• « Socialisme ou barbarie ? » (Barta, 20 février 1944)

    AVERTISSEMENT

    La guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d’exposer aux ouvriers conscients, soucieux de l’avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y mettre fin.

    Pour bien comprendre l’origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l’action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c’est pourquoi, malgré notre souci constant d’écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n’ayant pas une éducation politique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l’on a rarement l’occasion d’étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien comprises, toute l’attention du lecteur.

    Mais seuls les démagogues et les fascistes s’imaginent qu’on peut mener la « masse » (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre « simples », c’est-à-dire mensongers ; les marxistes au contraire s’assignent pour tâche d’aider la classe ouvrière à dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l’opprime et l’exploite.

    L’histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu’ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d’une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s’élever jusqu’aux plus hautes généralisations théoriques.

    Certes, aujourd’hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l’habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses intérêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d’attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circonstances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.

    A ceux-là n’est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous lire jusqu’au bout.

    20 Février 1944

    *

    QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?

    Chacun se rend compte que nous vivons une période exceptionnelle de l’histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d’une façon normale :

    1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;

    1905 : première #Révolution_russe ;

    1912 : #guerre_balkanique ;

    1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, suivie de la série de révolutions qui l’ont endiguée ;

    1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;

    1918 (Novembre) : #Révolution_allemande et écroulement de l’empire austro-hongrois ; révoltes dans l’armée française.

    Puis révolutions et contre-révolutions d’après-guerre :

    1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;

    1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;

    1925-27 : en Chine ...

    A partir de #1929 la #crise_mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capitalistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie.

    1931 : chute de la royauté en Espagne ;

    1933 : victoire du #fascisme en Allemagne ;

    1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;

    1934-38 : grèves générales en France ;

    1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.

    Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la #guerre_Italo-Ethiopienne (1935) et la #guerre_Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.

    Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l’intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d’une façon vertigineuse. Il ne s’agit plus aujourd’hui de querelles dynastiques, d’appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche en avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu’à l’intérieur des nations comme à l’extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l’humanité, saignent et affament les masses et les réduisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l’humanité entière ne peut plus retrouver l’équilibre et la paix, si ce n’est dans les cimetières...

    D’après les curés de toutes les religions, cette rupture d’équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient « la punition de nos péchés » ; et déjà les représentants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la « der des der » et ont sacrifié plus de 10 millions d’hommes depuis Août 1939 pour « la démocratie » ou pour « l’espace vital », parlent d’une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l’échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l’existence de la société humaine.

    Mais, des années avant la 1ère guerre mondiale, notre époque d’agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l’impérialisme : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jaurès).

    En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le « laisser-faire, laisser-passer », qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l’équipement industriel du territoire (construction de machines, d’usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c’est-à-dire la puissance de l’homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification de structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif et l’a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d’être utilisées pour accroître la puissance de l’homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d’un régime condamné.

    Et l’on a pu voir, dans une société soi-disant civilisée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ravager les plantations de coton ; l’Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pêcheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...

    Pourquoi l’impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d’existence, et la paix seulement « une trêve entre deux guerres » (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s’agit de bien comprendre ce qu’est l’impérialisme si l’on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et se laisser saigner par elle à l’aide de slogans qui ne veulent rien dire.

    CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).

    Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d’écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et « travaillaient » indépendamment les uns des autres ; c’était le capitalisme de libre concurrence.

    Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l’industrie (perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or, l’extension constante de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le marché n’est plus capable d’absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n’arrivent pas à vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n’est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d’autant plus petit que la production est grande. C’est donc la grande entreprise qui possède l’avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.

    C’est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concentration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.

    Du point de vue de la nouvelle structure du capitalisme, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d’actionnaires : l’essentiel est la disparition de l’élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d’une même branche.

    On pourrait croire, à première vue, que le capitaliste monopoleur peut « se contenter » de sa position assurée de monopoleur et « renoncer » à gagner des positions capitalistes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il « travaille » pour réaliser des profits. Et même s’il devenait tout à coup « vertueux » et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n’était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu’il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d’une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d’être une source de progrès provoque le dépérissement de l’économie, avec la misère et la guerre pour les masses.

    Par exemple, le capitaliste qui monopolise les transports par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec celui qui monopolise les transports par route ; d’autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s’écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, « la course pour le dollar du consommateur » est un autre élément d’antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s’agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s’acheter une bicyclette ?).

    Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d’une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le marché, le capitalisme plonge l’économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.

    En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conquérir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réalisés ; or, le processus de concentration s’étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n’offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d’une économie retardataire (équipement industriel pour l’exploitation et l’exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabuleux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.

    Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s’agit plus d’une concurrence purement économique se terminant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d’une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n’est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché.

    La crise dans le capitalisme du monopole n’est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle devient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l’industrie lourde, ne trouve plus d’autre « marché » que la guerre, c’est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l’industrie moderne.

    Cet antagonisme à l’échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d’exploitation ; les groupes fusionnent avec d’autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l’économie mondiale est tombée sous la domination d’une oligarchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...

    Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c’est là qu’il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d’alliances consacrées par les pactes diplomatiques.

    Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d’autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l’Etat, c’est-à-dire non seulement l’armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l’école et les églises.

    Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l’aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste ferme « son » usine comme si c’était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour défendre ses positions menacées, jette « son » peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n’apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.

    En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s’entre-tuent soi-disant pour la « der des der », la « démocratie », la « défense des petites nations » ou de l’Empire pour « l’ordre nouveau », « l’espace vital », « le sang contre l’or » et la « défense de la patrie », les champs de bataille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de « marchandises » (matériel de guerre). C’est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

    SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS DU CAPITALISME
    Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l’exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n’ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l’entreprise, mais au patronat disposant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haineet la volonté de lutte de tous les exploités.

    Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu’on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme « la fin de la toute-puissance des trusts ». Et même dans la « respectable » Angleterre, gouvernée par les conservateurs, certains ministres du Travail sont parfois obligés d’agiter des projets de « réformes de structure », Pourtant, les trusts n’ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.

    Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n’est pas une excroissance d’un organisme sain, qu’on pourrait couper, ou un abus qu’on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.

    Il faut donc, pour remettre la société d’aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c’est-à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.

    Qu’est-ce qui caractérise le capitalisme ? C’est la #propriété_privée_des_moyens_de_production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d’échange (banques), les locaux, en un mot tout ce dont l’homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d’une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d’hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.

    A cette contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste aux besoins de la société, contradiction entre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s’en ajoute une seconde : le morcellement de l’économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l’Allemagne de 1918, les Balkans, l’Europe Centrale, l’Irlande, etc... – ou font « vivre » ensemble plusieurs nations antagonistes – l’Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d’Afrique et d’Asie, etc...). En fait, ce morcellement de l’économie mondiale n’est qu’un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)

    Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en « fiefs » du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.

    La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant « âge d’or », mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.

    Le mode de propriété est périmé, mais le mode de production est définitif : il faut donc les harmoniser en abolissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS.

    La suppression de la propriété privée des moyens de production n’est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu’ils voudront, jusqu’au moment ou d’eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.

    Cette révolution économique et sociale ne peut pas éclater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d’un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu’aucun pays, si riche qu’il soit en ressources naturelles (comme les Etats-Unis ou l’URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l’homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.

    Donc, l’abolition de la propriété privée, le socialisme, implique également la suppression des frontières capitalistes (douanes, passeports, etc...), c’est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

    STRATEGIE ET TACTIQUE OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.

    Aujourd’hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l’économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.

    Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.

    Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les masques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables causes, n’est au fond qu’une lutte entre les différentes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour « l’espace vital » du côté de l’Axe et pour la « défense de l’Empire » du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l’idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.

    Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le caractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d’Allemagne, de Russie, d’Italie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu’ils représentaient n’étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : « Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représentants ouvriers) ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerrepour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste ».

    En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : « LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES... »

    Pourtant, quand la guerre éclata « néanmoins », les chefs de la IIème Internationale, pourris par l’opportunisme, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc...), cédèrent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C’est alors seulement qu’ils découvrirent les prétextes politiques et « idéologiques » qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les « socialistes » français appelèrent à la lutte de la « démocratie » (alliée au tsarisme !) contre le « militarisme prussien » et les « socialistes » de l’Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...

    Mais ces arguments en faveur de l’union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n’étaient que des mensonges.

    La forme politique ne peut pas influencer ou améliorer la structure IMPERIALISTE de l’économie ; tout au contraire, c’est la structure impérialiste de l’économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.

    La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c’est précisément la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s’établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur policière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l’entière liberté d’action.

    Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l’union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, #Rosa_Luxembourg et Karl Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.

    Ils dénoncèrent la guerre comme « une guerre impérialiste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes ». Rejetant l’union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays « d’en face » et à renverser leur propre bourgeoisie.

    Nous savons aujourd’hui que c’est eux qui voyaient juste et qu’ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d’Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l’Internationale Communiste).

    Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?

    #Karl_Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l’internationalisme ouvrier pendant la guerre : « L’ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS » ; la tâche des travailleurs est de « balayer chacun devant leur propre porte ».

    Pour #Lénine il s’agissait de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » ; car « si cette guerre n’est pas suivie d’une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d’autres guerres ».

    Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seulement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu’ « une trêve entre deux guerres »...

    La #guerre_civile n’est pas un moyen désespéré auquel on n’a recours qu’à la dernière extrémité : c’est la résolution inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d’en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps des officiers, etc...) Sans cette résolution inébranlable de riposter à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c’est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l’étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n’importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l’intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.

    Le mot d’ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !

    Devant les hésitations de certains chefs « internationalistes » qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire « n’affaiblît le front », Lénine proclama que la défaite de leur propre impérialisme était « un moindre mal » pour les ouvriers.

    Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l’union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l’impérialisme allemand que par l’impérialisme « allié » : les ouvriers français n’ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d’avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.

    Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l’affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l’effondrement de l’impérialisme français, entraînant dans sa chute l’ensemble des classes laborieuses.

    Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s’emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n’avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers.

    Le parti socialiste d’après 1918 était resté définitivement un parti de collaboration et d’union sacrée ; la IIIème Internationale et le Parti communiste français avaient depuis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la 1ère guerre mondiale. L’isolement de la Révolution d’Octobre dans un monde capitaliste a provoqué en URSS l’affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s’y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l’internationalisme ouvrier : reconnaissance de la « défense nationale » on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle « alliance » avec les impérialismes « démocratiques » pour la défense de la « démocratie » contre le fascisme, etc…

    L’abandon de la stratégie et de la tactique révolutionnaires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n’était renversé par l’internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.

    L’abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.

    Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l’application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.

    C’EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

    LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE
    La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d’être brisées par l’impérialisme mondial.

    Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L’UNIFORME. « Refuser de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes », fraterniser, voilà l’arme essentielle que possèdent les exploités de tous les pays contre leurs exploiteurs.

    Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.

    Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l’internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE des pays (et non pas selon les formes politiques).

    Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l’Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l’Allemagne), la IVème Internationale appelle les travailleurs des deux armées en lutte à cesser de s’entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n’est possible que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l’armée la plus avancée dans la voie révolutionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est provoquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des paysans : car pour pouvoir lutter contre l’impérialisme d’un autre pays, les travailleurs d’un pays impérialiste doivent d’abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L’ IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.

    Mais là où la guerre met aux prises une armée impérialiste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l’Allemagne et l’URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et « leurs » colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n’implique pas un affaiblissement du front de l’armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, malgré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès contre leur propre gouvernement réactionnaire.

    Cette attitude de défense de la part des travailleurs d’un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation avec les ouvriers et paysans de l’armée impérialiste qui les a attaqués ?

    NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

    S’il ne s’est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c’est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d’un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.

    Pour vaincre définitivement l’impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie réactionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde entier leur véritable visage prolétarien.

    Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :

    Contre la politique chauvine et impérialiste des partis « socialistes » et « communistes » qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L’INTERNATIONALISME OUVRIER !

    A BAS LES « BUTS DE GUERRE » IMPERIALISTES, la Charte de l’Atlantique, « l’ordre nouveau », etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D’EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l’État qui les opprime !

    A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !

    DÉFENSE DE L’URSS en tant qu’Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).

    DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L’IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l’Inde contre l’Angleterre, de l’Afrique contre les impérialismes alliés, etc...

    A bas l’autarchie européenne de « l’ordre nouveau », à bas la main-mise du capital américain sur l’Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.

    Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !
    LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE

    La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l’ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l’hostilité contre les dirigeants capitalistes : les travailleurs n’avaient pas oublié les leçons de la première guerre impérialiste, les misères et les souffrances qu’ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.

    Mais la lutte des masses contre les mesures de dictature et de terreur de #Daladier et #Reynaud (camps de concentration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence efficace.

    C’est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l’attitude des masses (qui repoussèrent d’instinct l’idéologie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l’impérialisme français chancela sous les coups de l’impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les organes d’un Etat ouvrier (Conseils d’ouvriers et soldats), mais se dispersa sur les routes de France...

    L’exode mit fin pour les masses à l’expérience de la guerre « démocratique ». Mais la défaite de l’impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L’économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.

    Le pillage de la France par l’impérialisme allemand imposa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongèrent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.

    Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la « drôle de guerre ») n’avait pas eu le temps d’engendrer des maux à une si grande échelle, l’état d’esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre : les malheurs qui s’abattaient sur le peuple français n’étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l’occupation étrangère, aux « Boches ». Les masses crurent d’autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu’à partir du début de la guerre entre l’URSS et l’impérialisme allemand le Parti « communiste » se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.

    Voilà comment aujourd’hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d’une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une soi-disant guerre de « libération ».

    Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c’est accepter les pires souffrances non pas pour changer définitivement l’ordre des choses, mais dans l’espoir de revenir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.

    Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de travailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire déterminerait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.

    Mais cette guerre, comme la première, est une #guerre_impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l’#exploitation_capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l’Allemagne impérialiste ce n’est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n’est pas l’Allemagne seule, mais l’industrie, le capital financier européen (l’Allemagne, la France, l’Italie, la Hollande, la Belgique, etc...).

    Cela signifie que les conditions économiques instaurées par « l’ordre nouveau » (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés : l’Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un « hinterland » économique.

    En effet, à eux seuls, les #États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C’est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C’est donc s’exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d’hommes – 10% de la population totale ! – et où les « marches de la faim », le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l’Europe.

    La ruine irrémédiable de l’Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l’écoulement d’une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l’abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.

    Et dans ces conditions d’aggravation des contradictions économiques, la #lutte_sociale s’aggraverait aussi : il n’y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.

    Comment l’ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?

    Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s’agit d’orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.

    Le souci quotidien des travailleurs, c’est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l’augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l’unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des différents ateliers présentent isolément leurs revendications. C’est la grève qui constitue l’arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L’#AUGMENTATION_DES_SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE #GUERRE.

    Mais la situation des ouvriers et des masses laborieuses ira toujours en s’aggravant (jusqu’à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les #réquisitions de l’armée d’occupation et l’accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d’Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C’est la tâche directe des masses exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d’améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES #COMITES_D'USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).

    Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.

    Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l’incapacité et la bestialité de la bourgeoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l’industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du #CONTROLE_OUVRIER_SUR_LA_PRODUCTION.

    Or toute tentative d’arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l’#impérialisme_français et allemand. C’est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement du #régime_de_Vichy et de la #Gestapo.

    Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d’association et de presse.

    Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l’appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n’est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.

    Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE #MILICES_OUVRIERES EN VUE DE L’ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu’ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.

    La réalisation de l’#armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l’impérialisme gaulliste et allié par l’élection démocratique des chefs.

    L’orientation de la lutte en ce sens n’a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s’agit avant tout de préparer l’avenir.

    En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l’économie, tout gouvernement qui s’appuierait sur les organes de l’État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D’ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l’échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l’Etat bourgeois.

    S’appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.

    SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !

    A BAS LA REPUBLIQUE « DEMOCRATIQUE » ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

    LA NOUVELLE INTERNATIONALE

    Comme nous l’avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne unifiée à l’échelle internationale. Les travailleurs d’un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l’émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d’Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d’Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.

    Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l’INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l’écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d’ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?

    Mais la faillite des vieilles internationales n’a rien de décourageant. Aussi longtemps que le #capitalisme n’est pas définitivement renversé, les organisations créées parle prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s’usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.

    La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La #IIème_Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d’ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la #IIIème_Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la #bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d’achever le travail de la IIème et de la IIIème Internationale en instaurant LA #DICTATURE_DU_PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.

    Que les fatigués et les sceptiques, restent à l’écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent pas capituler devant l’impérialisme se mettront à l’école des idées de la IVème Internationale.

    Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d’ouvriers sur tous les continents, dans presque tous les pays, de l’URSS à l’Amérique, et de l’Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la #IVème_Internationale.

    Car l’#avant-garde_prolétarienne n’est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L’ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d’entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.

    La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu’elle occupe dans la production, et l’incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus « SA LIBERATION EST CELLE DE L’HUMANITÉ ENTIERE »

    Celle-ci se trouve aujourd’hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c’est-à-dire que le prolétariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors « le sang et les sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans les vases d’or d’une poignée de riches odieux » (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c’est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU’IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la #révolution_socialiste qui, une fois commencée, se répandra d’un pays à l’autre avec une force irrésistible ; dans ce cas : « Par l’exemple et avec l’aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L’HUMANITE DELIVREE S’ELEVERA JUSQU’A SA PLEINE HAUTEUR ». (#Léon_Trotsky).

    #révolution_mondiale #deuxième_guerre_mondiale #barbarie #stalinisme #nazisme #impérialisme #communisme #lutte_de_classe #marxisme #léninisme #trotskisme #communisme_révolutionnaire

  • 20 février 1938 : « Léon Sédov, le fils – l’ami – le militant — dédié à la jeunesse prolétarienne » (Léon Trotsky)

    A l’instant où j’écris ces lignes, à côté de la mère de Léon Sédov, des télégrammes me parviennent de divers pays, m’apportant l’expression de condoléances. Et chacun de ces télégrammes suscite la même et insupportable question :

    « Ainsi tous nos amis de France, de Hollande, d’Angleterre, des Etats-Unis et du Canada et d’ici, au Mexique, considèrent comme définitif le fait que Sédov ne soit plus ? »
    Chaque télégramme est une preuve nouvelle de sa mort. Et pourtant, nous ne pouvons encore y croire. Et non pas seulement parce qu’il est notre fils, fidèle, dévoué, aimant. Mais avant tout, parce que plus que quiconque au monde, il est entré dans notre vie, s’y est lié avec ses racines, comme camarade d’idées, comme collaborateur, comme gardien, comme conseiller, comme ami.

    De cette génération aînée, dans les rangs de laquelle nous sommes entrés à la fin du siècle dernier, sur la route de la Révolution, tous, sans exception, ont été balayés de la scène. Ce que n’ont pu faire les bagnes du tsar, la déportation rigoureuse, les besoins des années d’émigration, la guerre civile et les maladies, Staline l’a fait au cours des dernières années, comme le fléau le plus malfaisant de la révolution. Après la génération aînée, a été anéantie la meilleure partie de la génération moyenne, c’est-à-dire celle qu’a suscitée 1917 et qui a reçu sa formation dans les 24 armées du front révolutionnaire. Piétinée sans traces la meilleure partie de la jeunesse, de la génération de Léon. Lui-même n’y a échappé que par miracle : grâce au fait qu’il nous a accompagnés en déportation et ensuite en Turquie. Au cours des années de notre dernière émigration, nous avons acquis de nombreux amis, et quelques-uns d’entre eux sont entrés étroitement dans la vie de notre famille, jusqu’à pouvoir être considérés comme ses membres. Mais tous nous ont approchés pour la première fois seulement dans ces dernières années, quand nous avons atteint le seuil de la vieillesse. Seul Léon nous a connu jeunes, et a participé à notre existence depuis le temps, où il a pris conscience de lui-même. Demeuré jeune, il fut comme de notre génération.

    Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

    Encore tout enfant – il allait sur ses douze ans – il avait à sa manière assimilé consciemment le passage de la révolution de février à celle d’octobre. Son adolescence s’est passée sous une haute pression. Il s’est ajouté une année pour entrer plus vite aux Jeunesses Communistes, qui brûlaient alors de toutes les ardeurs d’une jeunesse éveillée. Les jeunes boulangers, au milieu desquels il menait sa propagande, le gratifiaient d’un petit pain frais, et il le rapportait joyeusement sous le pan déchiré de sa veste. Ce furent des années brûlantes et froides, grandioses et affamées.

    De sa propre volonté, Léon quitta le Kremlin pour le logis en commun des étudiants prolétariens, afin de ne pas se distinguer des autres. Il refusait de s’asseoir avec nous dans l’auto, afin de ne pas jouir des privilèges des bureaucrates. En revanche, il prenait jalousement sa part dans tous les « samedis communistes » et autres « mobilisations de travail », il nettoyait la neige dans les rues de Moscou, « liquidait » l’analphabétisme, déchargeait le pain et le bois des wagons, et ensuite, en qualité d’élève polytechnicien, réparait les locomotives. Il ne s’est pas trouvé sur le front des opérations, c’est seulement parce que l’addition de deux et même trois années supplémentaires n’aurait pu l’aider : la guerre civile s’est terminée quand il avait seulement quinze ans. Mais plusieurs fois, il m’avait accompagné sur le front, s’imprégnant d’impressions sévères (rudes), et connaissait fermement le pourquoi de cette lutte sanglante.

    Les derniers télégrammes d’agence ont appris que Sédov vivait à Paris « dans les conditions les plus modestes ». Ajoutons, beaucoup plus modestes que celles des ouvriers qualifiés. Mais à Moscou, dons ces années où son père et sa mère occupaient de hautes fonctions, il ne vivait guère mieux que ces derniers temps à Paris, plutôt moins bien. Etait-ce une règle parmi la jeunesse bureaucratique ? Non, alors déjà, c’était une exception.

    Dans ce garçon, et plus tard dans l’adolescent, et dans le jeune homme, le sentiment du devoir et du sacrifice s’est éveillé de bonne heure.

    En 1923, Léon s’est brusquement et entièrement plongé dans le travail de l’opposition. II serait injuste de voir là seulement l’influence de ses parents. II avait quitté le bel appartement du Kremlin pour le logement en commun, froid, sale et sans pain, non seulement sans intervention de notre part, mais contre notre volonté.

