• #JusticePourTheo : Un policier d’Aulnay-sous-Bois dénonce les dérives de ses collègues.

    La réalité comme souvent dépasse toute fiction : "Mediapart publie le témoignage exclusif d’un policier du commissariat d’Aulnay-sous-Bois. Selon lui, certains de ses collègues étaient habitués aux dérapages qui ont conduit à « l’affaire Théo ». Notamment les quatre agents mis en examen pour les violences et le viol subis par le jeune homme. Des anciens leur avaient recommandé à plusieurs reprises « d’y aller moins fort ».

    La voix est claire, ne tremble pas. Les mots n’hésitent pas lorsqu’il s’agit de porter des accusations sur ses collègues. « Si le viol est avéré, il faut qu’ils prennent 20 ans ferme ! Que les jeunes n’aient pas l’impression que les policiers bénéficient de passe-droit. Qu’on puisse repartir dans la rue faire notre métier sereinement. » Serge est un vieux poulet. Son prénom est d’emprunt. On ne donnera pas son grade, ni son ancienneté dans la police, ni même celle au sein du commissariat d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
    Il fait partie de la centaine de policiers qui composent l’effectif dans l’œil du cyclone depuis que « l’affaire Théo » a éclaté. Du nom de ce jeune homme de 22 ans grièvement blessé lors d’un contrôle d’identité ayant dégénéré, le jeudi 2 février, à proximité d’un point de vente de stupéfiants dans le quartier de la Rose-des-Vents, également appelé« la cité des 3 000 ».
    Les quatre membres de la brigade spécialisée de terrain (BST) ayant procédé à son interpellation ont été mis en examen pour violences volontaires entraînant une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, avec la circonstance aggravante qu’ils sont dépositaires de l’autorité publique, ont agi avec arme, et en réunion. L’un d’eux est également mis en examen pour viol. Il est l’auteur des coups de matraque télescopique à l’origine de la grave blessure à l’anus dont souffre Théo.
    Au-delà de ce fait divers dramatique, les pratiques des policiers d’Aulnay sont depuis passées au crible par l’IGPN qui a entendu des dizaines d’entre eux.
    « J’ai honte de travailler à Aulnay », attaque d’emblée Serge. On se rencontre tard le soir, dans un bâtiment ouvert aux quatre vents à quelques kilomètres d’Aulnay. De loin, on pourrait nous prendre pour des clients du point de deal de la cité des 3 000 en train de fumer leur premier joint. On ne fume pas, on ne boit pas, on parle police.
    Par des connaissances communes, Serge a fait savoir à un collègue de Mediapart qu’il avait envie de se confier. Qu’il avait besoin de s’épancher. « On est tous écœurés, dégoûtés par ce qui s’est passé, poursuit-il. Même si, entre nous, on n’en parle pas. Il règne un silence de mort dans les couloirs du commissariat. »
    Une semaine plus tôt, un membre d’une brigade anticriminalité (BAC) d’une autre ville de Seine-Saint-Denis nous avait confié : « Dans la rue, on se fait insulter. On nous traite de “violeurs”, c’est dur... » L’affaire Théo rejaillit sur tous les policiers et distille son poison. « L’image de la police est durablement ternie », regrette un officier ayant passé sa carrière à enquêter sur les trafics de drogue dans les cités.
    À Aulnay-sous-Bois, Serge décrit des effectifs qui tournent en rond, une activité policière à l’arrêt. « On a eu l’interdiction de faire des rondes dans la cité des 3 000 ainsi que dans les autres secteurs les plus sensibles de la commune. » Au lendemain des faits, spontanément, des policiers avaient écourté leurs congés. « Il fallait contrôler la ville, éviter qu’elle ne s’embrase, se souvient l’agent témoignant sous pseudo. Ceux qui travaillent dans les bureaux ont aussi renfilé la tenue [réglementaire pour patrouiller] le soir. Ils ont fait double journée. Au final, on était plus de volontaires qu’il n’y avait de besoin. La ville est restée assez calme… » Le premier week-end, une voiture a été brûlée, des abribus dégradés et l’éclairage public saboté. Puis la violence s’est déportée sur d’autres villes du département, laissant les policiers d’Aulnay désœuvrés. À ressasser.
    « Nos collègues avaient le droit d’interpeller Théo, ils avaient un motif légitime, croit savoir Serge. Mais pas le reste… » L’agent raconte la mare de sang – découverte une fois la housse enlevée – qui avait imprégné la mousse de la banquette arrière du véhicule de la BST. Sans émotion apparente, Serge évoque les auteurs présumés du viol et des violences. Des propos pourtant lourds de conséquences. « L’équipe qui est mise en cause dans cette histoire, cela fait des années qu’elle fait ça… J’ai vu et entendu des officiers de police judiciaire passer leur temps à leur dire d’y aller moins fort. C’étaient vraiment des habitués. Dès qu’ils sortaient du commissariat et qu’il n’y avait plus d’autorité derrière eux, ils s’imaginaient être les maîtres dans la rue. Ils faisaient ce qu’ils voulaient, quoi ! Le plus vieux, il n’avait que sept ans de police. On les a un peu lâchés dans la nature… »
    Le vieux poulet décrit un groupe accro à l’adrénaline, à la castagne. « Ils aiment se battre, casser des gens. C’étaient toujours les premiers à se ruer dans les cellules lorsqu’un gardé à vue pétait un plomb ou se rebellait. L’un d’eux, un brigadier, était particulièrement violent. Je l’ai vu avoir des gestes déplacés au poste, menacer des hommes menottés au banc : ‘‘Toi, on va t’éclater !” Et, à chaque fois que des jeunes se plaignaient, c’était cette équipe-là. »
    Dans un témoignage publié par l’Obs, Mohamed K. a raconté avoir été passé à tabac par ce même groupe, une semaine avant son ami Théo. « Ils me frappent, coups de pied, coups de poing au visage, dans le ventre, dans le dos, je saigne parce qu’ils m’ouvrent le crâne, je leur dis que je suis essoufflé, ils me traitent de ‘‘sale Noir”, de ‘‘salope’’, ils me crachent dessus. [...] Un des policiers me braque à bout portant avec son Taser, et me dit ‘‘laisse-toi faire ou je te tase !’’ [...] Les agents me menottent, me balayent au sol, m’écrasent la tête, me donnent des coups de genou dans les yeux, je voyais mon sang au sol, j’essayais de ramper. »
    Jusqu’au témoignage de Serge, seuls les jeunes des 3 000 présentaient les quatre hommes de la BST comme des auteurs récurrents de violences. Trois sources policières différentes nous avaient assuré que ce n’étaient pas des va-t-en-guerre. Sur France Info, MeFrédéric Gabet a décrit son client, l’auteur du coup de matraque, comme « un garçon paisible, calme, qui n’a jamais eu affaire à la justice », « totalement dépassé par ce qui lui arrive », qui « constate chaque jour qu’il est décrit comme un monstre, c’est compliqué pour lui ». Par mail, Me Pascal Rouiller souligne que son client « avait intégré la BST depuis 4 mois seulement à l’époque des faits ».
    « La tenue » privilégiée
    Le 26-28, avenue Louis-Barrault héberge le commissariat le plus atypique qu’il nous ait été donné de contempler. Logé en plein cœur d’une zone pavillonnaire, il se compose de deux bâtiments. Donnant sur une rue en sens unique, le premier mélange béton et petits carreaux, ressemblant à tous ces hôtels de police qui ont eu la malchance de survivre aux années 80. Là, tout y est vétuste. Des locaux de garde à vue insalubres à la chaudière vieille de trente ans, régulièrement en panne et qui aurait valu aux locataires le titre, dans la presse locale, de « poulets congelés d’Aulnay-sous-Bois ». Les barreaux à la moindre fenêtre achèvent de donner cette image de bunker si caractéristique du moindre commissariat situé dans une zone dite sensible.
    En retrait du premier, le second bâtiment est lui un charmant hôtel particulier en meulière qui abritait la Kommandantur lors de la Seconde Guerre Mondiale puis, durant les années qui ont suivi, un bordel et enfin des policiers. Éloignées de la rue, les fenêtres ne sont pas barricadées mais encadrées de volets bleus. Avec son perron en pierre, cette partie du commissariat a écopé de la part de ses actuels pensionnaires du surnom de« château de la Star Ac’ », en référence à l’ancienne émission de télé-crochet de TF1.
    Serge se souvient des apéros qu’y organisait tous les soirs le commandant supervisant le SAIP. Un commissariat se divise en deux entités : le service de l’accueil et de l’investigation de proximité (SAIP) est chargé des missions de police judiciaire et de l’accueil des victimes. Le service de sécurisation de proximité (SSP) gère la voie publique avec les brigades de police secours et les BAC. Sous l’égide du commandant du SAIP, que vous buviez ou non, il fallait s’acquitter d’une cotisation d’un ou deux euros. Ceux qui refusaient se voyaient confier le lendemain les plus sales besognes, les enquêtes les plus insolubles.
    Lorsqu’il arrive en janvier 2014, le commissaire divisionnaire Vincent Lafon fait le ménage et met fin à ces pratiques d’un autre âge. Un soir, il fait souffler le commandant dans un éthylotest. Le gradé fait semblant et évite ainsi la sanction, mais le commissaire finira par obtenir sa mutation ainsi que celle de toute l’ancienne hiérarchie qui cautionnait cette gestion des hommes en fonction des apéros. Au fur et à mesure, il remodèle le commissariat, crée une brigade de soutien de quartier (BSQ) et la BST. Il imprime sa marque et, d’après Serge, privilégie « la tenue », le SSP. Surtout, ses unités chargées d’« aller au contact ». Ces deux dernières années, toutes les recrues auraient été affectées aux BST, BSQ et BAC, au détriment de police secours et du SAIP.
    L’analyse de Serge est partagée par des magistrats qui, dans notre précédent article sur l’affaire Théo, avaient regretté que « ce commissaire soit très ordre public, en tout cas il le privilégie par rapport au judiciaire ». « C’est-à-dire qu’il fait ramasser par ses gars les petits dealeurs, les gamins qui font le guet, tout ce qui est visible et qui ennuie au quotidien les riverains, avait précisé un magistrat. En revanche, il n’y a plus vraiment d’enquête à Aulnay sur la racine du mal, sur les gros trafiquants. » Un second avait confirmé : « Le nouveau commissaire a fait le choix de ne pas subir les trafics. Il veut que ses hommes soient présents au quotidien sur le terrain plutôt que dans les bureaux. »
    Âgé alors de 40 ans, ancien boxeur, le commissaire divisionnaire ne dédaigne pas donner du coup de poing aux côtés de ses hommes lorsque cela chauffe. « Tu aurais vu le Vinc’, il leur est rentré dedans ! », racontent ceux qui étaient de permanence à ceux qui les remplacent. « On n’avait jamais vu ça, un divisionnaire sur le terrain à nos côtés… », souffle encore Serge.
    Le policier, déjà cité, d’une BAC voisine nous avait raconté avoir servi à l’occasion sous les ordres du commissaire Lafon. Ses propos confirment ceux de Serge : « Il est aimé de tous les flics du 9-3. C’est un des rares tauliers [“commissaires” en langage policier – ndlr] présents à nos côtés sur les interpellations. Et après, il n’hésite pas à nous donner des conseils s’il estime qu’on aurait pu mieux agir. » « Par ailleurs, ajoute Serge, on n’a jamais eu de patron aussi sympa que lui, aussi accessible. Sa porte nous est toujours ouverte. Il est proche de ses troupes. »
    Un dernier élément de sa biographie parachève sa popularité auprès de ses hommes. Élément qui peut sembler paradoxal tant, depuis que L’Humanité a révélé ses antécédents judiciaires, sa condamnation à un an de prison avec sursis dans le cadre de l’affaire dite « de l’enjoliveur » colore d’un (mauvais) jour nouveau l’affaire Théo.
    Il y a 13 ans, la brigade anticriminalité de nuit (la Bac N) de Paris dérape. Rattrapé à l’issue d’une course-poursuite durant laquelle il avait renversé deux policiers et blessé un troisième, un chauffard est « extrait de l’habitacle [de son véhicule] et tabassé, il finit sur le goudron, pantalon et slip baissés, un cerceau d’enjoliveur entre les fesses ». Alors chef adjoint de la Bac N et resté passif face aux agissements de ses hommes, Vincent Lafon sera condamné pour « abstention volontaire d’empêcher un délit » et « complicité d’établissement d’une attestation ou d’un certificat inexact », en l’espèce la rédaction d’un procès-verbal – dont il a toujours contesté être l’auteur – qui attribuait l’interpellation du chauffard (et donc les sévices commis par la suite) à un autre service que la Bac N.
    À en croire Serge, le commissariat d’Aulnay n’aurait retenu de cette affaire qu’un épisode qu’il ne nous a pas été possible de vérifier : lorsque les policiers impliqués dans l’affaire de l’enjoliveur ont été placés en garde à vue, le commissaire Lafon, qui ne se voyait pas reprocher sa participation aux faits mais seulement sa passivité, se serait fait enfermer avec ses hommes en cellule, partageant leur sort jusque dans la privation de liberté.
    Mythe ou réalité, cette anecdote dit le sentiment partagé par beaucoup de policiers d’Aulnay : ce patron-là les soutiendra, quoi qu’il arrive. Ce passé, rassurant pour les forces de l’ordre, inquiétait le parquet de Bobigny. D’après nos informations, la procureure de l’époque, Sylvie Moisson, aurait alerté la hiérarchie du commissaire Lafon : son passif était, selon la magistrate, incompatible avec l’exercice d’un poste de commandement sur un secteur aussi sensible de Seine-Saint-Denis et risquait à l’avenir de poser problème. Insensibles à cet argument, sensibles aux qualités de flic de Lafon, ses supérieurs avaient passé outre la mise en garde de la magistrate.
    « Il a bénéficié et bénéficie toujours de la confiance de sa hiérarchie, nous avait martelé la semaine dernière un haut cadre de la préfecture de police de Paris. Aucun signalement n’est jamais remonté d’éventuelles violences ou d’autres problèmes. Au contraire, à l’automne dernier, le préfet de police s’était rendu à Aulnay et avait loué l’excellence de l’activité du commissariat. À juste titre. »
    « Les jeunes doivent nous aider à faire le ménage ! »
    Le commissariat fait du chiffre. Et en la matière, il y a une concurrence entre les unités préférées du commissaire. « Les BST et les BAC se tirent la bourre, raconte Serge. C’est à qui a fait le plus de crânes [interpellations, en argot policier – ndlr] dans le mois. Entre eux, ils roulent des mécaniques. On les entend parler de leurs interventions, ils en jubilent. ‘‘T’as vu comment j’ai fait le dérapage ?! T’as vu comment je l’ai serré ?!’’ »L’agent décrit une course à l’armement entre brigades spécialisées. « Ils s’équipent comme des porte-avions, arborent des petits couteaux à la ceinture, ce qui n’est absolument pas réglementaire… Mais ils s’en moquent, ils se sentent soutenus et protégés. »
    Des comportements « de cowboys », dénoncés par beaucoup de jeunes des 3 000 et qui compliquent la tâche de tous les policiers. « Auparavant, il était possible de faire son travail en tenue dans la rue, regrette Serge. Maintenant, vu les sentiments que l’on suscite dans la population, cela se complique. » Et ce alors que le territoire d’Aulnay-sous-Bois est de plus en plus difficile à contrôler.
    Sur dix gardes à vue quotidiennes, estime Serge, sept ont pour objet le trafic de drogue, deux les conduites sous l’empire d’un état alcoolique, la dernière pour divers délits.« Aulnay, c’est la capitale du stupéfiant ! Des clients viennent de l’Oise ou du fin fond de la Seine-et-Marne. » Selon une source judiciaire, le « four » – point de vente de deal – de la cité des 3 000 génère un chiffre d’affaires quotidien pouvant aller « entre 10 et 20 000 euros ».
    Justement, les fours de la ville susciteraient, toujours selon Serge, la convoitise… de certains policiers. « Les jeunes se plaignent qu’on vient les taper sur les points de deal. Des patrouilles effectuent des contrôles d’identité et promettent de ne pas revenir de la journée, ils iront plutôt embêter le four concurrent, si on leur file 150, 200 euros. Certains collègues se feraient même rémunérer en barrettes de shit. Il y a quatre ans, je n’entendais jamais parler de ça mais là, ça revient énormément… »
    Une rumeur qui nous était déjà revenue aux oreilles par plusieurs sources depuis que l’affaire Théo a éclaté, mais qui prend plus de force dès lors que c’est un policier du commissariat qui s’en fait l’écho. Des noms d’hommes et de femmes sont cités. Un groupe, surnommé « la Stup d’Aulnay », bénéficiant de nombreux avantages dont des journées plus courtes, suscite des jalousies au sein du commissariat et beaucoup de fantasmes dans la rue. Des accusations à manier toutefois avec des pincettes. Comme vient de le rapporter Mediapart, l’affaire dite des « ripoux de la BAC nord » de Marseille, suspectés de s’être adonnés à de l’extorsion de fonds sur des dealeurs, s’est largement dégonflée.
    Malgré tout, Serge se veut encore optimiste. « L’ensemble du commissariat est très sain. Les violences et les rackets ne sont pas orchestrés par la haute hiérarchie. Simplement, il y a eu du laisser-aller, certains se sont cru tout permis... » Et ce flic atypique en appelle… aux jeunes des quartiers. Tous les mois, selon lui, au moins un gardé à vue serait en mesure de dénoncer des pratiques illégales. « Ils pensent que cela ne sert à rien de porter plainte contre la police auprès d’un policier… », regrette-t-il. Serge nous implore : « Il faut leur dire : peut-être que la première fois, cela n’aboutira pas, ni même la seconde. N’empêche que les signalements figureront dans les dossiers des collègues. Cela finira par alerter la hiérarchie. Des enquêtes seront menées. Les jeunes doivent nous aider à faire le ménage ! »
    Il y a urgence. L’affaire Théo jette un voile, une présomption de culpabilité. Mardi midi, on est allé se promener dans les environs du commissariat. Sur le trottoir longeant le premier bâtiment, on a croisé un homme, le cheveu hirsute, la barbe drue. On a d’abord cru à une victime venant déposer plainte. Et puis quelque chose de conquérant dans sa démarche faisait contraste avec sa tenue dépenaillée. À sa ceinture de jogging, un pistolet Taser pendouillait dans son étui. Rien d’illégal, la couverture traditionnelle d’un flic de terrain cherchant à se fondre dans son environnement. On n’a pas pu s’empêcher de se demander à quelle catégorie des policiers d’Aulnay-sous-Bois il appartenait."

    Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/040317/un-policier-d-aulnay-sous-bois-denonce-les-derives-de-ses-collegues

  • « Blocus accidentel »
    https://lundi.am/Blocus-accidentel

    En première ligne du mouvement de manifestations réclamant #justicepourtheo, les lycéens étaient particulièrement irrités par le traitement médiatique de leur journée de mobilisation du 23 février.

    «http://www.europe1.fr/societe/qui-est-ce-mili-qui-appelle-au-blocage-des-lycees-2986541»
    «http://www.streetpress.com/sujet/1487840169-MILI-bloque-les-lycees-pour-theo»

  • Manif à Nation : la BAC se lâche sur les lycéen-ne-s


    https://paris-luttes.info/manif-a-nation-la-bac-se-lache-sur-7622

    Des témoignages commencent à apparaître sur les réseaux sociaux au sujet des violences commises par la BAC lors de la dispersion de la manif’ lycéenne à Nation ce jeudi 23 février. Récit de ce que j’ai pu apercevoir et appel à multiplier les témoignages.

    @rezo
    #répression #justicepourthéo

  • Refusons l’impunité policière ! Contre la police coloniale, pour Théo, rdv ce soir à 18h à Commerce (FNAC). #justicepourTheo #Theopic.twitter.com/NuKz0n9TGK
    https://twitter.com/Nantes_Revoltee/status/832549682329112576

    Refusons l’impunité policière ! Contre la police coloniale, pour Théo, rdv ce soir à 18h à Commerce (FNAC). #justicepourTheo #Theo pic.twitter.com/NuKz0n9TGK

  • Pas d’appel OKLM

    https://a-louest.info/Pas-d-appel-OKLM-073

    "Le pouvoir de la police repose sur la pratique de la bavure. La logique du flash-ball, en éborgner un pour les effrayer tous, se cache derrière ces viols, ces mains baladeuses, ces façons de menotter des gens à poil sur une chaise pendant des heures dans les commissariats. Ils veulent, ils ont besoin que nous ayons peur. Une vaste « association de malfaiteurs dans le cadre d’une entreprise terroriste »."

