• « La crise est une arnaque, un récit inventé par une oligarchie mondiale » - Libération

    Pour l’intellectuel Patrick Viveret, il est nécessaire de « mettre en scène et en chaîne » les initiatives populaires.

    http://www.liberation.fr/politiques/2013/09/13/la-crise-est-une-arnaque-un-recit-invente-par-une-oligarchie-mondiale_931

    En fait, comme l’ont pointé les Indignés, la crise est une arnaque. C’est le récit qu’a inventé une oligarchie mondiale pour préserver ses intérêts alors que le monde est bousculé par cette « grande transformation ».

    Cela passe notamment par le discours sur la dette. Michel Rocard et Pierre Larrouturou l’ont montré dans un livre récent : le processus de la dette est apparu avec les politiques reaganiennes et thatchériennes. Et cela relève davantage de l’escroquerie en bande organisée que de la crise.

    #capitalisme #crise_financir #dette

    • Je pense aussi depuis le début qu’il n’y a pas crise, mais mise en scène d’une panique qui a permis de mettre en place un programme de transfert massif des ressources du bas vers le haut particulièrement efficace.
      Je pense aussi qu’il s’agit là de la solution qui a été pensée et mise en œuvre délibérément en réponse à la problématique aigüe d’accès aux ressources communes et plus particulièrement au pétrole. Nous sommes dans une civilisation à 100 % dépendante du pétrole... bon marché.

      L’effort de conversion économique de notre société vers un modèle moins énergivore nécessite la mobilisation immédiate du gros nos ressources économiques et la fin très rapide de la société du gaspillage.
      Le truc, c’est que ce genre de mutation implique forcément une redistribution des cartes politiques, économiques et sociales. Or, comme chacun le sait, le changement de paradigme dans une civilisation implique immanquablement le déclin immédiat de la classe dominante. La classe dominante, c’est précisément ceux qui profitent le plus du modèle du gaspillage et donc qui ont le moins intérêt au changement.

      Donc, pour maintenir leur position dominante, leur mode de vie et leur privilège, l’autre solution consiste généralement à réduire drastiquement le nombre de convives autour du banquet. Moins de gaspilleurs = plus de ressources à gaspiller et plus longtemps. Ça implique de rendre les ressources inaccessibles de manière économique, dans un premier, puis par la violence, dans un second temps.

      Si l’on observe concrètement la manière dont « fonctionne » l’actuelle « crise économique », il est notable que son premier effet visible est de virer un maximum de monde de la table du banquet tout en concentrant les ressources sur ceux qui restent attablés.

      Je sais, ça fait complotiste, cet aimable vocable qui sert précisément à disqualifier toute parole remettant en cause l’aspect impartial, inéluctable et « naturel » de la crise en cours. Pourtant, il n’est pas très compliqué de percevoir que toutes les décisions prises depuis 2007 consistent non seulement à prolonger l’état de crise, mais immanquablement à l’amplifier et que toute suggestion pour un autre mode de fonctionnement, un autre paradigme socioéconomique, est immanquablement rejeté, disqualifié et non pris en compte.

      Il serait particulièrement naïf, à mon sens, de croire que les classes dirigeantes internationales cultivent l’entre-soi et la réunionite aigüe uniquement pour faire la teuf, parler de la météo ou œuvrer pour le bien commun, dont il a pourtant été maintes fois démontré qu’elles n’en ont rigoureusement rien à cirer.

      En fait, je dirais que la crise actuelle n’est jamais que du story telling destiné à occulter le fait que l’ensemble des politiques actuelles convergent selon toute logique vers un retour à la féodalité !

    • Pour rebondir plus sérieusement sur la réflexion de @monolecte et la question de la préméditation, je crois qu’il y a vraiment une posture idéologique sincère, qui convainc beaucoup de ces nantis qu’ils sont du côté de la vertu et non du vice. Ils ne complotent pas (tous) de façon cynique, mais ils mettent en oeuvre le pouvoir qu’ils ont pour organiser le monde de la façon qui va conforter à la fois leur situation matérielle et leurs paradigmes idéologiques.
      La pensée de droite c’est quand même « marche ou crève », dans leur pensée faut se souvenir que le danger vient des faibles, que si on s’oppose à la sélection naturelle, si on ne se plie pas à la justice du « mérite » (les riches méritent ce qu’ils ont, et les autres n’ont que ce qu’ils méritent), on risque de déclencher la colère des dieux, nous serons des peuples de dégénérés en proie aux famines et épidémies.

