#john_stoltenberg

  • #John_Stoltenberg : Le pourquoi de l’oppression
    https://tradfem.wordpress.com/2021/03/21/le-pourquoi-de-loppression

    Voici un récit à propos du pire récit jamais raconté.

    C’est celui que l’on vous raconte s’il a été décidé à votre naissance que vous deviez grandir pour devenir un vrai garçon et, un jour, un vrai homme. Cette décision a été prise à la va vite, après une simple inspection visuelle de votre entre-jambes de nouveau-né. Et personne ne vous a demandé votre avis puisque vous veniez tout juste de naître. Pourtant, cette décision allait déterminer une grande partie de votre vie, peut-être même sa plus grande partie.

    Vous connaissez tous ce récit : d’abord être un vrai garçon pour ensuite devenir un vrai homme.

    Si vous faites partie de ceux à qui on a raconté ce récit, non seulement on vous l’a raconté, mais on vous a appris à le raconter aux autres pour que vous puissiez vous le raconter à vous-même. Si vous avez bien appris le récit, vous devrez le raconter aux autres et à vous-même, incessamment, pour le reste de votre vie. Et ce récit n’est pas seulement le vôtre. Il est raconté presque partout, presque tout le temps, tout autour de vous.

    J’appelle ce récit le Code Alpha.

    Le Code Alpha ressemble au système d’exploitation d’un ordinateur personnel, comme un code de programmation qui traite l’information et prend des décisions selon une certaine logique. L’ordinateur est un objet bien réel, mais c’est le système d’exploitation qui lui dit comment penser. Il en est de même pour vous : vous existez dans un corps humain bien réel, mais une partie de votre fonctionnement obéit à la logique du Code Alpha :

    D’abord être un vrai garçon, et ensuite un vrai homme.

    John Stoltenberg, militant de longue date contre la violence sexuelle et philosophe féministe radical du genre, est l’auteur de Refuser d’Être un Homme : Essais sur le Sexe et la Justice , un examen radical de l’identité sexuelle masculine, et Peut-on être homme sans faire le mâle ? , un guide pratique de la vie d’un homme de conscience. John est également l’auteur de nombreux articles et essais parus dans des anthologies, dont « How Power Makes Men : The Grammar of Gender Identity », dans Men and Power, « Having Sex Outside the Box » dans Male Lust, « Healing From Manhood : A Radical Meditation on the Movement from Gender Identity to Moral Identity » dans Feminism and Men, et « Top Ten Ways the Campus Movement Against Sexual Violence Is Misunderstood » dans Just Sex : Students Rewrite the Rules on Sex, Violence, Equality & Activism. Il a conçu et dirigé la campagne médiatique acclamée de prévention du viol « My Strength Is Not for Hurting ». Parmi ses nombreux essais en ligne, citons « Why Talking About ‘Healthy Masculinity’ Is Like Talking About ‘Healthy Cancer’ », « Sexual Harassment and #MenToo : The Five Stages of Belief », et « 50 Years of Gender Bending and Sex Changing ». Avec la féministe trans Cristan Williams, il contribue à The Conversations Project sur des sujets de féminisme radical inclusif. Il est également romancier (GONERZ), dramaturge, consultant en communication et critique de théâtre. Il vit à Washington, DC, et tweete sous l’étiquette @JohnStoltenberg.

    Version originale : https://johnstoltenberg.medium.com/why-human-oppression-happens-5c642733415e
    Traduit par Ana Minski pour TRADFEM. Tous droits réservés à John Stoltenberg.

  • Résumé de Refuser d’être un homme de John Stoltenberg - Crêpe Georgette
    http://www.crepegeorgette.com/2013/10/09/virilite-stoltenberg

    On en arrive donc au fait suivant ; l’homme viole et la femme en est blâmée. Une homme viole une femme, elle en est responsable donc le viol n’est pas un viol. S’en suit un témoignage où une victime de viol rapporte les propos de son violeur « ne me force pas à te faire mal » qui est une des phrases typiques qu’on entend dans des cas de viol ou de violence conjugale. La victime est directement rendue responsable de ce qu’on lui a fait. Comme le dit Stoltenberg « Violer c’est bien. Se faire violer c’est mal ».

    Dans le chapitre suivant, Stoltenberg parle de l’humanité comme une espèce multisexuée ou hommes et femmes n’existent pas. Il cite Dworkin qui écrivait en 74 (et c’est pourquoi il faut lire Dworkin - enfin si elle était traduite en français - qu’on soit ou non d’accord avec elle parce qu’elle a initié quasi toutes les réflexions féministes actuelles) « Nous sommes, clairement, une espèce multisexuée, dont la sexualité s’étale sur un vastes continuum où les éléments appelés homme et femme sont imprécis ». Stoltenberg parle un peu plus de lui dans ce chapitre ; de sa joie à comprendre que la masculinité n’existe pas, alors qu’il a tout le temps senti qu’il n’arrivait pas à être assez masculin, qu’il ne correspondait pas à l’image traditionnelle de l’homme et qu’il en souffrait.
    Il dit alors « les pénis existent ; le sexe masculin, non. le sexe masculin est socialement construit. C’est une entité politique qui ne s’affirme qu’au moyen de force et de terrorisme sexuel » (on dirait « genre » à la place de « sexe masculin » aujourd’hui).
    Je fais un bref aparté sur ce passage qui, je l’imagine, va en scandaliser plus d’un-e. On sait qu’il existe des crimes sexospécifiques comme le viol ou la violence conjugale. On sait que la majorité des gens emprisonnés sont des hommes. On sait que la majorité des suicidés sont des hommes. On peut penser qu’il s’agit de coïncidences, de cas isolés. On peut penser que c’est du « à la nature » ou on peut se dire que la virilité, la masculinité sont parties prenantes là-dedans et causent des meurtres, des viols, des blessures y compris au sein même de la classe hommes. Tous les hommes qui ne sont pas rentrés dans les modèles traditionnels de la virilité (et qui ont cessé de s’en culpabiliser ce qui est très difficile) ont d’ailleurs bien compris que ce n’est pas eux le problème. Tous les hommes traités de « tapette », de « pd », de « femmelette », de « fille », parce qu’ils n’étaient pas considérés comme assez virils ont bien compris que c’est la virilité qu’il faut détruire et pas eux qui sont anormaux. La virilité ne peut pas être reconstruite car il y aura toujours des gens à la marge ; cela serait comme déconstruire la blancheur dont on parlait plus haut. La virilité et la blancheur et l’hétérosexualité (les 3 en tant qu’identités politiques) n’existent qu’en assujettissant l’autre, ils sont donc à détruire, à abolir et pas à reconstruire.

