimmy Carter — that was not the only resemblance between Camp David and Oslo.

    Both agreements were by-products of Israel’s congenital inability to take yes for an answer.

    If the “yes” in Egypt’s case came in 1971, when Sadat first signaled his willingness to recognize Israel, the “yes” of Yasser Arafat’s PLO was first delivered in December 1973, just before the Geneva peace conference, when Arafat sent a secret message to Washington:

    The Palestine Liberation Organization in no way seeks the destruction of Israel, but accepts its existence as a sovereign state; the PLO’s main aim at the Geneva conference will be the creation of a Palestinian state out of the “Palestinian part of Jordan” [i.e., the West Bank and East Jerusalem] plus Gaza.

    But Arafat’s private declaration brought no change in the PLO’s formal, public position: officially, the group remained committed, in the words of the 1968 PLO charter, to “the elimination of Zionism in Palestine.”

    The reason for this discrepancy stemmed from the fact that “recognizing Israel” meant something very different for the Palestinians than it had for Egypt.

    Sadat’s peace initiative had proposed trading recognition of Israel for a full restoration of Egypt’s territorial integrity. For the Palestinians, by contrast, recognition of Israel was tantamount in and of itself to a signing away of their right to 78 percent of their homeland’s territory. What for Egypt had been merely a humbling political concession to a regional military rival was, for the Palestinians, an existential act of renunciation.

    Arafat believed the Palestinian masses would nevertheless support such a sacrifice — but only as part of a historic compromise in which recognition of the loss of 78 percent of Palestine would be compensated by assurances that the remaining 22 percent would become a Palestine state.

    He therefore adopted what might be called his “American strategy.” For the next fifteen years, Arafat chased the prize of a dialogue with the United States, hoping to strike a deal: in exchange for a formal, public PLO commitment to recognize Israel, Washington would publicly commit to work for Palestinian statehood and apply the necessary pressure on Israel.

    The PLO leader pitched this concept to any American who would listen. In a 1976 conversation with a visiting US senator in Beirut, Arafat “said that before he was able to acknowledge Israel’s right to exist as an independent state he must have something to show his people,” a US embassy dispatch reported to State Department headquarters in Washington. “This something could be Israeli withdrawal of a ‘few kilometers’ in the Gaza Strip and on the West Bank,” with a UN force taking control of the evacuated territory.

    Israel acted quickly to foil Arafat’s strategy. In 1975, it extracted from Secretary of State Henry Kissinger a signed memorandum of agreement in which Kissinger pledged that the United States would not “negotiate with the Palestine Liberation Organization so long as the Palestine Liberation Organization does not recognize Israel’s right to exist.” By making PLO recognition of Israel a precondition for dialogue with the United States, the agreement ruled out any scenario in which recognition might be granted in exchange for US commitments.

    Kissinger had no qualms about signing away his ability to talk to the PLO. He was convinced that nothing could come of such talks — not because the Palestinians were rejectionists, but because the Israelis were. “Once [the PLO] are in the peace process,” he told a meeting of US Middle East ambassadors in June 1976, “they’ll raise all the issues the Israelis can’t handle” — the issues of the West Bank, Gaza, and East Jerusalem.

    According to Kissinger, anyone foolish enough to think a US administration could use its leverage to force Israel to concede on those issues “totally underestimates what it involves in taking on the [Israel] lobby. They never hit you on the issue; you have to fight ten other issues — your credibility, everything.” In short, “We cannot deliver the minimum demands of the PLO, so why talk to them?”

    As soon as Kissinger’s memorandum was signed, Israel’s fixers and propagandists went to work transforming it from a mere understanding between foreign ministers into a sacrosanct totem of domestic politics, to which every ambitious US politician had to genuflect. In the 1980 presidential election, all four major candidates — Ted Kennedy, Jimmy Carter, John Anderson, and Ronald Reagan — tried to outdo one another in anathematizing the PLO and promising not to talk to it.

    This time the ideological Wurlitzer had to be cranked up to eleven: it wasn’t enough to portray the PLO as a group that currently rejected Israel’s existence (which, if anything, might serve as an argument in favor of US contacts with the group — to try to persuade it to change its stance).

    Rather, the PLO had to be depicted as incapable of accepting Israel’s existence, or coexisting with Jews at all. In the popular phrase of the time, endlessly repeated or paraphrased by ostensibly factual news organizations like the Associated Press and the New York Times, the PLO was an organization “sworn to Israel’s destruction.” Or, as Exodus author Leon Uris — the Homer of American Zionism, its bard and ur-mythologist — put it in a 1976 open letter: the PLO was “emotionally and constitutionally bound to the liquidation of Jewish existence in the Middle East.”

    Top US officials were forced to ritually repeat this fiction — that the PLO was bent on Israel’s destruction — even though they knew firsthand that it wasn’t true. “We have to consider what the parties’ position is,” Jimmy Carter’s secretary of state, Edmund Muskie, said in June 1980, defending the United States’ increasingly isolated stance opposing PLO involvement in peace talks, “and the PLO’s position is that it is not interested in a negotiated settlement with Israel. It is interested only in Israel’s extinction.”

    Meanwhile, privately, the CIA was telling the State Department that, far from refusing to recognize Israel, the PLO was internally debating what to demand in exchange for recognition: “Despite efforts by Fatah moderates [such as Arafat] to convince the rest of the [PLO] leadership that a dialogue with the US entails sufficient long range benefits to justify [recognizing Israel], the PLO leadership remains largely convinced that it must demand more than just talks with the US before giving up what it considers to be its only major ‘card’ in the negotiating process.”
    Prime Minister Ehud Barak of Israel and Chairman Yasser Arafat of the Palestinian Authority shake hands at a trilateral meeting at the US ambassador’s residence in Oslo, Norway, November 1999. (Wikimedia Commons)

    Like A. J. P. Taylor’s musings about Anwar Sadat, the assessments of the PLO that prevailed in that era have aged poorly. Far from proving “emotionally and constitutionally bound to the liquidation of Jewish existence in the Middle East,” the PLO today not only recognizes Israel, it has a leader, Mahmoud Abbas, whose policy of “security coordination” with the occupation authorities is considered so indispensable to the Israeli army that the country’s lobbyists and diplomats have to periodically remind confused right-wing Republicans that they actually want the United States to keep funding the Palestinian security forces.

    Abbas, whose endless concessions to Israel have consigned him to political irrelevance among his own people, has spent the past decade begging for a NATO occupation of the West Bank — an odd way to go about pursuing the “liquidation of Jewish existence in the Middle East.”

    Finally, in 1988, Arafat caved. In exile in Tunisia following the PLO’s bloody expulsion from Lebanon, he pushed the Palestinian National Council (PNC) for a unilateral recognition of Israel with no assurance that any movement toward a Palestinian state would be forthcoming. In his memoirs, then Secretary of State George Shultz gleefully summed up the episode this way: “Arafat finally said ‘Uncle.’”

    Israel had at last received its “yes” from the Palestinians, signed, witnessed, and notarized. But it had no effect whatsoever on either the United States or the Israeli attitude toward Palestinian statehood.

    More than thirty years later, the Palestinian decision of 1988 — which called for peace between an Israel on 78 percent of the land and a Palestinian state on 22 percent — remains an offer on the table, one that no Israeli government has ever expressed a willingness to touch.

    Had Arafat stopped there, the Palestinians, in diplomatic terms, would have been positioned as advantageously as could be expected given the circumstances.

    Instead, he made a tragic, historic error. He went further than “yes.”

    In 1992, fearful of being sidelined from the post–Gulf War flurry of Middle East diplomacy, Arafat secretly authorized back-channel talks in Oslo with representatives of the newly elected Israeli government of Yitzhak Rabin, in the course of which he agreed to concessions that, once made public, were met with outrage and disbelief by the most alert Palestinian observers.

    In the Oslo Accords, Arafat not only reaffirmed the PLO’s recognition of Israel without any reciprocal Israeli recognition of Palestinian statehood — or even any mention of the possibility of statehood — he conceded to Israel a veto over Palestinian statehood (“The PLO . . . declares that all outstanding issues relating to permanent status will be resolved through negotiations”).

    Not only did Arafat renounce the use of force against Israel — unilaterally, with no reciprocation — and agree to suppress resistance to the occupation on Israel’s behalf, he did so with no commitment from the occupiers to stop confiscating Palestinian land to expand Jewish settlements, roads, or military installations.

    The Palestinian-American historian Rashid Khalidi has called Arafat’s move “a resounding, historic mistake, one with grave consequences for the Palestinian people.” Edward Said labeled it “an instrument of Palestinian surrender, a Palestinian Versailles.” Haidar Abdel-Shafi, who headed the official Palestinian delegation to the US-sponsored post–Gulf War peace talks, condemned the deal and its “terrible sacrifices,” calling it “in itself an indication of the terrible disarray in which the Palestinians find themselves.” Mahmoud Darwish, the Palestinian national poet and author of the 1988 Declaration of Independence, resigned from the PLO leadership in protest.

    One of the most underappreciated facts about the Oslo agreement, as the quotes above attest, is that among its most vehement Palestinian critics were not just the opponents of the two-state solution but its most committed and long-standing supporters — those like Khalidi, Said, Darwish, or Shafi, who as far back as the early 1970s had taken what was then the lonely step of urging a Palestinian reckoning with the bitter verdict of 1948.
    Truth and Consequences

    “We learned the lesson of Oslo,” Khaled Meshaal, the Qatar-based head of Hamas’s external politburo, told a reporter from the French daily Le Figaro late last month. “In 1993 Arafat recognized Israel, which gave him nothing in return.”

    He contrasted Arafat’s blunder with what he portrayed as Hamas’s shrewder balancing act. In 2017, the group adopted a new charter — a project Meshaal personally spearheaded — which embraced a two-state solution and excised the antisemitic language and apocalyptic bellicosity of the original 1988 founding statement.

    But, it did so, he stressed, “without mention of recognition of Israel by Hamas.”

    Meshaal “suggests that when the ‘time comes’ — that is, with the creation of a Palestinian state — the question of recognizing Israel will be examined,” Le Figaro reported. “But since not everyone in Hamas is in agreement, he doesn’t want to go any further.”

    Hamas’s top political leadership had spent the years leading up to October 7 trying to position Hamas as a respectable diplomatic interlocutor, one that could someday succeed where Arafat had failed in clinching Palestinian statehood. All of that came crashing down with the atrocities of October 7, leaving observers perplexed about what exactly had happened, and why.

    Almost immediately there were murmurings among diplomats, journalists, and intelligence officials about some kind of split within Hamas. But only occasionally was the case stated as bluntly as it was by Hugh Lovatt, an expert on Palestinian politics at the European Council on Foreign Relations, who was quoted in late October saying: “The brutal violence deployed by Hamas against Israeli civilians represents a power grab by radicals in the military wing, cornering political moderates who advocated dialogue and compromise.”

    Over the last two weeks, more details have surfaced.

    In a report late last month for the pro-Israel Washington Institute for Near East Policy, Ehud Yaari, an Israeli specialist on Arab politics with close ties to the country’s security establishment, wrote about “Growing Internal Tensions Between Hamas Leaders,” citing “extensive private conversations with numerous regional sources.”

    “The specific details of the [October 7] attack,” Yaari reported, “appear to have come as a complete surprise to [Hamas chairman Ismail] Haniyeh and the rest of the external leadership.” They had given approval for a cross-border attack, but not like the one that ended up being carried out.

    Only a “core group of commanders” had been involved in the detailed planning for October 7, Yaari reported. These included Hamas’s Gaza strongman Yahya Sinwar, plus two top commanders of the military wing (known as the Izz ad-Din al-Qassam Brigades), one of whom is Sinwar’s brother Mohammed.

    It was this group, Yaari alleges, that at the last minute inserted new orders — to “murder as many civilians as possible, capture hostages, and destroy Israeli towns” — into the battle plan. The plan was withheld from Hamas’s field commanders “until a few hours before the operation.” (The October 7 operation was a joint action carried out by a coalition of forces from a number of different Palestinian armed factions, not just Hamas.)

    “The scope and brutality of the attack triggered criticism from external leaders” of Hamas, Yaari wrote, some of whom “sharply condemned Sinwar’s ‘megalomaniac’ search for grandeur” in “private conversations.”

    The last-minute changes to the battle plan might help to explain the surprising variation in victims’ testimonies about the attackers’ behavior. In an article published in Haaretz last month, for example, a resident of the Nahal Oz kibbutz, Lishay Idan, recounted her family’s ordeal and told of how, at Nahal Oz, “very strange things happened.”

    “A terrorist wearing camouflage and a green headband, who looked like he was in charge, told the hostages he was from Hamas’ military wing and it didn’t harm civilians. ‘They said they were only looking for soldiers and they didn’t harm women and children,’ Idan said.” Even as acts of extreme brutality were being committed against civilians by other attackers in the area, she explained, these particular fighters behaved differently.

    “It’s no simple thing for me to say this,” she concluded, “but it seems the cells that came to our kibbutz were better focused. In some cases they took humanitarian considerations into account.” They “brought us a blanket and pillows and told us to put the children to sleep,” and when her child needed to be fed, they “asked me to write down exactly where [a bottle of baby formula] was in the house” next door. “Lishay wrote it in Hebrew,” the article recounts, “the terrorists used Google Translate, and off they went.”

    A few other October 7 victims have recounted similarly discordant testimonies.

    Currently, top Hamas leaders are engaged in intensive “day-after” discussions with counterparts from Mahmoud Abbas’s Fatah party about the prospects for a national unity agreement — possibly including the long-discussed scenario of Hamas’s accession to the PLO, the recognized international representative body of the Palestinian people.

    According to Yaari, these talks are now exacerbating the split between Sinwar and the rest of the Hamas leadership:

    When reports of these talks reached Sinwar, he told Haniyeh that he considers this conduct “outrageous,” demanded that all contacts with the PLO and dissident Fatah factions be discontinued, and insisted that no consultations or statements on the “morning after” take place until a permanent ceasefire is reached.

    The external leadership has ignored Sinwar’s directive, however.

    A source who spoke to Le Figaro — a knowledgeable “Gazan notable” — went even further, claiming that “Israel isn’t alone in wanting [Sinwar] to lose. His friends in the political wing in Qatar and the Qataris themselves wouldn’t be unhappy if he were killed by Israel.”

    In a different world — a world where Israel preferred peace to conquest — one could imagine some devious Bismarck-like leader in Jerusalem watching over these machinations like a chess player, plotting to split Hamas, isolate the irreconcilables, and make a deal with a Palestinian national unity front.

    Or one could imagine, perhaps, some international mediator coming along to propose an agreement in which Israel would withdraw to its 1967 borders in exchange for, say, Hamas consenting to the destruction of its Gaza tunnels under UN supervision.

    Would Hamas agree to such a plan? Who can say? But it’s easy to guess what Netanyahu’s response would be.

    A decade ago, US Secretary of State John Kerry dispatched a team of US military advisers to Jerusalem to work out a plan that might satisfy Israel’s security concerns in the event of a peace agreement with the Palestinians and an Israeli withdrawal from the West Bank.

    Netanyahu refused to let his generals cooperate with the American visitors.

    “You understand the significance of an American security plan that is acceptable to us?” Netanyahu asked his defense minister. “At that moment we’ll have to start talking borders.”

    Such are the consequences of Israel’s decades-long quest for Lebensraum. Repelled by the thought of security without conquest, terrified of “talking borders,” and encircled by enemies of its own making, a cornered Israel has finally absolved itself of its last moral obligation. It no longer feels bound to accept its neighbors’ physical existence. Whatever happens next, Israel will share responsibility with its accomplices.

    #Israël #Palestine #USA #histoire #OLP #Hamas #Irgun #sionisme #islam

  • En Turquie, la guerre des « Boutons rouges »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/01/04/en-turquie-la-guerre-des-boutons-rouges_6208922_3210.html

    ... Meryem est membre d’une importante #confrérie_religieuse islamique, une #tariqat. Mariée adolescente, voilée de noir, elle pensait avoir fait de la religion son baume.

