#jean-baptiste_fressoz

  • « Les pays industriels ont “choisi” la croissance et le réchauffement climatique, et s’en sont remis à l’adaptation »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/07/les-pays-industriels-ont-choisi-la-croissance-et-le-rechauffement-climatique

    Dès la fin des années 1970, les gouvernements des pays industriels, constatant l’inéluctabilité du réchauffement, ont délibérément poursuivi leurs activités polluantes quitte à s’adapter à leurs effets sur le climat, rappelle Jean-Baptiste Fressoz dans sa chronique.

    L’émoi provoqué par la sortie du ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, qui a annoncé « commencer à construire une trajectoire [de réchauffement] à 4°C » en vue de la fin du siècle, est assez hypocrite. Que l’objectif des 2°C, et a fortiori celui de 1,5°C, soit pour ainsi dire inatteignable est un secret de polichinelle. Il suffit de considérer les diminutions extraordinairement rapides des émissions qu’il faudrait obtenir pendant les années 2020 pour comprendre le problème.
    Mais feindre la surprise donne l’impression d’avoir essayé : l’adaptation serait donc le résultat d’un échec, celui de nos efforts de transition. Or, ce récit moralement réconfortant est une fable. En réalité, l’adaptation a été très tôt choisie comme la stratégie optimale.
    Dès novembre 1976, la Mitre Corporation, un groupe de réflexion d’origine militaire proche de la Maison Blanche, organisait un congrès intitulé « Living with Climate Change : Phase II ». Dans son préambule, le rapport passait rapidement sur le réchauffement, considéré comme inexorable. Restait à en évaluer les conséquences sur l’économie américaine. Mitre souhaitait ouvrir « un dialogue avec les leaders de l’industrie, de la science et du gouvernement ». Le résultat est impressionnant de prescience, et de désinvolture.

    Prescience quand il aborde par exemple le problème de la contraction des sols argileux et de ses effets sur la solidité des bâtiments, une conséquence effectivement coûteuse du réchauffement ; désinvolture, quand rien n’est dit de l’assèchement du Colorado, des incendies de forêt ou des tempêtes en Louisiane. L’agriculture était bien identifiée comme vulnérable mais, à l’échelle des Etats-Unis, ce secteur aurait toujours le moyen de déplacer les zones de production.

    Une bataille perdue d’avance
    En 1983, le rapport « Changing Climate » de l’Académie des sciences américaine – le titre est révélateur – reprenait cette vision rassurante. Le dernier chapitre reconnaissait l’impact du réchauffement sur l’agriculture, mais comme son poids dans l’économie nationale était faible, cela n’avait pas grande importance. Concernant les « zones affectées de manière catastrophique », leur sacrifice était nécessaire pour ne pas entraver la croissance du reste du pays, même s’il faudra probablement les dédommager.

    Au Royaume-Uni, un séminaire gouvernemental d’avril 1989 exprimait également bien ce point de vue. La première ministre Margaret Thatcher (1979-1990) avait demandé à son gouvernement d’identifier les moyens de réduire les émissions. Les réponses vont toutes dans le même sens : inutile de se lancer dans une bataille perdue d’avance. On pourrait certes améliorer l’efficacité des véhicules, mais les gains seraient probablement annihilés par ce que les économistes définissent comme les « effets rebonds ». Selon le ministre de l’agriculture, « pour avoir un effet, les mesures à prendre devraient être si sévères qu’elles auraient des conséquences catastrophiques sur notre compétitivité ».
    Le ministre de l’énergie rappelait que le Royaume-Uni ne représentait que 3 % des émissions et que cette part allait rapidement diminuer avec l’émergence de la Chine et de l’Inde. Des efforts, même héroïques, n’auraient aucun effet perceptible sur le climat. La conclusion s’imposait : « On ne peut pas faire grand-chose à l’échelle nationale, et même internationale, pour empêcher le réchauffement global. On peut seulement espérer en atténuer les effets et nous y adapter. »

    C’est à cette époque que le Royaume-Uni se prononce contre le projet d’écotaxe européenne. La France, sous l’égide de Michel Rocard, avait d’abord promu ce dispositif – qui avantageait son industrie alimentée au nucléaire – avant de faire volte-face juste avant la conférence sur l’environnement de Rio de 1992. C’est aussi à cette époque que l’économiste William Nordhaus démontrait « mathématiquement » le caractère optimal d’un réchauffement de 3,5°C en 2100… Il obtiendra le « prix Nobel d’économie » en 2018 pour ces travaux.
    Sans le dire, sans en débattre, les pays industriels ont « choisi » la croissance et le réchauffement, et s’en sont remis à l’adaptation. Cette résignation n’a jamais été explicitée, les populations n’ont pas été consultées, surtout celles qui en seront et en sont déjà les victimes.

  • « Consensuel, le GIEC intègre toutes les “parties prenantes”, y compris celles qui sont à la racine du problème » | #Jean-Baptiste_Fressoz
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/29/consensuel-le-giec-integre-toutes-les-parties-prenantes-y-compris-celles-qui

    Aujourd’hui considéré comme la pointe avancée de l’alerte climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du #climat (#GIEC) avait un objectif inverse lors de sa création, en 1988 : soustraire à l’Organisation des Nations unies (#ONU) l’alerte climatique pour la remettre à une instance dont les nominations et les travaux seraient soumis à l’approbation des gouvernements.

    Durant les décennies précédentes, l’ONU avait en effet pris des initiatives radicales – la création de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (1964), en particulier –, et l’influence des pays pauvres en son sein était jugée trop importante. Le président du Programme des Nations unies pour l’environnement, le biologiste égyptien Mostafa Tolba, commençait à faire des déclarations inquiétantes, appelant par exemple à réduire de 60 % les émissions de CO2. Pour les Etats-Unis, alors les premiers émetteurs de la planète, il semblait inopportun de laisser l’ONU gérer une question qui touchait au cœur des inégalités économiques mondiales.

    Comme il était difficile de remettre en cause les travaux du groupe I du GIEC sur le constat climatologique, tout l’enjeu était de cadrer les « stratégies de réponse », dont était chargé le groupe III. Ce groupe a une histoire très étrange.

  • Le vaccin et ses simulacres : instaurer un être pour gérer une population, 1800-1865 | #Jean-Baptiste_Fressoz (2011)
    https://journals.openedition.org/traces/5368

    L’article montre comment le #vaccin contre la #variole a été construit comme un objet parfaitement bénin et efficace, notamment à partir des expérimentations humaines.

    A partir de 1800 on commence à vacciner contre la variole en inoculant la vaccine (aka cowpox, ou variole de la vache), une maladie bénigne qui protège contre la (vraie) variole (aka petite vérole).
    Cette vaccine c’est du pus de pustule de cowpox de personne vaccinée précédemment. On peut donc dire littéralement que le vaccin « se transmet de bras à bras » (et que c’est assez dégueu).
    Plusieurs problèmes et questions se posent alors. D’abord, pour ne pas perdre le vaccin, il faut ne pas cesser de vacciner. On va pour ça utiliser des enfants trouvés et en faire des « dépôts de vaccin ». Ils serviront aussi à plusieurs expériences plus ou moins dangereuses pour définir les compétences du vaccin (notamment pour savoir s’il transmet les maladies dont serait porteur le vaccinifère).

