• Avignon OFF 2022 : Petit guide de manipulation de l’opinion en démocratie - Toutelaculture
    https://toutelaculture.com/spectacles/theatre/avignon-off-2022-petit-guide-de-manipulation-de-lopinion-en-democrat

    Ajoutons que cette pièce a fait l’objet d’une édition en livre augmentée d’un dossier sur la propagande.

    25 juillet 2022 | PAR Magali Sautreuil

    Qu’est-ce que la démocratie dans une société où la communication est reine, la vérité relative et notre liberté conditionnée ? En retraçant succinctement la vie d’Edward L. Bernays (1891-1995), le père des relations publiques, Julie Timmerman nous invite, avec Un démocrate, à prendre conscience des mécanismes de fabrique du consentement qui entravent notre libre-arbitre… Une pièce à découvrir à la Condition des Soies, pendant le festival OFF d’Avignon.
    L’art de la propagande

    Un démocrate est né au moment de l’apparition des faits alternatifs, des fake-news, des post-vérités… Ces nouveaux concepts, développés notamment lors de la campagne électorale étasunienne de Donald Trump et de celle du Brexit, traduisent une crise de l’information, de la confiance dans les médias et dans les faits énoncés, ainsi que, plus généralement, une perte de repères.

    Dans une société où nous sommes continuellement abreuvés d’images et de storytelling, il est de plus en plus compliqué de démêler le vrai du faux. Comment exercer notre libre-arbitre dans de telles conditions ? Sommes-nous encore en démocratie ? Si oui, dans quel type de démocratie vivons-nous ?

    Autant de questions soulevées par cette pièce, qui nous emmène sur les traces du neveu du neurologue et psychanalyste Sigmund Freud, Edward L. Bernays (né en 1891 à Vienne – mort en 1995 aux États-Unis), Eddie de son petit nom.

    Fasciné par les théories sur l’inconscient de son oncle, Eddie leur trouve une application pratique en inventant le concept de relations publiques.

    Nous sommes au début du XXe siècle. Eddie est conscient que savoir, c’est pouvoir. Il a l’intuition que les données sont le nouvel or mondial. Grâce à ces dernières, il peut tout savoir sur tout le monde et, par conséquent, souffler des rêves aux gens avant même qu’ils les aient rêvés, agir sur la nature des choses, leur donner des vertus qu’elles n’ont pas et modifier le contexte pour induire certains comportements, selon la demande de ses clients.

    La stratégie d’Eddie répond à un protocole précis, qui ne néglige aucun détail. Affiné au fil de l’eau, il se compose de sondages d’opinion, de mises en scènes, mais aussi de mensonges pour faire croire au consommateur qu’il désire un produit et que c’est, par conséquent, un choix personnel. Pour manipuler les foules, il s’appuie sur trois éléments : leurs désirs qui, contrairement à leurs besoins, sont illimités, leur peur pour mieux paralyser leur raison et leur respect de l’autorité.

    Une pratique anti-démocratique ?

    Cette stratégie des relations publiques ne semble pas vraiment compatible avec la définition habituelle de la démocratie, celle qui serait le fait d’un peuple souverain maître ses choix, capable de faire preuve d’esprit critique et de libre-arbitre.

    Mais Eddie a une autre conception de la démocratie. Il la considère comme un régime permettant à chacun d’influencer les masses, par le biais, notamment, de la communication et des médias. La manipulation consciente et intelligente des opinions et des habitudes organisées des masses joue d’après lui un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. Pour Eddie, quiconque a suffisamment d’influence peut entraîner à sa suite toute une partie de la population, du moins pour un temps et dans un but précis.

    Les méthodes d’Eddie sont couronnées de succès et ses clients nombreux : des fabricants de savons aux producteurs de bacon, en passant par le cigarettier Lucky Strike, l’United Fruit Company…

    La question éthique et morale

    Si les résultats sont au rendez-vous, l’éthique ne l’est pas forcément. Comment en effet assumer le fait d’avoir promu la cigarette alors que des études démontraient dès les années 1920 que fumer développait le risque de cancer ? Comment justifier le fait que pour satisfaire son client, l’United Fruit Company, et l’aider à continuer l’exploitation de bananeraies au Guatemala, Eddie participe, en 1954, avec l’aide de la CIA, au renversement du régime socialiste démocratiquement élu de Jacobo Arbenz, une tragédie explorée avec panache par Julie Timmerman dans Bananas (and kings), à la Factory, au théâtre de l’Oulle, pendant le festival OFF d’Avignon ? Comment accepter que les livres d’Eddie aient pu servir à Joseph Goebbels pour sa propagande nazie ? Un comble, pour ce citoyen étasunien qui n’a cessé de défendre l’idée que ses pratiques protégeaient la démocratie…

    Si nous pouvons être choqués ou admiratifs de ces pratiques, n’oublions pas qu’Eddie ne vendait pas un guide de bonne conduite, mais proposait des conseils en relations publiques et ne faisait, pour lui, que répondre à la demande de ses clients, sans chercher à savoir si cela était moral ou pas.