    .... ces Boutons rouges se regardent comme une mise au point à l’intention des dirigeants et leurs vertus majuscules. Dans une #Turquie où le président Recep Tayyip Erdogan et son parti #AKP promeuvent ces dernières années une image de plus en plus monolithique du pays et de son rapport à l’#islam, la #série détonne par la lumière crue qu’elle jette sur ces communautés religieuses, mystiques et secrètes, soutiens indéfectibles du gouvernement en place, alors qu’elles sont censées se tenir à l’écart du pouvoir temporel.

    « Hostile » envers la religion musulmane

    Plusieurs séquences ont fait couler beaucoup d’encre et déversé un torrent de commentaires sur les réseaux sociaux. Il y a ce moment où la jeune fille de Meryem lâche, devant un très laïcard professeur de sciences physiques, que ni le régime militaire des années 1980-1990 et son interdiction du port du voile ni les religieux n’ont fait progresser la condition des #femmes dans le pays. Celui où l’époux empêche un employé d’autobus de donner à Meryem une bouteille d’eau sous prétexte que l’on ne touche ni même effleure une femme mariée. Et puis, surtout, il y a la scène du « börek », comme on la surnomme désormais, où la même Meryem s’oppose au patron de la boulangerie dans laquelle elle travaille. L’homme, lui-même membre de la confrérie, oblige ses ouvrières à couper la pâte avec de l’huile bon marché alors même que l’enseigne vante la qualité du beurre qu’elle utilise.

    Très vite, les critiques fusent, venues notamment des tabloïds islamistes et proches du pouvoir Yeni Vakit et Yeni Safak. Ce dernier n’hésite pas à accuser la chaîne Fox TV d’être « hostile » envers la religion musulmane. Il avance même – accusation suprême – qu’un des scénaristes de la série est proche du FETÖ, le mouvement honni du prédicateur Fethullah Gülen, que le pouvoir désigne comme le responsable présumé du putsch manqué de 2016.

    https://justpaste.it/319xf

  • Non, le « #choc_des_civilisations » n’aide pas à comprendre notre époque

    Depuis le 7 octobre, les idées du professeur américain #Samuel_Huntington sont à nouveau vantées, au service d’un idéal de #repli_identitaire. Pourtant, ces thèses fragiles ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique.

    C’est un des livres de relations internationales les plus cités au monde. Publié en 1996, trois ans après un article dans Foreign Affairs, Le Choc des civilisations a fourni un concept qui a proliféré dans le débat public. À la faveur de sa republication en poche aux éditions Odile Jacob, la journaliste et essayiste Eugénie Bastié a eu une révélation : son auteur, le politiste Samuel Huntington (1927-2008), était le prophète de notre époque. Sacrément épatée, elle affirme dans Le Figaro que « chaque jour, l’actualité donne raison » à ce livre « majeur ».

    Elle n’est ni la première ni la seule à le penser. À chaque attentat ou chaque guerre mettant aux prises des belligérants de religions différentes, la théorie est ressortie du chapeau comme une grille explicative. Depuis les massacres du Hamas du 7 octobre, c’est à nouveau le cas. Dans Le Point, Franz-Olivier Giesbert n’a pas manqué de la convoquer dans un de ses éditoriaux. Dans la plus confidentielle et vénérable Revue politique et parlementaire, un juriste s’est appuyé sur Huntington pour conclure tranquillement à « une certaine incompatibilité civilisationnelle entre Arabes et Israéliens et, partant, entre Orient et Occident ».

    Huntington pensait qu’avec la fin de la Guerre froide, les #facteurs_culturels allaient devenir prédominants pour expliquer la #conflictualité dans le système international. Il ajoutait que les risques de conflictualité seraient maximisés aux points de rencontre entre « #civilisations ». À l’en croire, ces dernières seraient au nombre de neuf. La #religion serait un de leurs traits distinctifs essentiels, parmi d’autres caractéristiques socio-culturelles ayant forgé, selon lui, des différences bien plus fondamentales que celles qui existent entre idéologies ou régimes politiques.

    De nombreuses critiques ont été faites aux thèses d’Huntington. Aujourd’hui, ces dernières sont largement considérées comme infirmées et inutilisables dans sa propre discipline. Elles ne sont plus reprises que par des universitaires qui ne sont pas spécialistes de relations internationales, et des acteurs politico-médiatiques qui y trouvent un habillage scientifique aux obsessions identitaires qui les habitent déjà.

    Il faut dire que dans la réflexion d’Huntington, la reconnaissance des #identités_civilisationnelles à l’échelle globale va de pair avec un rejet du multiculturalisme à l’intérieur des États. Eugénie Bastié l’a bien compris, se délectant des conclusions du professeur américain, qu’elle reprend à son compte : « La #diversité est bonne au niveau mondial, mortifère au niveau national. L’#universalisme est un danger à l’extérieur, le #multiculturalisme une #menace à l’intérieur. »

    Des résultats qui ne collent pas

    Le problème, c’est que les thèses d’Huntington ont été largement démontées, sur le plan empirique comme théorique. Comme l’a déjà rappelé Olivier Schmitt, professeur à l’Université du Sud au Danemark, des chercheurs ont « testé » les prédictions d’Huntington. Or ils sont tombés sur des résultats qui ne collent pas : « Les actes terroristes, comme les conflits, ont historiquement toujours eu majoritairement lieu – et continuent d’avoir majoritairement lieu – au sein d’une même civilisation. »

    Dans Philosophies du multiculturalisme (Presses de Sciences Po, 2016), le politiste Paul May relève que « les arguments avancés par Huntington pour justifier sa thèse du choc des civilisations ne reposent pas sur de larges analyses empiriques, mais plutôt sur une série d’anecdotes et d’intuitions ». Il dresse le même constat à propos des alertes angoissées d’Huntington sur le supposé moindre sentiment d’appartenance des #minorités à la nation états-unienne, notamment les Hispaniques.

    Huntington procède en fait par #essentialisation, en attribuant des #valeurs_figées à de vastes ensembles socio-culturels, sans prendre au sérieux leur #variabilité dans le temps, dans l’espace et à l’intérieur des groupes appartenant à ces ensembles. Par exemple, son insistance sur l’hostilité entre l’#Occident_chrétien et la #civilisation_islamique néglige de nombreux épisodes de coopération, d’influences mutuelles, d’alliances et de renversement d’alliances, qui ont existé et ont parfois répondu à des intérêts politico-stratégiques. Car si les #identités_culturelles ont bien un potentiel mobilisateur, elles sont justement intéressantes à enrôler et instrumentaliser dans une quête de puissance.

    Le « #déterminisme_culturaliste » d’Huntington, écrivait le professeur Dario Battistella dès 1994, « mérite une #critique approfondie, à l’image de toutes les explications unifactorielles en sciences sociales ». Au demeurant, les frontières tracées par Huntington entre les civilisations existantes reposent sur des critères peu clairs et discutables. Le chercheur Paul Poast a remarqué, dans un fil sur X, que ses choix aboutissent à une superposition troublante avec une carte des « races mondiales », « produite par Lothrop Stoddard dans les années 1920, [ce dernier étant connu pour être] explicitement un suprémaciste blanc ».

    Les mauvais exemples d’#Eugénie_Bastié

    Les exemples mobilisés par Eugénie Bastié dans Le Figaro illustrent toutes les limites d’une lecture outrancièrement culturaliste de la réalité.

    « Dans le cas du conflit israélo-palestinien, écrit-elle, l’empathie n’est plus dictée par des choix rationnels ou idéologiques mais par des appartenances religieuses et identitaires. » Il était toutefois frappant, avant le 7 octobre, de constater à quel point les États du monde arabe et musulman s’étaient désintéressés de la question palestinienne, l’un des objectifs du #Hamas ayant justement été de faire dérailler la normalisation des relations en cours. Et si la composante islamiste de l’identité du Hamas est indéniable, la situation est incompréhensible sans tenir compte du fait qu’il s’agit d’un conflit pour la terre, que d’autres acteurs palestiniens, laïques voire, socialisants, ont porté avant le Hamas.

    Concernant l’#Ukraine, Bastié explique qu’« entre un Ouest tourné vers l’Occident et un Est russophone, Huntington prévoyait trois scénarios : une Ukraine unie pro-européenne, la division en deux avec un est annexé à la Russie, une Ukraine unie tournée vers la Russie. On sait désormais que l’on s’achemine plus ou moins vers le deuxième scénario, le plus proche du paradigme du choc des civilisations. »

    Remarquons d’abord la précision toute relative d’une théorie qui « prédit » des issues aussi contradictoires. Soulignons ensuite que malgré tout, Huntington considérait bien que « si la #civilisation est ce qui compte, la probabilité de la #violence entre Ukrainiens et Russes devrait être faible » (raté). Pointons enfin la séparation caricaturale établie par l’essayiste entre les parties occidentale et orientale du pays. Comme l’a montré l’historien Serhii Plokhy, les agressions russes depuis 2014 ont plutôt contribué à homogénéiser la nation ukrainienne, « autour de l’idée d’une nation multilingue et multiculturelle, unie sur le plan administratif et politique ».

    Enfin, Bastié devait forcément glisser qu’Huntington a formulé sa théorie du choc des civilisations avant même les attentats du 11 septembre 2001, censés illustrer « la résurgence du conflit millénaire entre l’islam et l’Occident ».

    Reprenant sa critique du politiste américain à l’aune de cet événement, Dario Battistella a cependant souligné que « loin de constituer les prémices d’une bataille à venir entre deux grandes abstractions, #Occident et #Islam, les attentats du 11 septembre sont bien l’expression d’une forme pervertie de l’islam utilisée par un mouvement politique dans sa lutte contre la puissance hégémonique américaine ; quant aux bombardements américano-britanniques contre Al-Qaïda et les talibans, ce sont moins des croisades que des opérations de police, de maintien de la “pax americana”, entreprises par la puissance impériale et sa principale alliée parmi les puissances satisfaites de l’ordre existant. »

    À ces illustrations guère convaincantes du prophétisme de Samuel Huntington, il faut ajouter les exemples dont Eugénie Bastié ne parle pas, et qui ne collent pas non plus avec sa grille de lecture.

    Avec la tragédie du Proche-Orient et l’agression russe en Ukraine, l’autre grand drame historique de cette année s’est ainsi joué en #Arménie et en #Azerbaïdjan, avec le #nettoyage_ethnique du #Haut-Karabakh. Or si ce dernier a été possible, c’est parce que le régime arménien a été lâché par son protecteur russe, en dépit de populations communiant majoritairement dans le #christianisme_orthodoxe.

    Cet abandon, à laquelle la difficile révolution démocratique en Arménie n’est pas étrangère, a permis au dirigeant azéri et musulman #Ilham_Aliev de donner libre cours à ses ambitions conquérantes. L’autocrate a bénéficié pour cela d’armes turques, mais il a aussi alimenté son arsenal grâce à l’État d’Israël, censé être la pointe avancée de l’Occident judéo-chrétien dans le schéma huntingtonien interprété par Eugénie Bastié.

    Le côté « chacun chez soi » de l’essayiste, sans surprendre, témoigne en parallèle d’une indifférence aux revendications démocratiques et féministes qui transcendent les supposées différences civilisationnelles. Ces dernières années, ces revendications se sont données à voir avec force en Amérique latine aussi bien qu’en #Iran, où les corps suppliciés des protestataires iraniennes témoignent d’une certaine universalité du combat contre la #domination_patriarcale et religieuse. Cela ne légitime aucune aventure militaire contre l’Iran, mais rappelle que toutes les actions de soutien aux peuples en lutte pour leurs droits sont positives, n’en déplaise au fatalisme huntingtonien.

    On l’aura compris, la thématique du choc des civilisations n’aide aucunement à comprendre notre chaotique XXIe siècle. Il s’agit d’un gimmick réactionnaire, essentialiste et réductionniste, qui donne une fausse coloration scientifique à une hantise du caractère mouvant et pluriel des identités collectives. Sur le plan de la connaissance, sa valeur est à peu près nulle – ou plutôt, elle est la pire manière d’appeler à prendre en compte les facteurs culturels, ce qui souffre beaucoup moins la contestation.

    Sur le plan politique, la théorie du choc des civilisations est un obstacle aux solidarités à construire dans un monde menacé par la destruction de la niche écologique dont a bénéficié l’espèce humaine. Ce sont des enjeux de justice climatique et sociale, avec ce qu’ils supposent de réparations, répartition, redistribution et régulation des ressources, qu’il s’agit de mettre en avant à toutes les échelles du combat politique.

    Quant aux principes libéraux et démocratiques, ils méritent également d’être défendus, mais pas comme des valeurs identitaires opposées à d’autres, dont nous serions condamnés à vivre éloignés. L’universalisme n’est pas à congédier parce qu’il a servi d’alibi à des entreprises de domination. Quand il traduit des aspirations à la paix, à la dignité et au bien-être, il mérite d’être défendu, contre tous les replis identitaires.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/231223/non-le-choc-des-civilisations-n-aide-pas-comprendre-notre-epoque
    #Palestine #Israël

    #Huntington

  • Staatsraison: Dispatch From Germany | Mass Review
    https://massreview.org/node/11675

    For white Germans to stand for the rights of Palestinians to life, health, safety, and freedom, they would need to study our world from outside Germany’s myopic narratives. Without knowledge of imperialism’s grip on the world, and the structural violence of European nation states, we cannot “read” the state of Israel as we know it today. We cannot see the ethical challenge which the ongoing annihilation of Gaza presents to the world.

    Instead, we are witnessing a desperate attempt by white German elites of all political stripes to maintain their collective fantasy of their white goodness in the world, proven by unwavering and unconditional support of the state of Israel. This fantasy is being massively revived and revamped in a slew of Islamophobic, often hysterically absurd campaigns. Examples include the targeting of anti-Zionist Jewish groups and individuals from Israel, the US, or Germany; and activists like Greta Thunberg who dared to connect climate struggle to justice for the oppressed Palestinians.

    Where will this wave of white re-nationalization lead us? Already we face the likelihood of extreme Right victories in the next regional and national elections. “Respectable” politicians of all camps are considering an addendum to German citizenship laws that requires requiring immigrants to unconditionally support the state of Israel.

    German cultural institutions, political circles, media, and academy are currently under massive pressure to denounce as anti-Semitic, wholesale, even the humble and relatively recent gains of postcolonial and decolonial scholarship and activism. Or on a more aggressive note, as pro-Hamas. Merely calling for #CeasefireNOW is deemed to be anti-Semitic incitement. This castigation extends to Jewish intellectuals in Germany, like Deborah Feldman, and to the Berlin art collective OYUN, who have called for an end to the siege of Gaza, and spoken out against settler colonialism.

    #islamophobie #extrême_droite #sionisme #Allemagne

  • Tal Bruttmann, historien : « Le Hamas a conçu, en amont, une politique de terreur visuelle destinée à être diffusée dans le monde entier »

    Le spécialiste de la Shoah estime, dans un entretien au « Monde », que l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre contre Israël n’est ni un pogrom ni un génocide mais un massacre de masse, et il met en garde contre les analogies avec le nazisme.

    L’historien Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, est notamment l’auteur de La Logique des bourreaux (Hachette, 2003), et, avec Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller, d’Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes (Le Seuil, 304 pages, 49 euros).

    Pour qualifier les attaques du Hamas, les hommes politiques, les historiens et les éditorialistes ont parlé de massacre, d’attentat, de pogrom, voire de génocide. En tant qu’historien, comment qualifieriez-vous cet événement ?

