• La naissance d’un journal : « Le Libertaire » américain (1858-1861)
    https://www.partage-noir.fr/la-naissance-d-un-journal-le-libertaire-americain-1858-1861

    Sous une forme qui a souvent varié, Le Libertaire est un des plus vieux titres de la presse de langue française. Au cours de ces cent cinquante dernières années, chacune des nuances de la pensée socialiste révolutionnaire a été représentée en son temps par un journal dont le titre, dans sa continuité, a subi les aléas que lui imposèrent ses démêlés avec la justice, ses difficultés économiques, ou simplement les influences internes qui se disputaient sa direction. Le Libertaire, pas plus que d’autres titres, n’échappera à ces vicissitudes qui furent le lot de la presse depuis que Théophraste Renaudot lança, en 1631, la première feuille politique qu’il appela La Gazette. Ainsi, Le Peuple de Proudhon sera, au hasard des événements politiques, Le Représentant du Peuple ou La Voix du Peuple comme Le Libertaire (...)

    #Maurice_Joyeux #Etats-Unis #Joseph_Déjaque #Archives_du_Monde_libertaire #Volonté_Anarchiste
    https://fr.theanarchistlibrary.org/library/joseph-dejacques-a-bas-les-chefs-fr

  • Caricatural, ultra-politisé : le grand n’importe quoi du nouveau #musée_d'Histoire de #Lyon

    Nous avons visité la nouvelle #exposition_permanente du #musée niché dans le vieux Lyon : un parcours déroutant, regorgeant de lacunes, défendant une vision de l’#histoire_engagée et surtout trompeuse.

    Le jour de notre visite, un dossier de presse le martèle, en #écriture_inclusive : le nouveau parcours du musée d’Histoire de Lyon, qui achevait samedi 2 décembre une réorganisation commencée en 2019, a été « co-construit », aussi bien avec des « expert.es » que des témoins et… « témouines », citoyens anonymes de Lyon. Une des conceptrices du musée le détaille : « On est allé en ville, on a posé des questions aux passants, à des jeunes qui faisaient du skate pour leur demander leur récit de la ville ». Un postulat de départ qui fait sourire autant qu’il inquiète et augure du sentiment qu’on éprouvera pendant toute la visite.

    Celle-ci tient par-dessus tout à s’éloigner de la si décriée approche chronologique. Une première salle « questionne » donc la ville, exposant pêle-mêle des objets touristiques ou sportifs récents (maillot de foot), sans enseignement apparent. Il faudra s’y faire : l’histoire n’est pas vraiment au centre du musée d’histoire. La fondation de la ville est évoquée au détour d’un panneau sur lequel un Lyonnais de l’Antiquité exhibe sa… Rolex. Une farce assumée par le musée, dont les guides nous préviennent que les anachronismes fleuriront tout au long des salles. On se mettrait à rire si le musée n’était pas destiné aux enfants aussi bien qu’aux adultes, avec la confusion que ces erreurs assumées entraîneront chez les premiers.
    L’homme blanc quasi absent de... l’industrie lyonnaise

    Les salles, justement, sont magnifiques dans cet hôtel de Gadagne, bâti au XVIe siècle. Mais l’architecture des lieux ne semble pas devoir nous intéresser : un tout petit cartel pour présenter une cheminée monumentale, puis plus rien. Les objets historiques sont rares et s’effacent au profit de montages photographiques et de récits (tous en écriture inclusive bien sûr) de quatre personnages fictifs censés raconter la ville : trois femmes nées à différents siècles, et Saïd, ouvrier devenu bénévole associatif. À l’étage suivant, une pirogue-vivier datée de 1540 trône quand même, dans une ambiance bleutée : c’est la partie consacrée au Rhône et à la Saône. Quelques (beaux) tableaux figurant des scènes de vie des deux fleuves sont exposés... à quelques centimètres du sol : cette seconde partie est dédiée aux enfants de cinq ans et l’on apprend que deux groupes de maternelle ont été consultés pour la concevoir. Des jeux ont été élaborés avec eux, « sans mauvaise réponse pour ne pas être moralisateurs » et parce que le musée est un avant tout un lieu d’amusement. Nous commençons à le croire.

    La suite de l’exposition permanente, qui aborde le sujet de l’industrie lyonnaise, prend toutefois un tour nettement plus désagréable, voire odieux. Voyons bien ce que nous voyons : une absence quasi totale de référence aux ouvriers masculins et blancs. Un métier à tisser inanimé constitue la seule preuve tangible de l’existence des canuts et une salopette vide accrochée au mur figure le prolétariat du XXe siècle. Une véritable provocation car les ouvrières sont elles bien mises en avant, et surtout les travailleurs immigrés. Le directeur, Xavier de La Selle, avait prévenu : « Le concept de Lyonnais de souche n’a aucun sens. » Un visiteur manquant de recul sortira de cette pièce convaincu que la ville n’a été construite que par le travail de femmes et de maghrébins. Le prisme social de l’histoire aurait pu présenter ici un réel intérêt : il est manipulé pour servir une vision politique qu’on ne peut qualifier autrement que de délirante.

    Et nous ne sommes pas au bout de ce délire : la dernière partie, celle qui vient d’être révélée au public, porte sur les « engagements » des Lyonnais. On entre ici dans un bric-à-brac stupéfiant, synthèse gauchiste assumée faisant de l’histoire politique de Lyon une sorte de grande convergence des luttes. Sur les murs et dans les vitrines, des nuages de mots à peu près tous synonymes de rébellion, des pancartes féministes, un haut-parleur, et même un objet sordide : un fait-tout utilisé par une avorteuse locale, célèbre semble-t-il, qui y stérilisait ses ustensiles médicaux mais y cuisait aussi ses pâtes. Le père Delorme, prêtre connu pour avoir organisé en 1983 une grande marche contre le racisme, est abondamment glorifié. Rappelons qu’en matière de religion, le musée ne nous a toujours pas expliqué pourquoi et quand fut construite la basilique de Fourvière ! L’autre référence au catholicisme dans la ville est celle du Sac de Lyon par les calvinistes, une œuvre de bois peint de 1565 décrivant des scènes de pillage, un bûcher d’objets liturgiques, des moines chassés. Son intérêt historique est toutefois anéanti par le commentaire de notre guide, qui n’y voit « pas du tout une scène violente ».

    Désacralisation du savoir

    À ce stade, le musée d’Histoire de Lyon réussit son pari : il n’est plus qu’un divertissement. On aborde une salle qui couvre à rebours la crise algérienne, la Seconde Guerre mondiale et enfin la Révolution. Cette dernière ne fait l’objet que d’un panneau succinct. Le musée est-il ennuyé de devoir évoquer plus en détail les tendances contre-révolutionnaires de Lyon ? À propos de Joseph Chalier, qui avait mis en place une dictature sanguinaire dans la ville avant d’être renversé par le peuple en 1793, un commentaire : « Certains l’ont considéré comme un martyr de la liberté. » L’homme avait commandé la première guillotine à Lyon et préconisait de l’installer sur le pont Morand afin que « les têtes tombent directement dans le Rhône »... Le principal historien consulté sur cette époque, Paul Chopelin, est entre autres fonctions président de la Société des études robespierristes. Enfin, une galerie des grandes figures de l’histoire lyonnaise conclut ce drôle de parcours. Miracle : il s’y trouve presque autant de femmes que d’hommes. Quitte à ce que la première conseillère municipale féminine y tienne la même place qu’Édouard Herriot, maire pendant près d’un demi-siècle. Pas de portrait de Raymond Barre en revanche, mais une lettre anonyme fièrement disposée, le qualifiant de « peu regretté [maire], qui de toute sa carrière s’est bien peu occupé du sort de ceux que son système économique met de côté ».

    Tirons un bilan positif : il n’est pas donné à tout amateur d’histoire d’expérimenter une telle distorsion, une telle désacralisation du savoir. Aux inventions « pédagogiques » en vogue, pour certaines réussies mais souvent inutiles, le musée d’histoire de Lyon ajoute un militantisme qui laisse pantois, et ignore des pans entiers de l’histoire lyonnaise, ne faisant qu’effleurer le reste. L’équipe du musée est certes enthousiaste, convaincue de bien faire, mais s’est méprise sur la notion d’engagement. Plus qu’une déception, pour une structure qui emploie 50 personnes (et exploite aussi un musée de la marionnette et de guignol, peut-être moins amusant) avec un budget annuel d’environ 3 millions d’euros. Son projet scientifique et culturel, validé par l’État, bénéficie du plein soutien de l’actuelle mairie : le maire Grégory Doucet (EELV) se dit ainsi « admiratif du travail colossal » des équipes du musée d’une ville « profondément humaine, tissée par les lumières du monde ». Un tissu, oui, mais pas vraiment de lumière.

    https://www.lefigaro.fr/histoire/mensonger-ultra-politise-le-grand-n-importe-quoi-du-nouveau-musee-d-histoir

    Mots-clé tirés de l’article et de la vidéo :
    #wokisme #woke #révolution_culturelle_woke #intersectionnalité #affaire_de_Grenoble #militantisme #militants_extrémistes #ségrégationnisme #séparatisme #pride_radicale #non-mixité #genre #panique_morale #anti-wokisme #universalisme #universités #culture #films #imaginaire #civilisation_occidentale #industrie_lyonnaise #woke-washing #engagement #père_Delorme #1983 #Marche_pour_l'égalité_et_contre_le_racisme #planning_familial #catholicisme #racisme_systémique #Sac_de_Lyon #divertissement #Joseph_Chalier #histoire #Paul_Chopelin #militantisme

    Les invité·es :

    1. #Nora_Bussigny, autrice de ce #livre :
    Les Nouveaux Inquisiteurs


    https://www.albin-michel.fr/les-nouveaux-inquisiteurs-9782226476951

    2. #Pierre_Valentin, auteur de ce livre :
    L’#idéologie_woke. Anatomie du wokisme


    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

    3. #Samuel_Fitoussi :
    https://www.wikiberal.org/wiki/Samuel_Fitoussi
    (et je découvre au même temps « wikilibéral »)
    –-> qui parle notamment du film #Barbie (min 18’30)

    https://www.fondapol.org/etude/lideologie-woke-1-anatomie-du-wokisme

  • Gaza : la croisade raciste – la chronique de Joseph Andras
    https://www.frustrationmagazine.fr/gaza-la-croisade-raciste

    Être français, par les temps qui courent, vous recouvre de crasse. Que le gouvernement d’extrême droite israélien s’adonne au nettoyage ethnique, c’est une chose ; que le gouvernement français lui fasse les yeux doux, c’en est une autre. Nous l’avons dit : nul ne doit attenter à la vie des civils. Nous l’avons dit : la mort des civils israéliens […]

  • Gaza : « Macron n’a même pas la décence élémentaire d’appeler à un cessez-le-feu » - Regards.fr
    https://regards.fr/gaza-macron-na-meme-pas-la-decence-elementaire-dappeler-a-un-cessez-le-feu

    Socialisme et morale révolutionnaire, solution à deux États, impasse Hamas-Netanyahu, terrorisme et crime de guerre, « déraison » française… On a causé avec l’écrivain Joseph Andras.

    #hamas #Palestine #Israël #terrorisme

  • Le Moyen-Orient crie justice – La chronique de #Joseph_Andras

    Nous accueillons régulièrement l’écrivain Joseph Andras pour une chronique d’actualité qui affûte nos armes et donne du style à nos frustrations.

    Deux États bombardent deux peuples en cet instant. Au #Kurdistan syrien et en #Palestine. Chaque heure qui passe nous mine. Mais nos mots n’ont pas le moindre sens là-bas. S’ils en ont un, ça n’est qu’ici. Ceci oblige à parler droit, c’est-à-dire à parler juste. Tout intellectuel, disait Edward W. Saïd, a pour fonction de refuser « les formules faciles ». La rigueur est la seule chose qui reste quand le sang coule au loin.

    Deux populations colonisées

    Le Kurdistan est historiquement colonisé par les États turc, iranien, irakien et syrien. Le Kurdistan irakien, dirigé par un pouvoir corrompu et autoritaire, a gagné son autonomie et mène de nos jours une politique de collaboration zélée avec Ankara. Le Kurdistan syrien a conquis, par la voie révolutionnaire, une autonomie précaire et conduit, laborieusement, une politique inspirée par les principes post-marxistes du KCK, plateforme des forces révolutionnaires kurdes au Moyen-Orient. Le Kurdistan turc vit sous occupation et a vu ses résistants brutalement écrasés dans les années 2015 et 2016. Le Kurdistan iranien, acteur majeur du dernier soulèvement en date contre la dictature théocratique iranienne, vit lui aussi sous occupation. L’État turc, bâti sur la négation du génocide arménien, a longtemps nié l’existence même des Kurdes : leur langue était proscrite, leurs porte-paroles abattus ou incarcérés, leur culture traquée. Dans les années 1990, ce sont environ 4 000 villages et hameaux kurdes qui ont été rasés. « Nous avons opté pour la règle de la terreur et de l’anéantissement », a ainsi déclaré Hanefi Avci, un temps chef-adjoint du Bureau du renseignement de la Direction générale de la sûreté.

    La Palestine est, aux côtés, notamment, du Kurdistan et du #Sahara_occidental, l’une des dernières colonies de par le monde. Elle végète aujourd’hui, de l’aveu même de Tamir Pardo, ancien chef du Mossad, en situation d’apartheid. L’État israélien, officialisé après le génocide des Juifs d’Europe, s’est construit sur le nettoyage ethnique de la Palestine : s’il était besoin, nombre d’historiens israéliens l’ont confirmé. « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place… », a confié Ben Gourion dans sa correspondance, le 5 octobre 1937. Ce nettoyage ethnique reposait sur une idéologie coloniale, autrement dit raciste, arguant qu’il n’existait aucun peuple sur cette terre. Or un peuple existait et, depuis 1948, celui-ci est déplacé, spolié, massacré, assassiné, parqué, détenu en masse. La Cisjordanie et la bande de Gaza sont emmurées avec la collaboration des « démocraties » occidentales, étasunienne au premier chef. Les colonies dévorent chaque année toujours plus de terres. L’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – qui, selon Amnesty International, relève de l’« État policier » – n’a plus aucune légitimité aux yeux de la population palestinienne : elle n’est, pour reprendre les mots du militant socialiste israélien Michel Warschawski, qu’un « instrument au service de l’occupation ». L’actuel gouvernement de Netanyahu, ouvertement fasciste et raciste, a accompli l’exploit de jeter dans la rue des centaines de milliers d’opposants israéliens.
    Deux puissances coloniales alliées

    Trois jours après l’opération Déluge al-Aqsa co-orchestrée par le Hamas le 7 octobre, Erdoğan a dénoncé le siège de la bande de Gaza : « Où sont donc passés les droits de l’Homme ? » Et, de fait : l’ONU vient de rappeler que le droit international l’interdit en ce qu’il constitue une « punition collective » attentatoire aux civils. Gaza agonise sous le phosphore blanc en l’attente d’une possible invasion terrestre. Sauf que : Erdoğan est bien le dernier à pouvoir parler. La Turquie est « la plus grande prison au monde pour les journalistes » (Amnesty) et son gouvernement bombarde actuellement le Kurdistan syrien. Des infrastructures civiles sont à terre : hôpitaux, écoles, stations électriques, stations de pompage d’eau, barrages, silos à grain, fermes, stations services, installations pétrolières, usines… Deux millions de personnes sont privées d’eau et d’électricité. Les hôpitaux sont saturés ; on compte pour l’heure près de 50 morts, dont une dizaine de civils.

