• RAPPORT 2022 SUR LES CENTRES ET LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

    Rapport commun sur les centres de rétention administrative : Chiffres clés, bilan et analyse de la situation des personnes enfermées dans les centres et locaux de rétention administrative (#CRA et #LRA).

    Fortes de leur travail quotidien d’accompagnement juridique des personnes étrangères dans les centres de rétention administrative (#CRA), nos cinq associations (Forum réfugiés, France terre d’asile, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, La Cimade et Solidarité Mayotte) sont en première ligne pour constater et rendre compte des situations dans ces lieux de #privation_de_liberté.

    En 2022, 43.565 personnes ont été enfermées, au mépris de leurs droits, dans les centres de rétention de l’hexagone et d’outre-mer.

    https://www.lacimade.org/publication/rapport-2022-sur-les-centres-et-locaux-de-retention-administrative
    #rétention #France #rapport #2022 #La_Cimade #Cimade #détention_administrative #chiffres #statistiques #migrations #asile #réfugiés #enfermement #centres_de_rétention_administrative #lieux_de_rétention_administrative

  • Les réseaux sociaux, leviers des luttes sociales – nvo
    https://nvo.fr/les-reseaux-sociaux-leviers-des-luttes-sociales

    De la révolte des Gilets jaunes à la vague féministe post-#MeToo, les outils numériques sont devenus des leviers incontournables des luttes sociales et syndicales. Sur les réseaux sociaux, les photos et vidéos d’Extinction Rebellion ou de ReAct font le buzz et relaient les mobilisations. Un article publié dans le numéro #05 de la Vie Ouvrière.

    Ces dernières années, les exemples de mouvements sociaux ou de soulèvements populaires déployés grâce aux possibilités de connexions qu’offre Internet se sont multipliés. Dans son remarquable ouvrage Twitter & les gaz lacrymogènes, la chercheuse et activiste turque Zeynep Tufekci montre que l’usage des outils numériques et leur démocratisation (applications, réseaux sociaux…) permettent non seulement d’atteindre rapidement une masse critique de citoyens agissants mais en a fait des alliés incontournables des luttes actuelles.

    En l’espace de quelques semaines, le mouvement des Soulèvements de la Terre, menacé de dissolution sur décision du ministère de l’Intérieur, a rassemblé plus de 90.000 soutiens, notamment grâce aux milliers de partages sur les réseaux sociaux. Des relais qui ont permis de faire converger le 25 mars sur le terrain à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, près de 30.000 personnes venues pas seulement de France mais de toute l’Europe pour s’opposer au projet de méga-bassine.

    Les médias numériques améliorent la visibilité d’une cause, mais ils créent aussi une communauté, un sens de la camaraderie, explique Zeynep Tufekci dans son essai. Ils permettent à un mouvement de dépasser l’espace du site d’occupation en créant un sentiment d’appartenance : on peut se sentir zadiste sans terres à défendre, se revendiquer d’Occupy Wall Street sans être américain…

    En 2021, les activistes ont fait irruption au milieu des mannequins d’un défilé Louis Vuitton afin de dénoncer l’impact climatique de la mode. Un happening militant qui a fait un énorme buzz sur les réseaux sociaux. La même stratégie digitale a été employée, en octobre 2022, quand d’autres militants ont collé leurs mains sur des voitures haut de gamme sous les yeux du public du Mondial de l’auto.

    « Quatre cents personnes nous ont filmés et ont mis en ligne la scène sur Instagram et TikTok. Ça a fait des millions de vues. Là, le public était lui aussi vecteur de diffusion, même si tu ne contrôles plus le message », commente le militant d’XR dont l’organisation ne communique que sur réseaux cryptés (Signal, Mattermost), afin de préserver le secret de ses actions et l’anonymat de ses membres.

    #Militantisme #Zeynep_Tufekci #Mouvements_sociaux #La_Vie_Ouvirère

  • Ernest, #éditeur arrêté par la #police_britannique, doit être relâché | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/180423/ernest-editeur-arrete-par-la-police-britannique-doit-etre-relache

    Ernest, éditeur arrêté par la police britannique, doit être relâché

    Alors qu’un responsable des droits étrangers des #éditions #La_Fabrique a été arrêté hier soir par la police britannique invoquant sa participation présumée à des #manifestations en France, un #collectif d’éditeurs et éditrices lui apporte son soutien. Cette arrestation « porte atteinte à la libre circulation des idées et aux droits fondamentaux des #maisons_d'édition et organes de #presse. » Ils et elles enjoignent la justice française à « intervenir pour garantir la protection de leurs ressortissants face à de telles mesures répressives. »

  • L’explosion sociale de mai-juin 1968
    https://lutte-ouvriere.org/publications/brochures/lexplosion-sociale-de-mai-juin-1968-107027.html

    #archiveLO | 13 avril 2018

    Sommaire :

    Les prémices de Mai 1968  : la France des années soixante
    ➖ L’intensification de l’exploitation
    ➖ La montée du chômage et des attaques contre les travailleurs
    ➖ La politique des bureaucraties syndicales et de la gauche
    ➖ Des grèves emblématiques
    ➖ «  Les temps changent  »  : la politisation de la jeunesse

    De Nanterre au Quartier latin  : la jeunesse produit l’étincelle et ouvre la voie
    ➖ Le monde étudiant en 1968
    ➖ Les débuts du mouvement dans la jeunesse
    ➖ L’attitude du Parti communiste
    ➖ L’occupation de #la_Sorbonne et la «  nuit des barricades  »

    La grève ouvrière et les occupations d’usine
    ➖ La journée du 13 mai
    ➖ Les premières occupations
    ➖ Le virage de la CGT et du PC
    ➖ L’extension maximale de la grève
    ➖ L’encadrement des grévistes et les limites du mouvement
    ➖ Le pouvoir reprend la main
    ➖ Les #accords_de_Grenelle
    ➖ Les tentatives de Mendès France et de Mitterrand
    ➖ En avant vers les élections...
    ➖ La reprise imposée par les appareils syndicaux

    Paul Palacio (ouvrier à Renault Billancourt en 1968)

    Jean-Louis Gaillard (ouvrier chez Roussel-Uclaf à Romainville en 1968)

    Georges Kvartskhava (ouvrier à l’usine Peugeot Sochaux de Montbéliard en 1968)

    Que reste-t-il de Mai 1968  ?
    ➖ Des transformations sociétales...
    ➖ ... inachevées et déjà remises en cause
    ➖ Un renouveau politique  ?
    ➖ Le renforcement des bureaucraties syndicales...
    ➖ ... et des illusions dans la gauche
    ➖ Du côté de l’extrême gauche
    ➖ La faillite du #maoïsme et du gauchisme
    ➖ Reconstruire un parti communiste révolutionnaire

    #mai_68 #PCF #CGT #stalinisme #grève_générale #extrême_gauche #répression #de_Gaulle #classe_ouvrière #lutte_de_classe

  • Une vingtaine de groupes néo-nazi infiltré, @Tajmaat_Service
    https://threadreaderapp.com/thread/1642506496956137472.html

    THREAD - Une vingtaine de groupes néo-nazi infiltré, appel aux meurtres, menace de mort contre un élu, ratonnades, des centaines de personnes impliquées dont des militaires et policiers.

    Notre enquête choc sur le groupuscule « FRDETER ». #FRDeterGate
    Image
    Le groupuscule néo-nazi « #FRDETER », est un groupe créé pour réunir des identitaires de toute la France.

    Composé de sous groupe départemental, des modérateurs sont chargés de surveiller et de recruter les personnes les plus actives, afin d’aboutir à des actions coups de poing.

    Le co-fondateur du groupe, « VLAD », affirme dans des vocaux ne pas être néo-nazi.

    Cependant, nous avons pu retrouver l’historique de ses conversations où il affirme bien que les ennemis sont « Les #Arabes, les #Musulmans, et les #Noirs »
    Un administrateur et ami du co-fondateur, affirme que le groupe a également pour vocation de rediriger les recrues dans des structures déjà existantes.

    Il revendique également l’action du groupe néo-nazi GUD, où une personne avait été agressé. twitter.com/i/web/status/1…

    Les admins du groupe principal et des sous-groupes départementaux ne cachent pas leur haine envers les #Maghrébins.

    Apologie du terrorisme et actions violentes, ils poussent les recrues à commettre des ratonnades. #FrDeterGate

    Dans le groupe « #FRDETER », des internautes expliquent que pour « tuer des #Maghrébins ou d’autres étrangers », il faut s’en prendre à des sans papiers pour éviter des enquêtes, d’autres souhaitent « violer une femme #Maghrébine » car elle porte le voile.

    #extrême_droite #identitaires #gud #la_cocarde

  • #Caisse de grève insoumise - #La_France_insoumise
    https://lafranceinsoumise.fr/caisse-de-greve-insoumise

    STOP À LA VIE CHÈRE, MOBILISONS-NOUS ! FAITES UN DON POUR SOUTENIR LES GRÉVISTES
    La France insoumise soutient les grévistes mobilisés contre la vie chère, contre l’inflation et contre la retraite à 64 ans que Macron veut imposer de force. En leur adressant un don, vous soutenez directement leurs efforts et leur mobilisation. Soutenir les grévistes, c’est se battre pour nos salaires à toutes et tous.

    À noter : vos dons à la caisse de grève insoumise sont #défiscalisables à hauteur de 66%.

  • Hypothèse (r)évolutionnaire V : la société technicienne
    https://ricochets.cc/Hypothese-r-evolutionnaire-V-la-societe-technicienne.html

    Technique : 1. Ensemble de procédés et de moyens pratiques propres à une activité. Exemple : La technique de l’aquarelle. Dictionnaire Larousse Par définition, la technique est partout. Lorsqu’on cuisine, parle, enseigne, construit ou participe à un rituel, nous faisons toujours œuvre de technique, de multiples manières. Ainsi parler de « la technique » au sens large, sans catégorie de nature ou de fonctions, est un exercice aussi ardu qu’infructueux. C’est pourtant ce que fait le sens commun, lorsqu’il (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle, Autoritarisme, régime policier, démocrature..., (...)

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature... #Révolution_

  • Hypothèse (r)évolutionnaire VI : la mégamachine
    https://ricochets.cc/Hypothese-r-evolutionnaire-VI-la-megamachine.html

    Le pouvoir n’est ni une idée, ni un phénomène sociale inhérent à la « nature humaine ». S’il peut être présent en chaque endroit de la société, s’il peut s’exprimer au sein des relations les plus anodines, il n’acquière sa pleine force de contrainte qu’au sein des institutions qui garantissent sa pérennité. L’État, le Capitalisme et la société technicienne peuvent ainsi être vue comme des manières de structurer le pouvoir d’une minorité de personnes sur la majorité. Reprenant le terme de l’historien Lewis Mumford, (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle, Révolution

    #Révolution_

  • Manifestation à Paris du 4 mars 2023 contre la loi Darmanin

    Partant de Château Rouge, le cortège a remonté les quartiers populaires du 18e arrondissement jusqu’à la Porte de la Chapelle. Nous sommes passés devant le futur site olympique « Arena », notoirement connu, comme d’autres chantiers des jeux de 2024, pour employer des travailleurs sans papiers.

    Nous avons ensuite emprunté les maréchaux par le Boulevard Ney, en nous arrêtant devant le bâtiment de la Poste. Un porte-parole a dénoncé la responsabilité en cascade de cette entreprise dans l’emploi de travailleurs sans papier par l’intermédiaire de ses filiales DPD et Chronopost, ces dernières faisant elles-mêmes appel à des sous-traitants.

    D’autres prises de paroles se sont succédé, à la fin de la manifestation, au niveau de la Porte d’Aubervilliers.

    Prochaine échéance, partout en France : samedi 25 mars 2023

    https://blogs.mediapart.fr/uni-es-contre-limmigration-jetable/blog

    https://www.geo.fr/geopolitique/sur-les-chantiers-des-jeux-olympiques-de-paris-2024-le-tabou-des-travailleurs-sa

    https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/greve-des-travailleurs-sans-papiers-de-dpd-et-chronopost

    #loi_Darmanin #CRA #Centre_de_rétention_administrative #sans_papier #OQTF #obligation_de_quitter_le_territoire_français #IRTF #interdiction_de_retour_sur_le_territoire_français #Arena #jeux_olympiques #la_Poste #Chronopost

  • Mars 1921 : un tournant pour le mouvement révolutionnaire. Focus sur Cronstadt.

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    La vérité sur Cronstadt, par Joseph Vanzler alias Wright
    https://www.paperblog.fr/2349148/la-verite-sur-cronstadt-par-joseph-vanzler-alias-wright

    Des membres du Forum des amis de LO ont traduit ce texte. L’original en anglais se trouve ici, sur le site marxists.org : https://www.marxists.org/history/etol/writers/wright/1938/02/kronstadt.htm (John G. Wright, The Truth about Kronstadt, February 1938)

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    Beaucoup de tapage autour de Cronstadt
    (Léon Trotsky, 15 janvier 1938)
    https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/01/lt19380115.htm

    – Un « front populaire » d’accusateurs
    – Les groupements sociaux et politiques à Cronstadt
    – Les modifications intervenues pendant les années de la guerre civile
    – Les causes sociales du soulèvement
    – Le caractère contre-révolutionnaire de la rébellion de Cronstadt
    – La Nep et l’insurrection de Cronstadt
    – Les « insurgés de Cronstadt » sans forteresse

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    Encore sur la #répression de Cronstadt
    (Léon Trotsky, 6 juillet 1938)
    https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1938/07/lt19380706.htm

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    L’insurrection de Cronstadt

    – Mars 1921 en Allemagne
    – La NEP : une retraite indispensable
    – Adresse à #Max_Hoeltz

    #archiveLO (23 mars 1871)

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    Cronstadt, de Jean-Jacques Marie (494 p.)