    Le mot qui est revenu le plus souvent est « pogrom », mais les attaques du Hamas ne relèvent pas, à mon sens, d’une telle qualification. Ce terme russe désigne non pas les crimes de masse contre les juifs, mais la destruction des biens qui sont en leur possession, accompagnée de violences contre les personnes. Ce qui caractérise le #pogrom, c’est le fait qu’une majorité, excitée, voire incitée, par le pouvoir en place, s’attaque violemment à une minorité qui vit en son sein.

    Au XIXe et au début du XXe siècle, il y a eu, en Europe, beaucoup de pogroms antijuifs, notamment en Russie ou en Roumanie, mais ce terme ne convient pas aux attaques du Hamas. D’abord, parce qu’elles visaient non pas à détruire les biens des Israéliens, mais à tuer des juifs ; ensuite, parce que les juifs, en Israël, ne forment pas une minorité, mais une majorité ; enfin, parce que le Hamas n’est pas un peuple, mais une organisation terroriste. Pour moi, ces attaques sont des massacres de masse : le but était de tuer le plus de juifs possible.

    Certains ont utilisé le terme de génocide. Est-il, selon vous, pertinent ?

    Dans l’imaginaire occidental, le #génocide est devenu l’alpha et l’oméga du crime, alors qu’il n’est pas plus grave, en droit international, que le #crime_de_guerre ou le #crime_contre_l’humanité. Personnellement, en tant qu’historien, je n’utilise pas cette qualification juridique dont la définition est d’une immense complexité : je la laisse aux magistrats et aux tribunaux. C’est à eux d’établir, au terme d’une enquête, si les #massacres qui leur sont soumis sont, ou non, des génocides.

    L’écrivaine Elfriede Jelinek, Prix Nobel de littérature, a comparé le Hamas aux nazis. Que pensez-vous de cette analogie ?

    Il faut faire attention aux mots : la haine des #juifs ne suffit pas à caractériser le #nazisme. Le régime de Vichy ou le Parti populaire français [PPF, 1936-1945] de Jacques Doriot étaient profondément antisémites, mais ils n’étaient pas nazis pour autant : être nazi, c’est adhérer à l’idéologie politique élaborée par Adolf Hitler après la première guerre mondiale et mise en œuvre par le IIIe Reich à partir de 1933.

    Le #Hamas est évidemment profondément antisémite : sa charte initiale, qui fait explicitement référence aux #Protocoles des sages de Sion_ [un faux qui date du début du XXe siècle], affirme que les juifs sont à l’origine de la Révolution française, de la révolution bolchevique et de la première guerre mondiale. Il faut cependant prendre le Hamas pour ce qu’il est : un mouvement islamiste nationaliste qui n’est pas plus nazi qu’Al-Qaida, l’Iran ou Marine Le Pen.

    La Shoah est incontestablement le pire épisode de l’#histoire de l’antisémitisme, mais cela n’en fait pas la clé à partir de laquelle on peut comprendre toutes les #violences_antijuives. Parfois, elle nous empêche même de saisir la singularité des événements : à force d’associer l’#antisémitisme à la Shoah, on oublie que cette haine a pris, au cours de l’histoire, des formes très différentes.
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/29/tal-bruttmann-historien-le-hamas-a-concu-en-amont-une-politique-de-terreur-v

    avec des extraits de Un album d’Auschwitz :
    https://archive.is/jO7UX

    #histoire #images #photos #films #attentat #attentat_massacre #islamisme #nationalisme #shoah #Extermination_des_juifs_par_les_nazis

    • Il est clair Tal Bruttmann et du coup ça permet de ne pas avoir un sac fourre tout d’où tu tires des mots chargés de sens et inappropriés pour un oui ou un non.

  • Collectif Romain Rolland @RRolland94200
    https://twitter.com/RRolland94200/status/1728481471285830137

    ‼️Parce qu’il a dit Allah Akbar, un élève passe en conseil de discipline pour « apologie du terrorisme ». Il organise sa défense, avec de nombreux soutiens.
    Nous appelons les membres du conseil à réfuter cette accusation hors de propos, et demeurons vigilants jusqu’au délibéré.👇

    #criminalisation #islamohobie #Lycée #élève #conseil_de_discipline #apologie_de_terrorisme

  • En Suède, l’extrême droite a le vent en poupe, un an après l’arrivée de la droite au pouvoir
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/26/en-suede-l-extreme-droite-a-le-vent-en-poupe-un-an-apres-l-arrivee-de-la-dro

    En Suède, l’extrême droite a le vent en poupe, un an après l’arrivée de la droite au pouvoir
    Membre de la majorité depuis octobre 2022, les Démocrates de Suède, réunis en congrès ce week-end, veulent accélérer le rythme des réformes en prônant « la politique de l’asile la plus restrictive d’Europe ».
    Par Anne-Françoise Hivert(Västeras (Suède), envoyée spéciale)
    Cheveux longs gris et lunettes cerclées de noir, Asa Wittenfelt, 64 ans, a le sourire aux lèvres. Professeure de mathématiques et de sciences dans un lycée professionnel, elle est venue de Lund, dans le sud du pays, pour participer au congrès des Démocrates de Suède (SD), qui se déroulait du jeudi 23 au dimanche 26 novembre, à Västeras, au nord-ouest de Stockholm. « Pour la première fois depuis longtemps, je ressens de l’espoir. On reconnaît enfin qu’on a été naïfs et on ose parler de tout, sans tabou », dit-elle.Asa a adhéré au parti il y a douze ans, « catastrophée » par la situation dans son école, où « les élèves, appartenant à différents clans, se battaient dans les couloirs ». A l’époque, être membre des SD, une formation nationale conservatrice aux origines néonazies, n’était pas bien vu. Elle a essuyé les critiques de ses collègues. « Aujourd’hui, beaucoup me disent qu’ils sont d’accord avec moi et même des élèves me soutiennent », affirme l’enseignante.
    Dans les couloirs du palais des congrès de Västeras, les 300 délégués, venus de tout le pays, arborent le même air de satisfaction. Ils ont de quoi : depuis octobre 2022, les SD font partie de la majorité, avec les conservateurs, les chrétiens-démocrates et les libéraux. Et, même s’ils ne siègent pas formellement au gouvernement – ils n’ont pas de portefeuilles ministériels, mais disposent d’un bureau de coordination au sein de l’administration gouvernementale et participent à presque toutes les conférences de presse des ministres –, les Suédois estiment que ce sont eux qui ont le plus d’influence sur la politique actuellement menée.
    Samedi, sans surprise, les délégués ont réélu Jimmie Akesson, 44 ans, à la tête du parti qu’il dirige depuis 2005. Paraphrasant l’ancien président américain Donald Trump, le leader de l’extrême droite, très en verve, a assuré que « maintenant que [les SD] participaient à la gouvernance » du pays, ils allaient « rendre sa grandeur à la Suède ». Au terme de la mandature, le royaume aura « la politique de l’asile la plus restrictive d’Europe », a-t-il promis, sous les applaudissements, avant de consacrer une bonne partie de son discours à dénoncer l’emprise des « islamistes » sur la société suédoise, qu’il veut combattre en « confisquant et en détruisant les mosquées » accusées de propager un discours « antidémocratique ».
    Un an après l’arrivée de la droite au pouvoir, les SD ont le vent en poupe. Crédité de 22 % des intentions de vote dans les sondages – ils avaient obtenu 20,5 % aux législatives, le 11 septembre 2022 –, ils pèsent désormais plus lourd que les trois partis du gouvernement réunis. Le contexte n’y est pas étranger : en proie à la criminalité organisée, qui a fait cinquante morts depuis le début de l’année, la Suède est aussi menacée par le terrorisme islamiste – deux supporteurs suédois ont été tués à Bruxelles, le 16 octobre, dans un attentat, commis par un Tunisien.
    Sur tous ces sujets, « nous sommes perçus comme les plus crédibles », assure Mattias Bäckström Johansson, secrétaire du parti depuis décembre 2022. A 38 ans, cet ancien opérateur de l’industrie nucléaire ne boude pas son plaisir : « Bien sûr que nous sommes très contents de ce qui a été accompli en un an, mais nous aimerions que cela aille plus vite. » Car, avant de pouvoir être votée au Parlement, toute réforme doit faire l’objet au préalable d’un examen approfondi. Malgré de nombreuses annonces, très peu de lois ont donc été adoptées.
    (...°Même empressement du côté des Ungsvenskarna SDU, les Jeunes Démocrates de Suède, la section jeunesse du parti, qui compte 2 000 adhérents. Robe vichy et vernis orange, Rebecka Rapp, 23 ans, est souvent interpellée sur TikTok : « On me demande pourquoi ça ne va pas plus vite, j’explique que c’est la politique. » Lors des dernières élections, 22 % des Suédois âgés de 18 à 21 ans ont voté pour le parti (et 26 % pour les conservateurs) : « C’est devenu cool, pour les jeunes, d’être à droite », assure la jeune femme. Etudiante en ingénierie civile à l’Institut royal de technologie royal à Stockholm (...) Le parti est dans une position idéale, observe Ann-Cathrine Jungar, professeur de sciences politiques à l’université de Södertörn : « Il a un pied dans le gouvernement et un autre en dehors, ce qui lui permet d’exercer une influence politique, tout en continuant à critiquer le gouvernement. » Jimmie Akesson ne s’en prive pas, pas plus qu’il ne rate une occasion de faire dans la surenchère, allant jusqu’à plaider pour que la police détienne des personnes sans le moindre soupçon. A Västeras, il s’en est pris à l’ensemble de la classe politique, accusée d’avoir « activement » permis à la criminalité de se développer : « Nous n’oublierons pas et nous ne pardonnerons pas », a-t-il déclaré.
    Face à ses excès ou à ceux de responsables de son parti, propageant par exemple la théorie du « grand remplacement » ou défendant les autodafés du Coran, la droite laisse faire : « Les autres partis sont mal à l’aise, mais ils ont décidé de ne pas critiquer les SD, même quand ils tiennent des propos radicaux, ce qui démontre leur influence », note le politologue Tommy Möller. Avec pour conséquence aussi de normaliser un discours qui aurait été jugé inacceptable il y a quelques années, mais qui se répand désormais dans l’espace public, alors que « l’inhibition pour voter SD ne cesse de baisser », remarque M. Möller.L’un des vétérans de la formation, l’idéologue Mattias Karlsson, y voit l’aboutissement d’un long processus mené « de façon très déterminée » par le parti, qui, « malgré les obstacles », a enfin réussi à se débarrasser de « l’image stigmatisante » qui l’a longtemps pénalisé. « Aujourd’hui, nous sommes tellement normalisés au sein de la société que nous pouvons recruter des personnes compétentes et nous professionnaliser. Nous avons atteint la dernière étape, avant d’entrer au gouvernement », assure-t-il. Jimmie Akesson ne s’en cache pas : en 2026, si la droite l’emporte, il exigera des portefeuilles ministériels, ou bien il siégera dans l’opposition. En attendant, les SD ont les yeux tournés vers les élections européennes de juin 2024. Lors du précédent scrutin, en 2019, ils étaient arrivés en troisième position, avec 15,3 % des voix. Depuis, le parti a renoncé à exiger un « Swexit », même s’il continue de considérer Bruxelles et l’UE comme « une des plus grosses menaces contre la souve#raineté » du pays, avec l’immigration. A Västeras, il n’a pas été question de la victoire du leader d’extrême droite Geert Wilders aux élections néerlandaises, pas plus que du grand rassemblement des populistes du groupe Identité et démocratie (ID) qui s’est tenu au Portugal, vendredi. Les SD font partie du groupe Conservateurs et réformistes européens et continuent de juger « problématiques » les liens de certains partis d’ID avec la Russie, comme le Rassemblement national de Marine Le Pen.

    #Covid-19#migrant#migration#suede#extremedroite#immigration#souverainte#islamisme#terrorisme#asile#politiquemigratoire

  • « En islam, les penseurs d’une nouvelle théologie ont entamé un travail de refondation révolutionnaire », Constance Arminjon Hachem

    Ils se rejoignent dans l’expression d’un questionnement sur le rôle que pourrait assumer la théologie en islam contemporain, ainsi que sur les fondations philosophiques de la théologie musulmane. Plus précisément, ces interrogations s’organisent autour de deux maîtres-mots : la #critique et l’historicité.
    La critique concerne les méthodes et le contenu de la théologie actuelle, en vue de servir une ambition refondatrice inédite.

    Quant à l’#historicité, elle apparaît comme la question cardinale, car elle affecte l’essence même des savoirs religieux et leurs contenus. Ainsi, le dogme de Dieu est réexaminé d’un point de vue qui insiste davantage sur l’humain : le théocentrisme fait place à une perspective mettant en avant l’expérience religieuse de l’individu. Tout en restant de fidèles musulmans, certains de ces penseurs, en particulier les Iraniens chiites, ont aussi renoncé à une vision apologétique de l’islam.

    Les Iraniens sont les plus engagés sur ce chantier, en définissant la foi comme amour. Celle-ci est ainsi distinguée de l’adhésion à une croyance dogmatique, de l’obéissance à la loi et de l’idéologie. De ce fait, Shabestari et Kadivar, qui sont aussi juristes religieux, sont allés jusqu’à reformuler la doctrine du droit en considérant qu’on ne pouvait pas punir un musulman qui renoncerait à l’islam.
    De telles audaces ne sont pas conçues par des théologiens sunnites, même s’il y a de vraies interrogations inédites. L’Egyptien Abou Zayd, par exemple, refuse de réduire la foi à l’obéissance et l’islam à une idéologie. D’autre part, des juristes sunnites tels Yadh Ben Achour et Mohammed Charfi (1936-2008) ont conçu l’islam d’une manière très proche des conceptions de Kadivar et Shabestari. Mais ils sont restés sur le terrain du droit et n’ont pas traité de théologie.

    Abou Zayd, Soroush et Shabestari sont allés au bout d’une historicisation du Coran, alors que la nature divine du texte sacré apparaissait comme l’un des dogmes les plus ancrés. Ils considèrent en effet qu’il s’agit d’un texte historique dont l’auteur est un être humain : une telle affirmation est révolutionnaire.

    Cette conception se fonde sur une justification philosophique selon laquelle un texte dans un langage humain ne peut avoir qu’une nature humaine. Shabestarî se réfère aussi au Coran où le prophète lui-même dit : « Je ne suis rien de plus qu’un être humain comme vous » (sourate 18, verset 110). Selon le théologien iranien, « on ne peut parler de Dieu qu’avec le langage de la métaphore ».

    [...]

    Le « réformisme » comme le « modernisme » ne sont pas des catégories ayant un contenu identifiable. En travaillant sur les doctrines et les institutions de l’#islam_contemporain, j’ai découvert que cette grille n’avait aucune pertinence et créait des amalgames. Elle est même récusée par la plupart des auteurs de la « nouvelle théologie ».
    Par exemple, Shabestani s’est interrogé sur la portée des œuvres de Muhammad Abduh (1849-1905) et Jamal Al-Din Asadabadi dit « Al-Afghani » (1838-1897). Selon lui, contrairement à Luther, qui a opéré une réforme religieuse, Abduh et Jamal Al-Din étaient des réformateurs politiques et sociaux, mais en aucun cas des réformateurs religieux. C’est la remise en cause de ce terme par Shabestari qui m’a fait comprendre qu’il se jouait quelque chose de radicalement nouveau dans les réflexions sur la « nouvelle #théologie ».
    https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2022/11/20/en-islam-les-penseurs-d-une-nouvelle-theologie-ont-entame-un-travail-de-refo

    https://archive.is/799tG

  • « Il est faux et anachronique de considérer le Coran comme antisémite », Meir M. Bar-Asher

    Si le Coran contient des passages polémiques sur les juifs, d’autres donnent une vision plus positive des « enfants d’Israël ». Cette ambivalence rend impossible une lecture univoque du texte sacré de l’islam, explique l’islamologue de confession juive Meir M. Bar-Asher, dans un entretien au « Monde ».
    Propos recueillis par Raphaël Buisson-Rozensztrauch


    A l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa, sur le complexe connu par les musulmans comme Al-Haram Al-Sharif et par les juifs comme le mont du Temple, dans la vieille ville de Jérusalem, en 2017. AMMAR AWAD / REUTERS

    « La lutte du Hamas contre Israël a un aspect national et un aspect religieux, ce dernier étant le plus substantiel », assure l’islamologue et philosophe Meir M. Bar-Asher. Le mouvement islamiste palestinien, comme d’autres à travers le monde, puise dans certains textes fondamentaux de l’#islam, à commencer par le #Coran, pour alimenter sa haine anti-Israël, voire antijuifs. Néanmoins, selon ce professeur en études islamiques à l’Université hébraïque de Jérusalem – auteur, entre autres, de Les Juifs dans le Coran (Albin Michel, 2019) –, si le livre sacré de l’islam contient effectivement de nombreux passages ambigus à l’égard des #juifs, il recèle aussi plusieurs clés pour les dépasser.