    La pièce

    L’intérêt de la pièce de Julie Timmerman est justement d’interroger les méthodes d’Edward L. Bernays, de rendre compte d’un système encore en vigueur de nos jours et de comprendre comment d’une simple idée, nous avons petit à petit basculé vers une machine impitoyable et grisante qui n’a aucune limite.

    La vie d’Eddie, simplifiée pour des questions de pédagogie, paraît ainsi digne d’une épopée haute en couleurs et s’inscrit parfaitement dans les techniques de storytelling. Les ambiances théâtralisées, l’emballement et l’engouement des personnages traduisent le sentiment d’euphorie qui aveugle celles et ceux qui, dans l’ombre, manipulent les foules.

    Sur scène, tous les personnages sont incarnés par seulement deux acteurs. Leurs rôles sont sans cesse inversés, mais les accessoires, leurs intonations de voix et leur gestuelle nous permettent d’identifier qui est qui sans difficulté. Par cet exercice, la metteuse en scène nous démontre la force d’un récit qui, lorsqu’il est bien conçu, permet d’altérer la réalité jusqu’alors connue.

    Tous ces personnages évoluent dans un décor fort simple, constitué d’une grand table rectangulaire, d’un micro et d’un portrait d’Edward L. Bernays… Un décor fort simple, mais qui réussit à convoquer plusieurs imaginaires. Nous sommes tantôt en réunion, tantôt à une table en train de boire des coups et de refaire le monde, tantôt à la radio, tantôt à une conférence de presse…

    Enfin, pour montrer que le système Bernays est encore à l’oeuvre de nos jours, des allers-retours permanents sont effectués entre l’époque d’Eddie et la nôtre. Comme dans un laboratoire, un panel de consommateurs est soumis à différentes suggestions, basées sur la collecte de leurs données personnelles. Comme ces derniers vivent en appartement, ils ont l’illusion d’être libres. Mais le doute commence à s’emparer de certaines personnes, qui cherchent à se forger leur propre pensée.

    Mais suffit-il de mettre à jour les mécanismes de contrôle de l’opinion publique pour s’en libérer ?

    Un démocrate, une pièce écrite et mise en scène par Julie Timmerman, recréée pour deux acteurs et interprétée par Mathieu Desfemmes en alternance avec Jean-Baptiste Verquin et Anne Crescent en alternance avec Julie Timmerman, du 7 au 30 juillet 2022, à 11 h 25, à la Condition des Soies, salle Juliette Drouet, dans le cadre du festival OFF d’Avignon 2022. Relâche les 11, 18 et 25 juillet 2022. Durée : 1h.

    Retrouvez l’actualité de l’Idiomécanic Théâtre sur son site Internet (ici) et sur sa page Facebook (ici).

    Découvrez la programmation de la Condition des Soies dans le cadre du festival OFF d’Avignon 2022 sur son site Internet (ici).
    Retrouvez, ici, tous les articles de la Rédaction de Toute la Culture dans un dossier spécial festival d’Avignon.

    Visuels : Affiche de Dominique Hamot et photos de Philippe Rocher et Nathalie Aguettant.

    #Julie_Timmerman

  • [VU] Avec Bananas (and Kings), Julie Timmerman excelle dans son art
    https://ouvertauxpublics.fr/vu-avec-bananas-and-kings-julie-timmerman-excelle

    Depuis La Sorcière (2015), la compagnie Idiomecanic Théâtre propose un théâtre vif et percutant afin d’éveiller les consciences face au monde qui nous entoure. Avec le second volet du dyptique consacré à la démocratie et aux dérives du capitalisme, qui fait suite à Un Démocrate (2017), la metteuse en scène et comédienne Julie Timmerman propose une virée au cœur de l’Amérique centrale, pays de la corruption et des lobbys. Retour.

    https://cfeditions.com/bernays

    Avec son « Bananas (and Kings) » , la metteuse en scène, comédienne et auteure Julie Timmerman va encore plus loin qu’avec « Un Démocrate ». Si dans ce premier volet consacré à la vie d’Edwards Bernays, le premier homme à avoir théorisé la manipulation de masses, l’allusion au coup d’état instrumentalisé par les Etats-Unis en Amérique centrale contre Arbenz était évoqué, l’envie de fouiller au coeur des plantations bananières pour l’auteure s’est révélée.