    – 1917 : Cronstadt la rouge
    – L’agonie du communisme de guerre
    – Les premières lueurs de l’incendie
    – Les premiers signes de l’orage
    – Chronique d’une #révolte annoncée
    – Un cocktail explosif
    – Au bord du Rubicon
    – Les « privilèges des commissaires »
    – Le passage du Rubicon
    – Les balbutiements de l’insurrection
    – Les ouvriers de Petrograd et l’insurrection
    – Qui sont les insurgés ?
    – L’attente
    – Le comité révolutionnaire provisoire
    – Premier branle-bas de combat
    – L’assaut manqué
    – Cronstadt et l’#émigration
    #Lénine, #Cronstadt et le Xe congrès du parti communiste
    – Une « troisième révolution » ?
    – Vers l’assaut final
    – Le comité révolutionnaire en action
    – L’assaut final
    – Les raisons de l’échec
    – La répression
    – Reprise en main et réorganisation
    – L’exil finlandais
    – Nouvelles alliances
    – Le commencement de la fin
    – Derniers soubresauts
    – Fin de partie
    – Interprétations

    [...] Avec la #NEP, l’#insurrection_de_Cronstadt sort du domaine de la politique pour entrer dans celui de l’histoire. Les #SR_de_droite et de gauche qui l’appuyaient disparaissent. Seuls les #anarchistes revendiquent son héritage ; ils se contentent en général de paraphraser les proclamations, déclarations et appels, pris au pied de la lettre, sans analyser la réalité sociale du mouvement, comme si l’on pouvait étudier l’activité d’un groupe d’hommes en prenant ce qu’ils disent d’eux-mêmes comme critère de vérité. L’impact international de la révolution russe, son influence, le choc en son sein entre le socialisme (national) dans un seul pays de Staline et la révolution internationale incarnée par Trotsky, le plan quinquennal, la collectivisation, tout cela éclipse Cronstadt, qui sombre dans l’oubli, comme #Makhno, mort de tuberculose et d’épuisement dans un hôpital parisien en 1934. La Révolution inconnue de l’anarchiste russe #Voline, consacrée pour un bon quart à Cronstadt, ne sera publiée qu’en 1947, deux ans après sa mort.

    Trotsky a longtemps accordé peu d’attention à l’insurrection. Dans un discours du 28 juillet 1924 sur la situation mondiale Trotsky évoque Cronstadt comme exemple d’explosion sociale « Rationner un pays affamé, écrit-il, est chose difficile, nous le savons par expérience [...]. Nous avons pu constater que le régime de la ration de famine était lié à des troubles croissants qui ont amené en fin de compte l’insurrection de Cronstadt 7 », ainsi présentée comme une conséquence des rigueurs du communisme de guerre. Dans Ma Vie, publiée en 1929, il n’y consacre qu’une demi-ligne. Dans #La_Révolution_trahie, rédigée et publiée en 1936, Trotsky évoque tout aussi brièvement cette révolte, « qui entraîna pas mal de bolcheviks ».

    La guerre civile espagnole qui éclate en juillet 1936 et les procès de Moscou, dont le premier est organisé en août 1936, replacent Cronstadt sous la lumière de l’actualité. En Catalogne et en Aragon, où les anarchistes de la Confederacion National del Trabajo (la #CNT) sont très puissants, les ouvriers et les paysans, qui à peu près seul sont mis en échec le putsch franquiste, créent des comités, collectivisent les fabriques et la terre, forment des milices et constituent un Comité central de milices antifascistes qui rassemblent ouvriers et paysans en armes. Les partisans de l’ordre existant, le PC stalinisé en tête, exigent la dissolution de ces organismes populaires autonomes. La CNT l’avalise et envoie trois ministres au gouvernement, qui proclame l’intangibilité de la propriété privée des moyens de production et de la terre. Un anarchiste, Garcia Oliver, se retrouve ainsi ministre de la Justice, à la tête de l’appareil qui a longtemps persécuté les militants de son #organisation. Pour répondre aux critiques, les dirigeants anarchistes accompagnent leur collaboration gouvernementale avec le PC espagnol d’articles exaltant l’insurrection anti bolchevik de Cronstadt, dont ils se proclament les héritiers. Il est plus aisé d’exalter Makhno et Cronstadt àBarcelone que d’y combattre la politique de Staline. En décembre 1937, Trotsky leur répond : face à Cronstadt et à Makhno « nous avions défendu la révolution prolétarienne contre la #contre-révolution paysanne. Les anarchistes espagnols ont défendu et défendent encore la contre-révolution bourgeoise contre la révolution prolétarienne ».

    Les procès de Moscou d’août 1936, janvier 1937 et mars 1938 dénoncent en Trotsky un terroriste à la solde des nazis. Réfugié au Mexique, Trotsky tente de mettre sur pied une commission d’enquête sur les procès de Moscou. Un ancien député communiste allemand, #Wendelin_Thomas, réfugié aux États-Unis, membre dela sous-commission américaine, l’interpelle publiquement sur Cronstadt et #Makhno, en suggérant que l’attitude des bolcheviks dans ces deux cas annonce Staline et le #stalinisme.

    Trotsky lui répond par une brève lettre où il souligne que les marins de 1917 s’étant disséminés sur les divers fronts, restait à Cronstadt « la masse grise avec de grandes prétentions, mais sans éducation politique et pas prête aux sacrifices révolutionnaires. Le pays était affamé. Ceux de Cronstadt exigeaient des privilèges. L’insurrection fut dictée par le désir de recevoir une ration de privilégié ». Après ce raccourci saisissant, Trotsky affirme : la victoire des insurgés aurait débouché sur celle de la contre-révolution, « indépendamment des idées qui pouvaient être dans la tête des marins », qu’il juge, par ailleurs, « profondément réactionnaires : elles reflétaient l’hostilité de la paysannerie arriérée à l’ouvrier, l’#arrogance du soldat ou du marin pour Pétersbourg “civil”,la haine du #petit-bourgeois pour la #discipline_révolutionnaire ». Une fois maîtres de la forteresse, les insurgés ne pouvaient être réduits que par les armes.

    Un mois plus tard, il écrit dans une lettre à Erwin Wolf : « Ma réponse est beaucoup trop courte, insuffisante. » En septembre 1937, Victor Serge publie un article très critique sur l’attitude des bolcheviks face à Cronstadt. Informé, Trotsky écrit le 15 octobre un bref mot au trotskiste américain Wasserman des éditions Pionners Publishers. Il y affirme nécessaire de clarifier l’histoire de Cronstadt afin de pouvoir discuter avec les anarchistes, mais ajoute : « Cependant pour beaucoup de raisons, je ne puis écrire un article sur cette question » et affirme qu’il a proposé à son fils, Léon Sedov, d’écrire un travail détaillé et documenté qu’il préfacerait. #Wasserman insiste. Trotsky lui répond le 14 novembre qu’il comprend son insistance, mais il n’a en ce moment, répond-il, ni « les matériaux nécessaires ni le temps d’un article [...] absolument exhaustif ». Si Léon Sedov peut faire ce travail, Trotsky l’utilisera pour un article. Cinq jours plus tard, il écrit à son fils : « Il est absolument nécessaire d’écrire sur Cronstadt. » Il insiste sur un point : « Les matelots paysans, guidés par les éléments les plus anti prolétariens, n’auraient rien pu faire du pouvoir, même si on le leur avait abandonné. Leur pouvoir n’aurait été qu’un pont, et un pont bien court, vers le pouvoir bourgeois. » Soulignant néanmoins que « le mécontentement était très grand », il conclut : « les #matelots en rébellion représentaient le #Thermidor_paysan », ce qui n’est pas la même chose que la réduction de la révolte à la volonté d’obtenir des privilèges. #Léon_Sedov se met au travail.

    Trotsky y revient le 16 décembre dans une lettre au trotskyste américain Wright qui vient de terminer un article sur la révolte. Il prend la question sous un angle un peu différent. Il récuse l’idée que les soldats et les marins se soient insurgés pour le mot d’ordre politique des soviets libres. « Le reste de la #garnison de Cronstadt, affirme-t-il, était composé d’hommes arriérés et passifs qui ne pouvaient être utilisés dans la guerre civile. Ces gens ne pouvaient être entraînés dans une insurrection que par de profonds besoins et intérêts économiques. [...] ceux des pères et frères de ces marins et soldats, c’est-à-dire des paysans, marchands de produits alimentaires et de matières premières. En d’autres termes, la mutinerie était l’expression de la réaction de la petite bourgeoisie contre les difficultés et privations imposées par la révolution prolétarienne. »

    Confronté à une campagne sur Cronstadt qui entrave sa bataille difficile contre les falsifications des #procès_de_Moscou, il précise enfin son analyse dans deux articles : Beaucoup de bruit autour de Cronstadt (15 janvier 1938) et Encore une fois à propos de la répression de Cronstadt (6 juillet 1938). L’insurrection, précise-t-il d’abord, exprime la révolte des paysans contre la réquisition de leur production. Les marins, en grande majorité d’origine paysanne, furent les porte-parole « de la réaction armée de la petite bourgeoisie [la paysannerie] contre les difficultés de la révolution socialiste et la rigueur de la dictature prolétarienne. C’est précisément ce que signifiait le mot d’ordre de Cronstadt “Les soviets sans communistes” ».Il affirme ensuite n’avoir personnellement pris aucune part à l’écrasement de l’insurrection, ni à la répression qui suivit, ce qui n’a à ses yeux aucune signification politique, puisque, membre du gouvernement, il a jugé nécessaire la liquidation de la révolte, a participé à la décision d’y procéder si les négociations et l’ultimatum lancé restaient sans résultat et en assume donc la responsabilité politique.

    Il y revient une dernière fois dans son Staline inachevé écrit en 1939-1940, où il range Cronstadt parmi les « #légendes reposant sur l’#ignorance et le #sentimentalisme [...]. Ce que le gouvernement soviétique fit à contrecœur à Cronstadt fut une nécessité tragique ; évidemment le gouvernement révolutionnaire ne pouvait pas “faire cadeau” aux #marins insurgés de la forteresse qui protégeait #Petrograd, simplement parce que quelques anarchistes et #socialistes-révolutionnaires douteux patronnaient une poignée de paysans réactionnaires et de soldats mutinés ». À quelques nuances près, Trotsky, de 1921 à sa mort, maintint donc la même analyse de l’insurrection.

    Tout au long des soixante-dix ans d’#Union_soviétique (#URSS) l’insurrection de Cronstadt fut (à la rare exception des discours de Lénine au Xe congrès du parti communiste) présentée comme une simple émeute contre-révolutionnaire. Le Précis d’histoire du parti communiste publié en1938, revu et corrigé personnellement par Staline, consacre plus d’une page à cet épisode. Tout en reconnaissant le mécontentement de la paysannerie à l’égard des réquisitions, il voit dans « l’émeute contre-révolutionnaire de Cronstadt un exemple patent de la nouvelle tactique de l’ennemi de classe qui se camoufla en empruntant les couleurs soviétiques ; au lieu du vieux mot d’ordre avorté “À bas les soviets !”, il lança un mot d’ordre nouveau : « Pour les soviets, mais sans les communistes” ». Qui s’était soulevé, qui étaient les émeutiers, le lecteur de ce Précis très imprécis ne pouvait pas le savoir. Ses auteurs plaçaient les « gardes blancs, les SR et les mencheviks »à la tête d’une émeute aux insurgés sans visage et sans identité. Le tome 23 de la Grande Encyclopédie soviétique publié en 1953, l’année même où mourut #Staline, reprend l’antienne en y ajoutant les manœuvres des « traîtres trotsko-zinoviévistes » vrais responsables de l’insurrection, oubliés par Staline lui-même en 1938. […]

    #Kronstadt #anarchisme #mythologie

  • 1789... La Révolution !
    https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/1789-la-revolution

    La révolution française (CLT n°32 du 3 mars 1989, #archiveLO)

    1789 : Les premières étapes de la révolution
    – La convocation des #États_généraux
    – Du #Tiers_État à l’Assemblée nationale
    – 12-14 juillet : l’intervention des masses populaires parisiennes
    – Eté 1789 : les paysans entrent en scène à leur tour
    – 5-6 octobre : les femmes du peuple ramènent le roi à Paris

    De 1790 à 1792 : la révolution s’approfondit
    – L’agitation gagne l’armée royale. Le #massacre_de_Nancy (août 1790)
    #Varennes (juin 1791) : La #monarchie perd son crédit
    – L’Assemblée bourgeoise contre les #sans-culottes
    – Le #club_des_Jacobins
    – L’#Assemblée_Législative succède à la #Constituante (Octobre 1791)
    – La révolution face à la guerre (printemps 1792)
    – 10 août 1792 : les sans-culottes abattent la monarchie

    1793 : « #l'année_terrible »
    – Les Girondins dépassés par la radicalisation du mouvement populaire...
    – ...qui porte #la_Montagne au pouvoir (Juin #1793)
    – « Le peuple français debout contre les tyrans ! » (Août 1793)
    – La #Terreur montagnarde s’appuie sur la mobilisation des masses...
    – ... tout en la conservant sous son contrôle
    – La chute de #Robespierre (27 juillet 1794 - 9 Thermidor)

    1794-1799 : la bourgeoisie à la recherche de sa république
    – La #réaction_thermidorienne / #Thermidor
    – ...contre les soulèvements populaires...
    – ... et face aux tentatives royalistes
    – La #Révolution_française et la naissance de l’Europe moderne
    – L’actualité de la Révolution française : celle de la révolution tout court

    ANNEXE
    #Vendéens et #Chouans contre la Révolution
    Repères chronologiques

  • Si on ne l’arrête pas, la civilisation industrielle pourrait détruire toute la biosphère
    https://ricochets.cc/Si-on-ne-l-arrete-pas-la-civilisation-industrielle-pourrait-detruire-toute

    Allons un peu plus loin que les enfumages criminels centrés sur le CO2, la décarbonation, la « neutralité carbone à l’horizon 2050 » ! si le développement du système-monde technologique se poursuit sans entrave jusqu’à sa conclusion logique, selon toute probabilité, de la Terre il ne restera qu’un caillou désolé — une planète sans vie, à l’exception, peut-être, d’organismes parmi les plus simples — certaines bactéries, algues, etc. — capables de survivre dans ces conditions extrêmes 🔴 « Si on ne l’arrête pas, (...) #Les_Articles

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    #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle
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  • De Beyrouth à Bagdad, la « Poutine mania » gonflée par un vent d’Ukraine - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1329524/de-beyrouth-a-bagdad-la-poutine-mania-gonflee-par-un-vent-dukraine.ht

    Un an après le début de l’invasion russe, la fascination suscitée par le président russe ne fléchit pas au sein d’une partie des populations des pays arabes, malgré les revers militaires.