    • le résumé est presque plus clair que le bouquin, qui m’a quand même semblé traduit avec les pieds, quoique possible aussi que le langage employé soit chelou, ou novateur...

      Bref, un truc qui n’est pas dit ici, et qui me semble intéressant, c’est quand Stoltenberg parle de « l’érotisme de la petite enfance ».

      Pour donner un exemple frappant, lors de l’allaitement, on peut légitimement ressentir des trucs chelou en se faisant sucer les tétons. Après, on peut encore ressentir des trucs chelou en jouant avec son gosse. On peut alors se sentir salement paniqué par ces trucs chelou ou, pire, commencer à les confondre avec des trucs qui appartiendrait à la sexualité masculine.

      Je ne sais pas si je suis clair. Il y a un « érotisme de la petite enfance » qu’il s’agit d’accepter, en tout cas si on veut s’occuper de son gosse dès le début. Typiquement, la virilité bloque ou empêche ou rend impossible ou dangereux l’accès à cette « tendresse », cette « sensualité » qui ne va pas plus loin qu’elle-même, ou disons plutôt qu’il va falloir limiter, bien sûr, avec, par exemple, un minimum de bon sens, du moins si on n’a pas décidé d’être une crapule.

      Pour précision, à mon sens, il s’agit pas du tout d’un discours pédo.

      Simplement il faut faire face à cet « érotisme », et cela peut-être très difficile, voire impossible, à la fois pour des gens qui ont vécu des sales trucs et pour des mecs qui se vivent en violeur-viril-sadique h24.

  • #Francine_Sporenda interviewe un proféministe québécois
    https://tradfem.wordpress.com/2020/05/26/francine-sporenda-interviewe-un-profeministe-quebecois

    Francine SPORENDA : Vous êtes un des traducteurs de Refusing To Be A Man de John Stoltenberg (« Refuser d’être un homme »), et cette traduction vient de sortir en librairie en France. Pourtant ce livre a été publié aux États-Unis il y a plus de 20 ans. De même, il a fallu attendre plusieurs décennies pour que d’autres ouvrages féministes majeurs, comme ceux d’Andrea Dworkin, soient enfin traduits en Français. Et dans les deux cas, ce sont des Québécois qui ont traduit et publié ces ouvrages.

    Pourquoi cette « hardiesse » des Canadiens francophones vis à vis des grands textes féministes anglophones–et pourquoi cette frilosité française ?

    #Martin_Dufresne : Paradoxalement, nous avons la chance au Québec d’être doublement colonisés, au confluent des influences de l’Europe et des États-Unis, et donc relativement libres de retenir le meilleur de chacune, de ressentir des interférences inouïes chez vous ou en Amérique et un certain irrespect pour la Culture du Père, qu’il siège au Collège de France ou au Pentagone. Les Australiennes me semblent faire preuve de la même liberté face au féminisme britannique, plus assujetti aux codes médiatiques et universitaires. Par exemple, elles ont tout de suite acheté les droits du révolutionnaire essai L’être et la marchandise de la Suédoise Kajsa Ekis Ekman, que boudaient les éditeurs britanniques.

    Il y a pourtant eu en France des percées inouïes des textes fondateurs du féminisme américain. Kathleen Barry me dit que c’est Renée Bridel qui a servi de “passeuse” pour la publication de Shulamith Firestone, Kate Millett et Barry elle-même chez Stock au début des années 1970 – des livres qu’on trouve encore aujourd’hui dans toutes les bibliothèques des femmes d’ici.

    Mais dès la publication de : « Le viol« de Brownmiller et l’apparition des organisations anti-violence sexuelle, la gauche et les libéraux se sont braqués contre un féminisme qui menaçait les privilèges des mecs. Dans le cas d’Andrea Dworkin – et avec elle John Stoltenberg et les nombreuses féministes qui ont déconstruit la crédibilité du porno – en descendant dans les rues – tout l’establishment du livre, du magazine, du cinéma, bref de l’entertainment s’est ligué pour les censurer : ce fut, au milieu des années 80, les fameuses sex wars lancées par les adeptes du sadisme, tendance qui s’éternise aujourd’hui dans l’idéologie queer. Les libertariens sexuels ont dès lors fait aux critiques de la pornographie (et de la prostitution) un faux procès de puritanisme et surtout d’“essentialisme”.

    Version originale : https://www.isabelle-alonso.com/martin-dufresne

    #proféministe #john_stoltenberg #andrea_dworkin #ressac_masculiniste #féminisme_radical

  • #Thérèse_Lamartine : Qui a peur d’Andrea Dworkin ? (Une recension de Thérèse Lamartine, publiée dans la revue québécoise Nuit Blanche)
    https://tradfem.wordpress.com/2018/08/16/qui-a-peur-dandrea-dworkin

    Quelque trente ans après la parution de ses ouvrages essentiels, on aurait pu croire que son œuvre avait pris quelques rides. Il n’en est rien. Andrea Dworkin demeure une figure capitale de la pensée féministe radicale, à la source de la deuxième vague, la plus puissante des trois que compte maintenant le mouvement des femmes.

    Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas nous offre quatorze textes expurgés de tout compromis, de toute faiblesse, de tout sentimentalisme. Il n’est pas innocent que l’anthologie s’ouvre sur Premier amour, révélateur de la trajectoire intime de l’écrivaine qui connaît avec un jeune Grec les plaisirs et les dérives de la chair, ses ascensions lumineuses et ses descentes en enfer. Saisie par ce qu’elle nomme une pulsion d’advenir, elle parvient à s’arracher du lien fusionnel où se meurt son pouvoir créateur.

    Doté d’une « immense ambition de vivre, de savoir, de sentir », cet être humain né avec un vagin et en raison de cette seule caractéristique, sera par la suite violé, battu par un conjoint, parfois réduit à la quasi mendicité, ce qui le mène à troquer son sexe pour un toit. Corps et âme à l’agonie, voilà que, mû par une force secrète, cet être se relève, trempe sa plume dans le sang de son aliénation, et construit une des œuvres fondatrices des luttes contre les systèmes d’oppression d’humain à humain. Andrea Dworkin, celle qui a tout vécu, saura désormais, sinon tout écrire, explorer avec un sang-froid et une lucidité indéfectibles les espaces les plus funestes où les femmes sont tenues prisonnières.

