#jennifer_doudna

  • Troisième sommet international sur l’édition du génome humain 2

    Et toujours pendant ce temps-là, le troisième sommet international pour l’#eugénisme et le #transhumanisme - euh, non, pardon, le troisième sommet international sur l’édition du #génome_humain - se déroule tranquillement à Londres...

    Les thérapies génétiques à venir soulèvent de graves questions éthiques, avertissent les experts

    The Guardian - 6 Mars 2023.

    L’un des plus grands risques des outils d’édition génétique « est que les personnes qui en bénéficieraient le plus ne puissent pas y avoir accès ».

    La prochaine génération de thérapies génétiques avancées soulève de profondes questions médicales et éthiques qui doivent être résolues afin de garantir que les patients et la société bénéficient de cette technologie qui change la donne, a averti un groupe d’experts de renommée mondiale.
    Les médicaments basés sur de puissants outils d’édition de gènes commenceront à transformer le traitement des troubles sanguins, des affections cardiaques, oculaires et musculaires, voire des maladies neurodégénératives avant la fin de la décennie, mais leur coût les rendra inaccessibles à de nombreux patients.
    Des essais d’édition de gènes sur des embryons suivront probablement, selon les chercheurs, et bien que la procédure ait des applications cliniques limitées, certains craignent que les cliniques de fertilité n’adoptent la technologie et n’offrent des services d’édition de gènes qui alimentent "un nouveau type de techno-eugénisme".
    S’exprimant avant le troisième sommet international sur l’édition du génome humain, qui débute lundi à l’Institut Francis Crick de Londres, la professeure #Jennifer_Doudna, qui a partagé le prix Nobel de chimie 2020 pour l’édition de gènes, a déclaré :
    « Nous verrons certainement des thérapies génomiques pour les maladies cardiaques, les maladies neurodégénératives, les affections oculaires et d’autres encore, et peut-être aussi des thérapies préventives. »
    Elle a toutefois lancé un avertissement :
    « L’un des risques les plus importants et les plus réalistes est que les personnes qui pourraient en bénéficier le plus ne soient pas en mesure d’y accéder ou d’en payer le prix. »
    Mme Doudna et les autres experts qui ont parlé au Guardian font partie du comité d’organisation du sommet, mais ont fait part de leurs réflexions à titre personnel.
    La professeure Françoise Baylis, philosophe à l’université Dalhousie au Canada, a déclaré que le coût des nouvelles thérapies serait prohibitif pour une grande partie de la population mondiale, une situation qui pourrait « menacer sérieusement » l’aspiration de tous les humains à naître égaux.
    Les experts, qui vont des généticiens aux chercheurs en santé publique en passant par les bioéthiciens et les philosophes, s’attendent à ce qu’une vague de thérapies d’édition de gènes arrive dans les cliniques au cours des cinq prochaines années environ. Ces thérapies corrigeront les mutations à l’origine de maladies dans les tissus et les organes des patients et deviendront de plus en plus sophistiquées à mesure que les chercheurs trouveront le moyen d’effectuer plusieurs modifications à la fois et d’atteindre des zones difficiles telles que les parties du cerveau touchées par les maladies neurodégénératives. Les autorités réglementaires des États-Unis, de l’Europe et du Royaume-Uni pourraient approuver la première thérapie d’édition du génome dans le courant de l’année, un traitement contre la drépanocytose (anémie falciforme ), un trouble de la coagulation sanguine.
    La même technologie ouvre la voie à des thérapies visant à améliorer les êtres humains en bonne santé, pour les rendre plus rapides, plus intelligents, plus forts ou plus résistants aux maladies, bien que l’amélioration soit plus délicate que la réparation d’un seul gène défectueux, selon le professeur Ewan Birney, codirecteur de l’Institut européen de bioinformatique, près de Cambridge. Il est beaucoup plus difficile de savoir quelles sont les modifications qui vont « améliorer » plutôt que « réparer », a-t-il déclaré.
    Quoi qu’il en soit, certains considèrent cette évolution comme inévitable. Le professeur Mayana Zatz, de l’université de São Paulo, au Brésil, et fondatrice de l’Association brésilienne de la dystrophie musculaire, s’est déclarée "absolument contre la modification des gènes à des fins d’amélioration", mais a ajouté : « Il y aura toujours des gens prêts à payer pour cela dans des cliniques privées et il sera difficile d’y mettre un terme ». Mme Baylis estime que l’amélioration génétique est « inévitable » parce que beaucoup d’entre nous sont des « capitalistes grossiers, désireux d’embrasser le biocapitalisme ».
    Le précédent sommet, qui s’est tenu à Hong Kong en 2018, a été entaché d’une controverse lorsque le scientifique chinois Jiankui He a révélé qu’il avait modifié l’ADN de trois embryons qui se sont développés en bébés, y compris des sœurs jumelles nommées Lulu et Nana. Il avait l’intention d’immuniser les enfants contre le VIH, mais la communauté scientifique l’a vivement dénoncé comme étant imprudent. Il a été emprisonné pendant trois ans pour avoir enfreint les lois chinoises, mais a depuis cherché à relancer sa carrière.
    Certains experts qui ont parlé au Guardian ont déclaré que l’édition de gènes pourrait être suffisamment sûre pour être testée sur des embryons humains dans les 10 à 20 prochaines années, bien que le professeur Luigi Naldini, thérapeute génique à l’université Vita-Salute San Raffaele de Milan, ait déclaré que les thérapies de niche pourraient « techniquement » être prêtes dans les cinq années à venir.
    Ces traitements viseraient à prévenir les maladies héréditaires dévastatrices, notamment celles qui sont fatales dans les premières années de la vie. Les généticiens soulignent toutefois qu’il existe presque toujours d’autres solutions, telles que le dépistage génétique des embryons issus de la FIV, l’adoption, les ovules ou le sperme de donneurs. L’une des raisons qui incitent à la prudence est que ce que l’on appelle l’édition de la lignée germinale dans les embryons modifie l’ADN dans le sperme ou les ovules de l’adulte qui en résulte, ce qui signifie que toute modification - y compris les erreurs - est transmise aux générations futures. Une autre solution actuellement à l’étude consiste à effectuer des modifications génétiques sur des fœtus dans l’utérus.
    À des millions de dollars l’injection, l’édition de gènes est aujourd’hui d’un coût prohibitif. Mais si les coûts baissent considérablement dans les décennies à venir, les cliniques de FIV risquent de commencer à proposer ces services, que les avantages soient prouvés ou non. Les futurs parents pourraient se sentir obligés d’y recourir pour donner à leur enfant « la meilleure vie possible », a déclaré M. Baylis, alimentant ainsi un « nouveau type de techno-eugénisme ». M. Birney pense que les cliniques pourraient proposer des offres combinées de FIV, de sélection d’embryons et d’édition de gènes, mais prévient que cela serait « malavisé ». « Il est important que les pays réfléchissent à la manière de réglementer cette pratique avant qu’elle ne devienne une perspective plus crédible », a-t-il déclaré.
    Malgré ces avancées, le professeur Alta Charo, bioéthicien à l’université du Wisconsin-Madison, pense que la plupart des gens continueront à avoir des enfants à l’ancienne. « Le plus grand risque que je vois actuellement est que le débat autour de l’édition de la lignée germinale continue à présenter ces visions dystopiques comme réalistes », a-t-elle déclaré. « La FIV est inconfortable, gênante et coûteuse. Je ne vois pas les gens abandonner la conception par les moyens plus agréables que sont les rapports sexuels, à moins qu’il n’y ait un réel besoin ».