    C’est ainsi qu’un travail minutieux de recherches s’est mis en place. Aujourd’hui, cela prend forme avec un des spectacles les plus réussis de ce off, à savoir « Bananas (and Kings) ».
    Un théâtre brechtien, de trétaux et tibétain.

    Julie Timmerman rend un véritable hommage au théâtre bretchien (théâtre de critique sociale et politique). On pourrait très bien écrire que cet hommage s’étend au théâtre de tréteaux, avec la manipulation à vue des décors où tout se transforme, et au théâtre tibétain avec les rôles masculins interprétés par Anne Cressent et Julie Timmerman.

    Avec son théâtre, Julie Timmerman plonge le public dans une histoire de coup d’état, celui mené contre Arbenz président du Guatemala, élu démocratiquement, pour s’être opposé à Sam Zemurray, dirigeant de la United Fruit.
    Rationalisation économique vs exploitation humaine

    Le texte de Julie Timmerman détaille les ressorts d’une histoire économique dans un pays à l’indépendance jeune, l’Amérique centrale. Cette histoire se vit comme une épopée et couvre la période de 1871 à nos jours.

    Avec l’arrivée de Minor Keith, premier homme à planté des bananes pour la United Fruit sur les terres d’Amérique centrale, c’est le mécanisme de la rationalisation économique qui se met marche. Agissant comme un rouleau compresseur, les mayas vont être expulsés sans ménagement, exploités sur leurs propres terres et empoisonnés par les traitements successifs des plantations que va entreprendre l’homme de la situation. Avec l’arrivée de Sam Zemurray, à la tête de la firme, toute une population eu espoir d’un meilleur traitement.

    Peine perdue puisque son arrivée en tant que dirigeant coïncide avec le coup d’état contre Arbenz, président aux valeurs humaines et combattant pour une meilleure équité.
    43 rôles pour 4 comédiens

    Le traitement scénique qu’a reservé Julie Timmerman à son « Bananas (and Kings) » est d’une réjouissance absolue.

    En compagnie d’Anne Cressent, de Mathieu Desfemmes et de Jean-Baptiste Verquin, ce sont 43 personnages qui vont défiler devant les yeux du public. C’est une véritable prouesse théâtrale qui se joue au plateau.

    Le rythme enlevé de la pièce ne faiblit jamais. La musique de Benjamin Laurent et la scénographie de Charlotte Villermet servent parfaitement l’ensemble.

    Entre adresses au public et allusions à certaines affaires politiques d’aujourd’hui, la joyeuse troupe embarque son monde dans cette traversée où la magie du théâtre opère du début à la fin.

    Et c’est ici que la force du théâtre de Julie Timmerman réside : s’amuser en dénonçant les atrocités de notre système pour mieux les faire entendre.

    « Bananas (and Kings) » est une plongée dans les enfers de la corruption bananière que l’on peut décupler à l’infini. Pensons, ne serait-ce qu’un instant, aux secteurs de l’exploitation forestière et des industries extractives (bois, minerais) en Amazonie brésilienne menée tambour battant par la politique de Jair Bolsonaro au Brésil, ou encore à la surexploitation des vergers d’amandiers aux Etats-Unis qui entraîne une hécatombe des abeilles… L’histoire se répète indéfiniment.

    Laurent Bourbousson
    Visuel : Pascal Gély
    Générique

    Bananas (and Kings) jusqu’au 30 juillet (relâche le 25), à 14h50 à La Factory – Théâtre de l’Oulle

    texte et mise en scène Julie Timmerman / dramaturgie Pauline Thimonnier / collaboration artistique Benjamin Laurent / Interprètes Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et Julie Timmerman / scénographie Charlotte Villermet / lumière Philippe Sazerat / musique Benjamin Laurent / costumes Dominique Rocher / son Michel Head / vidéo Jean-Baptiste Pigneur / construction de la scénographie Jean-Paul Dewynter

    #Julie_Timmerman

  • Cambrai : « Bananas And Kings », un siècle de bananes pour une intox édifiante
    https://www.lavoixdunord.fr/1111950/article/2021-12-10/cambrai-bananas-and-kings-un-siecle-de-bananes-pour-une-intox-edifiante

    Dans le deuxième volet de son diptyque sur la manipulation en démocratie, l’autrice, metteuse en scène et comédienne Julie Timmerman met le spectateur en position de témoin face à l’un des plus grands scandales de l’exploitation alimentaire industrielle.