    Ethnologue de la violence, #Andrea_Dworkin n’aura de cesse de fouiller la condition universelle du sexe féminin. Viol, inceste, violence conjugale sont radiographiés strate par strate. Déjà, elle balise la culture du viol, et met au jour le fait que les femmes vivent l’équivalent d’un couvre-feu militaire imposé par les violeurs. Sa main écrivante assène des gifles cinglantes au système prostitutionnel et à celui de la pornographie dont elle démonte la mécanique pièce par pièce, chacune nettoyée sans pitié de ses innombrables mythes et bêtises. Elle secoue nos doutes, nos indifférences, nos paresses. Chemin faisant, elle conspue le déterminisme biologique qu’on lui a pourtant reproché, et se détache de cette « pourriture idéologique » qui ferait des hommes et des femmes une espèce différente. Elle la Juive américaine, marquée en profondeur par la Shoah, appelle de ses vœux la création d’un État capable d’accueillir les femmes opprimées du monde entier. Un refuge, un espace de liberté autrement impensable. L’Israël des femmes martyres.

    #éditions_syllepse #éditions_remue-ménage #féminisme #kate_millett #john_stoltenberg #Louky_Bersianik #christine_delphy

  • #Thérèse_Lamartine : Qui a peur d’Andrea Dworkin ? (Une recension de Thérèse Lamartine, publiée dans la revue québécoise Nuit Blanche)
    https://tradfem.wordpress.com/2018/08/16/qui-a-peur-dandrea-dworkin

    Quelque trente ans après la parution de ses ouvrages essentiels, on aurait pu croire que son œuvre avait pris quelques rides. Il n’en est rien. Andrea Dworkin demeure une figure capitale de la pensée féministe radicale, à la source de la deuxième vague, la plus puissante des trois que compte maintenant le mouvement des femmes.

    Souvenez-vous, résistez, ne cédez pas nous offre quatorze textes expurgés de tout compromis, de toute faiblesse, de tout sentimentalisme. Il n’est pas innocent que l’anthologie s’ouvre sur Premier amour, révélateur de la trajectoire intime de l’écrivaine qui connaît avec un jeune Grec les plaisirs et les dérives de la chair, ses ascensions lumineuses et ses descentes en enfer. Saisie par ce qu’elle nomme une pulsion d’advenir, elle parvient à s’arracher du lien fusionnel où se meurt son pouvoir créateur.

    Doté d’une « immense ambition de vivre, de savoir, de sentir », cet être humain né avec un vagin et en raison de cette seule caractéristique, sera par la suite violé, battu par un conjoint, parfois réduit à la quasi mendicité, ce qui le mène à troquer son sexe pour un toit. Corps et âme à l’agonie, voilà que, mû par une force secrète, cet être se relève, trempe sa plume dans le sang de son aliénation, et construit une des œuvres fondatrices des luttes contre les systèmes d’oppression d’humain à humain. Andrea Dworkin, celle qui a tout vécu, saura désormais, sinon tout écrire, explorer avec un sang-froid et une lucidité indéfectibles les espaces les plus funestes où les femmes sont tenues prisonnières.

    Ethnologue de la violence, #Andrea_Dworkin n’aura de cesse de fouiller la condition universelle du sexe féminin. Viol, inceste, violence conjugale sont radiographiés strate par strate. Déjà, elle balise la culture du viol, et met au jour le fait que les femmes vivent l’équivalent d’un couvre-feu militaire imposé par les violeurs. Sa main écrivante assène des gifles cinglantes au système prostitutionnel et à celui de la pornographie dont elle démonte la mécanique pièce par pièce, chacune nettoyée sans pitié de ses innombrables mythes et bêtises. Elle secoue nos doutes, nos indifférences, nos paresses. Chemin faisant, elle conspue le déterminisme biologique qu’on lui a pourtant reproché, et se détache de cette « pourriture idéologique » qui ferait des hommes et des femmes une espèce différente. Elle la Juive américaine, marquée en profondeur par la Shoah, appelle de ses vœux la création d’un État capable d’accueillir les femmes opprimées du monde entier. Un refuge, un espace de liberté autrement impensable. L’Israël des femmes martyres.

    #éditions_syllepse #éditions_remue-ménage #féminisme #kate_millett #john_stoltenberg #Louky_Bersianik #christine_delphy

  • #John_Stoltenberg : Sexualité masculine — ce qui rend sexy la possession d’autrui.
    https://tradfem.wordpress.com/2017/07/03/john-stoltenberg-sexualite-masculine-ce-qui-rend-sexy-la-possessi

    Il semble que les hommes, en général, préfèrent utiliser leur raison à justifier les préjugés qu’ils ont assimilés sans trop savoir comment, plutôt qu’à les déraciner.
    – Mary Wollstonecraft, Défense des droits de la femme

    Je soupçonne que si Mary Wollstonecraft vivait encore, elle trouverait ses propres mots écrits en 1792 d’une déconcertante actualité. Après tout, Wollstonecraft était une pionnière dans la recherche de l’égalité sexuelle — et aucun d’entre nous n’a encore atteint cette égalité. À vrai dire, il semble que la justification par les hommes de leurs préjugés soit toujours la tendance dominante du discours social. Ainsi, en hommage à l’héritage de Wollstonecraft, je voudrais essayer de déraciner un des préjugés qui subsistent dans la suprématie et la sexualité masculines — un préjugé précis et bien intégré sans lequel le viol et la prostitution seraient inimaginables.

    J’appelle ce préjugé l’érotisme de possession .

    Nous avons beaucoup d’indices indirects de l’existence de cet érotisme. Par exemple, à travers les témoignages des femmes qui sont ou ont été appropriées sexuellement dans le mariage, forcées dans le viol, et/ou sexuellement utilisées contre de l’argent dans la prostitution, il s’avère que pour beaucoup d’hommes, la possession est un élément central de leur comportement sexuel. Beaucoup d’hommes peuvent à peine éprouver de sentiment érotique s’il n’est pas associé à la possession du corps d’autrui.

    En anglais, comme dans beaucoup d’autres langues, le verbe posséder signifie à la fois « être propriétaire de » et « baiser », et cette coïncidence sémantique n’est visiblement pas un hasard. Beaucoup d’hommes mettent apparemment dans le même sac le comportement sexuel normal « masculin » et l’appropriation littérale du corps d’un autre être humain. Avoir un rapport sexuel avec autrui et être en même temps « un vrai homme » signifie avoir cette personne, prendre cette personne, posséder cette personne. Avoir du sexe et avoir un sexe — si vous êtes né avec un pénis — exige une forme ou une autre de rapport d’appropriation. Si l’on en croit la multitude d’expériences de personnes qui sont ou ont été sexuellement appropriées — en reliant entre eux, si vous voulez, les milliards de points disparates de leur frayeur — nous pouvons dresser le tableau de ce qui ressemble à une fresque cohérente : l’érotisme de possession.

    Traduction : #Tradfem

    Adapté par l’auteur d’un discours prononcé à un symposium du Michigan Journal of Gender and Law intitulé « Prostitution : de l’université à l’activisme », le 31 octobre 1992, à la Faculté de Droit de l’Université du Michigan, à Ann Arbor, Michigan. Initialement publié dans le Michigan Journal of Gender & Law, Volume I, 1993.

