• Les distributions alimentaires interdites dans le nord de Paris
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/10/les-distributions-alimentaires-interdites-dans-le-nord-de-paris_6193556_3224

    La préfecture de police justifie l’interdiction de distributions pendant un mois en leur reprochant de « stimuler la formation de campements ».

    La #Préfecture de police de #Paris (PP) a pris un arrêté interdisant, à compter de mardi 10 octobre et pour un mois, les #distributions_alimentaires dans un quartier du nord de Paris où se concentrent les campements de #migrants et des #sans-abri, provoquant l’ire des associations. L’arrêté signé lundi par le préfet, Laurent Nuñez, prévoit une « interdiction des distributions alimentaires » entre le 10 octobre et le 10 novembre sur un secteur « délimité » des 10e et 19e arrondissements, qui concerne neuf artères dans le quartier populaire autour des stations de métro #Stalingrad et #Jaurès.
    C’est là, selon la #PP, « que ces distributions alimentaires engendrent, par leur caractère récurrent, une augmentation de la population bénéficiaire de ces opérations et qu’elles contribuent, en corollaire, à stimuler la formation de campements dans le secteur du boulevard de la Villette, où se retrouvent des migrants, des personnes droguées et des sans-domicile fixe ».
    Le quartier, argumente la PP, est devenu « un point de fixation pour de tels campements ». Les « attroupements », les « débordements sur la voirie », certaines échauffourées ainsi que la présence de « toxicomanes » constituent des « troubles à l’ordre public » qui ont conduit « pour la première fois » le préfet de police à prendre un tel arrêté sur ce secteur parisien, précise la préfecture à l’Agence France-Presse.

    Arrêtés similaires pris à Calais

    Pourtant, il n’y a « jamais eu d’incidents sur nos sites de distribution », conteste Philippe Caro, un responsable du collectif Solidarité Migrants Wilson, l’une des organisations dont l’action est visée. « On complique la vie des associations et des gens, sans jamais résoudre leurs problèmes. On va juste déplacer le problème, mais avec les Jeux olympiques qui arrivent, on sent que la pression monte et là les toxicomanes vont servir de prétexte pour virer tout le monde » du nord de Paris, estime-t-il.
    « C’est une fois de plus ces personnes qui vont trinquer », a également réagi Samuel Coppens, de l’Armée du salut, qui effectue des distributions sur d’autres secteurs. Les interdictions vont priver entre « 200 et 500 personnes » chaque jour de nourriture, déplore à son tour Océane Marache, coordinatrice parisienne à Utopia 56, qui intervient auprès des exilés à la rue.

    Pour l’association, l’Etat applique à Paris « le même schéma qu’à Calais » , où des arrêtés similaires sont pris régulièrement depuis 2020. Le fait que cette interdiction parisienne soit décidée mardi 10 octobre, journée internationale de lutte contre le sans-abrisme, est « révélateur de la politique anti-SDF que mène l’Etat », estime-t-elle.

    #campement #Calais #réfugiés #exilés #JO

  • Jaurès, les retraites et nous
    https://www.lantivol.com/2023/03/jaures-les-retraites-et-nous.html

    Du 6 au 9 février 1910, le Parti socialiste, Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO), tient son congrès à Nîmes, dans le Gard. Jaurès y intervient sur la loi sur les #retraites ouvrières qui sera bientôt votée, début avril. Malgré l’insuffisance, l’hypocrisie de ce texte qui fixe le droit à la retraite à 65 ans (ce qui conduit à en priver 9 ouvriers sur 10 qui meurent avant cet âge), #Jaurès en défend le principe  : c’est une première avancée indispensable pour lutter ensuite en faveur de son amélioration. Extrait de son discours du 8 février  :

    Je vous demande d’appliquer à la loi des retraites cet effort de combat, cet effort d’amélioration. J’en ai dit les lacunes graves, je pourrais les signaler plus longuement encore, mais n’oubliez pas les avantages caractéristiques qu’elle offre. C’est d’abord, je le répète et je n’y insiste pas, la reconnaissance du principe de l’#assurance. Entre l’assurance et l’#assistance, même libéralement organisée, il y a un abîme. L’assisté, même quand la loi lui donne ce qu’il appelle un droit, est obligé de plaider pour avoir la réalisation de ce droit ; il faut que le vieillard de 70 ans démontre qu’il est indigent, et son indigence est évaluée arbitrairement par les pouvoirs locaux qui, tantôt amis, tantôt hostiles, font trop souvent de la question d’assistance un moyen de gouvernement préfectoral dont les maires ruraux se font trop souvent les instruments. Et puis, il faut que l’individu quémande, et dans son attitude d’#assisté, il sent encore peser sur ses épaules, courbées par le travail, le poids de la servitude sociale. Au contraire, l’assuré a un plein droit ; un droit absolu, un #droit_inconditionnel ; son titre est là, aussi certain que l’est pour les bourgeois, en période bourgeoise, le titre de rente. À l’âge fixé par la loi en vertu d’une table de mortalité publiquement calculée, et dont les résultats sont publics, il a le droit d’exiger, il exige, il reçoit un certain chiffre et il ne reçoit pas seulement un recours matériel, il reçoit un secours de dignité morale. (Applaudissements)

    Et, camarade, ne vous y trompez pas (...), ce n’est pas à l’heure où il arrive à l’heure de la retraite, ce n’est pas seulement à 60, 65 ans, que le vieil ouvrier a ce réconfort, c’est quand il voit la suite de la vie. Aujourd’hui, quand l’ouvrier de 40 ans voit passer à côté de lui un vieux de 60 ans sans abri, sans travail, sans retraite, mendiant, importun et méprisé, tout à coup, même en pleine force, et surtout si sa force commence à déchoir, il se voit d’avance, comme dans un miroir sinistre, dans la figure flétrie de ce pauvre homme et il se dit : c’est comme cela que je serai dans quelques années, et il y a vers lui un reflux d’abjection (Vifs applaudissements).

    edit #cotisations

    où l’on voit, malgré d’excellents arguments (se voir d’avance dans un miroir sinistre) que la gauche a contribué à faire que le devoir d’assistance de la société vis-vis de ses membres reste subalterne

    • À ce propos :

      […] en France toute une série de réformes furent proposées par la bourgeoisie. Cela allait de la mise sur pied en 1906 d’un ministère du Travail «  pour régler pacifiquement les conflits entre travailleurs et patrons  », au système des retraites en 1910.

      Un débat s’ensuivit dans l’ensemble du mouvement ouvrier. Sur quelles bases militer pour défendre les intérêts présents et à venir du prolétariat  ? Fallait-il se contenter de proposer des réformes qui amélioreraient temporairement le sort des travailleurs, sans remettre en cause le pouvoir de la bourgeoisie  ? Ou fallait-il développer la conscience que «  pour satisfaire les besoins de tous, selon les moyens et selon les capacités  » de chacun, il fallait que la classe ouvrière exproprie la classe capitaliste, accapare les moyens de production et détruise l’État de la bourgeoisie, en instaurant sa dictature démocratique, celle de toute la classe des exploités  ?

      Il y avait donc deux camps qui s’affrontaient  : d’un côté le mouvement ouvrier combattant, de l’autre la bourgeoisie impérialiste qui essayait de le contenir, en le maintenant à son exploitation, en lui proposant en France un baume avec les retraites.

      Ce fut notamment le cas lors de l’instauration d’une retraite pour les mineurs en 1894  : le système était alimenté par les cotisations des travailleurs et nécessitait pour la toucher d’avoir sué trente ans au fond de la mine, ce que bien peu de travailleurs pouvaient atteindre. Il fut étendu trois ans plus tard aux travailleurs des arsenaux et de l’armement, à l’initiative des patrons de ces secteurs qui avaient vu là un moyen de faciliter leur recrutement et de fidéliser la main-d’œuvre.

      Jules Guesde et Paul Lafargue, dirigeants et fondateurs du Parti ouvrier (PO), appartenaient à l’aile révolutionnaire du mouvement socialiste. Guesde qualifiait les cotisations de retraite ainsi mises en place de «  vol impudent des deniers prélevés sur le salaire des ouvriers  ». Le programme du PO, dont il avait été l’un des rédacteurs, soulignait en 1894 dans l’article 7 de sa partie économique  : «  La société bourgeoise et capitaliste, qui crée et favorise l’exploitation du prolétariat, doit pourvoir au bien-être et à la subsistance des vieux travailleurs.  » Il n’était donc pas question d’accepter le principe de cotisations ouvrières, c’est-à-dire d’un nouvel impôt grevant encore un peu plus les revenus du prolétariat. En revanche, les militants expliquaient dans la presse ouvrière et dans les ateliers que la suppression de l’armée permanente, comme des subventions au grand patronat, en premier lieu celui des chemins de fer, pouvait donner à l’État les moyens supplémentaires de verser une retraite digne à chacun. L’argent pour financer les vieux jours des travailleurs, il fallait aller le chercher dans les caisses du patronat et dans les dépenses nuisibles de son État.