    https://www.theguardian.com/science/2023/mar/06/forthcoming-genetic-therapies-serious-ethical-questions-experts

  • Le génie génétique face au risque eugéniste

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/11/30/le-genie-genetique-face-au-risque-eugeniste_4820662_1650684.html

    En février 1975, un groupe de 150 scientifiques se réunissait à huis clos au centre de conférences d’Asilomar, près de Monterey (Californie), pour réfléchir aux techniques d’assemblage d’ADN d’espèces différentes qui venaient d’être découvertes aux Etats-Unis. De cette rencontre, il était sorti non pas un moratoire sur le génie génétique, mais un cadre rigoureux pour la sécurité des expériences et l’interdiction d’utiliser des organismes dangereux pour l’espèce humaine. C’était la première tentative d’autorégulation de la communauté scientifique. «  La convention constitutionnelle de la biotechnologie », décrit le New ­Yorker dans son édition du 16 novembre. ­Redoutant que des bactéries génétiquement modifiées ne se dispersent dans l’environnement, les chercheurs s’autocensuraient.

    Perspectives vertigineuses

    Quarante ans plus tard, alors que ces craintes ont fait place au spectre du «  bébé sur mesure  », un sommet international se tient à Washington du 1er au 3 décembre sur la modification du génome humain, à l’initiative des Académies nationales de sciences et de médecine des Etats-Unis. La communauté scientifique prend acte de l’emballement de la technologie sur l’«  édition  » du génome et des perspectives vertigineuses qu’ouvre la diffusion des expériences hors des labos traditionnels. Contrairement au huis clos d’Asilomar, elle entend cette fois associer le public à ses interrogations. Un nombre limité de journalistes seront admis à la conférence, mais les interventions seront retransmises en ligne.