    Les fidèles chiites voient en lui l’un des gardiens des lieux saints de l’islam. Les socialistes, un survivant de l’ère soviétique. Pour une partie des grecs-orthodoxes, il est le grand frère protecteur qui veille au grain de loin.

    La naïveté de l’Orient-Le Jour à faire le job de la propagande est, comment dire, "rafraîchissante" ?

    • Les fidèles chiites voient en lui l’un des gardiens des lieux saints de l’islam. Les socialistes, un survivant de l’ère soviétique. Pour une partie des orthodoxes, il est le grand frère protecteur qui veille au grain de loin. Certains le regardent même comme un « fils de la région », un immigré venu d’en bas s’étant fait une place au sommet de l’État russe. La légende locale voudrait en effet que « Abdel Amir Aboul-Tine », devenu Vladimir Poutine, soit le fils d’un vendeur de figues (tine) originaire de la ville de Nassiriya, en Irak. Peu importe que rien de tout cela ne soit vrai. Dans le monde arabe, le fils de Vladimir Spiridonovich et de Maria Ivanovna est avant tout ce que l’on veut qu’il soit. Miroir des âmes, le Vladimir d’Orient est un caméléon aux couleurs changeantes.

      De Beyrouth à Bagdad, en passant par Damas, Vladimir Poutine nourrit dans la région un vaste imaginaire, adroitement téléguidé par le Kremlin et relayé par ses partenaires locaux, aux premiers rangs desquels Bachar el-Assad et Hassan Nasrallah. Au lendemain de l’invasion russe de l’Ukraine, la propagande officielle formatée par Moscou pénètre une partie des médias arabes de manière quasi instantanée. « La guerre juste de Vladimir Poutine », titre le quotidien pro-Hezbollah al-Akhbar le 1er mars 2022.

      Grand entretien
      «  La guerre en Ukraine ouvre une ère de confrontation Est-Ouest sous le regard goguenard du reste du monde  »
      Le fan club poutinien dépasse pourtant ce réseau d’alliances stratégiques. Abdel Fattah el-Sissi, Mohammad ben Zayed al-Nahyane, Mohammad ben Salmane ou encore Kaïs Saïed : malgré leur proximité avec Washington, ils entretiennent tous une forme d’ambiguïté assumée vis-à-vis du président russe. Mais si les leaders arabes ne sont pas insensibles à son charme, le jeu politique finit souvent par reprendre le dessus. Le 2 mars 2022, à l’Assemblée générale des Nations unies, 16 des 22 membres de la Ligue arabe votent ainsi en faveur d’une résolution condamnant l’agression russe – seuls la Syrie, l’Irak et le Soudan s’y opposent.

      Au sein des populations en revanche, l’effet de fascination exercé par le leader russe se poursuit malgré les mois de guerre, les répercussions économiques et les pénuries affectant la vie quotidienne des habitants. Qu’il soit estimé pour ses origines modestes ou apprécié pour les vertus qu’il prétend incarner, le président aux mille visages suscite ferveur et respect. « Fort », « puissant » ou « indépendant » : difficile d’évoquer le personnage sans convoquer un champ lexical plus proche du récit chevaleresque que de l’analyse politique. Pour les inconditionnels du président stratège, l’admiration confine souvent à l’irrationnel. « Tout… j’aime tout ce qui se rapporte à lui – son langage corporel, son sens du timing, son contrôle… même sa manière d’entrer dans une réunion est parfaite », s’enthousiasme Charbel*, un jeune Libanais originaire du Kesrouan. Mais si une forme d’engouement existe de part et d’autre de la Méditerranée, les raisons varient si l’on se trouve au Caire, à Beyrouth ou à Abou Dhabi.

      L’« anti-Kennedy »

      La légende n’est pas née en un jour. Le fils de Saint-Pétersbourg prend la tête du gouvernement russe à l’été 1999, connaît une ascension fulgurante tout au long des années 2000 puis consolide son assise à la présidence après une parenthèse de quatre ans assurée par Dmitri Medvedev (2008-2012). Ce parcours lui vaut l’admiration d’une partie de l’opinion arabe, plus habituée aux dynasties régnantes qu’aux Rastignac. « Il a été soldat, a grimpé les échelons un à un jusqu’à devenir président », s’émerveille Charbel.

      Sa personnalité aussi séduit. Dépeint comme un « self-made-man », il est l’« anti-Kennedy » : une virilité tranchante, un parcours au mérite et une stratégie détachée des considérations morales dont s’encombreraient les leaders occidentaux. « Il a passé des décennies à servir son pays et connaît bien le fonctionnement du monde. Il est intelligent, dit la vérité sur des sujets que d›autres hésitent à aborder, garde son sang-froid », abonde Imad*, un décorateur d’intérieur originaire de Batroun.

      Comme d’autres avant lui, Vladimir Poutine capitalise sur son image de cow-boy. « De Staline à Hitler, tous les dictateurs cherchent à incarner cette force. On touche au cœur de la masculinité toxique : le leader est présenté comme une figure protectrice, paternaliste, le seul et unique sauveur auquel on doit obéir sans poser de questions », explique Nadia Oweidat, chercheuse et professeure à la Kansas State University.

      Mais c’est seulement à partir du milieu des années 2010 que le chef du Kremlin devient un acteur-clé de la scène politique régionale. En 2015, Moscou entame son aventure syrienne, jetant les bases d’une occupation militaire au long cours sur les rives orientales de la Méditerranée et investissant un giron traditionnellement occidental. C’est la première d’une longue série d’« opérations spéciales ». Côté syrien, elle est accueillie à bras ouverts par les partisans de Damas, qui y voient la garantie d’une survie du régime malgré les lourdes pertes en zones rebelles. « Le président Poutine est un véritable ami », assure Amr*, un Damascène de 32 ans.

      En Syrie comme en Ukraine, Moscou parvient à convaincre une partie de l’opinion que le massacre de centaines de milliers de civils est un mal nécessaire afin d’endiguer les « islamistes », les « néonazis d’Ukraine » ou les « capitalistes » de Washington. « La présence (militaire) russe s’est faite à la demande de notre gouvernement et, contrairement aux Américains, la Russie a remis les territoires conquis à l’État, poursuit Amr. Ici, on voit circuler beaucoup de voitures russes. Elles vont et viennent, mais toujours accompagnées de Syriens… »

      Eclairage
      Un an après le début de la guerre en Ukraine, le Moyen-Orient refuse toujours de choisir son camp
      Afin d’envoyer ces messages, Vladimir Poutine joue aussi de l’histoire. Sa popularité prend racine dans un imaginaire plus ancien mêlant le souvenir nostalgique de l’ère soviétique au passé impérial de Moscou. Dans la région, cet héritage se traduit par les liens affectifs qu’une partie de la population continue d’entretenir avec le pays. Du temps de l’URSS, alliée des régimes panarabes, nombre de citoyens bénéficient de facilités administratives leur permettant de voyager, d’étudier ou de s’établir dans l’Union. Des décennies après, les référents culturels ont évolué, mais continuent d’imprimer leur marque. Aujourd’hui encore, la « méthode russe » incarne un contre-modèle envoûtant pour les plus jeunes, du moins une partie d’entre eux. « En visitant Moscou il y a quelques années, j’ai été impressionné par la modernité de la ville. Même si je ne suis pas toujours d’accord avec lui, Poutine a tout mon respect », témoigne Imad.

      Résurgence

      À travers l’action de l’homme, c’est la « marque » russe qui est célébrée – et systématiquement jugée à l’aune de la politique occidentale. « En dirigeant l’une des rares superpuissances tenant tête aux États-Unis, il maintient l’équilibre des forces dans le monde », poursuit Imad. Beaucoup dans la région « perçoivent encore le monde divisé en deux pôles – un premier, socialiste et progressiste, affronterait un second, proaméricain et impérialiste », explique Raïf Zreik, universitaire et juriste palestinien. En Égypte, où le président russe est reçu en grande pompe par le maréchal Sissi en 2015, Vladimir Poutine incarne un modèle d’autocratie réussie, tout en représentant un partenaire de choix sur les terrains commercial et militaire, notamment en Libye. « Il brise l’hégémonie américano-européenne : c’est cette rupture que je soutiens », admet Ahmad el-Hadidy, basé au Caire. En Palestine également, des déclarations successives ont permis au président russe de prendre le contre-pied des Occidentaux et de se positionner en fer de lance de la cause palestinienne – malgré ses liens privilégiés avec l’État hébreu, sa collusion avec Tel-Aviv sur le terrain syrien ou encore sa proximité avec Benjamin Netanyahu.

      Si cette aura n’est pas nouvelle, les événements de ces douze derniers mois ont dopé le capital sympathie de Vladimir Poutine. Dans une partie du monde où la liberté d’expression est réduite à des îlots d’exception et où les instituts de sondage se font rares, établir des tendances chiffrées s’avère plus compliqué qu’ailleurs. « Il est délicat de parler d’opinion publique dans des régimes autoritaires où les informations erronées et la désinformation sont souvent la norme, et où un tweet ou une citation dans un journal peut avoir de lourdes répercussions », rappelle Nadia Oweidat. La « Poutine mania » est aussi loin de toucher l’ensemble de la population. Certains ne se sentent pas concernés par cette guerre ayant lieu à des milliers de kilomètres, tandis que les tragédies locales se déroulent dans l’indifférence quasi générale. En ligne ou bien sur les murs d’Idleb, les messages de solidarité montrent également qu’une partie de la « rue arabe » n’est pas indifférente au sort des Ukrainiens, victimes des mêmes bombes qui hier pleuvaient sous le ciel syrien.

      Malgré tout, le constat est sans appel. « La guerre a entraîné une résurgence de cette fascination pour Poutine », estime Nadia Oweidat. Capable de séduire un public allant de la droite chrétienne à une gauche se réclamant de l’« anti-impérialisme », la « Poutine mania » transcende les clivages traditionnels. Menée avec l’aval de l’Église orthodoxe russe et du patriarche Kirill, l’« intervention spéciale » est également placée sous le signe de la foi et de la préservation des « valeurs chrétiennes » face à l’influence décadente en provenance du monde occidental. Dans le monde arabe, certains n’oublient pas que Moscou a longtemps œuvré à la protection des communautés orthodoxes. En mêlant un registre religieux à un discours réactionnaire, le Kremlin parvient donc à inscrire l’agression contre l’Ukraine dans le cadre d’une « guerre culturelle » contre l’Occident. Un discours particulièrement convaincant pour une frange de l’opinion arabe attachée à un modèle de société conservateur, labélisé « oriental ».

      Vision bipolaire

      En Irak, où le 24 février a ravivé le souvenir de l’invasion du Koweït, la guerre en Ukraine a contribué à rebattre les cartes. La base antioccidentale de l’opinion publique y est partagée entre une fascination pour l’homme fort du Kremlin et l’aversion pour Téhéran, devenu l’un des principaux soutiens militaires de Moscou. « Certains à gauche, qui voyaient en Poutine une figure anti-impérialiste, ont changé d’avis en voyant qu’il était soutenu par l’Iran et les milices chiites. À l’inverse, des islamistes qui l’avaient en horreur ont développé un certain respect pour lui après la guerre », estime Ahmad, journaliste irakien résidant en France.

      Face aux longueurs d’une intervention présentée comme « éclair », mais qui semble s’éterniser, les pertes russes auraient pu ternir la réputation du Kremlin. « C’est une grande question pour moi : comment Poutine a-t-il pu perdre tant de tanks, d’avions et de soldats ? Il a sous-estimé les dommages collatéraux, il a mené une guerre comme on la menait au temps de l’URSS… » avance, circonspect, Charbel.

      Malgré des réserves concernant sa gestion et les zones d’ombre de sa politique, la fan-base régionale de Vladimir Poutine ne se décourage pas facilement. Selon un récent sondage publié hier par le site en ligne al-Monitor, une majorité de Yéménites (65 %), de Tunisiens (86 %), d’Irakiens (71 %) et d’Égyptiens (77 %) considèrent encore aujourd’hui l’influence russe dans leur pays comme « très positive », « positive » ou « neutre ». Même lorsque l’intervention militaire ne convainc pas, l’action du Kremlin demeure perçue comme un contre-poids nécessaire à l’équilibre mondial et un garde-fou saint contre une hégémonie occidentale à sens unique. « Je suis contre la guerre en Ukraine, mais je suis également contre l’idée d’un seul pôle au niveau international qui va monopoliser le pouvoir – économique, politique et culturel. Je suis pour la diversité et un ordre multipolaire », estime pour sa part Muslim, 28 ans, résidant à Bagdad.

      * Les prénoms ont été modifiés.