      Guesde et Lafargue refusaient en outre que les caisses de retraite soient gérées par l’État bourgeois, arguant que leur gestion autonome par les travailleurs permettrait de dégager «  des munitions toutes trouvées pour les grèves, qui n’échouent le plus souvent que parce qu’il a fallu aller à la bataille avec des fusils vides. Le prolétariat, dans tous les cas, a, là, les premiers éléments d’un budget de classe qu’il ne tiendra qu’à lui de transformer en budget de guerre sociale et libératrice.  »[1] C’était là un langage clair, direct qui exprimait le rejet complet de tout l’ordre social.

      Cette conception fut cependant bien loin de faire l’unanimité dans les rangs socialistes, avant comme après leur unification lors du congrès de Paris en 1905. Élu député socialiste dans la cité minière de Carmaux en 1893, Jaurès avait ainsi soutenu le texte du 29 juin 1894 sur la retraite des mineurs imposant les cotisations ouvrières et l’intervention de l’État au contrôle financier des caisses. Benoît Malon, rédacteur de la Revue socialiste, en adversaire de la révolution et des prétendues sectes insurrectionnelles marxistes, proclamait pour sa part que «  l’institution des retraites des travailleurs, comme réforme partielle, [était] le moyen le plus sûr de réaliser une réforme positive et prompte dans le sort des prolétaires…  ».

      L’opposition entre ces deux conceptions incompatibles continua de se manifester, y compris sur la question des retraites, durant plus d’une décennie. Les plus réformistes, qui avaient la main sur l’appareil de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) et sa presse, s’étaient déjà manifesté en excusant, si ce n’est en soutenant, l’entrée d’un socialiste, Alexandre Millerand, dans le cabinet dit de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau en 1899. Deux ans plus tard, ce même Millerand proposa un projet de loi généralisant les cotisations ouvrières… au nom du progrès social.

      Les réformistes de la SFIO, tout en proposant d’amender les projets gouvernementaux successifs sur les retraites, en acceptaient le fondement principal, à savoir la ponction opérée sur les salaires ouvriers. Les débats firent rage, notamment lors du 7e congrès, tenu à Nîmes en 1910, à la veille du vote de la loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Le courant guesdiste, le plus fidèle aux idées de Marx et d’Engels, y fut mis en minorité, ce qui était l’un des signes précurseurs de la dégénérescence précoce du mouvement socialiste français.

      https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2019/10/26/les-revolutionnaires-face-aux-premieres-lois-sur-les-retrait

  • Coronavirus : à Paris, voyages au bout de la nuit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/17/coronavirus-a-paris-voyages-au-bout-de-la-nuit_6036869_3224.html

    REPORTAGEDepuis le début du confinement, le pouls de la capitale bat au ralenti. Et plus encore après la tombée du jour, quand la cité n’est plus qu’un théâtre d’ombres.

    « Vous connaissez Ayn Rand ? Non ? ! Il faut lire Ayn Rand, c’est une romancière, la grande théoricienne de la philosophie libertarienne. Voilà, c’est ça que je suis, un libertarien, c’est-à-dire un gros égoïste qui essaie de prendre soin de soi et de ses proches. Et si chacun fait cela, peut-être qu’un avenir est possible. Sinon, on est foutus. Parce que là, je peux vous le dire, on est devant la pire crise économique qu’a connue l’humanité. Ça va être un carnage et il ne vaudra mieux pas être là quand ça va péter. On est tous à se demander où on va aller pour la suite. Parce que l’avenir à Paris, dans notre petit appart qui a coûté un bras, ça va pas être possible. Ça va être la guerre, je vous le dis, la guerre. Et nous, les bobos comme moi, on n’est pas armés pour ça. Le mendiant à qui je donne d’habitude à la sortie du supermarché, je le vois, lui, il est peinard. Détendu. Les SDF, c’est eux qui s’en sortiront parce qu’ils n’ont rien à perdre et qu’ils sont déjà en mode Mad Max. »

    Il est bientôt minuit. Tanguy – les personnes rencontrées ont préféré ne donner que leur prénom – est descendu de chez lui pendant que ses filles dorment pour acheter deux bières dans la petite épicerie de sa rue, perpendiculaire aux Grands Boulevards. Des XL, pour traverser cette première nuit chaude de l’année, un air d’été, de putréfaction, de vacances de la fin du monde. La conversation s’est engagée à distance, et maintenant, Tanguy ne s’arrête plus de parler. En un quart d’heure, on en sait plus sur sa vie que son voisin de palier. C’est le propre des guerres et des grandes catastrophes de produire un tel mélange de concision et de confusion : il faut que tout sorte d’un coup avant de se retrouver les tripes à l’air. Sa vie défile comme un film muet accéléré. Tanguy a fait HEC, n’a pas aimé le monde de l’entreprise et de la finance. S’est installé à son compte en faisant « un peu d’immobilier et un peu de trading ». Deux enfants, divorce ou séparation. Plus tout jeune, quelques cheveux gris, mais ça fait partie de son charme de quadra mal rasé, en jean et tee-shirt sous une chemise déboutonnée. Une ex-amoureuse qui habite dans la même rue l’a appelé au téléphone : il pensait qu’elle voulait retenter sa chance, elle voulait juste lui annoncer qu’elle toussait. « Prendre soin de soi et de ses proches. » Oui, mais comment ? Insondable est la nuit.

    Tanguy repart avec ses deux bières poursuivre son cauchemar en confinement. Tout le temps de la discussion, aucun autre client ne s’est présenté au comptoir de l’épicerie Super Market. Zeitoun, le gérant, est affalé sur son comptoir. En mode survie. Pourquoi rester ouvert aussi tard ? « La journée, les grandes surfaces attirent toute la clientèle. Je suis obligé de rester ouvert le soir pour attraper les autres. Je ne peux pas fermer, comment je vais payer 3 000 euros de loyer, sinon ? » Son regard erre sur le mur de bouteilles d’alcool bon marché scintillant de toutes les couleurs sous l’aveuglante lumière du néon. Inquiète est la nuit.

    Une nuit en nuances de gris

    La porte Saint-Denis écarquille son œil de Cyclope, muette d’horreur face au vide qui l’entoure, médusée par le silence qui l’enveloppe. Où sont-ils tous, les poivrots, les fêtards, les clodos, les crevards, les Turcs, les Kurdes, les Arabes, les Africains et les autres ? Partis, envolés, effacés. Oubliés. Même le Paris qui ne dort jamais s’est claquemuré. Il y a bien quelques dealeurs à la recherche de clients, quelques SDF à la recherche de nourriture ou d’un refuge, quelques employés de restaurants qui rentrent chez eux en pressant le pas, mais pas de quoi fouetter un chat de gouttière. Paris n’est pas Istanbul et compte d’ailleurs nettement plus de rats que de chats.

    Quatre nuits d’affilée, on est sorti vérifier si, dans la nuit de Paris, tous les chats sont vraiment gris. Chercher le long de ses artères le pouls faiblard d’une capitale sous Covid-19, toucher son front moite d’une mauvaise fièvre, celle qui brûle la cervelle, écrase le thorax et fait trembler les membres. Au début du confinement – que cela paraît loin déjà ! –, la nuit commençait bien avant les applaudissements de 20 heures. Mais le changement d’heure et l’arrivée du printemps ont repoussé les ténèbres bien après l’hommage quotidien aux soignants. Au tout début, donc, il n’y avait personne, sauf ceux qui ne pouvaient pas faire autrement, les « sans » : sans-abri, sans-papiers, sans-domicile-fixe, sans-famille. Il y avait le froid aussi, un froid sans pitié.

    Désormais, la nuit est un nuancier de gris. D’abord, les joggeurs, dont la pratique a été repoussée après 19 heures. Ils slaloment entre les promeneurs de chiens. Ensuite, les livreurs, qui sillonnent la ville en tous sens et à toute heure, à scooter ou à vélo. Puis les couples, qui prennent le frais, main dans la main, émerveillés et intimidés par cette ville déserte et pourtant vivante. Et enfin tous ces « sans », dont la présence, d’ordinaire noyée dans la foule nocturne et le vacarme automobile, saute aux yeux. La nuit leur appartient autant qu’elle les possède. Gloutonne est la nuit.

    Les sapeurs-pompiers de Paris récupèrent un sans-abri malade, au Forum des Halles, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Dans l’ancien ventre de Paris, aux Halles, tous les SDF s’appellent Jonas. C’est leur royaume dévasté. Le centre commercial a fermé ses portes, les contraignant à dormir les uns contre les autres dans les issues de secours, les entrées du métro et du RER, qui ferment leurs portes à 22 heures. En surface, le jardin est occupé par différents groupes qui se croisent en une chorégraphie erratique. On se rassemble par affinités, origines, addictions ou hasard. Les SDF isolés risquent d’être rançonnés, pour une cigarette ou une bouteille, voire de se faire agresser gratuitement. Un groupe de jeunes Antillais propose un peu de « shit », sans conviction. A côté, des Russes sont saouls comme des Polonais. L’un d’eux frissonne et tousse en crachant du sang. Les pompiers arrivent rapidement. Coronavirus ? « Bah, on sait pas, on va le tester, mais j’ai peur que le virus ne soit pas son souci principal », soupire un pompier fataliste.