    Le prétendu soutien de l’État turc à la Palestine est une farce, grossière avec ça. La Turquie est le quatrième partenaire commercial d’Israël, avec un commerce bilatéral en hausse de 30 % en 2021. La ministre israélienne de l’Économie et de l’Industrie du gouvernement Bennett-Lapid a fait état, l’an dernier, de « l’engagement d’Israël à approfondir les liens économiques avec la Turquie ». L’État turc, membre clé de l’OTAN, a acheté des drones israéliens pour lutter contre le PKK, chef de file de la résistance socialiste kurde. En 2018, il a envahi le Kurdistan syrien fort d’une centaine de chars M60-A1 modernisés par l’industrie israélienne (et du concours d’anciens combattants de Daech) : le canton nord-syrien d’Afrîn, majoritairement kurde, vit depuis sous occupation militaire. Abdullah Öcalan, leader du PKK incarcéré depuis deux décennies, disait déjà en mars 1998 : « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes. »

    « Les Turcs ont conclu un accord avec Israël pour tuer les Kurdes.”
    Abdullah Öcalan, leader du PKK

    Au lendemain de l’opération ordonnée par le Hamas, Yeşil Sol Parti, le Parti de la gauche verte implanté en Turquie, a publié un communiqué titré : « La paix ne viendra pas au Moyen-Orient tant que les problèmes palestinien et kurde ne seront pas résolus ». Tout en réprouvant « le meurtre de civils » et « la torture de cadavres », l’organisation kurde a apporté son soutien à « la lutte du peuple palestinien pour la liberté » et condamné « l’occupation de la Palestine par Israël ». Quelle issue au carnage ? Une « solution démocratique et juste ». C’est que les résistances kurde et palestinienne sont liées par le sang versé depuis les années 1980 : le PKK et l’OLP ont combattu cote à cote contre l’occupation israélienne. Can Polat, cadre kurde de la révolution nord-syrienne, avait ainsi déclaré à l’écrivain palestinien Mazen Safi : « Le point important, mon frère et camarade, est que les facteurs qui nous lient sont mille fois plus importants que les facteurs qui nous divisent, en dépit des tyrans, des agents et des racistes. Victoire sur Jérusalem occupée. »
    Résister

    Résister à l’oppression est légitime. Y résister par les armes l’est aussi. Le droit international ne dit rien d’autre : la résolution 37/43 de l’Assemblée générale des Nations Unies a, le 3 décembre 1982, réaffirmé « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale et étrangère, de l’occupation étrangère, par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».

    Les populations kurdes et palestiniennes ont déployé un nombre incalculable de modalités de lutte, non violentes et violentes : grèves de la faim, marches, recours juridiques et institutionnels, guérilla, attentats. L’ennemi, comme l’a indiqué Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté, détermine toujours le cadre du combat. « Nous avons utilisé toutes les armes non violentes de notre arsenal – discours, délégations, menaces, arrêts de travail, grèves à domicile, emprisonnement volontaire –, tout cela en vain, car quoi que nous fassions, une main de fer s’abattait sur nous. Un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l’opprimé d’autres recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. » Le « pacifisme » de Mandela, longtemps présenté comme « terroriste » par les puissances capitalistes, est un mythe. Les États coloniaux turc et israélien qualifient à leur tour la résistance de « terrorisme ».
    La fin et les moyens

    Résister est légitime. Mais il est des moyens de résistance qui le sont moins. Le PKK s’engage de longue date à ne frapper que les cibles militaires et policières. Quand, par malheur, un civil perd la vie au cours d’une opération, sa direction présente sans délai ses excuses aux familles. Öcalan a reconnu que des femmes et des enfants étaient tombés sous les coups de son mouvement et promis en avoir « souffert », assurant que leur mort avait eu lieu lors d’échanges de tirs : « ce n’était pas intentionnel ». Georges Habbache, fondateur socialiste du FPLP palestinien, a quant lui confié dans les années 2000 : « Nous sommes opposés à tout acte terroriste gratuit qui frappe les civils innocents. […] [L]a vie humaine a une trop grande valeur pour que j’approuve ces attentats-kamikazes [palestiniens]. »

    Le 7 octobre, des soldats et des policiers israéliens ont été pris pour cible par les combattants du Hamas, du Jihad islamique, du DFLP et du FPLP. Nul ne saurait le dénoncer, sauf à ratifier l’apartheid et la colonisation militaires. Mais le Hamas a également fait le choix de frapper des civils. On dénombre à l’heure qu’il est la mort de 1 300 Israéliens. Parmi eux, 260 festivaliers et nombre de civils : le kibboutz Be’eri comptait des enfants, celui de Kfar Aza aussi. Un massacre qui tord le cœur. Il s’agit donc de parler droit, à l’instar de Rima Hassan, fondatrice franco-palestinienne de l’Observatoire des camps de réfugiés : « Que ça soit clair, il est moralement inacceptable de se réjouir de la mort de civils ». Et de préciser : « Le faire c’est oublier les principes qui nous engagent dans la perspective d’une paix qui doit nous sauver ». Frapper les civils, c’est affaiblir la résistance. Dans ses mémoires Récits de la longue patience, Daniel Timsit, militant communiste du FLN algérien, a raconté avoir confectionné des engins explosifs pour le compte du mouvement indépendantiste. Les bombes visaient l’armée française occupante. « Mais quand ont eu lieu les premiers attentats terroristes dans la ville, ça a été atroce ! » Plus loin il ajoutait : « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue. »

    « La fin ne justifie pas les moyens. L’utilisation consciente de moyens immoraux pourrit l’âme, et le cycle infernal se constitue.”
    Daniel timsit, militant communiste du fln algérien

    La morale n’est pas un à-côté de la lutte : elle a toujours été son cœur battant. « Si nous voulons changer le monde, c’est aussi, et peut-être d’abord, par souci de moralité », avançait un texte collectif initié, en 1973, par le militant anticolonialiste et trotskyste Laurent Schwartz. De fait : les révolutionnaires livrent partout bataille pour la dignité, la liberté, la justice et l’égalité. En un mot pour l’émancipation. L’amoralisme n’est que la grammaire de l’ordre en place. Aucune guerre n’est « propre » et toutes les causes justes, on le sait, on ne le sait même que trop, ont pu à l’occasion se faire injustes : des communards ont exécuté dix hommes de foi, rue d’Haxo, en dépit des protestations de Vallès ; l’IRA provisoire a tué 12 civils en frappant l’établissement La Mon House Hostel (puis s’en est excusée) ; la branche armée de l’ANC sud-africain a posé une bombe à quelques pas de Church Square, tuant et blessant des civils (puis s’en est excusée) ; etc. L’injustice occasionnelle n’invalide en rien la cause juste ; elle l’amoindrit. Car ce qu’il reste à l’occupé qu’on écrase, disait Edward W. Saïd, c’est justement « la lutte morale ». Le PKK s’y évertue et, au Kurdistan syrien, les prisonniers de Daech sont maintenus en vie. Il ne saurait être question d’idéalisme abstrait mais de morale concrète – révolutionnaire, aurait dit Hô Chi Minh. Elle engage les militants, non sans d’immenses difficultés, et, peut-être plus encore, ceux qui, sans craindre pour leur vie, prennent par internationalisme position sur ces questions. Saïd poursuivait : il est du ressort des intellectuels « de soulever des questions d’ordre moral ». C’est en toute cohérence que le penseur palestinien, pourfendeur de l’occupation israélienne et de la collaboration palestinienne, s’est continûment levé contre la mise à mort des civils. « Je me suis toujours opposé au recours de la terreur », rappelait-il en 1995. Les attentats sont « moralement ignobles » et « stratégiquement nuls ». Toucher des enfants est « une abomination qui doit être condamnée sans conditions ».
    Le Hamas

    Il se trouve que le Hamas se réclame de l’idée révolutionnaire. Or révolutionnaire il ne l’est pas. Car l’idée révolutionnaire n’est rien d’autre que l’idée démocratique enfin réalisée. Le Hamas, dont les menées antidémocratiques ne sont plus à démontrer, ne constitue pas une force d’émancipation. « On sait même que les Israéliens ont soutenu Hamas au début pour affaiblir les courants laïcs et démocratiques de la résistance palestinienne. Bref, l’islam politique a été construit par l’action systématique de l’impérialisme soutenu bien entendu par les forces réactionnaires locales obscurantistes », a rappelé en 2006 l’économiste socialiste Samir Amin, contempteur résolu de l’islamisme en ce qu’il ne « peut être un adversaire authentique de la mondialisation capitaliste-impérialiste ». Enfant des Frères musulmans né au lendemain de la première Intifada, le Hamas s’est d’abord montré favorable à la fondation d’un État islamique. En 1993, il appelait dans un mémorandum à la « Guerre sainte » contre l’occupant et se dressait, dans sa charte fondatrice (amendée depuis), contre « l’idée laïque » telle que portée par l’OLP. Son ancrage contre-révolutionnaire était ouvertement revendiqué dans la charte en question : les Juifs, lisait-on, étaient à l’œuvre derrière la Révolution française et le communisme… L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire. Humaine, voilà qui se passe de commentaire ; palestinienne, car la guerre en cours n’oppose pas des Arabes et des Juifs mais une population colonisée, à la fois musulmane et chrétienne, et un régime d’apartheid ; révolutionnaire, car que serait cette tradition sans l’inestimable contribution juive ? À un projet raciste – « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » –, l’antiracisme fournit l’unique réponse.

    En toute logique, le Hamas témoigne son admiration pour Erdoğan et a encouragé, par la voix de Khaled Mechaal, l’opération de nettoyage ethnique kurde entreprise à Afrîn. Aucun partisan de l’égalité ne peut se montrer solidaire d’un ennemi de l’égalité. Il en va d’une élémentaire cohérence politique. Bien des Palestiniens ont mis en évidence le problème que pose le Hamas au sein du mouvement de libération. Lisons Edward W. Saïd, en 1995 : « Le Hamas et le Jihad islamique ne sauraient constituer une alternative : leur pensée réductrice, leur vision réactionnaire et leurs méthodes irrationnelles ne peuvent en aucun cas servir l’avènement d’un ordre social acceptable. » Lisons Mustapha Barghouti, fondateur de Palestinian National Initiative, dénonçant en 2004 « le fondamentalisme du Hamas ». Lisons Mahmoud Darwich, évoquant deux ans plus tard les succès électoraux de l’organisation islamiste : « Quand on défend une Palestine plurielle et laïque, on ne peut que craindre pour les droits des femmes, pour les jeunes et pour les libertés individuelles. » Lisons Georges Habbache, à la même époque : « Le modèle islamiste comporte beaucoup de points négatifs ; en termes de choix de société, notre vision est différente, notamment sur la question de la femme. Aujourd’hui, à Gaza, certains aspects sociaux de la vie quotidienne sont inquiétants. » Lisons enfin Leïla Khaled, figure socialiste de la lutte armée, en 2014 : « Le Hamas estime que la Palestine est un endroit sacré qui appartient aux musulmans, ce qui va à l’encontre de nos opinions ».

    “L’antisémitisme est une triple trahison : de la cause humaine, palestinienne et révolutionnaire.’‘
    joseph andras

    On ne saurait, tant s’en faut, réduire la question palestinienne à celle du Hamas. La Palestine était assujettie avant sa création ; elle continuera de l’être quand bien même celui-ci disparaîtrait. Le point central, c’est l’occupation. C’est l’apartheid. C’est, depuis 1948, la spoliation sans fin. Le Hamas n’en est pas moins une force palestinienne incontournable. Il est un acteur de la guerre et, à ce titre, quantité de ses opposants palestiniens savent qu’il faudra bien compter avec lui pour entrevoir quelque issue. Le Hamas est une maladie de l’occupation. Sa funeste résultante. Enfermez une population, privez-la de tout espoir, déchiquetez-la : les démocrates, mécaniquement, s’épuisent. « On a rendu Gaza monstrueux », vient de déclarer le cinéaste israélien Nadav Lapid. Bombarder la bande de Gaza, comme l’État israélien n’a de cesse de le faire, ajoute seulement à l’horreur. Ces bombardements pointent « officiellement » le Hamas ; ce dernier, supposément affaibli, vient pourtant de diligenter une opération militaire d’une envergure inégalée. Depuis 2008, quatre guerres ont été menées contre ce minuscule ghetto asphyxié. Une cinquième est en cours. L’opération Plomb durci a tué 1 315 Palestiniens – 65 % de civils, dont plus de 400 enfants. L’opération Pilier de défense a tué plus de 100 Palestiniens – dont 66 civils. L’opération Bordure protectrice a tué au moins 245 enfants. Au 12 octobre 2023, on compte plus de 1 400 morts, dont 447 enfants. Autant de crimes sans noms. Une vie, pourtant, ne paraît pas valoir une vie en Occident « démocratique ». Personne n’a allumé la tour Eiffel pour eux. Personne ne leur a apporté un « soutien inconditionnel ». Personne n’a organisé de minutes de silence en leur mémoire. Car, comme vient de l’admettre le « philosophe » Raphaël Enthoven : « Je pense qu’il faut marquer cette différence, que c’est même très important de la faire. Là encore, ça n’est pas commensurable. » Une franchise emblématique : l’esprit colonial au grand jour.
    Deux solutions politiques

    Un jour, comme toujours, les armes seront rangées. Ce jour n’est pas venu. Les forces d’émancipation kurdes ne se lassent pas de le scander, jusqu’en France : « Solution politique pour le Kurdistan ! » Le PKK a de longue date proposé un plan de paix et, par suite, le désarmement complet de ses unités. Tout est prêt sur le papier ; l’État turc s’y refuse et Erdoğan a mis un terme aux derniers pourparlers. Le PKK – et avec lui le parti de gauche HDP, quoique sous des modalités différentes, réformistes et légalistes – réclame l’autonomie des territoires kurdes au sein des frontières constituées. Non un État-nation indépendant, comme il le souhaitait originellement, mais le respect démocratique de la vie culturelle, linguistique et politique kurde dans les quatre portions du Kurdistan historique. « On ne peut concevoir de solution plus humaine et modeste », note Öcalan du fond de sa prison. La réélection d’Erdoğan au mois de mai repousse à nouveau l’espoir de la paix. Mais une solution, qui passera par la libération du leader du PKK, existe bel et bien sur la table – aux internationalistes de l’appuyer à leur façon.