    Copyright © 1992, 2013 par John Stoltenberg. Tous droits réservés.

    #prostitution #appropriation #érotisme_de_possession #viol

    • Je n’y connais pas grand chose mais je me demande s’il y a eu des études socio avec des interviews, des tests, etc, dans les milieux BDSM (tout genre et sexualité confondues bien sûr, donc y compris homo, quand c’est la femme qui possède, etc), pour comparer le raisonnement, car il me semble que dans ce type de relation qui est justement paroxystique dans ce thème, et bien paradoxalement une bonne partie des gens sont très fermes contre l’achat de sexe, contre le viol, etc.
      Après c’est peut-être totalement débile hein, mais je serais curieux de voir une comparaison avec ces cas archétypaux.

    • En revanche, s’ils pratiquent solo avec des femmes qu’ils payent, que ce soit pour pouvoir les dominer ou qu’elles fassent semblant de les dominer (celui qui décide, c’est celui qui paye), leurs pratiques ne sont plus encadrées du tout.

      Ah pour ce point ça c’est certain on est d’accord, mais ce n’est pas trop de ceux là dont j’étais curieux. :)

  • John Stoltenberg : Vivre avec Andrea

    https://tradfem.wordpress.com/2015/12/22/john-stoltenberg-vivre-avec-andrea

    J’avais 29 ans, au printemps 1974, lorsque, quittant à Greenwich Village une lecture de poésie devenue lourde de misogynie (une soirée de soutien à la War Resisters League, en plus !), j’ai croisé sur le trottoir Andrea, qui avait alors 27 ans. Elle avait quitté la salle pour la même raison. Nous avons commencé à parler, puis à aller au fond des choses – et notre conversation dure encore.

    Andrea et moi avions déjà été présentés par un ami commun, metteur en scène, lors d’un meeting d’une nouvelle organisation, la Gay Academic Union. Sa première impression de moi – elle me l’a dit – était que j’avais l’air d’un blondinet des plages, traînard et pas très futé. Nous n’étions pas vraiment assortis.

    Traduction : Tradfem
    Original : http://www.nostatusquo.com/ACLU/dworkin/LivingWithAndrea.html (1994)

    #John_Stoltenberg est l’auteur de Refuser d’être un homme – pour en finir avec la virilité (Éd. Syllepse et M Éditeur, 2013 - http://www.syllepse.net/lng_FR_srub_62_iprod_567-refuser-d-etre-un-homme.html) et Peut-on être un homme sans faire le mâle ? (Éd. de l’Homme, 1995).

    #Andrea_Dworkin #féminisme_radical #proféminisme #tradfem

    • Andrea m’a beaucoup appris sur la signification de posséder un chez-soi. Elle parle souvent et avec éloquence des femmes qui se sentent sans abri ou qui risquent de le devenir faute du salaire d’un homme, ou parce qu’un amant ou un mari les violentent, ou parce qu’il ne semble pas exister d’autre choix que l’échange de sexe contre un endroit où dormir. J’en suis venu à comprendre qu’un chez-soi signifie pour Andrea une chose à laquelle aspirent bien des femmes, mais qu’elles peuvent rarement prendre pour acquis.

      J’ai grandi sans jamais avoir à penser à un domicile de cette façon. Je peux facilement m’endormir quand je suis fatigué (je n’ai pas les souvenirs d’Andrea, qui a tremblé sous le porche d’un magasin de centre-ville, un couteau à côté de son sac de couchage pour repousser tout intrus). Je peux généralement dormir confortablement toute la nuit, sauf pour aller pisser, et sans mauvais rêves (je n’ai pas les cauchemars propres à Andrea d’être brutalement réveillée par un agresseur qui rentre ivre à la maison avec ses exigences). Vivre avec Andrea m’a appris par dessus tout que le monde dans lequel j’ai grandi et vis, en tant qu’homme, est un monde qui n’est qu’un rêve pour la plupart des femmes. C’est pourquoi le chez-soi doit être le lieu où ce rêve devient réalité.

      […]

      Au fil du temps, ce chez-soi fut sept endroits différents, dont un appartement à Northampton, dans le Massachusetts, où nous survivions de coupons alimentaires ; un abri plein de moisissures sur une île infestée de moustiques dans les Keys de Floride ; et un trou à rats étouffant dans le Lower East Side de Manhattan. Nous avons maintenant la chance de posséder notre propre maison de style victorien à Brooklyn, pleine de couleurs chaudes, de boiseries et de murs entiers de livres. Nous vivons ici un bonheur presque parfait – en partie parce que c’est notre port douillet contre la tempête, mais aussi parce qu’Andrea et moi avons des rythmes d’écriture complètement différents : elle dort le jour et travaille toute la nuit, avec pour compagnie une théière et nos chats. Je travaille mieux tôt le matin, de tasse de café en tasse de café, après une bonne nuit de sommeil. Nous avons trouvé la maison parfaitement adaptée à notre rythme syncopé : travail, sommeil, repas ensemble, toujours plus de conversation.

      cc @chezsoi

  • Recension récente du livre de John Stoltenberg, Refuser d’être un homme, paru aux éditions Syllepse en 2013. Une lecture incontournable !

    http://hassan.blog.tdg.ch/archive/2015/11/27/refuser-d-etre-un-homme-pour-en-finir-avec-la-virilite-par-j-272115.

    L’auteur part d’un constat simple : nous vivons dans un monde patriarcal qui implique que les hommes possèdent des privilèges. Dans ce contexte, comment faire pour lutter contre le patriarcat en tant qu’homme ? John Stoltenberg répond dans son titre pour, ensuite, développer ce que cela implique : il est nécessaire de refuser d’être un homme. L’auteur considère la masculinité comme un construit de nature politique qui implique une histoire et des pratiques. Ainsi, il est nécessaire de déconstruire la virilité si on souhaite supprimer le patriarcat. Les explications de Stoltenberg se forment dans différentes contributions, articles ou conférences, qui sont regroupées en quatre parties.

    Ces quatre parties permettent à l’auteur d’expliquer son point de vue. Il commence par expliquer comment les hommes intègrent la masculinité comme un moyen de s’éloigner des femmes. Il explique que les garçons sont d’abord des propriétés des maris avant d’être des êtres humains et qu’il est nécessaire de les rendre identiques au père pour en faire des hommes citoyens. Stoltenberg passe aussi beaucoup de temps à analyser la sexualité. Il tente non seulement de la déconstruire en tant que forme politique de domination mais aussi de trouver où se trouve cette formation de la sexualité masculine. Cela le conduit à analyser la pornographie dans de nombreux chapitres. Il démontre que celle-ci, loin d’être une expression, est avant tout un moyen d’inférioriser la population féminine tout en formatant le plaisir masculin sur ce besoin d’inférioriser autrui. Il milite donc pour une sexualité qui ne soit pas celle d’un dominant mais de deux égaux consentants à tous les actes qui ont lieu entre eux en tant que couple.