    Comment avez-vous vécu personnellement les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre contre Israël ?

    Le 7 octobre 2023, lorsque les événements se sont produits, j’étais à Paris. J’ai suivi les nouvelles de là-bas, et suis retourné en #Israël quelques jours plus tard. Comme tout le monde dans le pays, j’ai été terriblement choqué par l’atrocité des crimes du Hamas et je dois avouer que, bien que leur idéologie me soit très connue, je n’imaginais pas leurs membres susceptibles de commettre ce genre d’actes.

    On observe, depuis les attentats du 7 octobre et le début de la riposte israélienne à Gaza, une recrudescence des actes antisémites dans le monde entier, en France notamment. Y a-t-il une dimension religieuse à ce conflit ?

    Oui, absolument. La lutte du Hamas contre Israël a un aspect national et un aspect religieux, ce dernier étant le plus substantiel. Le Hamas considère que personne d’autre que les #musulmans n’a le droit de dominer la #Terre_sainte (« al-ard al-muqaddasa »). La terre leur a été donnée à la fois par #Dieu et par l’acte de #conquête sur les chrétiens, c’est-à-dire l’Empire byzantin, au début du VIIe siècle, peu après la mort de Muhammad [Mahomet]. Par le fait même de sa conquête, la terre est devenue un waqf, c’est-à-dire un territoire sacré.

    Les juifs, qui y ont vécu dans un passé très lointain, à l’époque biblique et jusqu’à la destruction du second temple (en l’an 70 de l’ère chrétienne), ont perdu le droit d’y revenir puisqu’ils ont rompu, selon le Coran, l’alliance que Dieu avait conclue avec eux. Ils ne peuvent vivre dans le pays qu’en tant que minorité « protégée » sous la domination de l’islam.

    Que dit le Coran concernant la relation des juifs à la Judée antique ?

    Cette terre a été promise aux juifs, comme précise le Coran : « Ô mon peuple, entrez dans la Terre sainte que Dieu vous assigne » (sourate 5 [La Table], 21). Mais Dieu les a abandonnés à cause de leurs péchés et a élu les #Arabes à leur place : « Vous êtes [les musulmans] la meilleure #communauté qui ait jamais été donnée comme exemple aux hommes » (sourate 3 [la Famille d’Imran], 110).

    Pourquoi la place des juifs dans le Coran constitue-t-elle un sujet toujours brûlant, selon vous ?

    Tout d’abord parce que ce sujet traite de deux #religions, chacune portée par un peuple, qui existent toujours. Ces deux peuples que sont les Arabes et les Juifs se sont combattus à divers niveaux, dans plusieurs moments de leurs histoires respectives. Les problématiques évoquées en 2019 dans mon ouvrage Les Juifs dans le Coran sont, pour certaines, cristallisées dans le #conflit_israélo-palestinien.

    Bien que ce conflit ne soit pas nécessairement d’ordre religieux, dans plusieurs périodes de leur histoire, des penseurs des deux côtés ont tenté de lui donner une dimension essentiellement religieuse ; ces penseurs ont dépeint la situation d’opposition entre Juifs et Arabes en utilisant une terminologie et une conceptualisation religieuses. C’est de cela qu’on hérite aujourd’hui, et qui rend la question si complexe.$

    Comment les juifs sont-ils nommés dans le Coran ?

    Divers termes sont employés, et chacune de ces dénominations se réfère à un aspect particulier des juifs. L’un des termes abondamment utilisé dans le Coran pour nommer les juifs est celui de Banû Israʼîl, que l’on peut traduire par « fils d’Israël » : il désigne les anciens Israélites, cités dans la Bible.

    Lorsque le Coran raconte des événements se rapportant au récit biblique, c’est presque toujours ce terme qui est utilisé pour désigner les ancêtres des juifs. C’est lui que l’on retrouve dans ce verset : « O fils d’Israël, n’oubliez pas la grâce dont je vous ai comblés en vous choisissant parmi toutes les nations. »

    Un autre terme, yahûd, désigne les juifs dans un sens plutôt péjoratif : ce terme est très répandu dans les #sourates_médinoises, donc les plus tardives du Coran, qui sont les plus hostiles aux juifs et aux chrétiens.

    Un troisième terme présent à plusieurs reprises est celui d’ahl-al-Kitâb, « peuple du Livre », qui désigne par moments juifs et chrétiens. Ce terme est tantôt positif, tantôt négatif : il évoque parfois le don de la Torah aux juifs, mais rappelle aussi « l’âne chargé de livres » qu’est le peuple juif ayant reçu le don de la révélation, tout en étant incapable de le porter convenablement.

    Quelles étaient les relations entre Juifs et Arabes dans l’Arabie préislamique ?

    Avant Muhammad [Mahomet], les juifs étaient établis dans la péninsule Arabique, principalement au sud – les juifs yéménites en seraient les descendants –, et dans le Hijaz, c’est-à-dire au nord-ouest de la péninsule où l’islam est né. On peut estimer que les juifs dominaient une grande partie de l’Arabie : ils s’appuyaient sur le royaume juif d’Himyar, établi dans l’actuel Yémen. Les rapports culturels et commerciaux entre Juifs et Arabes étaient intenses jusqu’à l’hégire [l’exil de Mahomet de La Mecque vers #Médine, en 622].

    Ces éléments sont importants, car ils constituent l’arrière-plan culturel auquel Muhammad est confronté en Arabie. Quelques chercheurs diraient même la chose suivante : Muhammad a choisi d’émigrer à Médine, une région fortement peuplée de juifs, car il comptait sur ces derniers pour le rejoindre autour d’une conception nouvelle du #monothéisme. Muhammad a sans doute estimé qu’il serait accepté par les juifs du Hijaz.

    On constate également la pensée politique fine du prophète de l’islam lorsqu’il envoie, vers l’an 616 de notre ère, un groupe de ses adeptes à destination du royaume chrétien d’Ethiopie, pour les mêmes raisons. La forte présence de juifs et de chrétiens en Arabie à l’époque de Muhammad explique l’omniprésence d’éléments bibliques, juifs ou chrétiens, dans plusieurs sourates du Coran.

    L’islam a-t-il hérité de pratiques issues du judaïsme ?

    Du point de vue philologique et historique, c’est certain. Au-delà des éléments bibliques, on peut déjà dire que l’islam, au même titre que le judaïsme, est une religion « légale », centrée sur la #loi et les #commandements, à l’inverse du christianisme. La #jurisprudence, le rôle de la Halakha (la loi et la jurisprudence juives) ou de la charia (la loi islamique) sont fondamentales dans ces deux religions, et des ressemblances s’ensuivent – mais ces dernières ont leur limite.

    Au début de la prédication de Muhammad, on perçoit chez lui un désir de se rapprocher des pratiques juives. Cependant, une fois passé le moment où la majorité des juifs refusent de le suivre, s’exprime un désir d’émancipation de l’islam par rapport au judaïsme et au christianisme. Ce qui est naturel : toute religion doit finir par affirmer son indépendance vis-à-vis des traditions passées dont elle hérite.
    Pour donner un exemple : au départ, la direction de la prière pour les musulmans est Jérusalem ; une fois consommé le divorce entre les juifs et les premiers musulmans, La Mecque devient la nouvelle direction pour la prière. Deux étapes apparaissent clairement : ressemblance, puis différenciation.

    Le Coran est-il « antisémite » ?

    Il est faux et anachronique de considérer le Coran ainsi, et certains le font dans un but de propagande contre l’islam. Tout d’abord, le terme « antisémitisme » fait référence à un phénomène bien ultérieur [le terme est apparu en Allemagne au XIXe siècle, il s’attaque aux juifs en tant que peuple et non en tant que pratiquants d’une religion].
    On peut considérer que, dans le Coran, certains versets peuvent servir à nourrir une pensée antisémite, à l’instar des « versets de la guerre » de la #sourate_9 [incitant au combat à mort contre les juifs, les chrétiens, les polythéistes et tous les « #mécréants » en général]. Mais dire explicitement que le Coran est un texte antisémite, c’est faux.

    Je vis d’ailleurs mal cette conception, même en tant que juif. Je lis le Coran depuis mon adolescence avec beaucoup d’intérêt, je l’ai appris avec des Arabes, je l’enseigne à l’université hébraïque de Jérusalem et dans d’autres endroits du monde depuis plus de trente ans… J’ai beaucoup de respect pour ce texte, qui m’a énormément appris et contient des passages extraordinaires.

    Il y a bien des extraits qui me gênent en tant que juif, mais comme ils gêneraient un chrétien, ou tout simplement un être humain ! On peut toutefois dire exactement la même chose de certains versets bibliques, qui sont violents et inacceptables, sans remettre en cause l’intérêt de ces Ecritures.

    Le Coran semble néanmoins donner une image paradoxale des juifs. Comment en sortir ?

    Lors d’un séminaire sur ce thème, un étudiant musulman chiite m’a dit la chose suivante : « Je pense que cela vaut la peine que les sages musulmans adaptent ou suppriment la sourate 9 du Coran [plus tardive, et donc polémique vis-à-vis des juifs et des chrétiens], pour aider à construire une autre image du judaïsme et faciliter la rencontre. Qu’en pensez-vous ? »

    Je lui ai répondu que je suis opposé à toute altération d’un texte canonisé. Des millions de personnes croient en la sainteté du Coran et en sa nature miraculeuse, on ne doit donc rien y changer. Ce qu’on peut changer, en revanche, c’est notre attitude face au texte.

    Le fait qu’il y ait une ambivalence du texte coranique sur ce sujet est, à mes yeux, une clé vers la solution. Le Coran s’exprime de diverses manières sur les juifs, les #chrétiens, et sur bien d’autres sujets aussi. Pour comprendre ces apparentes contradictions, il faut les ramener à leur contexte initial : les polémiques contre les juifs sont à replacer dans le contexte de la prédication de Muhammad dans une région donnée, durant une époque donnée, et ne doivent pas être considérées comme une généralisation sur les juifs. Le fait que le Coran semble paradoxal et contradictoire constitue, en vérité, un remède au littéralisme.

    Quels arguments peut-on opposer, à partir du Coran, à la haine antijuive et à la justification de violences contre les juifs ?

    Tous les stéréotypes et accusations que le Coran adresse aux juifs sont continuellement invoqués pour délégitimer les juifs et leur religion : l’accusation qu’ils ont tué des prophètes, qu’ils ont rompu l’alliance que Dieu avait conclue avec eux, qu’ils ont falsifié les Ecritures divines qui leur ont été révélées, et bien d’autres accusations. Pour autant, dans certains versets du Coran, Dieu répand aussi ses louanges sur les enfants d’Israël.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Meir Bar-Asher : « Quelques versets du Coran peuvent créer une ambiance pacifique et d’autres un climat terrible »

    Ces louanges se répartissent en trois catégories :

    – la vision des enfants d’Israël comme peuple élu ;

    – la sortie d’Egypte et l’arrivée en Terre promise ;

    – l’Alliance et le don de la Torah, vue comme une source qui confirme l’islam.

    L’idée de l’élection d’Israël revient souvent dans le Coran. Tantôt cela concerne le peuple tout entier, tantôt seulement quelques personnalités ou quelques familles comme celle d’Abraham, de ‘Imrân (c’est-à-dire ‘Amram, père d’Aaron, de Moïse et de Myriam dans la Bible) ou encore certains prophètes.

    Dans certains versets coraniques, l’idée d’élection se dégage par elle-même de la grâce de Dieu envers Israël et des nombreux bienfaits que Dieu répand sur eux : « Nous avons donné aux fils d’Israël le Livre (al-kitâb), la Sagesse (al-hukm) et la Prophétie (al-nubuwwa). Nous les avons pourvus d’excellentes nourritures. Nous les avons élevés au-dessus des mondes » (45, 16). Ou encore dans un autre verset : « O mon peuple ! Souvenez-vous de la grâce de Dieu à votre égard, quand il a suscité parmi vous des prophètes ; quand il a suscité pour vous des rois ! Il vous a accordé ce qu’il n’avait donné à nul autre parmi les mondes » (5, 20).

    Aucun texte, a fortiori un texte religieux souvent difficile comme le Coran, ne se donne à lire de manière absolue, et le sens qu’on en retire dépend beaucoup du contexte que l’on prête à ces versets.

    Certaines phrases à fort potentiel polémique lorsqu’elles sont prises isolément se voient ainsi « neutralisées » quand elles sont ramenées à un contexte historique précis ; à l’inverse, des versets dont l’interprétation traditionnelle a toujours cherché à éclaircir le contexte deviennent « explosifs » quand ils sont sciemment décontextualisés pour être brandis contre les juifs et les chrétiens d’aujourd’hui.

    Raphaël Buisson-Rozensztrauch
    https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/11/26/pourquoi-il-est-faux-et-anachronique-de-considerer-le-coran-comme-antisemite

  • Conflit israélo-palestinien : une #chape_de_plomb s’est abattue sur l’université française

    Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le milieu de la #recherche, en particulier les spécialistes du Proche-Orient, dénonce un climat de « #chasse_aux_sorcières » entretenu par le gouvernement pour toute parole jugée propalestinienne.

    « #Climat_de_peur », « chasse aux sorcières », « délation » : depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et le déclenchement de l’offensive israélienne sur #Gaza, le malaise est palpable dans une partie de la #communauté_scientifique française, percutée par le conflit israélo-palestinien.

    Un #débat_scientifique serein, à distance des agendas politiques et de la position du gouvernement, est-il encore possible ? Certains chercheurs et chercheuses interrogés ces derniers jours en doutent fortement.

    Dans une tribune publiée sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/151123/defendre-les-libertes-dexpression-sur-la-palestine-un-enjeu-academiq), 1 400 universitaires, pour beaucoup « spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes », ont interpellé leurs tutelles et collègues « face aux faits graves de #censure et de #répression […] dans l’#espace_public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre ».

    Ils et elles assurent subir au sein de leurs universités « des #intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre ».

    Deux jours après l’attaque du Hamas, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, avait adressé un courrier de mise en garde aux présidents d’université et directeurs d’instituts de recherche.

    Elle y expliquait que, dans un contexte où la France avait « exprimé sa très ferme condamnation ainsi que sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens » après les attaques terroristes du 7 octobre, son ministère avait constaté « de la part d’associations, de collectifs, parfois d’acteurs de nos établissements, des actions et des propos d’une particulière indécence ».

    La ministre leur demandait de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller au respect de la loi et des principes républicains » et appelait également à signaler aux procureurs « l’#apologie_du_terrorisme, l’#incitation_à_la_haine, à la violence et à la discrimination ».

    Un message relayé en cascade aux différents niveaux hiérarchiques du CNRS, jusqu’aux unités de recherche, qui ont reçu un courrier le 12 octobre leur indiquant que l’« expression politique, la proclamation d’opinion » ne devaient pas « troubler les conditions normales de travail au sein d’un laboratoire ».

