n’est pas idolâtre pour un rond, vous savez, elle est certes une contemplative dans l’âme mais l’admiration est une notion qui lui reste parfaitement étrangère. Par exemple, elle serait incapable de donner un seul nom si on lui demandait quel·le est son acteurice contemporain·e favori·te — parmi celleux de son époque à elle elle aurait éventuellement désigné Arletty mais parmi celleux d’aujourd’hui elle ne sait pas, elle n’en connaît pas beaucoup, elle n’est pas très cinéphile.
Chez les jeunettes il y en a cependant une qu’elle remarque et dont le jeu la fascine à chaque fois qu’elle l’aperçoit, c’est Kiberlain — on ne peut nier qu’elle a un truc, Kiberlain, une tension silencieuse, quelque chose comme ça. La meuf vous la plantez toute seule immobile au milieu d’un décor vide, et même sans prononcer un seul mot elle fait tout passer, on dirait qu’elle va imploser. On pourrait s’agacer de ce qu’elle a toujours l’air au bord des larmes et ne se départ jamais de son regard de cocker, chez n’importe qui ce serait insupportable mais pas chez elle : elle est fondamentalement une comédienne de la retenue, sans rien faire elle rend les non-dits extrêmement lisibles et chope la lumière.
Voilà. C’est rare, hein, que dans un dazibao la vieille Garreau ne dise pas du mal de quelqu’un·e ? Rassurez-vous, ça n’arrivera plus, là c’est juste parce qu’elle a regardé hier soir « Mademoiselle Chambon » (sur Arte, on ne précise plus) et que si l’on ne décroche pas une seule seconde de ce film pas très révolutionnaire dans lequel il ne se passe pas grand-chose c’est uniquement parce que cette actrice le porte à bouts de bras. Quasiment sans un geste. Juste en étant là, avec sa silhouette dégingandée et sa mine de vase en porcelaine qui va tomber de l’étagère d’un instant à l’autre.
Alors, son acteurice contemporain·e préféré·e ? Elle ne sait toujours pas mais peut-être qu’elle commence à avoir une petite idée.