    Que penser de ce livre ? Le titre a été écrit pour choquer et interpeller mais il ne ment pas. Les propos de Stoltenberg sont sans concessions et convaincants. Il montre en quoi la sexualité masculine, dans un contexte patriarcal, est toxique. En particulier, ce qu’il écrit sur la pornographie est particulièrement intéressant. J’ai lu avec grand intérêt la tentative de créer une loi anti-pornographie qui prenne en compte les victimes. On sort de ce livre avec l’idée que la masculinité doit être détruire afin de mettre à bas la bipolarisation de genre et les structures de pouvoirs qui y sont spécifiquement liées.


    Disponible ici : http://www.syllepse.net/lng_FR_srub_62_iprod_567-refuser-d-etre-un-homme.html
    #John_Stoltenberg #Refuser_d'être_un_homme #virilité #anti_masculinisme #proféminisme #christine_delphy #michaël_merlet #yeun_l-y #martin_dufresne

    • Il y a beaucoup de personnes qui ont refusé d’être coulé dans le moule, d’adopter une identité (de genre, de classe, de boite) avec laquelle ils ne sont pas en accord, inculquée par le milieu dans lequel ils évoluent. Construire ses valeurs est une longue résistance qui n’est pas reconnue, et très mal perçue, comme il est mal perçue d’être différent mais pire de choisir de l’assumer parce que c’est comme autoriser à ce qu’on vous tape dessus puisque vous êtes si fort.
      Voila, et comme exemple je pense à mes ami·e·s hypersensibles qui n’ont de cesse d’avancer à l’encontre des constructions de genre et à la souffrance de certains de mes potes homosexuel·le·s. Et je pense aux jeunes filles que l’on dit « garçon manqué » alors que ce sont des enfants réussies et qui dans leur tête de gamine se disent que tout irait tellement mieux pour elles si elles pouvaient ne pas avoir les seins qui poussent et une jupe qui les empêchent de grimper aux arbres et continuer ainsi de vivre librement.

  • De #Morano aux libertaires, #La_blancheur_est_toujours_borgne

    J’ai hésité à leur donner de la visibilité en les taguant ici, tant le simplisme haineux (et visiblement autosatisfait) de ce pauvre discours « libertaire » qui verse désormais ouvertement dans l’ornière d’un racisme crasse m’a révulsé, mais là aussi, la ligne de fracture est désormais profonde.

    Pour rappel, sont signataires de la Marche de la dignité, qui aura lieu le 31 octobre, d’éminentes pourritures telles que : Tariq Ramadan (que l’on ne présente plus), le rappeur Médine (qui est venu voir son pote Kémi Seba à la Main d’or), Houria Bouteldja (porte-parole du PIR, et accessoirement raciste et homophobe de service), des membres de la Brigade Anti-négrophobie, et une longue liste de personnes dont le discours nauséabond sera de circonstance pour Halloween.

    http://www.non-fides.fr/?Un-peu-d-agitation-contre-les

    #soliloque_blanc
    #racisme
    #PIR
    #marche_de_la_dignité
    #backlash_raciste
    #pattes_blanches_sous_drapeau_noir

    • Tags contre la #racialisation.

      Sont fêtés ce 8 mai 2015 les 10 ans d’un groupuscules d’universitaires #racialistes, le « Parti des Indigènes de la République », à la Bourse du travail de St Denis. Heureusement sans assises militantes et politiques concrètes, ce groupe bénéficie pourtant d’une visibilité assez importante et en tout cas disproportionnée. Pire, il profite d’une complicité larvée dans certains milieux politiques, malgré ses positions racialistes, racistes, homophobes et antisémites Ils sont également partisans du religieux, et défendent l’islam politique.
      Cette accointance avec des lambeaux de l’extrême gauche est sans doutes rendue possible du fait d’un certain vide politique, d’une culpabilisation importante à l’endroit de la banlieue et des immigrés ; tout cela prend place dans une période de confusion bien répandue. Au niveau international, générant encore d’autres effets de disproportion de visibilité, ils sont relayés par d’autres universitaires œuvrant dans les « post colonial » et « gender » studies.
      En réaction aux positions politiques du PIR on peut voir différents tags sur la Bourse du travail de St Denis et alentours.

      PIR dégage.

      Ni religion, ni racialisation, vive le communisme.

      Ni parti, ni indigène, ni république, vive la révolution.

      Nique la race, vive la lutte des classes, red panthers.

      Racialisteurs vous êtes des microfascistes

      Bouteldja, Soral, Dieudonné, Degagez

      http://seenthis.net/messages/412654

    • Les mouvements "libertaires" ou des mouvements "libertaires" essaient depuis une quinzaine d’année de s’implanter dans les banlieues. Évidement le PIR ou Ramadan représentent une belle épine dans le pied de l’offensive matérialiste dans les cités.

      La classe sans la race ?
      http://revueperiode.net/pour-deracialiser-il-faut-penser-la-race-et-la-classe
      Au vu de ce contexte, il est surprenant de constater que des secteurs de la gauche radicale comme de la gauche libérale tentent d’écarter la race de toute analyse de classe, et ce faisant, accordent à la classe une importance tellement plus grande qu’ils en viennent même à contester le recours à la race et au racisme comme catégories d’analyse.

      Le sociologue et activiste Pierre Bourdieu et son proche collaborateur Loïc Wacquant ont ainsi présenté une partie des analyses de la dimension raciale du pouvoir dans le monde, et en particulier le développement de l’action affirmative au Brésil, comme un désastre résultant de l’investissement massif des États-Unis dans l’exportation de certaines idées, relevant de la « ruse de la raison impérialiste ». Antonia Darder et Rodolfo Torres soutiennent quant à eux que le « problème du XXIe siècle » est l’utilisation de concepts tels que la « race » et la « blanchité » (whiteness), comme en écho aux positions du socialiste étatsunien Eugene V. Debs qui déclarait un siècle plus tôt que les socialistes – blancs, supposément – n’avaient « rien de particulier » à apporter aux Afro-américains, si ce n’est une place dans la lutte des classes.

