Ce lundi 14 octobre, les profs de l’Université de Cergy-Pontoise ont reçu une « fiche de remontée de signaux faibles » de radicalisation et de terrorisme. Le personnel encadrant dénonce le caractère islamophobe de ce mail.
« Absentéisme récurrent : aux heures de prière/le vendredi », « port d’une djellaba/port de pantalon dont les jambes s’arrêtent à mi-mollets », « port de la barbe sans moustache », « apparition du port du voile », une drôle de fiche a été envoyée aux professeurs de l’université de Cergy-Pontoise, ce lundi 14 octobre. Son objet : « Appel à vigilance ». Communiqué par la Direction Hygiène, Sécurité et Environnement (DHSE) de la fac, le mail porte sur les menaces terroristes qui peuvent peser sur l’institution. Il est accompagné d’une « fiche de remontée de signaux faibles », en vue de la « détection de personnes susceptibles d’être en cours de radicalisation ».
Mais cette fiche qui cible la religion musulmane et aux contours flous a ému plusieurs professeurs. « Selon ce document, un acte terroriste ne peut être que le fait de musulmans ! Ce genre de tableau ne peut que faire plaisir aux racistes et renforcer le racisme anti-musulman. Ça crée une ambiance de délation au travail », commente une professeure jointe par StreetPress. « J’ai honte », écrit sur Twitter Clément Carbonnier, actuellement en recherche à l’université de Sherbrooke et issu de la fac de Cergy. Renaud Epstein, maître de conférences à Sciences Po Saint-Germain (relié à l’université de Cergy), tweete : « La liste des “signaux faibles” qui y figure est sidérante. Si je devais l’utiliser pour une auto-analyse, j’aurais de bonnes chances de gagner un voyage gratuit à Guantanamo ». Il ajoute une sélection de ces signaux, qu’il juge « affligeante ».
▻https://twitter.com/Carbonnier_Eco/status/1183750945706008576?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E11Une réaction au discours de Macron ?
Cette fiche liste une soixantaine de critères, dont encore : « arrêt de consommations de boissons alcoolisées », « arrêt de consommations de nourritures à base de porc », « consommations récente de produits halals », etc… À chaque critère, il est possible de répondre par oui et par non. Il faut ensuite la faire remonter, avec le nom de l’élève ou du professeur « signalé », à la DHSE de l’université.
Embêtée, la DHSE botte en touche. « L’intention de l’université est simplement d’alerter et de se dire : “Faites attention à ce qu’il peut y avoir”, sans pour autant stigmatiser les choses. Pas du tout. »
Cette initiative, propre à l’université de Cergy, fait écho au discours d’Emmanuel Macron prononcé le 8 octobre, pendant l’hommage aux victimes de l’attaque de la préfecture de police de Paris. Le président Emmanuel Macron a demandé aux Français de « faire bloc » contre « l’hydre islamiste ». Il a également appelé à construire une « société de vigilance » contre la radicalisation, y compris dans le milieu scolaire. Un discours relayé par le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer qui décomptait récemment une dizaine de signalements de personnels de l’Éducation nationale pour l’année scolaire passée.
Le prof Renaud Epstein pointe cyniquement l’absurdité de la fiche :
« Et le top du top, la cerise sur le gâteau, cette “fiche de remontée de signaux faibles” se conclut par une entrée : “Signaux inquiétants liés au comportement d’une personne connue” qui comprend cet item, “#Dissimulation des #signaux_faibles” »
▻https://twitter.com/renaud_epstein/status/1183760076122836993?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E11En interne, par mail envoyé au personnel encadrant, et sur Twitter, la DHSE s’excuse et explique que « la démarche de l’établissement consistait à apporter une assistance aux personnes qui peuvent être touchées par ces phénomènes et en aucun cas à organiser un système d’alerte. Cependant, l’Université regrette vivement d’avoir pu heurter ou choquer certaines personnes au sein de l’université et à l’extérieur par une formulation inappropriée et source d’incompréhension et leur présente ses excuses. En particulier et en conséquence, le document joint au message est retiré ».