#jon_hendricks

  • Jon Hendricks, poète vocaliste du jazz, est mort
    http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/11/24/jon-hendricks-poete-vocaliste-du-jazz-est-mort_5219587_3382.html

    Dans le génial Underground, de Monk, il enregistre In Walked Bud. Ils viennent de tout écrire en sept minutes, sans rien trahir, avec des mots plausibles, justes, amoureux, pour Bud Powell. Toutes les avant-gardes poético–rythmiques du siècle eussent dû s’incliner et s’inspirer. Raté. Elles ignorent son nom.

    Avec son art des mots, du sens et du non–sense que saura si bien reprendre Mimi Perrin (Les Double Six), Jon Hendricks signe en style d’apothéose, la fin du scat (la langue des musiciens) si facile, aujourd’hui où tout le monde s’y essaie, à mimer mal. Génie sans précédent de la virtuosité verbale et vocale, Jon ne manque pas de successeurs. Toujours disponible, il invite à ses côtés Al Jarreau, Bobby McFerrin, Kurt Elling ou Mark Murphy, le Manhattan Transfer comme André Minvielle.

    Très belle vidéo, avec un art du scat à trois... tiens, Le Monde, c’est bizarre, on n’arrivera jamais à savoir qui est la femme qui chante avec Dédé Minvielle et Jon Hendricks... et pourtant, elle chante sacrément bien. Ah oui, j’oubliais, c’est simplement unE musicienNE... mais gaffe Le Monde, bientôt les métiers vont aussi se féminiser, en tout cas l’Académie y travaille. Bref, ça m’énerve...

    #Jon_Hendricks #Médias #Vidéo_legende_sexiste

  • Sur les engagements antimilitaristes et anti-ségrégation de Jon Hendricks, chanteur de jazz qui vient de décéder. par Nicolas Beniès.

    Extraits du livre de Nicolas Béniès Le souffle de la liberté : 1944, le jazz débarque.
    https://cfeditions.com/souffle1944

    Les plages du débarquement sont encore pleines du sang de ces jeunes gens. De temps en temps le sable s’en souvient, avec horreur, et raconte des exploits pour cacher ce sang que les commémorations ne sauraient voir. Les cimetières sont trop abstraits pour pouvoir parler. Ils occultent cette abominable réalité.

    Fortement marquée par la ségrégation, l’armée américaine laisse peu de noirs débarquer. Ils seront 1770 à Omaha Beach (sur 29.714 Américains) et 1200 à Utah Beach (sur 31.912). On raconte que la hiérarchie avait peur de voir les soldats afro-américains armés prendre conscience de la possibilité de tuer les officiers. Ils furent souvent ceux qui maniaient les ballons explosifs tenus au bout de câbles d’acier destinés à bloquer les interventions aériennes. Il faudra attendre 2009, soit après l’élection de Barack Obama, pour que William Dabney, dernier survivant du 320e bataillon, entièrement composé d’Afro-Américains, ne soit décoré par la France de la Légion d’Honneur. Comme environ quatre-vingts pour cent des soldats, les Afro-Américains participèrent principalement aux opérations d’intendance, notamment à Cherbourg.

    Le vocaliste/poète/parolier Jon Hendricks, revenu sur les lieux cinquante ans après, et une dernière fois au festival Jazz sous les Pommiers de Coutances en mai 2013, s’en souvient avec acuité.

    Il ne trouvera son salut, comme beaucoup d’autres, que dans la fuite. Il racontera en mai 1994, à Pascal Vannier et à moi-même, son débarquement.

    Jon dénonce les conditions dans lesquelles il a fait son service militaire dans le Sud des États-Unis. Dans l’armée, les Noirs « étaient traités comme des esclaves », avec l’interdiction d’aller et de venir. « L’émancipation n’a pas apporté la liberté. Nous sommes passés de l’esclavage physique à l’esclavage économique. Comment aller et venir dans une société où le droit à un travail vous est refusé faute d’éducation ? »

    Il se retrouve dans une armée ségrégationniste qui le conduit à s’interroger sur la notion de démocratie, cette démocratie américaine qui dit combattre le nazisme « ressemble à une farce ». Comment dire, s’interroge-t-il, l’indicible, l’inexplicable ? Quels mots faut-il employer ? De quelle logique se servir quand on se trouve au-delà de toute logique ? « Finalement », dit-il avec ironie, « l’armée l’a compris et a intégré les Noirs... au moment où c’était le plus dangereux. »

    Dans l’armée « je me sentais complètement en porte à faux. Qu’est-ce que je fichais là ? Je venais tuer des gens alors que mon but était que les gens se sentent bien ». C’est le sens qu’il donne à son travail d’artiste. Sait-il qu’il rejoint Jacques Prévert lorsqu’il dénonce la stupidité de la guerre ? Ne pas regarder les Blancs dans les yeux, descendre du trottoir lorsqu’on croisait un Blanc, ces humiliations quotidiennes sont aussi le lot de tous les Noirs à cette époque. « J’ai fait mes classes dans le Sud. C’était laid et brutal. On ne pouvait pas descendre en ville sans se faire rosser... ou tuer. » Il ajoutera : « Tous les officiers étaient Blancs et racistes. “Bonjour” de notre part était, pour eux, une insulte. Tout se ramenait à la haine. »