  • Une catastrophe industrielle, qui fait oublier la catastrophe quotidienne qu’est la société industrielle
    https://ricochets.cc/Une-catastrophe-industrielle-qui-fait-oublier-la-catastrophe-quotidienne-q

    La civilisation industrielle est un fléau sur la Terre Il y a quelques jours, je publiais une vidéo et des photos de la catastrophe industrielle qui s’est déroulée il y a environ deux semaines (le 3 février) à East Palestine, dans l’Ohio, aux États-Unis. Un train contenant des dizaines de wagons remplis de produits chimiques toxiques a déraillé et plusieurs wagons ont pris feu ou ont vu leur contenu se déverser. Et les autorités ont procédé à une « libération contrôlée » de produits chimiques en (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle, #Ecologie

  • 20 février 1938 : « Léon Sédov, le fils – l’ami – le militant — dédié à la jeunesse prolétarienne » (Léon Trotsky)

    A l’instant où j’écris ces lignes, à côté de la mère de Léon Sédov, des télégrammes me parviennent de divers pays, m’apportant l’expression de condoléances. Et chacun de ces télégrammes suscite la même et insupportable question :

    « Ainsi tous nos amis de France, de Hollande, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Canada et d’ici, au Mexique, considèrent comme définitif le fait que Sédov ne soit plus ? »
    Chaque télégramme est une preuve nouvelle de sa mort. Et pourtant, nous ne pouvons encore y croire. Et non pas seulement parce qu’il est notre fils, fidèle, dévoué, aimant. Mais avant tout, parce que plus que quiconque au monde, il est entré dans notre vie, s’y est lié avec ses racines, comme camarade d’idées, comme collaborateur, comme gardien, comme conseiller, comme ami.

    De cette génération aînée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, sur la route de la Révolution, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n’ont pu faire les bagnes du tsar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d’émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l’a fait au cours des dernières années, comme le fléau le plus malfaisant de la révolution. Après la génération aînée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c’est-à-dire celle qu’a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation dans les 24 armées du front révolutionnaire. Piétinée sans traces la meilleure partie de la jeunesse, de la génération de Léon. Lui-même n’y a échappé que par miracle : grâce au fait qu’il nous a accompagnés en déportation et ensuite en Turquie. Au cours des années de notre dernière émigration, nous avons acquis de nombreux amis, et quelques-uns d’entre eux sont entrés étroitement dans la vie de notre famille, jusqu’à pouvoir être considérés comme ses membres. Mais tous nous ont approchés pour la première fois seulement dans ces dernières années, quand nous avons atteint le seuil de la vieillesse. Seul Léon nous a connu jeunes, et a participé à notre existence depuis le temps, où il a pris conscience de lui-même. Demeuré jeune, il fut comme de notre génération.

    Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

    Encore tout enfant – il allait sur ses douze ans – il avait à sa manière assimilé consciemment le passage de la révolution de février à celle d’octobre. Son adolescence s’est passée sous une haute pression. Il s’est ajouté une année pour entrer plus vite aux Jeunesses Communistes, qui brûlaient alors de toutes les ardeurs d’une jeunesse éveillée. Les jeunes boulangers, au milieu desquels il menait sa propagande, le gratifiaient d’un petit pain frais, et il le rapportait joyeusement sous le pan déchiré de sa veste. Ce furent des années brûlantes et froides, grandioses et affamées.

    De sa propre volonté, Léon quitta le Kremlin pour le logis en commun des étudiants prolétariens, afin de ne pas se distinguer des autres. Il refusait de s’asseoir avec nous dans l’auto, afin de ne pas jouir des privilèges des bureaucrates. En revanche, il prenait jalousement sa part dans tous les « samedis communistes » et autres « mobilisations de travail », il nettoyait la neige dans les rues de Moscou, « liquidait » l’analphabétisme, déchargeait le pain et le bois des wagons, et ensuite, en qualité d’élève polytechnicien, réparait les locomotives. Il ne s’est pas trouvé sur le front des opérations, c’est seulement parce que l’addition de deux et même trois années supplémentaires n’aurait pu l’aider : la guerre civile s’est terminée quand il avait seulement quinze ans. Mais plusieurs fois, il m’avait accompagné sur le front, s’imprégnant d’impressions sévères (rudes), et connaissait fermement le pourquoi de cette lutte sanglante.

    Les derniers télégrammes d’agence ont appris que Sédov vivait à Paris « dans les conditions les plus modestes ». Ajoutons, beaucoup plus modestes que celles des ouvriers qualifiés. Mais à Moscou, dons ces années où son père et sa mère occupaient de hautes fonctions, il ne vivait guère mieux que ces derniers temps à Paris, plutôt moins bien. Etait-ce une règle parmi la jeunesse bureaucratique ? Non, alors déjà, c’était une exception.

    Dans ce garçon, et plus tard dans l’adolescent, et dans le jeune homme, le sentiment du devoir et du sacrifice s’est éveillé de bonne heure.

    En 1923, Léon s’est brusquement et entièrement plongé dans le travail de l’opposition. II serait injuste de voir là seulement l’influence de ses parents. II avait quitté le bel appartement du Kremlin pour le logement en commun, froid, sale et sans pain, non seulement sans intervention de notre part, mais contre notre volonté.

    Son orientation politique a été déterminée par ce même instinct qui l’incitait à préférer les tramways surchargés de monde aux limousines du Kremlin. La plate-forme de l’Opposition a seulement donné une expression politique aux traits organiques de son caractère. Léon rompait inflexiblement avec les étudiants amis, que leurs pères bureaucrates arrachaient à coups de griffes du « trotskysme », et retrouvait le chemin de ses amis boulangers.

    Ainsi, à 17 ans, a commencé sa vie pleinement consciente de révolutionnaire. Il a vite assimilé l’art de la conspiration, des réunions illégales, de la presse secrète et de la diffusion des écrits oppositionnels.

    Le Komsomol a rapidement formé les cadres de ses chefs oppositionnels.

    Léon se distinguait par des qualités remarquables de mathématicien. Il venait infatigablement en aide aux étudiants prolétariens, n’ayant pas fait d’études secondaires. Et, dans ce travail, il mettait toute son ardeur, corrigeait, poussait en avant, grondant les paresseux. II considérait son jeune enseignement comme un service consacré à sa classe. Ses propres études à l’Institut technique supérieur se poursuivaient avec succès. Mais elles ne prenaient qu’une partie de sa journée de travail. La plus grande partie de son temps, il la donnait avec ses forces et son âme, à la cause de la révolution.

    En hiver 1927, quand commença la destruction politique de l’Opposition, Léon achevait sa vingt-deuxième année. Il avait déjà un enfant qu’il venait nous montrer avec fierté au Kremlin. Sons une minute d’hésitation, il s’est arraché à sa jeune famille et à son école, pour partager notre sort en Asie Centrale. II agissait non seulement comme un fils mais, avant tout, comme un camarade d’idées ; il fallait avant tout assurer notre liaison avec Moscou.

    Son travail à Alma-Ata, pendant toute une année, fut, en toute sincérité, incomparable. Nous le nommâmes ministre des Affaires étrangères, ministre de la police, ministre des P.T.T. Et, dans toutes ces fonctions, il fut obligé de s’appuyer sur un appareil illégal. Sur les instructions du Centre Oppositionnel de Moscou, le camarade X..., très dévoué et très sûr, avait acquis une voiture et une troïka de chevaux et travaillait en qualité de cocher indépendant entre Alma-Ata et Frounzé (Pichpek) alors station terminale de la ligne de chemin de fer.

    Le travail qui lui était dévolu était de nous apporter, toutes les deux semaines, le courrier secret de Moscou et de rapporter nos lettres et manuscrits à Frounzé où l’attendait le courrier de Moscou. Parfois, des courriers spéciaux nous arrivaient de Moscou. Les rencontrer n’était pas une chose facile à faire.

    Nous étions logés dans une maison de tous côtés entourée d’organisations de la Guépéou et des appartements de ses agents. Les rapports extérieurs reposaient sur Léon. Il quittait le logis par les nuits profondes, pluvieuses ou neigeuses, ou, trompant la vigilance des espions, il s’échappait dans la journée de la bibliothèque, retrouvant les agents de liaison à l’établissement des bains publics, ou dans les fourrés profonds, aux environs de la ville, ou encore au marché oriental où les Kirghizes grouillaient en foule, avec les chevaux, les ânes et les marchandises.

    Chaque fois, il revenait frémissant et heureux, avec une flamme guerrière dans les yeux et avec des acquisitions précieuses cachées sous le linge. Ainsi, pendant une année, il fut imprenable à l’adversaire.

    Et mieux que cela, il entretenait avec ces ennemis, « camarades » d’hier, les rapports les plus « corrects », presque « amicaux », montrant un self-contrôle et un tact constant et nous protégeant soigneusement de tout conflit avec l’extérieur.

    La vie idéologique de l’opposition était alors à son apogée. C’était l’année du 6º Congrès du Komintern. Dans les colis de Moscou arrivaient des dizaines de lettres, articles, thèses de célébrités et d’inconnus.

    Dans les premiers mois, jusqu’au changement brutal de la politique de la guépéou, de nombreuses lettres arrivaient aussi par la poste officielle des différents lieux de déportation.

    Dans ce matériel varié, il fallait opérer une soigneuse discrimination. Et là, je ne me convainquais qu’avec étonnement comment, d’une manière pour moi imperceptible, cet enfant avait eu le temps de mûrir, comme il savait bien choisir parmi les hommes, il connaissait une quantité beaucoup supérieure d’oppositionnels que moi. Combien sûr était son instinct révolutionnaire, lui permettant de distinguer sans hésitation le vrai du faux, le réel du superficiel. Les yeux de sa mère, qui connaissait davantage son fils, s’illuminaient de fierté à nos entretiens.

    D’avril à octobre, il nous arriva près de 1000 lettres politiques et documents et près de 700 télégrammes. Nous avons expédié, pour la même période, 800 lettres politiques, et, dans cette quantité, une série de travaux considérables comme la critique du programme du Komintern, etc. Sans mon fils, je n’aurais pu accomplir la moitié du travail.

    Une aussi étroite collaboration ne signifiait pas, toutefois, que des frictions ne s’élevaient pas entre nous, et parfois des différents aigus.

    Mes rapports avec Léon, pas plus à ce moment-là que plus tard, dans l’émigration, ne se distinguaient particulièrement – loin de là – par un caractère égal ni dépourvu d’aspérités.

    Je ne m’élevais pas seulement contre ses appréciations catégoriques à l’égard de certains « vieux » de l’opposition par des rectifications et des semonces énergiques, mais encore, je laissais apparaître, dans mes rapports avec lui, l’exigence et le formalisme qui me sont inhérents dans les questions pratiques.

    Ces traits peut-être utiles et même indispensables pour un travail de grande envergure, mais assez insupportables dans les relations privées, ont rendu la tâche difficile aux êtres qui me furent le plus proche. Et comme le plus proche d’entre tous les jeunes était mon fils, il a eu ordinairement plus à supporter que tous les autres. A un oeil superficiel, il pouvait même sembler que nos rapports étaient empreints de sévérité ou d’indifférence. Mais sous cette apparence existait un profond attachement réciproque, fondé sur quelque chose d’incomparablement plus grand que la communauté du sang : la communauté de vues et des jugements, les sympathies et les haines, les joies et les souffrances vécues ensemble, et les mêmes et grandes espérances. Et cet attachement mutuel s’illumina de temps à autre de flammes tellement vives, qu’elles récompensaient nos trois destins de la médiocre usure du quotidien.

    Ainsi nous vécûmes à 4000 Kms de Moscou, à 250 Kms de la voie ferrée, une année difficile et inoubliable, qui est restée toute entière sous le signe de Léon, ou plus exactement de « Lévik » ou de « Levoussetki », comme nous l’appelions.

    En janvier 1929, le bureau politique décréta mon bannissement « au-delà des limites de l’#URSS » et, comme il s’est avéré, en Turquie.

    Aux membres de ma famille fut laissé le droit de m’accompagner. De nouveau sans hésitation, Léon décida de nous suivre en exil, se séparant à jamais de sa femme et de son fils qu’il aimait beaucoup.

    Dans notre vie s’ouvrit un nouveau chapitre, avec une page presque vierge : relations, amitiés, liaisons, il fallut nouer tout cela à nouveau. Et de nouveau notre fils devint pour nous tous l’intermédiaire dans les rapports avec le monde extérieur, le gardien, le collaborateur, le secrétaire, comme à #Alma-Ata, mais sur un plan de beaucoup plus vaste. Les langues étrangères qu’il possédait, étant enfant, mieux que le russe, se trouvèrent presque oubliées dans la fièvre des années révolutionnaires.

    II fallut les étudier à nouveau. On commença un travail littéraire approprié. Les archives et la bibliothèque étaient entièrement dans les mains de Léon. Il connaissait bien les oeuvres de Marx, d’Engels et de #Lénine, il connaissait à merveille mes livres et manuscrits, l’histoire du parti et de la révolution, l’histoire des falsifications thermidoriennes. Dans le chaos même de la bibliothèque publique d’Alma-Ata, il avait étudié les collections de la Pravda des années soviétiques et avait tiré d’elles, avec un esprit d’investigation sans faille, les citations et les extraits indispensables. Sans cette documentation précieuse et sans les recherches ultérieures faites par Léon dans les archives et les bibliothèques, d’abord en #Turquie, ensuite à Berlin, finalement à Paris, pas un des travaux que j’ai écrits au cours de ces dix dernières années n’eut été possible, et en partie L’Histoire de la Révolution Russe. Sa collaboration, incalculable par sa quantité, n’avait pourtant pas qu’un caractère « technique ». Le choix personnel des faits, des citations, des caractéristiques, prédéterminait ma méthode de développement, ainsi que les conclusions. Dans #la_Révolution_Trahie, il y a pas mal de pages écrites par moi sur les données de quelques lignes extraites des lettres de mon fils et des illustrations tirées par lui des journaux soviétiques qui m’étaient inaccessibles. Encore plus de matériaux m’ont été fournis par lui pour la biographie de Lénine. Une telle collaboration était seulement possible parce que notre solidarité idéologique était entrée dans le sang et dons les nerfs. Presque tous mes livres à partir de l’année 1928 devraient en toute justice porter le nom de mon fils à côté du mien.