    En 1800, le vaccin est un être nouveau. On ne sait ni ce qu’il est, ni ce qu’il peut. Nombreuses sont les vaccinations malheureuses. C’est aussi un être rare et transitoire : son existence dépend de sa transmission. Si les médecins n’ont plus de sujets à vacciner, il disparaît. Les tentatives de conserver le pus ex vivo, dans des plaques en verre, des tubes capillaires, des fioles vidées d’air ou remplies d’azote, ne sont pas concluantes et les vaccines réussissent bien mieux lorsqu’elles se font avec de la matière fraîche, de bras à bras. Aussi, pour conserver et transporter ce virus protecteur, les médecins doivent organiser des chaînes vaccinales. Tout au long du XIXe siècle, les enfants trouvés en constitueront les maillons indispensables.

    [...] L’instrumentalisation biologique de la misère n’effarouchait pas les parents. Ils suspectent la santé des enfants abandonnés ; fruits des turpitudes, ils craignent qu’ils ne transmettent la syphilis, ils demandent à inspecter leurs corps et préfèrent le pus des enfants légitimes. Ils reprochent au système d’être dangereux, jamais d’être inhumain.

    Les enfants des hospices servirent également de terrain d’essai : les vaccinateurs acquirent sur eux les savoir-faire et l’expérience nécessaire pour juger des bonnes et des mauvaises vaccines. Comme sur ces enfants les accidents pouvaient être passés sous silence, les vaccinateurs ne risquaient pas de subir les récriminations des parents et d’alimenter les traités anti-vaccinistes.

    Au départ, les médecins qui ignorent tout de la vaccine ont besoin d’identifier ses phénomènes et d’apprendre à les reproduire avec régularité. Le Comité [de vaccine] établit, par exemple, le laps de temps nécessaire à la vaccination pour donner une protection efficace en organisant des contre-épreuves varioliques sur 40 enfants : on commence par insérer vaccin et variole en même temps avant de retarder jour après jour la seconde inoculation. Autre problème : à quel âge peut-on vacciner ? Le Comité opère sur des enfants de plus en plus jeunes, jusqu’à vacciner des prématurés. Aucun âge ne lui paraît défavorable. Il se pourrait aussi que la préservation de la vaccine ne soit que locale. On inocule donc la petite vérole aux extrémités opposées aux points de vaccination. Les vaccinateurs essaient aussi de reproduire des accidents : ils déposent du pus dans la gorge ou sur les muqueuses nasales afin d’étudier les complications respiratoires liées à la vaccine. De même, pour comprendre les éruptions vaccinales, ils mettent la peau à vif et déposent quelques gouttes de vaccin. Le sujet écope d’une plaie gangréneuse. À l’intérieur des hospices, l’expérimentation humaine se banalise. Les enfants trouvés servent ainsi de corps-tests : si après une vaccine, une maladie éruptive se déclare, on leur inocule le pus incriminé pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’une petite vérole.

    Des essais furent aussi menés dans le but de réfuter le risque de contamination par la vaccine : Alibert vaccine des dartreux, des scrofuleux et des teigneux en faisant passer le pus des uns aux autres, sans constater de contaminations croisées. Cullerier et Richerand reportent du vaccin pris d’enfants syphilitiques sur des enfants sains sans les infecter. Ces expériences dangereuses et très critiquées furent réalisées sur quelques enfants seulement. Elles eurent pourtant des conséquences considérables : durant tout le siècle, après des cas hypothétiques de contamination syphilitique, les médecins invoquent, pour dédouaner la vaccine, les grandes expériences qu’aurait réalisées le Comité au début des années 1800. En somme, grâce à l’expérimentation sur les enfants trouvés, le Comité explore et définit les compétences du vaccin. Le programme philanthropique d’un virus absolument bénin qui peut être inoculé à tous commence à prendre consistance.

  • « La #forêt des #Landes a joué le rôle exactement inverse d’un #puits_de_carbone »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/31/la-foret-des-landes-a-joue-le-role-exactement-inverse-d-un-puits-de-carbone_

    « La forêt des Landes a joué le rôle exactement inverse d’un #puits de #carbone »
    L’historien Jean-Baptiste Fressoz s’interroge, dans sa chronique, sur la croyance dans une forêt forcément vertueuse parce que « verte ».

    Les statistiques ont un effet réducteur. Elles aplatissent une réalité complexe sur un chiffre, une courbe, une dimension. Les incendies de forêt de cet été en fournissent un bon exemple. Jour après jour, les médias ont fait l’angoissant décompte des milliers d’hectares de forêt partis en fumée à travers la France. Mais de quelle forêt parle-t-on ? Qu’ont en commun la forêt de Brocéliande, en Bretagne, berceau de la légende arthurienne, et la « forêt » des Landes, une plantation industrielle remontant au Second Empire ? La première abrite des milieux humides et une riche biodiversité, la seconde n’a de forêt que le nom.

    Dans la seconde moitié du XIXe siècle, après une loi privatisant des terres communales, l’immense zone humide située entre la Gironde et l’Adour se transforme en une plantation de pins maritimes. Certains font fortune dans les pignadas (« pinèdes ») ; les bergers doivent se reconvertir au gemmage des arbres exploités pour leur résine. En 1911, l’écrivain Joseph-Honoré Ricard, pourtant admiratif du succès commercial, reconnaissait, dans son livre Au pays landais, que les Landes n’avaient rien à voir avec une forêt : « L’oreille ne perçoit aucun son, nul chant d’oiseau, nul frémissement d’allégresse, le vent ne soulève qu’un long vagissement plaintif et lugubre. Parfois, une lande rase : le vestige d’un incendie. »

    Maintenant victimes du #changement_climatique, les Landes ont aussi joué un rôle important et méconnu dans l’histoire de ce dernier. Au début du XXe siècle, c’est grâce à leur #bois que l’Angleterre a pu extraire des quantités record de #charbon. Les mines, comptant des centaines de kilomètres de galerie, étaient en effet d’énormes consommatrices de bois. Soumis à la pression des roches environnantes, les étais devaient être régulièrement remplacés. La Grande-Bretagne, presque dépourvue de forêt, importait la quasi-totalité de son #bois_d’œuvre. Les navires britanniques déchargeaient le charbon à Bordeaux et repartaient de Bayonne les cales remplies d’étais. Ce commerce était suffisamment stratégique pour que le Royaume-Uni cherche à le sécuriser en signant un accord de troc « poteaux contre charbon » avec la France en 1934.

    Du bois au charbon
    Cet exemple historique illustre deux points importants. Premièrement, le passage à une « nouvelle » énergie, dans le cas d’espèce le charbon, a nécessité d’énormes quantités d’une #matière_première, le bois, qui était censée être substituée. Paradoxalement, au début du XXe siècle, les mines britanniques engloutissaient davantage de bois que l’Angleterre n’en brûlait cent cinquante ans auparavant, et il faudra attendre les années 1960 pour que les #mines de charbon s’affranchissent de cette dépendance complète vis-à-vis du bois. Il nous reste à espérer que les #énergies #renouvelables s’autonomiseront bien plus vite de l’#économie_fossile qui les a vu naître.