    Censure et #autocensure

    Le ton a été jugé menaçant par nombre de chercheurs et chercheuses puisque étaient évoquées, une fois de plus, la possibilité de « #poursuites_disciplinaires » et la demande faite aux agents de « signaler » tout écart.

    Autant de missives que des universitaires ont interprétées comme un appel à la délation et qu’ils jugent aujourd’hui responsables du « #climat_maccarthyste » qui règne depuis plusieurs semaines sur les campus et dans les laboratoires, où censure et autocensure sont de mise.

    Au point que bon nombre se retiennent de partager leurs analyses et d’exprimer publiquement leur point de vue sur la situation au Proche-Orient. Symbole de la chape de plomb qui pèse sur le monde académique, la plupart de celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont requis l’anonymat.

    « Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le #débat_public sur le sujet et c’est la première fois que je me suis autocensurée par peur d’accusations éventuelles », nous confie notamment une chercheuse familière des colonnes des grands journaux nationaux. Une autre décrit « des échanges hyper violents » dans les boucles de mails entre collègues universitaires, empêchant tout débat apaisé et serein. « Même dans les laboratoires et collectifs de travail, tout le monde évite d’évoquer le sujet », ajoute-t-elle.

    « Toute prise de parole qui ne commencerait pas par une dénonciation du caractère terroriste du Hamas et la condamnation de leurs actes est suspecte », ajoute une chercheuse signataire de la tribune des 1 400.

    Au yeux de certains, la qualité des débats universitaires se serait tellement dégradée que la production de connaissance et la capacité de la recherche à éclairer la situation au Proche-Orient s’en trouvent aujourd’hui menacées.

    « La plupart des médias et des responsables politiques sont pris dans un #hyperprésentisme qui fait commencer l’histoire le 7 octobre 2023 et dans une #émotion qui ne considère légitime que la dénonciation, regrette Didier Fassin, anthropologue, professeur au Collège de France, qui n’accepte de s’exprimer sur le sujet que par écrit. Dans ces conditions, toute perspective réellement historique, d’une part, et tout effort pour faire comprendre, d’autre part, se heurtent à la #suspicion. »

    En s’autocensurant, et en refusant de s’exprimer dans les médias, les spécialistes reconnus du Proche-Orient savent pourtant qu’ils laissent le champ libre à ceux qui ne craignent pas les approximations ou les jugements à l’emporte-pièce.

    « C’est très compliqué, les chercheurs établis sont paralysés et s’interdisent de répondre à la presse par crainte d’être renvoyés à des prises de position politiques. Du coup, on laisse les autres parler, ceux qui ne sont pas spécialistes, rapporte un chercheur lui aussi spécialiste du Proche-Orient, qui compte parmi les initiateurs de la pétition. Quant aux jeunes doctorants, au statut précaire, ils s’empêchent complètement d’évoquer le sujet, même en cours. »

    Stéphanie Latte Abdallah, historienne spécialiste de la Palestine, directrice de recherche au CNRS, a été sollicitée par de nombreux médias ces dernières semaines. Au lendemain des attaques du Hamas, elle fait face sur certains plateaux télé à une ambiance électrique, peu propice à la nuance, comme sur Public Sénat, où elle se trouve sous un feu de questions indignées des journalistes, ne comprenant pas qu’elle fasse une distinction entre l’organisation de Daech et celle du Hamas…

    Mises en cause sur les #réseaux_sociaux

    À l’occasion d’un des passages télé de Stéphanie Latte Abdallah, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, membre du CNRS comme elle, l’a désignée sur le réseau X, où elle est très active, comme membre d’une école de pensée « antisioniste sous couvert de recherche scientifique », allant jusqu’à dénoncer sa « fausse neutralité, vraie détestation d’Israël et des juifs ».

    S’est ensuivi un déluge de propos haineux à connotation souvent raciste, « des commentaires parfois centrés sur mon nom et les projections biographiques qu’ils pouvaient faire à partir de celui-ci », détaille Stéphanie Latte Abdallah, qui considère avoir été « insultée et mise en danger ».

    « Je travaille au Proche-Orient. Cette accusation qui ne se base sur aucun propos particulier, et pour cause (!), est choquante venant d’une collègue qui n’a de plus aucune expertise sur la question israélo-palestinienne et aucune idée de la situation sur le terrain, comme beaucoup de commentateurs, d’ailleurs », précise-t-elle.

    Selon nos informations, un courrier de rappel à l’ordre a été envoyé par la direction du CNRS à Florence Bergeaud-Blackler, coutumière de ce type d’accusations à l’égard de ses collègues via les réseaux sociaux. La direction du CNRS n’a pas souhaité confirmer.

    Commission disciplinaire

    À l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), après la diffusion le 8 octobre d’un communiqué de la section syndicale Solidaires étudiant·e·s qui se prononçait pour un « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée », la direction a effectué un signalement à la plateforme Pharos, qui traite les contenus illicites en ligne.

    Selon nos informations, une chercheuse du CNRS qui a relayé ce communiqué sur une liste de discussion interne, en y apportant dans un premier temps son soutien, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ait condamné les massacres de civils dans deux messages suivants et pris ses distances avec le communiqué de Solidaires étudiant·e·s n’y a rien fait. Une « commission paritaire » – disciplinaire en réalité – sur son cas est d’ores et déjà programmée.

    « Il s’agit d’une liste intitulée “opinions” où l’on débat habituellement de beaucoup de sujets politiques de façon très libre », nous précise un chercheur qui déplore le climat de suspicion généralisée qui s’est installé depuis quelques semaines.

    D’autres rappellent l’importance de la chronologie puisque, le 8 octobre, l’ampleur des crimes contre les civils perpétrés par le Hamas n’était pas connue. Elle le sera dès le lendemain, à mesure que l’armée israélienne reprend le contrôle des localités attaquées.

    Autre cas emblématique du climat inhabituellement agité qui secoue le monde universitaire ces derniers jours, celui d’un enseignant-chercheur spécialiste du Moyen-Orient dénoncé par une collègue pour une publication postée sur sa page Facebook privée. Au matin du 7 octobre, Nourdine* (prénom d’emprunt) poste sur son compte une photo de parapentes de loisir multicolores, assortie de trois drapeaux palestiniens et trois émoticônes de poing levé. Il modifie aussi sa photo de couverture avec une illustration de Handala, personnage fictif et icône de la résistance palestinienne, pilotant un parapente.

    À mesure que la presse internationale se fait l’écho des massacres de civils israéliens auxquels ont servi des ULM, que les combattants du Hamas ont utilisés pour franchir la barrière qui encercle la bande de Gaza et la sépare d’Israël, le chercheur prend conscience que son post Facebook risque de passer pour une célébration sordide des crimes du Hamas. Il le supprime moins de vingt-quatre heures après sa publication. « Au moment où je fais ce post, on n’avait pas encore la connaissance de l’étendue des horreurs commises par le Hamas, se défend-il. Si c’était à refaire, évidemment que je n’aurais pas publié ça, j’ai été pétri de culpabilité. »

    Trop tard pour les regrets. Quatre jours après la suppression de la publication, la direction du CNRS, dont il est membre, est destinataire d’un mail de dénonciation. Rédigé par l’une de ses consœurs, le courrier relate le contenu du post Facebook, joint deux captures d’écran du compte privé de Nourdine et dénonce un « soutien enthousiaste à un massacre de masse de civils ».

    Elle conclut son mail en réclamant « une réaction qui soit à la mesure de ces actes et des conséquences qu’ils emportent », évoquant des faits pouvant relever de « l’apologie du terrorisme » et susceptibles d’entacher la réputation du CNRS.

    On est habitués à passer sur le gril de l’islamo-gauchisme et aux attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues.

    Nourdine, chercheur

    Lucide sur la gravité des accusations portées à son égard, Nourdine se dit « démoli ». Son état de santé préoccupe la médecine du travail, qui le met en arrêt et lui prescrit des anxiolytiques. Finalement, la direction de l’université où il enseigne décide de ne prendre aucune sanction contre lui.

    Également directeur adjoint d’un groupe de recherche rattaché au CNRS, il est néanmoins pressé par sa hiérarchie de se mettre en retrait de ses fonctions, ce qu’il accepte. Certaines sources universitaires affirment que le CNRS avait lui-même été mis sous pression par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sanctionner Nourdine.

    Le chercheur regrette des « pratiques vichyssoises » et inédites dans le monde universitaire, habitué aux discussions ouvertes même lorsque les débats sont vifs et les désaccords profonds. « Des collègues interloqués par mon post m’ont écrit pour me demander des explications. On en a discuté et je me suis expliqué. Mais la collègue qui a rédigé la lettre de délation n’a prévenu personne, n’a pas cherché d’explications auprès de moi. Ce qui lui importait, c’était que je sois sanctionné », tranche Nourdine. « On est habitués à passer sur le gril de l’#islamo-gauchisme et aux #attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues », finit-il par lâcher, amer.

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    Sciences Po en butte aux tensions

    Ce mardi 21 novembre, une manifestation des étudiants de Sciences Po en soutien à la cause palestinienne a été organisée rue Saint-Guillaume. Il s’agissait aussi de dénoncer la « censure » que subiraient les étudiants ayant trop bruyamment soutenu la cause palestinienne.

    Comme l’a raconté L’Obs, Sciences Po est confronté à de fortes tensions entre étudiants depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Le campus de Menton, spécialisé sur le Proche-Orient, est particulièrement en ébullition.

    Une boucle WhatsApp des « Students for Justice in Palestine », créée par un petit groupe d’étudiants, est notamment en cause. L’offensive du Hamas y a notamment été qualifiée de « résistance justifiée » et certains messages ont été dénoncés comme ayant des relents antisémites. Selon l’hebdomadaire, plusieurs étudiants juifs ont ainsi dit leur malaise à venir sur le campus ces derniers jours, tant le climat y était tendu. La direction a donc convoqué un certain nombre d’étudiants pour les rappeler à l’ordre.

    Lors d’un blocus sur le site de Menton, 66 étudiants ont été verbalisés pour participation à une manifestation interdite.

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    En dehors des cas particuliers précités, nombre d’universitaires interrogés estiment que le climat actuel démontre que le #monde_académique n’a pas su résister aux coups de boutoir politiques.

    « Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit », retrace Didier Fassin. « On l’avait vu, sous la présidence actuelle, avec les accusations d’islamo-gauchisme contre les chercheuses et chercheurs travaillant sur les discriminations raciales ou religieuses. On l’avait vu, sous les deux présidences précédentes, avec l’idée qu’expliquer c’est déjà vouloir excuser », rappelle-t-il en référence aux propos de Manuel Valls, premier ministre durant le quinquennat Hollande, qui déclarait au sujet de l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »

    « Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre d’entre nous, nous continuons à essayer de nous exprimer, à la fois parce que nous croyons que la démocratie de la pensée doit être défendue et surtout parce que la situation est aujourd’hui trop grave dans les territoires palestiniens pour que le silence nous semble tolérable », affirme Didier Fassin.

    Contactée, la direction du #CNRS nous a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer sur les cas particuliers. « Il n’y a pas à notre connaissance de climat de délation ou des faits graves de censure. Le CNRS reste très attaché à la liberté académique des scientifiques qu’il défend depuis toujours », nous a-t-elle assuré.

    Une répression qui touche aussi les syndicats

    À la fac, les syndicats sont aussi l’objet du soupçon, au point parfois d’écoper de sanctions. Le 20 octobre, la section CGT de l’université Savoie-Mont-Blanc (USMB) apprend sa suspension à titre conservatoire de la liste de diffusion mail des personnels, par décision du président de l’établissement, Philippe Galez. En cause : l’envoi d’un message relayant un appel à manifester devant la préfecture de Savoie afin de réclamer un cessez-le-feu au Proche-Orient et dénonçant notamment « la dérive ultra-sécuritaire de droite et d’extrême droite en Israël et la politique de nettoyage ethnique menée contre les Palestiniens ».

    La présidence de l’université, justifiant sa décision, estime que le contenu de ce message « dépasse largement le cadre de l’exercice syndical » et brandit un « risque de trouble au bon fonctionnement de l’établissement ». La manifestation concernée avait par ailleurs été interdite par la préfecture, qui invoquait notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent « de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche ».

    La section CGT de l’USMB n’a pas tardé à répliquer par l’envoi à la ministre Sylvie Retailleau d’un courrier, depuis resté lettre morte, dénonçant « une atteinte aux libertés syndicales ». La lettre invite par ailleurs le président de l’établissement à se plier aux consignes du ministère et à effectuer un signalement au procureur, s’il estimait que « [le] syndicat aurait “troublé le bon fonctionnement de l’établissement” ». Si ce n’est pas le cas, « la répression syndicale qui s’abat sur la CGT doit cesser immédiatement », tranche le courrier.

    « Cette suspension vient frontalement heurter la #liberté_universitaire, s’indigne Guillaume Defrance, secrétaire de la section CGT de l’USMB. C’est la fin d’un fonctionnement, si on ne peut plus discuter de manière apaisée. »

    Le syndicat dénonce également l’attitude de Philippe Galez, qui « veut désormais réguler l’information syndicale à l’USMB à l’aune de son jugement ». Peu de temps après l’annonce de la suspension de la CGT, Philippe Galez a soumis à l’ensemble des organisations syndicales un nouveau règlement relatif à l’utilisation des listes de diffusion mail. Le texte limite l’expression syndicale à la diffusion « d’informations d’origine syndicale ou à des fins de communication électorale ». Contacté par nos soins, le président de l’USMB nous a indiqué réserver dans un premier temps ses « réponses et explications aux organisations syndicales et aux personnels de [son] établissement ».

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Sylvie Retailleau répond que le ministère reste « attaché à la #liberté_d’expression et notamment aux libertés académiques : on ne juge pas des opinions. Il y a simplement des propos qui sont contraires à la loi ».

    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état de « quelques dizaines de cas remontés au ministère ». Il reconnaît que des événements ont pu être annulés pour ne pas créer de #trouble_à_l’ordre_public dans le climat actuel. « Ils pourront avoir lieu plus tard, quand le climat sera plus serein », assure l’entourage de la ministre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/conflit-israelo-palestinien-une-chape-de-plomb-s-est-abattue-sur-l-univers
    #université #Israël #Palestine #France #7_octobre_2023 #délation #ESR

  • Départs massifs des jeunes : le message poignant de Serigne Djily Abdou Fatah Mbacké
    https://www.dakaractu.com/Departs-massifs-des-jeunes-le-message-poignant-de-Serigne-Djily-Abdou-Fat

    Départs massifs des jeunes : le message poignant de Serigne Djily Abdou Fatah Mbacké
    Dans un contexte marqué par une influence grandissante de départs vers l’extérieur chez les jeunes avec son lot de drames, des personnalités ne cessent d’élever la voix pour les amener à se ressaisir. C’est le cas du religieux Serigne Djily Abdou Fatah Mbacké qui a profité de la journée qu’il a initiée en mémoire de Serigne Fallou Mbacké tenue ce 18 novembre au Cices pour prodiguer des conseils aux jeunes.« Ce que la personne doit avoir dans sa vie, Allah l’a déjà décidé depuis sa naissance que la personne soit dans son pays ou ailleurs. Ce n’est pas le voyage qui permet à la personne de réussir (…) Les jeunes doivent s’assurer eux-mêmes leur avenir et ne pas dépendre de l’État pour le faire à leur place », a déclaré le guide religieux.