    (...)

    Pour les critiques, c’est la « civilisation » ​elle-même qui est en jeu si rien n’est fait pour interdire à l’échelle de la planète les expériences sur les cellules germinales aboutissant à des modifications transmissibles aux enfants et aux futures générations, c’est-à-dire à la création d’humains génétiquement modifiés. Ceux-là, comme les membres du Center for Genetics and Society, de Berkeley, craignent le glissement de la thérapeutique à l’« augmentation » des capacités humaines dont rêvent les transhumanistes.

    Crispr-CAS9, le nouveau « jouet » de biosynthèse

    « Nous voulons être sûrs que la technologie soit utilisée pour traiter les maladies et non pour créer des surhommes », explique Marcy Darnovsky, la directrice de l’organisation, qui est également l’une des représentantes de la société civile à la conférence de Washington. « L’évolution travaille à optimiser le génome humain depuis quelque 3,85 milliards d’années, met en garde Francis Collins, le directeur du National Institutes of Health, l’institution de référence de la médecine américaine, sur le site d’informations spécialisées Stat. Croyons-nous vraiment qu’un petit groupe de bricoleurs du génome pourrait faire mieux sans entraîner toutes sortes de conséquences imprévisibles ? »

    Le sommet intervient à un moment de grande agitation dans le milieu de la biosynthèse. Excitation devant les promesses offertes depuis 2012 par le nouveau « jouet » : ​Crispr-CAS9, l’outil qui révolutionne l’ingénierie génétique en permettant d’effectuer en quelques jours des modifications qui prenaient une thèse de doctorat entière. Un nom abscons (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats) pour une technologie qui revient à insérer ou éliminer un gène comme un simple copier-coller. Fébrilité à l’idée de ne pas en être alors que les chercheurs font miroiter la possibilité d’éradiquer le paludisme, d’éliminer la stérilité masculine, de greffer des organes de cochons modifiés sur les humains (un chercheur a aussi agité la possibilité de modifier le génome de l’éléphant pour ressusciter le mammouth). Et vertige devant les possibilités de dérapages.

    « Dans la communauté, il y a une crainte ​de perte de contrôle », explique Eleonore Pauwels, du projet sur la biologie de synthèse du Woodrow Wilson Center, un institut de politiques publiques financé par le gouvernement américain. Les scientifiques occidentaux s’inquiètent des intentions des ​Chinois (craintes renforcées depuis que l’université Sun Yat-sen a annoncé des expériences sur des embryons humains, certes non viables, en avril 2015). « La Chine fait énormément de séquençage de plantes, d’animaux, d’êtres humains. Elle est vue comme un acteur qui pourrait ne pas jouer le jeu », ajoute l’analyste. Selon les débats préparatoires à la conférence, un millier de laboratoires chinois travaillent déjà avec la technique Crispr. Grande différence avec Asilomar, Pékin est d’ailleurs associé à la conférence, par l’intermédiaire de l’Académie chinoise des sciences.

    Kit pour modification génomique

    Autre source d’inquiétude : la dispersion potentielle de la technique. Crispr-CAS9 (CAS9 est la protéine associée) est réputé être accessible à tout étudiant en biologie. « Que le monde soit prêt ou pas, les organismes synthétiques − virus augmentés de la grippe ou embryons génétiquement modifiés − existent déjà. Même s’ils sont détruits, les instructions pour les créer se trouveront inévitablement sur Internet », s’inquiète le magazine Nature. Sur la plateforme de financement participatif Indiegogo, on trouve un projet de kit pour modification génomique. « Et si vous aviez accès à des outils de biologie de synthèse comme Crispr ? », invite le site, une initiative de Josiah Zayner, un docteur en biologie moléculaire qui collabore à la NASA et entend « démocratiser la science pour que tout le monde y ait accès ».

    Ces « laboratoires communautaires » ne sont pas sans susciter l’inquiétude du FBI. L’un de ses agents, Edward You, de l’unité biologie du directorat des armes de destructions massives, est bien connu du milieu. On pouvait le croiser début novembre à la conférence organisée par SynBioBeta, l’organisation financée par l’industrie des biotechnologies, à San Francisco. Il était venu assurer auxchercheurs que « le gouvernement est là pour les aider » à limiter les « risques potentiels » et à opérer « en toute sécurité ».