    Son orientation politique a été déterminée par ce même instinct qui l’incitait à préférer les tramways surchargés de monde aux limousines du Kremlin. La plate-forme de l’Opposition a seulement donné une expression politique aux traits organiques de son caractère. Léon rompait inflexiblement avec les étudiants amis, que leurs pères bureaucrates arrachaient à coups de griffes du « trotskysme », et retrouvait le chemin de ses amis boulangers.

    Ainsi, à 17 ans, a commencé sa vie pleinement consciente de révolutionnaire. Il a vite assimilé l’art de la conspiration, des réunions illégales, de la presse secrète et de la diffusion des écrits oppositionnels.

    Le Komsomol a rapidement formé les cadres de ses chefs oppositionnels.

    Léon se distinguait par des qualités remarquables de mathématicien. Il venait infatigablement en aide aux étudiants prolétariens, n’ayant pas fait d’études secondaires. Et, dans ce travail, il mettait toute son ardeur, corrigeait, poussait en avant, grondant les paresseux. II considérait son jeune enseignement comme un service consacré à sa classe. Ses propres études à l’Institut technique supérieur se poursuivaient avec succès. Mais elles ne prenaient qu’une partie de sa journée de travail. La plus grande partie de son temps, il la donnait avec ses forces et son âme, à la cause de la révolution.

    En hiver 1927, quand commença la destruction politique de l’Opposition, Léon achevait sa vingt-deuxième année. Il avait déjà un enfant qu’il venait nous montrer avec fierté au Kremlin. Sons une minute d’hésitation, il s’est arraché à sa jeune famille et à son école, pour partager notre sort en Asie Centrale. II agissait non seulement comme un fils mais, avant tout, comme un camarade d’idées ; il fallait avant tout assurer notre liaison avec Moscou.

    Son travail à Alma-Ata, pendant toute une année, fut, en toute sincérité, incomparable. Nous le nommâmes ministre des Affaires étrangères, ministre de la police, ministre des P.T.T. Et, dans toutes ces fonctions, il fut obligé de s’appuyer sur un appareil illégal. Sur les instructions du Centre Oppositionnel de Moscou, le camarade X..., très dévoué et très sûr, avait acquis une voiture et une troïka de chevaux et travaillait en qualité de cocher indépendant entre Alma-Ata et Frounzé (Pichpek) alors station terminale de la ligne de chemin de fer.

    Le travail qui lui était dévolu était de nous apporter, toutes les deux semaines, le courrier secret de Moscou et de rapporter nos lettres et manuscrits à Frounzé où l’attendait le courrier de Moscou. Parfois, des courriers spéciaux nous arrivaient de Moscou. Les rencontrer n’était pas une chose facile à faire.

    Nous étions logés dans une maison de tous côtés entourée d’organisations de la Guépéou et des appartements de ses agents. Les rapports extérieurs reposaient sur Léon. Il quittait le logis par les nuits profondes, pluvieuses ou neigeuses, ou, trompant la vigilance des espions, il s’échappait dans la journée de la bibliothèque, retrouvant les agents de liaison à l’établissement des bains publics, ou dans les fourrés profonds, aux environs de la ville, ou encore au marché oriental où les Kirghizes grouillaient en foule, avec les chevaux, les ânes et les marchandises.

    Chaque fois, il revenait frémissant et heureux, avec une flamme guerrière dans les yeux et avec des acquisitions précieuses cachées sous le linge. Ainsi, pendant une année, il fut imprenable à l’adversaire.

    Et mieux que cela, il entretenait avec ces ennemis, « camarades » d’hier, les rapports les plus « corrects », presque « amicaux », montrant un self-contrôle et un tact constant et nous protégeant soigneusement de tout conflit avec l’extérieur.

    La vie idéologique de l’opposition était alors à son apogée. C’était l’année du 6º Congrès du Komintern. Dans les colis de Moscou arrivaient des dizaines de lettres, articles, thèses de célébrités et d’inconnus.

    Dans les premiers mois, jusqu’au changement brutal de la politique de la guépéou, de nombreuses lettres arrivaient aussi par la poste officielle des différents lieux de déportation.

    Dans ce matériel varié, il fallait opérer une soigneuse discrimination. Et là, je ne me convainquais qu’avec étonnement comment, d’une manière pour moi imperceptible, cet enfant avait eu le temps de mûrir, comme il savait bien choisir parmi les hommes, il connaissait une quantité beaucoup supérieure d’oppositionnels que moi. Combien sûr était son instinct révolutionnaire, lui permettant de distinguer sans hésitation le vrai du faux, le réel du superficiel. Les yeux de sa mère, qui connaissait davantage son fils, s’illuminaient de fierté à nos entretiens.

    D’avril à octobre, il nous arriva près de 1000 lettres politiques et documents et près de 700 télégrammes. Nous avons expédié, pour la même période, 800 lettres politiques, et, dans cette quantité, une série de travaux considérables comme la critique du programme du Komintern, etc. Sans mon fils, je n’aurais pu accomplir la moitié du travail.

    Une aussi étroite collaboration ne signifiait pas, toutefois, que des frictions ne s’élevaient pas entre nous, et parfois des différents aigus.

    Mes rapports avec Léon, pas plus à ce moment-là que plus tard, dans l’émigration, ne se distinguaient particulièrement – loin de là – par un caractère égal ni dépourvu d’aspérités.

    Je ne m’élevais pas seulement contre ses appréciations catégoriques à l’égard de certains « vieux » de l’opposition par des rectifications et des semonces énergiques, mais encore, je laissais apparaître, dans mes rapports avec lui, l’exigence et le formalisme qui me sont inhérents dans les questions pratiques.

    Ces traits peut-être utiles et même indispensables pour un travail de grande envergure, mais assez insupportables dans les relations privées, ont rendu la tâche difficile aux êtres qui me furent le plus proche. Et comme le plus proche d’entre tous les jeunes était mon fils, il a eu ordinairement plus à supporter que tous les autres. A un oeil superficiel, il pouvait même sembler que nos rapports étaient empreints de sévérité ou d’indifférence. Mais sous cette apparence existait un profond attachement réciproque, fondé sur quelque chose d’incomparablement plus grand que la communauté du sang : la communauté de vues et des jugements, les sympathies et les haines, les joies et les souffrances vécues ensemble, et les mêmes et grandes espérances. Et cet attachement mutuel s’illumina de temps à autre de flammes tellement vives, qu’elles récompensaient nos trois destins de la médiocre usure du quotidien.

    Ainsi nous vécûmes à 4000 Kms de Moscou, à 250 Kms de la voie ferrée, une année difficile et inoubliable, qui est restée toute entière sous le signe de Léon, ou plus exactement de « Lévik » ou de « Levoussetki », comme nous l’appelions.

    En janvier 1929, le bureau politique décréta mon bannissement « au-delà des limites de l’#URSS » et, comme il s’est avéré, en Turquie.

    Aux membres de ma famille fut laissé le droit de m’accompagner. De nouveau sans hésitation, Léon décida de nous suivre en exil, se séparant à jamais de sa femme et de son fils qu’il aimait beaucoup.

    Dans notre vie s’ouvrit un nouveau chapitre, avec une page presque vierge : relations, amitiés, liaisons, il fallut nouer tout cela à nouveau. Et de nouveau notre fils devint pour nous tous l’intermédiaire dans les rapports avec le monde extérieur, le gardien, le collaborateur, le secrétaire, comme à #Alma-Ata, mais sur un plan de beaucoup plus vaste. Les langues étrangères qu’il possédait, étant enfant, mieux que le russe, se trouvèrent presque oubliées dans la fièvre des années révolutionnaires.

    II fallut les étudier à nouveau. On commença un travail littéraire approprié. Les archives et la bibliothèque étaient entièrement dans les mains de Léon. Il connaissait bien les oeuvres de Marx, d’Engels et de #Lénine, il connaissait à merveille mes livres et manuscrits, l’histoire du parti et de la révolution, l’histoire des falsifications thermidoriennes. Dans le chaos même de la bibliothèque publique d’Alma-Ata, il avait étudié les collections de la Pravda des années soviétiques et avait tiré d’elles, avec un esprit d’investigation sans faille, les citations et les extraits indispensables. Sans cette documentation précieuse et sans les recherches ultérieures faites par Léon dans les archives et les bibliothèques, d’abord en #Turquie, ensuite à Berlin, finalement à Paris, pas un des travaux que j’ai écrits au cours de ces dix dernières années n’eut été possible, et en partie L’Histoire de la Révolution Russe. Sa collaboration, incalculable par sa quantité, n’avait pourtant pas qu’un caractère « technique ». Le choix personnel des faits, des citations, des caractéristiques, prédéterminait ma méthode de développement, ainsi que les conclusions. Dans #la_Révolution_Trahie, il y a pas mal de pages écrites par moi sur les données de quelques lignes extraites des lettres de mon fils et des illustrations tirées par lui des journaux soviétiques qui m’étaient inaccessibles. Encore plus de matériaux m’ont été fournis par lui pour la biographie de Lénine. Une telle collaboration était seulement possible parce que notre solidarité idéologique était entrée dans le sang et dons les nerfs. Presque tous mes livres à partir de l’année 1928 devraient en toute justice porter le nom de mon fils à côté du mien.

    A Moscou, il restait à Léon une année et demie jusqu’à l’achèvement de sa formation d’ingénieur. Nous insistions avec sa mère pour qu’il revint à l’étranger aux études abandonnées. Une nouvelle équipe de jeunes collaborateurs de tous les pays avait eu entre temps le loisir de se former à Prinkipo, en étroite collaboration avec mon fils. Léon ne consentit au départ que sous la pression du fait que, en Allemagne, il pouvait rendre d’inappréciables services à l’#Opposition_de_gauche internationale

    Ayant repris à Berlin ses occupations estudiantines (il fallut repartir au commencement), Léon en même temps s’était consacré tout entier au travail révolutionnaire. Bientôt il entra au Secrétariat International en qualité de représentant de la section russe. Ses lettres d’alors à sa mère démontrent avec quelle rapidité il s’était assimilé à l’atmosphère politique de l’Allemagne et de l’Europe Occidentale, comme il savait bien distinguer parmi les hommes et discerner parmi leurs divergences et les nombreux conflits de cette période infantile de notre mouvement. Son instinct révolutionnaire, enrichi déjà d’une sérieuse expérience, l’aidait à trouver la voie juste dans presque tous les cas, d’une manière indépendante. Comme nous nous réjouissions de trouver dans ses lettres fraîchement décachetées, les mêmes raisonnements et conclusions que je recommandais la veille à son attention. Et combien, passionnément et sobrement, se réjouissait-il de telles rencontres dans nos idées. Le recueil des lettres de Léon constituera indubitablement une des sources les plus précieuses pour l’étude de la préhistoire intérieure de la Quatrième Internationale.

    Mais les affaires russes demeuraient au centre de ses préoccupations. Encore à Prinkipo, il devint l’éditeur effectif du Bulletin de l’Opposition russe dès son apparition (mi-1929 et avait complètement pris en charge ce travail dans ses mains depuis son départ à Berlin ( début 1931 ), d’où le Bulletin fut transféré à sa suite à Paris. La dernière lettre de Léon que nous avons reçue, écrite le 4 Février 1938, douze jours avant sa mort, commence par ces mots :

    « Je vous envoie les épreuves du Bulletin, car le prochain bateau ne partira pas de sitôt, et le Bulletin ne sera prêt que demain matin. »
    La sortie de chaque numéro fut un petit événement dans sa vie – petit événement qui coûtait de grands efforts –. La composition du Bulletin, la finition des matériaux bruts, la rédaction des articles, une correction minutieuse, l’expédition, la correspondance avec les amis et les correspondants et ce qui ne vient pas à la dernière place, ce qui n’était pas le moins important la recherche des moyens financiers. En revanche, comme il s’enorgueillissait de chaque numéro « réussi ». Dans les premières années de l’émigration, il entretenait une correspondance considérable avec les oppositionnels en U.R.S.S. Mais en 1932, la Guépéou rompit presque tous nos liens.

    II fallut chercher des informations fraîches par des voies détournées.

    Léon était toujours sur le « qui-vive », cherchant avidement des tuyaux de Russie, s’emparant des touristes revenus d’U.R.S.S., des étudiants soviétiques en mission et des fonctionnaires sympathisants des Représentations à l’étranger. Il parcourait Berlin pendant des heures entières et ensuite Paris, pour semer les agents de la Guépéou à sa poursuite et ne pas compromettre ses informateurs. Pendant toutes ces années, il n’y eut pas un cas où quelqu’un eût à souffrir de son manque de vigilance, de son inattention ou de son manque de discernement.

    Sur les rapports de la #Guépéou, il figurait sous le sobriquet de « fiston », ainsi que nous en informait l’infortuné Reiss ; on a dit plus d’une fois à la Lublianka :

    "Le « Fiston » travaille habilement, le « Vieux » l’aurait dure sans lui."
    C’était la vérité. La tâche n’eût pas été facile sans lui ! Justement pour cette raison, les agents de la Guépéou, pénétrant aussi dans les organisations de l’Opposition, entouraient Léon d’un filet épais d’observations, d’intrigues, de pièges. Dans les procès de Moscou, son nom figurait invariablement à côté du mien. Moscou cherchait le moyen d’en finir à tout prix avec lui.

    Après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le Bulletin de l’Opposition fut immédiatement interdit. Léon passa en Allemagne encore quelques semaines, menant un travail illégal et se cachant de la Gestapo dans les appartements étrangers. Nous sonnâmes l’alarme avec sa mère, insistant sur un départ immédiat de l’Allemagne. Au printemps 1933, Léon se décida enfin à abandonner un pays qu’il avait eu le temps de connaître et d’aimer et se logea à Paris où le suivit le Bulletin. Ici, Léon recommença ses études à nouveau : il fallut passer un examen dans une école française d’enseignement secondaire, ensuite, pour la troisième fois, recommencer en Sorbonne, depuis le début, ses études de Physique et de Mathématiques à la Faculté des Sciences. Il vivait à Paris dans des conditions difficiles, dans le besoin, s’occupant par à-coups de ses études universitaires, mais, grâce à des dispositions remarquables, il put mener ses études à bonne fin, c’est-à-dire jusqu’au diplôme.

    Ses principaux efforts, à Paris, étaient consacrés, encore plus qu’à Berlin à la #révolution et à une collaboration littéraire avec moi. Dans les dernières années, Léon commença à écrire lui-même plus systématiquement pour la presse de la Quatrième Internationale. A des signes divers, notamment à la rédaction de ses mémoires, pour mon autobiographie, j’ai commencé à soupçonner en lui, encore à Prinkipo, des dispositions littéraires. Mais il était surchargé par toutes sortes d’autres travaux, et, comme les idées et les thèmes nous étaient communs, il me consacrait toujours son activité d’écrivain.

    En Turquie, il écrivit, à ce qu’il m’en souvient, seulement un article de dimensions plus importantes : « Staline et l’Armée Rouge ou comment on écrit l’histoire », sous la signature de Markine, matelot révolutionnaire, auquel l’unissait, dans ses années d’enfance, une amitié colorée d’une véritable adoration. Ce travail entra dans mon livre « Les crimes de Staline ». Ultérieurement, ses articles ont paru toujours plus fréquemment, dans les pages du Bulletin et autres publications de la Quatrième Internationale, chaque fois sous la pression des nécessités. Léon écrivit seulement quand il avait quelque chose à dire et qu’il savait que nul autre ne pourrait l’exprimer mieux. Dans la période norvégienne de notre vie, je recevais de divers côtés des lettres me demandant d’analyser le mouvement stakhanoviste, qui atteignit, dans une certaine mesure, notre mouvement à l’improviste. Quand il apparut que le prolongement de ma maladie ne pourrait me permettre de faire face à ce problème, Léon me fit parvenir le projet de son article sur le stakhanovisme avec une lettre d’introduction très modeste. Le travail me parut, par son sérieux et par sa pénétration, embrasser la question sous tous ses aspects, plein de concision et de relief dans l’argumentation.

    Je me souviens quelle joie causa mon approbation chaleureuse à Léon. L’article fut imprimé en plusieurs langues et établit immédiatement un point de vue juste sur l’édification socialiste sous le fouet de la bureaucratie. Des dizaines d’articles ultérieurs n’ont rien ajouté de concret à cette analyse.

    Le principal ouvrage littéraire de Léon fut toutefois son livre « Le Procès de Moscou », consacré au procès des seize (Zinoviev, Kamenev et autres) et publié en français et en allemand. Nous nous trouvions alors, avec ma femme, dans la prison norvégienne, pieds et mains liés, sous les coups de la plus monstrueuse des calomnies. A certains degrés de la paralysie, les êtres voient, entendent et comprennent tout, mais sont incapables de remuer le petit doigt pour écarter un danger mortel.

    Le gouvernement « socialiste » norvégien nous contraignit à cette paralysie politique. Dans ces conditions, le livre de Léon fut pour nous un présent inappréciable, première et cinglante réplique aux falsifications du Kremlin. Je me souviens que les premières pages m’en parurent plutôt pâles ; ceci parce qu’elles répétaient une appréciation politique de l’ensemble de la situation en U.R.S.S. déjà faite précédemment.

    Mais à partir du moment où l’auteur a abordé l’analyse personnelle du procès lui-même, je me suis senti tout à fait entraîné. Chaque nouveau chapitre me paraissait meilleur que le précédent. « Bravo, Levoussetka, » nous disions nous avec ma femme. « Nous avons un défenseur ! » Comme ses yeux devaient briller joyeusement en lisant nos louanges chaleureuses !

    Dans certains journaux, et en partie dans l’organe central de la social-démocratie danoise, on émettait la conviction que, malgré les conditions rigoureuses de l’internement, j’avais visiblement trouvé le moyen de prendre part à l’ouvrage paru sous le nom de Sédov. « On sent la main de Trotsky ». Tout cela, inventions ! Dans le livre, il n’y a pas une ligne de moi.

    Beaucoup de camarades qui étaient enclins à considérer Sédov seulement comme le fils de Trotsky – comme en Karl Liebknecht, on n’a vu pendant longtemps que le fils de Wilhelm Liebknecht – ont eu la possibilité de se convaincre, ne fut-ce QUE PAR ce livre, qu’il représentait une personnalité indépendante, mais une personnalité d’envergure.

    Léon écrivait comme il faisait tout le reste, c’est-à-dire consciencieusement : il étudiait, réfléchissait, vérifiait. La gloire littéraire lui était étrangère. Les déclamations de propagande ne le séduisaient guère. En même temps, chaque ligne écrite par lui est illuminée par une flamme vivante dont la source était son rare tempérament révolutionnaire.

    Les événements de sa vie privée et familiale de notre époque, ont formé son caractère et l’ont trempé. En 1905, sa mère attendait sa naissance dans une prison de Pétersbourg.

    Le vent de libéralisme l’en a fait sortir en automne. l’enfant est venu au monde en février de l’année suivante. A ce moment-là, j’étais déjà en prison. Voir mon fils pour la première fois ne me fut possible que treize mois après, lors de l’évasion de Sibérie. Ses toutes premières impressions furent imprégnées du souffle de la première révolution russe, dont la défaite nous jeta en Autriche. La guerre frappa la conscience de ce garçon de huit ans, en nous rejetant en Suisse. Mon expulsion fut la seconde de ses grandes leçons.

    Sur le paquebot, il tenait des conversations révolutionnaires mimées avec le chauffeur catalan. La révolution signifiait pour lui tous les biens et, avant tout, le retour en Russie. Sur la route du retour d’Amérique, à Halifax, Lévik, âgé de douze ans, avait frappé du poing un officier britannique. II savait qui frapper : non les matelots qui m’emportaient du navire, mais l’officier qui commandait. Au Canada, au moment de mon internement au camp de concentration Léon apprit à dissimuler et à jeter furtivement à la boite les lettres non contrôlées par la police. A Pétrograd, il fut brusquement plongé dans une atmosphère de poursuite anti-bolchévique.

    A l’école bourgeoise où il se trouva d’abord, les fils de libéraux et des S.R. le battaient parce que fils de Trotsky.

    Il vint un jour au Syndicat des ouvriers du bois où travaillait sa mère, avec la main ensanglantée ; c’était le résultat d’une explication politique avec les fils des kérenskystes. Il se joignait dans la rue à toutes les manifestations et se cachait dans les portes cochères des forces armées du Front Populaire de l’époque (coalition des cadets, des S.R. et des menchéviks). Après les journées de juillet, amaigri et pâle il me rendait visite dans la prison de Kérenski et de Tséretelli. Dans la famille d’un colonel ami, au cours d’un déjeuner, Léon et Serge se jetèrent armés de couteaux sur un officier qui avait déclaré que les bolchéviks étaient des agents du Kaiser. Ils répondirent d’une manière à peu près analogue à l’ingénieur Sérébrowsky, plus tard membre du C.C. stalinien qui essaya de les persuader que Lénine était un espion allemand.

    Lévik apprit tôt à faire grincer ses jeunes dents à la lecture de la calomnie des journaux. Il passa les journées d’Octobre avec le matelot Markine qui, à ses heures de loisir, lui enseignait l’art du tir, dans la cave.

    Ainsi s’est formé le futur militant. La révolution n’était pas pour lui une abstraction, oh, non ! Elle le pénétrait par les pores de sa peau. C’est pourquoi il agissait sérieusement avec le devoir révolutionnaire commençant par les volontaires des samedis communistes et finissant par les traînards. C’est pourquoi plus tard, il est entré si ardemment dans la lutte contre la bureaucratie. En automne 1927, Léon accomplissait un voyage oppositionnel à travers l’Oural, en compagnie de Mratchkowsky et de Deloborodov. Au retour tous deux parlaient avec un enthousiasme sincère de la conduite de Léon, au cours d’une lutte aiguë et sans espoir, de ses interventions sans compromis aux réunions de la jeunesse, de son courage physique devant les bandes d’apaches suscitées par la bureaucratie, de sa virilité morale, lui permettant de subir la défaite en portant haut sa jeune tête. Quand il revint de l’Oural, devenu homme en six semaines, j’étais déjà exclu. II fallait s’apprêter pour la déportation.