    A Moscou, il restait à Léon une année et demie jusqu’à l’achèvement de sa formation d’ingénieur. Nous insistions avec sa mère pour qu’il revint à l’étranger aux études abandonnées. Une nouvelle équipe de jeunes collaborateurs de tous les pays avait eu entre temps le loisir de se former à Prinkipo, en étroite collaboration avec mon fils. Léon ne consentit au départ que sous la pression du fait que, en Allemagne, il pouvait rendre d’inappréciables services à l’#Opposition_de_gauche internationale

    Ayant repris à Berlin ses occupations estudiantines (il fallut repartir au commencement), Léon en même temps s’était consacré tout entier au travail révolutionnaire. Bientôt il entra au Secrétariat International en qualité de représentant de la section russe. Ses lettres d’alors à sa mère démontrent avec quelle rapidité il s’était assimilé à l’atmosphère politique de l’Allemagne et de l’Europe Occidentale, comme il savait bien distinguer parmi les hommes et discerner parmi leurs divergences et les nombreux conflits de cette période infantile de notre mouvement. Son instinct révolutionnaire, enrichi déjà d’une sérieuse expérience, l’aidait à trouver la voie juste dans presque tous les cas, d’une manière indépendante. Comme nous nous réjouissions de trouver dans ses lettres fraîchement décachetées, les mêmes raisonnements et conclusions que je recommandais la veille à son attention. Et combien, passionnément et sobrement, se réjouissait-il de telles rencontres dans nos idées. Le recueil des lettres de Léon constituera indubitablement une des sources les plus précieuses pour l’étude de la préhistoire intérieure de la Quatrième Internationale.

    Mais les affaires russes demeuraient au centre de ses préoccupations. Encore à Prinkipo, il devint l’éditeur effectif du Bulletin de l’Opposition russe dès son apparition (mi-1929 et avait complètement pris en charge ce travail dans ses mains depuis son départ à Berlin ( début 1931 ), d’où le Bulletin fut transféré à sa suite à Paris. La dernière lettre de Léon que nous avons reçue, écrite le 4 Février 1938, douze jours avant sa mort, commence par ces mots :

    « Je vous envoie les épreuves du Bulletin, car le prochain bateau ne partira pas de sitôt, et le Bulletin ne sera prêt que demain matin. »
    La sortie de chaque numéro fut un petit événement dans sa vie – petit événement qui coûtait de grands efforts –. La composition du Bulletin, la finition des matériaux bruts, la rédaction des articles, une correction minutieuse, l’expédition, la correspondance avec les amis et les correspondants et ce qui ne vient pas à la dernière place, ce qui n’était pas le moins important la recherche des moyens financiers. En revanche, comme il s’enorgueillissait de chaque numéro « réussi ». Dans les premières années de l’émigration, il entretenait une correspondance considérable avec les oppositionnels en U.R.S.S. Mais en 1932, la Guépéou rompit presque tous nos liens.

    II fallut chercher des informations fraîches par des voies détournées.

    Léon était toujours sur le « qui-vive », cherchant avidement des tuyaux de Russie, s’emparant des touristes revenus d’U.R.S.S., des étudiants soviétiques en mission et des fonctionnaires sympathisants des Représentations à l’étranger. Il parcourait Berlin pendant des heures entières et ensuite Paris, pour semer les agents de la Guépéou à sa poursuite et ne pas compromettre ses informateurs. Pendant toutes ces années, il n’y eut pas un cas où quelqu’un eût à souffrir de son manque de vigilance, de son inattention ou de son manque de discernement.

    Sur les rapports de la #Guépéou, il figurait sous le sobriquet de « fiston », ainsi que nous en informait l’infortuné Reiss ; on a dit plus d’une fois à la Lublianka :

    "Le « Fiston » travaille habilement, le « Vieux » l’aurait dure sans lui."
    C’était la vérité. La tâche n’eût pas été facile sans lui ! Justement pour cette raison, les agents de la Guépéou, pénétrant aussi dans les organisations de l’Opposition, entouraient Léon d’un filet épais d’observations, d’intrigues, de pièges. Dans les procès de Moscou, son nom figurait invariablement à côté du mien. Moscou cherchait le moyen d’en finir à tout prix avec lui.

    Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Bulletin de l’Opposition fut immédiatement interdit. Léon passa en Allemagne encore quelques semaines, menant un travail illégal et se cachant de la Gestapo dans les appartements étrangers. Nous sonnâmes l’alarme avec sa mère, insistant sur un départ immédiat de l’Allemagne. Au printemps 1933, Léon se décida enfin à abandonner un pays qu’il avait eu le temps de connaître et d’aimer et se logea à Paris où le suivit le Bulletin. Ici, Léon recommença ses études à nouveau : il fallut passer un examen dans une école française d’enseignement secondaire, ensuite, pour la troisième fois, recommencer en Sorbonne, depuis le début, ses études de Physique et de Mathématiques à la Faculté des Sciences. Il vivait à Paris dans des conditions difficiles, dans le besoin, s’occupant par à-coups de ses études universitaires, mais, grâce à des dispositions remarquables, il put mener ses études à bonne fin, c’est-à-dire jusqu’au diplôme.

    Ses principaux efforts, à Paris, étaient consacrés, encore plus qu’à Berlin à la #révolution et à une collaboration littéraire avec moi. Dans les dernières années, Léon commença à écrire lui-même plus systématiquement pour la presse de la Quatrième Internationale. A des signes divers, notamment à la rédaction de ses mémoires, pour mon autobiographie, j’ai commencé à soupçonner en lui, encore à Prinkipo, des dispositions littéraires. Mais il était surchargé par toutes sortes d’autres travaux, et, comme les idées et les thèmes nous étaient communs, il me consacrait toujours son activité d’écrivain.

    En Turquie, il écrivit, à ce qu’il m’en souvient, seulement un article de dimensions plus importantes : « Staline et l’Armée Rouge ou comment on écrit l’histoire », sous la signature de Markine, matelot révolutionnaire, auquel l’unissait, dans ses années d’enfance, une amitié colorée d’une véritable adoration. Ce travail entra dans mon livre « Les crimes de Staline ». Ultérieurement, ses articles ont paru toujours plus fréquemment, dans les pages du Bulletin et autres publications de la Quatrième Internationale, chaque fois sous la pression des nécessités. Léon écrivit seulement quand il avait quelque chose à dire et qu’il savait que nul autre ne pourrait l’exprimer mieux. Dans la période norvégienne de notre vie, je recevais de divers côtés des lettres me demandant d’analyser le mouvement stakhanoviste, qui atteignit, dans une certaine mesure, notre mouvement à l’improviste. Quand il apparut que le prolongement de ma maladie ne pourrait me permettre de faire face à ce problème, Léon me fit parvenir le projet de son article sur le stakhanovisme avec une lettre d’introduction très modeste. Le travail me parut, par son sérieux et par sa pénétration, embrasser la question sous tous ses aspects, plein de concision et de relief dans l’argumentation.

    Je me souviens quelle joie causa mon approbation chaleureuse à Léon. L’article fut imprimé en plusieurs langues et établit immédiatement un point de vue juste sur l’édification socialiste sous le fouet de la bureaucratie. Des dizaines d’articles ultérieurs n’ont rien ajouté de concret à cette analyse.

    Le principal ouvrage littéraire de Léon fut toutefois son livre « Le Procès de Moscou », consacré au procès des seize (Zinoviev, Kamenev et autres) et publié en français et en allemand. Nous nous trouvions alors, avec ma femme, dans la prison norvégienne, pieds et mains liés, sous les coups de la plus monstrueuse des calomnies. A certains degrés de la paralysie, les êtres voient, entendent et comprennent tout, mais sont incapables de remuer le petit doigt pour écarter un danger mortel.

    Le gouvernement « socialiste » norvégien nous contraignit à cette paralysie politique. Dans ces conditions, le livre de Léon fut pour nous un présent inappréciable, première et cinglante réplique aux falsifications du Kremlin. Je me souviens que les premières pages m’en parurent plutôt pâles ; ceci parce qu’elles répétaient une appréciation politique de l’ensemble de la situation en U.R.S.S. déjà faite précédemment.

    Mais à partir du moment où l’auteur a abordé l’analyse personnelle du procès lui-même, je me suis senti tout à fait entraîné. Chaque nouveau chapitre me paraissait meilleur que le précédent. « Bravo, Levoussetka, » nous disions nous avec ma femme. « Nous avons un défenseur ! » Comme ses yeux devaient briller joyeusement en lisant nos louanges chaleureuses !

    Dans certains journaux, et en partie dans l’organe central de la social-démocratie danoise, on émettait la conviction que, malgré les conditions rigoureuses de l’internement, j’avais visiblement trouvé le moyen de prendre part à l’ouvrage paru sous le nom de Sédov. « On sent la main de Trotsky ». Tout cela, inventions ! Dans le livre, il n’y a pas une ligne de moi.

    Beaucoup de camarades qui étaient enclins à considérer Sédov seulement comme le fils de Trotsky – comme en Karl Liebknecht, on n’a vu pendant longtemps que le fils de Wilhelm Liebknecht – ont eu la possibilité de se convaincre, ne fut-ce QUE PAR ce livre, qu’il représentait une personnalité indépendante, mais une personnalité d’envergure.

    Léon écrivait comme il faisait tout le reste, c’est-à-dire consciencieusement : il étudiait, réfléchissait, vérifiait. La gloire littéraire lui était étrangère. Les déclamations de propagande ne le séduisaient guère. En même temps, chaque ligne écrite par lui est illuminée par une flamme vivante dont la source était son rare tempérament révolutionnaire.

    Les événements de sa vie privée et familiale de notre époque, ont formé son caractère et l’ont trempé. En 1905, sa mère attendait sa naissance dans une prison de Pétersbourg.

    Le vent de libéralisme l’en a fait sortir en automne. l’enfant est venu au monde en février de l’année suivante. A ce moment-là, j’étais déjà en prison. Voir mon fils pour la première fois ne me fut possible que treize mois après, lors de l’évasion de Sibérie. Ses toutes premières impressions furent imprégnées du souffle de la première révolution russe, dont la défaite nous jeta en Autriche. La guerre frappa la conscience de ce garçon de huit ans, en nous rejetant en Suisse. Mon expulsion fut la seconde de ses grandes leçons.

    Sur le paquebot, il tenait des conversations révolutionnaires mimées avec le chauffeur catalan. La révolution signifiait pour lui tous les biens et, avant tout, le retour en Russie. Sur la route du retour d’Amérique, à Halifax, Lévik, âgé de douze ans, avait frappé du poing un officier britannique. II savait qui frapper : non les matelots qui m’emportaient du navire, mais l’officier qui commandait. Au Canada, au moment de mon internement au camp de concentration Léon apprit à dissimuler et à jeter furtivement à la boite les lettres non contrôlées par la police. A Pétrograd, il fut brusquement plongé dans une atmosphère de poursuite anti-bolchévique.

    A l’école bourgeoise où il se trouva d’abord, les fils de libéraux et des S.R. le battaient parce que fils de Trotsky.

    Il vint un jour au Syndicat des ouvriers du bois où travaillait sa mère, avec la main ensanglantée ; c’était le résultat d’une explication politique avec les fils des kérenskystes. Il se joignait dans la rue à toutes les manifestations et se cachait dans les portes cochères des forces armées du Front Populaire de l’époque (coalition des cadets, des S.R. et des menchéviks). Après les journées de juillet, amaigri et pâle il me rendait visite dans la prison de Kérenski et de Tséretelli. Dans la famille d’un colonel ami, au cours d’un déjeuner, Léon et Serge se jetèrent armés de couteaux sur un officier qui avait déclaré que les bolchéviks étaient des agents du Kaiser. Ils répondirent d’une manière à peu près analogue à l’ingénieur Sérébrowsky, plus tard membre du C.C. stalinien qui essaya de les persuader que Lénine était un espion allemand.

    Lévik apprit tôt à faire grincer ses jeunes dents à la lecture de la calomnie des journaux. Il passa les journées d’Octobre avec le matelot Markine qui, à ses heures de loisir, lui enseignait l’art du tir, dans la cave.

    Ainsi s’est formé le futur militant. La révolution n’était pas pour lui une abstraction, oh, non ! Elle le pénétrait par les pores de sa peau. C’est pourquoi il agissait sérieusement avec le devoir révolutionnaire commençant par les volontaires des samedis communistes et finissant par les traînards. C’est pourquoi plus tard, il est entré si ardemment dans la lutte contre la bureaucratie. En automne 1927, Léon accomplissait un voyage oppositionnel à travers l’Oural, en compagnie de Mratchkowsky et de Deloborodov. Au retour tous deux parlaient avec un enthousiasme sincère de la conduite de Léon, au cours d’une lutte aiguë et sans espoir, de ses interventions sans compromis aux réunions de la jeunesse, de son courage physique devant les bandes d’apaches suscitées par la bureaucratie, de sa virilité morale, lui permettant de subir la défaite en portant haut sa jeune tête. Quand il revint de l’Oural, devenu homme en six semaines, j’étais déjà exclu. II fallait s’apprêter pour la déportation.