    Deuxièmement, dans la crise climatique, les forêts ont en général le beau rôle en tant que puits de carbone. Pourtant, celle des Landes a joué un rôle exactement inverse : chaque tonne de bois permettait en effet d’extraire de vingt à trente fois son poids de charbon. De même, actuellement, la moitié du bois des Landes est destinée à être transformée en #cartons_d’emballage dans des papeteries polluantes, cartons dont la production accompagne celle de marchandises transportées par des énergies fossiles. Grâce aux Landes et à d’autres plantations industrielles du même type, le #carton règne en maître sur nos poubelles et Amazon sur les chaînes de distribution.

    Après les incendies, Emmanuel Macron a immédiatement lancé l’idée d’un « grand plan de reboisement national ». Si l’argent public devait subventionner des forêts privées – 90 % des Landes sont privées –, il faudra s’interroger au préalable sur la valeur écologique des forêts et sur les usages réels du bois dans la « transition écologique ».

  • Deux démontages en règle du concept de "transition" extrêmement sourcés et chiffrés, comme toujours avec Jean-Baptiste Fressoz.

    Jean-Baptiste Fressoz, Pour une histoire des symbioses énergétiques et matérielles, 2021
    https://sniadecki.wordpress.com/2022/08/11/fressoz-symbioses

    Ces dernières années ont vu paraître de nombreux ouvrages portant sur l’histoire de l’énergie. On peut se réjouir de ce renouveau d’intérêt, on peut aussi regretter que ces ouvrages se soient placés sous la bannière de la « transition ». Avec l’urgence climatique, ce mot a acquis un tel prestige, une telle centralité, que les historiens en sont venus à l’employer pour décrire toutes sortes de processus, y compris ceux qui furent, à rigoureusement parler, des additions énergétiques

    Jean-Baptiste Fressoz, La « transition énergétique », de l’utopie atomique au déni climatique, 2022
    https://sniadecki.wordpress.com/2022/08/12/fressoz-utopie-atomique

    Cet article propose une généalogie de la « transition énergétique » aux États-Unis, après la seconde guerre mondiale. Comme s’est construite cette vision particulière du passé et du futur de l’énergie ? Quels experts l’ont portée ? Dans quel contexte politique, scientifique et industriel a-t-elle émergé ? Et quel rapport entretient-elle avec l’histoire de l’énergie ? En répondant à ces questions, cet article contribue à trois historiographies. La première est celle de la fabrique de l’ignorance ou « agnotologie ». Les campagnes climatosceptiques des compagnies pétrolières ont déjà été bien étudiées par les historiens des sciences [3] et je voudrais contribuer à cette question en décalant le regard. Je m’intéresse moins au climatoscepticisme stricto-sensu qu’à une forme plus subtile, plus acceptable et donc beaucoup plus générale de désinhibition face à la crise climatique : la futurologie de « la transition énergétique ». Or au sein de cette dernière, l’histoire, un certain type d’histoire de l’énergie, a joué et continue de jouer un rôle crucial.

    […]

    Cet article montre que si la notion de transition n’est pas un bon descripteur des transformations passées c’est tout simplement parce que ce n’était pas son but : l’idée ne vient pas d’une observation du passé, mais de l’anticipation du futur ; elle ne vient pas des historiens, mais du milieu de la prospective énergétique.

    Enfin, cet article propose une histoire – partielle car centrée sur la généalogie de la transition – d’un domaine encore peu exploré par les historiens : celui de la futurologie énergétique [10]. Il se base sur l’étude de rapports d’experts, de discours et de visualisations qui traitent à la fois du passé et du futur de l’énergie.

    #Jean-Baptiste_Fressoz #transition #énergie #Histoire #climat #écologie #nucléaire #accumulation #capitalisme

  • Crise climatique et énergétique : regarder la vérité en face - Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.youtube.com/watch?v=mMQwdUxF_bQ

    Jean-Baptiste FRESSOZ est historien des sciences, des techniques et de l’environnement, ainsi que chercheur au CNRS. Il s’intéresse particulièrement à la question de la transition énergétique, qui selon lui est largement mystifiée, et empêche de comprendre le bourbier dans lequel nous sommes plongés avec la crise environnementale.

    Malgré le titre sensationnaliste, l’entretien me semble de bonne tenue, avec pas mal d’informations et de considérations intéressantes (toutes plus déprimantes les unes que les autres).

    • Titre similaire récemment chez Palim Psao :

      Il n’y a aucune solution à la crise énergétique, par Sandrine Aumercier
      http://www.palim-psao.fr/2022/06/il-n-y-a-aucune-solution-a-la-crise-energetique-par-sandrine-aumercier.ht

      Je commence par la fin et je donne déjà la conclusion en disant qu’il n’y a aucune solution à la crise énergétique, même pas une « toute petite solution ». Si une société post-capitaliste émancipée advenait, alors elle cesserait de se préoccuper du problème énergétique ; elle n’irait pas le résoudre en étant « plus rationnelle » et « plus efficiente » avec l’énergie. Une société qui met la rareté à son principe — comme le fait le mode de production capitaliste — s’accule elle-même à devoir toujours plus rationner sa consommation d’énergie, parce qu’elle se rapproche d’une limite absolue. Elle se condamne à s’enfoncer dans une gestion totalitaire des ressources, dans des guerres de sécurisation, dans des crises socio-économiques d’impact croissant… Mais c’est une limite qui fait partie des principes fondateurs de cette société et non de la nature.

      […]

      Ce texte constitue la version écrite de la présentation du livre Le mur énergétique du capital (éditions Crise & Critique) qui a été faîte à Mille bâbords (61, rue Consolat, 13001 Marseille) le 5 juin 2022.

      #énergie #transition #climat #Jean-Baptiste_Fressoz #Histoire

    • Ça fait un moment que je connais/suis le travail historique de Fressoz, souvent relayé dans les contenus critique techno, anti-indus, cf le tag existant ici par exemple, mais c’est pas souvent que je l’ai entendu discourir à l’oral, et vraiment il est tout aussi excellent : super simple, pédagogue, en plus de sa mémoire de ses sujets (toutes ces dates et décrets sortis de tête sans latence). Vraiment très bonne interview qui passe vite malgré 1h30. Fressoz c’est bon, mangez-en !

    • je viens d’écouter le début, un passage me fait sourire et me rappelle de vieux souvenirs… dans mon école d’ingé, j’avais fait le choix de faire un vrai stage ouvrier : j’ai donc passé un mois dans une mine de charbon en Lorraine, j’ai longtemps raconté que l’exploitation était « renouvelable » (bon, le terme n’existait pas encore) étant donné la quantité de bois qu’on enfouissait pour étayer les galeries (celle qu’on mettait au toit s’appelait la bille ; dans une taille manuelle, quand on en posait une deuxième dans le poste, on avait droit à la prime de rendement), au bout du temps suffisant, ça finirait bien par redonner du combustible.

      Mais, en vrai, la veine de charbon était surtout remplacée par du sable qui venait combler le vide lorsqu’on ripait le convoyeur en progressant dans le pendage.

