L’occasion, pour ceux qui l’avaient raté, de relire ce grand moment de #journalisme_à_képi dans le Monde en 2012, par Florence Aubenas, pleine d’enthousiasme pour ses gentils rebelles en tongues (si, vraiment, en tongues !) qui viennent « libérer » Alep :
►http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/07/23/a-alep-en-syrie-mais-c-est-la-revolution_1737028_3218.html
Autour, les enfants font une haie d’honneur, éblouis, tellement transis d’admiration qu’ils n’osent plus approcher ces hommes, qui, il y a quelques instants encore, étaient leur père, leur frère ou leur cousin.
Alep est à moins de 20 km mais on roule pendant plus d’une heure dans la nuit pour y entrer, convoi fragile de combattants, tout juste munis de quelques pauvres armes antichars et rien contre les hélicoptères.
[…] Elle [la révolution] avance à petits pas, en claquettes et tee-shirt, façon camouflage troué, de succès modestes en débandades cuisantes, portée par la certitude inébranlable en sa victoire.
Et comme j’adore me citer moi-même : j’évoquais à l’époque la responsabilité qu’il y a à porter la guerre dans une ville, et qu’il n’y a avait rien d’enthousiasmant à l’idée que cette ville allait être détruite et à prétendre interviewer des gens fraîchement « libérés » qui craignent de mourir ou qui savent que leurs proches risquent de mourir…
►http://seenthis.net/messages/80021#message80133
Une ville de pas loin de 2.000.000 d’habitants (ou « civils » dans le jargon) qui n’ont pas choisi de se battre pour ou contre le régime, et à qui la guerre est imposée de l’extérieur. (Attaquer une ville n’est tout de même pas la même responsabilité qu’attaquer une base militaire.)
[…]
Et personne n’ignore que lorsque l’Armée libre prend un quartier, l’Armée régulière arrive peu de temps après et n’hésite pas à bombarder lourdement ce quartier. Voilà, tu es un commerçant d’Alep, tu n’es ni pour ni contre, tu n’aimes pas trop le Régime, mais tu crains cette armée de « libérateurs » dont on te raconte quotidiennement qu’ils pratiquent des atrocités, et tu sais que si la guerre arrive chez toi, tu vas tout perdre, et tes enfants risquent de mourir, tu sais que ton grand fils un peu exalté a envie d’aller se battre (et tu préférerais qu’il finisse ses études vivant), et le jour même où cette fameuse armée débarque, elle te lâche un car de journalistes occidentaux (dont tu ne parles pas le langue, ça tombe bien), avec des caméras, des photographes, et qui est lourdement « protégée » par des membres de l’Armée libre. Et on te demande ton avis…