    En Palestine, la fameuse « solution à deux États » est caduque de l’aveu de tous les analystes informés : une fable pour plateaux de télévision et discutailleries diplomatiques. Expansion coloniale oblige, un État palestinien – auquel le Hamas a finalement consenti – n’est plus à même de voir le jour. La Cisjordanie est totalement disloquée et aucune continuité territoriale n’est assurée avec Gaza. Le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrits, a lui-même reconnu en juillet 2023 que « le rêve arabe d’un État en Cisjordanie n’est plus viable ». Il ne reste aux Palestiniens que deux alternatives : « renoncer à leurs aspirations nationales » (et vivre en Israël en tant qu’individus) ou « émigrer » dans un pays arabe. Pourtant, parmi les ruines, demeure une solution : un État « commun » ou « binational ». Perspective incommode, à l’évidence. Certainement pas réalisable dans l’immédiat. Mais des gens de justice s’y rallient de part et d’autre. En 2001, Michel Warschawski a publié l’ouvrage Israël-Palestine le défi binational : il invitait, sur le modèle sud-africain, à tourner la page de l’apartheid par « un État unitaire ». La décennie suivante, l’historien israélien Ilan Pappé y appelait à son tour : « décolonisation, changement de régime et solution à un État ». De leur vivant, Georges Habbache et Edward W. Saïd sont allés dans le même sens : le premier a loué « un État démocratique et laïc » comme « seule solution » ; le second indiqué que les Israéliens et les Palestiniens vivaient dans une promiscuité quotidienne telle qu’une séparation étatique n’avait aucun sens. Pour que le sang ne coule plus, reste à bâtir un espace de « citoyens égaux en paix sur une même terre ».

    “Un jour, comme toujours, les armes seront rangées“
    joseph andras

    Ici, oui, nous ne pouvons rien. Tout juste nous faire l’écho malaisé des voix démocratiques en lutte. C’est peu. Mais ce peu-là, entre les cris et l’hystérie médiatique française, vaut peut-être un petit quelque chose si l’on aspire à la libération des peuples.

    https://www.frustrationmagazine.fr/moyen-orient

    #colonisation #Hamas #nettoyage_ethnique #colonisation #résistance #oppression #lutte #7_octobre_2023 #droit #civils #paix #morale #guerre #révolution #idée_révolutionnaire #démocratie #émancipation #islam_politique #impérialisme #islamisme #Frères_musulmans #Intifada #antisémitisme #Palestine #Israël #apartheid #occupation #Gaza #bombardements #opération_Plomb_durci #opération_Pilier #opération_Bordure_protectrice #solution_à_deux_États #Etat_binational

    #à_lire

  • “Un nettoyage ethnique en Palestine” – Kaoutar harchi & joseph andras
    https://www.frustrationmagazine.fr/nettoyage-ethnique-palestine

    Un nettoyage ethnique a cours sous nos yeux. Ne pas le dire c’est y prendre part. Chaque silence vaut blanc-seing. Chaque fausse parole aussi. Écoutons Catherine Colonna, ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères : « Israël a le droit de se défendre face à la monstruosité du Hamas et du danger qu’il représente. Sa réponse […]

  • “Désolé pour la démocratie” – la chronique de Joseph Andras
    https://www.frustrationmagazine.fr/desole-democratie

    Comme nous, le romancier Joseph Andras a bien la rage. C’est pourquoi nous l’accueillons régulièrement pour une chronique d’actualité qui affûte nos armes et donne du style à nos frustrations. C’est à peine si les ministres peuvent mettre un pied dehors. Le monarque n’a pas l’heur d’être au Qatar : ici, il n’ose pas s’aventurer sur […]

    • Les gavés n’ont pas le désir de devenir des gens comme les autres. Il faut les y aider. Un mot existe pour ça : « révolution ». C’est-à-dire reprise en main populaire pour une vie collective digne du nom de vie. C’est-à-dire rupture organisée pour fabriquer un peu de bonheur ordinaire. Afin de ne plus s’épuiser à parer les coups répétés, reste à affirmer. Le pays ne s’effondrera pas si les privilégiés en partent ; si les travailleurs et les amis de l’égalité cessent de travailler ou se rassemblent, par millions, autour d’une grande idée positive, si. Répétons-le. Martelons. Rabâchons.
      Ils ne tiennent que parce que nous les laissons tenir.

  • Un pur chef d’oeuvre : Ténèbre, de Paul Kawczak
    (La Peuplade, 2020 ; J’ai lu, 2021)

    Un grand livre passé inaperçu en France, malgré un prix des lecteurs L’express/BFMTV 2020 et une critique de François Angelier le 28 août 2021.

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    Le roman raconte le parcours de Pierre Claes, géomètre belge mandaté par le roi qui mène une expédition en Afrique pour matérialiser les limites des terres civilisées. Il remonte le fleuve Congo en compagnie de travailleurs bantous et de Xi Xiao, maître tatoueur chinois et bourreau spécialisé dans l’art de la découpe humaine. Ce dernier devine les horreurs de la colonisation à venir.

    « Dans ce premier roman, Paul Kawczak revisite et dynamite le récit de voyage à la façon du XIXe siècle, pour en faire un livre baroque, oppressant, violemment érotique, d’une beauté barbare, servi par un style superbe »

    estime Jean-Claude Perrier dans son avant-critique du roman paru dans le Livres Hebdo du 17 janvier.

    Paul Kawczak est un éditeur, né en 1986 à Besançon, en France. Ses études doctorales en littérature l’ont mené en Suède puis au Québec. Avec le goût de l’exil lui est venu celui de l’écriture, comme forme de retour. Ténèbre sortira en format poche chez J’ai lu en 2021.

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    L’extraordinaire Ténèbre dans laquelle Paul Kawczak immerge ses personnages, celle de l’énorme et impénétrée forêt congolaise des années 1890, tient moins de la lice héroïque que d’un salon de torture fin de siècle. Imprégné par le Mirbeau du Jardin des supplices (1899) et le Conrad d’Au cœur des ténèbres (1899) – Conrad qui fait une apparition, « Polonais aux yeux polaires » –, le roman de Kawczak offre une peinture au rasoir, d’une part d’une Afrique coloniale hagarde, en sang et en larmes, que l’Europe franco-belge dilacère avec cupidité, confiant ses basses œuvres tant à des nervis soûls de sadisme qu’à des aventuriers à la mysticité délirante, et, d’autre part, du « charnier divin » d’une Belgique à la Ensor d’où vient le héros, le géomètre Pierre Claes, ethnie bourgeoise et délirante. A lire cul sec.

    https://www.lemonde.fr/livres/article/2021/08/28/james-fenimore-cooper-paul-kawczak-william-seabrook-la-chronique-poches-de-f

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    Les libraires conseillent (février 2020)

    En 1890, au cœur d’une Afrique que les grands pays colonisateurs se disputent âprement, Pierre Claes, géomètre de son état, se voit confier par son Roi la tâche d’aller délimiter la #frontière nord du Congo. Mais le jeune Claes, qui n’a rien de l’aventurier viril requis pour une telle charge, sombre peu à peu dans l’horreur coloniale, dont les extrémités semblent sans limites. Formée d’une horde de personnages aussi denses qu’énigmatiques, du bourreau chinois Xi Xiao au danois Mads Madsen, capitaine du Fleur de Bruges, sans oublier Mpanzu le Bantou, Vanderdorpe au cœur brisé ou encore Léopold, un chimpanzé apprivoisé, l’expédition Claes progresse péniblement sur le fleuve Congo, ponctuant son périple de rencontres inusitées et de péripéties abracadabrantes, pénétrant toujours plus avant la noirceur terrifiante des jungles antédiluviennes d’où toute morale s’est depuis longtemps évanouie. Servi par l’élégance d’une prose véritablement géniale et doté d’un art narratif empruntant aussi bien à Jules Verne qu’à Hemingway ou même à Poe, ce roman immense au romantisme sombre devrait vous hanter longtemps après avoir tourné la dernière page.

    Attention : chef-d’œuvre !

    Philippe Fortin, librairie Marie-Laura (Jonquière)

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    « L’histoire qui suit n’est pas celle des victimes africaines de la colonisation. Celle-ci revient à leurs survivants. L’histoire qui suit est celle d’un suicide blanc dans un monde sans Christ ; celle d’un jeune homme oublié dans un labyrinthe de haine et d’aveuglement : l’histoire du démantèlement et de la mutilation de Pierre Claes. » (page 12)
    Ce chant de la mutilation, — pour reprendre le titre du livre de Jason Hrivnak [1] ­—, relate l’histoire de Pierre Claes, géomètre belge, mandaté par le roi Léopold II pour délimiter les frontières du Congo. Le jeune homme se lance en 1890 dans une première expédition à bord du Fleur de Bruges, glissant sur le fleuve Congo, en compagnie de travailleurs bantous et de Xi Xiao, un ancien bourreau spécialisé dans l’art de la découpe humaine, maître tatoueur et devin.

    Paul Kawczak ne fait pas ici le pari de la #reconstitution mais plutôt celui d’écrire un roman comme s’il avait été écrit au XIXème siècle, sans pour autant tomber dans les travers du pastiche ou de la parodie.
    L’ironie est présente dans Ténèbre, mais il s’agit d’une ironie subtile, de celle à l’œuvre dans le Dracula (1897) de Bram Stoker, roman épistolaire brillant dans lequel l’auteur raille subtilement l’héroïsme des personnages qui pourchassent le vampire. L’atmosphère et le style flamboyant de Ténèbre ne sont pas non plus sans rappeler le génial roman gothique Melmoth ou l’Homme errant (Melmoth the Wanderer, 1820) de Charles Robert Maturin.

    « Des mains dont les ongles avaient continué de pousser et dont les corps avaient disparu, emportant avec eux le jour et la nuit, les arbres géants et les cris animaux, le temps des regrets et la parole humaine. Ces mains hurleraient et perceraient le monde jusqu’à le déformer, l’étirant hors de toute mesure suivant l’attraction de leur cri ; elles se rendraient au berceau de chaque nouveau-né, au chevet de chaque vieillard, au seuil de chaque foyer pour porter l’horrible nouvelle, la portant à la barbe de Léopold II même, qu’elles finiraient par arracher, comme elles arracheraient chaque Christ de sa croix pour le gifler, le fesser et lui annoncer, rieuses, piailleuses et chantantes, comme les mésanges nègres du fleuve Congo, l’avènement de la Peur, de la Mort et de l’Apocalypse. » (p. 147)

    Ténèbre n’a rien d’un pastiche, disions-nous. Il suffit pour s’en convaincre de prêter attention aux premières citations en exergue, celle de l’artiste taïwanais Chen Chieh-Jen, tout d’abord, qui rappelle que si « nous ne voyons pas la violence de l’histoire […] nous avons besoin de méditer les images de l’horreur et de nous en pénétrer » (p. 7). Puis celle de l’historien congolais Isidore Ndaywel è Nziem : « de 1880 à 1930, environ 10 millions de Congolais […] auraient disparu, victimes de l’introduction de ‘‘la civilisation’’. » (ibid.)

    La troisième épigraphe est de #Marx :

    « Le #capital naît dégouttant de sang et de boue des pieds à la tête », écrit l’auteur du Capital (p. 11).

    L’intention du romancier est claire : Ténèbre se veut une généalogie du Mal, ce Mal qui ronge l’Europe dans les derniers feux d’un romantisme à l’agonie : le capitalisme et son corollaire, le colonialisme, avec son abominable litanie de crimes contre l’humanité commis au nom de « la civilisation », — une civilisation blanche, mâle, chrétienne.

    Dieu est mort. L’argent est roi

    C’est le Mal qui ronge Pierre Claes, le géomètre dont le lecteur suit l’errance dans ce dédale tracé par Paul Kawczak. Les références à l’Enfer et au Paradis sont nombreuses dans le roman. Le Congo, en premier lieu, comparé à un nouvel Éden :

    « Le jardin d’Éden n’avait dû être qu’un simple brouillon comparé à la jungle africaine. À plusieurs reprises, [Pierre Claes] se dit que son enfance eût été plus facile s’il avait eu connaissance de l’existence des fleurs qu’il voyait alors, s’il avait su qu’il y avait, quelque part sur la Terre, un Paradis plus mystérieux que celui de la catéchèse, un lieu d’où pas une couleur n’était absente, où la mort même était extraordinaire, un lieu dont le calvaire quotidien de l’extrême chaleur et des insectes consacrait la beauté en vérité au lever du soleil. » (p. 106)

    Claes est chargé de cartographier ce Paradis [2], une mission qu’il accomplit en scrutant le ciel pour abaisser sur Terre les étoiles :

    « À cette époque, un géomètre marquait la terre mais scrutait le ciel. Les frontières idéales se matérialisaient à partir des étoiles dont l’apparente fixité était encore l’aune de l’absolu pour les hommes. Pierre Claes, par de savants calculs, abaisserait sur Terre les étoiles, au sol, et de leur majesté ne resterait que le tracé invisible d’un pouvoir arbitraire : là passerait la frontière. Claes réduirait l’infini en politique. » (p. 32)

    Autre motif lié au Paradis terrestre et à l’Enfer, celui du serpent, présent sur la couverture du livre et dont nous trouvons de nombreuses occurrences dans le texte [3]. Le serpent est un motif polysémique dans Ténèbre, mais la référence au texte de la Genèse (3, 1-24) est évidente. Dans la scène d’agonie de Baudelaire (pp. 127-128), Paul Kawczak décrit les yeux de l’auteur des #Fleurs_du_Mal comme ceux d’un serpent, faisant du poète le témoin et la victime de ce Mal qui dévore l’ancien monde.

    La question du mot ténèbre, si rare au singulier, a été éludée par les exégètes [4]. Plus fréquent au pluriel, notamment lorsqu’il fait référence à l’absence de Dieu et à l’Enfer, le mot a perdu sur la couverture du livre son S qui s’y trouve, par magie, incarné sous la forme d’un serpent [5]. Contrairement à la doctrine de la théologie chrétienne du péché originel, Paul Kawczak distingue la ténèbre, qui est intérieure, du Mal (représenté par le serpent) extérieur à l’homme : ici l’homme ne naît pas pécheur, il devient mauvais, corrompu par le capitalisme dont l’un des symboles est celui du dollar américain, un S doublement barré.

    L’errance géographique de Claes, se double d’une errance d’ordre psychique, un labyrinthe mental [6] tracé par le Mal à l’œuvre sur Terre : l’Enfer n’est pas un lieu, il est le socle brut de notre condition humaine, planté au cœur des hommes broyés par le capitalisme triomphant.