    Si vous avez l’occasion, il faut vraiment aller voir les deux pièces de Julie Timmerman sur la propagande. Des trucs de mise en scène par sa compagnie Idiomecanic Theâtre.
    Sinon, il y a toujours le livre "Un démocrate" qui réunit autour de sa pièce sur Edward bernays un dossier sur la propagande et des illustrations des étudiant.es de l’Ecole Estienne
    https://cfeditions.com/bernays

    #Julie_Timmerman #Un_démocrates #Bananas

  • « Un Démocrate » de Julie Timmerman - Trailer - theatre-contemporain.net
    https://www.theatre-contemporain.net/video/Un-Democrate-trailer

    Eddie vend du savon.
    Eddie vend des pianos.
    Eddie vend du bacon.
    Non, Eddie ne VEND pas : il fait en sorte que les gens ACHÈTENT.

    Excellente pièce qui vient de connaître un nouveau succès en Avignon.

    N’oubliez pas le livre compagnon
    https://cfeditions.com/bernays

    #Un_Démocrate #Julie_Timmerman #Edward_Bernays

  • Un démocrate (version en duo) - la chronique du spectacle
    https://www.avoir-alire.com/un-democrate-la-chronique-du-spectacle

    Critique : Il y a des spectacles qui nous marquent et nous suivent tels des compagnons d’esprit. On s’y réfère comme à des repères d’excellence, des boussoles qui placent la barre haute.
    Julie Timmerman est de retour au Festival d’Avignon avec Un démocrate. La pièce y avait rencontré un grand succès. Depuis 2016, elle tourne avec plus de deux cents représentations.
    Cette fois-ci, l’auteure, metteuse en scène et comédienne nous présente la version duo de ce spectacle, dans la perspective de l’emmener « sur toutes les routes et dans toutes les contrées qui ne pouvaient pas accueillir sa forme habituelle - pour des raisons financières ou techniques », et ainsi en faire bénéficier tous les publics.
    Julie Timmerman partage l’affiche et une vingtaine de personnages avec Mathieu Desfemmes, excellent comédien au timbre de voix saisissant, variant les accents et la gestuelle avec beaucoup d’agilité.
    Le talent de Julie Timmerman, on le sait, est multiple : aura d’auteure, comédienne rayonnante, metteuse en scène qui manie l’inventivité comme une baguette magique.
    L’année dernière, entre deux confinements, elle nous avait enthousiasmés avec Bananas (and kings), où figurait notamment Mathieu Desfemmes : l’histoire de la United Fruit Company et de l’asservissement des peuples autochtones. Il existe d’ailleurs des passerelles et une parentalité entre les deux spectacles (propos et force de frappe).
    Avec Un démocrate en duo, Julie Timmerman réussit à faire de cette création une version concentrée qui déborde d’énergie, toujours fondée sur un rythme haletant et saisissant. Dans le cadre d’une conférence qui dégénère, le cynisme assumé s’expose.
    L’auteure explique : « Nous passons ainsi du mode épique à la comédie de la com’, du cabaret à la tragédie de la résistible ascension d’Edward Bernays, de la sortie de jeu à des séquences où des conseillers en com’, tels des apprentis laborantins, regardent un homme se débattre dans la maison créée pour lui - métaphore du Système et de la Pensée Unique. Un mélange des genres qui, par la jubilation de la dénonciation, se veut facteur d’éveil de la pensée, en même temps que divertissement pour tous ».
    Le texte d’Un démocrate nous offre des répliques ciselées, cyniques, drôles, pleines d’intelligence. Traduite en trois langues (italien, espagnol et catalan), la pièce est publiée en France par C&F, sera bientôt éditée en Italie et en Argentine.
    En assistant à ce spectacle, chaque spectateur peut avoir l’assurance d’être transporté et secoué. Un grand moment de vie.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate #Edward_Bernays

  • Un Démocrate de Julie Timmerman - Avignon / 2021 Avignon Avignon Off. La Condition des Soies
    https://www.journal-laterrasse.fr/un-democrate-de-julie-timmerman-3

    Dans une forme brechtienne fine et assumée, Julie Timmerman questionne l’état de la démocratie à travers le parcours du méconnu Edward Bernays, neveu de Freud et inventeur des techniques de manipulation de masse.

    « Edward L. Bernays (1891-1995) ». Sous un portrait accroché à un mur noir, l’épitaphe crée un horizon d’attente précis : le comblement d’une lacune historique. En compagnie de trois comédiens, Julie Timmerman y répond avec talent à travers un portrait chronologique à la manière brechtienne. Entre narration distanciée des épisodes marquants de la longue vie de Bernays, incarnation de certaines situations et intermèdes musicaux volontiers burlesques, Un démocrate déploie la biographie d’un homme aussi peu connu qu’important. Double neveu de Freud, le héros de la pièce de Julie Timmerman est le fondateur de l’industrie des Relations Publiques. Autrement dit, d’une méthode de manipulation des masses qui repose sur les avancées des sciences sociales au tournant du XIXème et du XXème siècle. Celles de la sociologie, de la psychologie sociale, et bien sûr de la psychanalyse. Dans un contexte de crise des démocraties européennes, la figure d’Edward Bernays est pour Julie Timmerman prétexte à un appel à la vigilance et à l’esprit critique.