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#jeunesse#emigration#migrationirreguliere#guidereligieux#islam#sante#reussite

  • L’auteur du listing des 600 islamogauchistes définitivement condamné en appel
    https://academia.hypotheses.org/52886

    Academia salue la première décision définitive condamnant pour diffamation Philippe Boyer, auteur d’un site recensant plus de 1000 universitaires comme “islamogauchistes”.#ResistESR COUR D’APPEL DE PAPEETE CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS Prononcé publiquement le jeudi 5 octobre 2023, par la chambre statuant … Continuer la lecture →

    ##ResistESR #Libertés_académiques_:_pour_une_université_émancipatrice #extrême-droite #islamophobie #Université_de_Polynésie_française

  • Un Etat unique israélo-palestinien est-il une solution viable ? Elie Beressi répond à Rima Hassan
    https://www.lexpress.fr/idees-et-debats/un-etat-unique-israelo-palestinien-est-il-une-solution-viable-elie-beressi-
    https://archive.ph/NAgI0

    Selon l’analyste politique franco-israélien, pour préparer « l’après » de la guerre, il faut se garder d’une lecture fallacieuse de l’histoire d’Israël qui y voit un Etat colonial.

    Depuis le 7 octobre 2023, les événements ont remis la confrontation israélo-palestinienne au cœur de l’attention du public international. Rapidement, les prises de position des uns et des autres au cours de la succession des controverses ont permis de distinguer une ligne de démarcation entre d’une part les critiques de la politique israélienne et d’autre part les opposants à l’existence d’une politique israélienne, quelle qu’elle soit.
    Cette opposition se décline selon deux modalités. La première est celle de l’éradication du fait juif en ex-Palestine mandataire. Il n’y a pas lieu d’en discuter ici en détail. L’idée consisterait à refouler la population israélienne vers l’Europe et les États-Unis d’où elle serait au fond originaire, ou, à mi-chemin, de la noyer dans la Méditerranée. La justification – que cette population soit un amas de colons ou simplement des juifs – importe ici assez peu. Le sort fait aux civils israéliens lors de l’opération « Déluge d’el-Aqsa » menée le 7 octobre conjointement par plusieurs factions armées palestiniennes résume assez bien les perspectives attendues de cette modalité.

    La seconde modalité est celle de la réconciliation : un État démocratique laïc, unitaire ou confédéral, où les Israéliens, la population juive installée consécutivement au projet sioniste, bénéficieraient de droits civiques, d’une autonomie communale et de garanties constitutionnelles égales à celle de la population palestinienne. A priori, le refus israélien de la réconciliation sur la base de l’égalité, n’est pas compréhensible autrement que par une méchanceté raciste congénitale que beaucoup n’hésitent pas à postuler.
    Pour comprendre cette perspective, il faut la replacer dans le contexte historique de l’édification d’Israël en tant qu’Etat ethno-confessionnel juif ainsi que dans le contexte régional d’édification des États arabes et de leurs politiques d’homogénéisation ethno-religieuses.
    L’impasse de la solution minoritaire
    Promouvoir une solution qui renverrait le groupe juif à une solution minoritaire ferait fi et de l’histoire juive en diaspora et de l’histoire régionale de l’ancienne aire ottomane (pour ne rien dire de l’Europe centrale et orientale). C’est précisément ce que fait Madame Rima Hassan, franco-palestinienne, présidente et fondatrice de l’ONG « L’observatoire des camps de réfugiés » lorsqu’elle déclare dans un entretien pour le quotidien L’Humanité en date du 6 novembre 2023 : « La seule solution viable est un État binational démocratique et laïc » et dans une publication sur son compte X (anciennement Twitter) : « Quand je dis qu’il y a un Etat d’apartheid, réponse : non il y’a [sic] 20 % de Palestiniens en Israël et ça se passe super bien. Quand je dis dans ce cas Etat binational seul le fait d’avoir des intérêts communs pourra nous unir : non hors de question ça ne peut pas bien se passer. Roh. Les intérêts communs : la sécurité pour tous les Israéliens, la liberté et le droit à l’autodétermination pour tous les Palestiniens. Il faut sortir de la peur d’être minoritaire, la garantie de sécurité n’est pas dans le rapport démographique elle est dans l’égalité de droit. On ne peut pas faire perdurer cette injustice du non-retour des Palestiniens au nom de cette logique démographique ça reste une injustice que vivent dans leur chair tous les réfugiés palestiniens et surtout elle entache le droit à l’autodétermination car elle exclut des millions de Palestiniens. »
    Les arguments de Rima Hassan, s’ils mettent en avant comme de juste les souffrances et les revendications palestiniennes, reposent sur une lecture unilatérale et tronquée de la confrontation arabo-sioniste en ex-Palestine mandataire, qu’elle revendique d’ailleurs de manière péremptoire ("Mon propos n’est pas de m’opposer à l’idée d’un foyer juif au Moyen-Orient mais de critiquer les moyens utilisés par le sionisme et les répercussions qu’elles ont eues sur nous. Je dirais même que les désirs nationaux juifs ne me concernent pas. Je n’ai rien à dire, en soi, à ce sujet. Mon point, ce sont les sacrifices endurés par le peuple palestinien pour que vive la doctrine sioniste."). La comparaison avec la minorité arabe palestinienne qu’elle opère est trompeuse, nous y reviendrons.
    Un « État binational démocratique et laïc » ne serait en réalité pas viable pour les juifs, compte tenu de l’expérience juive en diaspora et des expériences comparables d’autres minorités ethno-confessionnelles dans l’ancienne aire de domination ottomane. Le sionisme, justement, c’est avant tout une réaction politique à la condition juive minoritaire en diaspora et que Vladimir Ze’ev Jabotinsky, représentant de la voie révisionniste du sionisme, qualifiait de « xénophobie de la vie elle-même » dans son audition auprès des autorités britanniques en 1937.
    Un État commun, à majorité arabe car incluant le retour des descendants de réfugiés arabes palestiniens ayant été évincés du territoire israélien lors de la guerre de 1947-1949 en ex-Palestine mandataire, renverrait les juifs à leur situation minoritaire antérieure à celle-ci, ce qui ne saurait garantir ni leur sécurité ni la non-aliénation propre à la condition diasporique. Pire encore, aucune donnée empirique, sur le plan historique et comparatif, ne permet de penser qu’un tel État serait viable.
    En effet, la plupart des États binationaux ou multinationaux en Europe et au Moyen-Orient ont soit maintenu leur intégrité via une gouvernance autoritaire (la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie sous régime communiste à parti unique) et n’ont pas survécu à leur transition démocratique (la Tchécoslovaquie a connu une partition pacifique tandis que la Yougoslavie s’est effondrée dans une succession de guerres ethniques), soit ont bénéficié d’un contexte régional spécifique adossé à un développement institutionnel historiquement non reproductible dans le cas israélo-palestinien. La Suisse et la Belgique représentent des exemples d’États plurinationaux dont la viabilité dépend de l’existence d’États nationaux adjacents et de leur développement démocratique endogène.

    Dans l’aire régionale de l’ancien Empire ottoman, aucun État n’a réussi à conjuguer une gouvernance démocratique, une sécularisation et une population pluri-ethnique : l’issue a toujours été le génocide des minorités ou la guerre civile entre groupes communautaires aux forces comparables. La mémoire historique de l’État d’Israël qui surdétermine sa politique actuelle prend en compte et l’histoire juive en diaspora, et l’histoire régionale et internationale. Les dirigeants sionistes, dans l’orientation de leur politique, ont été contraints à la fois par l’évolution des relations communautaires judéo-arabes en ex-Palestine mandataire et par les développements internationaux contemporains relatifs à des relations entre groupes ethniques et nationaux dans le reste du monde.
    Leur politique prenait en compte la condition juive en Europe et les déplacements forcés de population en Europe, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien entre 1917 et 1947, ainsi que le sort des minorités ethniques et confessionnelles dans les États du Proche-Orient qui pouvait offrir un exemple de ce qui attendait potentiellement les juifs de Palestine dans une situation minoritaire similaire : le génocide de près de deux millions d’Arméniens, Grecs et Assyriens par les régimes ottoman et kémaliste en Turquie entre 1894 et 1924 ; le massacre de la minorité assyrienne par le régime hachémite irakien en 1933 et le farhud (pogrom) contre la minorité juive de Bagdad par des putschistes pro-nazis en 1941 ; plus récemment, le génocide commis par le régime ba’athiste (toujours en Irak) contre sa minorité kurde en 1988, enfin, la situation délicate des maronites libanais mis en minorité qui conduisit à une guerre civile et à une émigration de masse. La solution à de telles violences inter-communautaires et à la vulnérabilité des minorités a presque toujours été le transfert de populations et la partition territoriale par souci « humanitaire ».

    L’analogie trompeuse de la colonisation européenne

    Puisque beaucoup a été écrit sur le « contexte » du 7 octobre et la dimension réactive de la violence des factions armées palestiniennes, on ne devrait pas juger inapproprié de penser le « contexte » et la dimension réactive de la violence sioniste, étant entendu que l’analyse ne justifie pas sur le plan moral le choix du recours à la violence collective organisée.
    Le sionisme a été tantôt classé comme un ethno-nationalisme comparable aux séparatismes ethniques est-européens et balkaniques, tantôt comme un colonialisme de peuplement comparable aux colonialismes de peuplements européens aux Amériques, en Océanie et surtout en Afrique (avec une insistance sur les cas algérien et sud-africain). Plusieurs arguments en faveur de cette conception existent : l’imaginaire colonial des fondateurs du sionisme politique, « l’esprit pionnier des immigrants sionistes », la relation de violence aux populations locales, notamment dans le conflit sur les régimes fonciers et salariaux, qui culmine dans la guerre de 1947-1949 et la Nakba ("catastrophe" en arabe), qui voient 750 000 Palestiniens déracinés hors de leurs terres, auquel succède la loi israélienne « des absents » de mars 1950, qui entérine leur exil.
    Néanmoins, si on tient à une analyse comparative du sionisme dans le cadre de l’expansion coloniale européenne, l’analogie entre le projet de colonisation sioniste de la Palestine et les cas algérien, rhodésien et sud-africain semble inopérante : les juifs appartenaient à un groupe racialisé subalterne, ils n’ont pas bénéficié – ni pendant la période ottomane ni pendant la période mandataire – d’un régime de supériorité légale sur les populations préétablies avant l’indépendance. Plus encore, définir une métropole pour les immigrants sionistes est l’objet de débats complexes qu’on ne peut trancher au détour d’une phrase (l’objectif sioniste étant plutôt de « reconstituer » une métropole juive). Dans le cadre de l’analogie coloniale, ce ne sont pas les colonies « blanches » qui offrent les similarités les plus instructives, mais les « colonies de rapatriement » d’affranchis afro-américains dans l’ouest africain.

    Mais cette analyse néglige néanmoins plusieurs éléments. L’histoire des populations de la région ne permet pas de tracer une dichotomie entre colonisateurs et indigènes aussi nette que dans les cas des colonies d’affranchis. S’il y a bien, à partir de l’indépendance israélienne, et surtout à partir de 1967 dans les territoires occupés, un groupe colonisateur et un groupe colonisé, ces deux groupes peuvent être également qualifiés d’autochtones et d’immigrants pour peu que l’on se place dans leur rapport à ce territoire sur le temps long.
    En effet, au cours du long XIXe siècle, l’Empire ottoman a pratiqué une politique de recolonisation de ses marges par des réfugiés musulmans originaires de territoires conquis par les puissances européennes. L’immigration juive proto-sioniste et sioniste s’inscrit dans la phase tardive de ce mouvement de réfugiés vers l’Empire ottoman mais en diverge en ce que là où les réfugiés musulmans viennent renforcer un ordre impérial ottoman fondé sur la suprématie musulmane, les réfugiés juifs viennent subvertir cet ordre en introduisant une question nationale de plus dans un Empire miné par les séparatismes ethno-confessionnels réels ou supposés.

    Nous ne sommes ainsi pas dans une opposition entre colons sans racines qui se seraient greffés ex nihilo sur une terre où ils étaient exogènes et indigènes enracinés de tout temps. Il s’agit en effet plutôt d’un antagonisme entre deux groupes mêlant des arrivées récentes et un lien historique ancien au territoire revendiqué : les groupes juifs et arabes se rattachent tous les deux à un peuplement continu sur ce territoire depuis l’Antiquité, mais nourris de flux de migrations qui ont connu une forte accélération au cours du XIXe siècle, avec une forte vague migratoire musulmane (qui s’assimile à l’arabité locale) au début de ce siècle et une forte vague migratoire juive à la fin de celui-ci et au début du XXe siècle (qui est perçue comme étrangère).
    La différence est ici dans les coordonnées politiques de ces immigrations : l’immigration musulmane n’a pas de projet politique propre (elle repose sur les acquis de la conquête musulmane) et est utilisée par les autorités impériales contemporaines (égyptienne et ottomane) pour maintenir un ordre démo-politique confessionnel préexistant, là où l’immigration juive est motivée idéologiquement à opérer une bascule révolutionnaire de cet ordre démo-politique en faveur des juifs.
    Les termes « colons » et « indigènes » sont des signifiants qui disent aussi le degré d’identification du groupe immigrant à la terre et aux populations locales, autant que le déni appliqué aux juifs quant à leur droit à s’identifier à cette existence régionale, nonobstant le fait que la culture juive est entièrement « située » dans le cadre géographique d’Eretz Israël ("le pays d’Israël"). Pour parler en termes marxisants, les populations juives ont continuellement vécu, durant les dix-huit siècles de diaspora, dans l’infrastructure de leurs sociétés et territoires d’accueil mais avec une superstructure culturelle dont les coordonnées étaient celles de leur ancien territoire des époques bibliques et talmudiques. Ici, le rapport à la littérature biblique doit être envisagé avec précaution par ceux qui ne partagent pas une culture hébraïque : il est fondamentalement différent entre juifs et chrétiens.

    Pour le groupe juif, la bible hébraïque (c’est-à-dire le Tanakh, acronyme de Torah (Pentateuque), Nevi’im (écrits prophétiques) et Ketuvim (autres écrits)) et son commentaire talmudique servent de patrie portative, qui contient la mnesis et le nomos d’un territoire perdu et qui lui sera restitué d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard. Pour les chrétiens, la Bible, avec son second testament, est une vague mythologie déterritorialisée ("Mon royaume n’est pas de ce monde", Jean, 18:36) dont la valeur tient à ses vérités théologiques et morales.
    La revendication politique du sionisme comme continuité culturelle
    De fait, appréhender la revendication biblique juive sur Eretz Israël avec les lunettes du christianisme, c’est faire un contresens majeur, car c’est penser que la revendication politique du sionisme repose sur un article de foi, alors qu’elle repose sur une continuité culturelle qui le définit et l’aliène vis-à-vis du monde non-juif et le rattache à un territoire précis qui surdétermine ce territoire en tant que lieu nécessaire de la réalisation de l’auto-émancipation juive. Le refus de l’argument biblique n’est pas qu’un simple refus de l’argument religieux dans un débat politique. C’est, en fait, nier aux juifs le droit de mobiliser leur culture et leur histoire qui les rattachent à ce territoire.
    Pour les juifs, et c’est sur cet affect axiomatique que repose le mouvement sioniste, Eretz Israël est moins la « Terre sainte » (expression d’abord chrétienne que l’on retrouvera beaucoup dans les discours de la puissance coloniale britannique) qu’Eretz Avotenu ("le pays de nos aïeux"). La négation du lien juif à la terre devient alors en grande partie une négation du fait juif lui-même. Ce déni est le pendant de la négation sioniste de l’histoire arabe dans le cadre de ce même territoire sous un autre toponyme, avec un rapport très similaire au territoire national aliéné qui se déploie à la fois sur le registre de la révélation ("terre des prophètes") et de la filiation ("terre des ancêtres").
    Si les dynamiques d’immigration et d’indigénisation, dans le contexte de l’Empire ottoman tardif et du Proche-Orient mandataire, ne suffisent pas à assurer la qualification du sionisme comme colonialisme sans faire perdre à celui-ci une définition propre, il faut également remarquer ici que le paradigme du colonialisme de peuplement sur le modèle européen n’est pas nécessaire pour rendre compte de la violence de l’appropriation des terres sur une base ethnique, ni lors de la période mandataire (1917-1947), ni lors de la période d’indépendance (1947-1967), ni lors de la période qui s’ouvre après la saisie en 1967 des territoires de l’ex-Palestine mandataire qu’Israël n’avait pas conquis lors de la précédente période. Là encore, l’histoire de l’ancien Empire ottoman est suffisamment fournie en exemples de conflits ethno-territoriaux impliquant des rectifications violentes de frontières et d’équilibres démographiques pour qu’on n’ait pas à convoquer le paradigme colonial.
    Avant la guerre de juin 1967, la logique est celle d’un peuple minoritaire et dispersé qui veut se regrouper dans un espace déjà peuplé. Cela représente un cas extrême de nationalisme de diaspora, comparable à celui des Grecs et des Arméniens, mais où l’immigration prend une importance extrême (ce qui permet de faire le lien avec l’exemple du Libéria et de la Sierra Leone). L’auto-émancipation juive passant forcément par une reterritorialisation qui allait mettre les « revenants » aux prises avec une population préétablie, le choix était soit d’y renoncer au risque de la survie du groupe juif, soit d’assumer le conflit. Le choix de la Palestine, plutôt que de l’Argentine ou de l’Ouganda, reposant alors sur le « droit historique » opposable aux Arabes palestiniens, mais ni aux Mapuches ni aux Bantous.