    « Chaque nuit un peu plus, Claes prenait la mesure de la progression de l’ombre en lui, de sa catabase africaine vers la Ténèbre intérieure. Pierre Claes pleurait alors comme un enfant, inconsolable de sombrer et effrayé par la violence à venir et les promesses tristes de la mort. » (p. 107)

    Ces leitmotive font signe au-dessus de la jungle du texte, la phrase Kawczakienne étant elle-même à l’image de cette jungle : sa syntaxe est prolifération, luxuriance, toute bruissante de ses rumeurs. La riche prose de Ténèbre passerait aisément l’épreuve du « gueuloir » chère à Flaubert, et l’on devine d’ailleurs que Paul Kawczak partage envers l’auteur de L’Éducation sentimentale l’admiration qu’il prête à l’un de ses personnages (Polonais) pour « son style, non pas prosodique, mais ironique, toujours double, comme chaque chose » (p. 87).

    Les pages sublimes sont nombreuses dans le livre. Citons notamment celle-ci, sidérante de sa noire beauté :

    « Repassait incessamment dans son esprit l’image claire et brutale de la vulve coulante de Camille Claes, ouverte comme le désir précipité et précipitant, en fleur de chair, intolérable ou, plutôt, qui ne le tolérait pas, lui, le raidissait à mourir dans la trahison de son père qui ne l’avait jamais peint, et la lune, ouverte comme la plaie du Christ, comme le bec de certaines pieuvres qu’on avait amenées de la côte, du port d’Ostende, une fois, et que l’on avait montrées à la boucherie, monstrueux miracles roses et gris de gélatine, comme les récits de son grand-père, rejetant, vomissant le lait et le sang, il l’avait vue, écartée et baveuse et jamais, jamais, il n’avait eu aussi peur qu’au réveil ce matin-là, il devait s’excuser auprès de ses chiens avant qu’ils ne l’accusent trop violemment des mots que lui avait murmurés Camille Claes, de ce qu’elle lui offrait comme on offre à un homme, de ce tout petit secret de fourche, pas plus grand que le quart de la paume d’une main, plus petit même peut-être, comme la vérité et le monde qui l’avaient toujours tué. » (p. 182)

    Une des plus belles idées du livre tient dans la métaphore filée de l’écriture tout au long du roman : les tatouages et la découpe des chairs. L’écriture de Paul Kawczak est double, ainsi que celle de Flaubert. Elle est le Mal qui dit le Mal. Le poison et son antidote. La Fleur du Mal.

    « Un soir, Xi Xiao n’eut plus de nouveau récit à raconter. Pierre Claes lui demanda à être la prochaine histoire. Pierre Claes demanda à Xi Xiao de lui tatouer sur le corps le tracé d’une découpe et de le lingchéifier au cœur de l’#Afrique. Pierre Claes voulait être ouvert aux étoiles pour quitter l’horreur de sa vie. » (p. 151)

    Riche de ses références, tant aux romans populaires d’aventures et gothiques, qu’au symbolisme, au #décadentisme et au #romantisme crépusculaire, Ténèbre est un premier roman brillant et résolument postmoderne, porté de bout en bout par une écriture puissante et superbe.

    https://chroniquesdesimposteurs.wordpress.com/2020/05/22/tenebre-de-paul-kawczak

    [1] À lire ici notre recension du roman de Jason Hrivnak : https://LesImposteurs/le-chant-de-la-mutilation-de-jason-hrivnak

    [2] Nous pourrions également évoquer le Paradis qu’est pour Vanderdorpe « le giron tiède » de Manon Blanche, « terre où il eût dû mourir et où il n’avait pu naître », dont il « était déchu et banni sans possibilité de rachat » (p. 134).

    [3] La couleuvre pp. 96, 127-128 ; la vipère p. 209 ; le python pp. 227-228 ; ou encore pages 292 et 299.
    [4] Pour étayer notre analyse de cet ouvrage que nous disions écrit à la manière d’un roman du XIXème, notons que le rare ténèbre, au singulier, est attesté chez Huysmans en 1887.

    [5] L’illustration de première de couverture est l’œuvre de Stéphane Poirier.

    [6] Notons quelques occurrences du motif du labyrinthe dans le texte : « Cela, que les hommes ignorent, / ou dont ils n’ont pas idée,
 / à travers le labyrinthe du cœur,/ chemine dans la nuit. » (p. 239) ; « Congo-Minotaure » (p. 86) et « le Minotaure jaune » (p. 247) à propos de Xia Xiao.

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    Plus son bateau remonte le fleuve et plus Claes réalise à quel point l’entreprise dans laquelle il s’est embarqué est folle. Pour dompter un continent, il convient de le découper, de tailler à même sa chair géographique. Instrument et victime de ce projet, Claes en fait les frais. Entre un Chinois maître-tatoueur, un père désespéré, un singe doté d’émotions, Verlaine saoul, Baudelaire agonisant et une foule de colons détestables, Ténèbre navigue dans les eaux troubles de la fin de siècle et impressionne par son réalisme foisonnant.

    Entrecroisant les destins et les lieux, Kawczak emporte son lecteur de la #jungle africaine aux trottoirs parisiens, en passant par une boucherie bruxelloise et l’université britannique de St Andrews. À l’image de ses personnages, Ténèbre est un livre charnel, désespéré, exalté, qui suinte d’humeurs et de transpiration. C’est le tableau grouillant d’un XIXe siècle malade, halluciné, en état d’ébriété, de délire mystique et poétique permanent.

    C’est aussi un hommage décalé au Coeur des ténèbres de Joseph Conrad, mais bien plus qu’une variation sur le thème, ce pastiche, au sens noble, trouve sa propre force dans une galerie de portraits splendides et misérables, dans l’évocation de tous ces pauvres êtres meurtris par l’amour et qui courent à leur perte avec panache.

    Ténèbre est un livre total, parfaitement maîtrisé, et dont la plus belle réussite, peut-être, est de nous faire ressentir physiquement les fièvres qu’endurent les personnages. Un livre malade, en somme, et hautement contagieux.

    Grégoire Courtois, Libraire Obliques (Auxerre)

    https://actualitte.com/article/5206/chroniques/tenebre-de-paul-kawczak-impitoyable-et-hautement-contagieux

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    "Ténèbre" : Paul Kawczak, détonnant voyageur
    https://www.ledevoir.com/lire/571423/fiction-quebecoise-paul-kawczak-detonnant-voyageur

    Le 23 février 1885, de triste mémoire, à l’issue de la Conférence de Berlin, une poignée de pays européens se sont partagé l’Afrique sans états d’âme. Une charcuterie géopolitique qui a notamment inspiré Congo au romancier français #Éric_Vuillard en 2012.

    D’un coup de baguette magique, un territoire de 2,3 millions de kilomètres carrés couvrant une bonne partie du bassin du fleuve Congo est ainsi devenu un État indépendant et la propriété privée de Léopold Louis-Philippe Marie Victor de Saxe-Cobourg-Gotha, dit Léopold II, qui a dirigé le Royaume de Belgique entre 1865 et 1909.

    Le temps de l’#exploration est fini. Livingstone est mort de la dysenterie en 1873 dans un coin reculé de l’actuelle Zambie en cherchant les sources du Nil. Pierre Savorgnan de Brazza, nommé commissaire général du Congo français en 1885, a la main trop douce aux yeux de certains. L’heure est venue de passer aux choses sérieuses.

    Une alliance inédite

    Au nom de l’exploitation effrénée du #caoutchouc et de l’#ivoire, « dans l’intérêt de la civilisation et pour le bien de la Belgique », sur un territoire 80 fois plus grand que le petit royaume belge, vont se répandre l’appât du gain, la terreur et les crimes contre l’humanité. Une alliance inédite entre le colonialisme et le capitalisme dans sa forme la plus sauvage.

    Au menu : mauvais traitements, #esclavage, #torture, #mutilations et dilatation des profits. Une aventure quasi génocidaire sans précédent, trop mal connue, alors que certains historiens estiment que l’aventure coloniale au Congo — qui ne deviendra une #colonie_belge qu’en 1908 — aurait fait 10 millions de morts. Le monarque « philanthrope » belge, lui, n’y mettra jamais les pieds.

    C’est la matière sombre, l’espèce de trou noir où convergent et qu’aspire tout le mal dont l’homme semble être capable, qui est au cœur de Ténèbre, le premier roman magistral et « détonnant » de Paul Kawczak.

    En donnant à son livre une puissance qui est à la hauteur de son sujet, le romancier sort de l’ombre avec éclat.

    Une plongée dans l’horreur

    Mandaté par #Léopold_II pour y « découper un territoire volé », Pierre Claes, un jeune géomètre belge originaire de Bruges, débarque en mars 1890 dans un port du Congo.

    Sur place, le géomètre va s’assurer les services de Xi Xiao, un ancien bourreau chinois adepte du lingchi — appelé aussi supplice des « cent morceaux » — venu tenter l’aventure africaine et qui y survit comme maître tatoueur et homme à tout faire.

    Cette méthode de torture raffinée qu’il pratiquait consistait à prélever par tranches fines les muscles et les organes du supplicié, engourdi d’opium, jusqu’au coup de grâce. Un art du dépeçage qui fait ici écho, à l’évidence, au saccage méticuleux de l’Afrique.

    « Jamais n’avait-on vu encore, à une telle échelle, d’organisation si rationnelle et si intéressée de la mort. En chaque coin du pays, des subordonnés de cet État mortifère et raciste, amorçant ce qui reviendrait, en dernier lieu, au suicide de leur propre civilisation, assassinaient par centaines de milliers des vies africaines qu’ils eurent voulu oublier dans les brumes de leur délire. Le sang et la boue se mêlaient au sol comme ces insectes qui s’aiment d’une étreinte mécanique et furieuse, se dévorant le cou, les yeux ouverts sur la mort, le fond impossible de la vie. »

    -- Ténèbre, de Paul Kawczak, page 246

    Fasciné par les photographies d’un de ces supplices, l’écrivain français Georges Bataille a voulu, lui, y voir une forme d’érotisme.

    À sa manière, l’auteur prend la balle au bond. Xi Xiao va tomber amoureux de Pierre Claes, qui deviendra la victime consentante de ce Chinois de la douleur et de son art de la « découpe humaine divinatoire ».

    « Jamais la mort n’avait tenté de s’emparer de manière aussi vivante et imaginative d’un corps. » Un destin que Paul Kawczak semble lier, si on s’autorise à lire entre les lignes — ce que la richesse du roman permet —, au « suicide » de la civilisation européenne.

    Père manquant, fils vengé

    Au même moment, dans un coin reculé du Congo, avant de croiser un couple de missionnaires anglais exaltés, des porteurs bantous, un serpent baptisé Léopold et #Paul_Verlaine lui-même, Pierre Vanderdorpe, un médecin belge au service d’un puissant de la Société belge du Haut-Congo, traîne une peine immense.

    Un temps amoureux de la mère de Pierre Claes, enfant qu’il avait adopté avant de disparaître sans se retourner et de faire de sa vie une peine d’amour, Vanderdorpe traîne ses regrets au milieu des fièvres et de la pourriture équatoriale.

    Pour ce médecin sans remèdes, « l’existence est une aberration » et l’homme avoue rechercher en Afrique la meilleure façon de mourir. Il va la trouver.

    Né en 1986 à Besançon, dans l’est de la France, après un détour par la Suède, Paul Kawczak vit à Chicoutimi depuis 2011, où il a soutenu en 2016 à l’UQAC une thèse de doctorat intitulée Le roman d’aventures littéraire de l’entre-deux-guerres français : le jeu du rêve et de l’action. Auteur de deux livres, L’extincteur adoptif (Moult éditions, 2015) et Un long soir (La Peuplade, 2017), il est depuis juin 2017 éditeur à La Peuplade.

    En fait de roman d’aventures, il ne fait aucun doute que Paul Kawczak connaît ses classiques. Ténèbre en fait la preuve, et l’écrivain lance un clin d’œil appuyé à #Joseph_Conrad, qui y fait une discrète apparition. Ce dernier fut marin polonais sur le vapeur Roi des Belges sillonnant le #fleuve_Congo, avant de devenir un écrivain anglais et de dénoncer lui-même en 1899 le régime d’exactions au #Congo dans Au cœur des ténèbres, sa nouvelle la plus célèbre. Récit de passions mortifères, d’amour sublimé, de catastrophes intimes et collectives, Ténèbre déploie avec force sa magie noire. Une grande part de la réussite du roman tient à ce que tous les fils du récit finissent par converger en une finale, disons, explosive.

    Aux commandes de ce roman sombre à l’écriture impeccable, dosant avec justesse l’action et la profondeur, les injustices et les vengeances, #Paul_Kawczak nous tient en haleine du début à la fin. Du grand art.

    #littérature #massacre #colonialisme #impérialisme

  • « Faisons tomber le régime »
    https://www.frustrationmagazine.fr/faire-tomber-le-regime

    L’écrivain Joseph Andras nous a adressé ce texte écrit dans les jours qui ont suivi l’usage du 49-3 par le gouvernement, pour faire passer sa réforme des retraites. Nous le publions le soir où la motion de censure parlementaire a échoué, libérant pour de bon la colère sociale comme seul recours et meilleur horizon : […]

    • ... Quand un député centriste, énarque et fils d’aristocrate, en vient à incarner la dissidence à l’ordre en place, on attend la fin de règne. Il faut le voir, Charles de Courson, rappeler une ou deux évidences au micro de France Inter : Léa Salamé en a les yeux tout ronds. 20 mars au matin, ledit député : « Ils ont tout le monde contre eux, y compris dans le pays, si vous voulez. Et donc quand on est respectueux, quand on est démocrates, même si on pense qu’on a raison, eh bien il faut tenir compte de ce qui se passe dans un pays. Sinon vous n’êtes plus démocrate. » Salamé en perd ses mots : « Il est, il est, il est pas démocrate Emmanuel Macron ? » Deux billes en manière de regard et la bouche bée – tunnel, plus de réseau. De Courson se risque à une définition : « La démocratie, c’est le pouvoir du peuple. » C’en est bien trop pour Salamé : « Bah il a été élu, non ? »...

      ... Un caillou dessine un joli trou dans la vitrine de la permanence d’Éric Ciotti : le président des Républicains se dresse aussitôt contre « la Terreur » (majuscule). Quelques stickers sont collés sur celle d’un député Renaissance : Le Parisien vole au secours de la permanence « attaquée » et « prise pour cible » à grands coups d’autocollants. Et l’intéressé de confier : « On ne s’attend jamais à ce genre d’action ». Souhaitons-lui de trouver le chemin de la résilience. Aurore Bergé déclare ne pas vouloir « qu’on rebascule dans ce qu’on a connu avec les Gilets jaunes » et François Bayrou dénonce la mise au feu d’effigies du président : des « tortures », dit-il, des « supplices » intolérables. Qu’on transmette nos plus sincères condoléances aux cartons. Quant à Gérard Larcher, il voit tout rouge : « RIEN ne légitime ces comportements qui abîment la #démocratie » (hashtag).

