Près de 1 000 personnes sont arrivées en 24 heures dans l’archipel espagnol entre dimanche matin et lundi matin. Les îles des Canaries peinent à faire face à cet afflux inédit qui contraint des centaines de migrants à dormir au port, à même le sol, faute de places d’hébergement suffisantes.
Ce fut un week-end de nouveau surchargé sur les îles Canaries avec l’arrivée, dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 octobre, de 357 personnes, dont 11 enfants. Durant la journée de dimanche, plusieurs centaines de débarquements de migrants avaient déjà eu lieu dans l’archipel espagnol. Les autorités ont secouru ce jour-là sept bateaux de 609 exilés dont les embarcations ont atteint les #îles de #Lanzarote, #Fuerteventura, #El_Hierro et #Tenerife.
La dernière opération a eu lieu dans le port de Los Cristianos, à Tenerife, où sont arrivés les 71 occupants d’une pirogue située à 13 kilomètres de l’île. Parmi les passagers de ce bateau figurent 12 femmes, neuf mineurs et deux bébés, selon la presse locale.
En une journée, près de 1 000 personnes ont donc été débarquées.
▻https://twitter.com/EFE_Canarias/status/1711293907776983305
Deux jours plus tôt, vendredi, les garde-côtes espagnols avaient porté assistance à au moins 908 migrants subsahariens, dont des femmes et des enfants, en une journée. Selon les secours maritimes, cinq embarcations avec 526 personnes à bord ont été prises en charge sur l’île d’El Hierro, la plus à l’ouest des Canaries. Trois autres bateaux ont été conduits vers l’île de Grande Canarie et deux autres sur celle de Tenerife.
Les débarquements sont en forte hausse sur ce territoire. Sur la petite île d’El Hierro qui compte 11 000 habitants, plus de 1 200 migrants sont arrivés dans la semaine.
Structures d’accueil saturées
Face à un tel afflux, les autorités et les ONG sont dépassées. Dans la nuit de vendredi à samedi, environ 200 exilés ont été obligés de dormir à même le sol, dans le port de Los Cristianos, à Tenerife, faute de places dans les structures d’hébergement.
De telles scènes rappellent celles observées à la fin de l’année 2020, au port d’Arguineguin sur l’île de Grande Canarie. Pendant plusieurs mois, des milliers de migrants nouvellement arrivés aux Canaries étaient retenus durant des jours dans des conditions précaires, sur la jetée surnommée « le camp de la honte ». Le port d’Arguineguin était même devenu le symbole de la mauvaise gestion des arrivées de migrants par les autorités espagnoles.
Ce mois d’octobre 2023, qui a vu une forte augmentation des débarquements, est qualifié de « sans précédent » par la presse espagnole, depuis 2020. Le président du gouvernement canarien, Fernando Clavijo, a appelé ce week-end Madrid à l’aide. « Nous sommes seuls. Absolument seuls face à cette crise humanitaire. Le silence du gouvernement espagnol face à cette situation est absolument incompréhensible », a dénoncé Fernando Clavijo. « Pendant que l’État attend dans les bureaux de Madrid pour agir aux îles Canaries ’quand cela sera jugé nécessaire’, l’archipel assiste, impuissant, à des situations scandaleuses qui rappellent la jetée de la honte d’Arguineguín », a-t-il déclaré.
▻https://twitter.com/txemita/status/1710601892298948616
Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a quant à lui assuré que le gouvernement « dispose des moyens personnels et matériels pour faire face à l’arrivée de migrants irréguliers aux îles Canaries ». « Nous disposons de suffisamment [d’agents] pour remédier immédiatement à cette situation, que nous ne laissons pas dérailler », s’est défendu le ministre.
Des transferts des exilés vers d’autres îles de l’archipel ou vers le continent - déjà en cours depuis plusieurs jours - devraient s’accélérer dans les prochains jours pour soulager les Canaries.
Près de 15 000 arrivées depuis janvier
Depuis quelques années, la route migratoire vers ces îles espagnoles, via l’océan Atlantique, est particulièrement empruntée en raison du durcissement des contrôles en Méditerranée. Les départs se font depuis les côtes marocaines et sénégalaises principalement.
D’après les derniers chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, les Canaries ont vu arriver 14 976 migrants entre le 1er janvier et le 30 septembre, soit une hausse de près de 20 % par rapport à la même période de 2022.
Des ONG font régulièrement état de naufrages meurtriers - dont les bilans non officiels se chiffrent, selon elles, en dizaines, voire en centaines de morts - dans les eaux marocaines, espagnoles ou internationales.
Mercredi, les ambassadeurs des pays de l’Union européenne (UE) se sont mis d’accord sur un règlement clé de la réforme migratoire européenne, mettant en place un mécanisme de solidarité obligatoire entre États membres dans le cas où l’un d’entre eux est confronté à des arrivées « massives » de migrants, comme l’Italie l’a été récemment.
Depuis début 2023, 140 migrants sont morts ou ont disparu dans cette traversée, selon des données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) reçues début septembre. L’ONG espagnole Caminando Fronteras qui, à la différence de l’OIM, s’appuie sur des appels d’urgence avec les clandestins en mer ou leurs proches, estime que 778 exilés sont morts ou ont disparu sur cette route migratoire au premier semestre.