    A l’inverse, les financiers salivent à la perspective de pommes qui ne noircissent pas ou de pesticides rendus inoffensifs pour l’homme, en attendant de pouvoir le faire plus ouvertement à propos de modifications du génome humain. Ils viennent de remporter une victoire : après dix-neuf ans d’efforts, le saumon génétiquement modifié pour grossir à vitesse accélérée vient d’être approuvé pour la consommation humaine aux Etats-Unis − premier animal dans ce cas. D’après Paul Berg, l’un des instigateurs d’Asilomar, c’est la différence avec les années 1970. A l’époque, relevait-il dans un texte de 2008 publié par Nature, les chercheurs étaient principalement issus d’institutions publiques. Maintenant, beaucoup de scientifiques choisissent le privé, où le principe de précaution n’est pas tout à fait le même. « On n’a pas arrêté le développement de l’électricité parce qu’il y avait un risque d’incendies », insistait le bio-entrepreneur Michael Flanagan. « Notre travail, c’est de préserver le droit à l’innovation », ajoutait Catherine Barton, ingénieure environnementaliste chez DuPont, le géant de l’agrotechnologie.

    Pente glissante

    Au printemps, Jennifer Doudna a plaidé, dans le magazine Science, pour un moratoire temporaire sur les expériences sur le génome de l’embryon, une initiative qui ne fait pas l’unanimité car elle pourrait conduire à limiter les financements. Dans le New Yorker, la biologiste fait part de ses états d’âme. « Quand j’aurai 90 ans, est-ce que je serai satisfaite de ce que nous avons accompli avec cette technologie ? Ou est-ce que je souhaiterai n’avoir jamais découvert comment elle
    fonctionne ? »

    La communauté scientifique est divisée quant à l’évaluation des risques par rapport aux bénéfices. Les uns soulignent qu’aucun des scénarios de cauchemar des années 1980 ne s’est réalisé et que les techniques qui effrayaient l’opinion, comme la fertilisation in vitro, sont aujourd’hui monnaie courante. Marcy Darnovsky réfute cet argument. « La fertilisation in vitro ne modifiait pas l’être humain pour des générations. »

    La bioéthicienne craint « la stratification sociale » qu’entraînerait inévitablement un laisser-faire généralisé sur le génome : seuls les plus fortunés pourraient avoir accès à l’« amélioration » de leur progéniture. Pour le professeur Paul Knoepfler, du département de biochimie de l’université de Californie à Davis, la pente est glissante. « Il y a déjà des exemples de chiens et de cochons aux muscles génétiquement renforcés. Cela pourrait être une tentation irrésistible pour certains parents. Si nous allons sur ce terrain, il sera difficile de conserver la confiance du public. »

    Mais la technologie Crispr est « très séduisante », reconnaissent les chercheurs. Pour Eleonore Pauwels, tel est l’enjeu du sommet de Washington : « Parviendrons-nous à contrôler notre hubris devant la tentation de transformer − et contrôler − une mécanique aussi complexe que le génome humain ? »

  • Lettre ouverte à Emmanuelle Charpentier

    Il y a trois ans, les scientifiques #Emmanuelle_Charpentier (France) et #Jennifer_Doudna (USA) ont découvert une molécule capable de remplacer facilement des séquences d’ADN, y compris sur les cellules reproductrices. Avec l’enzyme #CRISPR-Cas9, modifier l’ADN de n’importe quel être vivant devient presque aussi simple qu’un copier-coller. [...]

    Madame,
    J’ai lu dans le magazine Pour la science n°456 d’octobre 2015 votre article intitulé “CRISPR-Cas9 l’outil qui révolutionne la génétique”. C’est très intéressant, vous avez mis au point un bel outil moléculaire pour faire vraiment n’importe quoi avec le génome des êtres vivants. Félicitations !

    Vers la fin de votre article entre les inévitables « questions éthiques » et l’indispensable « cadre législatif » que cet outil appelle, vous avez jugé bon de glisser cette phrase :

    « A plus long terme, toute cellule et tout organisme seront susceptible d’être modifiés en utilisant Cas-9, ultime étape de la #domestication du vivant engagée par notre espèce il y a plus de 10 000 ans. »

    Mais oui, bien sûr. Les #OGM ne sont que ce que le paysan fait depuis toujours dans son champ ou avec ses bêtes (c’est d’ailleurs pourquoi il y a des brevets là-dessus ?), et l’industrie nucléaire n’est que l’ultime étape de la domestication du feu engagée par l’humanité depuis le néolithique. Rien de neuf sous le soleil… Tout va bien madame la Marquise, tout va très bien…

    Et peut-être allez-vous verser les royalties de votre brevet à la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) ?

    Lire la suite sur : http://sniadecki.wordpress.com/2015/10/15/louart-crispr-cas9

    #scientisme, #biologie, #technoscience, #critique_techno