      Le propre des puissants, c’est de saloper les mots.

      Ils disent « démocratie » et c’est à peu près tout, sauf la démocratie. Car la démocratie, ça n’est pas un bulletin de vote qui, tous les cinq ans, conduit à la tête de l’État 19 ministres millionnaires et 0,9 % d’ouvriers sur les bancs d’une assemblée « représentative ». La démocratie, ce sont les masses organisées qui fondent leurs besoins par des institutions qu’elles conçoivent puis contrôlent. 8 Français sur 10 désapprouvent le dernier 49.3 et 71 % d’entre eux aspirent à la démission du gouvernement (Harris Interactive). Le régime nous retient en otage : il ne disposait, au premier tour des dernières élections législatives, que du soutien de 11, 9 % des électeurs inscrits. Autant dire : des clous. Elle est là, la « dictature des minorités ». Les puissants disent « violence » et c’est à peu près tout, sauf la violence.

      Car la violence, ça n’est pas du « mobilier urbain » esquinté ou des soudards armés quelque peu bousculés. La violence, c’est cet agent SNCF qui se pend à son domicile à l’âge de 41 ans après avoir écrit à sa responsable qu’il était « un homme à bout » ; c’est François, 65 ans, qui vole des pommes dans des supermarchés de Picardie car il a « la dalle » ; c’est Julie, étudiante boursière, qui fait la queue pour la distribution alimentaire ; c’est Mariama, ancienne aide à domicile de 66 ans, qui n’est « même plus capable de tenir une cuillère » suite à un accident du travail ; c’est Anne, infirmière en arrêt maladie, qui avoue avoir cru « mourir au travail » à cause « des managements » ; c’est Emmanuel, routier de Meurthe-et-Moselle, qui ne part plus en vacances avec sa famille car les « salaires ne couvraient quasiment plus le foyer » ; c’est Zineb, abattue à Marseille par une police encore et toujours protégée. La violence, ce sont les ouvriers qui, en moyenne, vivent six ans de moins que les cadres. Ce sont les candidats arabes à l’emploi qui, à « qualité comparable », ont 31,5 % de chance de moins d’être contactés par les recruteurs. La voilà, la violence du monde comme il va. Les abribus amochés sont des bricoles pour compagnies d’assurance. La seule discussion qui vaille en la matière est affaire de tactique – la contre-violence populaire visant les biens est-elle collectivement efficiente ou non à tel instant ? Qui parle d’autre chose parle la langue pourrie du pouvoir.

      La violence, ça n’est pas du « mobilier urbain » esquinté ou des soudards armés quelque peu bousculés. La violence, c’est cet agent SNCF qui se pend à son domicile à l’âge de 41 ans après avoir écrit à sa responsable qu’il était « un homme à bout »

      À Paris, on convoque le souvenir de Louis XVI sur la place enflammée de la Concorde. À Couëron, on bloque l’incinérateur et le dépôt des services techniques à Lorient. Au Mans, on crame un grand « 49.3 » en bois. À La Ciotat et à Senlis, on met en place la gratuité du péage. À Versailles, on envahit la gare. À Donges, on met la raffinerie à l’arrêt. À Rennes comme à Nantes, on érige des barricades. Partout, ça gronde. La colère monte. La rage s’étend. Les poubelles encombrent la capitale : déjà les bouffons couinent. « Imaginez le touriste qui arrive à Paris. Il a parcouru 9 000 km pour voir la cité de l’amour romantique », écrit un chroniqueur du Figaro, économiste et penseur à ses heures. Les directions syndicales sont débordées ; on n’aurait pu rêver meilleur destin. Olivier Mateu, secrétaire de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, avait prévenu : « Si le gouvernement passe par le 49.3, il n’y aura plus de règles. Puisqu’il ne respecte pas, lui, les règles de la démocratie, il n’y aura plus de règles. » La sagesse a trouvé là l’une de ses voix. Ou, disons, ce qui revient au même : il y aura de nouvelles règles. Celles, enfin, des travailleurs, des galériens, des démunis, des oubliés, des sans un rond, des abusés. Et pour les constituer, ces nouvelles règles, la France dispose de certaines ressources amplement appréciées parmi sa population – la révolution, n’est-ce pas ? Les privilèges restent à abolir. La monarchie présidentielle, tout autant.

      Les ordures ne jonchent pas seulement les rues, elles ont une chaîne en leur honneur. CNews demande ainsi : « Doit-on craindre le retour du communisme ? » S’il est le nom de la vie juste pour le plus grand nombre, on est même en droit de l’espérer. C’est-à-dire de le construire. Les crises de régime offrent parfois cette sorte d’occasion. Il ne tient qu’à nous.

      Joseph Andras

  • Une ONG allemande dépose une plainte contre des dirigeants européens pour #crimes_contre_l'humanité envers des migrants

    Le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains a annoncé, mercredi, avoir déposé une plainte pour crimes contre l’humanité contre des dirigeants européens devant la Cour pénale internationale. L’ONG les accuse d’avoir collaboré avec la Libye pour l’interception de migrants en mer malgré les risques de sévices que les exilés encourent dans le pays.

    Le #Centre_européen_pour_les_droits constitutionnels_et_humains (#ECCHR) a déposé une plainte pour crimes contre l’humanité devant la #Cour_pénale_internationale (#CPI) visant plusieurs responsables européens, a annoncé, mercredi 30 novembre, cette ONG allemande, soutenue par l’ONG, Sea-Watch.

    Parmi les personnes visées par la plainte figurent l’ancien ministre de l’Intérieur italien #Matteo_Salvini, les ancien et actuel Premiers ministres maltais #Robert_Abela et #Joseph_Muscat, ou encore l’ancienne cheffe de la diplomatie européenne, #Federica_Mogherini.

    L’ECCHR estime que la politique européenne de soutien aux #garde-côtes_libyens chargés d’intercepter les exilés en #Méditerranée puis de les ramener en #Libye a rendu ces personnalités indirectement responsables des #violences et #exactions subies par les migrants dans le pays. Les exilés, qui sont interceptés en mer par les garde-côtes libyens, sont systématiquement envoyés dans des centres de détention, où ils subissent des violences physiques et sexuelles, des privations de nourriture et de la #torture.

    « Bien qu’ils aient eu connaissance de ces crimes, des fonctionnaires des agences de l’UE ainsi que de l’Italie et de Malte ont renforcé leur collaboration avec la Libye pour empêcher les réfugiés et les migrants de fuir la Libye par la mer », souligne l’ECCHR dans son communiqué, publié mercredi 30 novembre. « Ce soutien et cette #collaboration tendent à démontrer le rôle décisif que jouent les #hauts_fonctionnaires de l’UE dans la privation de liberté des migrants et des réfugiés fuyant la Libye », ajoute l’ONG.

    Enquête sur les faits de #collaboration

    L’ECCHR et #Sea-Watch appellent la CPI à enquêter sur ces faits de collaboration entre acteurs européens et libyens et à traduire en justice les responsables. Les deux ONG réclament également la fin du financement des programmes d’externalisation des frontières européennes qui s’appuient, entre autres, sur le soutien et la formation des garde-côtes libyens. Elles demandent enfin la création d’un programme civil de recherche et sauvetage européen qui serait financé par les États membres de l’Union européenne (UE).

    Environ 100 000 migrants ont été interceptés au large des côtes libyennes et renvoyés dans le pays depuis 2017, date de la signature d’un accord entre la Libye et l’Italie pour lutter contre l’immigration illégale. Outre l’Italie, l’UE a versé depuis 2015 plus de 500 millions d’euros au gouvernement de Tripoli pour l’aider à freiner les départs de migrants vers l’Europe.

    Malgré les preuves de plus en plus nombreuses des cas de maltraitance envers des migrants en Libye, l’UE n’a pas cessé son aide financière au pays. Pire, l’Union a elle-même reconnu dans un rapport confidentiel remis en début d’année que les autorités libyennes ont eu recours à un « usage excessif de la force » envers les migrants et que certaines interceptions en Méditerranée ont été menées à l’encontre de la règlementation internationale.

    En 2021, Amnesty international a accusé l’UE de « complicité » dans les atrocités commises sur le sol libyen à l’encontre des exilés. L’ONG, comme le fait l’ONU, exhorte régulièrement les États membres à « suspendre leur coopération sur les migrations et les contrôles des frontières avec la Libye ». En vain.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/45141/une-ong-allemande-depose-une-plainte-contre-des-dirigeants-europeens-p

    #migrations #asile #réfugiés #justice #plainte #responsabilité #complicité #décès #mourir_en_mer #morts_en_mer

    –—

    juin 2019 :
    ICC submission calls for prosecution of EU over migrant deaths
    https://seenthis.net/messages/785050

  • Wêje û Rexne • Entretien avec l’écrivain Joseph Andras
    https://www.kedistan.net/2022/06/07/wejeurexne-entretien-joseph-andras

    https://www.kedistan.net/wp-content/uploads/2022/06/weje-u-rexne.jpg

    S’interrogeant sur les nouvelles formes d’écriture du réel, la revue kurde Wêje û Rexne a réalisé un entretien avec l’écrivain Joseph Andras. En voici la version française. Cet article Wêje û Rexne • Entretien avec l’écrivain Joseph Andras a été publié par KEDISTAN.

  • #Vols_spéciaux : la pratique suisse menace les #droits_humains

    Chaque année, plus de cent personnes, familles avec enfants comprises, sont renvoyées de Suisse contre leur gré par voie aérienne. Malgré les critiques exprimées depuis plusieurs années par la société civile et des organes internationaux de protection des droits humains, les agent·e·s de police font régulièrement usage de différentes formes de contrainte et de violence lors des vols spéciaux. Des mesures qui, dans leur mise en œuvre, vont souvent à l’encontre des droits humains.

    Joseph Chiakwa décède le 17 mars 2010 à l’aéroport de Zurich lors d’un renvoi forcé de niveau 4. Il est alors en grève de la faim depuis au moins six semaines. Comme il « agite » les mains alors qu’il est partiellement ligoté, il est attaché à un fauteuil roulant, casqué et porte un filet facial. Ce n’est que lorsque son pouls n’est plus perceptible qu’il est désentravé. Pour les organisations de la société civile, le jeune homme de 29 ans est clairement mort des suites de sa grève de la faim et du stress provoqué par son renvoi et son entrave. Jusqu’à aujourd’hui, sa mort n’a pas été entièrement expliquée par les autorités.

    La pratique suisse en matière d’exécution des renvois compte encore aujourd’hui parmi les plus dures d’Europe. Il n’est pas rare que la violence excessive lors des renvois fasse l’objet d’articles de presse ou de films. Mais ces cas isolés et médiatisés ne sont que la pointe de l’iceberg : selon l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés, le nombre de vols spéciaux est en constante augmentation et s’accompagne généralement d’un usage disproportionné de la violence. Cette pratique ne passe pas inaperçue au niveau international : le Comité contre la torture de l’ONU a réprimandé la Suisse en 2010 pour son usage excessif de la force et des mauvais traitements lors de ces rapatriements par voie aérienne et l’a encore exhortée en 2015 à recourir de manière proportionnée aux mesures de contrainte.

    L’article 28 de l’ordonnance sur l’usage de la contrainte (OLUsC) définit quand et quelles mesures de contrainte sont autorisées de la part des fonctionnaires de police lors des vols de rapatriement. Les personnes qui n’acceptent pas un retour autonome - correspondant au niveau de rapatriement d’exécution 1 - sont renvoyées par un vol de ligne au niveau 2, accompagnées par deux fonctionnaires civil·e·s. Si la personne à rapatrier est susceptible de résister physiquement, le niveau 3 est appliqué : les agent·e·s de police peuvent utiliser des menottes partielles ou complètes ainsi que la force physique. Si une résistance physique « forte » est supposée, le rapatriement se fait en outre par vol spécial et sous l’accompagnement d’au moins deux policier·cière·s, soit le niveau d’exécution 4.

    Depuis juillet 2012, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) organise des escortes aériennes sur des vols spéciaux et fait un rapport annuel sur les pratiques des autorités. À ce jour, la commission observe de manière récurrente des « pratiques policières inappropriées » et un recours excessif aux entraves préventives lors des rapatriements par voie aérienne. Selon son dernier rapport de suivi de l’exécution, entre avril 2020 et mars 2021, des menottes partielles ont été utilisées dans plus de la moitié des renvois au niveau d’exécution 4. Il s’agit de la mise en place de menottes, de manchettes pour les pieds et le haut du bras ainsi que d’une ceinture, les poignets étant fixés à la sangle. La commission estime que le menottage partiel et la surveillance des personnes concernées sont en partie disproportionnés. Dans environ 10 % des cas, il a en outre été fait usage d’entraves pour le corps entier, les pieds et les jambes étant fixés par des manchettes et des attaches-câbles. La CNPT fait également état de l’utilisation de menottes métalliques, de casques de protection et de filets à crachats. Dans un cas isolé, une personne a même été amenée à l’avion attachée à un fauteuil roulant, ce qui constitue une pratique dégradante selon la CNPT. De plus, dans plusieurs cas, les personnes concernées ont été informées de manière lacunaire ou non compréhensible de leur transfert et des mesures de contrainte.

    Le recours à la contrainte et à la violence est particulièrement grave lors du rapatriement de familles et d’enfants. Les familles sont régulièrement arrêtées la nuit, rapatriées de manière échelonnée et les parents ou parfois même les enfants sont attaché·e·s. De plus, les enfants doivent régulièrement traduire les conversations entre leurs parents et le personnel d’accompagnement. Ces pratiques portent atteinte au bien-être des enfants et à l’unité de la famille.

    Enfin, les soins de santé ne sont pas toujours garantis aux personnes sur les vols de rapatriement. L’immobilité forcée pendant des heures et les entraves au niveau d’exécution 4, associées au port du casque et du filet anti.crachat, rendent la surveillance de l’état de santé peu efficace. Enfin, les médecins traitant·e·s invoquent régulièrement le secret médical lors des rapatriements ou leurs rapports sont ignorés par le personnel médical d’escorte.

    Les renvois forcés sont en soi délicats du point de vue des droits humains, une exécution contre la volonté d’une personne portant gravement atteinte à ses droits et à ses libertés. La pratique des autorités suisses en matière d’exécution des renvois implique des atteintes disproportionnées à la liberté personnelle (art. 5 CEDH) et à la dignité humaine (art. 7 Cst.) des personnes concernées ainsi qu’à l’interdiction des peines et traitements inhumains et dégradants (art. 3 CEDH, art. 7 du Pacte II de l’ONU). La mort de Joseph Chiakwa illustre le fait que le droit à la vie (art. 2 CEDH) est également menacé lors de l’exécution du renvoi. La manière dont le rapatriement des familles et des enfants est effectué remet en outre en question la garantie de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant.

    https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/rapatriements-aerienne-pratique-suisse-menace-droits-humains

    #vol_spécial #Suisse #asile #migrations #réfugiés #déboutés #renvois #expulsion #retour #contrainte #renvoi_forcé #violence #Joseph_Chiakwa

  • Puisque vous aimez les histoires de statue :-), celle de Joseph Bilé va être inaugurée à Berlin dans les tous prochains jours.

