En France, au lendemain de la seconde guerre mondiale les théories élaborées avant-guerre par les CIAM (Congrès Internationaux d’Architecture Moderne) sont sur le devant de la scène et diffusées par des architectes tels que Le Corbusier qui, dès 1941, les reprend à son compte en publiant La Charte d’Athènes (1). À la Libération , il publie également Les Trois Établissements Humains (2) (1945) où il propose un nouveau type de politique d’aménagement du territoire et, après avoir « obtenu que La Charte d’Athènes des CIAM serve de base aux discussions » (3), il participe aux travaux de la Commission de doctrine du Front National des Architectes. Avec l’aide du plan Marshall , cette nouvelle façon de concevoir l’urbanisation va pouvoir être mise en application pour reconstruire le pays, moderniser les villes et intensifier la lutte contre les taudis (4) qu’elles abritent encore. Architectes et urbanistes, Eugène Claudius-Petit , ancien résistant nommé ministre de la reconstruction et de l’urbanisme en 1948, définissent alors ce que seront les contours des défis à venir du développement urbain. À la fin des années 1950 lorsque sort le film Mon Oncle (1958) c’est donc la théorie du zonage qui prime et prône la séparation des fonctions habiter, travailler, se divertir (ou se cultiver) et se déplacer. La production immobilière privée et l’industrie du bâtiment soutenues et encouragées par de très importants financements publics à très faible rentabilité (5) produisent en masse logements, habitations et divers équipements publics d’accompagnement. Les architectes de cette époque (6), des « Grands Prix de Rome » dessinent et font construire toutes sortes de barres et tours d’habitations qui viennent s’agglutiner autour des villes. Par dérision - mais est-ce vraiment le cas ? - certains prétendront que c’étaient les rails des chemins de grues qui déterminaient la forme rectiligne des bâtiments. Pourtant, sur le même type de programmes, à la même époque ou dans la décennie qui suivra, certains architectes audacieux affrontent et expérimentent avec plus ou moins de bonheur la courbe (Émile Aillaud (7) par exemple) ou la ligne brisée (Jean Renaudie (8) par exemple).
En 1965, alors que Jacques Tati et son équipe tournent le film PlayTime (1964-1967), le groupe d’architectes mené par Georges Candilis , disciple de Le Corbusier , réalisait avec Mario Marret, du Groupe Medvekine , un film pour soutenir sa candidature au concours d’architecture et d’urbanisme organisé par la ville de Toulouse pour la construction de la ville nouvelle du Mirail.
Dans ce contexte, il est intéressant d’examiner à travers l’exemple de deux films contemporains de ce mouvement, Mon Oncle et PlayTime , quels types de rapports Jacques Tati entretient avec les architectes, l’architecture de son temps et, plus largement, avec la ville et le nouveau modèle urbain qui est en train de se mettre en place dans les années 1950 et 1960.