    #justicepourtheo #police #emeute #acab

  • Note sur la police et les banlieues – carbure
    https://carbureblog.com/2017/02/17/note-sur-la-police-et-les-banlieues

    On pourrait dire de la police ce qu’on a dit de l’armée, qu’elle est une chose trop sérieuse pour être confiée à des policiers ; mais il ne faut pas oublier que le capitalisme a laissé les militaires mener les guerres à leur guise aussi longtemps qu’il a été pertinent pour lui de le faire.

    Comme toute institution, la police jouit d’une autonomie relative par rapport à ses autorités internes et externes : l’Etat, sa propre hiérarchie. Cette autonomie existe à tous les niveaux : dans la rue, au niveau du commissariat, comme au niveau de la Préfecture, la police défend ses propres intérêts, comme corporation et comme institution. Mais elle est toujours dépendante de l’Etat. Comme corporation, elle dépend des moyens matériels et légaux que l’Etat lui accorde, comme institution, elle dépend de sa justification idéologique par l’Etat, de ce qu’on nomme doctrine en matière de sécurité.

    Cette doctrine elle-même s’appuie sur une appréciation générale de la situation par l’Etat, de son point de vue. C’est une forme théorique et stratégique, qui s’appuie sur les présupposés de l’Etat, à savoir d’une part sa propre légitimité, d’autre part sa spécificité qui est de mettre en forme, selon les catégories opérantes pour lui, c’est-à-dire sous la classe dominante, les rapports entre les classes. La police, à son niveau, qui est celui de la violence considérée comme légitime, est chargée de maintenir ce rapport de classe dans une forme déterminée, qui est choisie par l’Etat.

    #police #violence_d'état

  • https://labyrinthes.wordpress.com/2017/02/15/nous-appartenons-a-un-gang

    « Nous appartenons à un gang quoiqu’il arrive nous sommes solidaires » (un policier anonyme, Le Parisien)1.
    Le passage à tabac et le viol à coup de matraque de #Théo Luhaka par des policiers a suscité des gestes de solidarité qui ne surprendront que ceux dont la mémoire sait se faire sélective. Lorsqu’un banal harcèlement policier « dégénère » en une violente agression, la corporation, choquée, organise une collecte d’argent « pour venir en aide aux familles des policiers suspendus ». Un policier, ému par la tragédie, s’inquiète : « ça va être dur pour les familles ». Et s’indigne : « c’est toute la corporation qui va manger. » Nous ne saurons pas s’il s’agit du même policier qui, sans ambages, présentait fièrement sa corporation à la manière d’une bande organisée de voyou, un « gang », à la solidarité inébranlable.

    Sans surprise, cette solidarité avec les agresseurs se manifestera avec conviction par les gradés et représentants syndicaux de la profession. Alors que le secrétaire général de l’Unité SGP #Police – FO exige le respect de la présomption d’innocence, un représentant d’Alliance ne se contente pas de présumer : « nous ne pouvons pas imaginer que des policiers se soient livrés volontairement à un acte aussi abject et nous continuons à leur apporter notre soutien ». L’enquête de la police des polices, l’#IGPN, dont la solidarité peut s’exprimer bien plus concrètement, s’empressera de trancher : il n’y a pas eu #viol, car il n’y a pas eu intention de violer. Il s’agit donc d’un « accident ».

    Le législateur n’avait pas envisagé le cas de figure : « l’acte de pénétration » qui caractérise légalement le viol, il n’avait pas songé à le qualifier « d’intentionnel », afin que la justice puisse distinguer, parmi les actes de pénétrations forcées, ceux qui relèvent du viol de ceux qui relèvent de « l’accident ».

    Anticipant craintivement qu’une aussi macabre solidarité n’amplifie la rage des habitants et le risque d’émeutes, l’ex-flic B. Beschizza, devenu maire de la commune d’Aulnay – et qui à ce titre a largement participé à amplifier la présence policière dans ses quartiers, – ne manqua pas de surprendre en adoptant, les premiers jours, une position qui choquera certains parlementaires : la requalification en « violences » du viol subit par Théo Luhaka « est vécue comme un détournement de vérité ». Qu’à cela ne tienne, ce détournement de la vérité, au profit des violeurs, fait depuis longtemps système : l’écrasante majorité des affaires de viol sont requalifiées en « agression sexuelle », et sont donc jugées en correctionnelle plutôt qu’aux assises.2 Dans le cas présent, l’enjeu ne se réduit certes pas à « désengorger » les tribunaux, mais consiste bel et bien à éluder tout caractère sexuel à une pénétration forcée. Mais après tout, ce ne serait pas une première.

    « D’un coup, j’ai senti un truc dans mes fesses. J’ai hurlé, je me suis allongé sur la banquette et j’ai pleuré ». Le témoignage et la plainte d’Alexendre T. suite à son interpellation le 29 octobre 2015, au cours de laquelle un policier l’a, lui aussi, violé avec sa matraque, mettrons longtemps à l’attention de quelques médias. Eux qui d’habitude sont si prompts à rappeler les « faits similaires qui se sont déjà produits » – ceux-là qui en effet permettent de mettre en perspective un événement qui autrement peut paraître exceptionnel – savent parfois rester discrets. Il faut dire qu’à l’époque, déjà, l’affaire n’avait pas fait grand bruit. Une semaine après le viol de Théo, seuls les sites de l’Humanité et de… LCI semblent estimer important de rappeler cette précédente « agression », pourtant largement d’actualité : jugé le 16 janvier, le verdict tombera le 20 février. Si l’on peut supposer que d’ici là, et à la suite de nombreux blogs et #médias alternatifs qui ont déjà jugé pertinent de corréler ces deux « faits divers », d’autres journaux « relayeront » enfin l’information, cette amnésie temporaire est clairement révélatrice d’un phénomène qui n’a rien d’anodin : ce ne sont pas seulement les policiers qui sont solidaires entre-eux lorsqu’il y a « bavure », mais aussi, de manière plus ou moins lucide, une très large part du discours médiatique. D’autant que le point commun entre ces deux événements ne se réduit pas à l’effroyable « coup de matraque horizontal » dans « les fesses ». Là aussi, l’inculpation pour « viol en réunion » à été requalifier par le parquet en « violence aggravées ». Mais cette fois-ci, seul le policier qui a « involontairement » sodomisé sa victime, dont le pantalon, comme de coutume, « a glissé tout seul », est poursuivie pour violence.

    En taisant cette autre affaire, ce que taise les médias, c’est aussi la « sévérité » de la #justice en pareilles occasions : le parquet a requis à l’encontre du violeur de l’agresseur 6 mois de prisons avec sursis, et une suspension d’un an…

    Si la clémence de la Justice envers les policiers qui violent et assassinent éclaire la manière dont les juges et procureurs apportent eux aussi leur soutien aux policiers inculpés, la solidarité sournoise des médias ne saurait être trop soulignée. Car au-delà de la qualification juridique, celle du discours journalistique n’est en rien innocente quant à l’impunité quasi-systématique des violences et crimes policiers. Face à la gravité de la situation, de nombreux articles ont certes parlé « d’agression violente ». Le réflexe bien ancré dans la profession d’euphémiser la violence des pratiques policières a cependant largement imbibé le traitement de « l’affaire Théo » : Le Parisien, France Soir, BFMTv, LCI et l’Express, ont notamment eu la délicatesse de parler « d’interpellation musclée ». Pour les journalistes comme pour les politiques, lorsqu’il y a « dérapage » de la part de la police, les passages à tabac, la torture et les meurtres sont qualifier de « bavures ». Les viols, eux, sont des « accusations » de la part des victimes, et exceptionnellement, un chef d’inculpation. Lorsque le mot est prononcé, ce sera donc très souvent entre guillemet. Et la présomption d’innocence d’être scrupuleusement respectée, jusqu’à l’absurde : ce sera « selon la victime » ou son avocat qu’il y aura eu viol, et aucun rapport médical, aussi accablant soit-il, ne saurait remettre en question la prudence des journalistes. Car sur l‘embarrassant « débat juridique » concernant la nécessité d’une « intentionnalité » du viol pour le qualifier de viol, les médias ont pour la plupart choisi leur camps, celui de l’IGPN : une pénétration forcée non intentionnelle n’est pas un viol.

    Police française, police tortionnaire

    #Torture. Le mot fut lâché par l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), très peu d’articles le mentionneront. Le témoignage de Théo Luhaka a pourtant été retranscrit par tous : « ils m’ont mis plein de coups, des patates, m’ont matraqué les parties intimes, m’ont craché dessus. ». Mais parler de torture, au sujet de policiers français, reviendrait très certainement à outrepasser la savante neutralité du journaliste. Cela obligerait aussi à prendre au sérieux la parole d’un « bamboula », alors même qu’elle contredit la version policière. Et surtout, cela obligerait probablement à rappeler d’autres faits, et ainsi à « mettre en contexte » ce qu’il convient de présenter comme un fait divers. Informer, là encore, sur les « précédents de l’affaire Théo », et prendre le risque de donner aux violences policières les plus infamantes la dimension d’un phénomène de société.

    La torture et le viol (à l’aide d’une matraque) d’Ahmed Selmouni pendant sa garde à vue en novembre 1991 avait finalement abouti à une condamnation de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (#CEDH) en 1999. Deux ans auparavant, soit six ans après les faits, cinq policiers avaient été mis en examen, et condamnés à des « peines exemplaires » de 2 à 4 ans de prison ferme. Mais la corporation, exaspérée, avait largement manifesté sa solidarité, et finalement, les tortionnaires bénéficièrent en appel d’une mansuétude forcenée de la part du tribunal : trois mois ferme pour le commandant, du sursis pour les autres.
    Ce fut la première condamnation de la France par la CEDH pour des actes de tortures. Ce ne sera pas la dernière : en 2004, la CEDH condamnera la France à deux reprises pour « traitement inhumains et dégradants » au sujet de violences policières. Puis en 2010, suite à la torture de Yassine Darraj (16 ans) pendant un « interrogatoire » en 2001, dont il ressortit avec des « contusions du globe oculaire droit, du poignet et du dos, de multiples érosions cutanées du visage et du cou, de multiples hématomes du cuir chevelu [ainsi qu’] une fracture du testicule droit avec contusions et hématomes ».