      Ces observateurs considèrent toute focalisation sur la racialisation du pouvoir ou toute analyse structurelle de la blanchité comme autant d’« écrans de fumée », développés dans le seul but de « parvenir à masquer et brouiller les intérêts de classe ». Et si Darder et Torres concèdent encore que la question du « racisme » est digne d’intérêt, ce n’est même plus le cas du politiste critique Adolph Reed Jr. dans ses travaux récents. Ce dernier affirme que pour les militants, « la dénonciation du racisme est une sorte d’appendice politique : un vestige inusité d’un stade antérieur de l’évolution, le plus souvent inoffensif mais susceptible de s’enflammer dangereusement ». Pour Reed comme pour Debs, le « véritable clivage », c’est la classe.

      Ce rejet sans appel de la catégorie de race provient de tout ce qui en fait une catégorie d’un type différent de la classe : la déplorable tendance générale à l’associer à des considérations biologiques, qui se maintient en dépit de preuves scientifiques décisives ; l’acceptation tacite du nettoyage ethnique comme arme de guerre, les décennies de défaites des mouvements antiracistes dans certains pays, et les difficultés à rapprocher les différents combats au niveau international contre ce que leurs acteurs nomment le « racisme ». Ce contexte n’est pourtant pas une excuse pour un tel rejet.

      Il existe une forte tendance chez les marxistes à réduire les causes du racisme à la compétition sur le marché du travail. Pourtant, cette idée que le racisme n’est produit que par la compétition économique néglige cruellement le fait que les actes racistes sont parfois, peut-être même souvent, des actes de prise de pouvoir racial plutôt que de perte de pouvoir de classe (racial empowerment rather than class disempowerment). L’existence d’écoles et de quartiers exclusivement blancs s’explique moins que jamais par les discriminations structurelles à l’emploi, à l’heure où les lieux de résidence et de travail sont parfois très éloignés géographiquement. Et si l’on admet que certains des espaces les plus blancs de la société ne sont pas liés à la concurrence raciale au sein de la main d’œuvre, alors il faut comprendre que race et racisme se développent par-delà les rapports spécifiques de production et de reproduction.

      À partir des idées de Lénine sur la matérialité de l’idéologie, et de Du Bois sur le salaire psychologique que la race donne aux travailleurs blancs, nous comprenons que la race – comme le genre – configure les rapports de pouvoir de multiples façons. Comprendre le racisme implique de saisir les rapports de pouvoir existant séparément et au-delà des classes. L’histoire de la peine de mort aux États-Unis montre clairement que tuer un Blanc est considéré dans cette société comme un crime plus durement punissable que tuer un Noir, ce qui souligne la nécessité de comprendre que l’État joue non seulement un rôle de supervision, mais aussi de production de règles sociales fondées sur la race.

    • Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent, le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Il apparait alors que la lutte contre le racisme n’a de sens, non pas « au-delà des classes », mais bel et bien au sein des classes opprimées.

      Il me semble, par ailleurs, que la critique du capitalisme, but avoué de Marx et Engels, n’a rien à voir avec la question des discriminations (surtout à l’embauche qui présuppose le salariat), si ce n’est dans l’allocation des richesses - mais peut-on alors parler de discrimination ? -, mais se réfère à l’exploitation des hommes par les hommes selon leur position dans le système de production (travailleurs et /ou propriétaires des moyens de production), cette dernière devant être abolie.

      En ce qui concerne l’utilisation du concept de race pour l’analyse des discriminations, est-il pertinent ou n’est-t-il pas, plutôt, l’expression d’une pensée a priori racisée, qui voit dans la pigmentation ce qui relève du territoire et des pratiques culturels qui s’y appliquent ?

      Et, pour finir, je me demande si les travailleurs non-blancs ont gagné plus grâce aux luttes universalistes de classe ou grâce aux luttes de races ?

      Je remercie par avance celles et ceux qui m’indiqueront des articles, des blogs, des livres, permettant d’avancer dans ma réflexion, en plus des arguments contradictoires, ou non, qu’ils pourront m’apporter.

    • @colporteur, merci, j’ai déjà lu ce texte, c’est d’ailleurs celui du message que tu as indiqué plus haut. C’est à partir de là que je me suis mis à réfléchir à ces sujets.

      Merci aussi @unagi je vais lire ça attentivement, et donc avec un regard critique.

      C’est marrant comme « race » et sexe/genre semblent liés. Ce n’a pourtant rien d’évident, si ce n’est chercher des discriminations sociales irréductibles à autre chose, et fondamentale dans nos sociétés. Il serait sans doute intéressant d’analyser pourquoi ce sont ces deux « concepts » qui sont privilégiés, et non, par exemple la « beauté », la pratique sportive (golf ou foot ?) ou, plus important pour moi - sans doute à cause de mon passage par l’anthropologie, mais aussi de ma condition de provincial né dans une petite ville - , la discrimination territoriale qui est aussi bien vrai pour les banlieues que pour les campagnes. Mais sans doute pour des raisons différentes : les campagnards, nous n’avons pas accès à beaucoup de pratiques culturelles, faisant de nous des imbéciles, car incultes, aux yeux des urbains tandis que ce serait plutôt la méfiance, la peur, qui poussent les bourgeois et petits bourgeois urbains à discriminer les banlieusards.
      Tout ceci est très vite dit, mais c’est juste pour aborder le sujet, histoire de donner du grain à moudre à nos cerveaux inquiets ;-)

      PS : Je devrais peut-être regarder de plus près la géographie. Comme d’hab, s’il y en a pour m’indiquer des sources (@reka ?), merci d’avance.

    • @PaulBétous
      Pour moi la ligne de fracture est claire :
      qui refuse que la race soit envisagée comme une catégorie politique, en se drapant ostensiblement et théâtralement, du haut de sa position de privilégié au sein des systèmes de rapports sociaux de domination de race, dans un discours « antiraciste » planant littéralement au dessus de la réalité,
      qui se permet, de surcroît, le coup de pied de l’âne en falsifiant et calomniant les tentatives de penser ces systèmes de rapports sociaux de domination de race par celleux-mêmes qui se trouvent infériorisé-e-s et l’objet de ce marquage politique, participe du maintien et de l’impossibilité de penser sérieusement le racisme, en prétendant avoir résolu la question avant même d’avoir admis qu’elle soit envisagée comme une question le ou la concernant ellui aussi.