    Il n’y avait en lui aucun manque de discernement, ni aucune forfanterie, loin de là. Mais il savait que le danger était l’essence de la révolution comme de la guerre. Il savait, quand il le fallait, et il le fallait souvent, aller au devant du danger. Sa vie, en France, où la Guépéou a des amis à tous les étages de l’édifice étatique, était une chaîne ininterrompue de dangers. Des assassins professionnels étaient sans relâche à ses trousses. Ils vivaient à côté de son appartement. Ils volaient ses lettres, ses archives et écoutaient ses conversations téléphoniques. Quand après sa maladie, il passa deux semaines sur les bords de la Méditerranée, son seul repos au cours de longues années, les agents du Guépéou prirent pension au même hôtel. Quand il se prépara à partir pour Mulhouse afin de rencontrer l’avocat suisse, à propos de l’affaire des calomnies staliniennes dans la presse, toute une bande de la Guépéou l’attendait à la gare de Mulhouse, celle-là même qui, plus tard assassina Ignace REISS. Léon échappa à une perte certaine, seulement grâce à ce que, tombé malade la veille, il ne pouvait quitter Paris avec une température de 40º. Tous ces faits sont établis par les autorités judiciaires de France et de Suisse. Et combien de secrets restent-ils non encore dévoilés ? Ses amis les plus proches nous écrivaient il y a trois mois, qu’à Paris, il courait un trop grand danger, et insistaient pour son départ pour le Mexique. Léon répondait que le danger était certain à Paris, mais que c’était un poste de combat trop important et que l’abandonner serait criminel. II ne restait qu’à s’incliner devant cette raison.

    Quand, à l’automne de l’année dernière, commença une série de rupture entre les agents soviétiques à l’étranger, le Kremlin et la Guépéou, Léon se trouva au centre de ces événements. Certains amis protestaient contre ses relations avec ces nouveaux alliés non encore « éprouvés » : une provocation était possible. Léon répliquait : le risque est indéniable, mais impossible de développer ce mouvement important en restant à l’écart. Il fallait prendre Léon, cette fois encore, tel que l’avaient fait la nature et les circonstances politiques. Comme un vrai révolutionnaire, il appréciait la vie seulement dans la mesure où elle servait la lutte libératrice du prolétariat.

    Le 16 février, les journaux mexicains du soir imprimèrent un court télégramme annonçant la mort de Léon Sédov à la suite d’une intervention chirurgicale. Pris par un travail urgent, je n’avais pas vu ces journaux. Diégo Rivera contrôla par radio de sa propre initiative et vint m’apporter la terrible nouvelle. Au bout d’une heure, j’ai appris la mort de notre fils à Natalia – dans ce même mois de février où, 32 ans plus tôt, elle m’avait appris en prison sa naissance. Ainsi s’acheva ce 16 février, la journée la plus noire de notre vie privée.

    Nous nous attendions à beaucoup, presque à tout, mais pas à cela. C’est que très peu de temps avant, Léon nous avait fait part de son intention d’entrer comme ouvrier dans une usine. En même temps, il exprimait l’espoir d’écrire, pour un centre d’études, l’histoire de l’opposition russe. II était rempli de projet. Seulement deux jours avant que la nouvelle de sa mort ne nous parvint, nous reçûmes de lui une lettre énergique et pleine de vie, datée du 4 février. Elle est devant moi. « Nous nous préparons au procès en Suisse ; l’affaire concerne la mise en jugement des participants à l’assassinat d’Ignace Reiss, écrivait-il l’atmosphère y est très favorable en ce qui concerne l’opinion publique et aussi l’attitude des autorités. » Il énumérait une série d’autres faits et symptômes favorables. « En somme, nous marquons des points. » La lettre respirait la confiance dans l’avenir. D’où provenait donc ce mal et cette mort fulgurante au bout de 12 jours ?

    Première et essentielle supposition : le poison. Trouver accès auprès de Léon, de ses vêtements, de sa nourriture n’offrait guère de difficultés aux agents de Staline. Est-ce qu’une enquête judiciaire, même libérée des raisons diplomatiques peut, à cet égard, parvenir à la pleine lumière ? En relation avec la guerre, la chimie et l’art de l’empoisonnement ont atteint, ces temps derniers, un développement tout particulier. Les secrets de cet art sont à vrai dire inaccessibles aux simples mortels. Mais aux empoisonneurs de la Guépéou tout est accessible. Il est tout à fait possible d’admettre qu’un tel poison, ne laissant pas de traces après le décès, même à la plus minutieuse des analyses. Et où sont les garanties de la minutie ?

    Ou bien l’ont-ils tué sans le secours de la chimie ? Il a fallu trop supporter à ce jeune être, très sensible et très tendre, dans les profondeurs de sa nature. Une campagne de plusieurs années déjà contre son père et les meilleurs de ses camarades aînés, que Léon s’est habitué dès l’enfance à respecter et à aimer, avait profondément secoué son organisme moral. Une longue suite de capitulations des participants de l’opposition ne lui a pas porté un coup moins rude. Ensuite suivit le suicide à Berlin de Zina, ma fille aînée, que Staline avait traîtreusement, par pure vengeance, arrachée de ses enfants, de sa famille, de son milieu. Léon se trouva sur les bras le cadavre de sa soeur aînée et un enfant de 6 ans. Il résolut d’essayer d’obtenir une communication téléphonique avec son frère cadet, Serge, à Moscou. Est-ce que la Guépéou avait perdu la tête devant le suicide de Zina, ou espérait-elle surprendre quelque secret, le fait est que la communication fut établie, contre toute attente, et Léon réussit à communiquer de vive voix la nouvelle tragique à Moscou. Telle fut l’ultime conversation des deux frères, condamnés déjà, sur le corps encore chaud de leur soeur. Les communications de Léon à Prinkipo sur ce qu’il venait de vivre furent courtes, avares, mesurées. Il nous épargnait trop. Mais sous chaque ligne se sentait l’insupportable tension morale.

    Les difficultés matérielles et les privations, Léon les supportait facilement, comme un vrai prolétaire, en plaisantant mais elles aussi, naturellement, laissèrent leur trace. Infiniment plus destructives furent les épreuves morales ultérieures. Le procès des seize à Moscou, le caractère monstrueux de l’accusation, les dépositions hallucinantes des accusés, et dans ce monde Smirnov et Mratchkowsky, que Léon connaissait bien et aimait, l’internement inattendu de son père et de sa mère en Norvège, quatre mois sans nouvelles, le vol des archives, notre déportation secrète avec ma femme au Mexique, le deuxième procès de Moscou, avec des accusations et des aveux encore plus délirants, la disparition de son frère Serge, sous l’accusation « d’empoisonnement d’ouvriers », les innombrables exécutions d’hommes qui furent autrefois des amis proches ou qui le restèrent jusqu’au bout, les poursuites et lès attentats de la Guépéou en France, l’assassinat de Reiss en Suisse, le mensonge, la bassesse, la trahison et les pièges – non, le « stalinisme » – était pour Léon autre chose qu’un phénomène politique abstrait, mais une série ininterrompue de coups moraux et de défaites psychiques. Fallut-il aux spécialistes moscovites recourir à la chimie afin de parachever leur oeuvre, ou suffisait-il de tout ce qu’ils avaient fomenté auparavant, le résultat demeure le même : ILS L’ONT ASSASSINÉ. Et la nouvelle de sa mort fut marqué comme un grand triomphe au calendrier thermidorien.

    Avant de le tuer, ils firent tout pour calomnier et noircir notre fils aux yeux des contemporains et des générations à venir. Caïn-Djougachvili et ses acolytes essayèrent de transformer Léon en agent du fascisme et en partisan secret d’une restauration capitaliste en URSS, en organisateur de catastrophes de chemin de fer et en assassin d’ouvriers. Grands furent les efforts de ces crapules ! Des tonnes de boue thermidorienne tombent sur sa jeune image sans y laisser une seule tâche. Léon était essentiellement un être humain d’une propreté et d’une honnêteté transparentes. II pouvait raconter sa vie à n’importe quelle assemblée ouvrière, sa vie brève par ses jours comme court est mon récit.

    II n’avait rien à se reprocher, rien à sceller. L’honnêteté morale était le fil conducteur de son caractère. II servait sans fléchir la cause des opprimés et, en cela, il restait fidèle à lui-même. Des mains de la nature et de l’histoire, il est issu homme d’une trempe héroïque. Les grands et terribles événements qui s’approchent de nous auront besoin de tels êtres. Si Léon avait vécu jusqu’à ces événements, il aurait montré sa vraie mesure. Mais il ne les a pas atteints. Notre Léon n’est plus, notre enfant, notre fils et militant héroïque !

    Avec sa mère, qui fut pour lui l’être le plus proche en ce monde, nous vivons ces heures terribles, évoquant son image, trait pour trait, ne pouvant croire qu’il n’est plus, et pleurons car il n’est plus possible de ne pas le croire.

    Comment nous habituer à cette idée qu’est disparu, sur l’étendue terrestre, le lumineux point humain, qui nous fut lié par les fils indestructibles des souvenirs communs, de la compréhension mutuelle et d’un tendre attachement. Personne ne nous connaissait ni ne nous connaît comme lui, avec nos côtés forts et nos côtés faibles. II était une part, la part jeune de nous deux. Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune.

    Adieu, Léon ! Adieu, cher et incomparable ami ! Nous ne pensions pas, avec ta mère, nous ne nous attendions pas à ce que le sort nous chargeât de cette terrible tâche : écrire ta nécrologie. Nous vivions avec la ferme certitude que longtemps après nous encore, tu serais le continuateur de l’oeuvre commune. Mais nous n’avons pas su te protéger. Adieu Léon ! Nous léguons ta pure mémoire à la jeune génération ouvrière de ce monde. Tu auras droit de cité dans les oeuvres de ceux qui travaillent, souffrent et luttent pour un monde meilleur.

    JEUNESSE RÉVOLUTIONNAIRE DE TOUS LES PAYS, PRENDS NOUS LE SOUVENIR DE NOTRE LÉON, ADOPTE LE, IL LE MÉRITE ET QUE, DÉSORMAIS, IL PARTICIPE INVISIBLE A TES LUTTES, PUISQUE LE SORT LUI A REFUSÉ LE BONHEUR DE PRENDRE PART A LA VICTOIRE FINALE.

    LÉON TROTSKY
    20 février 1938 – COYOACAN (Mexique)

    #Léon_Sédov #Léon_Trotsky #assassinat #Staline #stalinisme #jeunesse_révolutionnaire #révolution _sociale #procès_de_moscou

  • Greenwashing : manuel pour dépolluer le débat public et les cerveaux
    https://ricochets.cc/Greenwashing-manuel-pour-depolluer-le-debat-public-et-les-cerveaux.html

    Les autorités, les industriels et leurs amis ont toujours chercher à édulcorer et taire les effets forcément néfastes du système industriel qui leur apporte la puissance et l’argent. Ainsi, le greenwashing est devenu un art, une méthode, une idéologie partout pratiquée. Ce livre démonte cette tromperie organisée pour qu’on continue à désirer et supporter la civilisation industrielle, pour qu’on ne puisse ni ne veuille en sortir. Démystifier le greenwashing permet de sortir de la prison mentale de la (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle, #Le_monde_de_L'Economie, #Technologie

  • Les Cahiers de Verkhnéouralsk - Écrits de militants trotskystes soviétiques 1930-1933 (Lutte de Classe n°222 - 13 février 2022)

    Des textes émanant de trotskystes soviétiques du début des années 1930 parus aux éditions Les Bons Caractères.

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2022/02/20/les-cahiers-de-verkhneouralsk-ecrits-de-militants-trotskyste

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/les-cahiers-de-verkhneouralsk

    C’est du fond d’une des plus sinistres prisons russes des années 1930, située au sud de l’Oural, que le hasard de travaux dans une cellule a permis de découvrir une profusion de journaux et écrits clandestins de membres de l’Opposition de gauche que Staline y avait fait enfermer.

    Nous publions huit de ces textes, la plupart traduits pour la première fois. De leurs auteurs, on ne connaissait parfois que le nom, et encore, tant la dictature stalinienne a voulu effacer jusqu’à la mémoire des militants qui restèrent fidèles aux idéaux d’Octobre 1917. Ils combattaient avec Trotsky la #dégénérescence du premier État issu d’une révolution ouvrière victorieuse. Ce que la dictature stalinienne ne pouvait tolérer. Car l’activité et l’existence même de ces milliers de #bolcheviks-léninistes représentaient une dénonciation vivante du stalinisme, de ce régime défenseur d’une #bureaucratie parasitaire qui écrasait la classe_ouvrière, qui trahissait les intérêts de la révolution socialiste #mondiale et qui donnait une image dévoyée et sanglante du communisme. Face à cette monstrueuse régression, il n’y eut alors que ces militants pour défendre les traditions de luttes et les idéaux du mouvement ouvrier. Jusqu’à ce que #Staline, qui n’avait pu en venir à bout, les fasse exécuter en masse dans ses camps en 1937.

    #stalinisme #Opposition_de_gauche #trotskisme #militants_trotskistes #révolution_russe

    • Face à ce que #Victor_Serge appela «  minuit dans le siècle  », ils tinrent bon. On voit dans leurs écrits leur lucidité quant à l’ampleur du reflux de la #révolution, et leur conviction que, quel que fût leur sort – et ils n’avaient pas d’illusions sur ce que le #stalinisme leur réservait –, il importait avant tout de préserver un héritage, de maintenir un drapeau  : ceux du #communisme_révolutionnaire et de l’#internationalisme, pour qu’ils puissent servir de guide aux générations futures de combattants de la cause ouvrière. Car même face à cette avalanche de trahisons, de défections et de défaites provoquées par le stalinisme et la #social-démocratie, ils avaient la certitude que tôt ou tard sonnerait l’heure de la «  lutte finale  ».

      Leur conviction inébranlable que la #classe_ouvrière a la capacité de transformer la société et que l’avenir appartient au #communisme, leur dévouement à la cause de la #révolution_mondiale, se lisent à chaque ligne des Cahiers. À huit décennies de distance, ce qu’ils nous lèguent là s’adresse tout particulièrement aux jeunes générations militantes, pourvu qu’elles prennent conscience que le système capitalisme, avec ses crises, ses guerres et ses horreurs, ne mérite qu’une chose  : être définitivement relégué au rayon de ce qui aura précédé l’avènement d’une humanité libérée de toute oppression et enfin digne d’elle-même.