    De tout cela, le paradigme colonial est, ou bien incapable de rendre compte, ou bien n’est pas nécessaire pour qualifier la situation qui peut être tout aussi bien heuristiquement comparée à des conflits non-coloniaux. Ces constats limitent fortement son utilité heuristique dans le cadre d’une analyse historique de la confrontation israélo-arabe. Dès lors, si son utilité heuristique n’est pas établie, à quoi sert le paradigme colonial ? La réponse est à chercher ailleurs que dans un comparatisme historique prudent. Elle se trouve dans le rapport quasi mythologique à l’Etat d’Israël, qui, né dans la faute, devrait expier par son suicide. Ce rapport quasi mythologique au sionisme permet ainsi de réifier l’ennemi israélien sur le mode de la culpabilité impérialiste européenne. C’est, au fond, un levier rhétorique dans une vision passionnée et romantique du politique vécu comme la lutte révolutionnaire des opprimés contre les oppresseurs.
    Une illustration de cette utilité rhétorique se trouve dans le communiqué du syndicat Solidaires étudiant.e.s EHESS du 15 octobre 2023 : « Il n’est pas possible de dire qu’Israël est un État colonial sans en tirer toutes les conséquences. Le système ethno-nationaliste israélien est fondé sur un suprémacisme racial qui institue une séparation systématique avec les Palestinien. ne.s, et qui prend actuellement la forme d’un apartheid. […] L’histoire d’Israël est celle d’un processus colonial d’une violence absolue, au cours duquel meurtres, humiliations et viols sont le lot quotidien des Palestinien. ne.s […] Nous appelons : à ce qu’Israël mette fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres arabes en démantelant le Mur ; à la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyen.ne.s arabo-palestinien.ne.s d’Israël à une complète égalité ; à la mise en application du droit de retour des réfugié.e.s palestinien.ne.s ainsi que leur droit à retrouver leurs maisons et leurs biens comme le stipule la résolution 194 de l’ONU ; et, à terme, l’établissement d’un État unique et laïc, en Palestine historique où tous les habitant.e.s jouiraient des mêmes droits. »
    Semblable aux positions de Rima Hassan, telle lecture du conflit projette sur une situation dont on a rappelé ce qu’elle avait de comparable et d’incomparable avec certaines situations coloniales et certaines situations non-coloniales, tous les crimes du colonialisme européen. Il n’est question ici que d’une assignation d’Israël à une ontologie coloniale irrémissible car récapitulant et supplantant tout ce que la mauvaise conscience occidentale porte de pire en termes de culpabilité. Assigner à l’Israélien ce statut de colon, voire de colon nazi, c’est faire d’une pierre trois coups : libérer l’Européen du poids de la culpabilité du génocide nazi en montrant que la victime est loin d’être innocente, libérer l’Européen du poids de sa culpabilité coloniale propre en l’engageant dans la lutte contre le pire des fantasmes de colonialisme réifié, et dispenser de penser à une solution juste pour les Israéliens puisqu’ils ne sauraient constituer en tant que colons un groupe avec des droits collectifs reconnus.

    Le vingt-troisième Etat de la Ligue arabe

    Si les deux premières exigences du communiqué de Solidaires semblent de bon sens (elles sont d’ailleurs soutenues par la gauche sioniste en Israël), elles ne servent ici que d’introduction aux deux suivantes qui impliquent la mise en minorité démographique des juifs israéliens et la perte de l’indépendance nationale dans le cadre d’un rattachement d’Israël à ce qui sera de facto le vingt-troisième Etat de la Ligue arabe. Or, dans un Orient où les identités ethniques et religieuses jouent encore le rôle politique qu’on leur connaît, on ne peut croire sérieusement que les juifs « jouiraient des mêmes droits » que la majorité.

    Mais cela importe peu dans la mesure où les juifs, si on leur assigne la qualification infamante de « colons », ne sont pas en mesure d’exiger des droits en tant que groupe national, mais ne peuvent que se les faire concéder par le seul demos réellement légitime car autochtone. L’asymétrie justement dénoncée dans les rapports actuels israélo-palestiniens ne serait ici pas abolie mais retournée, assurant un retour à la situation pré-48. Et pour justifier d’un tel retournement qui nie les droits des Israéliens, il faut assurer que les Israéliens sont une nation « artificielle » à laquelle le droit à l’autodétermination ne s’applique pas.
    L’assignation coloniale permet aussi de simplifier la question de l’occupation des territoires occupés par les Israéliens au cours de la guerre de juin 1967 dite « des six jours » ou, en arabe, al-Naksa ("le revers"). Le rôle de l’idéologie, c’est-à-dire de l’irrédentisme biblique propre à la culture juive et qui infuse le projet sioniste lorsqu’il se fait conquérant, n’est pas ici remis en doute, et a abouti à ce qu’il faut qualifier, en Cisjordanie, de situation coloniale et d’apartheid. Situation, par ailleurs, comparable aux politiques sud-africaines dans le territoire du Sud-Ouest africain (mais pas en Afrique du Sud proprement dite).
    En revanche, il faut rappeler qu’ici l’idéologie joue son rôle, mais adossée et articulée à des considérations stratégiques contingentes, motivée par le devoir de l’appareil d’État israélien d’assurer la sécurité, voire simplement la survie, de sa population dans le cadre d’une situation géographique précaire. L’assignation coloniale « oublie » ces considérations en envisageant l’expansionnisme israélien comme le simple fruit d’une logique interne de « prise de terre » propre au colonialisme. Or, la question géostratégique dans la politique de peuplement juif en Cisjordanie précède (hormis chez des marges politiques telle que l’opposition révisionniste du Herut pour qui il s’agit d’ailleurs plus d’une pétition de principe que d’un réel programme) la motivation irrédentiste : il s’agit de se constituer un territoire glacis de 40 km de large entre les puissances arabes et son principal bassin de peuplement, le territoire israélien dans les limites des lignes d’armistice de 1949 ne bénéficiant que de peu ou pas de profondeurs stratégiques alors qu’il se retrouve dans un environnement régional hostile où lui est opposée une rhétorique génocidaire. En cas d’évacuation de la Cisjordanie hors du cadre d’un règlement politique négocié offrant des garanties de sécurité, il n’y a que 18 km de route entre les principaux centres de peuplement israélien et une puissance hostile.

    L’usage de colonies de peuplements pour assurer le contrôle politique et militaire d’un territoire pour des raisons stratégiques est aujourd’hui en contradiction avec les conventions de Genève mais se trouve être une pratique fort banale. Machiavel en expliquait déjà la rationalité dans son Prince. Seulement, dans un cadre démocratique, le transfert de population civile de l’occupant vers le territoire occupé se fait nécessairement sur la base du volontariat des colons, ce qui opère une sélection idéologique avec des populations pionnières motivées par des considérations nationalistes et religieuses ici très actives alors que plus latentes dans le reste de la population. C’est ce qui explique le profil idéologique plus militant, religieusement déterminé, des colons israéliens en Cisjordanie. Le problème étant que leur motivation les met sur une trajectoire de collision avec les intérêts de la population locale (dont le droit propre est perçu comme négligeable) et avec les intérêts de l’Etat israélien si celui-ci souhaitait évacuer ces territoires dans le cadre d’une paix négociée : les colons préfèrent les territoires à la paix. Nous croyons devoir ici rappeler que si les colonies sont souvent présentées comme un obstacle insurmontable à la solution à deux États pour deux peuples, nous ne pensons pas que cet obstacle soit effectivement insurmontable, pourvu qu’il existe, du côté israélien comme du côté palestinien, une réelle volonté politique d’arriver à une partition définitive du territoire de l’ex-Palestine mandataire/Eretz Israël.
    Un autre argument souvent amené dans le débat est l’injustice subie par les Palestiniens qui auraient payé de leur territoire et leur exil les crimes des Européens vis-à-vis des juifs. Le reproche serait fondé si le sionisme et l’indépendance d’Israël étaient exclusivement une réaction à la persécution et l’extermination des juifs d’Europe par le régime nazi et ses vassaux fascistes. Simplement, le sionisme n’est pas une réaction au nazisme, il lui est bien antérieur. Le nazisme est une illustration paroxystique de ce à quoi le sionisme propose une échappatoire : la condition existentiellement défensive du fait minoritaire juif vis-à-vis du monde non juif. En ce sens, les sociétés arabes ne sont pas assimilables au régime nazi, mais entrent dans le cadre de la critique sioniste formulée quant à l’antisémitisme inhérent ("la xénophobie de la vie elle-même") à toutes les sociétés non-juives majoritaires au sein desquelles les juifs ont vécu et auxquelles le sionisme demande des comptes, via la réclamation d’un territoire national aliéné.
    Les sociétés arabes ne peuvent être exclues du champ de cette critique globale de la condition minoritaire juive opérée par le sionisme, car, pour reprendre l’analyse de l’historien Bernard Lewis : « Leur situation ne fut jamais aussi mauvaise ni aussi bonne que dans la chrétienté. En effet, il n’existe pas dans l’histoire de l’Islam d’équivalent de l’Inquisition espagnole, des pogroms russes ou du génocide hitlérien, mais rien non plus qui se compare à l’émancipation et à l’intégration progressive des juifs dans les sociétés démocratiques occidentales au cours des trois derniers siècles. »
    En ce sens, la société palestinienne et les États de la ligue arabe ont payé, à travers la création de l’Etat d’Israël et les défaites militaires successives face à celui-ci, leur incapacité à formuler une solution à la question juive qui soit plus séduisante que le sionisme pour leurs propres populations juives et les réfugiés juifs d’Europe. De même que l’abolition de l’esclavage puis de la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis n’a pas éliminé les structures mentales négrophobes dans la société américaine, de même les structures mentales héritées de l’institution de la #dhimma ont survécu parfois deux siècles après son abolition dans le domaine du droit public en pays d’#Islam et rendu les sociétés musulmanes comptables de la question posée aux juifs par leurs sociétés d’accueil au même titre que les sociétés occidentales. C’est, fondamentalement, l’une des promesses non-tenues de la Nahḍa et des Tanzimats, et à laquelle le sionisme répond aussi bien qu’à la situation européenne.
    Pour revenir à la solution proposée aujourd’hui par Rima Hassan, et qui repose sur une lecture de l’histoire des deux derniers siècles qui néglige certains éléments, il faut redire qu’il n’existe à ce jour aucune donnée empirique, historique ou comparative qui permette de fonder en raison la croyance en la viabilité d’un État unique binational démocratique et laïc et donc faire renoncer les juifs israéliens (et ceux parmi les non-juifs israéliens qui s’accommodent de la majorité juive) à leur Etat-ethnique.
    L’argument de la minorité arabe israélienne comme exemple d’une possibilité de coexistence de Rima Hassan ne tient pas : être une minorité arabe dans le seul Etat juif n’offre pas exactement les mêmes garanties qu’être une minorité juive dans un vingt-troisième État arabe, compte tenu de l’histoire des communautés juives des vingt-deux autres. Car l’Etat binational démocratique et laïc serait de facto un Etat à majorité arabe, entouré d’Etats à majorité arabe, avec un appareil d’Etat à majorité arabe, un espace public défini par la culture arabe, et où la population juive se retrouverait ce qu’elle fut durant la diaspora : une minorité tolérée, donc vulnérable. Il ne s’agit pas ici d’un fantasme motivé par une vision raciste et orientaliste de « l’Arabe » comme sauvage sanguinaire, mais du constat d’une récurrence de violence relationnelle entre minorités et majorités ethniques indépendamment des identités culturelles et religieuses mobilisées par les groupes concernés.

    Où que les juifs israéliens regardent, dans le temps et dans l’espace, ils ne peuvent faire qu’un constat : une minorité ethno-confessionnelle sans l’appui extérieur d’un Etat-parent ne vit pas, elle survit. Même si elle peut se trouver relativement prospère, cette prospérité peut toujours susciter une résurgence de « la xénophobie de la vie elle-même », elle est un sursis permanent face à une majorité qui a maintes fois prouvé sa dangerosité. La plus grande part des Israéliens ne se considèrent pas comme des colons justiciables d’une illégitimité fondamentale sur leur territoire et considèrent donc le droit à l’indépendance dans un État avec une majorité ethnique juive comme non négociable. Mais une telle majorité n’est pas atteignable en maintenant un contrôle israélien sur la Cisjordanie et sa population de presque trois millions de Palestiniens. Restent donc les questions que posait déjà Raymond Aron : « Qu’est-ce que chaque Israélien craint le plus ? La corruption spirituelle de la nation par les conquêtes ? L’insécurité militaire par l’évacuation des territoires occupés ? La perte de l’identité juive par le gonflement de la minorité arabe ? »
    Enfin, un dernier point sur la question des droits aux retours juifs et palestiniens. Dans le cadre d’un Etat palestinien indépendant aux côtés d’Israël, il est évident que celui-ci serait souverain dans sa politique migratoire et pourra assumer, s’il s’en sent capable, le droit aux retours des réfugiés palestiniens et de leurs descendants, de la même manière qu’Israël assume un droit au retour pour les personnes juives de par le monde (droit qu’il étend indûment aux territoires occupés sous son contrôle). Un tel droit pourrait être articulé au paiement de compensations par Israël à ces mêmes réfugiés.
    Le retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants en Israël même n’est plus l’exercice d’un droit à un foyer, mais l’instrument d’une mise en minorité du groupe juif sur son territoire, donc, in fine de la disparition du seul Etat juif. Dans un Etat binational démocratique et laïc, la mise en minorité du groupe juif supprime les conditions qui font d’Israël un refuge pour les personnes juives de par le monde ; que leur droit au retour leur soit encore théoriquement reconnu, ou qu’il soit aboli comme certains l’exigent.
    En proposant un Etat binational qui serait de facto un Etat arabe, Rima Hassan propose de supprimer le seul Etat qui, dans sa politique étrangère comme dans sa politique extérieure, assume une perspective juive. Cela revient à faire des Israéliens juifs une minorité de plus et à suspendre le sort des communautés juives en danger au bon vouloir des politiques migratoires états-uniennes ou autres… renouvelant les conditions du drame de juillet 1938.
    Du côté de Rima Hassan, nous pouvons demander ce qu’elle souhaite vraiment : mettre les Israéliens au pied du mur en leur proposant le suicide politique au nom d’un idéal absolutiste et anhistorique de la justice et ainsi prendre le risque de crises toujours plus violentes lors desquelles, le rapport de force étant ce qu’il est, la situation des Palestiniens ne fera qu’empirer ? L’aboutissement sanglant d’une lutte armée à outrance qui élimine Israël et transforme les Palestiniens en tout ce que Rima Hassan prétend détester chez les Israéliens ? Ou aboutir à un compromis réaliste qui ne sera émotionnellement satisfaisant pour personne mais assurera des garanties et un avenir un peu moins dangereux pour toutes les parties du conflit ? Rima Hassan est libre de son choix, mais elle doit « en tirer toutes les conséquences ».
    Ce texte est une version expurgée des notes et références bibliographiques d’un article à paraître dans une revue spécialisée.