      Tiens, un p’tit regard en arrière : taille manuelle en semi-dressants (la première photo, c’est exactement le souvenir que j’en ai)…
      https://mineurdefond.fr/articles.php?lng=fr&pg=299&mnuid=439&tconfig=0

      (en plus, c’était justement au puits site dans la Réaction n°1, et dire qu’en surface, j’ai certainement eu l’occasion de croiser la jeune Patricia Kaas)
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Siège_Simon

  • Six siècles de débats sur le climat
    https://laviedesidees.fr/Fressoz-Locher-Les-Revoltes-du-ciel.html

    À propos de : Jean-Baptiste Fressoz & Fabien Locher, Les Révoltes du ciel. Une #Histoire du #changement_climatique XVe-XXe siècle, Seuil. Dès les débuts de l’époque moderne, les sociétés occidentales débattent et s’inquiètent du climat, de son évolution et de la responsabilité des humains. Sur cette question comme sur bien d’autres, l’idée qu’un grand partage aurait longtemps prévalu entre #nature et #culture s’en trouve fragilisée.

    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20210930_climat.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20210930_climat.docx

  • J.B. Fressoz et D. Pestre, Risque et société du risque depuis deux siècles, 2011
    https://sniadecki.wordpress.com/2021/09/03/fressoz-pestre-risque

    Le but de cet article n’est pas de nier tout changement, de dire que les continuités sont plus fortes que les ruptures, mais de questionner le hiatus trop hâtivement établi entre ce passé aveugle et nous. Les sociétés européennes du XIXe siècle ont certes largement pollué et enclenché la carbonification de notre économie et de notre atmosphère et, en cela, elles ne semblent pas « réflexives ». Mais cela n’implique pas qu’elles ne se sont jamais posées de questions – ni que notre prise de conscience actuelle nous mène vers un développement qualitativement différent. Notre but est donc double. Il est de pointer les faiblesses historiques d’une thèse qui a construit un passé imaginaire fait d’insouciance et de risques ignorés, mais aussi de revenir sur cette « réflexivité » qui, symétriquement, nous définirait comme tout différents. Notre souci, en remplaçant l’opposition binaire entre « eux » et « nous » par un récit historique plus complexe est donc de donner à « la société du risque » la généalogie qui lui manque, une généalogie qui peut seule permettre de dire comment nous en sommes arrivés à cette évidence que nous sommes aujourd’hui dans des sociétés autres, de miner l’illusion réconfortante de notre exceptionnelle conscience des choses – et d’ainsi mieux se préparer aux défis réels auxquels nous faisons face.

    #Histoire #modernité #pollution #risque #société_du_risque #Ulrich_Beck #Jean-Baptiste_Fressoz #Dominique_Pestre

  • (1) « Le #changement_climatique est lié à des enjeux de #pouvoir, de #dette, de #conquête » - Libération
    https://www.liberation.fr/debats/2020/10/07/le-changement-climatique-est-lie-a-des-enjeux-de-pouvoir-de-dette-de-conq

    #interview
    #climat

    C’est un fait : dans le Connecticut comme dans de nombreuses contrées du globe, la #température augmente. Ce constat, cité dans les Révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique XVe-XXe siècle par #Jean-Baptiste_Fressoz et #Fabien_Locher, remonte à… 1662. Winthrop, gouverneur de la province du Nouveau Monde, espère convaincre Charles II que la colonisation a adouci le climat grâce aux défrichements. Les deux #historiens de l’#environnement et chercheurs au #CNRS retracent dans cet essai l’intérêt ancien et constant pour le changement climatique et le rôle qu’y jouent les humains, de la découverte de l’Amérique à l’ère industrielle, en passant par la #Révolution française. Seul un « interlude », quelque part entre le XIXe siècle et la fin du XXe, fait exception : le progrès technique permet à l’#humanité d’oublier le climat pendant quelques décennies. Autrement dit, alors que l’ampleur des bouleversements actuels est immense, le regard que nous portons aux #changements_climatiques n’est pas si inédit, ce qui influence la façon dont nous nous attaquons au problème.

  • « Arrêtez de me ringardiser » : attaquée par Macron, la lampe à huile réagit

    Favorable à la 5G, le président ne veut pas « relever la complexité des problèmes contemporains en revenant à la lampe à huile ». Avec la complicité de l’historien Jean-Baptiste Fressoz, nous sommes allés rencontrer la principale intéressée. Entretien.

    https://www.nouvelobs.com/idees/20200915.OBS33361/arretez-de-me-ringardiser-attaquee-par-macron-la-lampe-a-huile-reagit.htm

    #Jean-Baptiste_Fressoz, #5G, #critique_techno, #technocritique, #Amish, etc.

    Si qqun.e peut avoir accès à l’article entier, j’aimerais beaucoup le lire...

  • « Entre lampe à huile et chemins de fer, une histoire des techniques falsifiée a la cote au gouvernement » - Jean-Baptiste Fressoz
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/09/23/entre-lampe-a-huile-et-chemins-de-fer-une-histoire-des-techniques-falsifiee-

    La peur que le train aurait suscitée à ses débuts, argument utilisé pour dénigrer les craintes actuelles sur la 5G, est un mythe entretenu depuis un siècle et demi, rapporte dans sa chronique l’historien Jean-Baptiste Fressoz.

    Chronique. On pourrait croire que la sortie d’Emmanuel Macron sur la 5G, les amish et la lampe à huile n’était qu’un propos en l’air, une bêtise prononcée sans trop y penser. Il faut voir le discours en entier pour se convaincre du contraire : il s’agit en fait de sa « punchline » , inscrite dans ses notes et destinée à provoquer des applaudissements que le président prend le temps de savourer. C’est le seul élément que la presse a retenu de cette longue autocongratulation sur l’innovation, la French Tech, et « l’écosystème régulatoire ».

    Au sein du gouvernement, des ministres partagent cette pensée peu complexe. Ainsi, le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari – un ancien pilote de jet privé qui promouvait, il y a peu, le développement des lignes interrégionales – attribue le refus de l’innovation à une sorte d’atavisme. Au début des chemins de fer, expliquait-il à la télévision, les Français auraient été effrayés que le train ne rende « sourd et aveugle » .

    Bêtisier médical

    Cette histoire est un mythe. On trouve certes dans les manuels d’obstétrique de brefs passages sur les dangers des longs voyages (en voiture comme en train) et des trépidations pour les femmes proches du terme de leur grossesse. De même, des médecins conseillaient aux lecteurs de reposer leur vue, mais cela n’avait rien de spécifique aux chemins de fer.

    En 1863, Louis Figuier (1819-1894), le grand vulgarisateur des sciences du XIXe siècle, en profite pour composer un petit bêtisier médical. Il mentionne, sans donner de référence, des accusations proférées par de doctes médecins : les chemins de fer causeraient des avortements et des troubles nerveux. La construction du mythe se poursuit en Allemagne.

    En 1889, l’historien allemand Heinrich von Treitschke (1834-1896) mentionne, sans plus de références, un rapport de 1835 du collège médical de Bavière qui conseillerait d’interdire les chemins de fer car leur vitesse faramineuse pourrait causer un « delirium furiosum » aux passagers. Cette anecdote connaît un succès extraordinaire. On la retrouve, par exemple, reprise par Hitler dans Mein Kampf ainsi que dans différents travaux historiques sur la révolution industrielle, à chaque fois mentionnée à propos des « résistances au progrès ».