    Berlin’s Black Communist. Joseph Bilé, the Comintern, and the struggle for the rights of Black people par Robbie Atken

    https://www.rosalux.de/en/news/id/40552/berlins-black-communist


    Joseph Bilé („The Negro Worker“, July 1932, vol.2, no.7, p.28)

    On the 8th of December 1929 at Alexanderplatz in Berlin, the Sozialistischer Schülerbund (Union of Socialist School Pupils) staged an anti-nationalist and anti-colonial demonstration. This was part of the increasing anti-colonial events being organized and run by the political Left within Germany, under the direction of the Communist International (Comintern). The second speaker of the afternoon was Joseph Ekwe Bilé. Bilé, from Douala, Cameroon was enthusiastically greeted by his audience, which reports suggested included a further five Africans.[1] He proceeded to inform his listeners about the brutality of the German regime in the former colony of Cameroon as well as the abuse and mistreatment suffered by people of African heritage worldwide.

    The German authorities’ attention was soon brought to his propaganda activities. In light of a foreign policy which continued to cling on to hopes of one day regaining Germany’s former colonial possessions, Bilé’s opinions were unwelcome and led to a serious discussion about his deportation. For the President of the Deutsche Kolonialgesellschaft (German Colonial Society), former governor of Cameroon and colonial irredentist Theodor Seitz, Bilé’s political agitation was symptomatic of a pressing danger. Seitz argued: “I am convinced that under the current economic conditions the natives who still find themselves in Germany will fall completely under the spell of Communism.”[2] His suspicions were not entirely unfounded. Several weeks earlier Bilé and six Cameroonian contemporaries had formed the Comintern sponsored and radical anti-colonial group the Liga zur Verteidigung der Negerrasse (League for the Defence of the Negro Race, LzVN).[3]

    This essay focuses on the political career of Joseph Bilé in order to highlight aspects of the largely forgotten political activism of Africans who were living in Germany (particularly Berlin) in the late 1920s.[4] It examines the creation of the LzVN as well as several concrete examples of members’ political activities, including a remarkable theatre project staged by the group in 1930. These in turn highlight the presence of German-based Africans within wider transnational networks of anti-colonialism and anti-racism, often in connection with the Comintern, and transnational networks of Black Internationalism.❞ (...)

    #colonies_allemandes #anticolonialisme #communisme #antimpérialisme #Berlin #Black_studies #entre_deux_guerres

  • #Liberté, #exigence, #émancipation. Réinstituer l’#Université

    Les strates successives de #réformes subies par l’Université depuis vingt ans, même si elles ne sont pas dénuées d’incohérences, reposent sur un socle politique et idéologique relativement précis [1]. Celui-ci trouve notamment son articulation dans les travaux de sociologie des établissements d’enseignement supérieur par Christine Musselin [2] ou dans le rapport Aghion-Cohen de 2004 [3] sur “éducation et croissance”[4]. Pour une part, ce socle reprend les théories de la #croissance par l’#innovation et la “#destruction_créatrice” inspirées de #Joseph_Schumpeter [5] , surtout pertinentes pour la #recherche. Le socle intellectuel présidant aux réformes récentes combine cet héritage avec une vision de l’#aménagement_du_territoire fondée sur la partition entre des #métropoles intelligentes et concurrentielles et un vaste hinterland tributaire du #ruissellement_de_croissance, ce qu’Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti [6] appellent la « #mythologie_CAME » (#compétitivité-#attractivité-#métropolisation-#excellence). Dans cette perspective, hormis quelques cursus d’élite, les formations universitaires doivent surtout offrir des gages “d’#employabilité” future. Au fil des reconversions professionnelles, le “portefeuille de #compétences” initial se verra étoffé par des #certificats_modulables attestant de quelques #connaissances_spécialisées, ou de “#savoir-faire” dont certains relèveront probablement surtout du conditionnement opérationnel. Dans le même temps, #évaluation et #valorisation sont devenus les termes incontournables et quasi indissociables de la formulation d’une offre “client” qui débouche sur une organisation par marché(s) (marché des formations diplômantes, des établissements, de l’emploi universitaire…). Dans les variantes les plus cohérentes de ce programme, ces #marchés relèvent directement du #Marché, d’où la revendication d’une #dérégulation à la fois des #frais_d’inscription à l’université et des #salaires des universitaires.

    Sortir l’Université de l’ornière où ces réformes l’ont placée impose de construire un contre-horizon détaillé. Les mots d’ordre défensifs de 2008 et 2009 n’avaient sans doute que peu de chances d’arrêter la machine. Aujourd’hui, la demande d’une simple abrogation des dispositions prises à partir de 2007 ne serait pas à la hauteur des changements internes que ces politiques ont induits dans l’Université. On ne saurait de toute façon se satisfaire d’une perspective de restauration de l’ancienne Université. C’est en ce sens que nous parlons de ré-institution ou de refondation.

    Émanciper qui, de quoi, pour quoi faire

    Il est impératif de prendre comme point de départ la question des finalités sociales et politiques de l’Université. Si la référence à la notion d’émancipation est indispensable à nos yeux, elle ne suffit pas non plus à définir un nouvel horizon. La capacité du discours réformateur néolibéral à assimiler et finalement dissoudre le projet émancipateur n’est plus à prouver, y compris en matière scolaire : le recours à la notion de compétence, du primaire à l’université, renvoie ainsi, cyniquement, à une idée généreuse de pédagogies alternatives visant à libérer l’institution scolaire de ce qui était perçu comme un carcan autoritaire transformant les élèves en singes savants. Cet idéal scolaire émancipateur systématiquement dévoyé a pris des formes multiples et parfois contradictoires, et ce n’est pas ici le lieu de les analyser. Au moins depuis Boltanski & Chiapello [7], on sait qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité du management à digérer la “critique artiste du capitalisme”, pour mettre en place un nouveau modèle de néolibéralisme autoritaire. L’auto-entrepreneur·euse de soi-même assujetti·e aux normes de valorisation par le marché est pour nous un épouvantail, mais il s’agit d’une figure d’émancipation pour certains courants réformateurs.

    L’émancipation n’est jamais une anomie : c’est un déplacement collectif et consenti de la nature des normes et de leur lieu d’exercice. Poser la question de la finalité émancipatrice de l’#enseignement_supérieur, c’est demander qui doit être émancipé de quoi et pour quoi faire. Ce “pour quoi faire”, en retour, nous renvoie au problème du comment, dans la mesure où devant un tel objectif, c’est sans doute la détermination du chemin qui constitue en soi le seul but atteignable.

    L’#autonomie_étudiante

    À première vue, la réponse à la question « qui » est tautologique : il s’agit d’émanciper les étudiant·es — mais comme on va le voir, si l’on pose l’existence d’un cycle auto-amplificateur entre étudiant·es et enseignant·es, cela pose aussi la question de l’émancipation de l’ensemble des universitaires. Il importe de souligner que les étudiant·es ne sont pas forcément « la jeunesse », ni la jeunesse titulaire du baccalauréat. Quant à savoir de quoi il s’agit de les émanciper, la réponse est d’abord : du déterminisme par le milieu social, culturel et géographique d’origine [8]. Cela représente à la fois un enjeu démocratique et un enjeu social majeur.

    L’Université doit être librement et gratuitement accessible à toute personne détenant le baccalauréat à tout âge de la vie ; tout établissement universitaire doit proposer une voie d’accès, le cas échéant via une propédeutique, aux personnes ne détenant pas le baccalauréat mais désirant entamer des #études_supérieures ; l’#accès gratuit à l’Université et à son ouverture intellectuelle et culturelle ne doit pas être conditionné à l’inscription à un cursus diplômant.

    Ce programme impose la mise en œuvre parallèle d’une politique d’#autonomie_matérielle des étudiant·es. Nous souscrivons à l’essentiel des propositions formulées par le groupe Acides [9] en faveur d’un “#enseignement_supérieur_par_répartition”, c’est-à-dire d’un système socialisé d’#accès_aux_études, pour qu’elles soient menées dans les meilleures conditions de réussite. Nous proposons que l’#allocation_d’autonomie_étudiante soit versée de droit pour trois ans, prolongeables d’un an sur simple demande, à toute personne inscrite dans une formation diplômante de premier cycle, avec possibilité de la solliciter pour suivre une formation universitaire non-diplômante, mais aussi une formation de deuxième ou de troisième cycle. Pour ces deux derniers cycles, toutefois, ce système nous semble devoir coexister avec un dispositif de pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire dans les métiers d’intérêt général que la collectivité a vocation à prendre en charge : médecine et soins infirmiers, enseignement primaire et secondaire, recherche scientifique, aménagement du territoire et transition écologique…

    Pour une #géographie de l’#émancipation_universitaire

    Ces premiers éléments nécessitent de se pencher sur ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler “le #paysage_universitaire”. Il faut ici distinguer deux niveaux : un niveau proprement géographique, et un niveau sociologique qui conduit immanquablement à poser la question des différents cursus post-bac hors universités, et notamment des grandes écoles.

    Au plan géographique, il est nécessaire de s’extraire de la dichotomie mortifère entre des établissements-monstres tournés vers la compétition internationale et installés dans des métropoles congestionnées, et des universités dites “de proximité” : celles-ci, à leur corps défendant, n’ont pas d’autre fonction aux yeux des réformateurs que d’occuper une jeunesse assignée à résidence géographiquement, socialement et culturellement [10]. Le #maillage_territorial actuel est dense, du fait de l’héritage de la dernière vague de création d’#universités_de_proximité. Pour autant, il s’organise selon une structure pyramidale : l’héritage évoqué est en effet corrigé par une concentration des investissements au profit de quelques établissements hypertrophiés. A contrario, nous préconisons une organisation en réseau, dont les cellules de base seraient des établissements de taille moyenne, c’est-à-dire ne dépassant pas les 20.000 étudiants. Nous avons besoin d’universités à taille humaine, structurées en petites entités autonomes confédérées. Ces établissements doivent offrir aux étudiants des perspectives d’émancipation vis-à-vis du milieu d’origine et de la sclérose intellectuelle qui frappe le pays ; ils doivent permettre une recherche autonome, collégiale et favorisant le temps long.

    Pour cela, nous proposons un plan en deux temps. D’une part, un surcroît d’investissement doit être consenti vers des pôles de villes moyennes pour en faire, non des “universités de proximité” centrées sur le premier cycle, mais des établissements complets proposant également une activité scientifique de pointe et exerçant une attraction nationale, afin de décentrer le système universitaire actuellement structuré par l’opposition entre métropoles et hinterland. D’autre part, nous préconisons d’installer trois à cinq nouvelles universités dans des villes moyennes ou des petites villes, à bonne distance des métropoles, en prenant appui sur le patrimoine bâti abandonné par l’État et sur les biens sous-utilisés voire inoccupés appartenant aux collectivités. Certaines #villes_moyennes voire petites disposent en effet d’anciens tribunaux, de garnisons ou même des bâtiments ecclésiastiques qui tombent en déshérence. Notons qu’il ne s’agit pas seulement de les transformer en laboratoires et en amphithéâtres : au bas mot, notre pays a aussi besoin d’une centaine de milliers de places supplémentaires de cités universitaires à très brève échéance.

    L’#utilité_sociale de l’enseignement supérieur ne se réduit pas à “former la jeunesse” : cette nouvelle géographie ne saurait être pensée sur le mode du phalanstère coupé du monde. Au contraire, les #universités_expérimentales doivent être fondues dans la ville et dans la société. La refondation de l’Université s’accompagne donc d’un projet urbanistique. L’#architecture de l’université doit être pensée en sorte que les #campus soient des #quartiers de la ville, avec les services publics et privés nécessaires à une intégration vivante de ces quartiers dans le #territoire. Les lieux de vie universitaires doivent inclure des écoles maternelles, primaires et secondaires, des commerces, des librairies, des théâtres, des zones artisanales et des quartiers d’habitation pour celles et ceux qui feront vivre ces lieux. Les bibliothèques universitaires et les bibliothèques municipales des villes universitaires doivent être rapprochées, voire fusionnées.

    La question des #Grandes_Écoles

    Les politiques de différenciation entre établissements de recherche et de proximité croisent la problématique des grandes écoles, mais ne se confond pas avec elle : en atteste l’échec du projet de fusion de Polytechnique avec l’université d’Orsay-Saclay, ou la survivance d’une myriade d’écoles d’ingénieur·es et de commerce proposant des formations indigentes avec un taux d’employabilité équivalent à celui d’une licence d’une petite université de proximité. La refondation esquissée ici sera compromise tant que la question de la dualité Université / Grandes Écoles n’aura pas été réglée. On ne fera pas l’économie d’une instauration effective du monopole de l’Université sur la collation des grades. Cela implique une montée en puissance des #capacités_d’accueil, c’est-à-dire du nombre d’établissements, des moyens récurrents et des postes d’universitaires titulaires dans tous les corps de métier, de façon à pouvoir atteindre une jauge de 600.000 étudiant·es par promotion de premier cycle, 200.000 étudiant·es par promotion de deuxième cycle, 20.000 étudiant·es (rémunéré·es !) par promotion de troisième cycle, soit un total d’environ 2,4 millions d’étudiant·es. Précisons qu’il y avait en 2019-2020 1,6 millions d’étudiants à l’Université, 600.000 dans d’autres établissements publics, majoritairement des lycées (CPGE, BTS), et 560.000 dans le secteur privé. Le chiffre de 2.4 millions d’étudiants à l’Université correspond donc à une estimation basse des effectifs une fois le monopole universitaire sur la collation des grades rétabli.

    Dans le détail, l’application de ce programme signifie que les formations d’ingénieurs pourront et devront être assurées à l’Université, avec un pré-recrutement dans certains domaines, l’écologie notamment ; les sections de technicien supérieur (STS) seront soit rattachées aux instituts universitaires de technologie (IUT) existants, soit constituées en IUT. Pour ce qui est des écoles de commerce, on pourra se contenter de supprimer la reconnaissance de leurs diplômes dans les conventions collectives et les concours de la Fonction publique. L’Institut d’Études Politiques de Paris doit devenir une université de droit commun. Les IEP de Province et les antennes régionales de l’IEP Paris ont vocation à intégrer l’université la plus proche sous la forme d’une UFR de sciences politiques, tandis que la Fondation Nationale des Sciences Politiques doit être dissoute, et son patrimoine transféré, par exemple à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme [11].

