Corona Chroniques, #Jour56 - davduf.net
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Ultimes messages de Nicolas, le #médecin de garde de nuit des #Hauts-de-Seine (cf. Corona Chroniques, #jour 54). En ces dernières heures, notre correspondance vire à la conversation, au speed dating in extremis d’avant la cloche de fin de mise en cloche, vaine tentative de prolonger un temps cette tranche d’Histoire ? Désir, surtout, de ne pas laisser cette panique mondiale sans égale s’échapper comme ça, aussi facilement qu’elle nous est tombée dessus brutalement. De ses nuits de détresse sans fin (double-gardes, 74 au compteur depuis le 16 mars — total respect), Nicolas pointe un phénomène jamais ressenti dans ces proportions : « la recherche des patients d’une complicité dans l’explication, une narration affranchie du #storytelling des médias et des politiques. Un besoin de communion supérieur à d’ordinaire, toutes origines socio-professionnelles confondues. Parler pour comprendre, savoir ce qui protège ou rapprocherait, explorer le possible… On m’inviterait presque à casser la croûte entre familiers. Que tous ces gens attendent la monnaie de leur pièce en retour, dès demain, serait logique : se réparer individuellement et réparer le groupe social. »
Entre les lignes, Nicolas se révèle par petites touches — noctambule des eighties, époque Pacadis, Paquita, Bains douches et boites de nuit, sa médecine est un night-clubbing par d’autres moyens — serait-ce donc ça, le secret de nos échanges ? La Nuit qui nous unit, ou plutôt l’attirance pour les levers d’Après, le Covid comme frère de mauvaise fortune, viral et en avant ?
Dans sa dernière missive, le toubib finit par évoquer sa fascination pour ceux qu’il appelle le groupe des suggestibles, les invisibles influençables, ceux qui « ressentent physiquement le message anxiogène à force de martèlement. La respiration est au cœur du mécanisme : ils sont obsédés à tort, puis à raison, par la dyspnée médiatisée, l’accélération de la respiration, puis par le stress. La suggestion infuse le corps et tend à contrôler l’esprit. La barrière mentale rompue, je sens un désarroi massif et de quoi envisager toutes les ingénieries sociales possibles. » J’insiste une dernière fois, et une heure plus tard, message suivant, soudain, éclair de lucidité, demain se profile : « Dans le 92, en deux mois, nous sommes passés du film de guerre froide au film de SF. Il me traverse l’esprit que certains aux commandes ne devraient pas en abuser. Et qu’ils feraient mieux de ne pas foncer dans le tas en mode « comme avant ». »