    Mais mieux vaut ne pas trop remuer la merde. Comment, sinon, interpréterions-nous les propos de ce policier d’Alliance, qui « ne peut pas imaginer que des policiers se soient livrés volontairement à un acte aussi abject » ? Mieux vaut ne pas remettre sur le tapis les multiples rapports d’Amnesty International (2005, 2009, 2010, 2011, 20143…) sur l’ampleur des violences de la police française, et l’#impunité effarante dont elle bénéficie. Ne pas rappeler les 10 à 15 morts annuels dont est responsable la police. Ni le fait que parmi ces morts, un certain nombre sont victimes de la technique d’immobilisation dite « clé d’étranglement », dont le Comité Européen pour la prévention de la Torture (CPT) réclamait l’interdiction en 2002, avant d’être l’occasion d’une nouvelle condamnation de la France par la CEDH en 2007… Dur métier que celui de journalistes, qui d’ailleurs considèrent plus important de souligner les « conditions difficiles dans lesquelles s’exerce » le métier de policier.

    Le viol, « manquement à la déontologie » ou « tragique accident » ?

    Ils ne sont pas seuls, heureusement, à devoir manier habillement la langue française lorsque survient un tel « fait divers ». Et ce n’est peut-être pas tant envers les policiers qu’envers les politiciens que s’expriment leur solidarité sournoise. Alors même que le rapport médical établit sans aucune ambiguïté la gravité des blessures de Théo, le ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, n’a pas peur de parler de « sanctions », « s’il était avéré (sic) que les règles déontologiques, éthiques et de droit (re-sic) n’ont pas été scrupuleusement respectés »... Sous des airs de fermeté, c’est le doute qui avant tout s’affirme, et, au lieu de viol et de violences, de crimes, c’est de déontologie dont il serait question. C’est d’ailleurs sur le même registre que B. #Cazeneuve s’exprimera cinq jours après les faits : lorsqu’il réclamera la « plus grande fermeté », ce sera à propos de « manquements graves à la déontologie ». Plus tard, B. Le Roux parlera d’un « tragique accident ». La « plus grande fermeté », les « sanctions » et l’appel à ce que « justice soit rendue » ne signifient pas, on le comprend bien, l’exigence que soit appliquée la peine maximale encourue en cas de viol par « personne dépositaire de l’autorité publique », pas plus que celles prévues pour violences aggravées. Là encore, et contrairement à leurs habitudes, la presse restera globalement muette sur ce que (ne) risque (pas) les policiers.

    L’indignation elle-même sonne étrangement : c’est que Théo n’avait « rien à se reprocher », que c’est « un garçon exemplaire », « sans histoire »… Sous les masques de la compassion, se laissent déduire une logique effrayante : la pire des violences policières, lorsqu’elle s’abat sur un « jeune délinquant », serait relativement acceptable. Et elle est, de fait, globalement acceptée.

    « Tentatives d’apaisement »

    Derrière les éléments de langage politico-médiatiques, transparaît la recherche d’un équilibre impossible : ménager la police, ne pas attiser la colère. Et le rôle des médias est ici central. En ont-ils pleinement conscience ? L’homogénéité du traitement médiatique de ce genre « d’affaires » ne trahit pas seulement la part de stratégie qui y est consciemment mise en œuvre. C’est une position de classe qui s’exprime ici, et oriente l’analyse des journalistes. Et, plus encore, une position raciale. Blancs, et socialement « intégrés », l’expérience qu’ils ont de la police les persuadent qu’elle est, avant tout, au « service du citoyen et de sa protection ». C’est sous ce prisme qu’à leurs yeux le caractère scandaleux des « bavures » surgit : non pas comme une politique de domination, un système d’oppression visant des populations spécifiques, mais comme des actes isolés, des manquements circonstanciés ou exceptionnels à la « déontologie ». Ainsi, les lecteurs qui jouissent des mêmes privilèges verront leurs perspectives renforcées, plutôt que questionnées.

    Mais questionner, dans pareilles occasions, c’est prendre le risque d’attiser la colère. Comprendre que l’on envoie sciemment des policiers racistes et violents harceler une population noire ou arabe, dévoiler l’impunité systématique que la Justice orchestre lorsqu’une plainte dénonce des agressions ou des crimes policiers, révéler la banalité des insultes, des coups, des humiliations et attouchements qui sont cautionnés par l’État dans ces « zones de non-droit », c’est commencer à exposer le grotesque des « appels au calme » qui jugent « la colère légitime mais la violence inacceptable ».

    Pour autant, l’alternative n’est pas moins risquée : se taire, c’est se faire complice. C’est aussi donner l’exemple édifiant de ce qui est dénoncé lorsque l’on parle de racisme institutionnel et structurel.

    #Racisme_institutionnel

    Si la violence extrême d’un coup de matraque « porté horizontalement », qui pénètre et déchire « accidentellement » l’anus de la victime sur une dizaine de centimètres ne décourage en rien l’esprit de corps du « gang » des policiers, il faudrait être naïf pour s’étonner que le chargé de communication du syndicat Unité SGP Police Luc Poignant puisse manifester sa solidarité à la banalité du racisme dont on accuse la profession – n’est-elle pas majoritairement acquise au Front Nationnal4 ? Alors que le témoignage de Théo indique sans ambiguïté le caractère négrophobe de la violence des policiers – ce que la justice, elle aussi, considère théoriquement comme une circonstance aggravante – en rapportant les insultes qui ont accompagné son agression et son viol (« négro », « #bamboula »), c’est décomplexé que Luc Poignant affirme sur un plateau télé : « bamboula, ça reste à peu près convenable ». L’incitation à la haine racial de la part d’un « gardien de la paix » sur un média à large audience (circonstance aggravante…) ne sera probablement pas condamnée comme telle. Le plus terrible n’est pas là. Le plus terrible, c’est que l’illustration la plus flagrante de la banalité du racisme au sein de la police ne sera probablement même pas perçu comme telle. Qui oserait parier que la dimension négrophobe de l’agression soit reconnue lors du procès ? Ce que ce policier confirme aux yeux de tous, c’est que l’insulte « bamboula » fait parti du registre plutôt modéré de la haine raciale qui s’exprime ordinairement, de la part de la police, envers les personnes noires. Et ce racisme ordinaire n’est, bien entendu, pas le propre de la police : l’ancien magistrat Philippe Bilger affirmera quelques jours plus tard qu’il s’agit là d’un terme « presque affectueux »5.

    Qu’importe l’institutionnalisation de la violence et du racisme, le discours politico-médiatique tient bon : rien ne saurait justifier l’émeute. Pas de quoi, non plus, relayer les exigences d’associations aux méthodes citoyennes mais manifestement inaudibles : démantèlement de la BAC et autres brigades de « terrains », désarmement de la police, rénovation urbaine... A peine parlera-t-on de la promesse de Hollande d’instaurer la remise d’un récépissé lors des contrôles d’identité. Fallait-il seulement espérer qu’un débat s’installe sur le renforcement continu de l’arsenal policier ? Ou sur l’assouplissement des conditions de « légitime défense » des policiers voté au même moment ?6 Lorsque des policiers organisent des manifs sauvages, cagoulés, avec leurs armes et véhicules de services, politiciens et médias savent faire preuve de bienveillance, et, compréhensifs, les élus ne se contentent plus d’accroître une énième fois les moyens et les armes des forces de l’ordre : ils promulguent des lois pour garantir l’impunité.

    Les événements s’enchaînent, et jours après jours, l’exercice d’euphémisation et d’occultation de la part des médias se fait plus périlleuse. La journaliste de l’Humanité7 avoue son « trouble » lorsqu’elle divulgue que « l’actuel commissaire divisionnaire, qui règne aussi sur tout le district nord-est de la Seine-Saint-Denis, a déjà été mis en cause dans un scandale de #violences_policières ». Février 2004 : « Finalement extrait de l’habitacle et tabassé, il finit sur le goudron, pantalon et slip baissés, un cerceau d’enjoliveur entre les fesses. Bilan : un nez cassé, sept jours d’ITT. Les policiers, accuse-t-il, l’ont « menacé de sodomie ». La scène a bien été filmée, mais l’inspection générale des services (IGS), immédiatement saisie, ne parvient pas à mettre la main sur les images, détruites. » Comme toujours, la Justice fait preuve de fermeté : « Le gardien de la paix qui a reconnu, à l’audience, avoir placé l’enjoliveur « entre les cuisses » du conducteur interpellé est condamné à un an de prison avec sursis et trois ans d’interdiction professionnelle. Le capitaine reconnu coupable de « destruction de documents pour faire obstacle à la manifestation de la vérité » prend dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’interdiction professionnelle. Le commissaire Vincent Lafon [actuel responsable des policiers aujourd’hui incriminés], écope, lui, d’un an de prison avec sursis et d’un an d’interdiction professionnelle pour « abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit ». Parallèlement, Mohamed K. porte plainte contre des policiers ayant participé à l’agression de Théo : une semaine auparavant, lui aussi fut tabassé par ces gardiens de la paix. Faut-il préciser que les insultes racistes accompagnaient les coups ?

    La période de campagne présidentielle n’y fait rien : ce qui « s’invitent dans la campagne », ce ne sont pas les violences policières, mais celles des manifestants qui réclament justice8. Des centaines d’arrestations, des condamnations de manifestants qui sont d’ores et déjà prononcées, dont certaines pour « embuscade »9. Imagine-t-on l’émoi que cela aurait provoqué si, lors des manifestations contre la loi travail, la police avait tiré à balles réelles10 ? Le caractère particulièrement déchaîné de la répression contre les manifestants d’alors – majoritairement blancs – avait laissé entrevoir quelques brèches au sein du discours médiatique : certains journalistes entreprirent de mettre des guillemets au terme de « #casseurs », des « intellectuels » signaient une tribunes pour dénoncer son instrumentalisation11 tandis que d’autres appelaient la « jeunesse » à « se permett[re] tout ce qu’il lui semblera nécessaire d’expérimenter »12. Libération proposait un entretien avec un « casseur et une casseuse » qui participait à déconstruire la figure fantasmatique habituellement véhiculée par le discours idéologique dominant13... Force est de constater que les émeutiers des quartiers ne suscitent pas chez les journalistes et intellectuels les mêmes réflexions. Qu’importe qu’ils subissent de manière bien plus systématique l’oppression policière, c’est en tant que non-blancs qu’ils sont victimes. Leur révolte, et la répression qu’elle endure, n’éveille donc pas les mêmes sympathies.