    Il n’y avait en lui aucun manque de discernement, ni aucune forfanterie, loin de là. Mais il savait que le danger était l’essence de la révolution comme de la guerre. Il savait, quand il le fallait, et il le fallait souvent, aller au devant du danger. Sa vie, en France, où la Guépéou a des amis à tous les étages de l’édifice étatique, était une chaîne ininterrompue de dangers. Des assassins professionnels étaient sans relâche à ses trousses. Ils vivaient à côté de son appartement. Ils volaient ses lettres, ses archives et écoutaient ses conversations téléphoniques. Quand après sa maladie, il passa deux semaines sur les bords de la Méditerranée, son seul repos au cours de longues années, les agents du Guépéou prirent pension au même hôtel. Quand il se prépara à partir pour Mulhouse afin de rencontrer l’avocat suisse, à propos de l’affaire des calomnies staliniennes dans la presse, toute une bande de la Guépéou l’attendait à la gare de Mulhouse, celle-là même qui, plus tard assassina Ignace REISS. Léon échappa à une perte certaine, seulement grâce à ce que, tombé malade la veille, il ne pouvait quitter Paris avec une température de 40º. Tous ces faits sont établis par les autorités judiciaires de France et de Suisse. Et combien de secrets restent-ils non encore dévoilés ? Ses amis les plus proches nous écrivaient il y a trois mois, qu’à Paris, il courait un trop grand danger, et insistaient pour son départ pour le Mexique. Léon répondait que le danger était certain à Paris, mais que c’était un poste de combat trop important et que l’abandonner serait criminel. II ne restait qu’à s’incliner devant cette raison.

    Quand, à l’automne de l’année dernière, commença une série de rupture entre les agents soviétiques à l’étranger, le Kremlin et la Guépéou, Léon se trouva au centre de ces événements. Certains amis protestaient contre ses relations avec ces nouveaux alliés non encore « éprouvés » : une provocation était possible. Léon répliquait : le risque est indéniable, mais impossible de développer ce mouvement important en restant à l’écart. Il fallait prendre Léon, cette fois encore, tel que l’avaient fait la nature et les circonstances politiques. Comme un vrai révolutionnaire, il appréciait la vie seulement dans la mesure où elle servait la lutte libératrice du prolétariat.

    Le 16 février, les journaux mexicains du soir imprimèrent un court télégramme annonçant la mort de Léon Sédov à la suite d’une intervention chirurgicale. Pris par un travail urgent, je n’avais pas vu ces journaux. Diégo Rivera contrôla par radio de sa propre initiative et vint m’apporter la terrible nouvelle. Au bout d’une heure, j’ai appris la mort de notre fils à Natalia – dans ce même mois de février où, 32 ans plus tôt, elle m’avait appris en prison sa naissance. Ainsi s’acheva ce 16 février, la journée la plus noire de notre vie privée.

    Nous nous attendions à beaucoup, presque à tout, mais pas à cela. C’est que très peu de temps avant, Léon nous avait fait part de son intention d’entrer comme ouvrier dans une usine. En même temps, il exprimait l’espoir d’écrire, pour un centre d’études, l’histoire de l’opposition russe. II était rempli de projet. Seulement deux jours avant que la nouvelle de sa mort ne nous parvint, nous reçûmes de lui une lettre énergique et pleine de vie, datée du 4 février. Elle est devant moi. « Nous nous préparons au procès en Suisse ; l’affaire concerne la mise en jugement des participants à l’assassinat d’Ignace Reiss, écrivait-il l’atmosphère y est très favorable en ce qui concerne l’opinion publique et aussi l’attitude des autorités. » Il énumérait une série d’autres faits et symptômes favorables. « En somme, nous marquons des points. » La lettre respirait la confiance dans l’avenir. D’où provenait donc ce mal et cette mort fulgurante au bout de 12 jours ?

    Première et essentielle supposition : le poison. Trouver accès auprès de Léon, de ses vêtements, de sa nourriture n’offrait guère de difficultés aux agents de Staline. Est-ce qu’une enquête judiciaire, même libérée des raisons diplomatiques peut, à cet égard, parvenir à la pleine lumière ? En relation avec la guerre, la chimie et l’art de l’empoisonnement ont atteint, ces temps derniers, un développement tout particulier. Les secrets de cet art sont à vrai dire inaccessibles aux simples mortels. Mais aux empoisonneurs de la Guépéou tout est accessible. Il est tout à fait possible d’admettre qu’un tel poison, ne laissant pas de traces après le décès, même à la plus minutieuse des analyses. Et où sont les garanties de la minutie ?

    Ou bien l’ont-ils tué sans le secours de la chimie ? Il a fallu trop supporter à ce jeune être, très sensible et très tendre, dans les profondeurs de sa nature. Une campagne de plusieurs années déjà contre son père et les meilleurs de ses camarades aînés, que Léon s’est habitué dès l’enfance à respecter et à aimer, avait profondément secoué son organisme moral. Une longue suite de capitulations des participants de l’opposition ne lui a pas porté un coup moins rude. Ensuite suivit le suicide à Berlin de Zina, ma fille aînée, que Staline avait traîtreusement, par pure vengeance, arrachée de ses enfants, de sa famille, de son milieu. Léon se trouva sur les bras le cadavre de sa soeur aînée et un enfant de 6 ans. Il résolut d’essayer d’obtenir une communication téléphonique avec son frère cadet, Serge, à Moscou. Est-ce que la Guépéou avait perdu la tête devant le suicide de Zina, ou espérait-elle surprendre quelque secret, le fait est que la communication fut établie, contre toute attente, et Léon réussit à communiquer de vive voix la nouvelle tragique à Moscou. Telle fut l’ultime conversation des deux frères, condamnés déjà, sur le corps encore chaud de leur soeur. Les communications de Léon à Prinkipo sur ce qu’il venait de vivre furent courtes, avares, mesurées. Il nous épargnait trop. Mais sous chaque ligne se sentait l’insupportable tension morale.

    Les difficultés matérielles et les privations, Léon les supportait facilement, comme un vrai prolétaire, en plaisantant mais elles aussi, naturellement, laissèrent leur trace. Infiniment plus destructives furent les épreuves morales ultérieures. Le procès des seize à Moscou, le caractère monstrueux de l’accusation, les dépositions hallucinantes des accusés, et dans ce monde Smirnov et Mratchkowsky, que Léon connaissait bien et aimait, l’internement inattendu de son père et de sa mère en Norvège, quatre mois sans nouvelles, le vol des archives, notre déportation secrète avec ma femme au Mexique, le deuxième procès de Moscou, avec des accusations et des aveux encore plus délirants, la disparition de son frère Serge, sous l’accusation « d’empoisonnement d’ouvriers », les innombrables exécutions d’hommes qui furent autrefois des amis proches ou qui le restèrent jusqu’au bout, les poursuites et lès attentats de la Guépéou en France, l’assassinat de Reiss en Suisse, le mensonge, la bassesse, la trahison et les pièges – non, le « stalinisme » – était pour Léon autre chose qu’un phénomène politique abstrait, mais une série ininterrompue de coups moraux et de défaites psychiques. Fallut-il aux spécialistes moscovites recourir à la chimie afin de parachever leur oeuvre, ou suffisait-il de tout ce qu’ils avaient fomenté auparavant, le résultat demeure le même : ILS L’ONT ASSASSINÉ. Et la nouvelle de sa mort fut marqué comme un grand triomphe au calendrier thermidorien.

    Avant de le tuer, ils firent tout pour calomnier et noircir notre fils aux yeux des contemporains et des générations à venir. Caïn-Djougachvili et ses acolytes essayèrent de transformer Léon en agent du fascisme et en partisan secret d’une restauration capitaliste en URSS, en organisateur de catastrophes de chemin de fer et en assassin d’ouvriers. Grands furent les efforts de ces crapules ! Des tonnes de boue thermidorienne tombent sur sa jeune image sans y laisser une seule tâche. Léon était essentiellement un être humain d’une propreté et d’une honnêteté transparentes. II pouvait raconter sa vie à n’importe quelle assemblée ouvrière, sa vie brève par ses jours comme court est mon récit.

    II n’avait rien à se reprocher, rien à sceller. L’honnêteté morale était le fil conducteur de son caractère. II servait sans fléchir la cause des opprimés et, en cela, il restait fidèle à lui-même. Des mains de la nature et de l’histoire, il est issu homme d’une trempe héroïque. Les grands et terribles événements qui s’approchent de nous auront besoin de tels êtres. Si Léon avait vécu jusqu’à ces événements, il aurait montré sa vraie mesure. Mais il ne les a pas atteints. Notre Léon n’est plus, notre enfant, notre fils et militant héroïque !

    Avec sa mère, qui fut pour lui l’être le plus proche en ce monde, nous vivons ces heures terribles, évoquant son image, trait pour trait, ne pouvant croire qu’il n’est plus, et pleurons car il n’est plus possible de ne pas le croire.

    Comment nous habituer à cette idée qu’est disparu, sur l’étendue terrestre, le lumineux point humain, qui nous fut lié par les fils indestructibles des souvenirs communs, de la compréhension mutuelle et d’un tendre attachement. Personne ne nous connaissait ni ne nous connaît comme lui, avec nos côtés forts et nos côtés faibles. II était une part, la part jeune de nous deux. Pour cent raisons, nos pensées et nos sentiments allaient chaque jour vers lui, à Paris. Avec notre garçon est mort tout ce qui demeurait en nous de jeune.

    Adieu, Léon ! Adieu, cher et incomparable ami ! Nous ne pensions pas, avec ta mère, nous ne nous attendions pas à ce que le sort nous chargeât de cette terrible tâche : écrire ta nécrologie. Nous vivions avec la ferme certitude que longtemps après nous encore, tu serais le continuateur de l’oeuvre commune. Mais nous n’avons pas su te protéger. Adieu Léon ! Nous léguons ta pure mémoire à la jeune génération ouvrière de ce monde. Tu auras droit de cité dans les oeuvres de ceux qui travaillent, souffrent et luttent pour un monde meilleur.

    JEUNESSE RÉVOLUTIONNAIRE DE TOUS LES PAYS, PRENDS NOUS LE SOUVENIR DE NOTRE LÉON, ADOPTE LE, IL LE MÉRITE ET QUE, DÉSORMAIS, IL PARTICIPE INVISIBLE A TES LUTTES, PUISQUE LE SORT LUI A REFUSÉ LE BONHEUR DE PRENDRE PART A LA VICTOIRE FINALE.

    LÉON TROTSKY
    20 février 1938 – COYOACAN (Mexique)

    #Léon_Sédov #Léon_Trotsky #assassinat #Staline #stalinisme #jeunesse_révolutionnaire #révolution _sociale #procès_de_moscou

  • Les Cahiers de Verkhnéouralsk - Écrits de militants trotskystes soviétiques 1930-1933 (Lutte de Classe n°222 - 13 février 2022)

    Des textes émanant de trotskystes soviétiques du début des années 1930 parus aux éditions Les Bons Caractères.

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2022/02/20/les-cahiers-de-verkhneouralsk-ecrits-de-militants-trotskyste

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/les-cahiers-de-verkhneouralsk

    C’est du fond d’une des plus sinistres prisons russes des années 1930, située au sud de l’Oural, que le hasard de travaux dans une cellule a permis de découvrir une profusion de journaux et écrits clandestins de membres de l’Opposition de gauche que Staline y avait fait enfermer.

    Nous publions huit de ces textes, la plupart traduits pour la première fois. De leurs auteurs, on ne connaissait parfois que le nom, et encore, tant la dictature stalinienne a voulu effacer jusqu’à la mémoire des militants qui restèrent fidèles aux idéaux d’Octobre 1917. Ils combattaient avec Trotsky la #dégénérescence du premier État issu d’une révolution ouvrière victorieuse. Ce que la dictature stalinienne ne pouvait tolérer. Car l’activité et l’existence même de ces milliers de #bolcheviks-léninistes représentaient une dénonciation vivante du stalinisme, de ce régime défenseur d’une #bureaucratie parasitaire qui écrasait la classe_ouvrière, qui trahissait les intérêts de la révolution socialiste #mondiale et qui donnait une image dévoyée et sanglante du communisme. Face à cette monstrueuse régression, il n’y eut alors que ces militants pour défendre les traditions de luttes et les idéaux du mouvement ouvrier. Jusqu’à ce que #Staline, qui n’avait pu en venir à bout, les fasse exécuter en masse dans ses camps en 1937.

    #stalinisme #Opposition_de_gauche #trotskisme #militants_trotskistes #révolution_russe

    • Face à ce que #Victor_Serge appela «  minuit dans le siècle  », ils tinrent bon. On voit dans leurs écrits leur lucidité quant à l’ampleur du reflux de la #révolution, et leur conviction que, quel que fût leur sort – et ils n’avaient pas d’illusions sur ce que le #stalinisme leur réservait –, il importait avant tout de préserver un héritage, de maintenir un drapeau  : ceux du #communisme_révolutionnaire et de l’#internationalisme, pour qu’ils puissent servir de guide aux générations futures de combattants de la cause ouvrière. Car même face à cette avalanche de trahisons, de défections et de défaites provoquées par le stalinisme et la #social-démocratie, ils avaient la certitude que tôt ou tard sonnerait l’heure de la «  lutte finale  ».

      Leur conviction inébranlable que la #classe_ouvrière a la capacité de transformer la société et que l’avenir appartient au #communisme, leur dévouement à la cause de la #révolution_mondiale, se lisent à chaque ligne des Cahiers. À huit décennies de distance, ce qu’ils nous lèguent là s’adresse tout particulièrement aux jeunes générations militantes, pourvu qu’elles prennent conscience que le système capitalisme, avec ses crises, ses guerres et ses horreurs, ne mérite qu’une chose  : être définitivement relégué au rayon de ce qui aura précédé l’avènement d’une humanité libérée de toute oppression et enfin digne d’elle-même.

    • Un autre livre sur Verkheouralsk :

      Verkhne-Ouralsk, l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération , d’AVSHALOM BELLAÏCHE

      A propos des #trotskystes de Verkhne-Ouralsk, ce papier de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/a-propos-des-trotskystes-de-verkhne-ouralsk

      En janvier 2018 des ouvriers du bâtiment travaillant dans une vieille prison de la petite ville de #Verkhneouralsk, près de la ville de Tcheliabinsk, ont découvert sous le parquet d’une cellule des publications artisanales rédigées par des trotskystes déportés en 1929-1930. Ces déportés se désignent du nom de bolcheviks-léninistes pour souligner leur continuité avec l’héritage d’octobre 1917 dont #Lénine a été le véritable inspirateur. La #bureaucratie stalinienne ne pourra évidemment reproduire cette désignation et lui substitue le nom de « #trotskystes », qui vise à suggérer une filiation extérieure , puis étrangère à Lénine, et, au fil des années, en fait le synonyme de #menchéviks, contre-révolutionnaires, agents des services secrets divers et variés, puis fascistes et hitlériens mal déguisés. Mais le qualificatif de « trotskyste », malgré ses origines pour le moins malveillantes, est entré dans les moeurs.

      A quelques mois de distance sont parus deux ouvrages portant sur ces documents qui avaient échappé à la surveillance de la police politique de Staline, l’un écrit par Avshalom Bellaïche sous le titre Verkhne-Ouralsk l’isolateur politique 1925-1938, combats, débats et extermination d’une génération. L’autre intitulé Les cahiers de Verkhneouralsk, traduit, présenté et annoté par Pierre Laffitte, Pierre Matttei et Lena Razina, publié par Les bons caractères.

      Ce petit article porte sur le livre de Bellaïche un second sur celui des bons caractères suivra.

      #Avshalom_Bellaïche précise d’emblée que les textes dénichés par les ouvriers du bâtiment sont « des écrits politiques, des analyses théoriques et des textes polémiques »,qu’il qualifie à bon droit de « sources exceptionnelles, originales et précieuses » sur les trotskystes en URSS, sur leurs réflexions et leurs débats politiques, parfois très vifs mais qui témoignent toujours d’une indépendance de pensée remarquable au moment même où en URSS les slogans les plus primitifs et les mensonges les plus grossiers commencent à remplacer toute forme de pensée politique. Avshalom Bellaïche retrace minutieusement l’histoire de l’isolateur de #Verkhne-Ouralsk, connue jusqu’alors surtout par le récit qu’en donne dans son Au pays du mensonge déconcertant l’opposant yougoslave Anton Ciliga qui y fut déporté.

      Bellaïche souligne que son travail vise à « décrire au maximum les conditions de vie des prisonniers (…) et à montrer comment les prisonniers par leur organisation et leur cohésion politique parviennent alors que l’Union soviétique s’enfonce dans le régime totalitaire (…) à maintenir un rapport de force favorable qui leur permet de défendre leurs libertés politiques. » Il évoque à la fois leurs longues discussions et leurs actions comme la grève de la faim d’avril 1931 qui contraint la direction de l’isolateur à faire quelques concessions aux détenus consignées dans un texte que Bellaïche reproduit .

      La cohésion morale des détenus trotskystes n’empêche pas l’apparition rapide de divisions politiques, parfois vives, face à ce que l’on a appelé « le tournant à gauche » de Staline et de l’appareil du PC avec le lancement en 1929 du plan quinquennal et le déclenchement de la collectivisation agricole avec des méthodes d’une extrême brutalité, qui vont dresser contre elle une grande partie de la paysannerie soviétique, méthodes dont les militants internés n’avaient au début qu’une connaissance réduite.

      Une minorité approuve cette collectivisation, l’un de ses membres s’affirmant même partisan d’une « collectivisation à outrance », que la majorité des B-L critiquent vu l’absence de base matérielle technique et de véritable campagne politique préparatoire.

      Ce qu’on connaissait des débats vifs qui agitent la colonie des bolcheviks-léninistes, la plus importante et de loin des groupements politiques déportés à Verkhne-Ouralsk, se limitait jusqu’alors essentiellement à une correspondance avec Trotsky publiée dans le numéro 7/8 (1981) des Cahiers Leon Trotsky dont les derniers textes datent de l’automne 1930 et ce qu’en dit Ciliga dans ses souvenirs. Sur ce dernier Avshalom Bellaïche affirme : « Anton Ciliga escamote complètement l’état réel des discussions qui ont traversé les bolchevils-léninistes. » Et il ajoute, à bon droit, « Grâce à la découverte des manuscrits qui datent de 1932 nous connaissons enfin les enjeux et les débats qui ont réellement opposé les différentes tendances au sein du collectif bolchevik-léniniste ». Certes son étude minutieuse et précise des documents disponibles corrige certaines affirmations de Ciliga ou comble certains de ses silences. Mais Ciliga est partie prenante de ces débats dans lesquels il est très engagé et dont il n’est pas surprenant qu’il en donne une vision partiale et orientée, d’autant qu’à leur terme il rompra avec le bolchevisme… et – après la publication de ses souvenirs – évoluera très à droite.

      Les longues pages qu’Avshalom Bellaïche consacre aux débats internes des bolcheviks–léninistes aux divergences puis aux divisions – parfois provisoires – que ces débats font apparaitre sont sans doute les plus riches et les plus passionnantes de son travail. Elles témoignent de la volonté acharnée de ces militants isolés de réfléchir avec leur tête. Certes ils accordent une grande attention aux lettres et textes de Trotsky qu’ils peuvent recevoir – de façon très épisodique après l’automne 1930 – mais ils ne se contentent nullement de les répéter ou de les paraphraser et peuvent les critiquer. Au début ces débats portent sur l’appréciation du prétendu « tournant à gauche » que représenterait la collectivisation forcée et donc sur l’attitude à adopter à son égard. Elles se concluront par un débat sur la nature de l’URSS.

      Les résumer aboutirait à les caricaturer. Ainsi évoquer un « collectif majoritaire », qui publie son bulletin, puis un « collectif minoritaire » qui publie aussi le sien, bientôt flanqués d’une aile gauche critique qui compose son Bolchevik militant, avant l’apparition dans le collectif majoritaire d’une aile droite désignée par les initiales de ses trois représentants (MBM) en résumant en trois lignes la position de chaque courant rappellerait assez stupidement la vieille plaisanterie sur les trotskystes qui scissionnent dès qu’ils atteignent ou dépassent le nombre de trois.

      Or pour quiconque a une autre vision de l’histoire complexe de l’Union soviétique que la vision linéaire des historiens bourgeois qui dessinent une ligne droite imaginaire du prétendu coup de force( ou d’état) d’octobre 1917 au totalitarisme stalinien, les problèmes posés par la première révolution ouvrière victorieuse au sein d’une défaite de la révolution mondiale, surtout européenne, étaient d’une extrême complexité. Et les discussions et les débats qu’évoque Avshalom Bellaïche avec une grande clarté, une grande minutie et – je me répète – avec une tout aussi grande précision frappent par la volonté acharnée de comprendre qui anime leurs participants. Volonté d’autant plus étonnante que les possibilités d’agir ne peuvent que leur apparaitre lointaines. L’appareil policier du stalinisme, lui en revanche n’en est pas persuadé, les juge bien dangereux et les massacrera tous en 1937 et 1938 à Vorkouta et à Magadan . Ce massacre, raconté par plusieurs témoins qui ont survécu, conclut ou presque le récit d’Avshalom Bellaïche.

      Ces militants pensent avec leur tête. Ainsi Bellaïche signale les désaccords de certains d’entre eux avec plusieurs points du texte de Trotsky intitulé Les problèmes du développement de l’URSS (projet de plateforme de l’Opposition de gauche internationale sur la question russe paru dans le n° 20 du Bulletin de l’Opposition d’avril 1931) dans lequel il affirme : « La réalisation du plan quinquennal représente un pas en avant gigantesque en comparaison de l’héritage misérable que le prolétariat avait arraché des mains des exploiteurs » (Bulletin de l’Opposition n° 20, page 3).