      Ainsi, le climat de crise a l’immense avantage de créer ce climat anxiogène de fin du monde qui correspond à leur paradigme d’existence, ça les conforte dans leur idée du droit chemin, de mérite, pour occulter l’injustice. Et ça leur permet effectivement de continuer à jouir des privilèges d’élus des dieux à ce fameux banquet restreint avec une bonne conscience galvanisée.

    • Féodalité, peur de l’an mille, peur de l’enfer... C’est étonnant d’en être revenu à un tel niveau d’irrationalité de la part du grand nombre. Quoique la masse d’informations qui nous submerge n’est pas forcément étrangère à cette sorte de comportement de lapin ébloui par les phares d’une voiture... tellement de lumière qu’il devient impossible de décider où aller, donc immobilité et irrationalité.
      Hier, il y avait la discussion à ce sujet sur Arte... A propos des médecins, et de leur façon de gérer la masse d’informations qui leur parviennent, avec cette étude qui a recensé toutes ces informations, et qui a tenté d’en discerner l’utile de l’inutile ou du carrément néfaste. En définitive, entre les courriers des labos, les documents laissés par les visiteurs médicaux, les prospectus... moins de 5% du total se révélait pertinent. Le reste pouvant se révéler contre-performant. Comment un humain normal (comme un médecin) réagit à ce flot ? Il se noie ? Choisi au hasard les informations qu’il décidera de prendre pour pertinentes ? Ignore tout simplement ?
      Bref.

    • C’est vrai que c’est pas très nouveau ce discours, a la cga et ailleurs, je disais que cette crise existe, puisque le capitalisme a besoin de toute façon de ses crises pour se renouveler, qu’elle font partie de son histoire. Mais cette crise est aussi avant tout « la convention d’une crise ». En fait, les banquiers et les actionnaires savaient que ça allaient pas, mais tant qu’ils pouvaient se faire du profit sur le dos du problème, ils ne disaient rien. Jusqu’au jour ou ils se sont rendu compte qu’ils allaient pas pouvoir récupérer des trucs a eux. Alors, et alors seulement, c’est avant tout pour eux-même qu’ils ont déclaré et acté qu’il y avait une crise. Histoire de récupérer leur pognon.

    • Ce qu’il y a de nouveau, c’est la grille de lecture par le #pétrole. Oui, le capitalisme exploite, confisque, détruit, etc. Mais la croissance exponentielle de la population, de la richesse et du gâchis s’est concentrée en très peu de temps à l’échelle même de notre histoire et encore plus de notre espèce, simplement parce que nous avons eu du pétrole : une énorme source d’énergie très efficace et très bon marché... jusqu’à présent. La quasi-totalité du système actuel repose uniquement sur le rendement énergétique et la plasticité du pétrole. Tout le reste a vocation à s’effondrer brutalement en cas de rupture de l’approvisionnement. La crise réelle actuelle, c’est la redistribution des cartes en fonction de cet unique facteur.

      Ce qu’il y a de bien avec la grille de lecture du pétrole, c’est que dès qu’on l’applique, des tas de décisions, d’événements, de tendances, face auxquelles on ne voyait aucune cohérence, aucune ligne directrice, que l’on pouvait trouver absurdes, illogiques, deviennent brutalement totalement rationnelles.
      Même le despotisme hydraulique (l’accès à l’eau est le second enjeu majeur en cours de notre civilisation) dépend largement de l’accès au pétrole, comme j’ai pu le tester lors de la tempête Klaus.

      La fin du pétrole bon marché implique 3 scénarios possibles :

      Anticipation totale : on décide de piloter le changement de paradigme en amont et pour la totalité de la population. Cela signifie, concrètement, qu’on devrait déjà, à l’heure actuelle, avoir consacré le gros de nos ressources financières, intellectuelles et énergétiques à développer de nouvelles solutions en vue d’une transition énergétique globale et un atterrissage en douceur. Personnellement, je ne vois rien de tel.