      Quelques pistes à destination de lecteurs et lectrices de bonne volonté - ce que ne sont assurément pas les « libertaires » qui affectent de voir ici des « racialiseurs » ou de ne pas voir la race, puisque elle n’existe pas biologiquement - pour commencer de prendre conscience de l’existence de la race comme marqueur, comme catégorie politique, et sur la nécessité de devoir se salir les mains à la penser comme telle, plutôt que de refuser d’envisager nos (je présuppose que vous êtes blanc comme moi, je prends le risque de me tromper) privilèges et leurs conséquences sur notre propre pensée :

      Sur le racisme comme système : les écrits d’#Albert_Memmi (#Portrait_du_colonisé, Portait_d’un_juif, L’homme_dominé ont le mérite de dater de déjà 40 à 50 ans, et de renvoyer à leur complaisance les discours idéalistes moralistes des « antiracistes » qui prétendent pouvoir, sans avoir pris la peine de regarder de trop près leur propre situation, déjà se situer au-delà du racisme. En passant, l’auteur montre ce qu’il devenait des sincères prétentions humanistes des colons antiracistes, au sein du contexte colonial.
      Les écrits de #James_Baldwin, contemporains, en particulier invitent son lecteur antiraciste et ... blanc à commencer de prendre conscience, depuis la question du racisme anti-noir américain, de la nécessité dans laquelle il se trouve à se considérer comme partie prenante quoi qu’il s’imagine pouvoir penser contre lui, de ce système (je pense plus précisément à un entretien passionnant, « Le corps de John Brown : conversation entre James Baldwin et Frank Shatz », du 27 mars 1973. Il est disponible en ligne, ... sur le site du #Parti_des_Indigènes_de_la_République. Lequel comporte nombre de textes assurément critiquables, mais plus encore stimulants, pour un antiraciste blanc disposé à prendre le temps d’accorder un minimum de considération aux propos des #racisés.

      #Cases_rebelles est une radio et un site qui comporte plus d’une ressource qui invite là aussi à se fatiguer le cerveau à aller au delà des vieilles certitudes antiracistes blanches et à écouter ce que les racisé-e-s et autres infériorisé-e-s et minorisé-e-s ont à dire

      les travaux de #Louis_Sala-Molins sur le #Code_Noir (grassement calomniés par le milieu intellectuel blanc ces temps ci) et ceux, plus importants encore, de #Rosa_Amelia_Plumelle_Uribe (#La_férocité_blanche, "#Traite_des_noirs_traite_des_blancs, pour ne citer que ceux que j’ai lu), déconstruisent - un gros mot post-moderne, cheval de Troie libéral, vecteur d’impuissance, d’averses de grêle et de fin de la critique sociale, selon plus d’un « révolutionnaire » auto-proclamé - remarquablement les discours dominants sur l’esclavage, l’infériorité, et les explications racialistes partagées y compris par l’antiracisme quant à la situation présente de l’afrique , des africains, des afro-descendants.

      Sur le lien racisme/sexisme, des auteures matérialistes comme #Christine_Delphy (#Classer_dominer) ou #Nicole_Claude_Mathieu (#L'anatomie_politique) ou #Colette_Guillaumin (#L'idéologie_raciste) me semblent des plus stimulantes.

      Enfin, sur l’existence des privilèges, et la nécessité pour les privilégiés de les confronter, si vraiment ils veulent s’attaquer aux systèmes de rapports sociaux inégalitaires au sein desquels ils sont pris, des auteurs comme #Léo_Thiers_Vidal (#Rupture_anarchiste_et_trahison_pro-féministe, #De_l'ennemi_principal_aux_principaux_ennemis) ou #John_Stoltenberg (#refuser_d_être_un_homme) permettent de réaliser que, si l’on veut combattre le racisme, tenir un discours antiraciste en soi ne suffira jamais : il faudra à un moment ou à un autre chercher à se donner les moyens de _ refuser d’être un blanc - c’est à dire, avoir admis que l’on en est un, avoir pris conscience de la nécessité de se confronter à sa propre blancheur, c’est à dire à ces _privilèges de dominant dont aucun « antiracisme », peu importe qu’il soit libertaire, radical, révolutionnaire ou réformiste, ne nous privera jamais puisqu_’il prétend en avoir fini avant de les avoir pensés._

      Je n’ai pas inclus de liens, pas le temps de les rechercher, mais confier ces titres et nom à votre moteur de recherche favori vous permettra d’en savoir plus, et vous mènera aussi à plus d’un blog où ces auteur-e-s et leurs écrits et bien d’autres sont diffusés, discutés, critiqués (#nègre_inverti, #Mrs_Roots, etc.)

    • Merci @martin5 pour toutes ces références, il me faudra du temps pour m’imprégner de tout ça, car si j’ai bien une expérience vis à vis de l’immigration, mon épouse étant chilienne, et de la différence de traitement entre elle et moi de la part de la préfecture au moment de faire valoir ses droits, je n’en ai pas comme non-blanc, d’autant moins que, dans ma petite ville balnéaire, les individus non-blancs sont très peu représenter. La discrimination raciste la plus flagrante étant en relation avec les manouches (comme ils s’identifient eux-même, je le précise pour ne pas laisser penser qu’il s’agit de les stygmatiser par un terme péjoratif), mais il n’est jamais fait référence à leur couleur de peau.

      Nous verrons bien, à l’usage si je suis un lecteur de bonne volonté ;-)

    • @PaulBétous

      Mes excuses, je n’y reviens qu’aujourd’hui.

      le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles.

      Je ne suis pas certain de vous comprendre.

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur, « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés. (D’une certaine façon, on pourrait peut-être argumenter que c’est à peu de choses près ce que le nazisme a prétendu être.)

      L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Par ailleurs, et ici je relate un petit peu une expérience de petit mec hétéro blanc et révolutionnaire libertaire si longtemps persuadé de détenir des outils dépassant d’avance les luttes (réputées « partielles, sociétales, particulières », etc.) antiracistes et féministes, des outils universels élaborés sans ces luttes « secondaires » : bien après des années de conflits répétés avec des féministes, la lecture de quelques textes en particulier m’a aidé à me faire éprouver cuisamment la nécessité de sortir sans regrets du bourbier idéaliste de telles prétentions.

      Je pense en particulier : Nos amis et nous de Christine Delphy ( Questions féministes , 1974 et 3975),
      Femmes et théories de la société : Remarques sur les effets théoriques de la colère des opprimés de Colette Guillaumin Sociologie et société,1981),
      (que j’ai lu des décennies après leur publication),
      et « Que vient faire l’amour là dedans ? Femmes blanches, femmes noires et féminisme des années mouvement » de Wini Breines (Cahiers du Genre, 2006).

      Je ne tiens pas à exagérer les effets possibles de la simple confrontation livresque, et je sais bien que ces lectures ont résonné avec ma propre histoire, faite d’une multitude d’autres expériences, lectures, disputes et discussions, mais il me semble que ces textes, de par les confrontations solidement argumentées qu’ils apportent, sont tout particulièrement propres - comme d’autres, assurément : c’est une nécessité que le PIR me semble assumer avec un courage et une ténacité admirables - à tester et tremper la bonne volonté des dominants.