    Jon Hendricks n’en rajoute pas. Les grands écrivains du Sud des États-Unis, à commencer par William Faulkner avec sa saga des Snopes, ont décrit toutes ces situations, ces lynchages, la bêtise raciste meurtrière. Faulkner disait que les Snopes lui faisaient peur... Erskine Caldwell enquêtera sur ce Sud pour retrouver son ami d’enfance Bisco, et ce récit est celui du racisme quotidien enraciné dans la « culture » de ces Blancs qui vivent pourtant dans des conditions similaires à celles des Noirs. Pour les écrivains récents, James Lee Burke, et son double Dave Robicheaux, savent rendre compte des permanences de cette société américaine, sans manichéisme.

    Cette non-intégration, ce mépris expliqueront en partie la conversion de beaucoup d’entre eux à la religion musulmane. Ainsi, ils changeront de nom pour rompre avec le passé esclavagiste – leur nom provient souvent du maître blanc – et avoir sur leur carte d’identité la mention « M » pour Muslim au lieu de « Black ».

    Jon Hendricks dit avoir rencontré un paysan normand « qui nous a sortis de la boue pour nous abriter dans sa grange. L’amour est fait de petites choses. Il nous a offert à manger. Il est allé déterrer le calvados. Cette attitude simple du paysan en France, comme celle du reste de la population, fut le premier signe d’humanité que nous avions rencontré. »

    Ce débarquement, pour Jon, est à l’origine de deux événements importants : « Ma relation d’amour avec la France a commencé à ce moment- là » et le « début d’une folie en moi s’est déclenchée [...] comme la haine de la guerre » et le rejet des politiciens. « Il faudrait peut-être se débarrasser des politiciens et donner le pouvoir aux artistes » conclut-il de sa référence à Platon, avec un sourire qui n’appartient qu’à lui.

    Rentré aux États-Unis, Jon fera des études de Droit, mettra ses compétences au service de la NAACP, la grande association qui défend les droits des Noirs. « Des prisonniers allemands comme Von Braun qui nous a bombardé de V1 et de V2 jouissait de plus de liberté que nous. »

    Plein d’autres anecdotes et analyses dans le livre de Nicolas Beniès Le souffle de la liberté.
    https://cfeditions.com/souffle1944

    #Jazz #Jon_Hendricks #Antiracisme #Débarquement #Nicolas_Beniès

  • Jon Hendricks, 96, Who Brought a New Dimension to Jazz Singing, Dies - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2017/11/22/obituaries/jon-hendricks-96-who-brought-a-new-dimension-to-jazz-singing-dies.html

    Jon Hendricks, a jazz singer and songwriter who became famous in the 1950s with the vocal trio Lambert, Hendricks & Ross by putting lyrics to well-known jazz instrumentals and turning them into vocal tours de force, died on Wednesday in Manhattan. He was 96.

    Mr. Hendricks did not invent this practice, known as vocalese — most jazz historians credit the singer Eddie Jefferson with that achievement — but he became its best-known and most prolific exponent, and he turned it into a group art.

    Lambert, Hendricks & Ross, with Mr. Hendricks as principal lyricist and ebullient onstage between-songs spokesman, introduced the concept of vocalese to a vast audience. Thanks not just to his clever lyrics but also to the group’s tight harmonies, skillful scat singing and polished showmanship, it became one of the biggest jazz success stories of the late 1950s and early ’60s.

    Une anecdote très intéressante, qui montre la grande difficulté que représente intégrer le jazz, s’imprégner de jazz. Même les choristes n’arrivaient pas a rendre le balancement, le feeling qui fait le jazz, ce lui qui ne s’écrit pas sur une partition, mais se transmet par le disque, l’imitation et la participation à la famille des musicien·ne·s de jazz.

    Mr. Hendricks proceeded to write words for 10 songs from the Count Basie band’s repertoire, based on the original recordings. Mr. Lambert wrote vocal arrangements. ABC-Paramount Records agreed to turn the concept into an album.

    Mr. Hendricks and Mr. Lambert hired a rhythm section to accompany their vocals and a 12-piece choir to simulate the sound of the Basie band’s reed and brass sections. When the choir had trouble mastering the rhythmic nuances of the Basie style, Annie Ross, a British-born jazz singer who had made some vocalese recordings of her own, was brought in to coach it.

    Ms. Ross’s efforts to imbue the studio vocalists with the proper jazz feeling proved futile, and they were let go. She ended up singing on the session with Mr. Lambert and Mr. Hendricks; their voices were multitracked, a rarity in those days.

    The resulting album, “Sing a Song of Basie” (1958), was a hit. In the wake of its success, the three vocalists decided to make their partnership permanent.

    Étrange article du New York Times qui ne parle jamais des engagements politiques et anti-ségrégationnistes de Jon Hendricks, de sa participation à la NAACP... Pour cela, il faut se reporter au livre de Nicolas Beniès Le souffle de la liberté (https://cfeditions.com/souffle1944)
    voir https://seenthis.net/messages/646938

    #Jon_Hendricks #Jazz #Vocalises