      En 1932 Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk – et d’ailleurs – ont toujours la perspective de réformer le parti dirigeant et l’Internationale communiste même si les premières interrogations apparaissent ici et là. Ainsi Axel Bellaïche cite-t-il un article de décembre 1932 du Collectif majoritaire dont les auteurs affirment : « Il n’y a pas de doute qu’en comparaison avec le volume colossal des tâches à réaliser par l’Opposition léniniste ses forces sont pour le moment insignifiantes. » Avshalom Bellaïche ajoute : « Les tâches et les perspectives qu’ils [les bolcheviks-léni,nistes] donnent sont proportionnées aux nécessités de la politique générale et non à leur capacité réelle d’influencer ou de modifier cette même situation. »

      Le moment décisif dans ces discussions passionnées est celui qu’Axel Bellaïche appelle « le rubicon » c’est-à-dire le passage d’une vision du clan de Staline comme direction bureaucratique « centriste » du parti communiste à la conception d’une bureaucratie parasitaire qui doit être renversée par la mobilisation des masses, seul moyen de défendre durablement la propriété d’Etat, passage transitoire obligé vers la « propriété sociale » qui pour se réaliser, en suppose … en même temps la négation ! C’est la « révolution politique », que les détenus bolcheviks-léninistes esquissent dès décembre 1932 lorsqu’ils évoquent la grève générale et l’armement du prolétariat comme des slogans pour l’action de masse. « Certes, commente Avshalom Bellaïche, l’emploi de la violence reste conditionné, mais on est très loin du mécontentement limité au cadre soviétique de 1930. »

      Quelques mois plus tard chacun de son côté, Trotsky et les bolcheviks-léninistes de Verkhne-Ouralsk, tirent sans pouvoir se consulter, les mêmes conclusions de la politique stalinienne en Allemagne qui a ouvert la voie du pouvoir aux nazis et que Trotsky qualifie de « 4 août du #stalinisme », bref une trahison de la révolution similaire à celle de la social-démocratie en 1914. C’est le développement commun d’une analyse marxiste de fond commune. « Que ce soit à Prinkipo ou à Verkhne-Ouralsk, souligne Avshalom Bellaïche, les conclusions politiques de cette analyse sont formulées quelques mois plus tard à l’automne 1933 : le Parti communiste est mort, l’Internationale communiste est morte, la fondation d’une nouvelle Internationale révolutionnaire et la révolution politique qui renverserait le parti stalinien soviétique par l’insurrection armée des masses ouvrières sont désormais nécessaires. Sur la base de cette perspective nouvelle (…) les bolcheviks-léninistes de Verkhnéouralsk se réunifient à la veille de la seconde grève de décembre 1933 qui arrachera dans la douleur la libération de la majorité des militants révolutionnaires de l’#isolateur politique de Verkheouralsk. »

      Les détenus de Verkhne-Ouralsk ne pourront jamais lire une ligne de #la_Révolution_trahie achevée par Trosky en juin 1936. Mais si l’on juge par leurs écrits abondamment cités dans l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, ils en auraient sans aucun doute repris à leur compte les conclusions fondamentales.

      Avshalom Bellaïche signale aussi les positions des autres groupes d’opposants internés à Verkhne Ouralsk (les décistes – ou centralistes-démocratiques – de #Vladimir_Smirnov, eux aussi divisés entre ceux qui voient en URSS le triomphe du capitalisme dEtat et ceux qui y perçoivent la victoire politique de la petite-bourgeoisie, les miasnikoviens, les menchéviks).

      Il évoque en détail de nombreux militants bolcheviks-léninistes dont les plus importants, #Iakovine, #Solntsev, #Dilgenstedt, #Nevelson, #Boris_Eltsine et ses deux frères, #Poznansky, ancien secrétaire de Trotsky, #Guevorkian, tous liquidés plus tard, et #Starosselsky, le spécialiste de la Révolution française, mort en 1934. Ils sont tous massacrés parce que, pour Staline, si isolés soient-ils apparemment, ils ne sont pas des rêveurs utopiques mais un danger mortel .

      La preuve en est donnée par des manifestations de révolte contre la clique stalinienne collectées par le #NKVD au moment même où ces militants sont massacrés. Ainsi le fils du premier secrétaire du PC d’Ouzbeskitan Ikramov, condamné à mort lors du 3 ème procès de Moscou de mars 1938, envoyé lui à la #Loubianka, y rencontre brièvement un garçon de 14 ans interné pour avoir participé à la constitution à Oulianovsk d’un Parti panrusse contre Staline, sans aucun doute minuscule mais significatif d’un état d’esprit reflété à la veille de la manifestation du 1er mai 1938 à Moscou par des fondateurs d’un #Parti_ouvrier antifasciste qui avaient rédigé un tract antistalinien virulent qu’ils se préparaient à y distribuer, mais qui furent arrêtés la veille.[1]

      Pour interdire toute liaison entre cette protestation aux formes diffuses et les bolcheviks-léninistes, Staline a d’abord isolé ces derniers, les a calomniés, puis les a envoyés au Goulag pour les soumettre à la terreur exercée par les criminels de droit commun véritable lie sociale décomposée, image inversée de la bureaucratie parasitaire et les a finalement assassinés. On voit à quel point l’historien pro-stalinien Isaac Deutscher [2] se fourvoyait lorsque dans le troisième volume de son Trotsky il affirmait que ce dernier après son exil en 1929 aurait dû se contenter d’écrire des livres plutôt que d’animer une opposition de gauche que Deutscher traite avec mépris, et que l’ouvrage d’Avshalom Bellaïche, en lui rendant un bel hommage intelligent et argumenté, rappelle à la vie.

      Quelle conclusion ou quelle leçon peut-on tirer de la lecture du travail très riche d’Avshalom Bellaïche ? La première tentation peut être de souligner l’extraordinaire trempe morale de ces milliers d’hommes et de femmes qui se battent sans faiblir – sauf quelques inéluctables exceptions – dans des conditions où leur chances d’un quelconque succès sont microscopiques. Cette trempe morale est incontestable, mais on peut en trouver des exemples similaires chez les fanatiques religieux les plus bornés, dont ces #bolcheviks-léninistes se différencient radicalement par leur volonté farouche, amplement soulignée par Avshalom Bellaïche, d’analyser, de comprendre pour avoir éventuellement le moyen, si la possibilité – même infime – se présente, de transformer économiquement, socialement et politiquement, un monde dont le maintien en l’état est une menace pour l’humanité. A lire donc ! !

      [1] On voudra bien m’excuser (et puis tant pis si on ne m’en excuse pas !) de renvoyer à ce propos à mon livre Des gamins contre Staline où figurent nombre de données et de documents sur ces manifestations

      [2] Pro-stalinien … Deutscher, qualifié souvent d’historien trotskyste par la presse bourgeoise ? La preuve : Deutscher concluait sa biographie de Staline publiée en anglais en 1949 puis en français en 1951 par ces lignes : « Tel Cromwell il incarne la continuité de la révolution, à travers toutes ses phases et métamorphoses (…) comme Napoléon il avait construit son empire , mi-conservateur et mi-révolutionnaire et porté la révolution au-delà des frontières de son pays. La meilleure part de l’oeuvre de Staline durera certainement plus longtemps que lui (…) Afin de sauvegarder cette œuvre pour l’avenir et lui donner toute sa valeur, l’Histoire devra peut-être encore purifier et remodeler l’œuvre de Staline. » Il maintient cette conclusion dans sa nouvelle édition de 1960, quatre ans donc après le rapport de Khrouchtchev sur les « crimes de #Staline » au XX e congrès du PCUS.

      #trotskisme #trotskysme

  • #LuigiFabbri #Marx #Lénine #marxisme #léninisme #centralisme #étatisme #anarchisme #Liberté #autogestion #émancipation #écologie #antimilitarisme #anticléricalisme #fédéralisme_libertaire #feminisme #antiétatisme #anticapitalisme #antifascisme #internationalisme...

    ★ L’ÉTAT ET LA RÉVOLUTION... - Socialisme libertaire

    L’État et la révolution (sur le livre de Lénine du même nom)_, par Luigi Fabbri (1920).

    « Il a été récemment publié par « Avanti » un livre de Lénine écrit après la révolution, qui par son titre promettait d’épuiser le sujet des problèmes de relation entre la Révolution et l’État. Mais nous avouons avoir éprouvé une grande désillusion. 
    La personnalité de Lénine restera gravée en lettres de feu dans l’Histoire. S’il n’y avait que ces trois ans, depuis que le parti a installé son pouvoir sur un peuple de 300 millions d’habitants cela seul suffirait pour témoigner de la puissante énergie morale et matérielle de cet homme qui figurera un jour parmi les plus célèbres noms de l’Histoire.
    Mais là où il nous semble que ses apologistes se soient trompés dans l’exaltation de leur maître, c’est lorsqu’il nous le présentent comme « grand théoricien du Socialisme ». A moins qu’il ne s’agisse d’œuvres antérieures écrites en russe, et non traduites encore en français ou en italien, tout ce qui a été publié ici montre en Lénine un fort polémiste, un homme qui sait manœuvrer les textes du marxisme pour leur faire dire tout ce qu’il veut, un écrivain sans cheveu sur la langue, habile à l’argumentation comme à l’invective, mais sans idées propres, sans vision géniale de l’ensemble, et aride, sans ce feu intérieur qui rend toujours vivant les écrits de Marx, de Mazzini, de Bakounine. De même sa culture historique et sociologique (du moins en ce que nous avons lu jusque là) apparaît vaste et profonde, certes, mais seulement en ce qui concerne le marxisme. Il semble que rien d’autre n’existe pour lui.
    Quelques uns ont voulu voir en lui un continuateur de Marx. Quelle erreur I Il n’a de Marx que les côtés les moins sympathiques, un exclusivisme féroce, le mépris pour ceux qui ne pensent pas comme lui, l’âpreté du langage, la tendance à vaincre l’adversaire par l’ironie et le sarcasme, l’intolérance à toute opposition. En tant qu’homme d’action, ou plutôt, guide ou chef d’hommes d’action, Lénine est sincèrement une personnalité qui n’a pas son égale dans l’histoire du socialisme et Marx lui-même ne pourrait lui être comparé, puisqu’il fut plutôt homme de pensée qu’homme d’action. Mais comme théoricien, Lénine n’ajoute certainement rien à Marx, dont il fait simplement l’exégèse, le commentaire, l’interprétation, quand il n’est pas un sophiste (...) »

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    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/09/l-etat-et-la-revolution.html

  • #Histoire #Goulag #Campdeconcentration #terreur #bolchevisme #communisme_autoritaire #Lénine #Staline #URSS #stalinisme #dictature #répression #négationnisme...

    ★ GOULAG : UNE HISTOIRE SOVIÉTIQUE...

    « Amnésie et (auto-)amnistie caractérisent les crimes du communisme. Fort heureusement, des historiens dignes de ce nom font depuis pas mal d’années maintenant un travail formidable pour nous révéler l’atrocité des régimes s’étant réclamé de cette idéologie mortifère. On a déjà pu prendre en partie connaissance des abominations perpétrées au nom de l’avenir radieux au Cambodge et bien sûr en URSS. Espérons connaître un jour plus complètement la triste vérité sur des pays où la dictature rouge sévit toujours, comme la Chine et la Corée du Nord, ainsi que Cuba (...)  »

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    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2020/03/goulag-une-histoire-sovietique.html

  • #Révolution #Soviet #Russie #URSS #Lénine #Trosky #Staline #stalinisme #bolchevisme #communisme_autoritaire #fascisme_rouge #dictature #Cronstadt #histoire...

    ★ LES RÉVOLUTIONNAIRES CONTRE LE FASCISME ROUGE...

    "On ne saurait accuser tous les révolutionnaires d’avoir trempé dans les crimes de Lénine, Staline et leurs continuateurs : tout au long du XXe siècle, des minorités existèrent au sein du mouvement ouvrier, qui non seulement dénoncèrent l’imposture du « socialisme réellement existant », mais tentèrent d’en tirer des leçons pour la critique sociale et l’émancipation des classes dominées.

    DURANT SEPT DÉCENNIES, l’ombre de l’URSS a dominé la politique mondiale, d’abord épouvantail des classes possédantes, puis, après 1945, avec la guerre froide et l’opposition entre les blocs sous différentes formes. Avec la chute du mur de Berlin en 1989, puis l’implosion de l’URSS deux ans plus tard, il aurait été logique de tirer le bilan de ce régime et d’examiner sereinement s’il avait été, ou non, comme on l’a dit, le « socialisme réellement existant ». Durant toutes ces années, que ce soit pour l’aduler ou pour le condamner, un discours quasi unanime a présenté l’URSS comme un régime « socialiste », et fait de même pour les pays qui l’imitèrent, des « démocraties populaires » d’Europe de l’Est à la Chine, en passant par Cuba et le Viêtnam. Pour les partisans du statu quo et du maintien ad vitam aeternam des dominants, la fin de l’URSS était la pure et simple confirmation que nous étions condamné-e-s à vivre dans ce monde : elle montrait au grand jour que toute tentative de sortir du capitalisme ne pouvait mener qu’à instaurer un système encore plus oppressif.
    Pourtant, des critiques de gauche du système dit « soviétique » se firent entendre tout au long du XXe siècle, mais elles restèrent inaudibles pour le plus grand nombre. Avant de voir ce qu’elles furent, il faut s’interroger sur les raisons de ce déni, et un retour en arrière s’impose (...)
    "

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    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/11/les-revolutionnaires-contre-le-fascisme-rouge.html

  • #marxisme #léninisme #DictatureduProlétariat #étatisme
    #Camillo_Berneri #anarchisme #Liberté #autogestion #émancipation #écologie #antimilitarisme #anticléricalisme #fédéralisme_libertaire #feminisme #antiétatisme #anticapitalisme #antifascisme #internationalisme...

    ★ DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET SOCIALISME D’ÉTAT (1936), par Camillo Berneri militant communiste libertaire italien...

    "La dictature du prolétariat est une conception marxiste.
    Suivant Lénine « est seul marxiste celui qui étend la reconnaissance de la lutte de classe à la reconnaissance de la Dictature du prolétariat ». Lénine avait raison : la Dictature du prolétariat n’est, en effet, pour Marx que la conquête de l’État par le prolétariat qui, organisé en une classe politiquement dominante, arrive, au travers du Socialisme d’État, à la suppression de toutes les classes (...)
    L’État prolétarien est conçu comme une forme politique transitoire, destinée à détruire les classes. Une expropriation graduelle et l’idée d’un capitalisme d’État sont à la base de cette conception. Le programme économique de Lénine, à la veille de la révolution d’octobre se termine par cette phrase : « Le socialisme n’est autre chose qu’un monopole socialiste d’État. » (...)
    Lénine déguisait les choses. Les marxistes « ne se proposent pas la destruction complète de l’État », mais ils prévoient la disparition naturelle de l’État comme conséquence de la destruction des classes au moyen de la « dictature du prolétariat », c’est-à-dire du Socialisme d’État, tandis que les anarchistes veulent la destruction des classes au moyen d’une révolution sociale, qui supprime, avec les classes, l’État (...)
    La formule léniniste : « Les marxistes veulent préparer le prolétariat à la Révolution en utilisant l’appareil d’État moderne » est à la base du jacobinisme léniniste comme elle est à la base du parlementarisme et du ministérialisme social-réformiste (...)
    Qui jette un regard en arrière sur l’histoire du socialisme après l’exclusion des anarchistes ne peut que constater la dégénérescence graduelle du marxisme comme philosophie politique, au travers, des interprétations et de la pratique social-démocrates.
    Le léninisme constitue, sans aucun doute, un retour à l’esprit révolutionnaire du marxisme, mais il constitue aussi un retour aux sophismes et aux abstractions de la métaphysique marxiste.
    "

    ▶️ Lire le texte complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/12/dictature-du-proletariat-et-socialisme-d-etat.html

  • #Makhno #Makhnovtchina #Russie #Ukraine #histoire #bolchevisme #anarchisme

    ★ MAKHNO : POUR LE Xe ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT INSURRECTIONNEL MAKHNOVISTE EN UKRAINE (1928)...

    « Comme l’on sait, la honteuse trahison des dirigeants bolcheviks aux idées de la révolution d’Octobre amènera tout le parti bolchevik et son pouvoir "révolutionnaire prolétarien", établi sur le pays, à conclure une paix infâme avec les empereurs allemands, Wilhelm II, et autrichien, Karl, puis à une lutte encore plus infâme, à l’intérieur du pays, d’abord contre l’anarchisme, ensuite contre les Socialistes Révolutionnaires de gauche et le socialisme en général. En juin 1918, j’ai rencontré Lénine au Kremlin (...) »

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/makhno-pour-le-xe-anniversaire-du-mouvement-insurrectionnel-ma

    ★ NESTOR MAKHNO : POUR LE Xe ANNIVERSAIRE DU MOUVEMENT INSURRECTIONNEL MAKHNOVISTE EN UKRAINE (1928). « Comme l’on sait, la honteuse trahison des dirigeants bolcheviks aux idées de la révolution d’Octobre amènera tout le parti bolchevik et son pouvoir...

    • Pour compléter, sur cette épisode de la révolution russe (la répression par l’#Armée_rouge de l’armée de l’anarchiste paysan Makhno) :

      – 3 textes de Trotsky (ci-dessous)
      – un texte de Jean-Jacques Marie
      https://cahiersdumouvementouvrier.org/lukraine-hier-et-aujourdhui
      – un entretien avec Éric Aunoble (historien chargé de cours à l’Université de Genève)
      https://comptoir.org/2017/10/26/eric-aunoble-makhno-etait-lun-des-milliers-de-dirigeants-dinsurrections-lo

      La Révolution et les otages (Leur morale et la nôtre, Trotsky, 1938)

      Staline fait arrêter et fusiller les enfants de ses adversaires, fusillés eux-mêmes sur des accusations fausses. Les familles lui servent d’otages pour contraindre les diplomates soviétiques, capables d’émettre un doute sur la probité de Iagoda ou de Ejov, à revenir de l’étranger. Les moralistes de la “Neuer Weg” croient devoir rappeler à ce propos que Trotsky usa “lui aussi” en 1919 d’une loi des otages. Mais il faut citer textuellement : “L’arrestation des familles innocentes par Staline est d’une barbarie révoltante. C’est encore une action barbare quand elle est commandée par Trotsky (1919).” Voilà bien la morale idéaliste dans toute sa beauté ! Ses critériums sont aussi mensongers que les normes de la démocratie bourgeoise : on suppose dans les deux cas l’égalité où il n’y a pas l’ombre d’égalité.

      N’insistons pas ici sur le fait que le décret de 1919 ne fit très probablement fusiller personne d’entre les parents des officiers dont la trahison nous coûtait des vies sans nombre et menaçait de tuer la révolution. Au fond, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Si la révolution avait fait preuve dès le début de moins d’inutile générosité, des milliers de vies eussent été épargnées par la suite. Quoi qu’il en soit, je porte l’entière responsabilité du décret de 1919. Ce fut une mesure nécessaire dans la lutte contre les oppresseurs. Ce décret, comme toute la guerre civile, que l’on pourrait aussi appeler à juste titre une “révoltante barbarie”, n’a d’autre justification que l’objet historique de la lutte.

      Laissons à un Emil Ludwig et à ses pareils le soin de nous faire des portraits d’un Abraham Lincoln orné de petites ailes roses. L’importance de Lincoln vient de ce que, pour atteindre le grand but historique assigné par le développement du jeune peuple américain, il ne recula pas devant l’application des mesures les plus rigoureuses quand elles furent nécessaires. La question n’est même pas de savoir lequel des belligérants subit ou infligea les plus lourdes pertes. L’histoire a des mesures différentes pour les cruautés des sudistes et des nordistes dans la guerre de Sécession des Etats-Unis. Que de méprisables eunuques ne viennent pas soutenir que l’esclavagiste qui, par la ruse et la violence, enchaîne un esclave est devant la morale l’égal de l’esclave qui, par la ruse et la violence, brise ses chaînes !

      Quand la Commune de Paris eut été noyée dans le sang et que la canaille réactionnaire du monde entier se mit à traîner son drapeau dans la boue, il se trouva de nombreux philistins démocrates pour flétrir, avec la réaction, les Communards qui avaient exécuté 64 otages et parmi eux l’archevêque de Paris. Marx n’hésita pas un instant à prendre la défense de cette sanglante action de la Commune. Dans une circulaire du Conseil Général de l’Internationale, Marx rappelle – et l’on croit entendre des laves bouillonner sous ces lignes – que la bourgeoisie usa du système des otages dans la lutte contre les peuples des colonies et dans la lutte contre son propre peuple. Parlant ensuite des exécutions méthodiques des Communards prisonniers, il écrit : “Il ne restait plus à la Commune, pour défendre la vie de ses combattants prisonniers, qu’à recourir à la prise des otages, coutumière chez les Prussiens. La vie des otages fut perdue et reperdue du fait que les Versaillais continuaient a fusiller leurs prisonniers. Eût-il été possible d’épargner les otages après l’horrible carnage dont les prétoriens de Mac-Mahon marquèrent leur entrée dans Paris ? Le dernier contrepoids à la sauvagerie du gouvernement bourgeois – la prise des otages – allait-il n’être que dérision ?” Tel fut le langage de Marx sur l’exécution des otages, bien qu’il eût derrière lui, au Conseil Général de l’Internationale, bon nombre de Fermer Brockway, de Norman Thomas et autres Otto Bauer. L’indignation du prolétariat mondial, devant les atrocités commises par les Versaillais, était encore si grande que les brouillons réactionnaires préférèrent se taire, en attendant des temps meilleurs pour eux, – et ces temps, hélas ! ne tardèrent pas à venir. Les moralistes petits-bourgeois unis aux fonctionnaires de Trade Unions et aux phraseurs anarchistes ne torpillèrent la Première Internationale que lorsque la réaction eut décidément triomphé.

      Quand la révolution d’Octobre résistait aux forces réunies de l’impérialisme sur un front de 8 000 kilomètres, les ouvriers de tous les pays suivaient cette lutte avec une sympathie si ardente qu’il eût été risqué de dénoncer devant eux comme une “révoltante barbarie” la prise des otages. Il a fallu la dégénérescence totale de l’Etat soviétique et le triomphe de la réaction en divers pays pour que les moralistes sortissent de leurs trous… et vinssent au secours de Staline. Car, si les mesures de répression prises pour défendre les privilèges de la nouvelle aristocratie ont la même valeur morale que les mesures révolutionnaires prises dans la lutte libératrice, Staline est pleinement justifié, à moins que… à moins que la révolution prolétarienne ne soit condamnée en bloc.

      Messieurs les moralistes, tout en cherchant des exemples d’immoralité dans la guerre civile de Russie, sont obligés de fermer les yeux sur le fait que la guerre civile en Espagne a aussi rétabli la loi des otages, dans la période en tout cas où il y eut une véritable révolution des masses. Si les détracteurs ne se sont pas encore permis de condamner la “révoltante barbarie” des ouvriers d’Espagne, c’est seulement parce que le terrain de la péninsule ibérique est trop brûlant sous leurs pieds. Il leur est beaucoup plus commode de revenir à 1919. C’est déjà de l’histoire. Les vieux ont eu le temps d’oublier, les jeunes n’ont pas eu celui d’apprendre. Pour la même raison, les Pharisiens de toutes nuances reviennent avec tant d’opiniâtreté sur #Cronstadt et Makhno : les sécrétions morales peuvent ici se donner libre cours !