    L’axe de la misère

    Les jeunes Antillais, eux, n’ont pas peur du Covid-19 : « C’est une question d’anticorps et de gênes », assure David. Mais quand les autorités lui ont proposé de se confiner dans un gymnase ou un hôtel réquisitionné, il a préféré refuser, par prudence : « Entassés dans un gymnase, ou à deux dans une chambre d’hôtel, on est sûr de l’attraper. » Mais dans la rue, tout est devenu plus difficile : moins de passage, moins de commerces ouverts, donc moins d’argent. « Les gens, ils reculent quand ils nous voient parce qu’on n’a pas de masques. » La Croix-Rouge distribue des repas tous les midis au pied de l’église Saint-Eustache.

    Un sans-abri compte l’argent gagné dans la journée, autour du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Sophie, sans-abri, nettoie les vitres de la terrasse d’un restaurant où elle passera la nuit, à proximité de l’esplanade du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Plus loin, au pied de la Bourse de commerce, qui doit accueillir la collection Pinault en septembre, la « famille » de Francesca – trois femmes, deux hommes, « une invitée » et le chien – a installé son campement sous l’auvent d’un restaurant en réfection de la rue Coquillère, entre l’As de trèfle et Au pied de cochon. Le bric-à-brac de matelas, coussins, lampes et vivres est soigneusement rangé dans un coin. Sophie, l’« invitée », fait les carreaux. Lola, la métisse, dit qu’à elles trois, avec Francesca, l’Italienne, et Gracias, l’Espagnole, « [elles font] la mondialisation ». Les deux hommes, Momo et « le Vieux », restent muets : « Les femmes dans la rue, c’est des problèmes, finit par lâcher Momo. Ça crée des jalousies, des disputes. »

    Francesca est née dans le nord de la péninsule, il y a à peine trente ans, et a eu deux filles : la première est morte d’une leucémie, la seconde a été placée. « Le père est toujours dans le crack, moi, je préfère l’alcool. » Aujourd’hui, le seul être dont Francesca ne pourrait plus se passer est son chien. Après des années d’attente, elle s’est vu attribuer un appartement thérapeutique, mais elle n’a pas pu y emménager à cause du confinement. « T’as l’espoir et puis d’un coup, on te le retire. Ça s’appelle un ascenseur émotif », philosophe Lola. Brutale est la nuit.

    Une femme sans domicile fixe devant la gare de l’Est, à Paris, le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    L’axe de la misère part des Halles et remonte vers le nord de Paris en passant par les gares de l’Est et du Nord, avant de rejoindre Stalingrad, place forte des « crackés » et des paumés, puis de finir à la porte d’Aubervilliers, principal rassemblement des migrants depuis le démantèlement du camp de la porte de la Chapelle. Tout le reste est strictement vide une fois passé 22 heures, à l’exception de quelques ombres furtives. Rue Saint-Denis, pas une prostituée en vue. Le seul commerce ouvert est une sandwicherie, Le Généreux, qui fait de la vente à emporter. Un client qui souhaite s’attabler pour avaler son kebab se voit fermement rappeler les règles par Smat, le cuistot. Le client repart à vélo pour Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où il habite : « Je viens tous les jours pour m’occuper de ma mère. Elle m’emploie comme aide à domicile. C’est comme ça que je vis. » Il a 60 ans passés.

    Des tribus et une caste

    Smat a convaincu son patron de rouvrir la sandwicherie parce qu’il devenait « fou » dans son studio de la Courneuve, au bout de deux semaines de confinement. « Comme on ne vend presque rien, à peine vingt sandwiches par jour de midi à minuit, mon collègue et moi avons accepté de baisser notre salaire de 300 euros. » Ils gagnent désormais 1 300 euros par mois. Son patron les raccompagne tous les soirs en scooter du quartier Montorgueil à la Courneuve à minuit ou 2 heures du matin, selon que les affaires marchent plus ou moins mal. Chiche est la nuit.

    Mohamed-Amin, étudiant en administration économique et sociale, profite de son job de livreur pour sortir voir un de ses amis, le 9 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un homme récupère sa commande dans un restaurant de la rue Saint-Denis, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim Amarouche, chauffeur de taxi parisien, attend des clients dans la rue Réaumur, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim aussi préfère travailler que ne rien faire. Il a convaincu le patron de sa société de taxi de lui laisser la voiture. « Ça fait tellement longtemps que je dors le jour et veille la nuit, je ne me vois pas changer de rythme. Mais franchement, il m’est arrivé de faire des nuits à une course de 20 euros. C’est pas pour l’argent, c’est pour pas péter un câble. » Il a du gel hydroalcoolique mais plus de masques. Il ajoute : « Au moins, je peux circuler et passer voir les copains. Parce que sinon, la nuit, y a que des fous et des zombies dehors. » C’est un peu exagéré : Christel et Timothée, tout droit sortis d’un catalogue de The Kooples, promènent leur chien à la fraîche, un bouledogue miniature. Christel, pourtant pas bégueule, ne veut plus sortir le chien seule car elle « ne se sent pas en sécurité, surtout à cause des hommes d’Europe de l’Est sous alcool ».

    Chaque tribu reste à part : les sportifs, les poivrots, les couples, les promeneurs de chiens, les drogués, les migrants. Pas ou peu de rencontres imprévues : il faut profiter à fond du peu de temps imparti en cas de contrôle policier. Les livreurs forment une caste à part. On les retrouve en groupes, devant les rares restaurants ouverts. Penchés sur leurs scooters, ils ressemblent à des cowboys abreuvant leur monture autour du même puits. Eux aussi ont moins de travail : « Trop peu de restaurants ouverts pour trop de demande, constate Amir. L’attente est longue, on se bat pour les livraisons. Les gens s’énervent. En fait, les clients sympas sont plus sympas et les emmerdeurs plus chiants. Ils insistent pour que tu montes dans l’immeuble alors que c’est interdit. » Grâce à son métier, Amir en voit des vertes et des pas mûres : « Les geeks dans leur chambre de bonne qui commandent deux Twix et une bouteille d’eau pour toute la journée ; l’handicapé de la cuisine qui commande trois croque-monsieur, ça fait pitié. » « C’est toi qu’il voulait kékro [“croquer”, en verlan] », le charrie son copain Abdoulaye. Ironique est la nuit.

    Mohamed-Amin est livreur lui aussi, mais en mode dilettante. Il ne prend pas les courses qui ne le rapprochent pas d’un copain. « L’attestation de travail, je m’en sers surtout pour bouger », rigole-t-il. Ce soir-là, il a rejoint Eddy, son pote de fac, au pied du 12-2, la cité du 122, boulevard de l’Hôpital. « La nuit, on chill, on est entre nous, loin de la mifa [la “famille”] », confirme ce dernier, survêtement bleu électrique et cheveux impeccablement tirés. Et le virus ? « J’ai bien flippé quand j’ai appris qu’un pote du Val-d’Oise était en coma artificiel, assure Mohamed-Amin. Mais le lendemain, j’ai recommencé à sortir. C’est plus fort que moi. » Ses Ray-Ban le protègent de la nuit.

    Gigantesque musée après fermeture

    Dans l’immense échangeur RER de la gare du Nord, on ne croise que des soignants rentrant en banlieue. Un homme fait des rodéos sur une trottinette électrique équipée d’une sono poussée à fond. Une Allemande, visiblement perdue et dérangée, en pyjama vert d’hôpital psychiatrique, cherche comment se rendre à Villiers-le-Bel, à 21 h 45. En surface, un homme en sandales pédale lentement, le nez levé pour contempler l’immense nef de la gare du Nord. Reynald est un esthète, horloger de métier : « Je ne verrai probablement plus jamais Paris comme cela, alors je pars à vélo tous les soirs. Dans ce climat de peur épouvantable, je me nourris de toute cette beauté. » Dehors, la nuit est complète : c’est l’heure des zombies. L’hôpital voisin, Lariboisière, a dû embaucher des gardes du corps pour accompagner le personnel soignant au métro.

    Dans les couloirs déserts de l’échangeur RER de la gare du Nord à Paris, le 10 avril. Olivier Laban-Mattei / MYOP POUR LE MONDE

    Reynald n’est pas le seul à chercher à échapper à la pesanteur ambiante, à l’image de ce couple rencontré autour du jardin du Luxembourg. Elle, Aude, la cinquantaine, médecin hospitalier, lui, Jean-Paul, la soixantaine, haut fonctionnaire bientôt à la retraite, domiciliés à Port-Royal. « Tous les soirs, nous faisons un parcours différent pour redécouvrir le quartier. J’ai un autre regard, je découvre des façades, des portes cochères s’émerveille-t-elle. C’est une ambiance très spéciale, insolite. Parfois, nous faisons un petit pèlerinage devant le dernier restaurant où nous avons dîné pour l’anniversaire de mon mari. C’était trois jours avant le confinement. Ça paraît une éternité. » L’éternité, on pourrait presque la toucher du doigt devant le Panthéon, soudain intimidant dans la nuit. Céline, Norma et Renée, trois étudiantes libanaises résidant au Foyer franco-libanais tout proche, en sont presque saisies. Elles ont préféré poursuivre leurs stages et leurs études à Paris que prendre un vol de rapatriement pour rentrer au pays. « Pour une fois que le gouvernement libanais gère bien une crise », rigolent-elles. Face au Panthéon, on voit la tour Eiffel, au loin. Des perspectives insoupçonnées se révèlent.