    Edward Bernays, père des relations publiques

    Traversée éclair des cent ans d’existence du père des relations publiques, Un démocrate s’ouvre sur un court monologue d’un Edward Bernays centenaire interprété par Mathieu Desfemmes, puis laisse place à la reconstitution des succès majeurs du protagoniste. Parmi lesquels, la promotion de Damaged Goods d’Eugène Brieux, pièce sur la syphilis, sujet tabou à l’époque. Edward Bernays développe une technique qui lui servira plus tard dans son travail pour des fabricants de savons, de pianos, le patron de la marque de cigarettes Lucky Strike ou encore la compagnie bananière United Fruit Company. Sorte de laboratoire où les idées sont évoquées à travers les corps et des matériaux simples, le plateau de Un démocrate est tout sauf la tribune d’une classique leçon d’histoire. Ponctuée des maximes cyniques et paradoxales dont le neveu de Freud avait le secret – « pour lutter contre la propagande il faut plus de propagande », par exemple –, cette pièce où chaque comédien joue plusieurs rôles traduit avec force le désir de théâtre politique et populaire de Julie Timmerman.

    Anaïs Heluin

    #Un_démocrate #Edward_Bernays #Julie_Timmerman

  • « Bananas (and kings) », Julie Timmerman : Le rire anti-trust par Gilles Costaz | Politis
    https://www.politis.fr/articles/2020/09/bananas-and-kings-julie-timmerman-le-rire-anti-trust-42348

    Très bel article dans Politis sur le travail politique et théâtral de Julie Timmerman. J’ai vu la pièce qui réussit à parler d’une situation dramatique sans ennuyer. Jeu d’acteur + mise en scène inventive, une belle soirée assurée.

    Et pour continuer le plaisir, n’hésitez pas à vous plonger dans "Un démocrate" (https://cfeditions.com/bernays).

    Jeune metteuse en scène et créatrice de la compagnie Idiomécanic Théâtre, Julie Timmerman ne cache pas ses intentions. En exergue de son nouveau spectacle, Bananas (and kings), elle écrit : « Qu’en est-il de nos démocraties à l’heure où les multinationales ont un tel pouvoir ? Que nous reste-t-il pour lutter contre la confiscation de notre pouvoir de citoyens ? C’est le rôle du théâtre de traquer la matrice [de la mainmise des grands groupes états-uniens sur l’économie], de la disséquer et d’exposer ses entrailles, pour armer les peuples contre elle. » Elle fait donc une forme de théâtre politique, mais limite les déclarations d’intention aux documents de communication. Sur scène, ses pièces ne sont pas discoureuses, elles dénoncent à coups de sketchs percutants, retrouvant la forme un peu disparue de l’agit-prop que pratiquaient les révolutionnaires russes et qu’ont reprise des artistes comme Erwin Piscator ou Dario Fo. Pour cette artiste, le théâtre affirme sa puissance de plaisir par le filtre pamphlétaire.

    Julie Timmerman avait déjà frappé un grand coup avec Un démocrate, écrit, mis en scène et joué à partir de 2016. Ce spectacle eut un tel retentissement qu’il continue de tourner en France. Il y avait là un gros lièvre de levé : Edward Bernays, l’un des inventeurs de la propagande moderne, l’Austro-Américain qui établit le mécanisme de la manipulation des masses. Ce parfait « démocrate », qui n’avait rien à se reprocher puisqu’il était rarement hors la loi, donna aux managers et aux hommes politiques les clés pour vendre tout ce qu’il était possible de vendre : du tabac, des produits de consommation, l’altruisme des discours et l’oppression des peuples démunis.

    Des chercheurs et des réalisateurs ont eux aussi sorti de l’oubli – récemment – ce sinistre Bernays, mais Julie Timmerman a beaucoup contribué à mettre au jour cette page d’histoire, car son spectacle repose sur une longue enquête faite en dialogue avec des sources états-uniennes. C’est d’ailleurs une maison d’édition numérique à caractère universitaire, C&F Éditions, qui a choisi d’éditer la pièce et de la faire suivre d’un dossier composé d’études sur celui qui fut le maître de la propagande dans la sphère libérale.