      _______________

      Lettre à W. Thomas (Trotsky, juillet 1937)

      Makhno : en lui-même, c’était un mélange de fanatique et d’aventurier. Mais il devint le centre des tendances qui provoquèrent l’insurrection de Cronstadt. La cavalerie est, de façon générale, la partie la plus réactionnaire de l’armée. Le cavalier méprise le piéton. Makhno a créé une cavalerie avec des paysans qui fournissaient leurs propres chevaux. Ce n’étaient pas les paysans pauvres écrasés que la révolution d’Octobre éveilla pour la première fois, mais les paysans aisés et repus qui avaient peur de perdre ce qu’ils avaient. Les idées anarchistes de Makhno (négation de l’État, mépris du pouvoir central) correspondaient on ne peut mieux à l’esprit de cette cavalerie koulak. J’ajoute que la haine pour l’ouvrier de la ville était complétée chez Makhno par un antisémitisme militant. Tandis que nous soutenions contre Denikine et Wrangel [4] une lutte à mort, les makhnovistes, confondant les deux camps, essayaient d’avoir une politique indépendante.. Le petit-bourgeois (koulak), qui avait pris le mors aux dents,pensait qu’il pouvait dicter ses conceptions contradictoires d’une part aux capitalistes et de l’autre aux ouvriers. Ce koulak étaitarmé. Il fallait le désarmer. C’est précisément ce que nous avons fait.

      Votre tentative de conclure que les fourberies de Staline découlent de l’ « amoralisme » des bolcheviks est radicalement fausse. Dans la période où la révolution luttait pour l’émancipation des masses opprimées, elle appelait toutes choses par le nom et n’avait nul besoin de fourberies. Le système des falsifications provient de ce que la bureaucratie stalinienne lutte pour les privilèges d’une minorité et qu’elle a besoin de dissimuler et de masquer ses objectifs véritables. Au lieu de rechercher l’explication dans les conditions matérielles du développement historique, vous créez une théorie du « péché originel » qui convient à l’Église, mais pas à la révolution socialiste.

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      Lettre aux bolcheviks-léninistes chinois (#Trotsky, 22 septembre 1932)

      A la tête du mouvement paysan se trouvent des communistes ou des sympathisants ; n’est-il donc pas évident que les ouvriers et les paysans doivent, lorsqu’ils se rencontreront, s’unifier sous le drapeau du communisme ?

      Malheureusement, le problème n’est pas si simple. Je m’appuierai sur l’expérience de la #Russie. Durant les années de la guerre civile, la paysannerie, dans différentes régions, créait ses propres troupes de partisans, et parfois même, naissaient des armées entières. Quelques-uns de ces corps d’armée se considéraient comme bolcheviks et étaient souvent dirigés par des ouvriers. D’autres restaient sans parti et avaient à leur tête le plus souvent d’anciens sous-officiers paysans. Il y avait aussi l’armée “ anarchiste ” sous le commandement de Makhno. Tant que les armées de partisans agissaient sur le revers de l’armée blanche, elles servaient la cause de la révolution. Certaines d’entre elles se remarquaient par un héroïsme et une ténacité particulière. Mais, dans les villes, ces armées entraient souvent en conflit avec les ouvriers et avec les organisations locales du parti. Les conflits naissaient aussi lors de la rencontre des partisans et de l’armée rouge régulière, et dans certains cas, cela prenait un caractère aigu et morbide.

      La rude expérience de la guerre civile nous a démontré la nécessité dé désarmer les corps d’armée des paysans dès que l’armée rouge assumait le pouvoir dans une région débarrassée des gardes blancs. Les meilleurs éléments, les plus conscients et les plus disciplinés, s’intégraient dans les rangs de l’armée rouge. Mais la plus grande partie des partisans tentait de conserver une existence indépendante, et entrait souvent en lutte armée directe avec le pouvoir soviétique. Il en fut ainsi avec l’armée “anarchiste”, indirectement koulak par son esprit, de Makhno, mais pas seulement avec elle. De nombreux corps paysans, luttant fermement contre la restauration des propriétaires fonciers, se transformaient après la victoire en une arme de la contre-révolution.

      Les conflits armés entre les paysans et les ouvriers, quelle qu’en soit l’origine dans les cas particuliers, que ce soit la provocation consciente des gardes blancs, le manque de tact des communistes, ou le concours malheureux dés circonstances, avaient à leur base la même cause sociale : la situation de classe et l’éducation différenciée des ouvriers et des paysans. L’ouvrier aborde les problèmes sous l’angle socialiste ; le paysan sous l’angle petit-bourgeois. L’ouvrier tente de socialiser la propriété qu’il a reprise à ses exploiteurs ; le paysan, tente, lui, de la partager. L’ouvrier veut faire servir les châteaux et les parcs dans l’intérêt général ; le paysan, pour peu qu’il ne puisse les partager, est enclin à brûler les châteaux et à déboiser les parcs. L’ouvrier fait effort pour résoudre les problèmes à l’échelle étatique, et selon un plan ; mais le paysan aborde tous les problèmes à l’échelle locale, et se conduit d’une façon hostile envers le plan du centre, etc…

      Il est évident que le paysan peut lui aussi s’élever jusqu’à un point de vue socialiste. Sous le régime prolétarien, une masse de plus en plus grande de paysans se rééduque dans l’esprit socialiste. Mais cela exige du temps, – des années, et même des décades. Si l’on n’envisage que la première étape de la révolution, alors les contradictions entre le socialisme prolétarien et l’individualisme paysan prennent souvent un caractère aigu.

      #Makhno #Makhnovtchina #Russie #Ukraine #histoire #bolchevisme #anarchisme #mythe #antisémitisme #révolution_russe #anarchisme #armée_paysanne #bolchévisme

    • L’éternel conflit entre l’anarchisme et le marxisme-léninisme...

      La Makhnovtchina ou Kronstadt resteront pour longtemps le symbole de la division entre ’communisme’ étatique, autoritaire et le communisme-libertaire... une plaie ouverte qui a du mal à cicatriser. Chacun sa voie.

      Nous nous garderons ici de tergiverser pendant des heures sur ces sujets épineux... /

      « Prenez le révolutionnaire le plus radical et placez-le sur le trône de toutes les Russies, ou confiez-lui un pouvoir dictatorial […] et avant un an il sera devenir pire que le Tsar lui-même. »

      ★ Mikhaïl Bakounine (1870)

      « Les marxistes prétendent que la dictature, seule - leur dictature bien évidemment - permettrait d’exprimer la volonté populaire. Notre réponse est celle-ci : nulle dictature n’a d’autre objectif que sa perpétuation et elle ne peut conduire qu’à l’esclavage du peuple la tolérant ; la liberté ne peut résulter que de la liberté, c’est à dire de la rébellion du peuple laborieux et de sa libre organisation. »

      ★ Mikhaïl Bakounine (1873)

      « Staline n’est pas tombé de la lune. Staline et le stalinisme ne sont que les conséquences logiques d’une évolution préalable et préparatoire, elle-même résultat d’un terrible égarement, d’une déviation néfaste de la Révolution. Ce furent Lénine et Trotski - c’est-à-dire leur système - qui préparèrent et engendrèrent Staline. »

      ★ Voline, in La Révolution inconnue (1947)

    • Ce n’est pas très sérieux de répondre à un trotskyste (donc marxiste et léniniste) en l’associant au « marxisme-léninisme » (qui n’a jamais eu rien à voir avec le marxisme ni le léninisme, mais seulement avec le stalinisme et surtout avec tous les mouvements nationalistes d’obédience maoïste). En outre, en tant que marxiste, léniniste et trotskyste, je ne me vois aucun rapport avec un quelconque communisme étatique et autoritaire. Je suis également pour la disparition de l’État, mais, concevant celui-ci comme l’outil nécessaire de la classe dominante, je ne conçois pas sa disparition sans celle des classes sociales et de l’exploitation.

      Quant aux dires de Voline, ils sont crétins. Il est courant de penser dans l’idéologie dominante que le stalinisme est, à la fois, la continuation et la faillite du léninisme. L’erreur de ce raisonnement commence avec l’identification tacite du bolchevisme, de la Révolution d’Octobre et de l’Union Soviétique. Le processus historique, qui consiste dans la lutte des forces hostiles, est remplacé par l’évolution du bolchevisme dans le vide. Cependant le bolchevisme est seulement un courant politique, certes étroitement lié à la classe ouvrière, mais non identique à elle. Et, outre la classe ouvrière, il existe en U.R.S.S. plus de cent millions de paysans, de nationalités diverses, un héritage d’oppression, de misère et d’ignorance.

      Représenter le processus de dégénérescence de l’Etat Soviétique comme l’évolution du bolchevisme pur, c’est ignorer la réalité sociale au nom d’un seul de ses éléments isolé d’une manière purement logique. Trouver dans la putréfaction de la bureaucratie staliniste un argument définitif contre le #bolchevisme, c’est raisonner à l’envers, en idéaliste achevé et sans la moindre analyse de classe.

    • « L’Etat - c’est nous. »

      Lénine, in Compte rendu du XIe Congrès du parti communiste, 27 mars 1922.

      La messe est dite.

      Nous sommes intimement persuadé que toute construction étatique quelle soit bourgeoise, démocratique, despotique, révolutionnaire ou ouvrière conduisent obligatoirement à une impasse et surtout à notre domination.

      Comme l’a écrit un auteur anarchiste, avec raison, toutes —il écrit bien TOUTES— les révolutions de "gauche" (pour simplifier) ont échoués, ont été confisqués et ont toutes abouti à un bain de sang ou une dictature.

      Révolutions confisquées systématiquement par une nouvelle caste, une nomenklatura qui s’imposent par la bureaucratie étatique, la terreur : une domination en remplace une autre.
      Loin des romances révolutionnaires idéalisées, la réalité est là et elle est sinistre.
      L’histoire du monde malheureusement confirme ces faits, à nos yeux.

      La Révolution des Soviets a aussi été confisquée, notamment au tournant sanglant de la répression de Kronstadt. Les Kronstadiens exigeaient la mise en pratique des fondements de la révolution d’Octobre :

      "Election libres des soviets, liberté de parole et de presse pour les ouvriers et paysans, les anarchistes, les socialistes révolutionnaires de gauche".
      On connaît la suite...

      > Utiliser des périphrases à l’infini ne changera rien à cela.

      "...dégénérescence de l’Etat Soviétique" : le mot fétiche est lâché ;-) !

      > Pour notre part, c’est typique de l’art de la langue de bois trotskyste.
      C’est dit sans aucune animosité. J’ai de très bons ami-e-s trotskystes ("chapelle" LO) et l’on se respecte mutuellement en connaissance de nos divergences... :-)

      "L’État, le gouvernement, quels qu’en soient la forme, le caractère, qu’il soit autoritaire ou constitutionnel, monarchique ou républicain fasciste, nazi ou bolchevik, est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement. S’il évolue parfois positivement c’est que, soumis à des pressions suffisamment fortes, il est obligé d’opérer le changement qu’on lui impose, pacifiquement parfois, brutalement le plus souvent, c’est-à-dire par les moyens révolutionnaires. De plus, le conservatisme inhérent à l’autorité sous toutes ses formes devient inévitablement réactionnaire. Deux raisons à cela :
      la première c’est qu’il est naturel pour un gouvernement, non seulement de garder le pouvoir qu’il détient, mais aussi de le renforcer, de l’étendre et de le perpétuer à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Plus forte est l’autorité, plus grands l’État et ses pouvoirs, plus intolérable sera pour lui une autorité similaire ou un pouvoir politique parallèle. La psychologie gouvernementale impose une influence et un prestige en constante augmentation, nationalement et internationalement, et il saisira toutes les occasions pour les accroître. Les intérêts financiers et commerciaux soutenant le gouvernement qui les représente et les sert, motivent cette tendance. La raison d’être fondamentale de tous les gouvernements, sur laquelle les historiens des temps passés fermaient volontairement les yeux, est si évidente aujourd’hui que les professeurs eux-mêmes ne peuvent plus l’ignorer.
      "

      ★ Emma Goldman, in L’Individu, la Société et l’État (1940).

      Trotsky a conservé une "auréole" grâce à une virginité historique tronquée : il n’a pas pu exercer pleinement le pouvoir (maudit comme disait si bien Louise Michel) auquel il se destinait et son assassinat terrifiant par un sbire stalinien... assassinat qui a horrifié Emma Goldman qui avait exprimée toute son empathie après ce terrible évènement.

      Le créateur de l’Armée Rouge fut le bourreau (entre autres) de l’anarchisme et pour notre part il ne fait aucun doute qu’il serait devenu le tyran de l’URSS, si Staline n’avait prit les devants dans cette folle et mortifère course au pouvoir.

      L’anarchisme est avant tout une émancipation individuelle et collective. Ce n’est pas pour rien qu’il a été persécuté tout à la fois par la bourgeoisie, le capitalisme, les stalinismes, les fascismes, les régimes autoproclamés "prolétaires"... bref, tous ceux qui veulent maintenir un Etat et une classe dirigeante... et ce malgré leurs dénégations souvent hypocrites.

      Tant qu’il existera des Etats pour servir le pouvoir et inversement, il n’y aura pas d’avancée pour l’humanité.

      « Nous savons que nous-mêmes ne sommes pas sans défaut et que les meilleurs d’entre nous seraient vite corrompus par l’exercice du pouvoir.
      Nous prenons les hommes pour ce qu’ils sont — et c’est pour cela que nous haïssons le gouvernement de l’homme par l’homme (...) Loin de vivre dans un monde de visions et d’imaginer les hommes meilleurs qu’ils ne sont, nous les voyons tels qu’ils sont, et c’est pourquoi nous affirmons que le meilleur des hommes est rendu essentiellement mauvais par l’exercice de l’autorité.
       »

      ★ Kropotkine, in L’anarchie (1896)

      Pour nous aucun doute, l’URSS stalinienne était un capitalisme d’Etat dictatorial et il n’en pouvait pas être autrement... tout comme le maoïsme est devenu aussi un capitalisme étatique militaro-policier. C’est inéluctable et c’est aux antipodes d’une soi-disant "dégénérescence"... une sémantique bien pratique pour masquer les choses.

      Les têtes changent, les mots changent, les maîtres changent mais la domination d’une minorité reste. Que se soit en URSS (et ses satellites), en Chine, en Corée, au Viêt-Nam, au Cambodge, à Cuba, etc. la nomenklatura (la bourgeoisie "prolétaire") est toujours là pour s’imposer, ouvrir des camps (goulags, laogai, etc.) mettre en place un régime policier... la longue litanie des exactions commises, bien évidemment, "au nom du peuple" déferlent... car c’est toujours "au nom du peuple" que les pires saloperies se font. Le pouvoir est toujours l’ennemi du peuple...

      En Anarchie il n’y a pas, et c’est tant mieux, de figure providentielle, de "messie", de sauveur ’infaillible’... il se remet toujours en question... et s’il existe de nombreuses figures libertaires emblématiques, elles peuvent êtres toutes remises en question (comme Proudhon souvent vilipendé, avec raison, pour la bassesse de ces propos sexistes et antisémites)... les icônes sont antinomiques de l’esprit anarchiste.
      Nous sommes, l’anarchisme est très iconoclaste.

      Un changement de maître (que se soit un "Président", "Führer", "Caudillo", "Conducător", "Duce", "Père des peuples", "Grand Timonier", "Líder Máximo"...) ne changera jamais rien.

      "Avec l’anarchie comme but et comme moyen, le communisme devient possible. Sans cela, il serait forcément la servitude et, comme telle, il ne pourrait exister."

      ★ Kropotkine in "Communisme et Anarchie" (1903)

      "Nous savons en tant qu’anarchistes, que tout changement dirigé d’en haut ne vise qu’à renforcer le système de domination."

      ★ Fédération anarchiste de Santiago - Chili - mai 2022

      Il faut sortir des fantasmes, des idées reçues, des on-dit, des rumeurs et des caricatures sur l’anarchisme véhiculés par tous les pouvoirs. L’anarchisme ne cherche en aucun cas le pouvoir, il n’a pas de dogme. L’anarchisme n’est pas un parti politique. Il n’y a pas de ’stratégie’ politique/politicienne (ça on le laisse aux bonimenteurs politicards) car nous ne sommes en aucun cas une "avant-garde". L’anarchisme n’a pas, non plus, toutes les réponses car il n’y a pas de solution miracle...

      > On voulait éviter de longues tergiversations :-) c’est raté ! car tu vas très certainement vouloir rebondir... sachant que l’on ne va pas se convaincre mutuellement, on ne fera plus de grandes réponses...

      "Chacun cherche sa route ; nous cherchons la nôtre et nous pensons que le jour où le règne de la liberté et de l’égalité sera arrivé, le genre humain sera heureux."

      ★ Louise Michel

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      > Lettre à Luigi Fabbri sur la « Dictature du prolétariat », par Errico Malatesta (30 juillet 1919) :

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/09/lettre-a-luigi-fabbri-sur-la-dictature-du-proletariat.html

      > Anarchistes vs bolcheviks - COMMENT IL NE FAUT PAS FAIRE LA RÉVOLUTION !

      https://cqfd-journal.org/Comment-il-ne-faut-pas-faire-la

      > 1934 : EMMA GOLDMAN EXPLIQUE POURQUOI LA DICTATURE BOLCHEVIK N’A RIEN À VOIR AVEC LE COMMUNISME

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2021/12/1934-emma-goldman-explique-pourquoi-la-dictature-bolchevik-n-a

      > LA VÉRITÉ SUR LES BOLCHEVIKS par Emma Goldman (1918)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/04/la-verite-sur-les-bolcheviks.html

      > LES BOLCHEVIQUES TUENT LES ANARCHISTES par Emma Goldman et Alexander Berkman (1922)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/10/les-bolcheviques-tuent-les-anarchistes.html

      > Rudolf Rocker : De la nature de l’État, extrait de Les Soviets trahis par les bolcheviks (1921)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/de-la-nature-de-l-etat.html

    • Le mot « dégénérescence » t’apparait sans doute comme un gros mot, il n’en demeure pas moins appuyé sur une analyse de classe qui, selon nous, est la seule manière de comprendre ce qui s’est passé en URSS : le rôle du parti bolchévique, la terreur rouge, la bureaucratisation, le stalinisme, la répression et l’assassinat de plusieurs générations de révolutionnaires.

      Situer les processus dans les principes d’organisation du parti bolchévique (certains osent jusqu’à dénoncer le marxisme lui-même...), c’est comme situer la politique de Terreur de Robespierre dans les idées des philosophes des lumières... Ca n’a pas de sens.

      Le pouvoir, c’est ce dont la classe exploitée devra s’emparer pour réorganiser la société sur la base des besoins et d’une rationalité capable de répondre à tous les enjeux qui se posent à l’humanité aujourd’hui. Le pouvoir ouvrier, c’est-à-dire les travailleurs eux-mêmes en charges des moyens de production après avoir exproprié la bourgeoisie, c’est ce qui sera nécessaire pour passer à l’étape suivante de l’histoire de l’humanité : une mondialisation de la production et des échanges qui s’effectue au profit des peuples et des individus, et non plus au profit d’une infime minorité de propriétaires parasites.

      Aux risques de la confiscation de ce pouvoir, les travailleurs devront s’armer de principes et d’outils pour y faire face. Et surtout de victoires ! C’est à ces conditions qu’ils pourront dans la durée inverser les rapports sociaux, conditions de la société communiste. Sans ces principes & outils (et conscience de classe !), de pouvoir il n’en auront pas, ou pas suffisamment, et ce sont les garants actuels de l’ordre social qui prendront leur revanche sanglante.

      Nous ne plaçons pas l’État et ses politiques au-dessus des rapports sociaux de production. Pour nous les marxistes, l’État n’est qu’une conséquence, une expression seconde des rapports sociaux de production qui fondent la société. D’où la nécessité des transformations de ces derniers pour rendre possible la disparition de l’État et l’organisation communiste de la société.

      Or, si la nouvelle classe possédante — le prolétariat — n’a pas son Etat pour se défendre et s’organiser, il n’y aura pas de révolution sociale, ni aucune transformation réelle & durable des rapports sociaux.

      Je ne cherche naturellement pas à te convaincre, mais puisqu’on nous lit peut-être, gageons que notre échange intéressera quelques-uns :)

    • mais puisqu’on nous lit peut-être, gageons que notre échange intéressera quelques-uns :)

      Certes, il y aura toujours un intérêt à confronter des opinions sur la thématique « marxisme-communisme-anarchisme ». Alors je souhaiterais connaître vos points de vue respectifs à propos d’un mouvement émancipateur plus actuel comme le #zapatisme. Il semblerait que ce mouvement ait été, à l’échelle globale, porteur d’espoir et l’est surement encore.

    •  ;-) Pourquoi « plus actuel » ?

      L’anarchisme est très actuel même s’il ne fait pas la une de l’actualité. ;-)

      Nous ne sommes pas « spécialistes » du zapatisme, mais il semble assez proche du municipalisme libertaire, comme l’expérience du Rojava.

      C’est, effectivement, une expérience originale et émancipatrice... on oserait dire anarcho-compatible.

      > Voici un article du ML (organe de la FA) sur le sujet :

      LES REBELLES ZAPATISTES :

      https://monde-libertaire.net/?article=LES_REBELLES_ZAPATISTES

    • Je pense personnellement qu’il n’y a pas plus « anarcho-compatibles » que les expériences émancipatrices du Chiapas et du Rojava. Après, se pose la question du rapport de force d’un point de vue géopolitique ... extrêmement défavorable pour les « rebelles ».
      Maintenant, il ne reste qu’à se persuader que ces luttes ne sont pas vaines et que leurs valeurs infuseront dans nos sociétés prétendument « développées ».

      (Je tague #municipalisme_libertaire ainsi que #Murray_Bookchin pour accéder aux sources très abondantes ici même sur Seenthis)

    • Zapatisme ou pas, le système politique vermoulu mexicain n’a reçu aucune égratignure. Et ne parlons même pas de la classe possédante mexicaine qui a à peine entendu parler du sous-commandant Marcos... La réalité, c’est qu’en absence d’une opposition ouvrière organisée, défendant ses intérêts de classe, le capitalisme a poursuivi sa prédation, toujours de façon de plus en plus débridée et criminelle contre la population. On a bien eu droit en France à l’enthousiasme du Monde Diplomatique et derrière lui d’une frange un peu « radicale » de la petite-bourgeoisie de gauche, mais cela ne permet pas d’aller beaucoup plus loin.

    • > Zapatisme ou Rojava ont le mérite d’exister.
      > Même si cela reste local (nous sommes pour le fédéralisme libertaire autogestionnaire), même si nous sommes internationalistes, il faut les soutenir.