    Tout-Paris est un gigantesque musée après fermeture. Dans le Quartier latin, on remarque une petite maison ancienne, verte, tout droit sortie du Moyen Age, au croisement des rues Galande et Saint-Julien-le-Pauvre. Derrière la fenêtre à carreaux épais, la silhouette d’une femme qui semble tricoter à la bougie. Le long des quais, devant Notre-Dame, la Seine est sage comme un miroir. Ses eaux noires glissent à l’allure d’un tapis roulant. Sioomin et Marion se promènent main dans la main, bouche bée : « D’habitude, il y a trop de monde, et là, pas assez. » Mutique est la nuit.

    Le Quartier latin, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Un sans-abri se repose sur la terrasse d’un restaurant du boulevard Saint-Michel, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur de bus sur la ligne 96, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur sur la ligne de bus 96, se souvient qu’il y a quatre mois seulement, pendant la grève contre la réforme des retraites, il bataillait pour faire rentrer 200 personnes dans un véhicule conçu pour 90. Aujourd’hui, il lui arrive d’aller d’un terminus à l’autre sans charger personne. Trop ou pas assez, mais Rudy est toujours aussi zen. Ce soir-là, quatre jeunes rentrent aux Lilas en se faisant des checks sonores au fond du bus. « J’ai fait huit mois de bracelet [électronique], je vais mourir si je sors de chez moi. Déjà, le virus, ça casse bien le délire. Je donnerais tout pour une bonne chicha », confie un gaillard à casquette et sans masque – « truc de boloss ». Des chichas clandestines, il paraît qu’il y en a une à Bondy et une autre à Sevran, mais il faut connaître le propriétaire, qui n’ouvre qu’aux personnes de confiance. Secrète est la nuit.

    Des cimes aux abîmes

    D’autres vont s’enivrer des odeurs des fleurs et de la terre humide au sommet du Sacré-Cœur. Après 22 heures, l’esplanade devant la basilique est le lieu préféré des couples d’amoureux. Ils se tiennent à distance les uns des autres, pétrifiés par le mélange des sensations : la beauté du panorama, la force du silence, la puissance des fragrances, la fraîcheur de la brise d’air pur qui donne le sentiment d’être en altitude. Roxanne et Thomas, tous deux étudiants, sont comme hypnotisés par la lune rousse qui a des allures de « soleil cou coupé » d’Apollinaire. « C’est une période dure, constate Thomas, mais je vois aussi beaucoup de solidarité entre voisins, des gens qui font connaissance à l’échelle de leur immeuble et s’organisent pour les plus démunis. » Tendre est la nuit.

    Cent trente mètres plus bas, au pied de la butte Montmartre, commence le royaume de l’infortune. Barbès, La Chapelle, Stalingrad, autre axe de la misère, ouest-est celui-là. A Stalingrad, trois distributions de nourriture avaient lieu simultanément la veille de Pâques pour les sans-abris de la Rotonde. C’est là que se rassemblent le plus grand nombre de #SDF dans la capitale, dont nombre de toxicomanes depuis que la « colline du crack », à la porte de la Chapelle, a été évacuée. Dorian et Odile, qui travaillent dans une supérette bio des alentours, passent donner des invendus, surtout du pain. « Lorsqu’on a commencé les distributions, raconte Frédéric, bénévole pour autremonde, une association de lien social du 20e arrondissement, tout disparaissait en trente minutes. Depuis, les circuits de distribution se sont un peu réorganisés. »

    Une bénévole de l’association Autremonde assure une distribution de nourriture au niveau de la station de métro Jaurès, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un couple sur les marches du Sacré-Cœur, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. #OLIVIER_LABAN_MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    « Nous n’avons pas vocation à distribuer de la nourriture, explique Marie Nardon, la présidente de l’association. Mais lors de notre première maraude d’après confinement, le 23 mars, nous avons constaté que les gens à la rue crevaient littéralement de faim. On a même vu quelqu’un échanger un sac de couchage pour un sandwich. Aujourd’hui, 70 bénévoles se relaient chaque semaine pour distribuer à manger et à boire. La Protection civile nous fournit les repas. Nous avons commencé aussi une distribution hebdomadaire dans nos locaux, parce qu’il y a la pauvreté invisible de ceux qui ne sont pas à la rue mais n’ont plus aucun revenu. Nous avons aussi, avec les autres associations, insisté pour la réouverture des sanisettes et toilettes publiques. D’après la mairie, 140 ont été remises en service. »

    Hussein, un Turc bien mis que les aléas de la vie ont mené à la rue, voudrait trouver une place en foyer, à l’hôtel ou dans un gymnase. « N’importe quoi, mais pas la rue. Je ne dors pas la nuit car j’ai tout le temps peur. Seulement le 115 (SAMU social de Paris), quand j’arrive à l’avoir au téléphone, me répond qu’il n’y a plus de place. » « Il faudrait que l’Etat réquisitionne les logements de tourisme », suggère Mme Nardon.

    Lune rousse au-dessus de Paris, vue de la butte Montmartre, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hussein passe le temps sur un banc près du métro Anvers à Paris. L’entreprise de BTP qui le faisait travailler a fermé, le laissant à la rue sans revenu. Le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    La porte d’Aubervilliers est l’autre « cluster » de la misère à Paris. Les migrants chassés du campement de la porte de la Chapelle s’y sont installés. Ils passent le plus clair de la journée regroupés par langue ou par nationalité sur l’espace vert entre les deux voies qui mènent au boulevard périphérique. C’est là qu’associations et particuliers viennent distribuer de l’aide. Dorothée est venue le dimanche de Pâques à la tombée de la nuit. Cette esthéticienne d’une soixantaine d’années avait récolté deux chariots auprès des commerçants dans son quartier, dans le 19e arrondissement. Mais le premier a disparu aux mains d’un groupe de jeunes partis le revendre. Le second est dédaigné, car essentiellement constitué de sandwichs au jambon : « Je ne comprends pas, se récrie la femme, peu au fait des interdits alimentaires musulmans. Quand on a faim, on fait pas le difficile. » Drôle de bonne samaritaine ! Elle est venue de son propre chef, sans association, ni masque ni gants. « Je suis contre Pasteur, et de plus, je suis en très bonne santé », se persuade-t-elle.

    A Paris, l’infortune des « confinés dehors » , Simon Piel et Joan Tilouine le 15 avril 2020
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/15/a-paris-l-infortune-des-confines-dehors_6036606_3224.html

    REPORTAGE Dans les quartiers du nord et de l’est de la capitale, sans-abri et toxicomanes errants sont les dernières âmes qui vivent dans les rues désertes.

    Nul ne veut mourir seul sur le boulevard de la Chapelle. Allongé sur le bitume crasseux, le corps comme désarticulé, appuyé sur le grillage qui surplombe les trains de la gare du Nord, un homme d’une cinquantaine d’années quitte doucement ce monde à l’arrêt. Hagard et désorienté, il ne prête même plus attention à Barbès et à ses rues vides où, ce vendredi 10 avril vers 17 heures, ne grouillent plus que des petits dealeurs et des toxicomanes aguerris à toutes les combines de la survie dans Paris.

    Même les rayons de soleil de ce printemps qui démarre paraissent l’accabler un peu plus. Il n’a ni toit ni d’autres habits que cette tenue d’hôpital trop large pour son corps fluet. Il ne parle plus. Des pompiers ont été alertés par des policiers écumant les 10e et 18e arrondissements, qui suspectent une infection au coronavirus.

    Depuis la mise en place du confinement, il n’est plus possible de regarder ailleurs. Les ombres qui errent en quête de survie ont investi le nord-est de Paris. « On ne fait quasiment plus que du Covid-19 », dit l’un des policiers, inquiet de la dégradation rapide de l’état de santé de l’homme sans nom. Un pompier en combinaison intégrale tente de le soulager en lui apportant de l’oxygène médical. Il faut le transporter à l’hôpital Lariboisière, tout proche. Il est bientôt 18 heures. Il ne mourra pas sur le boulevard de la Chapelle.

    Dans le quartier de Belleville, le 4 avril à Paris. DIANE GRIMONET

    A la station de métro Barbès-Rochechouart, sur un bout d’asphalte envahi par les pigeons, Arlan installe ses matelas noircis par la crasse avant d’avaler une salade glanée dans les poubelles. Visage grêlé, œil gauche percé recouvert par une frange de cheveux longs et gras, ce quadragénaire sri-lankais a échoué là il y a plusieurs mois.

    « On le voit tous les jours, et il faut l’aider, car ici c’est dangereux », dit un jeune revendeur de cigarettes de contrebande qui passe par là. Arlan ne se plaint ni de l’insécurité, ni de l’absence de points d’eau, ni de la fermeture des toilettes publiques. « Je ne me douche pas depuis bien longtemps et, ici, je n’ai pas de problème », lâche-t-il, indifférent au ballet des toxicomanes et des margoulins qui rôdent autour du métro.

    Quelques cars et voitures de police passent mais ne s’arrêtent pas. La veille, des CRS étaient déployés en nombre dans le quartier. « Le lendemain et les jours suivants, ils n’étaient plus là, glisse Michael, un gaillard de 43 ans. C’est parce que le préfet était dans le quartier. » Avec quatre collègues, il escorte, depuis le 31 mars, le personnel soignant de l’hôpital Lariboisière sur la centaine de mètres qui mènent au métro ou à la gare du Nord.