    • Un autre livre sur Verkheouralsk :

      Verkhne-Ouralsk, l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération , d’AVSHALOM BELLAÏCHE

      A propos des #trotskystes de Verkhne-Ouralsk, ce papier de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/a-propos-des-trotskystes-de-verkhne-ouralsk

      En janvier 2018 des ouvriers du bâtiment travaillant dans une vieille prison de la petite ville de #Verkhneouralsk, près de la ville de Tcheliabinsk, ont découvert sous le parquet d’une cellule des publications artisanales rédigées par des trotskystes déportés en 1929-1930. Ces déportés se désignent du nom de bolcheviks-léninistes pour souligner leur continuité avec l’héritage d’octobre 1917 dont #Lénine a été le véritable inspirateur. La #bureaucratie stalinienne ne pourra évidemment reproduire cette désignation et lui substitue le nom de « #trotskystes », qui vise à suggérer une filiation extérieure , puis étrangère à Lénine, et, au fil des années, en fait le synonyme de #menchéviks, contre-révolutionnaires, agents des services secrets divers et variés, puis fascistes et hitlériens mal déguisés. Mais le qualificatif de « trotskyste », malgré ses origines pour le moins malveillantes, est entré dans les moeurs.

      A quelques mois de distance sont parus deux ouvrages portant sur ces documents qui avaient échappé à la surveillance de la police politique de Staline, l’un écrit par Avshalom Bellaïche sous le titre Verkhne-Ouralsk l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération. L’autre intitulé Les cahiers de Verkhneouralsk, traduit, présenté et annoté par Pierre Laffitte, Pierre Matttei et Lena Razina, publié par Les bons caractères.

      Ce petit article porte sur le livre de Bellaïche un second sur celui des bons caractères suivra.

      #Avshalom_Bellaïche précise d’emblée que les textes dénichés par les ouvriers du bâtiment sont « des écrits politiques, des analyses théoriques et des textes polémiques »,qu’il qualifie à bon droit de « sources exceptionnelles, originales et précieuses » sur les trotskystes en URSS, sur leurs réflexions et leurs débats politiques, parfois très vifs mais qui témoignent toujours d’une indépendance de pensée remarquable au moment même où en URSS les slogans les plus primitifs et les mensonges les plus grossiers commencent à remplacer toute forme de pensée politique. Avshalom Bellaïche retrace minutieusement l’histoire de l’isolateur de #Verkhne-Ouralsk, connue jusqu’alors surtout par le récit qu’en donne dans son Au pays du mensonge déconcertant l’opposant yougoslave Anton Ciliga qui y fut déporté.

      Bellaïche souligne que son travail vise à « décrire au maximum les conditions de vie des prisonniers (…) et à montrer comment les prisonniers par leur organisation et leur cohésion politique parviennent alors que l’Union soviétique s’enfonce dans le régime totalitaire (…) à maintenir un rapport de force favorable qui leur permet de défendre leurs libertés politiques. » Il évoque à la fois leurs longues discussions et leurs actions comme la grève de la faim d’avril 1931 qui contraint la direction de l’isolateur à faire quelques concessions aux détenus consignées dans un texte que Bellaïche reproduit .

      La cohésion morale des détenus trotskystes n’empêche pas l’apparition rapide de divisions politiques, parfois vives, face à ce que l’on a appelé « le tournant à gauche » de Staline et de l’appareil du PC avec le lancement en 1929 du plan quinquennal et le déclenchement de la collectivisation agricole avec des méthodes d’une extrême brutalité, qui vont dresser contre elle une grande partie de la paysannerie soviétique, méthodes dont les militants internés n’avaient au début qu’une connaissance réduite.

      Une minorité approuve cette collectivisation, l’un de ses membres s’affirmant même partisan d’une « collectivisation à outrance », que la majorité des B-L critiquent vu l’absence de base matérielle technique et de véritable campagne politique préparatoire.

      Ce qu’on connaissait des débats vifs qui agitent la colonie des bolcheviks-léninistes, la plus importante et de loin des groupements politiques déportés à Verkhne-Ouralsk, se limitait jusqu’alors essentiellement à une correspondance avec Trotsky publiée dans le numéro 7/8 (1981) des Cahiers Leon Trotsky dont les derniers textes datent de l’automne 1930 et ce qu’en dit Ciliga dans ses souvenirs. Sur ce dernier Avshalom Bellaïche affirme : « Anton Ciliga escamote complètement l’état réel des discussions qui ont traversé les bolchevils-léninistes. » Et il ajoute, à bon droit, « Grâce à la découverte des manuscrits qui datent de 1932 nous connaissons enfin les enjeux et les débats qui ont réellement opposé les différentes tendances au sein du collectif bolchevik-léniniste ». Certes son étude minutieuse et précise des documents disponibles corrige certaines affirmations de Ciliga ou comble certains de ses silences. Mais Ciliga est partie prenante de ces débats dans lesquels il est très engagé et dont il n’est pas surprenant qu’il en donne une vision partiale et orientée, d’autant qu’à leur terme il rompra avec le bolchevisme… et – après la publication de ses souvenirs – évoluera très à droite.

      Les longues pages qu’Avshalom Bellaïche consacre aux débats internes des bolcheviks–léninistes aux divergences puis aux divisions – parfois provisoires – que ces débats font apparaitre sont sans doute les plus riches et les plus passionnantes de son travail. Elles témoignent de la volonté acharnée de ces militants isolés de réfléchir avec leur tête. Certes ils accordent une grande attention aux lettres et textes de Trotsky qu’ils peuvent recevoir – de façon très épisodique après l’automne 1930 – mais ils ne se contentent nullement de les répéter ou de les paraphraser et peuvent les critiquer. Au début ces débats portent sur l’appréciation du prétendu « tournant à gauche » que représenterait la collectivisation forcée et donc sur l’attitude à adopter à son égard. Elles se concluront par un débat sur la nature de l’URSS.

      Les résumer aboutirait à les caricaturer. Ainsi évoquer un « collectif majoritaire », qui publie son bulletin, puis un « collectif minoritaire » qui publie aussi le sien, bientôt flanqués d’une aile gauche critique qui compose son Bolchevik militant, avant l’apparition dans le collectif majoritaire d’une aile droite désignée par les initiales de ses trois représentants (MBM) en résumant en trois lignes la position de chaque courant rappellerait assez stupidement la vieille plaisanterie sur les trotskystes qui scissionnent dès qu’ils atteignent ou dépassent le nombre de trois.

      Or pour quiconque a une autre vision de l’histoire complexe de l’Union soviétique que la vision linéaire des historiens bourgeois qui dessinent une ligne droite imaginaire du prétendu coup de force( ou d’état) d’octobre 1917 au totalitarisme stalinien, les problèmes posés par la première révolution ouvrière victorieuse au sein d’une défaite de la révolution mondiale, surtout européenne, étaient d’une extrême complexité. Et les discussions et les débats qu’évoque Avshalom Bellaïche avec une grande clarté, une grande minutie et – je me répète – avec une tout aussi grande précision frappent par la volonté acharnée de comprendre qui anime leurs participants. Volonté d’autant plus étonnante que les possibilités d’agir ne peuvent que leur apparaitre lointaines. L’appareil policier du stalinisme, lui en revanche n’en est pas persuadé, les juge bien dangereux et les massacrera tous en 1937 et 1938 à Vorkouta et à Magadan . Ce massacre, raconté par plusieurs témoins qui ont survécu, conclut ou presque le récit d’Avshalom Bellaïche.

      Ces militants pensent avec leur tête. Ainsi Bellaïche signale les désaccords de certains d’entre eux avec plusieurs points du texte de Trotsky intitulé Les problèmes du développement de l’URSS (projet de plateforme de l’Opposition de gauche internationale sur la question russe paru dans le n° 20 du Bulletin de l’Opposition d’avril 1931) dans lequel il affirme : « La réalisation du plan quinquennal représente un pas en avant gigantesque en comparaison de l’héritage misérable que le prolétariat avait arraché des mains des exploiteurs » (Bulletin de l’Opposition n° 20, page 3).

      En 1932 Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk – et d’ailleurs – ont toujours la perspective de réformer le parti dirigeant et l’Internationale communiste même si les premières interrogations apparaissent ici et là. Ainsi Axel Bellaïche cite-t-il un article de décembre 1932 du Collectif majoritaire dont les auteurs affirment : « Il n’y a pas de doute qu’en comparaison avec le volume colossal des tâches à réaliser par l’Opposition léniniste ses forces sont pour le moment insignifiantes. » Avshalom Bellaïche ajoute : « Les tâches et les perspectives qu’ils [les bolcheviks-léni,nistes] donnent sont proportionnées aux nécessités de la politique générale et non à leur capacité réelle d’influencer ou de modifier cette même situation. »

      Le moment décisif dans ces discussions passionnées est celui qu’Axel Bellaïche appelle « le rubicon » c’est-à-dire le passage d’une vision du clan de Staline comme direction bureaucratique « centriste » du parti communiste à la conception d’une bureaucratie parasitaire qui doit être renversée par la mobilisation des masses, seul moyen de défendre durablement la propriété d’Etat, passage transitoire obligé vers la « propriété sociale » qui pour se réaliser, en suppose … en même temps la négation ! C’est la « révolution politique », que les détenus bolcheviks-léninistes esquissent dès décembre 1932 lorsqu’ils évoquent la grève générale et l’armement du prolétariat comme des slogans pour l’action de masse. « Certes, commente Avshalom Bellaïche, l’emploi de la violence reste conditionné, mais on est très loin du mécontentement limité au cadre soviétique de 1930. »

      Quelques mois plus tard chacun de son côté, Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk, tirent sans pouvoir se consulter, les mêmes conclusions de la politique stalinienne en Allemagne qui a ouvert la voie du pouvoir aux nazis et que Trotsky qualifie de « 4 août du #stalinisme », bref une trahison de la révolution similaire à celle de la social-démocratie en 1914. C’est le développement commun d’une analyse marxiste de fond commune. « Que ce soit à Prinkipo ou à Verkhne-Ouralsk, souligne Avshalom Bellaïche, les conclusions politiques de cette analyse sont formulées quelques mois plus tard à l’automne 1933 : le Parti communiste est mort, l’Internationale communiste est morte, la fondation d’une nouvelle Internationale révolutionnaire et la révolution politique qui renverserait le parti stalinien soviétique par l’insurrection armée des masses ouvrières sont désormais nécessaires. Sur la base de cette perspective nouvelle (…) les bolcheviks-léninistes de Verkhnéouralsk se réunifient à la veille de la seconde grève de décembre 1933 qui arrachera dans la douleur la libération de la majorité des militants révolutionnaires de l’#isolateur politique de Verkheouralsk. »

      Les détenus de Verkhne-Ouralsk ne pourront jamais lire une ligne de #la_Révolution_trahie achevée par Trosky en juin 1936. Mais si l’on juge par leurs écrits abondamment cités dans l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, ils en auraient sans aucun doute repris à leur compte les conclusions fondamentales.

      Avshalom Bellaïche signale aussi les positions des autres groupes d’opposants internés à Verkhne Ouralsk (les décistes – ou centralistes-démocratiques – de #Vladimir_Smirnov, eux aussi divisés entre ceux qui voient en URSS le triomphe du capitalisme dEtat et ceux qui y perçoivent la victoire politique de la petite-bourgeoisie, les miasnikoviens, les menchéviks).

      Il évoque en détail de nombreux militants bolcheviks-léninistes dont les plus importants, #Iakovine, #Solntsev, #Dilgenstedt, #Nevelson, #Boris_Eltsine et ses deux frères, #Poznansky, ancien secrétaire de Trotsky, #Guevorkian, tous liquidés plus tard, et #Starosselsky, le spécialiste de la Révolution française, mort en 1934. Ils sont tous massacrés parce que, pour Staline, si isolés soient-ils apparemment, ils ne sont pas des rêveurs utopiques mais un danger mortel .

      La preuve en est donnée par des manifestations de révolte contre la clique stalinienne collectées par le #NKVD au moment même où ces militants sont massacrés. Ainsi le fils du premier secrétaire du PC d’Ouzbeskitan Ikramov, condamné à mort lors du 3 ème procès de Moscou de mars 1938, envoyé lui à la #Loubianka, y rencontre brièvement un garçon de 14 ans interné pour avoir participé à la constitution à Oulianovsk d’un Parti panrusse contre Staline, sans aucun doute minuscule mais significatif d’un état d’esprit reflété à la veille de la manifestation du 1er mai 1938 à Moscou par des fondateurs d’un #Parti_ouvrier antifasciste qui avaient rédigé un tract antistalinien virulent qu’ils se préparaient à y distribuer, mais qui furent arrêtés la veille.[1]

      Pour interdire toute liaison entre cette protestation aux formes diffuses et les bolcheviks-léninistes, Staline a d’abord isolé ces derniers, les a calomniés, puis les a envoyés au Goulag pour les soumettre à la terreur exercée par les criminels de droit commun véritable lie sociale décomposée, image inversée de la bureaucratie parasitaire et les a finalement assassinés. On voit à quel point l’historien pro-stalinien Isaac Deutscher [2] se fourvoyait lorsque dans le troisième volume de son Trotsky il affirmait que ce dernier après son exil en 1929 aurait dû se contenter d’écrire des livres plutôt que d’animer une opposition de gauche que Deutscher traite avec mépris, et que l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, en lui rendant un bel hommage intelligent et argumenté, rappelle à la vie.