    La nouvelle pièce de Julie Timmerman, Bananas (and kings), naît de la précédente. Dans le premier texte, il était question rapidement du rôle de la United Fruit Company dans le coup d’État ourdi par la CIA au Guatemala en 1954, quand les États-Unis étaient parvenus à mettre fin à la réforme agraire de ce pays pour rétablir leur pouvoir commercial sur le colossal marché des fruits. Le texte, joué à présent à la Reine-Blanche, avant de tourner dans un certain nombre de villes de la banlieue parisienne et des régions, se concentre sur la banane et ses enjeux quasi mafieux.

    Ah, la banane, fruit délicieux, facile à cultiver et à exporter, alors d’un exotisme aisé à amplifier, et auquel on peut même ajouter une connotation sexuelle (ce qui, pour dire vrai, ne figure guère dans le spectacle) ! En fait, c’est moins un fruit qu’un tiroir-caisse à l’échelon mondial. Ce que conte Julie -Timmerman, dans une -succession chronologique mais avec la férocité allègre de la satire, c’est l’histoire de cette United Fruit Company, plus puissante qu’une armée en marche. Au Guatemala surtout, mais avec des réseaux qui agissent à travers les deux -Amériques.

    Les tableaux qui s’enchaînent donnent à voir les patrons voyous du groupe (disons plutôt gang-sters, c’est Chicago à Wall Street) mettant en place leur stratégie de rouleau compresseur, les petites mains qui font le sale travail, les réticents et les opposants vite rétamés, un effarant successeur du premier PDG et les élus guatémaltèques broyés tour à tour par le même pouvoir olympien.

    Allez, allez, mangez des bananes ! Ne prenez pas celles des paysans qu’on étouffe, mais celles du trust qui s’empare tranquillement de leurs terres ! Elles vont devenir d’un beau bleu, comme les pesticides qui s’y sont infiltrés et comme les hommes qui les cueillent et meurent parfois d’avoir respiré ce venin bleuté. Et toute personne qui n’applaudit pas aux méthodes de l’United Fruit Company est un communiste !

    Mais nous sommes au théâtre, sur une scène qui pourrait être dans la rue ou dans une cour d’usine, ou à un cabaret de l’histoire où l’on rêverait de voir en nombre les classes dites laborieuses. On est là pour se venger de l’injustice en riant. Dans ce style, Julie Timmerman déploie un savoir-faire qu’elle dit brechtien. Il y a de ça, en effet. Les dessins sont brossés à gros traits et les affrontements claquent comme les lanières d’un fouet. On ne peut pas se tromper sur les méchants ! Mais il y a là une épaisseur historique qui est propre à la compagnie Idiomécanic. Même réécrits, souvent tournés à la farce (farce glaçante, bien sûr), les épisodes sont vrais, contiennent des paroles et des textes qui ont vraiment été dits ou publiés.

    Les quatre interprètes jouent un grand nombre de rôles, sans en rester à leur genre. Julie Timmerman elle-même termine en homme humilié et en statue de la Liberté parodique. Elle associe étonnamment punch et sensibilité. Anne Cressent s’intègre au jeu pamphlétaire avec une forte dimension dramatique souterraine. Mathieu Desfemmes et Jean-Baptiste Verquin manifestent ensemble et séparément un art de jouer les crapules qui les situe haut dans le guignol politique. De même qu’Apollinaire disait : « Que la guerre est jolie ! », on osera dire qu’ainsi croquée cette ignominie est fort réjouissante.

    Bananas (and kings), théâtre de la Reine-Blanche, Paris, 01 40 05 06 96. Jusqu’au 1er novembre. Puis aux Rencontres Charles-Dullin (Orly, Fresnes, Le Kremlin-Bicêtre) et en tournée jusqu’au 27 mai. À lire : Un démocrate, Julie Timmerman, C&F éditions.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate #Bananas_and_kings #C&F_éditions

  • Bananas (and kings) de Julie Timmerman : l’emprise d’une multinationale - Théâtre Paris Théâtre La Reine Blanche
    https://www.journal-laterrasse.fr/focus/bananas-and-kings-de-julie-timmerman-lemprise-dune-multinationale

    Création / Texte et mise en scène Julie Timmerman
    Publié le 6 août 2020 - N° 286

    Instruire, émouvoir, bouleverser, divertir : en s’appuyant sur l’Histoire, Julie Timmermann et sa compagnie L’Idiomécanic Théâtre réfléchissent notre monde. Présentée à partir du 9 septembre au théâtre La Reine Blanche, leur nouvelle création opère un zoom circonstancié sur la United Fruit Company.

    Depuis la création de votre compagnie L’Idiomécanic Théâtre en 2008, avez-vous exploré un champ particulier de questionnements ?