    « Il y a eu trop d’agressions, de vols, de tracas faits par les toxicos. Ma mission, c’est qu’ils arrivent sans problème », explique le garde du corps, ancien militaire reconverti dans la sécurité privée depuis dix ans. En cas d’embrouille, il ne compte que sur ses gros bras, sa bombe lacrymogène, sa matraque télescopique et sa maîtrise des techniques de self-défense. « Je fais du pencak-silat, un art martial indonésien », dit-il fièrement de sa voix grave qui s’échappe de son épais masque en tissu noir. « Il n’y a que des cafards dehors en ce moment », poursuit son collègue.

    « Les grands oubliés »

    Sur le chemin, ils peuvent croiser Ndiaye, alias « Beurre de karité », qui musarde avec son sac à dos de randonneur et son tapis de sol. A 47 ans, ce Sénégalais sans papiers ni logement depuis six mois se débat dans ces rues interlopes, angoissé par le Covid-19 qui pourrait lui être fatal. Il a de sérieux problèmes pulmonaires. « Mes médicaments et mes ordonnances ont été volés pendant que je dormais. Dans la rue, il y a trop de charognards ; t’es pas encore mort qu’ils viennent pour te finir et te dépouiller », raconte-t-il. Puis il reprend sa marche d’un pas décidé, comme s’il savait subitement où le mènera son interminable errance.

    Ceux qui n’ont plus l’énergie de se mouvoir se retrouvent rue Saint-Vincent-de-Paul, à une dizaine de mètres de l’entrée de l’hôpital Lariboisière. Un toxicomane édenté s’y cache derrière une voiture. Sur le trottoir d’en face, une femme d’une trentaine d’années, assise sous un porche, les pieds nus ravagés par les mêmes trous de seringue qui parsèment ses jambes et son cou, se prépare un shoot. « Ça va, oui », parvient-elle à articuler.

    Son injection sera photographiée par un habitant exaspéré par ces scènes qui se répètent et bouleversent la vie du quartier. Des images ensuite retweetées par le compte Riverains Lariboisière gare du Nord avec ce commentaire : « Il faisait beau, on entendait les enfants jouer sur les balcons. Sans vouloir stigmatiser, sous leurs yeux, [il y avait] des shoots à la seringue et des fumeurs de crack. »

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Hier rue St-Vincent de Paul #Paris10 il faisait☀️on entendait les enfants jouer sur les balcons mais sans vouloir "stigmatiser",sous leurs👀shoots💉et fumeurs de crack
    –Soignants escortés
    –Toxicos soutenus par assos unilatérales
    –Qui se soucie des habitants #SCMR salle de shoot ?
    Voir l’image sur Twitter

    Dans une tribune parue le 9 avril dans Libération, un collectif d’associations a décidé d’alerter sur la situation des usagers de drogues, les « grands oubliés » du Covid-19. « La crise actuelle agit en révélateur des manquements de notre société vis-à-vis de ses membres les plus vulnérables, et met en lumière les limites d’un système basé sur la prohibition et la répression », écrivent ces professionnels du monde associatif.

    La docteure Elisabeth Avril, directrice du centre Gaïa, la salle de consommation de drogue à moindre risque jouxtant l’hôpital Lariboisière, fait partie des signataires. Beaucoup des personnes que reçoit l’association « vivent de la manche, mais aujourd’hui, en raison du confinement, ça ne leur rapporte plus rien », explique-t-elle. Elles sont sans domicile fixe pour la plupart. Début avril, une soixantaine d’entre elles ont été relogées grâce à la solidarité de quelques hôteliers. Les plus autonomes – entre 70 et 100 par jour depuis le début du confinement – se déplacent jusqu’au centre Gaïa pour accéder à un traitement de substitution. Le chiffre de fréquentation de la salle a décru à l’initiative de la direction en raison de la nécessité d’observer les gestes barrières et la distanciation sociale. Les usagers n’ont ni masque ni gel, l’équipe de Gaïa peinant déjà à en avoir pour elle, mais rentrent désormais un par un. Ils doivent patienter à l’extérieur, ce qui les rend encore un peu plus visibles pour les riverains.

    Fragilisés par la rue

    La moitié sont accros au Skenan, un antalgique composé de sulfate de morphine utilisé contre le cancer et moins risqué que l’héroïne de mauvaise qualité. Les plus précaires se rabattent sur de la drogue bon marché vendue autour de la gare de Nord, dont le parvis paraît avoir été abandonné. Seuls quelques chauffeurs de taxi, de rares bus et le kebab Oasis du Nord poursuivent leurs activités. Les devantures du McDonald’s, du Burger King et de la célèbre brasserie Art déco terminus Nord, tous fermés, sont squattés par des sans-abri couchés dans la saleté.

    De chaque côté de l’entrée de la gare, rue de Dunkerque, les dealeurs, eux, continuent leurs affaires à ciel ouvert. « On peut y trouver facilement un petit caillou de crack pour 12 euros, de quoi se faire un ou deux shoot à la pipe en ce moment, mais c’est de la “pharmacie”, avec moins de 2 % de coke dedans. Ça bouche les artères et la descente est hyper dure », dit Hervé, un usager de la salle Gaïa, la quarantaine abîmée. « Nous, on est à la rue, on a besoin de notre came, coronavirus ou pas », ajoute-t-il.

    Les prix ont augmenté avec la crise sanitaire et ses conséquences sur l’approvisionnement des trafiquants, mais il est encore aisé d’acheter de la drogue dure. A Stalingrad aussi, où le nombre d’usagers et de dealeurs a considérablement augmenté depuis le démantèlement de la « colline du crack », porte de la Chapelle en février. En fin de journée, alors que la nuit tombe, ne se croisent plus sur la place de la Bataille-de-Stalingrad, dans le 19e arrondissement que les joggeurs, les dealeurs et les toxicomanes. « Stal » est redevenue, crackopolis, la cité du crack.

    Entre #Jaurès et #Stalingrad, le 21 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    « La crise sanitaire rend visibles ceux qui étaient jusque-là invisibles et fait ressortir les inégalités. On ne voit plus qu’eux car il n’y a plus qu’eux dehors, les confinés dehors, constate Louis Barda, coordinateur des programmes de Médecins du monde à Paris. La situation est très compliquée, car l’Etat se repose trop sur le secteur associatif, dont l’activité a baissé avec le confinement. Les SDF sont surexposés à la maladie. »

    Certaines pathologies liées à la vie dans la rue, comme les problèmes respiratoires dus à la pollution respirée jour et nuit, les rendent encore plus fragiles face au coronavirus. M. Barda rappelle que les politiques publiques ont toujours visé à repousser les plus démunis vers la périphérie. Malgré les quelques poches de très grande pauvreté dans le nord et l’est de Paris, c’est bien sur les boulevards extérieurs, à hauteur du boulevard Ney, au niveau de la porte de la Chapelle ou, plus à l’est, à proximité de la porte d’Aubervilliers, au niveau de la gare Rosa-Parks, que le paysage est le plus cauchemardesque.

    Porte de la Chapelle, le long de la ligne de tram T3b, qui rallie la porte de Vincennes via les boulevards extérieurs, débute un autre voyage dans la grande précarité. Des affiches « Paris, votez Campion » rappellent le temps d’avant. La tour Super Chapelle, du haut de ses 86 mètres, domine l’horizon. Le slogan de la marque d’électroménager coréen LG qui s’affiche à son sommet a beau rappeler que « life’s good », impossible d’ignorer les petits groupes de dealeurs qui officient en bas et sous les abris de chaque arrêt du tram. Ils ne se cachent même plus des policiers, pourtant postés à quelques dizaines de mètres.

    Il y a aussi de nombreux migrants. De jeunes adultes pour l’essentiel, venus de pays lointains en guerre, de Somalie, du Soudan ou d’Afghanistan, ou de dictatures, comme l’Erythrée. De l’autre côté du périphérique, à Aubervilliers, un campement à ciel ouvert a été « évacué » par les forces de l’ordre le 24 mars à l’aube. « Dans la brutalité », selon plusieurs associations qui avaient vainement réclamé l’installation de points d’eau. Près de 700 migrants s’entassaient sur un terrain vague, dans des conditions d’insalubrité et de promiscuité augmentant considérablement le risque d’infection au Covid-19.

    Initiatives solidaires

    La plupart de ces exilés ont été relogés dans des hôtels et des gymnases aménagés dans l’urgence et gérés par des associations dont les membres n’ont souvent pas d’équipements de protection contre le virus. D’autres ont repris leur errance. Après avoir détruit leurs tentes, des policiers leur ont conseillé d’aller à Paris. Ils se retrouvent aujourd’hui à végéter autour de Rosa-Parks, devenu pour l’occasion un nouveau terminus de la misère.

