• Projet de #loi sur les #principes_républicains : le niveau des eaux continue de monter

    Il se passe quelque chose d’assez étrange en ce moment : si de nombreux·ses collègues et de nombreuses institutions se sont résolument élevé·es contre les attaques en « #islamo-gauchisme » et autres « #militantismes » lancées de toutes parts dans le sillage de #Frédérique_Vidal, les dispositions concernant les #universités qui ont été introduites dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République ne semblent, en revanche, pas émouvoir grand monde.

    Pourtant, nous avons désormais dépassé le seul stade des paroles odieuses sur les plateaux de télévision : le parlement travaille en ce moment à les transformer en #obligations et #interdictions concrètes.

    Peut-être cet intérêt tout relatif de la communauté universitaire s’explique-t-il par le fait que ce sont les étudiant·es qui se trouvent le plus frontalement visé·es. Peut-être est-ce aussi l’effet d’une grande fatigue : le caractère ininterrompu des #attaques contre l’ESR fait qu’il est de moins en moins pertinent de parler de « vagues » réactionnaires, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une implacable et continue montée des eaux aux émanations pestilentielles.

    Double discours de la #CPU

    Rien, pas une réaction de la #conférence_des_présidents_d’université (CPU), par exemple, à la suite des deux nouveaux articles introduits le 18 mars 2021 dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République, alors que c’est le versant étudiant des #franchises_universitaires qui se trouve remis en question par le parlement, comme nous l’avons déjà expliqué.

    Pire même, le président de la CPU, #Manuel_Tunon_de_Lara a fait le choix de mettre encore un peu d’huile sur le feu : le 16 mars dernier, il a écrit à tou·tes les membres de la commission des lois et membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat – dans une lettre qu’Academia s’est procurée, mais que la CPU s’est bien gardée de rendre publique – pour alimenter la grande peur panique en cours :

    « La vraie #menace [écrit Manuel Tunon de Lara] réside dans le risque d’#intrusion des #religions et d’#idéologies diverses dans la #science, le contenu des #enseignements ou des champs de #recherche, au mépris de la #liberté de chaque enseignant d’exprimer sa pensée et de la #liberté des étudiantes et étudiants inscrits d’assister aux enseignements dispensés, et en violation des franchises universitaires ».

    Il apparaît que c’est un véritable double discours que tient la CPU, quand on sait que deux jours plus tard, elle twittait publiquement toute autre chose de sa rencontre avec le président du Sénat, #Gérard_Larcher :

    https://twitter.com/CPUniversite/status/1372593687000125440

    https://twitter.com/mtunondelara/status/1374734620533608452

    Très introduit, le président Tunon de Lara n’hésite jamais à utiliser ses rencontres parlementaires pour sa communication personnelle1. Au vu des éléments dont nous disposons et du ciblage dont les étudiant·es font l’objet, tant d’un point de vue social que politique, on peu s’intérroger sur ce que prépare réellement la CPU à leur endroit.

    Que le nouvel #article_24 sexies du projet de loi confortant le respect des principes de la République subordonne la mise à disposition de locaux aux étudiant·es à la signature d’un « #contrat_d’engagement_républicain » – dont, pourtant, la Commission nationale consultative des droits de l’homme vient solennellement de demander l’abandon – cela ne pose aucun problème à la CPU. Faire des communiqués grandiloquents contre la ministre, elle sait faire. Défendre concrètement les libertés étudiantes – l’un des grands acquis de la #loi_Faure de 1968 – en revanche, elle s’en garde bien. Peut-être même est-elle directement à l’origine de l’autre article du projet de loi qui concerne les étudiant·es, l’#article_24_septies qui, lui, élargit de manière considérable les possibilités, pour les présidences d’établissement, de limiter la #liberté_de_réunion et la #liberté_d’expression des étudiant·es chaque fois qu’elles estiment être en présence d’ « actions de #propagande » et de « #troubles » au « bon fonctionnement du #service_public », comme Academia l’a déjà expliqué.

    Nouvelle vague d’#amendements au Sénat

    Il est désormais presque certain que ces deux articles seront adoptés lors de l’examen en hémicycle du projet de loi par le Sénat, qui commence demain, mardi 30 mars 2021, à 14h30 au Sénat et durera jusqu’au 8 avril.

    Pour cet examen en hémicycle, d’autres amendements ont en outre été déposés ces tout derniers jours. Ces amendements ont une chance moindre d’être adoptés, mais il nous paraît important de les signaler pour rappeler à quel point, au Parlement, les universités sont désormais visées de manière quasi ininterrompue.

    1° Bien sûr, comme plusieurs fois déjà ces trois derniers mois, des élus Républicains sont remontés au front pour faire interdire le port du #voile dans les établissements d’enseignement supérieur. C’est le cas de l’amendement n° 379 du sénateur #Henri_Leroy ou de l’amendement n° 35 du sénateur #Bascher – qui entend d’ailleurs interdire tous

    signes, tenues ou actes qui constitueraient des actes de pression, de provocation, de #prosélytisme ou de propagande, perturberaient le déroulement des activités d’enseignement de recherche ou troubleraient le fonctionnement normal du service public ».

