PROJET
DÉFENSE
D’APPRENDRE A LIRE AUX FEMMES ;
Par S*M*
AUX CHEFS DE MAISON,
AUX PERES DE FAMILLE,
ET AUX MARIS.
Qui plus que vous doit sentir
la nécessité et l’urgence de la Loi
dont le Projet vous est adrcssé
et soumis à votre prudence ? Les
bons ménages deviennent rares ;
et c’est vous, les premiers, qui
porte/ la peine des préjugés et
des abus qui ont envahi l’édu-
cation des femmes.
Vous tiendrez donc la main
à ce Règlement ; il vous intéresse
plus peut-être encore que les
femmes qui en sont l’objet prin-
cipal.
Les puissances mâles et fc-
melles du Bas -Empire de la
Littérature vont s’agiter à la
promulgation de la présente Loi.
On prononcera malédiction sur
le Législateur indiscret et témé-
raire. Déjà en butte aux prêtres,
comment n’a-t-il pas craint de
leur donner les femmes de let-
tres pour auxiliaires ? La coali-
tion des femmes dé lettres et-des
prêtres est une rude chose
mais que pourra-tdîe si les bons
esprits, si les tètes saines oppo-
sent leur égide, et placent cette
Loi sous lebouclier de la raison ?
Les bonnes mères de famille,
les excellentes femmes de mé-
nage, les épouses sensibles, les
jeunes filles naïves et toutes
naturelles, vengées enfin du,
méprisant abandon où on les
reléguait sauront peut être
quelque gré au Rédacteur de
cette Loi, et rendront justice à
la pureté de ses intentions.
iv
Nous ne sommes point dupes
(s’écrieront quelques flatteurs
des femmes) Vies ménagement
qu’on prend ici pour faire en-
tendre que les deux sexes ne
doivent pas être rangés précisé-
ment sur la même ligne dans
la grande échelle des êtres et
qu’il faut placer un sexe au-des-
sous de l’autre.
Il faut répondre:ce n’est point
là du tout la pensée du Légis-
lateur des femmes.JDans le plan
qu’il s’est tracé de la nature, il
n’y a pas un. seul être inférieur
v
à un autre. Toutes les produc-
tions sorties de ses mains sont
autant de chef,-d’oeuvres ; et par-
mi une infinité de chef-d’oeuvres,
il seroit absurde d’établir ou de
supposer des préférences.
Les deux sexes sont parfaité-
nfen égaux ; c’est-à-dirc, aussi
parfaits l’un que l’autre, dans ce
qui les constitue. Rien dans la
nature n’est comparable à un
bel homme, qu’une belle femme.
Ajoutons pour finir il n’y a
rien de plus lâid au monde qu’un
homme singeant la femme si
ce n’cst une femme singeant
l’homme.
Ce Projet de Loi ne pouvait
paraître plus à propos qu’au
moment où l’on s’occupe de l’or-
ganisa tion définitive des études.-
Vous remarquerez que dans
son rapport, si estimable, sur
l’Instruction publique Chaptal
garde le pl.us profond silence tou-
chant lcs femmes ; il ne leur sup-
pose aucunement la nécessité
d’apprendre à lire, à écrire, etc.
Par logerait-il l’opinion que lèur
*lj
esprit naturel n’a pas besoin
de culture ?
Nota. Celles d’entre les femmes qui
prendront a, coeur ce projet de Lôi,
pourrons se permettre les réclama’
tions et sont invitées à les adresser
au Rédacteur : il s’empressera d’y faire
droit, autant que possible.
Mais il prévient qu’il ne répondra
aux injures que par son silence ac-
coutumé des injures ne sont point
des raisons.
AUX FEMMES.
Si l’on vous interdit l’arbre delà science,
Conservez sans regret totre douce ignorance,
Gardienne des vertus, et ihèred£« plaisirs ;
PROJET
LOI,
lire
aux Femmes.
MOTIFS DE LA LOI.
Ço n sidérant ;
i°i \£vt l’amour honnête le chaste hymen
la tendresse maternelle la piété filiale la
reconnaissance des bienfaits etc., sont
antérieurs à l’invention de l’alphabet et de
l’écriture, et à l’étude des langues ; ont sub-
sistc, et peuvent encore subsister sans eUes.
Considérant :
2°. Les incoûvcnicns graves qui résultent
pour les deux sexes, de ce que les femmes
tachent lire.
Considérant
5°. Qu’apprendre à lire aux femmes est
un hors-d’oeuvre nuisible à leur éducation
naturelle c’est un Itixc dont l’effet fut
presque toujours l’altération et la ruine des
moeurs.
Considérant :
Que cette fleur d’innocence qui ca-
ractérise une vierge, commence à perdre
de son velouté, de sa fraîcheur du moment
que l’art et la science y touchent du mo-
ment qu’un maître en approche. La pre-
mière leçon que reçoit une jeune fille est
(3)
le premier pas qu’on l’oblige à faire pour
s’éloigner de la nature.
Considérant :
5°. Que l’intention de la bonne et sage
nature a été que les femmes exclusivement
occupées des soins domestiques, s’honore-
raient de tenir dans leurs mains non pas
un livre ou une plume, mais bien une
quenouille ou uu fuseau.
Consi dérant :
Combien une femme qui lie sait pas
lire est réservée dans ses propos, pudibonde
dans ses manières parcimonieuse en pa-
roles, timide et modeste hors de chez elle,
égale et indulgente. Combien au coti-
traire, celle clui sait lire et écrire a de
penchant a la médisance à l’amour propre,
au dédain de tous ceux et de toutes celles
qui en saveut un peu moins.
Considérant :
Combien il est dangereux de cultiver
l’esprit des femmes, d’après la Réflexion
morale de la Rochefoucaull qui les con-
ttaissait si bicn « L’esprit de la plupart
des femmes sert plus à fortifier leur folie
U que leur raison. »
Considérant :
Que la nature elle-même, en pour-
voyant les femmes d’une prodigieuse apti-
tude harler semble avoir voulu leur
épargner le soin d’apprendre à lire il
écrire.
CONSIDÉRANT :
9°. Que le joli habil des femmes dédom-
magera avec usure de l’absence de leur style.
Considérant :
io°. « Que chaque sexe a son rôle. Celui
(5)
de l’homme étant d’instruire etde protéger,
suppose une organisation forte dans toutes
ses parties. Le rôle de la femme doit être
bien moins prononcé. Douceur et sensibi-
» lité en sont les deux principaux caractères.
Tous ses droits, tous ses devoirs tous ses
» talens se bornent là et ce lot vaut peut-
» être bien l’autre. »
(Galerie des Femmes célèbres, in-f.)
Considéra ni :
ii°. « Que la société civile, dans la distri-
» bution de ses rôles, n’en a donné qu’un
» passif aux femmes. Leur empire a pour
» limites le seuil de la maison paternelle ou
maritale. C’est là qu’elles rôgnenl véritable-
ment. C’est là que par leurs soins journa-
» liers elles dédommagent les hommes des
travaux et des peines qu’ils endurent hors
» de leurs foyers. Compagnes tendres et son-
)1 ’mises, les femmes ne doivent prendre
....