    En cette fin d’après-midi, sur la pelouse passée au peigne fin par des toxicomanes en quête de mégots ou de microdoses égarées, Mohammed Nur Ali papote en arabe avec deux camarades de galère. Ce Somalien de 43 ans a quitté Mogadiscio pour chercher la paix et la prospérité à plus de 10 000 km au nord. Il est arrivé en France il y a trois ans. Vêtu de guenilles, une bière Baltus à la main, Mohammed a la bouche pâteuse et l’œil torve. La faute sans doute à la mauvaise drogue qui circule ici. « Je dors dehors sous une tente ou dans l’herbe. Nos situations mentales sont terribles. On est déjà morts, alors le coronavirus… », dit-il en anglais. Puis, son visage couvert de cicatrices se ferme et son regard se durcit : « Si vous voulez que je vous raconte ma vie, donnez-moi de l’argent ou des “pills” [de la drogue sous forme de cachets]. » Samir, un jeune Afghan de 23 ans, se lève pour le calmer : « Vous savez, le coronavirus n’a rien changé pour nous. On doit toujours survivre. » Depuis peu, des points d’eau ont été installés sur place et à 20 heures un camion des Restos du cœur doit venir distribuer des repas et soulager quelques douleurs.

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Aujourd’hui avec ma fille nous avons soutenu l’initiative du restaurant Boua Thaï rue St-Vincent de Paul #Paris10 en l’aidant à préparer 30 Bo Bun destinés aux soignants de la maternité @HopLariboisiere pour les remercier, les encourager et les soutenir💪👏#SoutienAuxSoignants
    Voir l’image sur Twitter

    Car si le secteur associatif a d’abord été pris de court par la crise sanitaire, il commence à s’organiser et des initiatives solidaires se mettent peu à peu en place.

    Chacun tente d’aider comme il peut. Comme cette cantine asiatique de la rue Saint-Vincent-de-Paul (10e arrondissement), qui prépare des bo bun pour le personnel de Lariboisière, et ce camion des Restos du cœur qui s’arrête devant la salle de consommation de drogue pour distribuer quelques vivres.

    Un peu plus au nord, dans le 18e arrondissement, des brasseries et des restaurants s’activent pour préparer des paniers repas frais pour les sans-abri et les familles dans le besoin. L’un d’eux a déployé son auvent pour que des SDF puissent s’y abriter.

    Au bout du passage Ramey, dans un bâtiment semi-industriel aux murs recouverts d’œuvres de street art, Louise et Anne chargent une camionnette de thermos remplis de soupe et de café, constituent des casiers de gâteaux, de dentifrice, de vêtements qu’elles disposent dans le coffre. Il est bientôt 20 heures, ce jeudi 9 avril, au siège parisien du Secours populaire, et ces deux jeunes bénévoles de moins de 30 ans mettent leurs masques, reçus quelques jours plus tôt, avant de commencer leur tournée dans un Paris déserté.

    Le réconfort de Jésus et d’Edith Piaf

    Premier arrêt non loin de la place de Clichy. Une grappe d’habitués se retrouvent autour de la fourgonnette. Il y a Didier, 60 ans, désormais logé dans un studio d’Emmaüs, après trente et un ans à la rue. « Quand je sors, j’ai mon papier d’autorisation, comme un écolier. Mais il n’y a rien dehors, et surtout pas de travail », soupire-t-il.

    Débrouillard, il est l’un des seuls à avoir un masque, d’où s’échappe un sourire lorsque Isabelle, petite dame énergique de 80 ans, se met à chanter Edith Piaf – Je ne regrette rien, puis La Vie en rose –, rompant le silence d’une ville confinée. Des riverains applaudissent l’ancienne SDF. Insuffisant toutefois pour arracher un sourire à Elisabeth. Cette Béninoise, précipitée dans la rue à la suite d’une série de tracas personnels, mendie comme elle peut, plus terrorisée à l’idée de contracter le Covid-19 que d’être une fois encore agressée par des voyous armés de couteaux. Son visage porte une cicatrice et elle affirme avoir été agressée sexuellement. Alors, elle serre fort dans sa main droite le crucifix en plastique dont elle ne se sépare jamais. « Hier, j’ai eu 8 euros en mendiant et avant hier, on m’a donné 10 euros pour m’acheter des couches, car je suis incontinente à la suite d’un cancer du rein. Je me demande pourquoi je suis en vie », dit-elle, confiant devoir en plus lutter contre l’alcoolisme.

    « Tout ça, c’est du lavage de cerveau du gouvernement, on a oublié les “gilets jaunes”, les manifs contre la réforme des retraites. De Gaulle, il a dit “les Français sont des veaux” », s’énerve Mouss, ancien conducteur d’engin chez ArcelorMittal, à la rue depuis onze ans, à l’occasion d’un arrêt du Secours populaire derrière le Musée d’Orsay.

    Chapeau de cow-boy froissé sur la tête, il ironise sur la crise et en renverse sa soupe. « La distanciation sociale, c’est impossible de toute façon. Comment faire l’amour à un mètre ? Tu n’as pas fait l’amour depuis le 16 mars, toi ? », lance-t-il, rigolard, avant de demander « si l’on va nationaliser ou privatiser le virus ».

    Dans le quartier de Belleville, le 23 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    En plein milieu de l’avenue de l’Opéra, Erwan, 24 ans, profite de la prise extérieure et du Wi-Fi d’un hôtel pourtant fermé devant lequel il a posé son matelas. Ce Nantais, amateur de techno passé par la case prison, tue le temps en jouant à Call of Duty sur son téléphone, en fumant du haschich acheté à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

    La journée, il attend devant un tabac resté ouvert que des badauds jettent quelques pièces dans son Tupperware troué. « Je fais attention aux clochards bourrés qui postillonnent et aux Roumains qui veulent me couper la tête, car ils disent que je leur ai pris leur place de manche », glisse le jeune homme, emmitouflé dans une polaire élimée. Il ne « fait » plus que 12 euros par jour, contre près de 30 avant le confinement, et galère pour trouver des bains-douches restés ouverts. « Je ne sais pas comment je ferais sans les maraudes quotidiennes. Depuis le coronavirus, il y a un peu plus de solidarité. Mais dès que la crise sera terminée, ça recommencera comme avant. », dit-il en riant.

    #Diane_Grimonet, la photographe des déshérités
    Diane Grimonet vit et travaille à Paris. Elle photographie depuis trente ans les communautés les plus #précaires : #mal-logés, #sans-papiers, squatteurs du périphérique ou Roms. Elle intervient aussi régulièrement dans les ­milieux scolaires ou associatifs, avec ses archives comme support, et organise des ateliers photo pour les personnes en ­difficulté. En 2020, des images de sa série « Sans-papiers » ­rejoignent le Musée national de l’histoire de l’immigration.
    Depuis le 18 mars 2020, elle arpente les quartiers du #Nord-Est _parisien et rencontre les plus #vulnérables qui vivent dans la rue au temps de l’épidémie due au coronavirus.

    https://www.youtube.com/watch?v=9uNMRv-6IiA

    #photo #misère #pauvres

  • Persécutions quotidiennes des exilé-e-s : un parc parisien leur est interdit | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/la-chapelle-en-lutte/blog/200817/persecutions-quotidiennes-des-exile-e-s-un-parc-parisien-leur-est-in

    Il est 9h30, la police fait une énième ronde pendant que les exilé-e-s font la queue pour un café. L’équipe du p’tit dej fait passer le mot, la police repassera et il faudrait mieux partir après le café. Mais pour allez où ?

    Il est 10h dans le jardin d’Éole, les exilé-e-s sont assis au soleil, discutent ; d’autres lavent leurs vêtements avant de les étaler sur le sol pour les faire sécher. Des sirènes retentissent. Un camion de police pile devant l’entrée du jardin - six policiers, fusil à la main, descendent. À peine le temps de se retourner, les exilés sont cernés par les policiers de tous les côtés : « Allez ! Allez ! Tout le monde dégage ! »

    Des exilé-e-s expulsé-e-s d’un jardin public © Usagers du jardin d’Eole

    À la sortie du parc un policier nous explique qu’il n’y a pas de délit de faciès « juste du professionnalisme » :

    « - Depuis quand on interdit le parc aux migrants ?

    – Non, juste aux illégaux

    – Qu’est-ce que vous en savez qu’ils n’ont pas de papiers ?

    – Ça se voit sur leur visage

    – Oui, ça s’appelle du délit de faciès

    – Non ! Retournez à l’école, c’est pas ça le délit de faciès. Ça s’appelle du professionnalisme ! »

    Nous, ça nous rappelle une époque pas si lointaine où une population ciblée était interdite dans les parcs et autres lieux publics. « On ne va pas faire ça tout la journée, il faut faire fermer le parc » avait conclu l’un des policiers, depuis le jardin d’Eole à portes closes.

    Collectif du p’tit dej à Flandres

    #police #exilés #délit_de_faciès #discrimination #harcèlement

  • A #paris, un millier de #réfugiés évacués d’un campement
    https://www.mediapart.fr/journal/france/220716/paris-un-millier-de-refugies-evacues-d-un-campement

    Évacuation du campement de la station #Jaurès, le 22 juillet 2016 © Laurent Geslin Les centaines de réfugiés qui campaient sous les rails de la station de métro Jaurès ont été évacués par les forces de l’ordre, le 22 juillet au matin. Ils devraient être relogés dans des centres d’hébergement de la région parisienne. Jusqu’à la constitution du prochain campement de fortune, dans l’attente de l’ouverture, prévue à la rentrée de septembre, du centre « humanitaire » promis par Anne Hidalgo.