    En France, elle est colportée par le comte de Villedeuil (1831-1906) dans sa monumentale Bibliographie des chemins de fer (1906), où il ajoute, parmi les conséquences du voyage en train, « la danse de Saint-Guy » produite par les trépidations. Il évoque aussi la cécité – les chemins de fer « enflammeraient la rétine » –, toujours sans donner de référence… malgré les 826 pages que compte ce recueil bibliographique.

    Ridiculiser tout débat

    En 1957, un article de L’Express , à l’occasion des cent vingt ans de l’inauguration de la ligne Paris-Saint-Germain, expliquait que, dans les années 1840, des « pythies sinistres » annonçaient que les chemins de fer « provoqueraient des maladies nerveuses, voire l’épilepsie et la danse de Saint-Guy » , qu’ils « enflammeraient la rétine et feraient avorter les femmes enceintes » . L’auteur ajoute : « Ce ne sont pas là les marmonnements de rebouteux, mais des prophéties communiquées publiquement à l’Académie de médecine. » Les historiens n’ont évidemment trouvé aucun rapport dans les archives, ni en Bavière ni à l’Académie de médecine…

    Notons pour conclure qu’en 1860, alors que naissait la rumeur d’une crainte liant folie et chemins de fer, les tribunaux commençaient à indemniser les traumatismes nerveux causés par les accidents ferroviaires, ce qui n’avait rien à voir avec la danse de Saint-Guy. En fait, les innombrables plaintes, procès et pétitions ne s’opposaient pas aux chemins de fer mais aux accidents qu’ils provoquaient et aux compagnies soupçonnées de faire des économies au détriment de la sécurité des voyageurs. La sécurité actuelle des systèmes ferroviaires est l’heureuse héritière de ces contestations.

    Entre la lampe à huile et les chemins de fer, l’histoire des techniques a décidément la cote au gouvernement, mais c’est une histoire falsifiée servant à ridiculiser tout débat. Car peu importe si les applications de la 5G sont encore floues, si les émissions de CO2 liées au numérique (déjà 4 % du total mondial) pourraient doubler d’ici à 2025, ou si les seuils de pollution électromagnétique sont définis par des experts financés par l’industrie des télécoms.

    La 5G doit se faire car, comme le dit notre président, « c’est le tournant de l’innovation » . Et puisqu’il appelle à un débat de « citoyens éclairés » sur la 5G, peut-être pourrait-il commencer par éviter les clichés technophiles les plus éculés.

  • [vidéo] L’homme a mangé la Terre | de Jean-Robert Viallet
    https://www.youtube.com/watch?v=Udwm_YQGV7Y

    De la révolution industrielle à aujourd’hui, un décryptage minutieux de la course au développement qui a marqué le point de départ de l’ère de l’anthropocène (ou l’ère de l’Homme) et de la déterioration continue de la planète. Un film de Jean-Robert Viallet (France, 2019, 1h38), a vec la collaboration à l’écriture de Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz. D’après « L’événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous », Éditions du Seuil. Source : Relevé sur le Net...

  • Technocritiques

    Antidote à la furia collapsologia, dans le prolongement de
    Charbonneau, Ellul, Gorz, Dupuy…

    Technocritiques (1/2) : comment prioriser la critique ?

    http://www.internetactu.net/2019/06/06/technocritiques-12-comment-prioriser-la-critique

    Technocritiques (2/2) : a-t-on besoin d’une communauté technocritique ou d’un essor des luttes technologiques ?

    www.internetactu.net/.../technocritiques-22-a-t-on-besoin-dune-communaute-
    technocritique-ou-dun-essor-des-luttes-technologiques/

    Mais peut-être quelqu’un aura-t-il déjà référencé ces débats ?

  • La collapsologie : un discours réactionnaire ? | #Jean-Baptiste_Fressoz
    https://www.liberation.fr/debats/2018/11/07/la-collapsologie-un-discours-reactionnaire_1690596

    Le thème de l’#effondrement de la civilisation industrielle, très présent dans les années 70, revient actuellement en force. Depuis la parution du best-seller Collapse de Jared Diamond en 2006 (Effondrement, Gallimard), il ne se passe guère un mois sans qu’un nouvel essai, un article ou une tribune, nous prédise un « effondrement » à court terme des grandes structures productives et politiques du monde industriel. Cette vogue de l’effondrement - à laquelle ne se réduit pas la pensée écologique contemporaine - est bien entendu liée à la crise environnementale : la sixième extinction des espèces, le réchauffement prévisible de 3 °C en 2100, et, plus généralement, la perturbation des cycles biogéochimiques, bref, ce que les scientifiques du système Terre appellent « l’#anthropocène ». Mais « effondrement » est-il le bon mot ? Est-ce la bonne manière de désigner et donc de penser ce qui nous arrive ? Sans avoir une opinion tranchée, j’y vois au moins quatre problèmes.

    Premièrement, le terme d’effondrement est beaucoup trop anthropocentrique. Car de quel effondrement parle-t-on ? Celui de la nature est déjà largement consommé : les humains et leurs bestiaux représentent 97 % de la biomasse des vertébrés terrestres ; il ne reste que de 10 % des poissons de grande taille par rapport à l’entre-deux-guerres ; en Allemagne, les insectes ont diminué de trois quarts en trente ans. En se focalisant sur l’effondrement à venir de la civilisation industrielle, le risque est de se rendre aveugle à tous les effondrements de la nature qui sont en cours et même déjà très avancés.

    Deuxièmement, le discours de l’effondrement est très « occidentalocentré ». Dit plus simplement : c’est une #écologie de riches. Ce que nous vivons est infiniment plus pervers : le changement climatique accentue les autres formes de violence et d’inégalités. Suprême injustice, il est causé par les riches et persécute surtout les pauvres des pays pauvres. Et c’est d’ailleurs cette caractéristique qui explique l’apathie générale. Quand on voit l’océan d’indifférence dans lequel se noient des dizaines de milliers de réfugiés en Méditerranée, comment espérer mobiliser en invoquant le paysan du Bangladesh chassé de chez lui par la montée des eaux ? La « pédagogie de la catastrophe » est une illusion démentie par l’histoire : qui, à part dans les pays concernés, se souvient du cyclone Bhola (au moins 300 000 morts au Bangladesh en 1970), du typhon Nina (170 000 morts en Chine en 1975) ou du cyclone Nargis (130 000 morts en Birmanie en 2008) ? Et en Europe, qu’est-ce qu’ont changé les 70 000 morts de la canicule de 2003 ? Il faut reconnaître au capitalisme sa résilience extraordinaire face aux désastres de tout ordre.

    Troisièmement, le discours actuel de l’effondrement mélange deux choses : la perturbation du système Terre et la sixième extinction, qui sont avérées, et l’épuisement des ressources fossiles qui est sans cesse repoussé à plus tard. Le problème est que ces deux phénomènes jouent à des échelles temporelles très différentes : selon les climatologues, pour ne pas dépasser + 2 °C en 2100, il faudrait laisser sous le sol les deux tiers des réserves de pétrole, de gaz et de charbon économiquement exploitables (1). Dit autrement, le capitalisme fossile se porte à merveille, il est dans la force de l’âge, son effondrement est peu probable, et c’est bien là le tragique de la situation.