    Julie Timmerman : Nous avons toujours créé des spectacles qui éclairent les combats individuels contre les diktats sociaux, moraux, religieux ou politiques visant à enfermer l’homme. Ce champ de recherche infini, d’une grande diversité, s’avère captivant. Il n’est pas nouveau ! Depuis l’Antiquité et L’Orestie d’Eschyle, le théâtre s’empare de la question de la démocratie. Mon premier spectacle, Un jeu d’enfants (2008) de Martin Walser, pose un regard cynique sur la révolte inaboutie des fils à travers un conflit générationnel en 1968. Etonnamment la United Fruit Company y était déjà citée ! Ensuite, Words are watching you s’inspire de la “novlangue“ dans 1984 de George Orwell et dissèque la manipulation par le langage. Puis La Sorcière d’après Jules Michelet met en scène une femme en lutte contre le pouvoir de l’Eglise, à l’instar de Rosmersholm, magnifique pièce d’Ibsen où le désir de liberté se heurte au poids des héritages. Enfin, je me lance dans l’écriture avec Un démocrate, qui expose les mécanismes de manipulation des masses, aujourd’hui complété par Bananas (and kings), qui resserre la focale sur la United Fruit Company et son emprise en Amérique centrale. Ces deux volets complémentaires sur la démocratie peuvent être vus indépendamment l’un de l’autre. Le parcours de la compagnie dessine un sillon qui, en questionnant les enjeux de la démocratie, interroge les freins à la liberté et la justice.

    Pourquoi vous appuyez-vous sur des faits réels pour mettre en scène les fragilités de la démocratie ?

    J.T. : S’inspirer de l’Histoire permet à la représentation de fournir des outils de réflexion fondés sur des faits vérifiés, incontestables. Plutôt que poser plus ou moins adroitement la question de savoir si nous sommes aujourd’hui vraiment en démocratie, s’appuyer minutieusement sur le déroulé des événements passés nourrit l’enquête : le passé éclaire le présent. Nous voulons penser ensemble grâce à l’Histoire sans donner de leçon. Pendant des mois, j’ai effectué des recherches afin de pouvoir créer un théâtre documenté, et non pas documentaire, car il se raconte comme une fiction. Certains spectateurs de Un Démocrate nous ont confié trouver tel ou tel fait ou personnage exagérés, alors même que tout ce qui était dit était vrai ! La pièce retrace le parcours de Edward Bernays (1891-1995), pionnier des techniques de marketing et de manipulation de masse, qui a vendu indifféremment savons, cigarettes, Présidents et coups d’état de la CIA. Inspiré par la technique des associations d’idées qu’utilise son oncle Freud à des fins thérapeutiques, il l’applique pour façonner les comportements. Il parvient par exemple à faire fumer les femmes en associant la cigarette à l’idée de liberté. Au Guatemala, il met au point une guerre psychologique contre le président réformiste Jacobo Arbenz. Les instruments de la propagande y font leurs preuves, en écho direct au processus de fabrication du consentement tel qu’énoncé par Noam Chomsky. Notre nouvelle création, Bananas (and kings) complète le diptyque en montrant la subordination du politique aux intérêts économiques, à travers l’essor implacable de la United Fruit Company.
    « Le théâtre doit être un endroit où on a terriblement envie d’aller. »

    © Dominique Hamot
    BANANAS (and kings)

    Quelle est cette compagnie bananière ? Comment la représentez-vous sur scène ?

    J.T. : Fondée en 1899, la compagnie a organisé la production et le commerce de la banane, et pour cela elle a colonisé toute l’Amérique centrale, s’appropriant les ressources, les infrastructures, les terres. Générant l’asservissement des peuples autochtones et l’empoisonnement de la terre par les pesticides, l’exploitation s’est développée tout au long du siècle. Devenue en 1989 Chiquita Brands International, la firme est parvenue à corrompre et confisquer le pouvoir politique des « Républiques bananières ». Je montre le système en train de se construire, braquant le projecteur sur le coup d’état de 1954 au Guatemala, qui a constitué un laboratoire au service de la compagnie. Je mets en scène des personnages de fiction et surtout les véritables protagonistes de l’histoire. Parmi ceux-ci, le fondateur de la compagnie, Minor Keith, et son successeur Sam Zemurray. Quant à Jacobo Arbenz, éphémère président du Guatemala qui a représenté un espoir de réforme démocratique, il apparaît comme une figure tragiquement seule. Parmi les personnages fictifs, j’ai imaginé le fantôme d’une Indienne témoignant à un procès, ouvrant vers un monde autre, hantant Minor comme Banco revient hanter Macbeth. En tout quatre comédiens – Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et moi-même – interprètent plus de quarante personnages, le récit traverse tout un continent et un siècle et demi, en collaboration artistique avec le compositeur Benjamin Laurent.