    Pas de justice, pas de paix

    Des prises de positions de la part de ceux qui disposent d’une certaine audience tentent d’infléchir la situation – suffiront-elles ? L’appel des artistes contre l’impunité des violences policières affirme : « Nous refusons que les habitants des quartiers populaires qui sont quotidiennement frappés par la violence économique et la violence raciste soient également abandonnés à l’insécurité, aux mensonges, à une culture de l’excuse permanente des excès des forces de l’ordre et au jeu dangereux des politiques qui tentent de monter les citoyens les uns contre les autres. »14. Le syndicat Solidaire 93 ne se résout pas , lui non plus, à la timidité coupable des journalistes et politiques : « Les tergiversations des policiers, de l’IGPN et des médias sont tout simplement inadmissibles et banalisent l’acte de viol, or ce qui a eu lieu ne peut trouver aucune excuse quelle que soit la situation et la personne victime. »15

    L’enjeu d’une solidarité forte, en parole et en acte, de tous ceux qui ne subissent pas la violence policière dans sa dimension raciste et coloniale, mais qui pour autant partage la colère et la rage des racisé·e·s qui y font face, est un enjeu dont l’urgence et la gravité appelle une détermination sans faille. Les nombreuses manifestations de soutiens et la diversité des participants au rassemblement de Bobigny semblent indiquer que nous sommes déjà un certain nombre à prendre la mesure de cet enjeu. Faisons en sorte d’être de plus en plus nombreux.

    Pas de justice, pas de paix.

    #JusticepourThéo #JusticepourTous

  • Contre l’impunité policière & le racisme, rendez-vous mercredi 15 février à 18h au métro #Barbès. #JusticePourTheo #JeSoutiensLesBanlieuespic.twitter.com/Ungml74088
    https://twitter.com/mili__paris/status/831595504387620865

    Contre l’impunité policière & le racisme, rendez-vous mercredi 15 février à 18h au métro #Barbès. #JusticePourTheo #JeSoutiensLesBanlieues pic.twitter.com/Ungml74088

  • Je pose ça là, à toutes fins utiles, j’essayerai de le mettre à jour quotidiennement :

    Liste des rassemblements en soutien à #Théo, contre les violences policières

    Mis a jour : le samedi 18 février 2017 à 07:17

    De Rémi à Adama, des ZAD aux quartiers, de Notre-Dame-Des-Landes à Aulnay-sous-bois, résistons face aux violences/viols/meutres de la police. Dans le coin plusieurs rendez-vous sont prévus :

     !!! Appel à soutien de la Street Medics Nantes !!!
    le 18 février à 16h au Palais de Justice de Nantes : rassemblement et prises de paroles d’orgas
    les 17, 18 et 19 février à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes : Rencontres de lutte contre les persécutions policières
    du 17 au 26 février lors de la Semaine des Resistances à Nantes (et un peu à la zad)
    le 25 février à 15h à Nantes lors de la Manif Unitaire

    Contact et infos de la Legal Team. Pour rappel à chaque fois qu’il y a des interpellation, c’est VRAIMENT IMPORTANT d’aller faire un relai de soutiens devant Waldeck (pour Nantes), même quelques petites heures, avec des douceurs (pain, café, chansons...) pour que les interpellé.e.s se sentent pas seul.e.s, lâché.e.s après la manif.

    Liste de tous les rassemblements à venir (et passsés) plus bas. L’article est actualisé une à deux fois par jour. N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez connaissance d’autres rassemblements, idéallement avec des liens sur des médias alternatifs, loin de facebook, mais bon, le principal est de faire tourner l’info (pensez quand même à vous protéger sur les sites qui vous pistent !)... Proposez aussi les liens vers des articles de comptes-rendus du coin ou d’ailleurs (à condition que les photos/video soient safe) et les textes qui vous ont parlé,

    cagnotte en soutien aux inculpés d’Aulnay par ici

    Deux sites pour aller plus loin :
    – Désarmons-les ! un site d’informations sur les affaires de violences policières et leurs armes :
    – L’ordre et la force : rapport d’enquête sur les violences policières en France (mars 2016)

    Zyed et Bouna, Rémi, Adama... trop de morts ! Trop de blessures, de mutilations, d’humiliations.
    Jusqu’à ce dernier affront, qui n’a rien d’un accident : THÉO A SUBIT A LA FOIS UN VIOL RACISTE ET DES VIOLENCES VOLONTAIRES.
    Des terres à défendre aux quartiers à reprendre, de Aulnay aux zad ; dans les écoles, dans les usines, dans les manifestations :
    Aux abords de chaque frontière,
    REFUSONS les harcèlements, violences, meurtres de la Police,
    RÉSISTONS aux oppressions systémiques de l’État,
    AFFIRMONS que la solidarité n’est pas un crime...
    RASSEMBLONS-NOUS !

    #Theo #JusticePourThéo #JusticePourTous #PasdeJusticePasDePaix #Racisme #Répression #quartiers_populaires #banlieue

    Liste des rassemblements en soutien à #Théo, contre les violences policières

    villes : #Aulnay #Amiens #Angers #Annecy #Béziers #Bressuire #Bobigny #Boulogne-Sur-Mer #Caen #ClermontFerrand #Crest #Dijon #Grenoble #Istres #Lille #Lyon #LeMans #Marseille #Martigues #Montpellier #Nantes #Nîmes #Paris #Perpignan #Poitiers #Quimper #Rennes #LaRochelle #Roissy-en-Brie #Rouen #StEtienne #Tours #Toulouse #zad #NDDL et jusqu’à #Bruxelles & #Londres !

    Les 17, 18 et 19 FÉVRIER : Rencontres de lutte contre les persécutions policières sur la zad de Notre-Dame-des-Landes : http://zad.nadir.org/spip.php?article4345

    SAMEDI 18 FÉVRIER

    11h, au Marché Barbès, devant le dépôt RATP à Paris 18e : déambulation : https://paris.demosphere.eu/rv/53280
    11h, Place Charles de Gaulle à Poitiers : rassemblement : https://poitiers.demosphere.eu/rv/1123
    11h30, devant la Sous-Préfecture (Place du Général De GAULLE) à Béziers : rassemblement : https://herault.demosphere.eu/rv/6627
    13h30, Placette des Magnans CC le Prepaou à Istres : rassemblement : http://www.millebabords.org/spip.php?article30401
    14h, Place de la Monnaie, Bruxelles : rassemblement :https://bxl.demosphere.eu/rv/11301
    14h Place Pierre Bouchard à Caen : rassemblement : https://www.facebook.com/events/1208471419272845
    14h rue de l’Arlequin à la Bruyère à Grenoble : https://grenoble.indymedia.org/2017-02-13-Appel-a-une-manif-deter-pour-Theo
    14h , Place de la République à Perpignan : rassemblement : https://www.facebook.com/events/157104334796855
    14h, à Saint Paul ( La Paillade) à Montpellier : rassemblement : https://www.facebook.com/events/1908201076090828 (+ autre appel à 15h)
    14h30, Place de la préfecture au Mans : rassemblement : https://sarthe.demosphere.eu/rv/1352 (+ autre appel à 15h)
    14h30, place de la Fontaine à Clermont-Ferrand : https://www.facebook.com/events/1632288990400461
    15h, Préfecture de l’Hérault Place des Martyrs de la Résistance à Montpellier : rassemblement : https://herault.demosphere.eu/rv/6623
    15h, place Gambetta à Amiens : rassemblement : https://www.facebook.com/events/1871027239776023
    15h, place de la mairie à Rennes : https://expansive.info/Rassemblement-mercredi-15-02-Manifestation-samedi-18-02-en-soutien-a-The et http://www.rennes-info.org/Manifestation-contre-les-violence
    15h, Place du Ralliement à Angers : rassemblement : https://alter49.org/rv/4574
    15h, Place Washington au Mans : rassemblement : http://lemanscipe.lautre.net/index.php/l'agenda/39-mobilisations/402-rassemblement-contre-les-violences-policieres-au-mans
    15h, Prefecture De La Haute-Savoie à Annecy : rassemblement : https://www.facebook.com/events/1428737397177094
    15h, Place de la République à Paris : rassemblement : https://paris.demosphere.eu/rv/53197
    15h, Place de Verdun à La Rochelle : https://nantes.indymedia.org/events/36927
    16h, Palais de Justice de Nantes (Quai François Mitterrand) à Nantes : rassemblement : https://44.demosphere.eu/rv/806
    18h, Le Rallumeur d’étoiles, quai Brescon à Martigues : débat : http://www.millebabords.org/spip.php?article30402

    Du 17 au 26 FÉVRIER : A l’abordage ! Semaine des Résistances à Nantes (et un peu sur la zad de Notre-Dame-des-Landes aussi) : https://nantes.indymedia.org/articles/36821

    Dimanche 19 FÉVRIER

    14h, Salle Saint Bruno (9 rue Saint-Bruno) Paris 18è : réunion publique : https://paris.demosphere.eu/rv/53288

    Lundi 20 FÉVRIER : Journée mondiale de la justice sociale

    18h au Carré d’Art à Nîmes : rassemblement : https://gard.demosphere.eu/rv/3825
    18h, Place de la République à Paris : Rassemblement en mémoire des victimes de disparition au Mexique et dans le monde : https://paris.demosphere.eu/rv/53158
    20h au MK2 Quai de Loire à Paris 19 : projection-débat : https://paris.demosphere.eu/rv/52748

    Mardi 21 FÉVRIER

    12h30, aux Quatre Chemins des Aygalades à Marseille : Marche à la mémoire d’Ibrahim Ali : http://www.millebabords.org/spip.php?article30409
    18h , Annexe Turbigo de la Bourse du travail à Paris 3 : réunion : https://paris.demosphere.eu/rv/52385
    18h30, au CICP (rue Voltaire ) à Paris 11 : conférence : https://paris.demosphere.eu/rv/53100

    Mercredi 22 FEVRIER

    20h, École Normale Supérieure (ENS) (45 rue d’Ulm) à Paris 5e : projection-débat : https://paris.demosphere.eu/rv/53266

    Jeudi 23 FÉVRIER

    18h place du Ralliement, à Angers : rassemblement contre les violences policières : https://lecercle49.wordpress.com/2017/02/17/la-parole-aux-quartiers-jeudi-23-fevrier-a-18h
    18h, Place Jean Jaures à Tours : rassemblement : https://www.facebook.com/events/387608438281481
    19h au Luttopia 003 (2 Avenue de Castelnau) à Montpellier : débat : https://herault.demosphere.eu/rv/6536
    19h à l’Annexe Café (rue Léon Jamin) à Nantes : discussion : https://44.demosphere.eu/rv/770
    19h, Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne - Amphi 2B (12 place du Panthéon) à Paris 5e : soirée-débat : https://paris.demosphere.eu/rv/53202

    Vendredi 24 FÉVRIER

    20h, place des Terreaux à Lyon : Deuxième goûter d’anniversaire de l’état d’urgence : http://rebellyon.info/Deuxieme-gouter-d-anniversaire-de-l-etat-17453