    Quatrièmement, le discours de l’effondrement dépolitise la question écologique. Un peu comme les intellectuels marxistes des années 70 attendaient l’effondrement du capitalisme sous le poids de ses contradictions internes (la fameuse baisse tendancielle du taux de profit), il ne faudrait surtout pas attendre l’effondrement du capitalisme fossile parce que « la nature » le décidera. La lutte écologique ne doit pas mobiliser contre, mais pour l’effondrement, du moins celui du capitalisme fossile.

    Tous ces problèmes, l’effondrement les doit à ses origines intellectuelles et politiques. Au début du XIXe siècle, les élites libérales issues de la Révolution française utilisent déjà ce discours pour réprimer les usages de la nature - les communs forestiers en particulier - des masses paysannes libérées des obligations féodales. Au même moment, en Angleterre, Malthus expliquait qu’il fallait couper les aides aux pauvres pour éviter qu’ils ne prolifèrent dangereusement. Tout au long des XIXe et XXe siècles, l’effondrement est avant tout porté par les chantres de l’industrie et de l’Empire : c’est l’économiste Stanley Jevons qui s’inquiète pour la domination de la Grande-Bretagne à court de charbon ; c’est Paul Leroy-Beaulieu qui justifie le pillage des ressources coloniales au nom de l’effondrement prévisible de l’Europe ; c’est la commission Paley établie par Truman qui organise le drainage des matières premières du tiers-monde ; et c’est encore le Club de Rome, un assemblage d’industriels et de savants de la guerre froide qui a curieusement séduit la contre-culture (2), et dont les travaux ont joué un rôle certain dans l’élaboration du programme chinois de l’enfant unique (3). Remarquons pour finir que dans les années 90, quand la question climatique émerge dans l’espace public, le discours de l’effondrement a d’abord fait turbiner une clique de consultants travaillant pour le Pentagone, des néomalthusiens affolés par leurs fantasmes racistes - des hordes brunes de réfugiés climatiques - et voulant aussi prévoir les nouveaux terrains de déploiement de l’armée américaine dans un Global South en proie au collapse généralisé. Si en France on connaît surtout la « #collapsologie » de gauche, celle d’Yves Cochet, de Pablo Servigne et de Raphaël Stevens qui tentent de construire une politique post-apocalyptique émancipatrice, il ne faut pas oublier que l’effondrement a, au cours de sa longue histoire, nourri les passions politiques les plus nauséabondes.

    « Mal nommer un objet, disait Camus, c’est ajouter au malheur de ce monde. » En étant optimiste, on pourrait dire de l’effondrement que sa fonction politique est encore indécise. Il pourrait devenir le clairon d’une mobilisation générale pour le climat, mais il pourrait aussi renforcer l’option nucléaire et demain, qui sait, la géoingénierie. L’effondrement disparaît et réapparaît, recule ou revient en force en s’ajustant aux futurs successifs. En attendant, les catastrophes se multiplient partout, et surtout en dehors d’une civilisation occidentale qui depuis deux siècles n’a cessé d’admirer sa puissance au prisme de son effondrement.

    (1) « Unburnable Fossil-Fuel Reserves », de Michael Jakob et Jérôme Hilaire, Nature, vol. 517, 2015, p. 150-152.
    (2) Le Club de Rome est financé par la famille Agnelli (la Fiat), piloté par l’industriel Aurelio Peccei et Jay Forrester, l’inventeur de l’ordinateur numérique pour les besoins du programme nucléaire américain, y joue un rôle central.
    (3) Fatal Misconception : The Struggle to Control World Population, de Matthew Connelly, Heron and Crane, 2008.

  • Jean-Baptiste Fressoz : « Désintellectualiser la critique est fondamental pour avancer »
    https://www.revue-ballast.fr/jean-baptiste-fressoz-desintellectualiser-la-critique-est-fondamental-

    Le livre de Bihouix — et l’idée de low-tech — est très intéressant car il nous sort du discours convenu de l’innovation verte. Le problème est qu’il développe son argumentation dans la perspective du pic. Il transpose la perspective du pic du pétrole au pic des métaux rares et des terres rares (nécessaires à la production d’énergies renouvelables). Le problème est qu’il est probable qu’on ait le même phénomène sur les terres rares que sur le pétrole. À partir du moment où ça se mettra à coûter cher, on rouvrira des mines, on prospectera, on creusera plus profond, on investira, etc. La question du manque d’énergie a pris une place démesurée alors que celle du changement climatique va se poser bien avant. Il faut laisser les trois quarts des réserves de charbon, de pétrole et de gaz économiquement exploitable pour ne pas dépasser +2°C en 2100. Dire que c’est la nature qui se mettrait à nous imposer des limites, c’est risquer de dépolitiser la question. Il faut qu’on arrive à s’imposer nous même des limites. Le plus déprimant est que le capitalisme extractiviste se porte bien, il peut continuer encore longtemps comme ça, il peut bousiller la planète bien avant de manquer de carburant. La question des limites c’est plutôt des frontières molles qu’on enfonce largement, sans se rendre compte que sur plein de domaines on a déjà passé « des limites » et qu’on continue sur notre lancée, en recevant les effets retours bien plus tard, et de manière différenciée. C’est aussi tout le thème de la collapsologie et d’une certaine décroissance, héritée du choc du pic du pétrole et du Club de Rome. C’est un peu une écologie de « riches », pas forcément au sens négatif du terme ; ce sont les pays riches qui angoissent à l’idée de leur effondrement énergétique. Le pic de certains métaux rares qui empêchera les voitures électriques de rouler, pour un paysan du Bengladesh menacé par la montée des eaux, ce n’est pas très grave.

    #Jean-Baptiste_Fressoz #critique_techno #histoire #énergie #écologie #politique

  • ARCADIA 1.2 | TRANSITION, PIÈGE À CONS ? - JEAN-BAPTISTE FRESSOZ - YouTube
    https://www.youtube.com/watch?v=Etgb4fM6HfI

    En matière d’écologie, la transition énergétique est l’un des grands sujets abordé à longueurs de COPs. Nos sociétés seront-elles capable de basculer d’un régime d’énergies fossiles à un nouveau modèle basé sur les énergies renouvelables ? La question est discutée depuis des décennies, les rapports et les expérimentations concrètes se succèdent mais pour Arcadia, nous avons choisi d’aborder la question autrement. De revenir aux bases. Qu’est-ce qu’une réelle transition énergétique ? Une telle bascule a-t-elle déjà eu lieu dans l’histoire de l’humanité ? Que peut nous raconter l’histoire des énergies face à cet enjeu climatique ? Pour creuser cet angle, nous avons accueilli Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences des technologies et de l’environnement et chercheur au CNRS.

    #arcadia #lemedia #energie #transition

    Merci Lemédia pour ces émissions Arcadia d’« éducation populaire ». Cette deuxième est tout autant intéressante que la précédente.