      Aucune anticipation : on ne voit rien, on ne décide de rien et on continue sur la même lancée, jusqu’au décrochage des prix des matières premières. Là, c’est une correction brutale, globale et le retour rapide à la société pré-pétrole... sauf qu’il n’y pas de retour possible, parce que le pétrole a créé la dépendance à l’énergie facile et abondante, à la chimie, à la mobilité forcenée. Autrement dit, beaucoup des savoir-faire, savoir-être et savoir-vivre de l’époque antérieure au pétrole sont perdus et là, c’est la méga merde comme vous ne l’avez jamais envisagé dans le pire de vos cauchemars. À côté, The Walking Dead, ça fait piquenique à la sauce Teletubbies. Cela dit, si c’était le cas, le monde ne serait qu’un vaste supermarché hédoniste lancé à tombeau ouvert vers le précipice. Bon, c’est peut-être le cas, mais c’est précisément la « crise » actuelle, les guerres en cours et l’explosion des écarts de patrimoines qui me font penser le contraire.

      L’anticipation ciblée ou le syndrome de l’arche de Noé. Ça c’est l’hypothèse héritée du fonctionnement intrinsèque de la mentalité capitaliste : les plus méritants doivent être sauvés. La classe dominante et dirigeante n’a pas grand intérêt à piloter l’adaptation globale, puisque, concrètement, c’est elle qui a le plus à perdre. Elle n’a pas non plus intérêt à se mettre la tête sous le sable, surtout quand l’anticipation du basculement est proche, c’est-à-dire pour la génération en cours. Le plan, c’est qu’on n’a pas trouvé mieux que le pétrole pour faire tout ce que peut faire le pétrole et que donc, on ne peut s’en passer. Les générations futures le devront, mais le capitalisme n’est pas connu pour ses grandes capacités d’anticipation au-delà de l’intérêt immédiat et supérieur de ses classes possédantes et dirigeantes. Donc, si on ne peut pas remplacer le pétrole ni s’en passer, la réponse est évidente, limpide et sans appel : on réserve son accès et son usage à ceux qui le méritent.
      Ce qui implique de trier et hiérarchiser les populations humaines en fonction de leur utilité pour les classes dominantes et de repousser les surnuméraires au-delà des confins de la civilisation du pétrole.
      Pour l’instant, c’est la gueule que ça prend.

    • C’est pas tant qu’il y a un complot, c’est aussi le principe de la « stratégie du choc » décrite par Naomi Klein : à certains moments de l’histoire, il y a de vraies catastrophes, prévues ou imprévues, naturelles, guerrières, ou financières, et les dominants sautent sur l’occasion pour renforcer leur pouvoir de diverses manières. Mais pas forcément en l’ayant toujours prévu en avance donc.

      Parce que criseS du capitalisme, il y en a pas mal quand même. Et notamment la crise consubstantielle de la valeur qui fait qu’il faut toujours trouver de nouvelle manière de la faire apparaître. Forcément régulièrement ça craque plus ou moins fort.

    • Je pense qu’il faudra (quand tout le monde aura fini de s’exprimer, reprendre ce billet et les commentaire pour en faire un papier collectif !

      Ici, un bon exemple du la #magie_seenthis, et quelqu’un que nous connaissons tous et que je ne dénoncerai pas dira encore à ce propos que c’est là l’embryon « d’un nouveau journalisme »...

    • @monolecte : absolument d’accord avec ton analyse. La crise a débuté en 1973. Fin du pétrole gratuit pour l’Occident. Les US luttent depuis se donner l’illusion que leur pétrole est encore gratuit, mais ça leur coûte quelques guerres (pour le plus grand bonheur du complexe militaro-pétrolier de l’ami Bush..)...

      Depuis 1973, les périodes de prospérité sont cannibales, la croissance se fait pour les uns au détriment des autres (mondialisation), et comme dit @rastapopoulos par le cycle traditionnel des crises (expansion rapide, dépression brutale et destructrice de la valeur qui part en fumée...).

