Fille ou garçon, les enfants partent avec un potentiel identique. Mais en grandissant ils vont, par une accumulation de détails, se conformer aux statistiques et stéréotypes de genre. En leur faisant adopter différents styles de comportement, cette éducation et socialisation différenciée va développer des centres d’intérêt différents. Ainsi, les jeunes femmes et jeunes hommes vont finir par se calquer, même inconsciemment, aux rôles traditionnels des sexes.
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Par exemple, on a fait passer un test de mathématiques assez basique à des adolescents, où il fallait répondre le plus vite possible vrai ou faux à une affirmation mathématique. À un premier groupe, on a dit qu’il s’agissait d’un test de maths. À un second d’un test cognitif, sans jamais employer le mot « mathématiques ».
Les garçons réussissaient le test de manière équivalente, quel que soit le groupe auquel ils appartenaient. Mais les filles, souvent considérées comme plus littéraires et peu scientifiques […], ont moins bien réussi lorsqu’elles savaient qu’elles passaient un test de maths. Sachant qu’elles faisaient partie d’un groupe avec une réputation peu scientifique, la peur de confirmer cette réputation a entravé leur raisonnement.
C’est le serpent qui se mord la queue : nombreux sont ceux qui pensent qu’il s’agit de la réalité, que ces différences de comportement et de faculté sont même génétiques, alors que c’est une reproduction statistique des étiquettes sexistes – même si l’égalité des chances est une notion fortement ancrée en Occident et que les adultes, enseignants ou parents, ont l’impression de ne pas éduquer les enfants différemment suivant leur sexe.
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À cet âge, où se font les connexions neuronales, exercer une certaine activité permet de développer un certain type de compétences. On offre aux petits garçons des jeux tournés vers la résolution de problèmes, avec un début et une fin : lorsque le petit garçon aura fini de construire sa fusée avec des Lego, il a le sentiment d’avoir réussi. Cela favorise son indépendance et son autonomie. […]
À l’inverse, les petites filles joueront souvent à plusieurs, que ce soit entre enfants ou avec des adultes. […] C’est donc l’occasion pour elle de développer le langage {…]. Voilà pourquoi les femmes sont connues pour leurs compétences verbales (et littéraires) et les petites filles souvent réprimandées en classe pour leurs bavardages. Ces jeux favorisent aussi l’imitation d’activités quotidiennes des adultes […], bien loin de l’autonomie mise en avant chez les garçons.
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Résultat : à l’âge adulte, il n’est pas étonnant que les hommes luttent pour occuper les sommets hiérarchiques et que les femmes souhaitent moins occuper des postes de dirigeants. Avoir fait pratiquer à la petite fille des jeux calmes, plus souvent en intérieur et favorisant la coopération, et avoir valorisé l’esprit de compétition et l’autonomie chez les garçons, est à l’origine de ces phénomènes, qui ne sont pas naturels mais bien culturels et provoqués.