    * Elie Beressi est un analyste politique franco-israélien, diplômé de l’IEP de Paris.

    #Israël #Palestiniens

  • De la #presse parisienne à la #fachosphère. #Genèse et #diffusion du terme « #islamo-gauchisme » dans l’#espace_public

    Les « #discours_de ^_haine » trouvent souvent leur origine dans les sphères intellectuelles, politiques et médiatiques avant de se propager en ligne. Un exemple marquant de ce processus est l’utilisation du terme « islamo-gauchisme », qui a émergé au début des années 2000 et a gagné une attention médiatique significative en France en 2020 et 2021. Notre recherche retrace la genèse et la diffusion du terme dans les médias et dans le discours politique, avant d’en analyser l’usage sur les #médias_sociaux. Nous effectuons une analyse diachronique sur une longue période basée sur un protocole robuste d’analyse textométrique et de réseaux sur un corpus d’articles de #presse et de tweets. Nous montrons comment une partie de la presse parisienne, notamment de droite, a contribué à populariser le terme d’abord en ouvrant ses colonnes à des idéologues réactionnaires, puis en relatant des polémiques politiciennes qui ont instrumentalisé le terme afin de disqualifier une partie de la gauche, tandis que les communautés d’#extrême_droite en ligne l’ont transformé en une arme de #propagande haineuse.

    https://www.cairn.info/revue-reseaux-2023-5-page-163.htm
    #islamogauchisme #mots #terminologie #médias #instrumentalisation

    ping @karine4 @isskein @_kg_

  • Pour des rassemblements populaires contre l’antisémitisme et l’islamophobie
    https://www.frustrationmagazine.fr/antisemitisme

    La marche “contre l’antisémitisme”, du dimanche 12 novembre 2023, organisée par les mêmes qui rendent hommage à Pétain et Maurras est un piège tendu à la gauche. Comment l’éviter ? l’antisémitisme : une réalité alarmante Tout d’abord plusieurs constats : Un rassemblement “contre l’antisémitisme” est organisé par les macronistes, la droite et l’extrême droite, auquel […]

    #Décrypter_-_Antiracisme #Édito #Antisémitisme #Islamophobie

  • Le #Conseil_d’État annule la #dissolution des #Soulèvements_de_la_Terre mais en valide trois autres

    Si le mouvement écologiste, dans le viseur du gouvernement, a été sauvé par la justice administrative jeudi 9 novembre, celle-ci a confirmé la dissolution de la #Coordination_contre_le_racisme_et_l’islamophobie, du #Groupe_antifasciste_Lyon_et_environs et de l’#Alvarium.

    « Et« Et paf. » C’est derrière ce slogan, sonnant comme une moquerie enfantine, que les Soulèvements de la Terre et leurs soutiens se sont rassemblés devant le Conseil d’État jeudi 9 novembre, en milieu d’après-midi, après l’annulation de leur dissolution. Pendant une heure, les interventions se sont succédé dans une ambiance à la fois réjouie et grave, en présence d’un groupe de policiers déployés devant l’entrée de l’institution.

    Dans sa décision, le Conseil d’État rappelle que les Soulèvements de la Terre n’ont jamais incité à commettre des violences contre des personnes. En revanche, il estime qu’en appelant à la « désobéissance civile » et au « désarmement » des infrastructures portant atteinte à l’environnement, ils provoquent à la « violence contre les biens », l’un des nouveaux critères de dissolution introduits par la loi « séparatisme ». Le groupe se voit ainsi reprocher de « légitimer publiquement » la destruction d’engins de chantiers, de cultures intensives ou la dégradation de sites industriels polluants, dont il revendique la dimension « symbolique ».

    Pour autant, le Conseil d’État conclut qu’au regard « de la portée de ces provocations, mesurée notamment par les effets réels qu’elles ont pu avoir », la dissolution ne serait pas « une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée ». Il annule ainsi le décret pris en Conseil des ministres le 21 juin 2023. Le ministère de l’intérieur, à l’initiative de cette dissolution, n’a pas souhaité réagir.

    Dans un communiqué, les Soulèvements de la Terre se réjouissent de leur « victoire » et d’« un sérieux revers pour le ministère de l’intérieur ». Le mouvement considère que cette décision « est porteuse d’espoirs pour la suite », car « en utilisant l’argument de l’absence de proportionnalité entre les actions du mouvement et la violence d’une dissolution, le Conseil d’État confirme l’idée que face au ravage des acteurs privés, de l’agriculture intensive, de l’accaparement de l’eau, nos modes d’actions puissent être considérés comme légitimes ».

    Aïnoha Pascual, avocate des Soulèvements, dit son « soulagement » pour la défense des libertés publiques, notamment de la liberté d’association, mais aussi sa « prudence ». Son confrère Raphaël Kempf, également défenseur du mouvement écologiste, voit dans la décision du Conseil d’État la reconnaissance de la légitimité « d’une dose d’appel à la désobéissance civile et au désarmement ». Mais s’inquiète, lui aussi : la juridiction accepte l’idée que des agissements violents puissent concerner des biens, alors que le code pénal et la Cour européenne des droits de l’homme la restreignent aux personnes. Autre source d’inquiétude : la notion de « provocation » à commettre ces faits n’est pas clairement limitée, et le juge considère qu’elle peut être constituée même si elle n’est qu’implicite.

    Sollicité par Mediapart, Michel Forst, rapporteur de l’Organisation des nations unies (ONU) sur la protection des défenseurs de l’environnement rappelle que cette dissolution « s’inscrivait dans un contexte où l’on constate dans beaucoup de pays d’Europe une érosion extrêmement inquiétante de l’espace civique ». Il cite notamment le cas de l’Allemagne ou de l’Italie, « où des mouvements écologistes et climatiques, qui ont recours à la désobéissance civile non-violente, sont en train d’être catégorisées comme des organisations criminelles par les autorités ». Et ajoute : « Je crois que ce qui inquiète le gouvernement, ce n’est pas tant les supposées provocations à la violence, mais la portée de la voix des Soulèvements de la Terre. C’est le fait qu’ils soient audibles, entendus, écoutés. »

    Au nom du Syndicat des avocats de France (SAF), Lionel Crusoé a critiqué la recrudescence des dissolutions d’associations, qu’elles soient antiracistes, de soutien au peuple palestinien, ou antifascistes. Il y voit la traduction d’une « situation en demi-teinte » pour les libertés publiques, alors que « dans une société démocratique, il doit y avoir un espace de débats, et qu’il est aussi fait de rapports de force ».
    L’Alvarium, un groupe d’extrême droite dissout pour « provocation à la haine »

    S’il a annulé la dissolution des Soulèvements de la Terre, le Conseil d’État a validé celle de trois autres organisations. En ce qui concerne l’Alvarium, qui avait contesté sa dissolution mais ne s’était pas défendu à l’audience du 27 octobre, le Conseil d’État estime que les messages postés par le groupe d’extrême droite angevin incitaient bel et bien à la discrimination et à la haine « envers les personnes étrangères ou les Français issus de l’immigration par leur assimilation à des délinquants ou des criminels, à des islamistes ou des terroristes », comme le lui reproche le gouvernement dans le décret de dissolution du 17 novembre 2021.

    Compte tenu de la « gravité » et de la « récurrence » de ces agissements, le Conseil d’État juge que la dissolution ne constitue pas une mesure disproportionnée. Il note, par ailleurs, les liens de l’Alvarium et de ses membres dirigeants « avec des groupuscules appelant à la discrimination, à la violence ou à la haine contre les étrangers », les personnes d’origine non européenne ou les musulmans. Mais ne dit pas un mot de la « provocation à commettre des violences » invoquée par le gouvernement dans ses motivations.

    L’Alvarium, qui agrégeait des catholiques identitaires et des nationalistes révolutionnaires autour d’un bar associatif, entre 2018 et 2021, s’est fait connaître à Angers pour plusieurs rixes contre des militants d’extrême gauche, certaines ayant été suivies de condamnations. Après sa dissolution, le groupe s’est plus ou moins reconstitué sous le nom de « RED Angers » (Rassemblement des étudiants de droite, dont le local a été fermé par la mairie, à l’été 2023, après de nouvelles bagarres). D’anciens membres de l’Alvarium ont été jugés en août pour des violences contre des manifestants, et pour l’essentiel relaxés.
    La CRI subit le même sort que le CCIF

    Le Conseil d’État a également validé la dissolution de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI), prononcée le 20 octobre 2021. Le gouvernement reprochait à cette association lyonnaise, fondée en 2008, d’instrumentaliser le concept d’islamophobie pour provoquer à la haine antisémite et à la violence, notamment en s’abstenant de modérer les commentaires d’internautes sur ses réseaux sociaux. Le mémoire du ministère de l’intérieur évoquait « une stratégie de communication comparable à celle du CCIF », dissout en 2020 sans que le Conseil d’État ne trouve rien à redire.

    En préambule, la juridiction administrative écarte la « provocation à la violence » reprochée par le ministère de l’intérieur, estimant que les messages cités relèvent d’une critique « véhémente » de l’action de la police ou de réactions « injurieuses ou menaçantes », mais ne constituent pas des appels à la violence.

    Le Conseil d’État se concentre plutôt sur les appels à la haine ou à la discrimination et estime que la CRI a posté des propos « outranciers sur l’actualité nationale et internationale, tendant, y compris explicitement, à imposer l’idée que les pouvoirs publics, la législation, les différentes institutions et autorités nationales ainsi que de nombreux partis politiques et médias seraient systématiquement hostiles aux croyants de religion musulmane et instrumentaliseraient l’antisémitisme pour nuire aux musulmans ». Elle considère aussi que « ces publications ont suscité de nombreux commentaires haineux, antisémites, injurieux et appelant à la vindicte publique, sans que l’association ne tente de les contredire ou de les effacer ».

    Au Conseil d’État, où elle dénonçait un « pur procès d’intention », démentait tout antisémitisme et revendiquait le droit de critiquer des politiques publiques, la CRI avait reçu le soutien de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et du Gisti, au nom de la liberté d’association, de réunion et d’expression. S’il se réjouit de la décision pour les Soulèvements de la Terre, l’avocat de la CRI, João Viegas, juge celle qui concerne ses clients « extrêmement décevante » et se réserve la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

    « C’est une reprise très évasive et insatisfaisante des griefs du ministère, qui ne reposent sur absolument rien, sauf des commentaires non modérés et des propos parfois à l’emporte-pièce. Si le Conseil d’État accepte l’idée qu’en critiquant l’État on devient anti-français, il reprend à son compte la théorie de la cinquième colonne et des ennemis de l’intérieur. Il ne rectifie pas la jurisprudence déjà désastreuse du CCIF, qui peut servir à couvrir des mesures très répressives de critiques politiques jugées inconvenantes. On parle d’associations qui saisissaient les pouvoirs publics et encourageaient les gens à le faire, les aidaient à déposer plainte et les assistaient en justice. »
    Un groupe antifasciste dissout pour la première fois

    Enfin, le Conseil d’État a confirmé la dissolution du Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale), prononcée le 30 mars 2022 et suspendue deux mois plus tard. Le Gale devient donc le premier groupe d’extrême gauche dissout depuis Action directe, en 1982, après une campagne d’attentats et de braquages qui avaient fait plusieurs morts. Le collectif lyonnais, créé après la mort de Clément Méric en 2013 , comptait une trentaine de membres actifs.

    Contrairement à l’Alvarium et à la CRI, dont la dissolution a été confirmée sur le fondement des appels à la haine ou à la discrimination, celle du Gale repose seulement sur la « provocation à commettre des violences contre des personnes ou des biens », c’est-à-dire le nouveau motif créé par la loi « séparatisme ». En l’occurrence ici, les personnes et les biens appartiennent aux adversaires privilégiés du Gale, la police et l’extrême droite, et sont quasiment mis sur le même plan.

    La décision du Conseil d’État relève ainsi que certains messages postés par le Gale sur les réseaux sociaux montrent « des policiers ou des véhicules de police incendiés, recevant des projectiles ou faisant l’objet d’autres agressions ou dégradations, en particulier lors de manifestations, assortis de textes haineux et injurieux à l’encontre de la police nationale, justifiant l’usage de la violence envers les représentants des forces de l’ordre, leurs locaux et leurs véhicules, se réjouissant de telles exactions, voire félicitant leurs auteurs ».

    Elle retient aussi des publications « approuvant et justifiant, au nom de “l’antifascisme”, des violences graves commises à l’encontre de militants d’extrême droite et de leurs biens ». Certains commentaires en réponse peuvent être considérés comme « des appels à la violence voire au meurtre » de militants d’ultradroite, sans faire l’objet d’une « quelconque modération ».

    Les avocats du Gale, Agnès Bouquin et Olivier Forray, dénoncent une décision « très inquiétante » et s’apprêtent à saisir la Cour européenne des droits de l’homme, puisque « le Conseil d’État ne joue plus son rôle de garde-fou des libertés publiques ». À leurs yeux, la décision « raye d’un trait de plume la liberté d’association, d’expression et de réunion, parce que ça disconvient au gouvernement » et empêche « la dénonciation politique de l’action policière et de l’extrême droite ». « La lutte antifasciste ne s’arrête pas à l’étiquette “Gale” et va continuer », affirment les avocats du collectif.

    Une clarification toute relative

    Dans le communiqué de presse qui accompagne ses quatre décisions, le Conseil d’État se félicite de « préciser le mode d’emploi » et les « critères » du nouveau motif de dissolution instauré par la loi « séparatisme », autour de la provocation à la violence (contre les personnes ou les biens). Il considère ainsi avoir posé les bornes d’une dissolution acceptable.

    Ce n’est pourtant pas si clair. D’une part, sa décision sur les Soulèvements de la Terre laisse entendre qu’une petite quantité de « violence contre les biens » ne suffit pas à signer l’arrêt de mort d’une organisation, pour des raisons de proportionnalité. Mais elle laisse ouverte la possibilité de dissoudre un groupe - voire les Soulèvements de la Terre eux-mêmes, plus tard - sur la seule base de dégradations matérielles, si elles étaient plus lourdes, ou plus fréquentes, ou plus chères, sans définir de seuil.

    D’autre part, et uniquement pour les Soulèvements de la Terre, le Conseil d’État établit un lien entre la provocation à des agissements violents et ses effets concrets (ici jugés modestes). Pour le #Gale, la provocation est retenue sans considération pour ses conséquences : les appels à commettre telle ou telle action, à s’en prendre à telle ou telle cible, ont-ils entraîné des passages à l’acte ? Peut-on en attribuer la responsabilité au groupe ?

    Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, les dissolutions administratives se sont succédé à un rythme inédit sous la Cinquième République. Sous son premier mandat, 29 associations et groupements de fait, pour l’essentiel soupçonnés de proximité avec l’#islamisme (#Baraka_City, le #CCIF) ou liés à l’#extrême_droite (le #Bastion_social, les #Zouaves) ont disparu. Depuis sa réélection, le 24 avril 2022, le gouvernement a prononcé la dissolution de quatre organisations : le #Bloc_Lorrain, #Bordeaux_nationaliste, #Les_Alerteurs et #Civitas. Sans compter les Soulèvements de la Terre, qui célèbrent leur victoire.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/091123/le-conseil-d-etat-annule-la-dissolution-des-soulevements-de-la-terre-mais-
    #justice #antifa #anti-fascisme #SdT

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    voir ce fil de discussion (via @arno) :
    https://seenthis.net/messages/1025608