    Samedi 25 FÉVRIER

    11h, metro Jean Jaurès à Toulouse : manifestation : https://www.facebook.com/events/1830443297173894
    15h, croisée des Trams à Nantes : manif unitaire : https://nantes.indymedia.org/events/36922
    15h, Place Victor Hugo à Grenoble : https://www.facebook.com/events/598790313665494

    Dimanche 26 FÉVRIER

    16h Place Pey Berland à Bordeaux : https://www.facebook.com/events/744456315719864

    Mardi 28 FÉVRIER

    18h , Annexe Turbigo de la Bourse du travail à Paris 3 : réunion : https://paris.demosphere.eu/rv/52551

    Jeudi 2 MARS

    18h sous l’ombrière à Marseille : http://www.millebabords.org/spip.php?article30405

    Vendredi 3 MARS

    20h30, Centre d’Animation (rue Mercoeur) à Paris 11 : projection-débat : https://paris.demosphere.eu/rv/52516

    Samedi 4 MARS

    Hh ?, Paris 10e : marche pour Amadou Koumé, mort dans un commissariat en 2015 : https://paris.demosphere.eu/rv/52010
    15h, à la Librairie Nouvelle Réserve (rue du Maréchal Foch) à Limay : discussion : https://paris.demosphere.eu/rv/49849

    6 au 10 MARS 2017 : Cour d’appel de Paris : procès en appel du policier qui a tué Amine Bentounsi d’une balle dans le dos en 2012 : https://paris.demosphere.eu/rv/52009

    Mardi 14 MARS

    18h, Annexe Turbigo de la Bourse du travail -67 rue de Turbigo) à Paris 3e : Coordination contre la répression et les violences policières : https://paris.demosphere.eu/rv/52928

     !!! Mercredi 15 MARS : journée internationale contre les violences policières !!!

    17h : Gare Du Nord à Bruxelles : manifestation : https://bxl.demosphere.eu/rv/11389

    Samedi 18 MARS

    19h30, Salle Emeraude (11, place de l’Hôtel de Ville) à Bressuire : concert anti-répression : https://poitiers.demosphere.eu/rv/1112

    Dimanche 19 MARS

    10h, Metro Charles de Gaulle à Rennes : Pour la Justice et la Dignité pour résister aux violences policières : manifestation : https://rennes.demosphere.eu/rv/12054
    14h, Nation, Paris, Marche pour la Justice et la Dignité https://paris.demosphere.eu/rv/52007

    17 JUIN 2017

    Paris 20e : marche pour Lamine Dieng, mort dans un fourgon de police en 2007 : http://www.anti-k.org/agenda/le-19-mars-une-marche-pour-la-justice-et-la-dignite

    ________________________

    QUELQUES OUTILS UTILES :

    – médias libres : http://mediaslibres.org - agendas militants https://demosphere.eu

    – Guide d’autodéfense numérique : http://guide.boum.org

    – Security in a Box - outils et tactiques de sécurité numérique : https://securityinabox.org/fr/- comment utiliser facebook sans qu’il nous utilise : https://seenthis.net/messages/557942

    – TOR (navigateur internet anonyme) : https://www.torproject.org/projects/torbrowser.html.en (pour utiliser facebook il faudra passer par là : https://www.facebookcorewwwi.onion )

    – TAILS (une clef usb qui remplace temporairement le systeme d’exploitation de nos ordinateurs) : https://tailsfacile.blackblogs.org

    – Obscura Cam (appli qui permet de flouter dès la prise de vue ou après) https://guardianproject.info/apps/obscuracam

    et l’indispensable Guide du manifestant : https://gazettedebout.fr/wp-content/uploads/2016/07/Le-guide-pratique-du-manifestant-AvocatsDebout.pdf

    ________________________

    RASSEMBLEMENTS PASSES :

    Du 2 au 13 février, la révolte contre les violences et l’impunité policière dans le 93, le 95 et le 77, la révolte contre les violences et l’impunité policière dans le 93, le 95 et le 77

    Retour sur le rassemblement insurrectionnel de Bobigny : https://paris-luttes.info/revolte-populaire-a-bobigny-appel-7539

    Des manifestations un peu partout en France. https://lundi.am/JusticePourTheo-Des-manifestations-un-peu-partout-en-France

    Vendredi 17 FÉVRIER
    – 18h, Place Bara à Bruxelles : rassemblement : https://bxl.demosphere.eu/rv/11410
    – 18h, au 58 Knightsbridge à Londres : rassemblement : https://www.facebook.com/events/227203117742566
    – 18h , au métro Saint Sever à Rouen : rassemblement : https://www.facebook.com/events/370299690021489
    – 18h place du Commerce à Nantes : rassemblement : https://www.facebook.com/events/174537399702255
    – 18h, au Vieux-Port à Marseille : rassemblement : http://mars-infos.org/justice-pour-theo-adama-et-tout-2076
    – 19h, Place Du Pont - Guillotière à Lyon : rassemblement : https://www.facebook.com/events/976629169138458

    JEUDI 16 FÉVRIER
    – 12h30, Place Dalton à Boulogne-Sur-Mer : rassemblement : https://www.facebook.com/events/187117281773274
    – 16h, devant le tribunal de Bobigny (à confirmer) : https://paris.demosphere.eu/rv/53162
    – 17h , Salle 120 site des Tanneurs à Tours : projection-débat : https://www.facebook.com/events/1832445383644463
    – 18h, devant les insurgés à Crest (26) https://www.facebook.com/photo.php?fbid=1224403727673800&set=gm.1239302372813556&type=3&theater
    – 18h, Place de Jaude à Clermont-Ferrand : Assemblée Générale : https://63.demosphere.eu/rv/222
    – 19h30, Place Guichard à Lyon : rassemblement : https://www.facebook.com/events/123825748136331

    MERCREDI 15 FÉVRIER
    – 16h, Maison de la Culture, 2 Place Léon Gontier à Amiens : https://www.facebook.com/events/477749365946688
    – 16h, gare de Roissy-en-Brie : rassemblement : http://paris-luttes.info/roissy-en-brie-rassemblement-7568
    – 17h, Rue Lebastard à Rennes : https://nantes.indymedia.org/events/36925
    – 17h30, Métro Saint Sever à Rouen : https://www.facebook.com/events/1100263606774812
    – 18h, Place Saint-Cyprien, Toulouse (confirmé) : https://www.facebook.com/events/1302338126518798 https://iaata.info/Nouveau-rassemblement-Verite-et-Justice-pour-Theo-1874.html compte rendu : https://infosnadzieja.wordpress.com/2017/02/16/retour-sur-les-manifestations-en-soutien-a-theo-sur-toulous
    – 18h, Place de la République à Lille : https://lille.demosphere.eu/rv/5011 et https://lille.indymedia.org/spip.php?article30633
    – 18h à Barbes-Rochechouart, Paris : https://paris.demosphere.eu/rv/53161 https://www.facebook.com/events/254417718316181 et https://www.facebook.com/events/1282226521868218 Compte rendu sur https://paris-luttes.info/recit-de-la-soiree-du-15-fevrier-7571- 18h30, Place du Peuple, Saint-Étienne : https://www.facebook.com/events/1839047736337540

    MARDI 14 FÉVRIER
    – 18h, Place de Jaude à Clermont-Ferrand : AG lutte contre les violences policières : https://63.demosphere.eu/rv/220
    – 19h - Au barricade à Montpellier : https://www.facebook.com/events/1176625795787251

    LUNDI 13 FÉVRIER
    – 12h30, Université Rennes 2 Hall L à Rennes https://expansive.info/Assemblee-generale-a-rennes-2-ce-lundi-13-fevrier-a-12h30-317 - 18h, Maison des Associations, 4 rue d’Arcole au Mans : Organisons la solidarité : https://sarthe.demosphere.eu/rv/1345
    – 18h, RDV place de la République à Dijon : https://www.facebook.com/events/101753823680535
    – 19h, Place Saint Corentin à Quimper : https://www.facebook.com/events/1618190448207408

    DIMANCHE 12 FEVRIER
    – Sur Lyon, rdv à Venissieux à 13h, devant le collège Elsa Triolet (3 Avenue de la Division Leclerc, tram T4 arrêt Vénissy). http://rebellyon.info/Rassemblement-face-aux-violences-17464
    – Sur Bordeaux, dimanche à 14h, place de la victoire https://www.facebook.com/events/659664524240376
    – Sur Paris, assemblée populaire à 17h à République : https://paris.demosphere.eu/rv/53131

    SAMEDI 11 FEVRIER
    – Sur Amiens à 15H00, Place Gambetta >> https://www.facebook.com/events/1564945750197176
    – Sur Bayonne à 16h à la mairie ! https://www.facebook.com/events/1289908281095160
    – Sur Bobigny, rassemblement à 16h devant le tribunal https://www.facebook.com/events/1311494865607126
    – Sur Caen, 17h place Bouchard. Lire le compte-rendu de la manif https://nantes.indymedia.org/articles/36919
    – Sur Chambéry, rdvà 16h30, fontaine des éléphants https://www.facebook.com/events/725388697627167
    – Sur Lille, 18H, Place de Wazemmes à Lille. https://www.facebook.com/events/253807651731106
    – Sur Lorient, 16h - Place A. Briand. https://nantes.indymedia.org/events/36886
    – Sur Lyon, "Rassemblement le 11 février a 14h place du pont Guillotière https://rebellyon.info/Marche-Noire-Justice-pour-Theo-Justice-17472
    – A 15h à Orleans place de Jeanne D’arc !!
    – Sur Montpellier, rdv à 14h, place de la comédie https://www.facebook.com/events/1176625795787251
    – Sur Nantes, samedi 11 février, 16H30, Préfecture https://nantes.indymedia.org/events/36855
    – Sur Rouen, rdv à 16h30, à l’hôtel de ville https://www.facebook.com/events/650947681756420
    – Sur Strasbourg à 15H00 Place Kléber >> https://www.facebook.com/events/319467755121384
    – Sur Toulouse, rdv à 15h au Capitole https://www.facebook.com/events/255257351551478 https://iaata.info/Toulouse-demande-justice-et-verite-pour-Theo-Luhaka-1869.html compte rendu : https://infosnadzieja.wordpress.com/2017/02/16/retour-sur-les-manifestations-en-soutien-a-theo-sur-toulous