  • #Jean-Baptiste_Fressoz : « Désintellectualiser la critique est fondamental pour avancer »
    https://www.revue-ballast.fr/jean-baptiste-fressoz-desintellectualiser-la-critique-est-fondamental-

    En un sens, l’#environnement était beaucoup plus important au tournant des XVIIIe et XIXe siècles que pour nous maintenant. Pourtant, malgré ces théories médicales qui faisaient de l’environnement quelque chose de très important, l’industrialisation, avec son cortège inouï de pollution, a bien eu lieu. L’#histoire est plutôt celle d’une désinhibition que d’une prise de conscience. Ce constat s’applique à bien d’autres dimensions, y compris globale. Avec mon collègue Fabien Locher, on achève une enquête au long cours qui retrace tous les savoirs qui ont existé sur le changement climatique depuis le XVIe siècle. Ça peut paraître étrange ou anachronique, mais le #climat a été un lieu central pour penser les conséquences de l’agir humain sur l’environnement, et en retour ce que l’environnement fait sur les humains. C’est un lieu crucial de la réflexivité environnementale des sociétés passées. Depuis le XVIIe siècle et surtout à la fin du XVIIIe, on estime que le déboisement menace le cycle de l’eau, un cycle global reliant les océans à l’atmosphère et au sol, un cycle providentiel, aussi, qui assure la fertilité des régions tempérées. À travers la question du déboisement, celle du changement climatique s’insinue au cœur des préoccupations politiques de l’époque, pour une raison très simple : toute l’énergie ou presque provient justement du bois. Dans les économies que les historiens qualifient « d’organiques », il y a en effet un arbitrage constant à faire entre la forêt et les champs, entre l’énergie pour produire des choses et le grain pour nourrir la population.

  • #Chlordécone : « Les #Antilles françaises comme l’Ukraine et la Biélorussie d’après Tchernobyl »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/06/19/les-antilles-francaises-comme-l-ukraine-et-la-bielorussie-d-apres-tchernobyl

    S’étonner rétrospectivement des conséquences sanitaires d’une molécule bloquant les influx nerveux et issue de la recherche militaire paraît quelque peu hypocrite, explique dans sa chronique l’historien #Jean-Baptiste_Fressoz.

    #paywall #pesticides #agriculture #bananes

  • L’anthropocène, lieu de tensions scientifiques et politiques | Par #Jean-Baptiste_Fressoz
    http://www.liberation.fr/debats/2018/05/15/l-anthropocene-lieu-de-tensions-scientifiques-et-politiques_1650272

    Depuis les années 1980, les sciences du « système Terre » qui sont à l’origine du concept d’#anthropocène promeuvent une vision très particulière de notre planète comme un système certes complexe, mais un système tout de même que l’on peut analyser, décomposer, modéliser et surtout, si nécessaire, maîtriser. Dans un article de Nature de 1999, Hans Joachim Schellnhuber, une des sommités du domaine présentait sa discipline comme une « seconde révolution copernicienne ». Les promoteurs de l’anthropocène se comparent volontiers à Galilée, Darwin ou Pasteur, ils seraient les initiateurs d’une « révolution scientifique », alors même que l’idée de la Terre comme un système possède une longue généalogie que l’on peut, sans exagération, faire remonter aux théories de la Terre du XVIIe siècle.

    Le point n’est pas simplement historique : la prétention à la nouveauté des savoirs sur la Terre est aussi une prétention des savants à agir sur celle-ci. La glorification des « sciences du système Terre », leur capacité à identifier les seuils et les « points de bascule » qu’il ne faut pas franchir sous peine de catastrophe servent surtout à justifier les entreprises les plus démiurgiques de « stabilisation » du « système Terre ». Par exemple : contrer le réchauffement climatique en injectant des particules soufrées dans la haute atmosphère pour renvoyer une partie de l’énergie solaire vers l’espace. A un anthropocène inconscient, succéderait enfin un « bon anthropocène » éclairé par les scientifiques. Et ce n’est pas un hasard si l’inventeur du mot « anthropocène », Paul Crutzen, est aussi un promoteur des techniques de la #géoingéniérie. Le rôle des sciences humaines est aussi de veiller à ce que l’anthropocène ne devienne le discours légitime d’un nouveau géopouvoir.

  • Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse, 2013
    https://sniadecki.wordpress.com/2018/04/24/rmu-fressoz-apocalypse

    Ce livre étudie les racines historiques de la crise environnementale contemporaine. Il s’agit d’une enquête sur le passé de l’agir technique, sur les manières de le penser, de le questionner, de le réguler et, surtout, de l’imposer comme seule forme de vie légitime. Il décortique des pouvoirs, des torsions subtiles du réel et certaines dispositions morales qui, au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, nous ont fait prendre le chemin de l’abîme. Il démontre que le « siècle du progrès » n’a jamais été simplement technophile. L’histoire du risque technologique qu’il propose n’est pas l’histoire d’une prise de conscience, mais l’histoire de la production scientifique et politique d’une certaine inconscience modernisatrice.

    […]

    Dans le troisième volume du Capital, Marx critiquait les conséquences environnementales des grands domaines vides d’hommes de l’agriculture capitaliste qui rompaient les circulations matérielles entre société et nature. Selon Marx, il n’y avait pas « d’arrachement » possible vis-à-vis de la nature : quels que soient les modes de production, la société demeurait dans la dépendance d’un régime métabolique historiquement déterminé, la particularité du métabolisme capitaliste étant son caractère insoutenable 6.

    Il n’y a aucune raison de considérer ces théories avec condescendance, comme un « proto-environnementalisme » préfigurant notre souci écologique, car elles déterminaient des modes de production autrement plus respectueux de l’environnement que les nôtres.

    Par exemple, les historiens commencent à comprendre l’importance fondamentale du recyclage. Dans les années 1860, en France, le chiffonnage, c’est-à-dire la collecte des matières et des objets abandonnés occupait près de 100 000 personnes. Os, chiffons, métaux, tout était revendu et réutilisé. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les excreta urbains firent l’objet d’une valorisation agricole systématique

    […]

    Du point de vue de l’écriture historique, il apparaît donc trompeur de raconter la révolution industrielle comme l’histoire de sociétés modifiant de manière inconsciente leurs environnements et leurs formes de vie, et comprenant a posteriori les dangers et leurs erreurs. Les sociétés passées n’ont pas massivement altéré leurs environnements par inadvertance, ni sans considérer, parfois avec effroi, les conséquences de leurs décisions. La confiance n’allait pas de soi et il a fallu produire de manière calculée, sur chaque point stratégique et conflictuel de la modernité, de l’ignorance et/ou de la connaissance désinhibitrice.