    Quelle est la tonalité de votre mise en scène ?

    J.T. : Pablo Neruda dit de la United Fruit Company qu’elle « instaura l’opéra-bouffe ». Face à des enjeux aussi forts, à une telle démesure, il est intéressant de dépasser le réalisme, de faire en sorte que ces gens d’une ambition à toute épreuve puissent aussi faire rire. C’est une tragédie d’une grande violence déployée dans un monde phagocyté par l’appât du gain, mais nous voulons pour le public qu’une forme d’humour se dégage, à travers l’écriture ludique et jubilatoire, à travers la dimension comique de ces clowns monstrueux. Bananas comme Un Démocrate s’inscrit dans une filiation brechtienne, même si ce nouvel opus est plus incarné. Le théâtre doit être pour moi un endroit où on a terriblement envie d’aller, pour éprouver des émotions, découvrir un imaginaire singulier, engager une réflexion commune sur notre monde. Une réflexion artistique et politique…

    Propos recueillis par Agnès Santi

    #Julie_Timmerman #Un_Démocrate #Edward_Bernays #Théâtre

  • « Un démocrate ? » Publication de la pièce de théâtre de Julie Timmerman sur Edward Bernays
    https://cfeditions.com/bernays

    C’est le rôle des livres que de préparer un monde nouveau et de construire les idées de la révolution à venir, celle qui sera adaptée au monde actuel, pour qu’après ne soit pas comme avant.

    Modestement, à notre place, qui est principalement celle de la culture numérique, C&F éditions veut apporter quelques pierres à ce travail intellectuel nécessaire. Mais le monde est vaste, global et globalisé, et les sujets ne manquent pas dans tous les domaines.

    C’est aussi pour cela que nous avons décidé d’élargir notre focale, d’ouvrir nos collections à de nouveaux thèmes, à de nouvelles idées et formes. Entre nos livres qui vont continuer à décrypter le monde numérique, nous allons intercaler des livres différents, des fictions, des thèmes nouveaux.

    Et pour commencer aujourd’hui, du théâtre.

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    Un démocrate
    Une pièce de Julie Timmerman
    suivie d’un dossier :
    Edward Bernays, petit prince de la propagande
    un livre (abondamment) illustré
    ISBN : 978-2-37662-000-6
    240 p. - 18 €
    https://cfeditions.com/bernays
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    La pièce de Julie Timmerman et de sa compagnie Idiomécanic interroge le personnage d’Edward Bernays, que l’on désigne comme "l’inventeur des relations publiques". Avec cynisme et suivant la seule logique de l’intérêt de ses riches clients et de la défense des pouvoirs en place, Bernays va inventer les formes de la propagande du XXe siècle. Il ne s’agit plus d’imposer un message par la répétition, mais de susciter le désir envers un produit ou une idée. Le mensonge, la manipulation, l’hubris sont au cœur de son travail : réussir à faire fumer les femmes pour doubler le marché des multinationales du tabac en prétendant que les cigarettes sont pour elles "les torches de la liberté" ; provoquer un coup d’État au Guatemala au service des bananes Chiquita ; inventer de toute pièce le petit déjeuner avec œufs et bacon pour son client, l’industrie charcutière... et prétendre que c’est depuis toujours le petit déjeuner typique des Américains ; le culot d’Edward Bernays est sans limite...

    Celles et ceux qui ont eu la chance de voir la pièce sur scène ont apprécié l’humour et les trouvailles de mise en scène pour montrer de cela sur un rythme haletant et capter les spectateurs. Dans un livre, nous devions aller au delà de la découverte du personnage par le théâtre et proposer un dossier sur la propagande et le rôle spécifique d’Edward Bernays. Coordonné par Stéphane Resche de l’université de Créteil, ce dossier comporte des articles de Mathis Buis, Karine Chambefort-Kay, Florence Jamet-Pinkiewicz, Stéphane Resche, Nicolas Taffin et Julie Timmerman.

    Le livre a été édité et réalisé par les étudiantes du Master édition de l’Université de Caen, sous la direction de Marie-Astrid Bailly-Maitre. Les étudiants graphistes de l’École supérieure Estienne, pilotés par Florence Jamet-Pinkiewicz, ont planché sur le thème du livre pour nous offrir des représentations actuelles des théories et actions d’Edward Bernays.

    Après avoir lu ce livre, on mesure également combien les tactiques malsaines de Bernays restent d’actualité dans de nombreux domaines. Les outrances de Donald Trump sont par exemple le reflet de l’appel à l’outrance par les puissants qu’Edward Bernays a développé tout au long de sa carrière.

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Julie_Timmerman #Edward_Bernays #C&F_éditions