      Aujourd’hui, je tiens que les écrits féministes et antiracistes sont riches d’analyses brillantes et éclairantes et irremplaçables. J’ai longtemps été un lecteur passionné de Marx et Bakounine, de Stirner, de Makhno, des Luxembourg, Pannekoek, Korsch et Rhüle, de Souvarine, des situs. Aujourd’hui, pour avoir appris entre temps que je n’avais jamais été indemne du racisme et du sexisme et que, bien que je ressente la nécessité de combattre racisme et sexisme, je ne l’étais toujours pas (indemne, exempt de racisme et de sexisme), ma weltanschauung n’est plus aussi simpliste et monolithique qu’autrefois. Je ne pense plus qu’il soit possible de prétendre penser le monde à partir des seuls outils forgés par l’expérience et les luttes « de classe » occidentales et masculines : non seulement aveugles aux autres expériences, mais aussi lourdement biaisés.

      Et je suis aussi un lecteur passionné d’Andréa Dworkin, de Christine Delphy, de Mona Chollet, d’Albert Memmi, de Franz Fanon, du PIR, d’une pléiade de blogs et d’auteures féministes et décoloniales, un auditeur passionné de Cases Rebelles, et j’en passe ; des personnes qui ne sont pas toujours d’accord, qui confrontent leurs analyses et leurs luttes. Cela dans la relative indifférence, quand ce n’est pas le mépris ouvert et face à l’hostilité déclarée d’une part conséquente d’un petit milieu d’héritiers actuels des mouvements ouvriers et révolutionnaires occidentaux qui se satisfait de végéter et de se racornir en pensant en quasi-autarcie, à qui les catégories de privilégiés blancs et masculins ne convient que trop bien.

      Et j’ai un peu mal à mon matérialisme quand je lis chez des « libertaires » des agressions et une imbécile hostilité telles que celle relatée ici.

    • @martin5, vous me dites :

      Je ne suis pas certain de vous comprendre

      C’est normal, car vous n’avez isolé qu’une petite partie du propos suivant :

      Je n’ai pas encore de position claire et définitive sur ce débat, mais nous sommes bien obligés d’admettre qu’une fois le racisme aboli, le dominé reste prisonnier de sa classe, et si l’on se contente des U.S.A, les problèmes d’une grande partie des non-blancs, n’en seront pas réglés pour autant.

      Au contraire, si les classes disparaissent , le racisme ne disparaitrait peut être pas, mais ses conséquences sur la vie des individus seraient, elles, nulles. A moins de recréer des classes fondées explicitement sur la « race », ce qui parait difficile au vue de nos connaissances scientifiques.

      Et vous le contredisez en rétorquant :

      En fait, de mon point de vue, il me semble que c’est tout le contraire . Le racisme étant un système de hiérarchisation, un classisme pur , « aveugle à la race » pourrait très bien en apparences disparaître sous cette forme et ne subsister que comme « pur » racisme - qui, en tant que système de hiérarchisation sociale, serait évidemment lourd de conséquences très matérielles pour les individus s’y trouvant infériorisés.

      Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire ("il me semble que c’est tout le contraire") pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      De mon côté, parmi les lectures conseillées, je n’ai lu pour l’instant que « Les femmes issues de l’immigration en Seine Saint-Denis » et « L’homme dominé » de Memmi. Et dans les deux, les auteurs notent l’importance primordiale de la domination économique, et notamment de la (sous ?) culture spécifique des classes opprimées, dans les rapports perçus comme racistes par celleux qui en sont victimes. Le premier explique clairement que ce n’est qu’avec la fin des usines que la « race » a pris le pas sur le statut économique. Et le second, nous parle bien plus de relations entre cultures différentes, notamment avec des religions différentes, que de luttes des races. Si ce n’est son affirmation, totalement erronée, voire préalablement raciste vous l’admettrez, selon laquelle il existerait une culture noire. Il suffit de regarder la multiplicités des cultures africaines subsahariennes pour se convaincre du contraire.
      Ces lectures me renforceraient plutôt sur la prépondérance de l’origine géographique (même fantasmée) et de la différence de coutumes, de pratiques, dans ce que l’on peut voir, et qui est nommé aujourd’hui, comme du racisme.

      Enfin l’article sur les femmes issues de l’immigration montre également que la discrimination de genre et la discrimination de race, ne fonctionnent pas de la même façon :

      Les jeunes femmes issues de l’immigration cumulent donc les discriminations dans l’accès à l’emploi comme l’ensemble des jeunes issus de l’immigration d’une part et les discriminations salariales comme l’ensemble des jeunes femmes. Au sein d’une même catégorie d’emploi la discrimination salariale liée à l’origine s’atténue, mais celle liée au genre ne diminue pas.

    • Vous voyez bien que si je dis qu’une fois les classes disparues, le racisme n’a plus de prise sur les individus, vous ne pouvez élaborer votre réponse, en partant de l’idée qu’il y aurait des classes, à moins de penser qu’un monde sans classes est impossible.
      Votre commentaire (« il me semble que c’est tout le contraire ») pourrait même laisser croire qu’une division de la société en classes économiques est un rempart contre une société divisée en classe selon la race.

      je me répète (je n’aurai pas l’occasion d’y revenir de quelques jours)

      _ L’interpénétration des catégories politiques de race et de classe est plus qu’attestée au sein de la littérature socialiste dès le XIXème siècle (j’emploie évidemment ici le mot socialiste en un sens qui n’a plus cours depuis plus d’un siècle) : la racialisation du prolétariat européen a longtemps structuré le discours capitaliste (j’ai la flemme de retourner chercher des références ce matin). Pour ma part, j’en conclus - mais d’autres l’ont très bien fait avant moi - qu’on ne peut se permettre de prétendre penser trop longtemps indépendamment les uns des autres ces systèmes (classisme, racisme, sexisme,... liste non exhaustive) et les catégories qui les caractérisent.

      Je ne peux faire mieux que vous inviter à envisager plus de complexité qu’il ne me semble en lire ici dans vos propos, et que cela puisse prendre du temps.
      Je n’ai pas cherché à vous _convaincre
      de quoi que ce soit.

      Si ce n’est peut-être de faire place à une chose : conçu comme universel, le modèle classiste issu des luttes révolutionnaires occidentales envisage pour des raisons historiques assez connues la société que les êtres humains - tou-te-s - se font depuis une position particulière : celle d’une chair à travail masculine, blanche. Aujourd’hui en panne, une partie des tenants de ce modèle, de ce paradigme, préfère jetter violemment l’opprobre (antisémites ! racialistes ! libéraux ! diviseurs ! déconstructivistes ! etc - la virulence est variable) sur celleux qui parlant depuis la position autre qui leur est faite au sein du même monde humain, ont aussi recours à d’autres outils pour le penser, et imposent, par leur simple accès à la parole, une conception plus complexe du même monde.