    La question des #Écoles_Normales_Supérieures (#ENS), initialement pensées pour pré-recruter des enseignants et des chercheurs au service de l’Université, peut être résorbée par l’extension de ce pré-recrutement à travers le pays, le décentrage vis-à-vis de Paris et Lyon, la construction de cités étudiantes dotées de bibliothèques et la mise en place de formations expérimentales par la recherche interdisciplinaire. Les ENS seraient ainsi rendues caduques du fait de l’extension à l’Université du mode de fonctionnement qui était censé être le leur.

    Une fois privées de leur débouché de principe, on peut se demander quelle utilité resterait aux #classes_préparatoires : beaucoup fermeraient, mais certaines pourraient être maintenues pour aider au maillage territorial à un niveau de propédeutique, si l’on souhaite rétablir une sorte de trivium occupant les trois ou quatre premiers semestres, fonction que le DEUG assurait jadis. En tout état de cause, la licence elle-même ne pourra être obtenue qu’à l’Université.

    Que faire des #cursus ?

    Cela nous amène au problème de l’organisation des enseignements et des cursus, lequel nous impose de faire retour à la question initiale : émanciper qui, de quoi, comment et pour quoi faire ? Pour nous, l’existence de l’Université comme institution d’enseignement distincte du lycée se justifie par un lien spécifique entre la formation universitaire et la #recherche_scientifique. L’enseignement secondaire a pour fonction de transmettre des savoirs déjà stabilisés, ce qui n’est pas exclusif d’un aperçu de l’histoire complexe de cette consolidation, ni même des contradictions subsistant dans les corpus enseignés. La formation universitaire a ceci de spécifique qu’elle ne dissocie jamais totalement la production, la transmission et la critique des #savoirs. Par conséquent, seul le niveau propédeutique, encore essentiellement consacré à l’acquisition de bases communément admises d’une discipline, peut à la rigueur être dispensé hors Université, dans la mesure où il ne donne pas lieu à la collation d’un grade.

    Inversement, la licence (ou le titre qui pourrait lui succéder) impose un saut qualitatif avec une première confrontation aux réalités de la recherche scientifique, entendue comme pratique collégiale de la dispute argumentée, sur une problématique construite par la communauté au vu d’un état de la recherche. Aucune licence ne devrait pouvoir être accordée sans une première expérience en la matière, ne serait-ce qu’en position d’observation. Cette première expérience doit prendre des formes différentes selon les disciplines : stage d’observation en laboratoire, brève étude de terrain, traduction commentée… assortis de la rédaction d’un état de l’art. De ce fait, un #cursus_universitaire doit reposer sur un enseignement dispensé par des scientifiques ayant une activité de recherche. On peut penser qu’en-deçà de deux tiers du volume horaire d’enseignement assuré directement par des scientifiques titulaires, le caractère universitaire d’un cursus est remis en jeu. Reconnaître ce seuil aurait également le mérite de limiter réglementairement le recours aux #vacataires et contractuel·les, qui s’est généralisé, tout en laissant une marge suffisamment importante pour offrir aux doctorant·es qui le souhaitent une première expérience de l’enseignement, et en ménageant une place à des intervenant·es extérieur·es qualifié·es dont le point de vue peut être utile à la formation.

    S’agissant des formes d’#enseignement, nous ne croyons pas qu’il soit possible de s’abstraire dès le premier cycle d’une présentation argumentée et contradictoire de l’#état_de_l’art sur les grandes questions d’une discipline. Le #cours_magistral garde donc une pertinence, non comme instrument de passation d’un savoir déjà établi, mais comme outil de liaison entre transmission et critique des savoirs existants. La dimension expérimentale et créative de la formation doit toutefois monter en puissance au fur et à mesure que cette phase propédeutique initiale approche de son terme. De même, la forme du #séminaire_de_recherche doit avoir sa place dans le ou les derniers semestres de licence, et ce quel que soit le cursus.

    Nous ne nous inscrivons pas dans la distinction binaire entre cursus professionnalisants et non-professionnalisants. Cette question de la qualification nous paraît relever d’une pluralité de pratiques qui doit être réglée à l’échelle des disciplines et des mentions. Pour tenir les deux bouts, l’Université doit proposer un éventail de formations présentant des degrés divers d’imbrication avec la recherche finalisée et non-finalisée, des formes plurielles d’application, et des objectifs professionnels différents. Elle doit être conçue comme une grande maison rassemblant la diversité des formations supérieures ; à cet égard, elle ne doit pas reproduire l’opposition des trois baccalauréats (général, technologique et professionnel), ni leur hiérarchie.

    #Disciplines et #indiscipline

    La progression chronologique des cursus et leur cohérence académique ont une importance particulière. Nous persistons à penser que la connaissance scientifique a une dimension historique et cumulative, qui inclut aussi une part de contradictions. C’est ce qui fait l’importance de l’initiation à la notion d’état de la recherche. De ce fait, la temporalité des cursus doit être pensée en conformité avec une progression intellectuelle, pédagogique et scientifique, et non réduite à une combinaison de modules qu’il faudrait faire entrer au chausse-pied dans des maquettes obéissant à des contraintes essentiellement administratives. De là découlent plusieurs conséquences, qui s’appliquent aussi aux cursus interdisciplinaires et expérimentaux que nous appelons de nos vœux. Tout d’abord, les contraintes bureaucratiques ne doivent pas conduire à malmener la #temporalité_pédagogique des étudiant·es. Cela signifie en particulier que l’allocation d’autonomie étudiante en licence devra pouvoir être portée à quatre ans sur simple demande.

    Sur le plan de l’organisation de l’offre de cours, l’insistance sur la #progression_pédagogique et intellectuelle implique de définir quels enseignements fondamentaux doivent impérativement être validés pour permettre le succès dans les étapes ultérieures de la formation. Cela pose la question de la “compensation” des sous-disciplines entre elles : dans sa forme la plus radicale, ce dispositif permet notamment de passer à l’année supérieure si l’on obtient une moyenne générale supérieure à 10/20, sans considération des enseignements non-validés. Il ne nous semble pas pertinent d’abolir toute forme de compensation, car ce dispositif procède assez logiquement de l’idée qu’un cursus n’est pas une juxtaposition de certificats, mais représente l’agencement cohérent d’enseignements obéissant à une structure systématique. En revanche, nous pensons que pour chaque cursus, un bloc disciplinaire doit être dégagé, à l’échelle duquel un niveau minimal doit être atteint par l’étudiant·e pour être en situation de bénéficier des enseignements ultérieurs. Pour augmenter les chances de succès des étudiant·es après une première tentative infructueuse, les enseignements fondamentaux du premier cycle doivent être répétés à chaque semestre.

    On touche ici à un équilibre délicat : en effet, l’exigence d’une progression pédagogique cohérente, qui requiert un cadrage disciplinaire national, ne doit pas être mise au service d’une conception privilégiant la pure transmission au détriment de la production, de la critique et de la reconfiguration des savoirs et in fine des disciplines elles-mêmes. La discipline représente un stade socialement stabilisé de la pratique scientifique, mais elle émerge à partir d’un réseau social (au sens littéral du terme) de scientifiques, qui développent un jargon, des modèles de pensée, des revues, des conférences, dans une dialectique de l’évolution et de la conservation. Les maquettes de cursus et les instances d’élaboration du cadrage national doivent donc impérativement maintenir le caractère évolutif des disciplines, ainsi que la possibilité de leur hybridation, de leur scission ou de leur fusion.

    Si le contact avec la production et la critique des savoirs, au niveau licence, peut se réduire à une simple observation, il n’en va pas de même en master. Tout master, y compris ceux qui préparent à l’enseignement secondaire et ceux qui ouvrent le droit au titre d’ingénieur, doit inclure une part significative de séminaires de recherche et/ou de séjours en laboratoires et de terrains d’analyse. Considérant la définition que nous donnons de la recherche scientifique comme pratique argumentative contradictoire empiriquement étayée, reposant sur un état de l’art et faisant appel à un appareil probatoire objectivable, il nous semble que la mobilité des étudiants d’un établissement ou d’un laboratoire vers un autre doit être encouragée. Cela passerait par la mise en place de dispositifs d’accompagnement financier et logistique pour favoriser une pratique démocratique de la peregrinatio étudiante. En particulier, elle peut être systématisée dans les cursus donnant lieu à un pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire.

    Échapper à la Tour d’Ivoire

    La finalité sociale d’une refondation de l’enseignement supérieur ne doit pas se réduire à la formation initiale des corps mettant en œuvre l’accès aux droits fondamentaux (soin, santé environnementale, génie civil, justice, éducation…). Plus généralement, le rôle de l’Université excède la question de l’émancipation “des étudiant·es” au sens d’un groupe social à la recherche d’une formation précise ou d’une qualification. À la crise environnementale qui frappe la terre entière selon des modalités différentes s’ajoute en France une crise sociale et démocratique profonde. L’objectif de refondation de l’Université est une étape de la réponse politique à cette triple crise.

    Nous devons satisfaire trois exigences : la première est l’autonomie intellectuelle et matérielle maximale de la jeunesse ; la deuxième nécessité est la réévaluation de l’utilité sociale des savoirs et des qualifications, contre les hiérarchies actuelles : il s’agit d’aller vers une organisation où un·e bachelier·e professionnel·le maîtrisant les bonnes techniques agro-écologiques ne se verra plus placé.e socialement et scolairement en-dessous d’un·e trader·euse polytechnicien·ne, ni un·e professeur·e des écoles en-dessous d’un·e publicitaire. Le troisième objectif, par lequel nous souhaitons terminer cette contribution, est l’octroi d’une formation scientifique, technique et artistique de qualité pour le plus grand nombre, condition nécessaire à un traitement démocratique et contradictoire des grands problèmes scientifiques, techniques et écologiques du moment.

    Ce dernier point impose un double mouvement. L’imbrication de l’Université dans la ville doit également concerner les formations elles-mêmes. L’Université doit être sa propre “#université_populaire”, dispensant des enseignements ouverts à toutes et tous. Cela peut se faire pour partie sous la forme d’une #formation_continue gratuite ; l’argent actuellement versé au titre de la formation continue serait alors converti en cotisations patronales à l’enseignement supérieur “par répartition”. Mais au-delà des formations continues, l’Université doit continuer de proposer des formations scientifiques non diplômantes et des cours libres à destination des publics intéressés, et étoffer cette offre lorsqu’elle existe.

    Réinstituer une #communauté_universitaire

    Ce plan suppose une émancipation des universitaires, en particulier des corps enseignants, qui soit l’œuvre des universitaires eux-mêmes. Or après vingt années de fabrication managériale du consentement, le refus ou la difficulté de penser la science et ses modalités de production, de réception et de critique prévalent dans l’esprit d’un grand nombre d’enseignant·es-chercheur·euses. Répondre en détail à ce défi imposerait un retour sur les #politiques_de_recherche qu’il s’agit de reconstruire, et sur l’organisation collective de l’#autonomie_du_monde_savant, avec ses conditions budgétaires et statutaires notamment. Cette affirmation ne relève pas du mot d’ordre catégoriel mais de la nécessité intellectuelle : une recherche scientifique de qualité, participant du libre exercice de la #disputatio ou discussion argumentée et orientée vers la recherche de la vérité, demande des garanties matérielles contre toute tentative d’intimidation ou toute dépendance vis-à-vis de donneur·euses d’ordres, de financeur·euses extérieur·es ou tout·e collègue plus puissant·e et susceptible de prendre ombrage d’un travail. La #liberté_académique a ses conditions de réalisation, et la première est d’offrir aux universitaires un statut pérennisant leur indépendance [12].

    La #précarisation objective et subjective des emplois universitaires et scientifiques change la nature de leur métier, et par ricochet, l’essence même de la recherche, et des formations dispensées à l’Université. En droit, cette protection statutaire s’étend à tous les corps de métier vitaux à l’exercice des missions universitaires. Pour nous, les personnes concernées ne sont pas des “personnels des universités” : elles sont l’Université en tant que communauté de pratiques et de buts. Aujourd’hui, une sphère bureaucratico-managériale s’est constituée par accrétion d’une partie de ces corps de métier (au premier rang desquels certain·es enseignant·es-chercheur·euses). Cette sphère se trouve de fait dans une situation de sécession vis-à-vis du reste de l’Université. Ses prébendes reposent sur la dépossession pratique des agent·es qui constituent la sphère académique. Pour le dire autrement : la sphère gestionnaire des universités se construit sur la négation de l’idée d’Université, et la reconstruction de celle-ci passera nécessairement par le démantèlement de celle-là.

    Le réarmement rationaliste critique a des implications pour l’organisation même de l’Université, qui doit être intégralement revue dans le sens d’une gestion collégiale à échelle humaine, avec rotation des responsabilités, réduction maximale de la division du travail, reconnaissance de la valeur de tous les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, protection contre les différentes formes de harcèlement et d’intimidation, qu’elles émanent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’institution. Cette auto-administration au plus près du terrain doit être redoublée par des garanties nationales en termes de péréquation territoriale et disciplinaire et par la présence d’instances démocratiques de coordination en réseau, selon le principe d’équilibre territorial énoncé plus haut. Les prérogatives accaparées par les bureaucraties depuis vingt ans doivent être reprises démocratiquement, à la fois au sommet (au niveau du pilotage national), et au niveau de l’organisation du fonctionnement des établissements.

    Il y a quelques années, un dirigeant d’université parisienne déplorait que son établissement, alors occupé par des étudiants, soit devenu un “capharnaüm” avec “de la violence, de la drogue, du sexe même” — il y aurait beaucoup à dire sur la hiérarchie des maux que construit cette formule. Signalons simplement que l’Université promue par ces dirigeants est une maison qui rend fou, pleine de violence, de CAME et de souffrance. L’avenir démocratique du pays dépend en partie de notre capacité à leur opposer une vision de l’Université comme tiers-lieu plein de controverses argumentées, d’invention intellectuelle et de #plaisir.

    [1] L’objet de cette contribution n’est pas de récapituler la littérature abondante consacrée à la critique de l’existant ou à la documentation des réformes. Pour une synthèse informée, on se reportera notamment à l’ouvrage de Chr. Granger La destruction de l’Université française (La Fabrique, 2015). On lira également avec intérêt, pour ce qui est des questions de formation, L’Université n’est pas en crise de R. Bodin et S. Orange (Le Croquant, 2013) et La Société du concours d’A. Allouch (Le Seuil, 2017). Le séminaire « Politique des Sciences » et la revue Contretemps Web proposent également des suivis analytiques intéressants de la mécanique réformatrice sur la moyenne durée. Pour une critique des premières étapes du programme réformateur, on lira notamment les travaux de Chr. Charle et Ch. Soulié, comme Les ravages de la « modernisation » universitaire en Europe (Paris : Syllepse, 2007) et La dérégulation universitaire : La construction étatisée des « marchés » des études supérieures dans le monde (Paris : Syllepse, 2015).