      Quelle conclusion ou quelle leçon peut-on tirer de la lecture du travail très riche d’Avshalom Bellaïche ? La première tentation peut être de souligner l’extraordinaire trempe morale de ces milliers d’hommes et de femmes qui se battent sans faiblir – sauf quelques inéluctables exceptions – dans des conditions où leur chances d’un quelconque succès sont microscopiques. Cette trempe morale est incontestable, mais on peut en trouver des exemples similaires chez les fanatiques religieux les plus bornés, dont ces #bolcheviks-léninistes se différencient radicalement par leur volonté farouche, amplement soulignée par Avshalom Bellaïche, d’analyser, de comprendre pour avoir éventuellement le moyen, si la possibilité – même infime – se présente, de transformer économiquement, socialement et politiquement, un monde dont le maintien en l’état est une menace pour l’humanité. A lire donc ! !

      [1] On voudra bien m’excuser (et puis tant pis si on ne m’en excuse pas !) de renvoyer à ce propos à mon livre Des gamins contre Staline où figurent nombre de données et de documents sur ces manifestations

      [2] Pro-stalinien … Deutscher, qualifié souvent d’historien trotskyste par la presse bourgeoise ? La preuve : Deutscher concluait sa biographie de Staline publiée en anglais en 1949 puis en français en 1951 par ces lignes : « Tel Cromwell il incarne la continuité de la révolution, à travers toutes ses phases et métamorphoses (…) comme Napoléon il avait construit son empire , mi-conservateur et mi-révolutionnaire et porté la révolution au-delà des frontières de son pays. La meilleure part de l’oeuvre de Staline durera certainement plus longtemps que lui (…) Afin de sauvegarder cette œuvre pour l’avenir et lui donner toute sa valeur, l’Histoire devra peut-être encore purifier et remodeler l’œuvre de Staline. » Il maintient cette conclusion dans sa nouvelle édition de 1960, quatre ans donc après le rapport de Khrouchtchev sur les « crimes de #Staline » au XX e congrès du PCUS.

      #trotskisme #trotskysme

  • Nous vivons dans un monde où rien n’est à la mesure de l’homme
    https://ricochets.cc/Nous-vivons-dans-un-monde-ou-rien-n-est-a-la-mesure-de-l-homme.html

    Petite note « pessimiste », ou disons plutôt réaliste, sur la situation dans la civilisation industrielle. Car pour agir, pour se révolter, il vaut mieux savoir vraiment où on en est. Déjà en 1934 Simone Weil nous éclairait avec sa lucidité sans far : Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale Nous vivons dans un monde où rien n’est à la mesure de l’homme Il est impossible de concevoir quoi que ce soit de plus contraire à cet idéal que la forme qu’a prise de nos jours la civilisation (...) #Les_Articles

    / #La_civilisation,_la_civilisation_industrielle

  • Complainte du colis de livres : “C’est pas écrit La Poste ici !”
    https://actualitte.com/article/109607/salons-festivals/complainte-du-colis-de-livres-c-est-pas-ecrit-la-poste-ici

    Depuis plusieurs années les éditeurs indépendants demandent la création d’un tarif postal préférentiel pour l’envoi de livres, selon le modèle du tarif existant Livres et Brochures. Mais ce dernier n’existera certainement jamais.

    https://seenthis.net/messages/985022
    #éditions_indépendantes #sévices_publiques #la_poste

  • La guerre des chiffres ça saoule. Au doigt mouillé il y avait, à Paris, vraiment beaucoup de monde : une partie du cortège était encore au point de départ quand l’autre arrivait au point d’arrivée, signe qu’il s’agissait d’une manif de grande ampleur. Pour mettre tout le monde d’accord il faut continuer. Grève générale !


    Brassard du jour.

  • Révélations Humanité. À la Poste, du travail au noir à grande échelle | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/social-eco/plateformes-numeriques/revelations-humanite-la-poste-du-travail-au-noir-grande-echelle-778154

    Nordene avait bien compris que ce n’était pas normal. Mais il se sentait « pris dans un système ». Ce quadragénaire a commencé à travailler avec l’application Stuart en 2016 pour livrer courses et colis avec sa voiture personnelle. Et là, consternation : « Je n’avais ni contrat, ni fiche de paie, ni factures. Rien ! », assure-t-il. Alors que le délibéré du procès de cette start-up pour travail dissimulé et prêt de main-d’œuvre illicite doit être rendu ce jeudi, plusieurs témoignages affirment que, au-delà des livreurs à vélo ou à pied, des milliers de coursiers motorisés auraient travaillé au noir durant plusieurs années.

    Comme des centaines d’autres chauffeurs, Nordene s’est fait « déconnecter » fin 2022, lorsque s’est tenu le procès de cette filiale de La Poste, en septembre, pour avoir utilisé des livreurs autoentrepreneurs et chauffeurs sous-traitants qui pouvaient relever du régime du salariat. Des peines de prison avec sursis et interdiction de gérer une entreprise ont été requises contre les cofondateurs de Stuart, Benjamin Chemla et Clément Benoît. Mais les faits, potentiellement très graves, que nous évoquons pourraient s’ajouter à la liste des griefs contre cette start-up, rachetée 23 millions d’euros en 2017 par Geopost, filiale à 100 % de La Poste.

    C’est ça le #désordre, non ? #loi_de_la_jungle

  • Réforme des retraites : la France promise au désordre des mouvements sociaux et des blocages
    https://www.lefigaro.fr/politique/la-france-promise-au-desordre-des-mouvements-sociaux-et-des-blocages-202301

    Je trouve que la photo du méchant bolchévique, quasiment le couteau entre les dents, c’est la cerise sur le gateau de cet article.

    #la_france_promise_au_désordre

  • LES DÉPUTÉS NE SONT PAS UN CLUB DE FOOT par Manon Aubry - médiapart

    Le pire scandale de corruption de l’histoire européenne ébranle le Parlement européen en impliquant le Qatar et des élus socialistes.
En négociant une résolution sur le Qatar, j’ai vu directement l’ingérence de l’émirat. Voici les coulisses d’une histoire qui n’a pas encore été racontée (1).
    600 000 euros retrouvés en liquide au domicile d’un ancien député,
    la vice-présidente du parlement européen arrêtée, plusieurs bureaux et logements de députés perquisitionnés… L’ampleur de ce scandale est inégalée !


    Mais il n’est pas surprenant au vu de ces derniers mois…
L’exploitation à mort des travailleurs migrants, de facto permise par le Qatar, est connue depuis longtemps. Mais en 2021, le Guardian en révèle l’ampleur liée à la Coupe du monde : plus de 6 500 ouvriers seraient morts sur les chantiers depuis 2011.
Dès lors, je demande à CHAQUE plénière mensuelle du Parlement l’adoption d’une résolution à ce sujet.
Elle me sera systématiquement refusée, notamment par le groupe socialiste (2) et la droite (PPE), malgré l’ampleur du scandale, les preuves innombrables et l’émotion générale.

    A l’ouverture de la Coupe du monde , je renouvelle ma demande en conférence des présidents, mais le groupe socialiste s’y oppose.
Je demande alors un vote public sur l’ajout de cette résolution à l’ordre du jour pour que chacun prenne ses responsabilités.

    A quelques exceptions, notamment des socialistes français, le groupe S&D s’y oppose, avec la droite et l’extrême droite ! Nous arrachons la victoire au vote, à 16 petites voix près et grâce à l’absence de nombreux députés de droite. Enfin, une résolution !
Tout va très vite. Les socialistes obtiennent la coordination des négociations sur le texte (alors qu’elle aurait dû nous revenir). Et l’ambassade du Qatar me contacte pour un rendez-vous que je décline. D’autres n’ont apparemment pas eu les mêmes scrupules…

    Chaque groupe drafte d’abord sa motion avant la motion commune.
Stupeur à la lecture de celle du groupe socialiste. Aucune condamnation du Qatar pour l’organisation d’un système d’exploitation à mort des travailleurs. Les éléments de langages du régime sont bien répétés.
La proposition de résolution ne tarit pas d’éloges sur les « efforts considérables » du Qatar en matière de droits humains et son “exemple” pour les pays du Golfe. Pourtant, les associations documentent l’absence de mise en œuvre des prétendues réformes sur le terrain. Sidérant.


    Alors que la résolution doit traiter de « la situation des droits de l’homme dans le contexte de la Coupe du Monde au Qatar » la proposition socialiste disgresse complètement pour faire l’éloge du Qatar par tous moyens. Que vient faire là l’Afghanistan ?

    Cerise sur le gâteau, la résolution salue le « partenariat stratégique » entre l’Union Européenne et le Qatar, en particulier pour l’approvisionnement en gaz naturel liquéfié. Bref pour les socialistes, tout est bon pour remercier le Qatar et fermer les yeux sur les violations des droits humains.

    Au passage, un partenariat lucratif pour Total qui a signé cet été avec le Qatar pour développer sur place la plus grande bombe climatique au monde. Le champ gazier North Field peut libérer l’équivalent de la moitié des émissions MONDIALES de 2019.
Venons-en aux négociations auxquelles je participe au nom de notre groupe “The Left in the European Parliament” (ndlr : “Le Groupe de Gauche”).

    Elles se déroulent à huis clos, une aubaine pour le groupe socialiste qui y défend le Qatar. Sidérée, je prends des notes de leur verbatim , ce que je ne fais jamais habituellement. Florilège :
 « Nous ne pouvons être sûr qu’il y ait eu 6500 morts l’enquête du Guardian n’est pas fiable ». « On ne peut pas parler de violations des droits humains mais de “problèmes” » … À noter que le rapporteur socialiste est systématiquement appuyé par le conseiller du groupe PPE (la droite).
    
Étrangement, j’arrive à obtenir des avancées dans le texte dès que cela ne concerne pas le Qatar. Un fond d’indemnisation pour les victimes abondé par la FIFA, c’est ok. Mais pas par le Qatar. Ni une condamnation explicite des violations.


    À la sortie des négociations, je suis tellement sidérée que je décide de raconter les négociations dans cette vidéo en posant cette question : le Qatar a-t-il infiltré le parlement européen ? Je ne croyais pas si bien dire…
Résultat : le texte est truffé de « félicite le Qatar » _ (étonnant pour un texte censé condamner les violations des droits humains…).
Je décide de ne pas le signer et de déposer une quarantaine d’amendements pour que la responsabilité du Qatar soit clairement établie.
    Sans surprise, les socialistes (avec des exceptions, dont nos collègues français) aux côtés de la droite vont voter contre l’ensemble de mes amendements visant le Qatar, et empêcher leur adoption.

    Petite sélection : 
Mon amendement qui condamne clairement le Qatar pour son échec dans la protection des droits humains des travailleurs migrants. Rejeté à 29 voix près.
Mon amendement qui souligne que les violations généralisées des droits humains continuent et demande au Qatar d’y mettre un terme. Rejeté à 37 voix près.
Mon amendement qui retient la responsabilité du Qatar, de la FIFA et des entreprises pour la catastrophe climatique et environnementale que constitue cette Coupe du monde. Là aussi, alliance des socialistes et de la droite. Rejeté.
Ou encore mon amendement qui pointe l’indécence du Qatar qui ne reconnaît que 37 morts sur les chantiers de la Coupe du monde quand les enquêtes montrent que des milliers ont perdu la vie. Rejeté à 16 voix près.

    On notera au passage l’opposition de la droite et de l’extrême droite à ces propositions. On sait d’ailleurs qu’un assistant parlementaire de la droite est visé par l’enquête en cours. Mais corruption ou pas, on peut compter sur eux pour tolérer l’exploitation des travailleurs !
Mais les effets délétères de la corruption ont été évidents.
L’argent qatari a acheté la complaisance du Parlement européen.
Nous demandons donc à ce que cette résolution soit de nouveau mise aux voix et que nos propositions soient examinées sans ingérence étrangère !

    Il serait également utile de se pencher sur les liens entre le Qatar et l’ensemble des membres des institutions européennes. Par exemple, le commissaire européen de droite grec Margaritis Schinas a lui aussi multiplié les rendez-vous et les éloges de l’émirat…

    Dans l’immédiat, au nom du groupe The Left in the European Parliament, je demande également :


    – un débat à la session plénière lundi ;
– la démission de la vice-présidente Eva Kaili de ses fonctions et la nomination d’une vice-présidence à la lutte contre la corruption ;
– une commission d’enquête interne au Parlement.

    Mais ce que cette affaire démontre, c’est la nécessité de faire le ménage dans les institutions européennes et de considérablement renforcer les règles éthiques comme nous le demandons depuis le début du mandat :
    – La création d’une autorité éthique indépendante européenne ;
– La révision des règles éthiques des institutions ;
– Le renforcement du registre de transparence & son caractère contraignant ;
– La révision des règles d’accès d’anciens membres du Parlement à l’institution ;
– La traçabilité des processus législatifs et des activités parlementaires.

    Le combat pour l’éthique en politique et contre les lobbys est une des raisons pour lesquelles je me suis engagée.
On n’achète pas des députés comme on achète des clubs de foot ! Nous continuerons cette bataille à tous les niveaux des institutions !

    Comme le disait Robespierre : « Je suis fait pour combattre le crime, non pour le gouverner. Le temps n’est point arrivé où les hommes de biens peuvent servir impunément la patrie. Les défenseurs de la liberté ne seront que des proscrits, tant que la horde des fripons dominera. »

    Manon Aubry * (eurodéputée LFI / “The Left”)
    (1) Ce témoignage est paru sur le Blog perso de Manon Aubry dans le Club de Médiapart sous le titre “Corruption du Qatar au Parlement européen : NOTRE DÉMOCRATIE N’EST PAS À VENDRE”.

    (2) Manon Aubry évoque indifféremment dans son texte “les socialistes”, “le groupe socialiste”. Il s’agit en fait du “Groupe S & D” (“Socialistes et Démocrates).

    #ue #union_européenne #corruption #parlement_européen #migrants # institutions_européennes #commissaire_européen #lobbys #Manon_Aubry