    #France #CADA #demandeurs_d'asile

  • DOSSIER - Jaurès : patrimoine commun ? - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées
    http://www.nonfiction.fr/article-7289-dossier___jaures_patrimoine_commun.htm

    Les commémorations sont propices à l’exacerbation des tentatives de récupération de telle ou telle grande figure historique : Jaurès ne fait pas exception à la règle et des relectures tendancieuses de son parcours politique ressortent des publications qui lui ont été consacrées dernièrement. Qu’il soit personnage de bande dessinée, philosophe ou religieux pour certains, le traitement de Jaurès nous en apprend parfois bien plus sur les auteurs que sur leur sujet d’étude.

    #jaurès #histoire #commémoration

  • 1914, le naufrage de l’internationalisme
    http://cqfd-journal.org/1914-le-naufrage-de-l

    On commémore le centenaire de la mort de Jaurès. Une occasion pour les politiciens de tout bord de cannibaliser la mémoire du tribun du Tarn. Comparés à cet « athlète de l’idée », on se dit alors que Valls – qui s’inspire plus volontiers du briseur de grève Clemenceau –, ou Sarkozy qui se sentait l’« héritier de Jaurès » en 2007, ou encore Marine Le Pen, qui ose affirmer que « Jaurès aurait voté Front national », font figures de cloportes de la gamelle. Pourtant, la récupération de Jaurès n’est pas chose nouvelle : dès le 1er août 1914, au lendemain de son assassinat par un puceau nationaliste dénommé Villain, Jaurès faisait l’unanimité autour de son cadavre. Tandis que L’Humanité célébrait le « martyr sublime de la paix », Le Temps ne faisait aucun doute sur le fait que « son éloquence allait devenir instrument de défense nationale » et qu’il allait incarner « le clairon de la patrie ». Le communiqué de la présidence du conseil saluait même « celui qui a soutenu de son autorité l’action patriotique du gouvernement ».

    #histoire

    • Ils n’ont pas fini de tuer Jaurès

      Jeudi 31 juillet à 21 h. 40, il y aura cent ans que Jean Jaurès a été assassiné. Et si vous l’ignoriez, c’est que vous passez vos vacances dans une dimension quantique inconnue des réseaux sociaux. Car Jaurès est vachement tendance aujourd’hui. Personne ne l’a lu. Mais tout le monde en cause. Sa belle barbe et ses yeux doux s’affichent sur toutes les « une » en France.

      http://www.lacite.info/ils-nont-pas-fini-de-tuer-jaures

    • Le sujet est passionnant mais il ne suffit pas de hurler à la social-trahison du haut de ce siècle qui surplombe 1914. On a du mal à imaginer le déferlement de passions que constitue une entrée en guerre mondiale et le fait que ce contexte a de quoi dissoudre bien des lucidités.

      La vraie question est pourquoi un tel revirement ? Pourquoi l’énergie révolutionnaire du début du XXe siècle s’est transformée en énergie guerrière en 1914 ? Sur quoi s’appuie le supposé enthousiasme populaire anti-germanique de début 14 ? Qu’en est-il d’ailleurs de cet élan patriotique ?

      En fait, ça pose la question cruciale des relations entre patriotisme et révolution (sociale). On lit parfois par exemple que la Commune fut en partie une réaction patriotique contre les Prussiens. Quelle était la part du patriotisme et de la volonté révolutionnaire lorsque le peuple de Paris voulut conserver les canons qui défendaient la ville ? Comment s’opère la (con)fusion entre patriotisme, nationalisme et révolution ? Quelle est le rôle de la question de la violence ?

      Ces interrogations sont primordiales car elles traversent l’histoire révolutionnaire. Ce sont les liens entre guerres et révolutions qui sont à questionner en particulier du point de vue libertaire qui est le mien. En gros, je pense avec certain-es autres, qu’une révolution libertaire menée comme une guerre par une élite militarisée ne peut conduire qu’à la reconstitution de ce qu’elle combat : un État, une armée, un capital, un salariat.

      Pour revenir à 1914, il y a le cas d’Émile Pouget qui me semble assez emblématique. Le Maitron se borne à indiquer dans sa bio :

      À partir du 14 mai 1915, il publia dans L’Humanité un premier roman-feuilleton patriotique, Vieille Alsace puis, à partir du 14 août 1916, un second, L’Emmuré.

      Sur le site Pelloutier.net on trouve une recension d’une bio de Pouget parue aux Éditions libertaires. L’auteur précise :

      Enfin, last but not least, nous sommes au regret d’informer l’auteur que Pouget a bien donné des feuilletons patriotiques à l’Humanité, et que cette conversion patriotique date non pas de 1916 mais des premiers jours de la mobilisation. Même s’il est « difficilement compréhensible de voir un tel personnage farouchement anti-guerre prendre parti » (p. 319), Pouget, c’est bien connu, n’est pourtant pas un cas isolé, c’est l’inverse qui est vrai. C’est à un historien anglais, Jeremy Jennings[3], que l’on doit d’avoir exhumé ce volte-face méconnu de cette grande figure de l’anarchisme et du syndicalisme révolutionnaire. Et c’est dans les colonnes du journal animé par le plus farouche antipatriote que la France ait connue, la Guerre sociale de Gustave Hervé, que Pouget a commis ses premières prises de positions. Du 7 août au 6 septembre 1914, Pouget tient une rubrique intitulée « La Rue » dans laquelle il se propose de rapporter l’humeur de la classe ouvrière. Donnons ici quelques morceaux choisis : « Il y a de l’héroïsme dans l’air. L’atmosphère en est saturée. » Comparant l’année 1914 à 1792, Pouget affirme que le peuple se bat pour défendre la liberté et la civilisation contre la barbarie allemande. Après tout, le manifeste des 16 signé par les plus éminents anarchistes dont Kropotkine et Jean Grave ne dira rien de bien différent. Concernant le feuilleton de l’Humanité, celui-ci parut du 14 mai au 16 octobre 1915, sous le titre « Vieille Alsace ». Il s’agit d’une sorte de roman moral et patriotique évoquant l’occupation allemande depuis 1870.

      http://www.pelloutier.net/livres/livres.php?ref=25#_ftnref2

      Voir aussi cette recension du même livre dans À Contretemps :

      http://acontretemps.org/spip.php?article121

      D’aucuns lecteurs regretteront sans doute que le biographe n’ait pas poussé plus loin son questionnement - notamment pour ce qui concerne le Pouget dernière manière, celui qui se rapprocha du déliquescent Gustave Hervé, commit quelques mauvais romans-feuilletons dans L’Humanité de Jaurès, puis de Renaudel et se prit d’une assez étrange passion patriotique pour la « Vieille Alsace ». C’est qu’Ulla Quiben se veut magnanime : « Toutes ces zones d’ombre, écrit-il, comme notamment son silence pendant la Première Guerre mondiale, contribuent aussi à faire d’Émile Pouget un personnage humain, fragile, émouvant et proche de nous. » Soit, mais on aurait aussi pu voir dans ces bévues, et l’explication est sans doute suffisante, un pur effet de l’âge, comme le pointa, en juin 1914, La Voix du Peuple, hebdomadaire dont Pouget fut longtemps le talentueux responsable : « Émile Pouget, peut-on y lire, était jadis un Père Peinard épatant qui épatait ses lecteurs. Aujourd’hui, il hospitalise son tire-pied dans La Guerre sociale devenue un vague organe radical. Contre cela rien à dire, tout le monde vieillit. » S’il se ressaisit quelque peu par la suite, sous l’influence de Paul Delesalle, entre autres, il n’en demeure pas moins que le Père Peinard rata lamentablement le rendez-vous de 1914, où rares furent ceux qui gardèrent la flamme et, ce faisant, sauvèrent l’honneur du mouvement ouvrier. Y compris contre l’illustre Pouget.

      #patriotisme #guerre_de_14-18 #syndicalisme_révolutionnaire #internationalisme #Émile_Pouget

  • Il assassine Jaurès : acquitté ! | JYV
    http://jeanyvesviollier.com/2014/05/30/il-assassine-jaures-acquitte

    Paul-Boncour, l’avocat de la famille Jaurès, va surprendre tout le monde : fidèle aux convictions du tribun socialiste, il ne réclame pas la peine de mort : « Il est trop commode de trancher le problème avec un couperet, de faire tomber une tête dans un panier et de s’imaginer qu’on en a fini avec le problème ».

    Décidés à prendre tous les risques après cette demie reculade de la partie adverse, les deux avocats de Villain vont alors plaider… le crime passionnel ! C’est l’amour immodéré de sa patrie qui a amené Villain à tuer #Jaurès. « Le crime de Villain, c’est un crime d’avant-guerre ». Les deux brillants avocats ont bien compris que les jurés, tout comme la grande majorité des Français, aspirent à une paix durable et leur talent oratoire va faire basculer le prétoire. Trente minutes vont suffire au jury pour acquitter le criminel. Comble, c’est Madame Jaurès qui devra payer les frais de justice !