      As-tu lu ce bouquin ? http://www.alternatives-economiques.fr/2030--le-krach-ecologique-par-genevieve-ferone_fr_art_799_4
      On y est en plein dedans.
      Le déni est dans les têtes. Un intervenant dans un dossier d’Alternatives Economiques parlait que seul une Pearl Harbor écologique pourrait réveiller l’opinion publique. Pourtant y a déjà eu Katrina, Klaus, etc.. et ça s’enchaine. Mais non, tu as raison, on est dans l’Arche de Noé, voire plus proche et plus exact : le Titanic...

    • @rastapopoulos : bien sûr qu’il y a opportunisme permanent, mais si tu lis bien le bouquin de Klein, les « solutions » mises en œuvre ne sont pas improvisées du tout, elles répondent toujours au même cahier des charges, elles font toujours référence aux mêmes fondements intellectuels, idéologiques et politiques qui ne sortent pas de nulle part. En amont du libéralisme, il y a des penseurs, des œuvres, des écoles, des financeurs de ce joyeux petit monde, des groupes de pression, de réflexion, des réunions, des clubs, des échanges, des journaux, etc. Je le répète, le mot complot sert à disqualifier par avance toute critique du côté parfaitement organisé et coordonné des politiques économiques mises en œuvre actuellement afin d’empêcher toute vision globale et systémique de la situation.
      Cela fait des années que je frémis quand je vois que, dans tous les pays du monde, tous les problèmes sociaux, économiques et politiques sont analysés selon une seule grille de lecture (capitalisme libéral) que ce sont toujours les mêmes solutions qui sont préconisées sous les mêmes prétextes et qu’elles apportent les mêmes « mauvais résultats » sans jamais être mises en perspective au niveau mondial (on laisse la population s’exaspérer contre les gouvernants locaux) et sans jamais s’interroger sur les objectifs réels de ces solutions, puisque leur inefficacité est très largement multiprouvée !

      @petit_ecran_de_fumee sur la question du syndrome de l’arche de Noé, j’ai commencé à y penser suite à des échanges, il y a bien longtemps, avec un ultralibéral qui fréquentait mon blog. Il avait fini par admettre l’impasse écologique dans laquelle nous sommes déjà très profondément engagés et il avait dégainé comme solution le bond technologique qui allait permettre à l’humanité de construire un vaisseau spatial et de se tirer de sa planète d’origine qu’elle avait si consciencieusement pourrie. J’ai lu assez de SF pour savoir que c’est un plan qui réjouit beaucoup les consciences transhumanistes.
      Je lui ai demandé où ses potes comptaient trouver les ressources nécessaires à l’évacuation et aux besoins des 6 milliards de personnes qu’il fallait évacuer avant que la planète devienne totalement impropre à la vie humaine. Évidemment, le plan n’a jamais été de sauver l’humanité, mais seulement la poignée de connards qui nous ont collés dans ce merdier par leur inconséquence, mais qui continuent par ailleurs de se penser meilleurs et plus méritants que tous les autres réunis.
      En gros, des parasites qui vivent aux dépens de l’essentiel de la population de notre espèce, qui n’ont aucune notion même d’espèce.

      J’ai une grande passion pour les films-catastrophes depuis toute petite et plus particulièrement pour les histoires de fin du monde. L’imaginaire collectif, à ce niveau, est assez uniforme, puisqu’il s’agit toujours d’un collapse qui éradique la quasi-totalité de notre espèce et de la manière dont les survivants méritants s’organisent pour la suite.
      Il est remarquable que notre imaginaire collectif ponde si peu de vision globale de crises de fin de civilisation ou de changement de paradigme pour l’espèce.

      La conception cynique de la crise comme phénomène régulateur des surnuméraires m’est apparue dans toute sa splendeur dans le récit du film 2012 qui met en scène de manière non ambiguë le principe de l’arche de Noé sauvant les élus, c’est à dire, ceux qui ont le pognon pour s’acheter une place.
      Pour ma part, il m’a toujours semblé évident que dans la vie, comme dans l’espace, comme dans la fin du monde, je préfère être entourée de bricoleurs géniaux, de cuistots de talents, de plombiers intuitifs que d’une troupe de riches parasites.
      Autrement dit, les riches ont oublié qu’ils sont totalement dépendants d’une société organique et que séparé du personnel de maison qu’ils méprisent si cordialement, ils seront bien en peine de seulement retrouver leur slip au petit matin.