      A force de tout relativiser on plonge dans l’expectative et le nombrilisme.

      Avec ce raisonnement simpliste, on peut donc affirmer que LO et l’Union Communiste Internationaliste ne servent à rien puisque le capitalisme se porte extrêmement bien France et en Europe !
      Où est la fameuse révolution prolétarienne sous la bannière de l’Union Communiste trotskyste, "l’avant-garde marxiste"... selon les images d’Epinal du romantisme trotskyste ;-) ?!

      > Restons dans le réel et non dans des fantasmes. Le Rojava et le Chiapas c’est du réel...

      « La pensée libertaire constitue l’espoir et la chance des derniers hommes libres. » ★ Albert Camus

    • Encore une fois, tu n’es pas sérieux. Ce n’est pas les révolutionnaires, et à plus forte raison quand ils sont minoritaires et à contre-courant, qui décident des situations révolutionnaires en France ni nulle part ailleurs. En revanche, ils militent au quotidien et sans relâche pour que les situations explosives — qui ne manqueront pas d’arriver — se transforment en de telles situations révolutionnaires. Et deviennent historiquement déterminantes. Si "l’avant-garde marxiste" (qui te fait pouffer) n’existe pas, il y aura certes des révoltes, des mobilisations, il y aura des expériences de toutes sortes, mais il n’y aura pas de révolution prolétarienne. Or, pour les militants de LO, il n’y a que ça qui compte si l’on veut « réellement » changer le monde.

    • Ceci dit, on ne peut vraiment dire que le comité internationale de la quatrième Internationale (#CIQI ou #ICQF de son acronyme anglo-saxon) ait pu en quelque façon infléchir les politiques ultralibérales des autres états occidentaux assujettis au capitalisme financiarisé.
      Quant à la petite bourgeoisie « un peu radicale », ce sera toujours le « marché de niche » de la contestation anticapitaliste.
      Mais au lieu de voir le verre à moitié vide, apprécions le fait que cette frange très limitée ne se soit pas orienté vers une autre forme de « radicalité ». Je sais, ça ne fonde un rapport de force. Ça a juste le mérite d’exister et je ne désespère pas que le communisme libertaire (municipalisme, zapatisme, etc) vienne remplacer la social-démocratie moribonde.

      [edit : je n’avais pas vu la réponse de @socialisme_libertaire] ;-)

    • Il n’y a plus d’internationale ni nulle part de parti ouvrier de masse. C’est bien le problème. En revanche, il y a un petit tas de « Quatrième Internationale » qui, bien que ne représentant rien (tant sur le plan théorique que sur le plan organisationnel), n’ont pas peur du ridicule. Pathétique et aussi un problème.

    • Quant à vouloir « remplacer la #social-démocratie », cette gauche gouvernementale & patronale, je ne comprends pas bien ce que cela signifie.

      Dans le monde ouvrier, qui est le seul à pouvoir renverser le capitalisme, la social-démocratie n’a plus que quelques militants de la LFI. Qui, certes, auront une capacité de nuisance en cas d’explosion sociale, mais pour le moment ses membres n’ont d’ambition que de propulser leurs politiciens au gouvernement de la #bourgeoisie.

      Ce qui pourrait utilement « remplacer la social-démocratie », c’est chez les travailleurs une véritable conscience de classe, une conscience nette de leurs intérêts et de leur rôle historique + une expérience concentrée des luttes. Car c’est sur cette base que l’#expropriation de la #classe_capitaliste, dont tout dépend, pourra se réaliser définitivement.

      Nous voulons tous faire valoir les droits nationaux des peuples écrasés par l’#impérialisme & stopper l’évolution vers la barbarie dans presque toutes les régions du monde (exploitation, impérialisme, misère sociale/morale/culturelle, développement inégal, sous-développement, saccages environnementaux, etc.). Mais pour cela, pour permettre à l’humanité de rompre avec cette phase de son histoire, il ne s’agit pas de compter sur des oasis dans un univers capitaliste fait de prédations et de mort, mais d’armer politiquement et moralement les #travailleurs — la seule #classe_révolutionnaire, la seule force en mesure de réaliser la révolution. Il n’y a pas d’autre voie.

      En attendant, le #nationalisme_kurde, même atténué et élargi à ce que les dirigeants du Rojava appellent le #confédéralisme_démocratique, a toujours été dépendant des décisions de l’impérialisme et reste aujourd’hui une voie sans issue. Quant à la révolte paysanne du #Chiapas, organisée par les #zapatistes, si elle a permis à de nombreux paysans ruinés, terrorisés, chassés de leurs terres, de retrouver il y a 30 ans quelques espoirs, elle ne s’est pas étendue et ne menace toujours en rien le pouvoir du capital. Pire, on en migre désormais pour les États-Unis. Et fini les références au #guévarisme ; ne reste qu’un discours sur le confédéralisme démocratique, le #féminisme et l’#écologie_sociale qui ne mange pas de pain et séduit encore (à l’international) une partie de la gauche « radicale »…

      #classe_ouvrière #révolution_sociale #lutte_de_classe

    • @recriweb

      « Ce n’est pas les révolutionnaires, et à plus forte raison quand ils sont minoritaires et à contre-courant, qui décident des situations révolutionnaires en France ni nulle part ailleurs. »

      > Nous sommes bien d’accord, c’est ce que nous voulions entendre après ta diatribe sur le Zapatisme... ;-)

      Notre boutade sur LO/UCI a servi à quelque chose :-)

      Nous sommes lucides : le mouvement révolutionnaire anarchiste est ultra-minoritaire et sans une prise de conscience du prolétariat (et même au-delà) rien ne se fera.
      Même constat pour l’extrême-gauche.

      Ceci dit nous sommes souvent ensemble dans les luttes dans les entreprises et ailleurs. Cela compte.

      Nous avons beaucoup de points communs et le même objectif : le communisme universel... mais la route diffère pour y arriver. Nous rejetons le manichéisme simpliste qui conduit à un repli sur soit sans avenir. Il est vrai qu’il est douillet de rester entre nous et de rester dans une bulle d’autosatisfaction !
      Nous rejoignons ce que dit un mouvement libertaire (l’UCL pour ne pas la nommer) quand il affirme que nous nous situons "dans la la continuité du mouvement libertaire ouvrier international, nous en reprenons les idées-forces sans rejeter les acquis positifs des autres courants".
      Nous avons pas mal d’affinité avec Rosa Luxemburg et le conseillisme. On pourrait multiplier les exemples.

      Le souci c’est que nous n’avons jamais rien vu de semblable dans la presse de LO (dont nous suivons régulièrement le site national)... le centralisme très dogmatique (notions exécrables pour nous) de ce courant trotskyste explique surement en grande partie cette attitude. C’est un carcan insupportable pour nous autres communistes-libertaires ;-) !
      Suivre quasi aveuglément la « ligne du parti », être au « garde-à-vous » (on sait... cela va te faire bondir) est impensable en milieux libertaires.
      Réciter « Le Capital » comme d’autres ânonnent le Coran ou la Bible, c’est une attitude étrangère au mouvement libertaire.

      Comme dit plus haut, l’anarchisme a beaucoup de figures emblématiques mais cela ne tombe jamais dans l’admiration béate ni un suivisme aveugle.
      Perso, je n’ai jamais lu une critique contre Marx ou Engels dans la presse LO ! Cela relève du « blasphème » ?? ;-)
      On note une approche un peu différente au sein du NPA (voir le bouquin de Besancenot « Affinités non électives, pour un dialogue sans langues de bois entre marxistes et anarchistes »)... enfin de ce qu’il en reste suite aux nombreuses scissions en son sein...

      Beaucoup de libertaires se disent marxiens (pas marxistes) car Marx a apporté beaucoup de choses dans la compréhension du capitalisme, etc.
      Quand (oui quand ?) verrons nous la même approche vis-à-vis de Bakounine, Goldman ou Kropotkine par un trotskyste ?

      L’ouverture d’esprit ne signifie nullement renier ses convictions.

      Perso, je lis souvent avec profit les éditoriaux du bulletin d’entreprise qu’un ami de LO m’envoi régulièrement !
      Combien de militants LO lisent Le Monde Libertaire... ou un autre journal anarchiste ?!? ;-)

      On sait aussi que Bakounine a participé à la traduction russe du Capital de Marx et que le militant communiste libertaire italien Carlo Cafiero a rédigé en 1878 un livre intitulé « Abrégé du Capital de Karl Marx » !

      > Comme a dit un anarchiste : la division du monde révolutionnaire entre marxiste et anarchiste est une querelle de famille que ne regarde que nous ;-)

      Bonne journée à toi :-)

    • Nous recevons bien sûr la presse anarchiste et la lisons. Nous invitons aussi chaque année à notre fête annuelle toutes les organisations anarchistes de France (dont l’UCL pour ne pas la nommer) et du monde (mais peu consentent à venir). Et nous sommes tous lecteurs de ses meilleurs théoriciens...

      Tu écris, en évitant la traditionnelle accusation de sectarisme (un exploit) : « Nous rejetons le manichéisme simpliste qui conduit à un repli sur soi sans avenir. Il est vrai qu’il est douillet de rester entre nous et de rester dans une bulle d’autosatisfaction ! »

      A quoi au juste fais-tu référence ? En évoquant un supposé « manichéisme simpliste », par exemple, fais-tu référence à notre attachement au rôle historique de la classe ouvrière et notre refus déterminé de le diluer dans les « oppressions spécifiques » ?

      Par « replis sur soi », fais-tu référence à notre refus de nous aligner politiquement et organisationnellement derrière des organisations réformistes ou des mouvements qui sont étrangers aux intérêts de classe des travailleurs ? – pour nous, dans une période comme celle que nous traversons, le seul moyen de survivre.

      Je passe sur la « bulle d’autosatisfaction », qui relève plus de la provocation gratuite que de l’argument. Il est vrai que notre rigueur et notre « centralisme démocratique » nous a permis de traverser cette période de coma du mouvement ouvrier (et nous espérons être encore là quand il se réveillera), mais cela ne nous empêche pas d’être « minoritaires » (comme je le disais plus haut). Vraiment pas de quoi se pavaner.

      Je trouve intéressant ta remarque pour le moins bienveillante à l’égard du NPA dans sa version #Besancenot. Nous revenons ici sur sa révision de la révolution russe, à laquelle tu fais référence : https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2017/10/28/la-revolution-doctobre-1917-des-lecons-toujours-dactualite_9

      Quant à l’évolution du #NPA lui-même, nous venons de publier ceci : https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2023/01/23/scission-du-npa-les-consequences-de-lopportunisme_472797.htm

      Quant à notre critique de #Marx et d’#Engels, nous pouvons en avoir sur des détails dus à leur époque, mais l’essentiel, en effet – le #matérialisme_dialectique, la lutte de classe, l’analyse de classe de l’État, etc. – constitue le socle idéologique de notre engagement révolutionnaire.

    • @Recriweb

      C’est un bon début ;-)

      Mais, désolé de le dire, cela reste une attitude minoritaire au sein du militantisme trotskyste et au-delà, marxiste.
      Cela reste très superficiel : il suffit de parcourir les nombreux sites marxistes pour lire des articles crasses et injurieux sur l’anarchisme.

      Nous sommes lucides et savons bien qu’il existe aussi du sectarisme chez certains libertaires... bien que cela soit parfaitement antinomique !
      Nous balayons devant notre porte car c’est juste la vérité.

      Comme nous disions au départ, les cicatrices historiques sont loin d’être guéries !
      Beaucoup pensent, surement avec raison, que la prise du pouvoir (que nous rejetons) par des marxistes rimera à nouveau avec des persécutions contre les anarchistes...

      On ne peut pas refaire l’histoire ;-)

      Merci pour cet échange cordial et fructueux !

    • Le but, c’est la prise du pouvoir par les travailleurs eux-mêmes (dont les marxistes, les anarchistes, etc.). Et il n’y a pas de gènes du marxisme qui pousse nécessairement à la répression des anarchistes (ça n’a aucun sens), mais des situations particulières de la révolution et des rapports sociaux. Quand je dis que les victoires seront déterminantes, c’est parce qu’elles seules empêcheront le mouvement révolutionnaire de pourrir et de se diviser.

      Mais oui — ceci pour finir :) — :

      à quoi bon discuter sans cesse de ces problèmes. Nous ne nous convaincrons pas par la discussion.

      Que chacun s’empare donc de sa théorie pour agir, s’il le peut. Et c’est sur les actes que nous pourrons juger de la valeur pratique, réelle de telle ou telle analyse. Bien sûr, c’est ce que chacun prétend faire, en se contentant de son immobilisme, ou en se servant de sa petite taille pour l’excuser.

      Mais n’y a-t-il pas autre chose à faire entre groupes qui se veulent révolutionnaires ?

      Il est évident que si un groupe réussit à diriger dans un pays quelconque, même petit, une révolution prolétarienne, il confirmera par là-même - à tort ou à raison - la valeur de ses analyses. Mais sans attendre cela, n’y a-t-il pas aujourd’hui d’autres confrontations possibles ? Des confrontations qui ne soient pas uniquement la reproduction sans fin de raisonnements qui sont rudimentaires pour les uns, et des contorsions pour les autres.

      N’y a-t-il pas dans nos pratiques militantes aux uns et aux autres, dans nos analyses quotidiennes, des exemples concrets qui permettent de vérifier à la lumière des faits telle ou telle analyse, ou de vérifier comment telle ou telle théorie inspire réellement, ou n’inspire pas du tout, nos analyses quotidiennes ? N’y a-t-il pas dans notre travail, tout simplement des choses dont les uns et les autres peuvent s’enrichir, chacun gardant l’activité politique de son choix (ou en changeant s’il le souhaite) ? Ce dont souffrent le plus nos groupes, c’est de leur petite taille sur des années et des années, compromettant ainsi la formation et la qualification des plus jeunes et, souvent, déformant les plus vieux. Voilà la confrontation que nous proposons, voilà la discussion que nous souhaitons et qui n’est pas celle sur laquelle se jettent, après d’innombrables autres, les camarades de la RSL.

      Certains en tireront comme conclusion que nous fuyons la discussion théorique. Libre à eux. A notre époque, nous avons beaucoup de théories et de candidats théoriciens, mais pour lesquels il nous manque malheureusement pas mal de vérifications pratiques et de candidats à de telles vérifications.

      Voilà pourquoi nous souhaitons que des échanges réels soient possibles : pour confronter des expériences.

      Si ces confrontations sont si difficiles, n’est-ce pas malheureusement parce que beaucoup de groupes ne militent pas réellement et se contentent de camper sur des positions « théoriques » qui leur semblent résoudre tout par elles-mêmes et remplacer l’action au lieu de l’inspirer.

      S’il est un phénomène auquel nous avons assisté d’innombrables fois dans l’extrême-gauche et plus spécialement dans le mouvement trotskyste depuis plus de cinquante ans, c’est bien celui-ci. Devant leurs propres échecs ou incapacités, et celui des autres révolutionnaires contemporains, des groupes ou des militants se mettent en quête de ce qui est erroné non pas dans leurs propres activités ou analyses quotidiennes mais dans les théories et les programmes du passé. Foin des « contorsions théoriques », « inextricables » ou pas : sans théorie révolutionnaire pas d’action révolutionnaire, donc si l’action n’existe pas, c’est que la théorie était mauvaise. CQFD.

      Habituellement les groupes dits « capitalistes d’État » (c’est-à-dire ceux qui définissent l’URSS comme un capitalisme d’État) se contentent de mettre en cause Trotsky et ses analyses. Les camarades de la Revolutionary Socialist League, eux, n’y vont pas par quatre chemins. S’ils n’ont pas réussi, c’est la faute non seulement de Trotsky, mais aussi de Lénine et de Marx lui-même.

      C’est donc du côté de l’anarchisme qu’ils regardent pour corriger les erreurs de Marx, tout en se réservant de ne prendre qu’une pincée de cet anarchisme comme ils ne prennent qu’une pincée de marxisme. Mais l’éclectisme ici n’est pas seulement un déguisement du scepticisme et un élégant moyen de prendre ses distances avec tout le mouvement révolutionnaire passé, c’est aussi une façon d’éviter de pousser ses idées jusqu’au bout... même si ce renoncement se cache sous le prétexte de repenser la théorie et la pratique, de faire une nouvelle « synthèse ».

      Mais si nous partons de l’idée que les échecs du mouvement révolutionnaire prolétarien contemporain doivent nous amener à nous poser des questions sur la validité des théories et des analyses fondamentales sur lesquelles il s’appuie, est-ce vraiment sérieux d’en appeler contre Marx à l’anarchisme ? Car si depuis plus de cent ans, depuis que marxisme et anarchisme se sont affrontés comme théories, méthodes, pensées et pratiques opposées, le bilan du premier, aussi bien pour l’analyse et la compréhension du monde que pour l’impact sur celui-ci, n’est-il pas immense alors que celui du second est nul ? Et même si l’on peut dresser aujourd’hui une sorte de constat d’impuissance apparente du mouvement trotskyste, n’est-ce pas la même chose pour le mouvement anarchiste et même en pire, d’autant plus que celui-ci a un passé bien plus long, et a connu àcertaines périodes et dans certains pays, des possibilités que le mouvement trotskyste n’a encore jamais connues, mais que le mouvement anarchiste a été totalement incapable d’utiliser. […]

      https://mensuel.lutte-ouvriere.org/documents/archives/la-revue-lutte-de-classe/serie-1986-1993-trilingue/article/trotskysme-ou-anarchisme-les-vrais-6621

    • Merci à vous d’avoir explicité vos points de vue. Je ne sais pas encore si l’échange aura été constructif mais disons qu’il sera parvenu à mettre en avant des problématiques liées à tout mouvement révolutionnaire.

      Pour alimenter la réflexion :

      https://www.cetri.be/Zapatisme-la-rebellion-qui-dure#nb12

      A la fois « identitaire, révolutionnaire et démocrate », la rébellion des indigènes zapatistes du Chiapas lutte « pour la dignité » et « contre le capitalisme ». Vingt ans après l’insurrection du 1er janvier 1994, elle est toujours là, opiniâtre et évolutive dans son profil et son rapport au politique. Pourtant le contexte ne lui sourit guère. Et l’« autonomie de fait » qu’elle construit sur le terrain étonne autant par son zèle que par sa précarité.

      Bonne lecture ! :-)

    • @recriweb

      Merci pour le lien : je pense avoir lu ce texte qui date de 1987 et de vos démêlés avec la Revolutionary Socialist League...

      "il n’y a pas de gènes du marxisme qui pousse nécessairement à la répression des anarchistes (ça n’a aucun sens)..." (sic)

      > Il ne faut pas et jamais oublier que dans TOUS les régimes qui se réclament du marxisme (à tort ou à raison, ce n’est pas vraiment notre souci), il y a eu de la répression et des persécutions contre les anarchistes.

      On ne croit pas au hasard, nous ne sommes pas naïf à ce point ;-)

      "Hommes et femmes, savez-vous que l’État est votre pire ennemi ? C’est une machine qui vous écrase pour mieux soutenir vos maîtres. Ceux que l’on nomme la classe dirigeante. L’État est un pillard à la solde des capitalistes et vous êtes naïfs d’en attendre du secours."

      ★ Emma Goldman (1893)

      >> Pour notre part, nous avons fait le tour du sujet... ;-)

      🛑 Pour les personnes intéressées, une (petite) sélection de textes sur les sujets du pouvoir et de l’étatisme sur notre Blog :

      ==================================================

      ★ L’ANARCHIE DE A À Z : « E » COMME ÉTAT

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/04/l-anarchie-de-a-a-z-e-comme-etat.html

      ★ L’ÉTAT, VOTRE PIRE ENNEMI

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2015/11/l-etat-votre-pire-ennemi.html

      ★ L’ÉTAT EST UNE CONSTRUCTION THÉORIQUE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/01/l-etat-est-une-construction-theorique.html

      ★ Bakounine : Les États, c’est la guerre permanente   ! (1870)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/12/les-etats-c-est-la-guerre-permanente.html

      ★ IL N’Y A PAS DE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/02/il-n-y-a-pas-de-gouvernement-revolutionnaire.html

      ★ Nestor Makhno : Le pouvoir « soviétique », son présent et son avenir (1931)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/09/le-pouvoir-sovietique-son-present-et-son-avenir.html

      ★ ANTI-ÉTATISME

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/02/anti-etatisme.html

      ★ L’ÉTAT ET MASSACRE MASSIF

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/02/l-etat-et-massacre-massif.html

      ★ MAKHNO : LA LUTTE CONTRE L’ETAT (1926)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/06/la-lutte-contre-l-etat.html

      ★ LE POUVOIR C’EST L’ENNEMI DU PEUPLE

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2016/02/le-pouvoir-c-est-l-ennemi-du-peuple.html

      L’ANARCHIE DE A À Z : « K » COMME KRONSTADT (OU LA FAILLITE DU LÉNINISME)

      https://www.socialisme-libertaire.fr/2019/03/l-anarchie-de-a-a-z-k-comme-kronstadt-ou-la-faillite-du-lenini

    • ★ Emma Goldman, in « L’Individu, la Société et l’État » (1940) :

      "L’État, le gouvernement, quels qu’en soient la forme, le caractère, qu’il soit autoritaire ou constitutionnel, monarchique ou républicain fasciste, nazi ou bolchevik, est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement. S’il évolue parfois positivement c’est que, soumis à des pressions suffisamment fortes, il est obligé d’opérer le changement qu’on lui impose, pacifiquement parfois, brutalement le plus souvent, c’est-à-dire par les moyens révolutionnaires. De plus, le conservatisme inhérent à l’autorité sous toutes ses formes devient inévitablement réactionnaire. Deux raisons à cela : la première c’est qu’il est naturel pour un gouvernement, non seulement de garder le pouvoir qu’il détient, mais aussi de le renforcer, de l’étendre et de le perpétuer à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Plus forte est l’autorité, plus grands l’État et ses pouvoirs, plus intolérable sera pour lui une autorité similaire ou un pouvoir politique parallèle. La psychologie gouvernementale impose une influence et un prestige en constante augmentation, nationalement et internationalement, et il saisira toutes les occasions pour les accroître. Les intérêts financiers et commerciaux soutenant le gouvernement qui les représente et les sert, motivent cette tendance. La raison d’être fondamentale de tous les gouvernements, sur laquelle les historiens des temps passés fermaient volontairement les yeux, est si évidente aujourd’hui que les professeurs eux-mêmes ne peuvent plus l’ignorer (...)
      Il fut un temps où l’État n’existait pas. L’homme a vécu dans des conditions naturelles, sans État ni gouvernement organisé. Les gens étaient groupés en petites communautés de quelques familles, cultivant le sol et s’adonnant à l’art et à l’artisanat. L’individu, puis plus tard la famille, était la cellule de base de la vie sociale ; chacun était libre et l’égal de son voisin. La société humaine de cette époque n’était pas un État mais une association volontaire où chacun bénéficiait de la protection de tous. Les aînés et les membres les plus expérimentés du groupe en étaient les guides et les conseillers. Ils aidaient à régler les problèmes vitaux, ce qui ne signifie pas gouverner et dominer l’individu. Ce n’est que plus tard qu’on vit apparaître gouvernement politique et État, conséquences du désir des plus forts de prendre l’avantage sur les plus faibles, de quelques-uns contre le plus grand nombre (...)
      L’absolutisme politique a été aboli parce que l’homme s’est aperçu, au cours des siècles, que le pouvoir absolu est un mal destructeur. Mais il en va de même de tous les pouvoirs, que ce soit celui des privilèges, de l’argent, du prêtre, du politicien ou de la soi-disant démocratie. Peu importe le caractère spécifique de la coercition s’il revêt la couleur noire du fascisme, le jaune du nazisme ou le rouge prétentieux du bolchevisme. Le pouvoir corrompt et dégrade aussi bien le maître que l’esclave, que ce pouvoir soit aux mains de l’autocrate, du parlement ou du soviet. Mais le pouvoir d’une classe est plus pernicieux encore que celui du dictateur, et rien n’est plus terrible que la tyrannie de la majorité.
      "

    • Un tas de références qui reposent, au yeux des marxistes, sur un contresens éculé qu’Emma Goldman n’est jamais parvenue à dépasser, un contresens étranger à toutes analyse de classe, genre : l’État est la « conséquence du désir des plus forts de prendre l’avantage sur les plus faibles, de quelques-uns contre le plus grand nombre ». C’est pourquoi il serait intrinsèquement mauvais : « le conservatisme est inhérent à l’autorité sous toutes ses formes », « l’État est de par sa nature même conservateur, statique, intolérant et opposé au changement ». Ces billevesées psychologisantes (et curieusement fatalistes) sont puériles.