    VENDREDI 10 FEVRIER
    – Sur Grenoble, rdv à 18h, place Notre-dame : https://www.facebook.com/events/732152713625484
    – Sur Marseille, rdv à 18h sur le vieux port https://www.facebook.com/events/1861513827395800
    – Sur Paris, Rassem’Zbeul’ment à 18h au Forum des Halles (Place Carrée - Niveau -3)
    – Sur Rennes à 18h, république https://nantes.indymedia.org/events/36856

    MERCREDI 8 FEVRIER
    – Sur Nantes, 18h, place Bouffay https://nantes.indymedia.org/articles/36833
    – Sur Rennes à 20h, place Sainte-Anne https://nantes.indymedia.org/events/36835

    MARDI 7 FEVRIER
    – Sur Toulouse 18h place du Capitole https://iaata.info/Bref-retour-sur-la-manif-contre-les-violences-policieres-suite-a-l-agression

  • NOS QUARTIERS NE SONT PAS DES DÉSERTS POLITIQUES
    Entretien avec Samir du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues

    Depuis que les exactions des policiers d’Aulnay-sous-bois ont été rendues publiques, les émeutes nocturnes en banlieue parisienne ne semblent pas vouloir s’arrêter et ce malgré les appels au calme et les menaces de l’exécutif. Un lecteur de lundimatin a donc jugé pertinent de nous faire parvenir l’entretien qu’il a mené avec Samir, militant issu du Mouvement de l’immigration et des banlieues. Ce dernier revient sur sa politisation en banlieue dans les années 90, sur les émeutes de novembre 2005, sur le rôle des associations de quartier et nous donne son point de vue sur le mouvement actuel #justicepourtheo. Il livre ici une analyse particulière sur le prolongement de l’émeute dans l’action militante, voire politique et dans la jonction avec d’autres formes de luttes.

    Bonjour Samir, peux-tu nous parler de ton parcours politique ? Tu as notamment fait partie du Mouvement de l’immigration et des banlieues (Mib) dans les années 90. Quelle était la particularité de votre démarche politique dans les quartiers populaires ?

    Le conflit avec la police a commencé très tôt, dans les année 88-89. Mais ce qui m’a construit en tant que militant s’est produit le 17 décembre 97. Abdelkader Bouziane a été tué par la brigade anti-criminalité. On n’était pas encore politisés, mais on a organisé des émeutes sur plusieurs jours, suite à son meurtre d’une balle derrière la tête. On connaissait la police, c’est-à-dire qu’on savait qu’ils étaient là pour nous faire mal et pas pour nous aider. On s’est organisés de la manière qui nous semblait la meilleure et celle que l’on connaissait : l’émeute.
    Par la suite, on a rencontré des gens extérieurs au quartier : ils étaient du Mib. Ils nous ont expliqué que l’émeute c’était bien - une forme d’acte politique, efficace sur un court terme - mais que la meilleure manière de nous défendre dans un quartier, c’était de nous organiser entre nous, les habitants. Ils nous parlaient de l’autonomie et de l’auto-organisation : les meilleurs moyens selon eux pour parvenir à rétablir la vérité sur des crimes policiers sans laisser les « arabes et les noirs de service » (qui à l’époque étaient de S.O.S racisme) faire leur sale travail. Pour les contrecarrer et éviter la récupération, il fallait raconter notre propre histoire sur ces violences. Ils nous ont expliqué qu’ils ne le feraient pas à notre place, mais qu’ils allaient nous former et nous apporter une aide pour nous auto-organiser et parler de nos problèmes (rénovation urbaine, violences policières et racisme ambiant) de ces trente dernières années. C’est ce qui nous a amené à devenir amis avec eux. Et puis ils n’ont jamais condamné les émeutes. Au contraire, ils nous ont soutenus en affirmant que c’était des actes politiques. Mais pour eux insuffisants : il fallait leur donner une suite en faisant de la politique dans nos quartiers par l’éducation populaire. Nos quartiers ne sont pas des déserts politiques, il y a toujours eu des luttes et des mouvements autonomes, mais toujours étouffés par les supplétifs du parti socialiste et de la droite.

    Peux-tu nous dresser le bilan de la situation politique dans les quartiers populaires actuellement.

    Actuellement, la situation est désastreuse car nos quartiers sont abandonnés et criminalisés. Ils servent aux entraînements grandeur nature de la bac et de la brigade de sécurité territoriale, qui viennent foutre la merde. Dans les années 90, on disait que la police française était une police coloniale, mais maintenant on devrait plutôt parler de milices, protégées par leur insigne. Ce qui est aussi très clair aujourd’hui, c’est que, au-delà des arabes et des noirs qui subissent le racisme, c’est toute une population qui ici subit la précarité. Et la violence, elle, ne se cantonne plus aux quartiers populaires. Un exemple très concret, c’est la résistance des jeunes (et aussi des plus vieux) lors de la mobilisation contre la loi du travail : on a retrouvé dans les têtes de cortège les mêmes pratiques qui furent les nôtres ces dernières décennies. Quand j’ai vu tous ces gens résister ça m’a fait vachement plaisir. La solidarité et le rapport de force politique instaurés par la tête de cortège, ça ressemblait à ce qu’on faisait dans les quartiers. La tête de cortège ne se laissait pas « guider » par le gouvernement et la police - mais posait ses propres bases.

    Tu parles de la brigade sécurité territoriale, peux-tu nous en dire plus ?

    C’est un prolongement de la bac. Sauf que la bac c’était des gens sans cerveaux, les plus mal notés, ceux qui aimaient bien la bagarre. Mais aujourd’hui la brigade de sécurité territoriale est beaucoup plus violente car elle est plus politisée, tout en étant à la solde du gouvernement. Ils font la pluie et le beau temps. Si on leur dit de provoquer des débordements dans un quartier ils le feront. Ils sont plus efficaces que la bac car c’est une évolution de cette dernière. Les deux tiers de ces policiers sont syndiqués à Alliance qui est un syndicat plus proche de l’extrême droite que de la droite républicaine, ça donne une idée des policiers auxquels on doit faire face. Leur violence est mieux organisée, mieux couverte, et ils commettent plus d’exactions que la bac. On a atteint un degré de violence inimaginable ces dernières années.
    Ce qui ne veut pas dire qu’on préfère la bac, juste que la BST est mieux équipée, mieux armée et aujourd’hui les jeunes des quartiers (comme ceux dans les manifestations) font face à des flics surarmés, qui font des dégâts considérables et massivement. Le Mili a fait l’année dernière un recensement des personnes blessées dans les manifestations [contre la loi travail] et grâce à ce collectif on a pu voir le degré de violence de la police dans un cadre de maintien de l’ordre. On ne parle pas de dizaine de personnes blessées, mais de centaines. Or cette violence, c’est le quotidien des quartiers populaires, qui subissent la violence maximale de l’État.

    Tu as des liens étroits avec la famille d’Adama et tu les as aidé quand ils en avaient besoin. Peux-tu nous dire ce qui a changé avec le meurtre de ce jeune homme en ce début d’été ?

    Beaumont redonne de l’espoir dans les quartiers populaires étant donné la manière dont-ils ont choisi de se battre, c’est-à-dire l’auto-organisation et l’autonomie, quand la famille a décidé dès le début de faire confiance aux amis, aux proches et aux habitants de Beaumont. C’est ce qui fait leur force aujourd’hui car personne ne leur dit ce qu’ils doivent faire, mais ils décident ensemble de la manière dont ils veulent organiser leur lutte. Il y a plusieurs exemples de victoires : le démantèlement des mensonges des gendarmes, très rapidement, qui a entraîné la mutation du procureur, et au-delà de ça le rapport de force qu’ils ont réussi à instaurer avec les autorités préfectorales, la mairie et le ministère de l’intérieur.

    Qu’est ce qui selon toi diffère avec l’affaire de Théo ? La mobilisation de personnalités connues en banlieue, comme les rappeurs par exemple ?

    Si tu me permets, quand tu parles des gens « connus dans les quartiers populaires », nous on appelle ça des « arabes et des noirs de service ». Je vais t’expliquer. Quand on parle de Dupont-Moretti [l’avocat de Théo], de quoi on parle ? On parle de son réseau et du parti socialiste, qui veulent faire en sorte que ça ne passe pas comme à Beaumont : on empêche les habitants, les proches de Théo et ses amis de parler avec les mots qui sont les leurs et de s’auto-organiser. Quand on laisse d’autres parler à la place des premiers concernés ça donne une dépossession de la parole. Quand on dit que les mots sont importants : on parle d’un acte criminel, d’un viol collectif, pas d’une simple « violence policière ». C’est un acte barbare et Théo le signale. Il y a aussi l’acte raciste : les insultes des policiers à son égard, « bamboula », « sale noir » et ça n’apparaît pas dans la bouche des gens qui sont censés être proche de sa famille.
    Attention, quand je parle « d’arabes et de noirs de service » ça ne concerne pas les rappeurs, ou d’autres habitant des quartiers, mais bien de ces associations dîtes antiracistes qui sont en vérité du côté du parti socialiste lorsqu’il s’agit d’étouffer la parole des habitants. L’art et la manière d’étouffer les discours issus des quartiers. Je vais citer des noms d’associations car ça me paraît important. Par exemple, « AC le feu » ou le « Pas sans nous ». Ces deux organisations agissent main dans la main avec le parti socialiste pour déconstruire ce qui est construit dans nos quartiers. Et se proclament nos représentants alors qu’on ne les voit jamais. Par contre, ce qu’on voit c’est l’argent qu’ils touchent de l’État et qui doit servir à l’éducation populaire et qui est transformé à 100 % en salaires.
    La position des rappeurs aujourd’hui est très bien. Elle m’évoque l’époque du Mib où les rappeurs s’étaient réunis pour faire la musique « 11 minutes 30 contre les lois racistes » et dont les fonds ont été reversés à 100 % au Mib pour imprimer des affiches et faire des journaux.
    Ce sont les rappeurs qui se sont mis à la disposition des militants des quartiers pour qu’ils puissent continuer à fonctionner de manière autonome. Aujourd’hui, on a une nouvelle génération de rappeurs qui commence à relayer et à se mettre à disposition des familles et associations qui font un travail dans les quartiers. D’ailleurs, je tiens à rendre hommage aux rappeurs qui se sont toujours mis à disposition des quartiers comme Skalpel, la Scred Connexion, la Rumeur et par exemple à Bobigny j’ai vu Fianso du quartier de Blanc-Mesnil que je vois depuis plusieurs mois se déplacer dans les manifs contre les violences policières. Il parle des arabes, des noirs comme des blancs et ça fait plaisir. Le rappeur c’est le porte-voix de ceux qui bougent quotidiennement sur le terrain. Ils ont compris qu’ils étaient là pour relayer.