    […]

    L’avantage du détour par l’indétermination est qu’en relativisant la supériorité intrinsèque de l’innovation en débat, il permet de détecter le pouvoir et les moyens de son exercice. Ce livre explicite en détail les forces qui assurent la victoire des systèmes techniques, malgré leurs dangers, malgré les oppositions et malgré la conscience que l’on avait de ces dangers. J’ai voulu comprendre pourquoi, pour qui et contre qui, en se fondant sur quels savoirs et en dépit de quels savoirs, sont advenues les techniques qui ont produit notre modernité et la crise environnementale contemporaine.

    https://archive.org/download/RMU043FressozApocalypseJoyeuse1/RMU_043_FressozApocalypseJoyeuse1.mp3

    #Jean-Baptiste_Fressoz #écologie #Histoire #environnementalisme #risque #société_du_risque #critique_techno #innovation #acceptabilité
    #audio #radio #Radio_Zinzine

  • Jean-Baptiste Fressoz, Pour une lecture politique des systèmes énergétiques, 2014
    À propos de Timothy Mitchell, Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole, traduit de l’anglais par Christophe Jaquet, Paris, La Découverte, 2013
    https://sniadecki.wordpress.com/2018/04/05/fressoz-mitchell

    Le livre tire sa force de son attention aux formes matérielles de la production : le charbon (contrairement au pétrole) doit être extrait des mines morceau par morceau, chargé dans des convois, transporté par voie ferrée ou fluviale, puis chargé de nouveau dans des fourneaux, fourneaux que des chauffeurs doivent alimenter, surveiller et nettoyer. La pesanteur du charbon donnait ainsi aux mineurs le pouvoir d’interrompre le flux énergétique alimentant l’économie. Leurs revendications, jusqu’alors constamment réprimées, durent enfin être prises en compte : à partir des années 1880, les grandes grèves minières contribuèrent à l’émergence de syndicats et de partis de masse, à l’extension du suffrage universel et à l’adoption des lois d’assurance sociale. Une fois prise en compte l’affinité historique entre charbon, démocratisation et avancées sociales, la transition énergétique vers le pétrole prend un sens politique intéressant. Par exemple, selon l’auteur, l’un des objectifs du plan Marshall était d’affaiblir les syndicats de mineurs pour ancrer l’Europe de l’Ouest dans le camp occidental. Les fonds de l’European Recovery Program servirent ainsi à l’achat de pétrole (premier poste de dépense), à la construction de raffineries ou au développement de l’industrie automobile. Pipelines et tankers, en réduisant les ruptures de charge, créaient un réseau énergétique beaucoup moins intensif en travail, plus flexible et résolument international. L’approvisionnement énergétique du capitalisme industriel, dorénavant global (dans les années 1970, 80 % du pétrole était exporté), rendait ce dernier beaucoup moins vulnérable aux revendications des travailleurs nationaux.

    #démocratie #énergie #charbon #pétrole #Histoire #mouvements_sociaux #politique #flux #gestion_des_flux #Jean-Baptiste_Fressoz #Timothy_Mitchell #recension

  • Radio : Anthropocène ou capitalocène ? | Et vous n’avez encore rien vu...
    https://sniadecki.wordpress.com/2017/07/25/rmu-capitalocene

    Dans la série Racine de Moins Un, émission de critique des sciences, des technologies et de la société industrielle, je vous propose d’écouter deux conférences qui traitent de l’anthropocène, période géologique durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau que l’activité humaine est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère. Ce terme a été proposé par le météorologue et chimiste de l’atmosphère Paul Crutzen, prix Nobel de chimie en 1995, pour désigner une nouvelle époque géologique, qui aurait débuté selon lui à la fin du XVIIIe siècle avec la révolution industrielle.

    Dans la première émission, l’anthropologue Philippe Descola discute la notion d’anthropocène à la lumière de sa discipline. A cette occasion, il évoque des réformes de nos manières de penser qui pourraient conduire à de nouvelles manières d’être au monde, à d’autres manière d’inclure la nature dans notre organisation sociale et nos représentations culturelles (pistes qu’il a déjà explorés avec son ouvrage Par delà nature et culture, éd. Gallimard, 2005). Et notamment, il cherche de nouvelles modalités de créer des communaux qui dépassent l’individualisme possessif et la vision anthropocentrique de la nature qui sont propres à l’Occident.

    https://ia600604.us.archive.org/22/items/RMU027AnthropoceneDescola/RMU_027_AnthropoceneDescola.mp3

    Dans la seconde émission, les historiens Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz présentent la notion d’anthropocène de manière critique, en montrant que les discours scientifiques dépolitisent la crise écologique en occultant les rapports de domination et d’exploitation entre les humains et en la reliant aux échanges inégaux de ressources entre nations. L’anthropocène devrait donc plus justement être qualifiée de capitalocène (voir leur ouvrage L’événement Anthropocène, la Terre, l’histoire et nous, éd. du Seuil, 2016).

    https://archive.org/download/RMU028AnthropoceneBonneuilFressoz/RMU_028_AnthropoceneBonneuilFressoz.mp3

    Jean-Baptiste Fressoz, L’Anthropocène et l’esthétique du sublime, 2016
    https://sniadecki.wordpress.com/2017/07/25/fressoz-sublime

    #audio #radio #Racine_de_moins_un #anthopocène #capitalocène #écologie #Jean-Baptiste_Fressoz #Philippe_Descola #anthropologie
    @sinehebdo

  • Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse et l’anthropocène, 2013
    https://sniadecki.wordpress.com/2017/07/19/fressoz-vacarme

    Quand il se penche sur la planète et son histoire, Jean-Baptiste Fressoz interroge non seulement les éblouissements du progrès technique et les ruses déployées pour en masquer les dangers, mais aussi les ruptures épistémologiques trop brillantes, qui veulent opposer une modernité insouciante des dégâts qu’elle causait à la Terre à une post-modernité qui en aurait pleinement conscience. Contre l’occultation de la réflexivité environnementale des sociétés passées et la promotion de lumières écologiques contemporaines, plus aveuglantes que réellement « vertes », il propose une re-politisation de l’histoire à l’aune de l’écologie.

    Vacarme : Comment vous êtes-vous intéressé à l’histoire environnementale ?

    Jean-Baptiste Fressoz : Je voulais remettre en cause le discours assez complaisant et très énervant qui voudrait que les questions environnementales soient l’objet d’une prise de conscience récente, parallèle à leur médiatisation croissante. Dans le jargon philosophico-sociologique actuel cela s’appelle la réflexivité. On serait entré depuis peu seulement dans une nouvelle phase de la modernité dite réflexive.

    #écologie #Histoire #Jean-Baptiste_Fressoz #Vacarme #interview #réflexivité

  • L’Anthropocène et l’esthétique du sublime | par #Jean-Baptiste_Fressoz
    http://mouvements.info/sublime-anthropocene

    Au début des années 2000, le #sublime de l’#Anthropocène occupe également une fonction idéologique. Alors que les classes intellectuelles se convertissent au souci écologique, alors qu’elles rejettent les idéaux modernistes de maîtrise de la nature comme has been, alors qu’elles proclament « la fin des grands récits », la fin du progrès, de la lutte des classes, etc., l’Anthropocène procure le frisson coupable d’un nouveau récit sublime. Sur un fond d’agnosticisme quant au futur, l’Anthropocène paraît donner un nouvel horizon grandiose à l’humanité tout entière : prendre en charge collectivement le destin d’une planète. Dans le contexte idéologique terne de l’écologie politique, du développement durable et de la précaution, penser le mouvement d’une humanité devenue force tellurique paraît autrement plus excitant que penser l’involution d’un système économique. Au fond le sublime de l’Anthropocène rejoue assez exactement la scène finale du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick, 2001 l’Odyssée de l’espace : l’embryon stellaire contemplant la terre figurant parfaitement l’avènement d’un agent géologique conscient, d’un corps planétaire réflexif. Et c’est bien pour cela que l’Anthropocène fait tressaillir théoricien·ne·s, philosophes et artistes en herbe : il semble désigner un événement métaphysique intéressant.