      L’objectif est de se donner les moyens de renverser la classe capitaliste, de l’exproprier dans son intégralité et, partant, de partout détruire ses États et d’écraser ses instruments de répression. Pour cela, il faudra que la classe révolutionnaire (la classe ouvrière) se dote des outils nécessaires pour faire table rase. Et jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas autrement qu’en s’organisant pour être plus fort que l’ennemi que l’on remporte une bataille – et à plus forte raison une révolution mondiale. En effet, il nous faudra des outils nationaux et internationaux pour prendre des décisions décisives et s’assurer qu’elles seront appliquées. Parce que nous aurions « l’autoritarisme » dans le sang ? Non, parce que la machine de guerre que nous aurons en face ne nous permettra pas de faire l’économie d’une armée capable de riposter à tous les projets de dévastation.

      Ce faisant, c’est évident, armons-nous aussi des outils qui permettront d’empêcher que parmi ces hommes nécessaires, démocratiquement élus, qui prendront les décisions, il puisse y en avoir avec des projets contradictoires et nuisibles. Donc des dirigeants révocables à tout moment par les travailleurs eux-mêmes organisés (en conseils, en soviets, en comité, on verra comment ils les construirons, sur quelles bases, et comment ils les appelleront).

      Mais à ce propos, une référence, un classique du marxisme : L’État et la révolution, de #Lénine (1917) – pour comprendre notre point de vue (et rétablir l’équilibre face à toutes les références données plus haut) :
      https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er00t.htm

      Le sommaire (principal) :

      CHAPITRE I. LA SOCIETE DE CLASSES ET L’ETAT

      1. L’Etat, produit de contradictions de classes inconciliables
      2. Détachements spéciaux d’hommes armés, prisons, etc.
      3. L’Etat, instrument pour l’exploitation de la classe opprimée
      4. « Extinction » de l’Etat et révolution violente

      CHAPlTRE II. L’ETAT ET LA REVOLUTION. L’EXPERIENCE DES ANNEES 1818-1851

      1. La veille de la révolution
      2. Le bilan d’une révolution
      3. Comment Marx posait la question en 1852

      CHAPITRE III. L’ETAT ET LA REVOLUTION. L’EXPERIENCE DE LA COMMUNE DE PARIS (1871). ANALYSE DE MARX

      1. En quoi la tentative des communards est-elle héroïque ?
      2. Par quoi remplacer la machine d’Etat démolie ?
      3. Suppression du parlementarisme
      4. Organisation de l’unité de la nation
      5. Destruction de l’Etat parasite

      CHAPITRE IV. SUITE. EXPLICATIONS COMPLEMENTAIRES D’ENGELS

      1. La « question du logement »
      2. Polémique avec les anarchistes
      3. Lettre à Bebel
      4. Critique du projet de programme d’Erfurt
      5. L’introduction de 1891 à La Guerre civile en France de Marx
      6. Engels et le dépassement de la démocratie

      CHAPITRE V. LES BASES ECONOMIQUES DE L’EXTINCTION DE L’ETAT

      1. Comment Marx pose la question
      2. La transition du capitalisme au communisme
      3. Première phase de la société communiste
      4. Phase supérieure de la société communiste

  • La réédition du Staline de Léon Trotsky
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2023/01/23/la-reedition-du-staline-de-leon-trotsky_472798.html

    Les #éditions_Syllepse ont eu la bonne idée de rééditer le #Staline de Trotsky, que l’on ne trouvait plus depuis longtemps. Il s’agit d’une édition d’un millier de pages. Augmentée par rapport à celle de 1948, elle intègre des écrits destinés à cet ouvrage que l’on a récemment retrouvés dans les archives de #Trotsky. Elle rétablit aussi le contenu du texte original que, par endroits, le premier traducteur américain avait mutilé ou remanié selon ses propres opinions.

    – Petite et grande Histoire
    – Défense et illustration du #bolchevisme

    #stalinisme #révolution_russe #bureaucratie

    • […] On a là un texte plus fidèle, plus complet, dont l’importance réside d’abord dans le fait qu’il s’agit du tout dernier livre auquel #Trotsky a travaillé, et qu’on y retrouve donc le maximum de l’expérience et de la compétence dont toute une vie de #révolutionnaire l’avait doté.

      Au travers de la biographie de #Staline, il traite sous de multiples angles toute une série de questions qui concernent la #révolution et les tâches des révolutionnaires  : le #Parti_bolchevique, son rôle, ce qu’étaient les militants qui le construisirent et le firent vivre, «  l’air des cimes  », dit-il, qui y soufflait du temps de Lénine  ; l’attitude à l’égard des minorités nationales  ; la construction d’un mouvement ouvrier politiquement conscient  ; l’irruption des masses sur la scène durant les trois révolutions russes et la guerre civile  ; la création et la signification de l’#Internationale_communiste  ; l’#armement_du_prolétariat  ; la lutte pour l’édification d’un #État_ouvrier  ; les flux et reflux de l’histoire  ; le rôle des individus et des partis dans ces bouleversements  ; les ressorts de la dégénérescence bureaucratique de l’#URSS, la comparaison entre le #Thermidor_russe et le #Thermidor de la #révolution_française, la mise en place de la #dictature_stalinienne, la nature de la bureaucratie  ; l’avenir de l’URSS et la confiance que, tôt ou tard, la classe ouvrière internationale reprendra le drapeau de la lutte pour l’avenir communiste…

      Tous ces thèmes, Trotsky les discute au fil d’époques différentes de l’histoire du mouvement ouvrier, au travers de situations concrètes, de leur changement plus ou moins rapide et de la compréhension qu’en ont les masses, des conclusions qu’en tirent militants et dirigeants révolutionnaires. Et ils sont des centaines connus ou moins connus que Trotsky, qui les a côtoyés en tant que camarade de lutte, fait resurgir dans ces pages.

      C’est dire que, quand on veut s’inscrire dans la lignée du combat de #Lénine, de Trotsky et des bolcheviks pour renverser le système capitaliste tout entier, et donc comprendre ce qu’en furent les enjeux et en quoi ils sont aujourd’hui plus actuels que jamais, il y a toutes les raisons de lire ou de relire ce texte. En effet, Trotsky y a concentré ce qui faisait de lui un maillon irremplaçable dans la transmission du flambeau de la révolution aux nouvelles générations  : son expérience unique de #militant_communiste internationaliste, de dirigeant de la première #révolution_prolétarienne victorieuse de l’Histoire. […]

  • #RudolfRocker #Soviet #bolchevisme #dictature #Etat #étatisme #Lénine #anarchie #anarchisme

    ★ DE LA NATURE DE L’ÉTAT...

    ★ Rudolf Rocker : De la nature de l’État, extrait de « Les Soviets trahis par les bolcheviks » (1921)...

    « Quelques mois avant que n’éclate la révolution d’Octobre 1917, LÉNINE écrivit son célèbre ouvrage l’État et la Révolution, qui représente un curieux mélange d’idées marxistes et apparemment anarchistes. Il cherche à établir, au moyen de preuves soigneusement choisies, que MARX et ENGELS ont toujours préconisé la suppression de l’État et n’ont prétendu se servir de la machine d’État que pendant la période de transition révolutionnaire, où la société passe du capitalisme au socialisme (...) »

    https://www.socialisme-libertaire.fr/2022/12/de-la-nature-de-l-etat.html

    ★ Rudolf Rocker : De la nature de l’État, extrait de Les Soviets trahis par les bolcheviks (1921). « Quelques mois avant que n’éclate la révolution d’Octobre 1917, LÉNINE écrivit son célèbre ouvrage l’État et la Révolution, qui représente un curieux mélange...

  • En 1958, #Rothko doit faire trente deux peintures pour un restaurant d’entreprise. Une fois les tableaux réalisés, pris d’un doute, il va dîner dans le restaurant qui vient d’ouvrir. Ce n’est pas du tout la cantine pour employés qu’il imaginait, mais un restaurant luxueux pour gens fortunés : Quiconque peut manger cette sorte de nourriture pour cette sorte de tarif ne regardera jamais une de mes peintures, dit-il à l’un de ses proches. Plus tard, au bar d’un paquebot alors qu’il revient d’un voyage en Europe, il fera encore cette remarque : Un lieu où les salauds les plus riches de New-York viennent pour bouffer et se montrer. Rothko rend le chèque au commanditaire et garde les tableaux.

    (Jacques Lèbre, À bientôt, 72)

  • 16 novembre 1927 : #Adolf_Joffé se suicide. Il laisse auprès de son corps la lettre suivante, adressée à Léon #Trotsky :

    Cher Léon Davidovitch,

    Toute ma vie j’ai été d’avis qu’un homme politique devait comprendre lorsque le moment était venu de s’en aller ainsi qu’un acteur quitte la scène et qu’il vaut mieux pour lui s’en aller trop tôt que trop tard.

    Pendant plus de trente ans j’ai admis l’idée que la vie humaine n’a de signification qu’aussi longtemps et dans la mesure où elle est au service de quelque chose d’infini. Pour nous, l’humanité est cet infini. Tout le reste est fini, et travailler pour ce reste n’a pas de sens. Même si l’humanité devait un jour connaître une signification placée au-dessus d’elle-même, celle-ci ne deviendrait claire que dans un avenir si éloigné que pour nous l’humanité serait néanmoins quelque chose de complètement infini. Si on croit, comme je le fais, au progrès, on peut admettre que lorsque l’heure viendra pour notre planète de disparaître, l’humanité aura longtemps avant trouvé le moyen d’émigrer et de s’installer sur des planètes plus jeunes. C’est dans cette conception que j’ai, jour après jour, placé le sens de la vie. Et quand je regarde aujourd’hui mon passé, les vingt-sept années que j’ai passées dans les rangs de notre parti, je crois pouvoir dire avec raison que, tout le long de ma vie consciente, je suis resté fidèle à cette philosophie. J’ai toujours vécu suivant le précepte : travaille et combat pour le bien de l’humanité. Aussi je crois pouvoir dire à bon droit que chaque jour de ma vie a eu son sens.

    Mais il me semble maintenant que le temps est venu où ma vie perd son sens, et c’est pourquoi je me sens le devoir d’y mettre fin.

    Depuis plusieurs années, les dirigeants actuels de notre parti, fidèles à leur orientation de ne donner aux membres de l’opposition aucun travail, ne m’ont permis aucune activité, ni en politique, ni dans le travail soviétique, qui corresponde à mes aptitudes. Depuis un an, comme vous le savez, le bureau politique m’a interdit, en tant qu’adhérent de l’opposition, tout travail politique. Ma santé n’a pas cessé d’empirer. Le 20 septembre, pour des raisons inconnues de moi, la commission médicale du comité central m’a fait examiner par des spécialistes. Ceux-ci m’ont déclaré catégoriquement que ma santé était bien pire que je ne le supposais, et que je ne devais pas passer un jour de plus à Moscou, ni rester une heure de plus sans traitement, mais que je devais immédiatement partir pour l’étranger, dans un sanatorium convenable.

    A ma question directe ; « Quelle chance ai-je de guérir à l’étranger, et ne puis-je pas me faire traiter en Russie sans abandonner mon travail », les médecins et assistants, le médecin en activité du comité central, le camarade Abrossov, un autre médecin communiste et le directeur de l’hôpital du Kremlin m’ont répondu unanimement que les sanatoriums russes ne pouvaient absolument pas me soigner, et que je devais subir un traitement à l’Ouest. Ils ajoutèrent que si je suivais leurs conseils, je n’en serais pas moins sans aucun doute hors d’état de travailler pour une longue période.

    Après quoi, la commission médicale du comité central, bien qu’elle eût décidé de m’examiner de sa propre initiative, n’entreprit aucune démarche, ni pour mon départ à l’étranger, ni pour mon traitement dans le pays. Au contraire, le pharmacien du Kremlin, qui, jusqu’ici, m’avait fourni les remèdes qui m’étaient prescrits, se vit interdire de le faire. J’étais ainsi privé des remèdes gratuits dont j’avais bénéficié jusque-là. Cela arriva, semble-t-il, au moment où le groupe qui se trouve au pouvoir commença à appliquer sa solution contre les camarades de l’opposition : frapper l’opposition au ventre.

    Tant que j’étais assez bien pour travailler, tout cela m’importait peu ; mais comme j’allais de mal en pis, ma femme s’adressa à la commission médicale du comité central, et, personnellement, au docteur Semachko, qui a toujours affirmé publiquement qu’il ne fallait rien négliger pour « sauver la vieille garde » ; mais elle n’obtint pas de réponse, et tout ce qu’elle put faire fut d’obtenir un extrait de la décision de la commission. On y énumérait mes maladies chroniques, et on y affirmait que je devais pour un an environ me rendre dans un sanatorium comme celui du professeur Riedländer. « Il y a maintenant huit jours que j’ai dû m’aliter définitivement, car mes maux chroniques, dans de telles circonstances, se sont naturellement fortement aggravés, et surtout le pire d’entre eux, ma vieille polynévrite, qui est redevenue aiguë, me causant des souffrances presque intolérables, et m’empêchant même de marcher.

    Depuis neuf jours je suis resté sans aucun traitement, et la question de mon voyage à l’étranger n’a pas été reprise. Aucun des médecins du comité central ne m’a visité. Le professeur Davidenko et le docteur Levine, qui ont été appelés à mon chevet, m’ont prescrit des bagatelles, qui manifestement ne peuvent guérir, et ont reconnu qu’on ne pouvait rien faire et qu’un voyage à l’étranger était urgent. Le docteur Levine a dit à ma femme que la question s’aggravait du fait que la commission pensait évidemment que ma femme voudrait m’accompagner, » ce qui rendrait l’affaire trop coûteuse « . Ma femme répondit que, en dépit de l’état lamentable dans lequel je me trouvais, elle n’insisterait pas pour m’accompagner, ni elle, ni personne. Le docteur Levine nous assura alors que, dans ces conditions, l’affaire pourrait être réglée. Il m’a répété aujourd’hui que les médecins ne pouvaient rien faire, que le seul remède qui restait était mon départ immédiat pour l’étranger. Puis, ce soir, le médecin du comité central, le camarade Potiomkrine, a notifié à ma femme la décision de la commission médicale du comité central de ne pas m’envoyer à l’étranger, mais de me soigner en Russie. La raison en était que les spécialistes prévoyaient un long traitement à l’étranger et estimaient un court séjour inutile, mais que le comité central ne pouvait donner plus de 1000 dollars pour mon traitement et estimait impossible de donner plus.

    Lors de mon séjour à l’étranger il y a quelque temps, j’ai reçu une offre de 20 000 dollars pour l’édition de mes mémoires ; mais comme ceux-ci doivent passer par la censure du bureau politique, et comme je sais combien, dans notre pays, on falsifie l’histoire du parti et de la révolution, ,je ne veux pas prêter la main à une telle falsification. Tout le travail de censure du bureau politique aurait consisté à m’interdire une appréciation véridique des personnes et de leurs actes - tant des véritables dirigeants de la révolution que de ceux qui se targuent de l’avoir été. Je n’ai donc aujourd’hui aucune possibilité de me faire soigner sans obtenir de l’argent du comité central, et celui-ci, après mes vingt-sept ans de travail révolutionnaire, ne croit pas pouvoir estimer ma vie et ma santé à un prix supérieur à 1000 dollars. C’est pourquoi, comme je l’ai dit, il est temps de mettre fin à ma vie. Je sais que l’opinion générale du parti n’admet pas le suicide ; mais je crois néanmoins qu’aucun de ceux qui comprendront ma situation ne pourra me condamner. Si j’étais en bonne santé, je trouverais bien la force et l’énergie de combattre contre la situation existant dans le parti ; mais, dans mon état présent, je ne puis supporter un état de fait dans lequel le parti tolère en silence votre exclusion, même si je suis profondément persuadé que, tôt ou tard, se produira une crise qui obligera le parti à expulser ceux qui se sont rendus coupables d’une telle ignominie. En ce sens, ma mort est une protestation contre ceux qui ont conduit le parti si loin qu’il ne peut même pas réagir contre une telle honte.

    S’il m’est permis de comparer une grande chose avec une petite, je dirai que l’événement historique de la plus haute importance que constituent votre exclusion et celle de #Zinoviev, une exclusion qui doit inévitablement ouvrir une période thermidorienne dans notre révolution, et le fait que, après vingt-sept années d’activité dans des postes responsables, il ne me reste plus rien d’autre à faire qu’à me tirer une balle dans la tête, ces deux faits illustrent une seule et même chose : le régime actuel de notre parti. Et ces deux faits, le petit et le grand, contribuent tous les deux à pousser le parti sur le chemin de #Thermidor.

    Cher Léon Davidovitch, nous sommes unis par dix ans de travail en commun, et je le crois aussi par les liens de l’amitié ; et cela me donne le droit, au moment de la séparation, de vous dire ce qui me parait être chez vous une faiblesse.

    Je n’ai jamais douté que vous étiez dans la voie juste, et, vous le savez, depuis plus de vingt ans, y compris dans la question de la » révolution permanente ", j’ai toujours été de votre côté. Mais il m’a toujours semblé qu’il vous manquait cette inflexibilité, cette intransigeance dont a fait preuve Lénine, cette capacité de rester seul en cas de besoin, et de poursuivre dans la même direction, parce qu’il était sûr d’une future majorité, d’une future reconnaissance de la justesse de ses vues. Vous avez toujours eu raison en politique depuis 1905, et Lénine lui aussi l’a reconnu ; je vous ai souvent raconté que je lui avais entendu dire moi-même : en 1905, c’était vous et non lui qui aviez raison. A l’heure de la mort, on ne ment pas et je vous le répète aujourd’hui.

    Mais vous vous êtes souvent départi de la position juste en faveur d’une unification, d’un compromis dont vous surestimiez la valeur. C’était une erreur. Je le répète : en politique, vous avez toujours eu raison, et maintenant vous avez plus que jamais raison. Un jour, le parti le comprendra, et l’histoire sera forcée de le reconnaître.

    Ne vous inquiétez donc pas si certains vous abandonnent, et surtout si la majorité ne vient pas à vous aussi vite que nous le souhaitons. Vous êtes dans le vrai, mais la certitude de la victoire ne petit résider que dans une intransigeance résolue, dans le refus de tout compromis, comme ce fut le secret des victoires de Vladimir Iliitch.

    J’ai souvent voulu vous dire ce qui précède, mais je ne m’y suis décidé que dans le moment où je vous dis adieu. Je vous souhaite force et courage, comme vous en avez toujours montré, et une prompte victoire. Je vous embrasse. Adieu.

    A. Joffé.

    PS. - J’ai écrit cette lettre pendant la nuit du 15 au 16, et, aujourd’hui 16 novembre, Maria Mikhailovna est allée à la commission médicale pour insister pour qu’on m’envoie à l’étranger, même pour, un mois ou deux. On lui a répondu que, d’après l’avis des spécialistes, un séjour de courte durée à l’étranger était tout à fait inutile ; et on l’a informée que la commission avait décidé de me transférer immédiatement à l’hôpital du Kremlin. Ainsi ils me refusent même un court voyage à l’étranger pour améliorer ma santé, alors que tous les médecins sont d’accord pour estimer qu’une cure en Russie est inutile.

    Adieu, cher Léon Davidovitch, soyez fort, il faut l’être, et il faut être persévérant aussi, et ne me gardez pas rancune.

    Source : https://www.marxists.org/francais/4int/urss/joffe_19271115.htm

    #suicide #stalinisme #trotskysme #Lénine

    • je ne puis supporter un état de fait dans lequel le parti tolère en silence votre exclusion, même si je suis profondément persuadé que, tôt ou tard, se produira une crise qui obligera le parti à expulser ceux qui se sont rendus coupables d’une telle ignominie.

      paradoxe, Trotsky avait raison quant à la portée révolutionnaire des soviets de 1905, cette avant-garde de masse, face à un Lénine qui n’admettait alors rien au-delà du parti. effondrement (et pour cause ?), il devint le premier des trotskystes, tragiquement éprouvés par des persécutions criminelles, un courant qui n’a tenu que par une version épurée jusqu’à l’abstraction politique la plus déliée possible des subjectivités sociales qui inventèrent les soviets : la foi en un parti d’avant-garde qu’une autre direction politique (...) viendrait rendre à sa vérité, un néobolchévisme authentique, sans révolution.