    [2] Chr. Musselin, Le Marché des universitaires. France, Allemagne,États-Unis, Paris, Presses de Sciences Po, 2005 ; Chr. Musselin, La grande course des universités,Paris, Presse de Sciences Po, 2017.

    [3] Ph. Aghion, É. Cohen (avec É. Dubois et J. Vandenbussche). Éducation et croissance. Rapport du Conseil d’Analyse Économique, 2004. https://www.cae-eco.fr/Education-et-croissance.html

    [4] Il faudrait également analyser sur la durée la production de think tanks et de revues proches des milieux réformateurs. Citons par exemple plusieurs rapports de l’Institut Montaigne : J.-M. Schlenker, Université : pour une nouvelle ambition, avril 2015 ; G. Babinet & E. Husson (dir.), Enseignement supérieur et numérique : connectez-vous !, juin 2017 ; R. McInness (dir.), Enseignement supérieur et recherche : il est temps d’agir !, avril 2021. On pourra également prendre connaissance avec intérêt du dossier « Universités : vers quelle autonomie ? » paru dans Esprit en décembre 2007, sous la codirection d’Yves Lichtenberger, Emmanuel Macron et Marc-Olivier Padis.

    [5] On pourrait contester l’interprétation que Philippe Aghion, notamment, donne de Schumpeter, en objectant que les théories de celui-ci sont pensées pour l’innovation industrielle et prennent pour point de départ le profit lié au cycle de la marchandise. L’application de tels modèles à un capitalisme de crédit faisant une place importante à la dette étudiante représente une rupture par rapport au cadre initial de Schumpeter, rupture dont les tenants et aboutissants en terme d’économie politique gagneraient à être explicités par les économistes défendant de ce nouveau modèle.

    [6] O. Bouba-Olga et M. Grossetti, “La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?”, 2018. hal-01724699v2

    [7] L. Boltanski et E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

    [8] La réflexion politique de RogueESR étant articulée autour des notions d’autonomie et de liberté, nous employons de préférence le terme d’ »émancipation », à la fois pour sa dimension simultanément collective et individuelle, pour sa capacité à désigner l’autoritarisme réformateur comme adversaire central, et pour sa faculté à souligner qu’il ne s’agit pas d’offrir l’éducation à celles et ceux qui en sont privés, mais aussi de libérer celle-ci. Mais au moins pour ce qui est de son premier volet, ce programme d’émancipation rejoint la problématique de la « démocratisation » posée par le Groupe de Recherches pour la Démocratisation Scolaire.

    [9] D. Flacher, H. Harari-Kermadec, L. Moulin. “Régime par répartition dans l’enseignement supérieur : fondements théoriques et estimations empiriques », Économie et Institutions, 2018. DOI : 10.4000/ei.6233

    [10] Le projet de “collège de premier cycle” de l’université Paris-Saclay a montré que le même établissement peut parfois jouer tour à tour les deux rôles via des dispositifs de différenciation interne.

    [11] Assurément, ces changements, qui n’affecteront qu’une minorité d’étudiant·es, se heurteront à une résistance considérable compte tenu du rôle que les corps concernés jouent dans l’appareil d’Etat. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous récusons l’idée qu’une refondation de l’enseignement supérieur pourrait se faire sur la seule base de revendications catégorielles ou à plus forte raison strictement budgétaires : le concept d’Université, pour être réalisé, demande une articulation à un programme de ré-institution plus large de la société.

    [12] Cela implique un plan de rattrapage pour l’emploi titulaire, à destination des universitaires précaires qui assurent aujourd’hui des tâches fondamentales dans tous les corps de métiers. Dans la mesure où le chiffre de 15.000 postes parfois avancé est manifestement insuffisant puisqu’inférieur à ce que nécessiterait le simple maintien des taux d’encadrement tels qu’ils étaient en 2010, nous ne nous avancerons pas sur un chiffrage : celui-ci devra être réalisé a posteriori, sur la base d’un audit des besoins qui en définisse le plancher – et non le plafond. Pour un chiffrage des besoins, voir https://tinyurl.com/2jmfd5k9. Le collectif Université Ouverte a également publié des éléments de chiffrage : https://tinyurl.com/4uptvran

    https://mouvements.info/liberte-exigence-emancipation-reinstituer-luniversite

  • Joseph #Beuys zum 100. Jubiläum
    https://diasp.eu/p/12907694

    Joseph #Beuys zum 100. Jubiläum

    104 Min. Verfügbar vom 12/05/2021 bis 18/05/2021 [!!!!]

    https://www.arte.tv/de/videos/052364-000-A/beuys

    Joseph Beuys – der Mann mit dem Hut, dem Filz und der Fettecke. 30 Jahre nach seinem Tod erscheint er uns als Visionär, der seiner Zeit voraus war. Mit Geduld versuchte er schon damals zu erklären, dass „Geld keine Ware sein darf“. Beuys wusste, dass der Geldhandel die Demokratie unterwandern würde. „Nur noch 2.388 Tage bis zum Ende des Kapitalismus“ schrieb er auf die Tafel. Doch mehr als das. Beuys boxt, parliert, doziert, telefoniert, lässt zur documenta in Kassel Tausende Eichen pflanzen. Er erklärt dem toten Hasen die Kunst, sperrt sich in den USA mit einem Kojoten in einen Käfig. „Wollen wir eine Revolution ohne Lachen machen?“, fragt er grinsend. Sein (...)

    • Pour ceux qui s’intéressent à l’#art de la 2e moitié du 20e siècle, je dirais presque que ce #documentaire - il date de 2015 - est un incontournable.

      Domage, que @philippe_de_jonckheere n’est plus présent dans le reseau ici chez snth.

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      #Beuys

      #Joseph_Beuys pour son 100. anniversaire - 104 min

      https://www.arte.tv/fr/videos/052364-000-A/beuys

      Disponible du 12/05/2021 au 18/05/2021 [!!!]

      Portrait sensible du flamboyant Joseph Beuys, artiste et agitateur inlassable. Dans les années 1960 et 1970, ses oeuvres, ses installations, ses performances mais aussi ses idées, sa parole-fleuve et ses conférences infiltrèrent la société allemande et la scène internationale.

      À quel moment de sa vie devint-il plus connu qu’Andy Warhol ? Joseph Heinrich Beuys fut l’agitateur le plus prolifique du monde culturel, faisant passer le souffle d’une subversion ironique à une époque où l’art avait encore un poids politique. Ses œuvres (dessins, sculptures, vidéos), ses installations, ses performances mais aussi ses idées, sa parole-fleuve et ses conférences infiltrèrent la société allemande et la scène internationale. Célèbre, Beuys fut une figure d’un art total, à la fois exigeant et populaire, mixant les disciplines et trouvant des connexions inédites entre institutionnel et alternatif. Celui qui s’était construit un personnage – chapeau-feutre vissé sur le crâne, sourire dévastateur et humour imparable – savait utiliser la puissance des médias et n’hésitait pas à leur donner du sensationnel, assurant que « la provocation apporte la vie ». « J’élargis tellement le concept de l’art qu’il ne reste plus rien », affirmait-il, souhaitant sortir l’art moderne de ses carcans.

      Mouvement perpétuel
      Comment tirer le portrait d’un tourbillon ? Dans Beuys, celui qui fut aussi un professeur aux méthodes libertaires apparaît comme un inlassable défenseur de la cause d’un art nouveau. Imperméable aux critiques ou aux pressions, répondant toujours aux sollicitations permanentes, Joseph Beuys, disparu en 1986, se « nourrissait en gaspillant de l’énergie ». Non sans paradoxe, Andres Veiel tire de cette matière vibrante un documentaire à l’humeur contemplative, prenant le temps, sans voix off et au plus près de nombreuses photos et archives inédites, de regarder l’homme, de l’écouter, pour en approcher le mystère. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Beuys, une vraie rencontre, d’où affleure une émotion permanente.

      Réalisation : Andres Veiel
      Pays : Allemagne
      Année : 2015

      #Allemagne

  • A German Life - Une vie allemande

    Secrétaire personnelle du ministre de la propagande nazie #Joseph_Goebbels, décédée à l’âge de 106 ans, #Brunhilde_Pomsel était l’un des derniers témoins oculaires de l’appareil du pouvoir nazi. Elle n’a cessé de nous mettre en garde contre les dangers permanents du fascisme.

    https://pages.rts.ch/docs/11654404-a-german-life---une-vie-allemande.html

    Trailer :
    https://www.youtube.com/watch?v=nZr45w7iubI

    #film #film_documentaire
    #Goebbels #nazisme #Allemagne #histoire #témoignage #indifférence #imprudence #sens_du_devoir #responsabilité #éducation #culpabilité #NSDAP #lâcheté #justice

  • Entretien avec John Gibler
    au sujet de son livre L’Évasion d’un guérillero

    https://lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-John-Gibler-au-sujet-de-son-livre-L-Evasion-d-un-guer

    Le 1er janvier 1994, l’Armée zapatiste attaque six villes de l’État du Chiapas et proclame son manifeste. Après douze jours de guerre, une trêve est déclarée. L’État et l’armée mexicaine vont désormais gérer une situation de rébellion plus ou moins négociée. Le 28 juin 1995, la police de l’État du Guerrero massacre dix-sept paysans, tous membres d’un syndicat particulièrement teigneux, l’Organisation paysanne de la Sierra du Sud, au gué d’Aguas Blancas. Un an, jour pour jour, plus tard et au même endroit, un nouveau groupe armé fait irruption en public et lit son manifeste écrit en espagnol et nahua. C’est l’Armée populaire révolutionnaire (EPR). Elle n’entre au combat que le 16 juillet suivant en attaquant l’armée fédérale.

    Le 25 octobre 1996, l’EPR a invité plusieurs journalistes locaux à une entrevue à Zumpango del Río (Guerrero). Des barbouzes de l’armée interceptent les journalistes et enlèvent un de leurs jeunes guides, Andrés Tzompaxtle Tecpile. C’est l’histoire de sa disparition, de son calvaire et de son évasion inespérée que raconte John Gibler dans son ouvrage L’Évasion d’un guérillero. Écrire la violence. Au-delà d’un témoignage cauchemardesque, c’est toute la stratégie de la terreur d’État qui est narrée à travers les entretiens avec Andrés Tzompaxtle et divers autres protagonistes. Et comme ce thème est à la fois particulier et, de Guantanamo à Damas, terriblement universel, voilà pour Gibler l’occasion de questionner sa pratique, son écriture. Comment rendre compte de l’indicible ? (...)

    #Mexique #enquête #John_Gibler #écriture #guérilla #EZLN #répression #Joseph_Andras #Svetlana_Alexievitch #Achille_Mbembe

  • Johan Faerber : « Le Grand écrivain est la poursuite de la politique par d’autres moyens » (Le Grand écrivain. Cette névrose nationale)
    https://diacritik.com/2021/03/10/johan-faerber-le-grand-ecrivain-est-la-poursuite-de-la-politique-par-daut

    Faerber à propos de Ponthus et de son usage du Grand écrivain dans A la ligne :

    D’emblée, Joseph Ponthus a joué un rôle clef dans mes réflexions sur le Grand écrivain car, si au début de cet entretien, nous évoquions les deux scènes primitives de l’introduction de l’essai, les Journaux pandémiques et les obsèques de Jean d’Ormesson, il faut également ajouter que mon propos trouve son origine dans une troisième scène : la lecture d’ A la ligne que j’évoque donc immédiatement. Il s’agit pour moi d’une lecture déterminante en ce que commençant à analyser la figure du Grand écrivain j’ai tout de suite repensé au récit si fort et si neuf de Ponthus qui prenait à rebours tout ce qu’on entend sur le Grand écrivain et à rebours de la recherche qui considère le Grand écrivain comme un mythe mort, et cela en faisant du Grand écrivain un adjuvant quotidien.

    Chez Ponthus, dans l’usine de conserverie ou au cœur de l’abattoir, la vie n’est pas. Elle est une souffrance impossible, un poids de carcasse à porter, un rythme mécanique et ouvrier qui détruit les hommes. Mais la vie soudain se réveille, prend conscience de sa force existentielle et politique quand Ponthus convoque autant de figures de Grands écrivains. Ces hommes et ces femmes qui paraissent désincarnés pour certains deviennent pour lui autant de compagnons d’usine, autant de travailleurs qui l’aident, qui proposent des solutions de vie, lui donnent à apercevoir une force à survivre. En ce sens, dans À la ligne que j’étudie longuement, Ponthus apparaît en effet comme un anti-Grand écrivain au sens où le Grand écrivain a chez lui quitté le Panthéon pour venir habiter le quotidien le plus rude. Et ce n’est pas sans une très grande tristesse que l’essai qui s’appuie sur À la ligne sorte au moment même de sa terrible disparition.

    #Joseph_Ponthus #Littérature #Écriture #Johan_Faerber

  • Non au démembrement de la cité-jardin de la Butte Rouge
    https://topophile.net/savoir/non-au-demembrement-de-la-cite-jardin-de-la-butte-rouge

    Les habitants constitués en collectif en appellent aux architectes, urbanistes, sociologues, militants écologistes, acteurs engagés de la société civile et simples citoyens, pour les aider à s’opposer à un projet de transformation qui se soldera par la disparition d’un « grand ensemble » témoin d’une conception humaniste exceptionnelle dans l’histoire de l’habitat populaire en région parisienne. La cité-jardin de... Voir l’article

  • Ein deutsches Leben
    A German Life
    Une vie allemande

    De 1942 à la fin de la guerre, #Brunhilde_Pomsel a travaillé comme sténographe au service du ministre de la #propagande du régime nazi #Joseph_Goebbels. Dernier témoin vivant ayant connu la machine du pouvoir nazi de l’intérieur et aujourd’hui âgée de 104 ans, elle raconte ici son histoire encadrée par un dispositif filmique simple. Son visage en gros plan met le spectateur face à l’histoire, et face à lui-même. Sa parole est au centre, entrecoupée par des films d’archive qui construisent par bribes le tissu des discours en vigueur dans les années 1930. Le montage respecte le souffle naturel du témoignage, reproduisant les hésitations et les instants de réflexion qui en disent long. Car Brunhilde, qui ne s’est jamais intéressée à la politique, incarne l’immense majorité d’entre nous, ceux qui cherchent simplement à mener leur vie, malgré tout. Elle vient rappeler qu’il est facile de juger ses aînés à la lumière de la connaissance du passé, de s’imaginer en héros de la résistance tant que l’on n’a pas été mis à l’épreuve. Une mise en garde indispensable, alors que l’horizon s’assombrit à nouveau.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/47723_1
    #Goebbels #histoire #nazisme #témoignage #WWII #seconde_guerre_mondiale #film #film_documentaire #interview #entretien