  • cvuh : Une vidéo de l’Elysée… (Hollande dans la continuité de Jaurès ?) par V. Chambarlhac
    http://cvuh.blogspot.ch/2014/04/une-video-de-lelysee-hollande-dans-la.html

    « Les choix politiques du Président sont dans la continuité de ceux de Jaurès », sous ce titre une vidéo, frappée du #Jaures2014, sur le site de l’Elysée (http://www.elysee.fr/videos/quot-les-choix-politiques-du-president-sont-dans-la-continuite-de-ceux-de-jau). 

    Un sous-titre précise « déjeuner des historiens, spécialistes de Jaurès », 16 avril 2014. La vidéo dure exactement 2, 02 mn. Le temps semble compté pour ces historiens, reçus afin de préparer la visite présidentielle à Carmaux, le 23 avril. Quatre intervenants apparaissent, représentant deux associations tangentielles au Parti socialiste, la Fondation Jean Jaurès (FJJ), la Société d’Etudes Jaurésiennes (SEJ). Rapportée au temps de la vidéo, le temps de parole participe d’une forme extrêmement brève de l’exposition de leur propos, confinant à l’ellipse. En soi, cette vidéo que l’on pourrait facilement qualifier « d’épisode mondain » importe peu de prime abord sur le plan de l’histoire dans son rapport au politique, d’autant que les usages de la figure de Jaurès ont été largement scrutés, analysés[1]. Elle vaut seulement que l’on s’y attarde sous l’angle d’une stratégie de communication qui évolue, et pourrait signifier, par l’Elysée, un nouvel avatar de la figure jaurésienne.

    #Jean_Jaurés #histoire #historiographie #politique #François_Hollande

  • Jaurès et la patrie - Patriotisme sans nationalisme...
    http://www.jaures.eu/ressources-pedagogiques/jaures-et-la-patrie

    Nous avons donc choisi ici, plutôt que quelques citations courtes, de rappeler synthétiquement les principales convictions de Jaurès concernant cette question du patriotisme et du nationalisme. Avec à chaque fois quelques extraits permettant de restituer dans leur contexte certaines formules célèbres. Et des liens offrant au lecteur intéressé le chemin pour aller lire l’intégralité d’articles ou de discours consacrés à ces thématiques. (...) Source : Jaures.eu

  • Vendredi 31 juillet 1914 à 21 h 40, alors qu’il dîne au café du Croissant, rue Montmartre, dans le 2e arrondissement de Paris, à deux pas du siège de son journal L’Humanité, Jean Jaurès est assassiné.

    C’est arrivé il y a près d’un siècle, mais relire cette histoire me fait encore frissonner.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Assassinat_de_Jean_Jaur%C3%A8s

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k253902z

    Sur Jaurès, voir aussi :
    http://seenthis.net/messages/95216
    http://seenthis.net/messages/95096

    #Jean_Jaurès #Jaurès #socialisme #capitalisme #guerre #14-18 #Première_guerre_mondiale #histoire

  • Pour continuer avec Jean Jaurès, voici un exposé de l’historien Henri Guillemin, enregistré en 1972 pour la télévision suisse. Henri Guillemin parle avec passion et c’est un plaisir de l’écouter raconter l’histoire de son point de vue d’homme de gauche. Cette vidéo fait partie d’une série de treize exposés sur « L’autre avant guerre - 1871-1914 », mais peut être regardée séparément. (Sur YouTube, la playlist en bas de l’écran permet de naviguer parmi ces vidéos.)

    http://www.youtube.com/watch?v=I8Ao1e9RYyk&feature=BFa&list=PL3FE0F0801FEAED00

    Voir aussi un discours de Jaurès :
    http://seenthis.net/messages/95096

    #Jean_Jaurès #Jaurès #socialisme #capitalisme #guerre #14-18 #Première_guerre_mondiale #Henri_Guillemin #Guillemin #histoire

  • Patriotisme et internationalisme : discours de Jean Jaurès (Discours prononcé à la tribune de l’Assemblée nationale, lors de la séance du 7 avril 1895 portant sur le vote du budget militaire).

    Version texte sur Wikisource et images du livre sur Gallica :
    http://fr.wikisource.org/wiki/Patriotisme_et_internationalisme
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5455269k/f2.image

    [...]
    Partout ce sont ces grandes compétitions coloniales ou apparaît à nu les principes mêmes des grandes guerres entre les peuples européens, puisqu’il suffit incessamment de la rivalité déréglée de deux comptoirs ou de deux groupes de marchands pour menacer peut-être la paix de l’Europe.
    [...]
    Et il ne suffit pas aux nations de s’épuiser ainsi à entretenir les unes contre les autres des forces armées ; il faut encore – et ici je demande la permission de dire nettement ma pensée – que les classes privilégiées, possédantes de tous les pays, isolent le plus possible cette armée, par l’encasernement et par la discipline de l’obéissance passive, de la libre vie des démocraties. (Applaudissements à l’extrême gauche. Interruptions au centre).
    On ne nous a pas caché depuis vingt ans que c’était là aujourd’hui, en Europe, la conception des armées de métier.
    [...]
    Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage.
    [...]
    Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie — qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille — un régime de concorde sociale et d’unité.
    [...]
    Voilà pourquoi je tiens à le dire du haut de la tribune. Il n’y a pas dans la conscience socialiste du prolétariat universel une seule protestation contre le régime capitaliste qui ne condamne en même temps par une logique invincible les annexions violentes pratiquées sur des peuples qui n’acceptent pas l’autocratie militaire de l’étranger (Applaudissements à l’extrême gauche.)
    [...]
    Ah ! il n’y a aucun rapport entre l’Alsace-Lorraine qui sent battre à côté d’elle, comme un grand cœur qui ne s’arrêtera jamais, le peuple dont elle a été retranchée violemment, et cette Irlande qui n’a aucun point d’appui national hors d’elle-même, ou cette Pologne démembrée qui serait morte depuis longtemps si la vie profonde des peuples avait besoin d’un organisme visible pour subsister silencieusement.
    Et pourtant même pour ces absorbées, même pour ces démembrées, même pour ces dévorés se préparent à l’heure présente et s’accomplissent les lentes réparations, par le seul progrès des libertés générales.
    [...]
    Et puis, messieurs, ce n’est pas seulement le développement de la justice sociale qui abolira les iniquités de nation à nation, comme les iniquités d’individus à individus. De même qu’on ne réconcilie pas des individus en faisant simplement appel à la fraternité humaine, mais en les associant, s’il est possible, à une œuvre commune et noble, où, en s’oubliant eux-mêmes, ils oublient leur inimitié, de même les nations n’abjureront les vieilles jalousies, les vieilles querelles, les vieilles prétentions dominatrices, tout ce passé éclatant et triste d’orgueil et de haine, de gloire et de sang, que lorsqu’elles se seront proposé toutes ensemble un objet supérieur à elles, que quand elles auront compris la mission que leur assigne l’histoire, que Chateaubriand leur indiquait déjà il y a un siècle, c’est-à-dire la libération définitive de la race humaine qui, après avoir échappé à l’esclavage et au servage, veut et doit échapper au salariat. (Applaudissement à l’extrême gauche.)
    Dans l’ivresse, dans la joie de cette grande œuvre accomplie ou même préparée, quand il n’y aura plus domination politique ou économique de l’homme sur l’homme, quand il ne sera plus besoin de gouvernements armés pour maintenir les monopoles des classes accapareuses, quand la diversité des drapeaux égaiera sans la briser l’unité des hommes, qui donc alors, je vous le demande, aura intérêt à empêcher un groupe d’hommes de vivre d’une vie plus étroite, plus familière, plus intime, c’est à dire d’une vie nationale, avec le groupe historique auquel le rattachent de séculaires amitiés ? (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)
    [...]
    On peut bien ici, dans les hypothèses de tribune, faire appel à un nouvel Alexandre ou a un nouveau César qui, avec quelques légions ou quelques phalanges, balayeraient de nouveau les grandes cohues des armées modernes. On peut bien rappeler le témoignage d’orgueil que se rendaient les Romains d’avoir vaincu, avec un petit nombre de combattants, paucitas romana, toutes les foules du globe ; mais vous ne referez pas le système des armées antiques ou des armées de métier, parce que, aujourd’hui, les nations, par le perfectionnement de leur administration et de leurs finances, sont en état de saisir et de mobiliser tous les citoyens, et qu’étant en état de les saisir et de les mobiliser tous, elles sont obligées de les saisir et de les mobiliser tous (Applaudissements à l’extrême-gauche). Toute ressource possible devient une ressource nécessaire (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs). Et, dans des guerres où l’existence tout entière de la nation sera en jeu, chaque nation voudra mettre sa force tout entière.
    [...]
    Alors nous vous demandons si vous serez longtemps dupes de ces choses et si, sous prétexte d’éviter une politique qui se fait en réalité et qui se fait contre vous, vous allez arrêter la pénétration de l’armée par l’esprit national, par le véritable esprit de la démocratie et du peuple.
    [...]
    Il vous faut choisir entre la petite armée de métier livrée à la réaction, telle que M. Delafosse la définissait, et l’armée nationale confondue avec la nation vivant de sa vie, faisant corps avec elle et seule capable de sauver et la République et la patrie. (Vifs applaudissements à l’extrême gauche.)

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5455269k/f13.highres

    #Jean_Jaurès #Jaurès #socialisme #capitalisme #guerre #armée_de_métier #discours #lecture