      #parti #révolution #révolution_interrompue #soviets

  • La planification économique (1/3) : Eugène #Zaleski et la planification communiste

    Je continue de définir certains termes importants pour mon #Projet_de_recherche — aujourd’hui, la planification économique sous le #communisme. Selon le Dictionnaire du communisme de Larousse :

    La #planification est l’outil stratégique par lequel #Lénine espère éliminer la « main invisible » du marché propre au #capitalisme. Aux effets imprévisibles du marché, le plan prétend substituer la vision claire et à long terme d’objectifs fixés centralement pour la réalisation des buts sociétaux. (p. 449)

    L’article en question se montre bien trop hâtif à l’opposer sous toutes ses formes, perdant toute objectivité. Mais elle renvoie (en le citant sans référence) à un article intéressant de Xavier Richet, « Fluctuations, déséquilibres et ouverture dans les économies de type #soviétique » :

    https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1986_num_37_3_408928

    Selon Richet, dans La planification stalinienne d’Eugène Zaleski l’auteur affirme que :

    Dans ces conditions, [celles de la planification sous #Staline, nda] l’existence d’un plan central, cohérent et parfait, réparti et exécuté à tous les échelons, n’est qu’un mythe. On se trouve plutôt en présence d’une quantité innombrable de plans en perpétuelle évolution et dont la #coordination définitive n’a lieu qu’après sa mise en œuvre. Il en découle l’émergence d’un pouvoir de gestion comme seule réalité concrète s’incarnant dans l’administration économique strictement hiérarchisée, des ministères de branche à l’entreprise, soumise à une discipline sévère. Selon E. Zaleski, il convient donc de parler d’une #économie centralement gérée ; la #centralisation excessive n’est pas contradictoire avec l’atomisation des décisions en matière économique ; la centralisation, en fait libère des espaces d’autonomie dont profitent les instances intermédiaires et subalternes.

    Puis, à la page 614 du livre de Zaleski, on trouve la phrase suivante, résumant sa vision :

    “La tâche principale du planificateur stalinien n’est pas de coordonner les plans. Son but est plus ambitieux – imposer au pays sa vision du futur” (p. 614)

    Question à explorer dans la deuxième partie : que peut-on dire de la planification capitaliste, revendiquée par Ha-Joon Chang ?

    _
    Références :
    Courtois, Stéphane, ed. 2007. Dictionnaire du communisme. A présent. Paris : Larousse.

    Richet, Xavier. 1986. ‘Fluctuations, déséquilibres et ouverture dans les économies de type soviétique’. Revue économique 37 (3) : 579–84.

    Zaleski, Eugène. 1984. La Planification Stalinienne  : Croissance et Fluctuations Économiques En U.R.S.S., 1933-1952. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3323677d.

  • Qu’est-ce-que le tiers monde ?
    Pour mon #Projet_de_recherche sur le #Cuba j’essaie de définir mes termes avec précision. Commençons donc avec une notion importante, celui du #tiers_monde, grâce au travail d’#Alfred_Sauvy (1986 [1952]) et de #Vijay_Prashad (2007).

    Alfred Sauvy, écrivant dans les pages de L’Observateur en 1952, avance une conception tripartite du monde. Les deux premiers mondes correspondent aux deux côtés qui s’affrontent dans la guerre froide, divisés par le « rideau de fer » de Churchill : le premier monde est l’Ouest, le deuxième monde l’Est. Ils sont en « lutte pour la possession du troisième monde » (p. 81). Ce dernier, le tiers monde, c’est ce que l’on a pu nommer « les pays sous-développés » (Ibid.) aux Nations Unies, comportant deux milliards de personnes—soit deux tiers de la population mondiale (Prashad, 2007, p. 8). (La comparaison est d’ailleurs faite par Sauvy avec le Tiers Etat de la Révolution française.)

    Vijay Prashad, dans The Darker Nations, montre comment les pays concernés ont donné sens à ce concept en cherchant à prendre la place d’un troisième bloc ayant une certaine unité politique. C’est pour cela qu’il dit :

    The Third World was not a place. It was a project. (p. xv)

    La plateforme partagée de cet ensemble de gouvernements est exprimée de plusieurs façons. D’une lutte pour la notion abstraite de « dignité » (p. xv) à l’idéologie plus substantive d’« internationalist nationalism » (p. 12), elle met aussi en avant des demandes tant pour les « nécessités concrètes » (p. xv) de la vie de chacun que, dans les relations internationales, pour une non-violence et un développement des Nations Unies (p. 11).

    Le tiers monde est donc une notion élaborée par les pays concernés eux-mêmes à travers la pratique et le débat, avec une plateforme construite lors d’assemblées afro-asiatiques à Bandung en 1955 (Cf. p. 32 ff.) ou encore à Caïro en 1961 (Cf. p.57 ff.), lors de la Conférence tricontinentale de 1966 (Cf. p. 107 ff.) et lors des luttes de ces pays, souvent à l’unisson, à l’ONU (p. xvi). On peut aussi renvoyer à deux projets aux noms connus pour préciser le concept du tiers monde : le mouvement des non-alignés crée en 1961 et le Groupe des 77 (ou G-77) fondée au sein des Nations Unies en 1964 (p. 13).

    Voilà donc la définition de tiers monde que je retiendrai. Celle-ci montre pourquoi le terme reste pertinent pour mon sujet (la théorie économique ä Cuba pendant les années 1960 et 1970), plutôt que d’employer le terme de « Global South » (suivant le clivage Nord/Sud popularisé par Willy Brandt en 1980) qui est très en vogue mais dont l’utilité—surtout pour parler des pays non-alignés pendant la guerre froide—est contestable.

    Références :
    Prashad, Vijay. (2007) The Darker Nations : A People’s History of the Third World. New York : New Press : Distributed by W.W. Norton (A New Press People’s History).

    Sauvy, Alfred. (1986) ‘Trois mondes, une planète’, Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 12(1), pp. 81–83.

    • See also, for further reading:

      Bevins, Vincent. The Jakarta Method: Washington’s Anticommunist Crusade and the Mass Murder Program That Shaped Our World (2020).

      Funnily enough, Bevins uses the same two sources as I did above, summarising thus:

      “Third” did not mean third-rate, but something more like the third and final act: the first group of rich white countries had their crack at creating the world, as did the second, and this was the new movement, full of energy and potential, just waiting to be unleashed. The Third World was not just a category, it was a movement.

      Elbaum, Max. Revolution in the Air: Sixties Radicals Turn to Lenin, Mao and Che (2018 [2002])

      Especially Part I, Chapter 2: “Appeal of ‘Third World Marxism’”.

      Third World Marxism is defined as “a version of Leninism identified with Third World movements – especially the Chinese, Cuban, and Vietnamese Communist Parties”

      Ruffin, Patricia. Capitalism and Socialism in Cuba: A Study of Dependency, Development and Underdevelopment (1990)

      Cf. Preface (discussion of Third World and relation with first and second) and Chapter 1 (on combining Third-Worldism with Marxism and Neo-Marxism)

      The book as a whole is divided into two parts: the first on the relationship between the U.S. and Cuba (first and third worlds) and the second on the USSR-Cuba relationship (second and third worlds)

  • #léninisme #marxisme_léninisme #Trotsky #stalinisme #étatisme #centralisme #bureaucratie #militarisme #URSS #dictature #DictatureduProlétariat #domination #répression #impérialisme #KGB #Poutine #PCF

    #anarchisme #émancipation #Liberté #Maknovchtchina #antiétatisme #anticapitalisme #antimilitarisme #internationalisme

    🛑 Les marxistes-léninistes ont inauguré un régime de terreur…

    " Les marxistes-léninistes, avec leur dictature du prolétariat, leur appareil d’Etat centraliste, leur bureaucratie et leur police secrète, ont inauguré un régime de terreur et la pire forme d’absolutisme depuis la naissance de l’Etat moderne en Europe : de quoi faire pâlir de jalousie l’Inquisition et la fameuse Okhrana tsariste ! Les communistes hors de Russie ont non seulement accepté tout cela, mais ils l’ont défendu par principe ; leur vocabulaire absurde, stigmatisant, aujourd’hui comme hier, quiconque s’oppose à la théorie et à la pratique bolcheviques du moment, a empoisonné toute discussion de principes à l’intérieur du mouvement ouvrier. On connaît le dénouement : toute la « vieille garde » bolchevique fut liquidée…S’il est exact que tous les collaborateurs de Lénine aient été des « contre-révolutionnaires », des « espions » et des « fascistes », ceci jette un jour singulier sur la dictature du prolétariat ; et si c’est faux, comment qualifier un gouvernement qui a justifié par de tels arguments les séries de meurtres de l’époque stalinienne ? (…) "

    ▶️ Lire la suite…

    ▶️▶️ http://le-libertaire.net/les-marxistes-leninistes-inaugure-regime-terreur

  • Fraude électorale par Frédéric Lordon
    https://blog.mondediplo.net/fraude-electorale

    Umberto Boccioni, « Le Forze di una strada » (« Les Forces d’une rue »), 1911.

    Qu’on s’entende : il ne s’agit pas de dire qu’il y a eu fraude dans l’élection. Il s’agit de dire que l’élection est une fraude.

    C’est bien compliqué cette histoire car, en politique, on peut difficilement faire l’impasse sur les institutions, donc sur quelque forme de représentation. Donc sur quelque forme de désignation — d’élection. Or, qu’est-ce que la politique — quand elle n’est pas simplement la politique gouvernementale ? La politique, c’est du collectif en situation. Et qu’est-ce que l’élection (en tout cas la nôtre) ? L’élection, c’est l’émiettement des sujets politiques transformés en atomes par passage dans le bien nommé isoloir. Dans ces conditions, quand elle prétend être l’expression la plus achevée de la politique, l’élection n’en est que la défiguration. Rapportée à son objet qui est de « faire vivre la politique », l’élection est une fraude. Par définition, là où il y a de l’élection, il n’y a plus de politique sinon mutilée. En tout cas plus de politique qui ne soit institutionnelle, plus de politique vivante. Expérience de pensée : soit un événement ; il se passe quelque chose dans la rue, un mouvement, grand, puissant, qui ouvre une crise, profonde. On organise une élection pour en tirer le « débouché politique » : la chose meurt. C’est immanquable. Comme il y a des tue-l’amour, il y a des tue-la-politique : les scrutins.

    Où aller pour trouver de la politique vivante ? Partout sauf dans un bureau de vote : dans un cortège qui prend la rue, dans une entreprise débrayée en AG, dans un amphi d’université occupée, sur un rond-point de « gilets jaunes ». Mais surtout pas dans un isoloir où, pour ceux qui ne comprennent pas bien, on se retrouve isolé — individuel, coupé de tout collectif...

    • Les constructeurs d’impasse

      La situation de ce second tour, devenue répétitive en phase de crise organique, concentre alors au plus haut point les apories politique de la procédure électorale, et jette les gens au tréfonds de l’impasse, du désarroi et de l’angoisse — avoir à éviter un mal en n’ayant d’alternative que de choisir un autre mal est une situation propre à rendre fou. On leur fera difficilement reproche de s’en tirer comme ils peuvent. Même la ligne stratégique, normalement sûre, qui chercherait l’option laissant les moins mauvaises possibilités aux résistances et aux luttes, livre des indications de moins en moins claires — dans une lecture à l’aveugle, à qui attribuer l’élément de programme annonçant « la privation de droits civiques pour ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre » ? (réponse : Macron).

      Dans un article qui sue la complaisance, le matraquage et la peur, Le Monde , non content de nous ripoliner l’officine islamophobe du Printemps républicain comme républicaine (au moment où La Voix du Nord nous apprend que certains de ses membres préparent Le Pen à son débat), Le Monde, donc, sonde la « collaboration » des préfets en cas de victoire de l’extrême droite, et mesure les risques d’« une remise en cause par morceaux de l’État de droit ». Comme si, après les blanchiments systématiques de l’IGPN, la nouvelle « norme » où les citoyens se trouvent de devoir exposer leur intégrité physique quand ils vont manifester, le traitement des migrants à Calais, et la loi « sécurité globale », l’« État de droit » n’était pas déjà sérieusement parti en « morceaux ». Le Monde raconte début mars la réception de François Sureau à l’Académie Française, mais a tout oublié à la mi-avril de ce que l’impétrant y disait de l’état des libertés publiques. Le Monde , qui a pour modèle et pour boussole The Economist , ne se souvient pas non plus que The Economist a classé la France de Macron dans la catégorie des « démocraties défaillantes ». On demande : depuis quand et depuis qui, au juste, « les morceaux » ?

      Sous différents prétextes, les libertés publiques régressent en France et en Europe. Face à cette spirale répressive, les contre-pouvoirs sont trop souvent complices ou impuissants. Cela n’empêche pas des citoyens et des associations d’organiser la riposte.

      Tentant de nous convaincre (ça n’est pas trop difficile) que le programme de Le Pen est « fondamentalement d’extrême droite », Le Monde ne voit pas combien souvent, pour chaque ligne examinée, on pourrait mettre en face une saloperie déjà commise par le gouvernement Macron. Ni combien souvent, également, les associations et les ligues ont averti de ce que donneraient ces dispositions si elles venaient à « tomber dans de mauvaises mains ». Et voilà les mauvaises mains.

      Si le journalisme de majesté avait deux sous de dignité, s’il avait surtout quelque éthique du vote éclairé, il n’escamoterait rien, rappellerait tout. Alors, lui qui jouit tant de sa fonction magistrale, il pourrait se donner le bonheur d’interpeller, magistralement, et pour une fois à bon compte. Il faut bien le dire, tout ce que le pays compte de précepteurs barragistes, escamoteurs par peur ou par « pédagogie », donne furieusement envie de leur désobéir, et depuis assez longtemps déjà. Eux aussi auront à répondre en cas de désastre. Voilà donc, comme si ça n’était pas déjà suffisamment odieux, au milieu de quoi il faut faire faire leur chemin à des décisions impossibles.


      Car nous savons aussi ce qu’il y a en face : la ruine (anti-)constitutionnelle du principe fondamental d’égalité, un État policier et raciste parachevé, la BAC en liberté dans les quartiers, et des milices fascistes jouissant d’une bénédiction encore plus étendue que celle du préfet Lallement. C’est-à-dire un appareil de force déjà fascisé jusqu’au trognon aux mains d’un pouvoir cette fois-ci authentiquement fasciste — au milieu de la désorientation, il reste quand même quelques points de repère fiables. Il y a des groupes à qui on n’ira pas faire la leçon abstentionniste : ils sont en première ligne et ils le savent — mais, symétriquement, qui oserait aller faire la leçon barragiste à Jérôme Rodrigues ? Le macronisme, lui y a laissé un œil, d’autres une main. Il vaut mieux abandonner les « leçons »... On conçoit qu’il y ait de grandes peurs. Elles sont terriblement bien-fondées. On conçoit aussi que faire obstacle aux effets en reconduisant éternellement les causes apparaisse comme une absurdité insoutenable à force de répétition. À la fin des fins en tout cas on ne compterait comme responsables d’une victoire de Le Pen que les électeurs de Le Pen. Et Macron, évidemment. Macron surtout. Enfin tous ceux qui ont si bien construit l’impasse .

  • Am 8. und 9. Januar 2022 zur LLL-Demo nach Berlin ! Lenin-Liebknecht-Luxemburg-Gedenken
    https://www.rf-news.de/2021/kw52/lenin-liebknecht-luxemburg-revolutionaere-vorbilder-fuer-die-jugend

    Il est toujours possible, d’afficher un esprit révolutionnaire plus révolutionnaire que les autres. C’est un peu comme une course automobile sur le circuit Kurfürstendamm-Tauentzienstraße-Kleiststraße-Bülowstraße. Après on verra si le vainqeur sera toujours vivant et combien de victimes il aura laissé derriere. La majorité des participants de la marche de souvenir ne partage pas cet esprit mais rappelle simplement que le socialisme constitue toujours le meilleur avenir possible pour ce monde.

    Vous trouvez l’adresse du site web de l’organisation officielle avec toutes les informations essentielles au pied de ce billet.

    Der Jugendverband REBELL ruft auch in diesem Jahr zur Lenin-Liebknecht-Luxemburg-Demonstration in Berlin auf. Dort gedenken jährlich Zehntausende der Revolutionäre Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht und Wladimir Iljitsch Lenin - trotz antikommunistischer Unterdrückung und Spaltungsversuchen.

    Von Verbandsleitung REBELL

    Mittwoch, 08.12.2021, 18:00 Uhr

    Die Demonstration in Berlin ist Europas größte Manifestation für den Sozialismus. Sie ist auch eine rebellische „Begrüßung“ der neuen Bundesregierung. Die Ampel-Koalition tritt mit dem Motto: „Mehr Fortschritt wagen“ an. Doch einzelne Verbesserungen lösen keine der tiefen Krisen dieses kapitalistischen Systems. Das wussten auch Lenin, Liebknecht und Luxemburg - und kämpften deshalb ihr Leben lang für den Sozialismus als gesellschaftliche Alternative! Aus diesem Grund werden sie von Antikommunisten verleumdet und bekämpft.
    Wer waren die drei?

    #Lenin war russischer Revolutionär. Er führte die siegreiche Oktoberrevolution und den Aufbau des ersten sozialistischen Landes der Welt 1917 in Russland an. Unter seiner Führung wurden weitgehende gesellschaftliche Fortschritte erkämpft: Der Erste Weltkrieg wurde beendet, der Acht-Stunden-Tag eingeführt, eine bis dahin unbekannte fortschrittliche Frauen- und Familiengesetzgebung eingeführt. Die Gründung der Kommunistischen Internationale geht auf seine Initiative zurück.

    #Karl_Liebknecht stimmte als einziger im Reichstag gegen die Kriegskredite. Er rief 1918 die sozialistische Republik aus. #Rosa_Luxemburg war eine Vorkämpferin gegen Nationalismus, Reformismus und für die Befreiung der Frau. Liebknecht und Luxemburg kritisierten den Sozialchauvinismus der SPD und propagierten die proletarische Revolution. Sie waren Mitbegründer des Spartakusbund und später der KPD. 1919 wurden sie mit Billigung des „Volksbeauftragten für Heer und Marine“, Gustav Noske (SPD), von faschistischen Freikorps ermordet.

    MLPD und REBELL kritisieren den offiziellen Aufruf der Aktionseinheit zum Gedenken 2022, der die revolutionäre Perspektive Sozialismus ganz gestrichen hat. Für uns ist das Gedenken an die drei Revolutionäre unauflöslich mit der sozialistischen Perspektive und dem Kampf zur revolutionären Überwindung des Imperialismus verbunden. Gib Antikommunismus keine Chance!

    Der REBELL begeht das LLL-Wochenende unter dem Motto „Gib Antikommunismus keine Chance!“. Am Samstagabend gibt es ein Konzert: Ab 19 Uhr; Ort: Nostalgie Festsäle, Askanierring 93a, 13587 Berlin. Die Veranstaltung findet, da im Saal, unter der Gesundheitsschutzregel 2G+ statt. Am Sonntag beteiligen wir uns gemeinsam mit dem Internationalistischen Bündnis an der Demo, die um 10 Uhr beginnt. Aus Corona-Schutzgründen wird es in diesem Jahr leider keine Busanreise geben. Wir empfehlen die Anreise mit dem Auto zu zweit oder dritt.

    https://okv-ev.de/aufruf-zum-stillen-gedenken-an-rosa-luxemburg-und-karl-liebknecht

    http://www.ll-demo.de

    #Berlin #manifestation #socialisme

  • Les pathologies du #militantisme
    https://laviedesidees.fr/Les-pathologies-du-militantisme.html

    La violence sectaire au sein des groupes militants n’est pas nouvelle. Les années post-68 en témoignent : phallocratisme, homophobie, police des mœurs y faisaient des ravages.

    #Société #domination #sexisme #manipulation #censure
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202104_militantisme.docx

  • https://lafabrique.fr/figures-du-communisme

    Le capitalisme détruit les existences. Il les détruit même deux fois. D’abord d’angoisse et de précarité en remettant la survie matérielle des individus aux mains de deux maîtres fous : le « marché » et l’« emploi ». Ensuite en rendant la planète inhabitable : surchauffée, asphyxiante, et désormais pandémique. Il faut regarder ces faits bien en face et s’astreindre maintenant à un exercice de conséquence. 1/ Le capitalisme met en péril l’espèce humaine. 2/ En 40 ans de néolibéralisme, l’espace social-démocrate où se négociaient des « aménagements » dans le capitalisme a été fermé : ne reste plus que l’alternative de l’aggravation ou du renversement. 3/ Il ne faut pas douter que la minorité qui en tire avantage soit prête à tout pour se maintenir. 4/ Sortir du capitalisme a un nom : communisme.

    Mais sortir du capitalisme demeure un impensable tant que le communisme demeure un infigurable. Car le communisme ne peut pas être désirable seulement de ce que le capitalisme devient odieux. Il doit l’être pour lui-même. Or, pour l’être, il doit se donner à voir, à imaginer : bref se donner des figures.

    La fatalité historique du communisme est de n’avoir jamais eu lieu et pourtant d’avoir été grevé d’images désastreuses. À la place desquelles il faut mettre enfin des images de ce qu’il pourrait être lui, réellement.

    #Frédéric_Lordon

    https://www.youtube.com/watch?v=sBLwC6BQX-s

    Dans cette discussion avec Julien Théry, F. Lordon revient sur « les impératifs directeurs d’une autre organisation sociale » qu’il s’est efforcé de définir. Il s’agit de relever chacun de la précarité, de l’inquiétude de la subsistance, en créant une « garantie économique générale », selon l’idée de « salaire à vie » proposée par Bernard Friot. Il s’agit aussi d’abolir la subordination au travail. Il s’agit enfin de déterminer collectivement et se tenir à des limites quantitatives et qualitatives de la production à même de permettre la préservation de l’environnement tout en maintenant une qualité de vie acceptable pour tous.

    #communisme #capitalisme

  • Nein, ich will Tote nicht gegeneinander aufrechnen, nur erinnern: b...
    https://diasp.eu/p/12452633

    Nein, ich will Tote nicht gegeneinander aufrechnen, nur erinnern: bei der Belagerung #Leningrad s verhungerten mehr Menschen als bei allen Bomben gegen dt Städte zusammen. Und in Leningrad waren es Angehörige einer angegriffenen Bevölkerung. Sehenswert: https://www.arte.tv/de/videos/062913-000-A/leningrad-symphonie #dresden1945 #Faschismus #AfD