    Les révoltes s’étendent en banlieue et de nombreuses manifestations ont lieu dans les centres villes plus aisés. On a l’impression qu’il y a des possibles jonctions qui commencent à surgir, mais qu’elles sont très fragiles, qu’en penses-tu ?

    Fragiles, oui, car il y a un passif entre l’extrême gauche et les quartiers populaires. Sauf qu’avec la nouvelle génération, d’un point de vue personnel, je pense que ça se solidifie de plus en plus. Comme je le disais tout à l’heure, pendant le mouvement contre la loi travail, j’ai vu des choses qu’on n’a pas vu pendant les mouvements alter-mondialistes ou d’autres luttes où on était rejetés et pas considérés par les militants qui nous voyaient d’un point de vue paternaliste. Aujourd’hui, on a des vrais discussions et des alliances qui se constituent avec les milieux autonomes, antifascistes et les militants des quartiers populaires. Prenons un exemple, l’affaire d’Antonin [inculpé et incarcéré, accusé d’avoir participé à l’attaque d’une voiture de police durant le mouvement contre la loi travail] a été défendue par sa famille politique, mais aussi par des militants des quartiers populaires. C’est pas qu’une convergence par les mots, mais de terrain et il faut continuer à la nourrir. C’est ce que fait la nouvelle génération.

    Samedi dernier, près de 5000 personnes se sont réunies à Bobigny pour Théo et toutes les victimes de la police. On y a vu à la fois des habitants de banlieue et des militants du centre-ville. Peut-on dire que la jonction s’opère dans l’action, pour l’instant ?

    Je dirais que oui, d’après ce que j’ai pu voir. J’ai vu beaucoup de militants dits de la tête de cortège venir non seulement soutenir la famille Traoré, à Beaumont et à la manifestation du 5 novembre à Paris, et soutenir Théo suite à son agression. Pour revenir à la question de Bobigny, je suis heureux de ce que j’ai vu. Que ces soit disant petits blancs étaient là et criaient les mêmes slogans avec la même colère que les jeunes des quartiers et au moment où il y a eu cette colère qui a commencé à grimper suite aux provocations de la police qui était sur le pont et autour du parc du tribunal de Bobigny, j’ai vu quelque chose qui était pour moi très bien et je dirais magnifique : cette convergence, dans le respect des uns et des autres, face aux violences policières. Des gens qui avaient finalement l’impression de se connaître depuis longtemps. Notamment du fait de la question des violences policières, mais pas seulement : également sur la problématique de l’islamophobie, et de nombreux militants en ont parlé et en parlent sans évacuer le sujet. Voir des blancs, précaires ou pas, s’associer avec des jeunes des quartiers pour jeter des pierres, et prendre la police pour cible, ça m’a permis de rentrer chez moi avec le sourire.

    Que penses-tu des jeunes communistes du 93 qui ont parlé dans les médias en expliquant que c’était des jeunes bobos parisiens qui ont déclenché les affrontements et qu’eux ont cherché à pacifier le rassemblement en dialoguant avec la police ?

    Très clairement, c’est inadmissible. Je pense qu’ils auraient dû se taire et toutes les personnes présentes ont bien vu que ce n’était pas des bobos parisiens qui ont déclenché quoi que ce soit. Pour les communistes de Bobigny ce ne sont pas les policiers qui ont déclenché les affrontements. Mais moi je le dis : les jeunes des quartiers se sont déplacés, et ils ont répondu à la présence policière et à leurs provocations répétées. C’est ce qu’on nomme de l’auto-défense populaire. Si les porcs s’étaient bien tenus le rassemblement aurait été différent.

    Qu’est ce qui selon toi permettrait de sortir d’une simple alliance émeutière en s’inscrivant dans une démarche stratégique sur le long terme ?

    Tout d’abord, continuer les rencontres qu’il y a eu depuis le début de l’état d’urgence, faire de l’éducation populaire en respectant nos singularités et sans effacer l’histoire des uns et des autres. La nouvelle méthode qui a été mise en place suite aux attentats du 13 novembre par les manifestations sauvages qui sont très politiques doivent continuer de plus en plus, avec des militants des quartiers. Ils doivent absolument participer à ce genre de mobilisation. c’est comme ça qu’on apprendra à faire des rencontres qui nous rendrons plus fort sur le long terme. On a un exemple très récent qui est la tête de cortège. C’est un exemple de solidarité, de construction d’un rapport de force politique et d’autonomie, tout en incluant les revendications de chacun.
    J’ai envie de rappeler un épisode qui m’a fait énormément plaisir, ces jeunes qu’on appelle les blancs bobos n’ont pas oublié un après-midi le rôle de la CGT dans nos quartiers et j’ai vu la tête de cortège ne pas se laisser faire en leur rentrant dedans. C’est cette indépendance de la nouvelle génération, qui n’a pas de maître que je trouve superbe. Quand la CGT a décidé de se mettre du côté de la police, pour nous, les quartiers populaires, vu ce qu’on a subi de la part de leurs chefs sociaux traîtres, ça faisait plaisir de voir des jeunes et moins jeunes refuser de collaborer avec ceux qui discutent avec les flics.

    Pour revenir un peu plus sur les quartiers populaires et la vie politique. Tu disais que les quartiers ont eux aussi une histoire, une culture politique propre, mais aujourd’hui ça se traduit comment « faire de la politique » dans un quartier populaire ?

    Par l’organisation autonome, en prenant soin de nos petits jeunes par le soutien scolaire, des activités, mais à travers aussi l’éducation politique. Il n’y a pas de distinction entre l’éducation populaire et l’éducation politique. Le meilleur exemple en France d’action du Mib c’est l’association Justice pour le Petit Bard qui a fait un travail sur le long terme, avec des jeunes, comme des vieux, en obtenant des victoires politiques par le rapport de force qui vient de la rue et non depuis les bureaux où les « arabes et noirs de service » font leur beurre. Personne ne s’est vendu. Tout est venu de la rue et du rapport de force que les habitants ont eux-mêmes construits à la base.
    Dans ma ville à Dammarie-les-Lys, suite au meurtre d’Abdelkader on avait mis en place l’association Bouge qui Bouge, qui faisait un travail d’éducation populaire avec un mot d’ordre : ne jamais s’allier, ne jamais discuter, ne jamais s’asseoir à la table de ceux qui nous oppriment. Par exemple, une action qui avais été mise en place. On rentrait d’une manifestation et il y avait un bâtiment du quartier où on a demandé aux habitants si ils voulaient bien accrocher côté rue les banderoles qu’on avait utilisé. Ils ont tous répondu positivement et il y avait des messages pour la rénovation urbaine, contre les violences policières et le racisme. Ce qu’on a trouvé épatant, c’est que les habitants ont tous dit oui. Ils nous connaissaient car on aidait leurs enfants. Ils étaient tous heureux, encore aujourd’hui j’en ai des frissons. Il y avait un vrai lien avec les habitants.

    J’aimerais bien que tu nous parles des différences que tu observes avec les émeutes de 2005 et les continuités qu’il y a également ?

    Le changement qu’il y a avec 2005, c’est que les gens savaient que Zyed & Bouna avaient été poursuivis par la police et tué par cette dernière, mais la différence c’est que maintenant tout le monde sait très précisément pourquoi des pierres sont lancées. Les jeunes peuvent tous expliquer avec leurs mots qu’ils en ont marre des contrôles aux faciès, de voir leurs amis tués, à côté de ça ils voient des jeunes comme Bagui ou Anto et des centaines d’autres qui vont en prison pour leur conviction ou leur situation alors qu’ils n’ont commis aucun crime ou délit. Jeter une pierre c’est pas un délit, mais une conséquence des violences qu’ils subissent. Ce sont des prisonniers politiques, que tu sois d’un quartier et que tu manges pour ta situation ou que tu sois un militant extérieur qui les défend et qui prend pour ça.
    Il y avait beaucoup de surenchère médiatique. Quand je dis aujourd’hui les jeunes savent pourquoi ils lancent des pierres, en 2005 les interviews de l’époque montrent que ça parlait de Zyed & Bouna sans préciser qu’il y avait une quotidienneté des pratiques criminelles de la part des policiers. L’émeute permet de nous construire sur le long terme, la violence politique débouche sur le long terme en capitalisant dans la construction de militants politiques par la diffusion d’une idéologie. Lorsqu’un quartier perd l’un des siens, il y a une méthodologie défensive qui se met en place par les rencontres. C’est un truc important quand on parle d’entraide et d’alliance. Un gars qui fait des études va échanger avec les militants des quartiers quand l’un va apporter du soutien scolaire à nos petits et que nous on apporte notre propre expérience et vision de la situation.
    On n’a pas les mêmes méthodologies. Nous on est capable de créer des listes municipales, par le local, pour installer un rapport politique. Je parle bien de municipal et on sait que tout le monde n’est pas d’accord, mais ça nous permet de nous défendre localement. Dans certains quartiers, nos luttes étaient tellement fortes comme à Dammarie-les-Lys, qu’on a pas senti le besoin de créer une liste. On était sur le terrain tous les jours et on avait plus de pouvoir que l’adjoint au maire ou le maire lui-même. Une autre situation : à Toulouse ou à Lyon, des listes autonomes qui nous permettaient d’être connus et d’emmener nos revendications sur le tapis. Attention, on s’allie, on créé des convergences, mais jamais au détriment des histoires des uns et des autres. Au deuxième tour on s’efface et on va pas s’allier à ceux qui nous crachent dessus. Notre méthodologie permet de poser des questions dans le débat politique. Il y a un contrôle du début à la fin par les habitants ce qui nous donne une liberté du choix des thématiques.

    Pour finir, on te propose d’exposer ton point de vue sur les élections.

    Pour moi, l’idéal ce serait que ce que ce qui a été réussi ces dernières années permette d’appeler massivement à ne pas voter pour des gens qui ne nous considèrent pas et nous oppriment. Refaire comme les banquets contre l’état d’urgence de l’année dernière à Ménilmontant, créer des événements où on s’amuse en faisant des concerts, discuter, se rencontrer, pour ensuite s’organiser vraiment après les élections. J’espère qu’il y aura un taux d’abstention record et phénoménal. J’ai vu sur internet une phrase que j’ai bien aimé « génération ingouvernable » et qui m’a l’air d’être un slogan qui me plaît. C’est ce qu’on est, ingouvernable et on doit le montrer.

    https://lundi.am/Nos-quartiers-ne-sont-pas-des-deserts-politiques