    On signalera tout particulièrement l’amendement n° 487 du sénateur des Bouches-du-Rhône #Stéphane_Ravier, qui recourt allègrement au vocabulaire de l’#extrême_droite pour parler des « #racistes_anti-blancs de l’UNEF«  :

    À l’Université, des professeurs sont empêchés de citer des auteurs ou d’aborder certains thèmes sous la pression de groupes d’élèves. Le rôle des syndicats d’étudiants, les racistes anti-blancs de l’UNEF en tête, qui organisent ou participent à des évènements de ségrégation et de division, n’y est pas pour rien. Il convient donc de rétablir l’enseignement public dans sa vocation de #neutralité, de #laïcité et d’#universalité en interdisant les avancées communautaires, via le port de tenues ou de #signes_religieux ostensibles, au premier rang desquels le #voile_islamique est le plus conquérant.

    2° À côté de ces amendements sur les signes religieux, on trouve plusieurs offensives directement dirigées contre les associations étudiantes que le code de l’éducation désignent comme représentatives et qui, à ce titre, siègent au CNESER. Par un amendement n° 81, vingt-cinq sénateurs et sénatrices de droite se sont en particulier allié·s pour proposer que l’on inscrive dans la loi que ces associations « sont soumises au respect strict de l’ensemble des #valeurs de la République et de la laïcité ». Le retour, donc, des fameuses « valeurs de la République« , dans lesquelles on pourra tout mettre à l’avenir et qui avaient tant agité les #facs en novembre dernier lorsqu’elles avaient surgi dans la loi de programmation de la recherche…

    Le sénateur #Max_Brisson, par ailleurs inspecteur général de l’éducation nationale et plutôt mesuré jusqu’ici dès qu’il s’agissait d’ESR, fait mieux encore : dans un amendement n° 235, il propose rien moins que :

    « Ne peuvent participer aux élections d’associations représentatives d’étudiants les listes dont un ou plusieurs candidats ont tenu dans des lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la #souveraineté_nationale, de la #démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’#origine_ethnique ou l’#appartenance_religieuse. »

    3° Quant aux sénateurs et sénatrices socialistes, ils et elles ne veulent visiblement pas être en reste, proposant de subordonner le droit à la mise à disposition de locaux dont disposent les étudiant·es au titre des franchises universitaires depuis 1968 à la signature non d’un « #contrat_d’engagement_républicain » comme le prévoit le nouveau #article_24_sexies, mais, grande différence, à une « #charte_d’engagements_réciproques » par laquelle ces étudiant·es s’engageraient à « promouvoir et à faire respecter toutes les valeurs de la République » (amendement n° 109). « Contrat d’engagement républicain » ou « charte d’engagements réciproques », il existe sans doute des différences, mais le problème de principe demeure : voilà donc que l’exercice même d’une liberté – la liberté de réunion des étudiant·es qui est particulièrement protégée sur les campus grâce au versant étudiant des franchises universitaires – se trouvera subordonné à la signature d’un contrat imposant des obligations dont le contenu est, n’en doutons pas, appelé à augmenter tendanciellement.

    C’est bien le niveau des eaux pestilentielles qui monte.

    Encore et encore.

    https://academia.hypotheses.org/32007

  • Trouble dans le tango 1/2 - S’en remettre aux pas de l’homme
    http://jefklak.org/?p=2545

    Dans les cours de tango et les milongas1 du centre-ville de Buenos Aires, au moment de montrer aux femmes comment évoluer sur la piste, enseignants et danseurs leur expliquent qu’elles n’ont pas besoin de connaissances ou de compétences spécifiques : c’est l’homme qui se charge de tout. Quelle est donc la distribution des rôles et des savoirs dans la pratique du tango ? L’anthropologue María Julia Carozzi analyse les mécanismes de construction de l’ignorance des femmes dans les milieux tangueros. Source : Jef Klak

    • Je crois en la transgression possible des règles instituées, surtout dans le domaine artistique. Mais c’est vrai que ça doit être super intéressant en tant que spectateur ou en tant que danseur de voir la femme guider l’homme.
      Je pense que ce schéma d’autorité homme/femme va s’effriter petit à petit, et encore plus dans le domaine artistique.

      Finalement un cours de danse original, qui pourrait d’ailleurs se démarquer, est d’apprendre à guider et à être guider...

    • L’article d’après porte précisément sur le tango dit queer ou le guidage est alterné, et qui, nul hasard, est à donf’ à la mode :

      http://seenthis.net/messages/423395

      Une danseuse à qui j’ai fait lire le 1er article me disait que la grille de lecture qui y est appliquée l’emmerdait, que ça ne disait rien de sa pratique et du plaisir qu’elle y trouve, tout en ricanant sur les machos du tango (profs en particulier) dont elle se tient à distance (elle enseigne aussi).

      Le boa déconstructeur avale tout, mais ne crache guère de flammes.

    • @mad meg Le tango c’est stéréotypé, caricatural. Mais je crois pas qu’on pige bien ce qui se passe à penser principalement en termes d’aliénation. On peut essayer de chercher d’un autre côté. Du coup je me demande si ce n’est pas aussi en tant que pastiche de la domination masculine que cette activité est choisie par certain.e.s. Un jeu d’enfant à faire comme si ?

      Quoi qu’il en soit, dire que l’on « apprend rien » à pratiquer une activité physique me semble intenable. Et je ne parle pas là des rôles sociaux (le tango est pas quasi obligatoire comme les poupées).
      L’apprentissage ce n’est pas la vie de l’esprit à elle seule, pas l’aptitude à verbaliser comme vérification dans tous les cas.

      Pratiquer une activité physique, ça revient il me semble à expérimenter en première personne la question que Deleuze posait à partir de la lecture de Spinoza « que peut un corps ? », Ce qui me parait désirable.
      http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=137

      Le point de vue d’une éthique c’est : de quoi es-tu capable, qu’est-ce que tu peux ? D’où, retour à cette espèce de cri de Spinoza : qu’est-ce que peut un corps ? On ne sait jamais d’avance ce que peut un corps. On ne sait jamais comment s’organisent et comment les modes d’existence sont enveloppés dans quelqu’un. Spinoza explique très bien tel ou tel corps, ce n’est jamais un corps quelconque, c’est qu’est-ce que tu peux, toi. Mon hypothèse, c’est que le discours de l’éthique a deux caractères : elle nous dit que les étants ont une distinction quantitative de plus et de moins, et d’autre part, elle nous dit aussi que les modes d’existence ont une polarité qualitative, (...).

      #naïveté #légèreté

    • #pastiche_mon_cul
      Paris mois de juin, je pars avec trois amis, dont un couple, faire une ballade sur les bords de Seine. Il y a beaucoup de bars sur le chemin. Nous arrivons sur une aire, des gradins de pierre en demi-cercle, l’endroit est bondé, c’est une soirée tango. Des lampions, la musique, les danseurs tourbillonnent, j’ai envie de vomir.
      Le couple, évidement, descend dans l’arène, commence à danser, mon pote flotte un peu et se tient assez loin de toute posture académique. L’organisateur de la soirée, un métis d’une cinquantaine d’année (pour les sud américains peut on dire mulâtre ou c’est péjoratif ? Je pense à mulet), les rejoint, il leur dit que leur trémoussement n’a pas grand chose à voir avec la discipline et leur demande de quitter la piste. il demande assez lourdement je dois dire. Elle, rejoint sa copine sur les gradins. Lui, reste planté au milieu de la piste avec son incompréhension. Je descend le rejoindre, je le prend par la main et nous commençons à danser. Le temps d’exécuter trois pas et de mettre mon pote à l’horizontale, l’organisateur fait couper la musique et revient vers nous. Je ne me souviens plus exactement de ce que nous avons avons échangé, deux couples viennent prendre notre défense, d’autres arrivent pour soutenir la pureté genrée de cette danse à la con. Je menace l’organisateur de le foutre à l’eau, il part en courant. Un argentin vient pour nous expliquer, avec les formes, que le tango n’est une danse de pédé. A partir de là, la soirée commence à devenir un peut insupportable, nous retournons à la maison. Il y a beaucoup de bars sur le chemin.
      Le tango, pour moi, est à la danse ce que le pas de l’oie est à la marche militaire. Quel est le rôle social du tango ? je pose la question. Univers de merde.

    • Oui, @unagi, c’est pas les bourrins qui manquent, surtout chez les organisateurs et les profs, là comme ailleurs, et sur les bords de Seine. Dans la frime des apparences qui tient lieu de contenant, ça surjoue avec une stupidité acharnée de partout, tango ou pas. Mais de l’exemple à la généralisation, il y un... pas. Je vos pas comment le comment compterais pas, comment il en serait pas divers.
      Pour ce qui est de la pratiques des arts martiaux, il peut y avoir une telle variété de manière d’organiser, procéder, s’entrainer que ces pratiques s’avèrent à tout prendre fortement antinomiques. On va pas dans une salle ou des flics et des fafs s’entraînent, ça se sait ; on peut préférer un endroit mixte, et si il y a des cracks qui passent leur temps en salle, à s’entraîner quotidiennement dans divers arts martiaux et à combattre, on se préoccupe de la manière dont ils se comportent avec les béotiens, les coincés, les débutants, les pas combattifs qui veulent être là.
      Idem pour le zen, ou le tai chi, ça peut être accompagné de baratins bouddhisants parfaitment niais et insupportables ou moins, ou pas.

      Je dis ça mais je me fout du tango, ça me plait pas, ça me dit rien, et j’ai aussi ces a priori. Juste, c’est ennuyeux de pas voir que c’est l’usage qui fait exister le sens, et pas forcément l’usage dominant et/ou débectant.