• Communisme de guerre : vous en reprendrez bien une louche ?, par Sandrine Aumercier
    http://www.palim-psao.fr/2023/09/communisme-de-guerre-vous-en-reprendrez-bien-une-louche-par-sandrine-aume

    ’unisson assourdissant des militants, politiques et industriels sur la priorité absolue du sauvetage du climat est l’expression la plus aboutie du déni nouvelle manière, celui que soutiennent parmi d’autres un Malm ou un Žižek. Enfermés dans ses vieilles contradictions, cette gauche opportuniste ne masque plus ni son autoritarisme ni sa collusion rampante avec la droite sécuritaire qu’elle légitime maintenant par « l’apocalypse » climatique. Car ceux qui accusent les gouvernements d’exagérer ou de fabriquer le réchauffement climatique pour restreindre les libertés et ceux qui en appellent au contraire à une gestion autoritaire de l’urgence écologique partagent bien un délire commun, celui de faire porter la responsabilité de la catastrophe à un certain « étage » de la société : soit la consommation de masse, soit l’impéritie politique, comme s’il ne s’agissait pas ici des deux faces d’un seul et même mode de production ! Depuis la pandémie, ce clivage idéologique a un fort goût de déjà-vu. D’une critique radicale du système capitaliste, il continue à ne pas être question, puisqu’il continue de s’agir de mieux gérer la catastrophe, et ce, en proposant éventuellement ses propres services.

    #écologie #climat #capitalisme #léninisme #Andres_Malm #Slavoj_Žižek #critique

  • ★ Le trotskysme est-il soluble dans l’anarchisme ? - Le Libertaire

    L’idéal marxiste est entaché du sang de millions de déportés, de massacrés, de fusillés, de torturés, de l’enfer du Goulag… sans compter les violences psychologiques. Le logiciel hégélo-marxien légitime la violence. Nous lui préférons le logiciel libertaire qui n’emploie pas des moyens contraires au but fixé : l’égalité économique et sociale dans la liberté. Nous attendons toujours que le Parti Communiste Français fasse l’inventaire du génocide stalinien. Que les anciens maoïstes fassent l’inventaire des massacres sous Mao, Pol Pot…Que les Trotskystes fassent l’inventaire des premières déportations de Russes, des massacres d’ouvriers, de la persécution de nombreux militants dont les anarchistes, sous la houlette du camarade Léon. Et le fait que Trotsky ait été assassiné par ordre de Staline ne change rien au fait que c’était à son niveau un assassin qui avait le sang de milliers de travailleurs et militants sur les mains (...) Alors, non, le trotskysme n’est pas soluble dans l’anarchisme. Il n’aspire qu’à prendre le pouvoir comme les autres. Il remettra le couvert pour bâillonner les opposants, ceux qui réclameront les véritables soviets (...) Il s’agit pour nous de remettre les questions sociale et environnementale au centre des préoccupations des gens. Les anarchistes ne sont pas là pour faire du marketing politique car nous n’aspirons à aucun strapontin politique ; ce n’est pas la conquête du pouvoir qui nous motive mais sa destruction. Contrairement aux marxistes qui font de la conquête du pouvoir politique, l’alpha et l’oméga de leur idéologie.

    #NPA #RévolutionPermanente #Trotsky #trotskysme #Marx #marxisme #Lénine #léninisme #bolchevisme #Staline #pouvoir #étatisme #autoritarisme #dictature #goulag #domination #oppression #persécution #Cronstadt #avantgardisme #dictatureduprolétariat...
    #Anarchisme #CommunismeLibertaire #Makhno #Bakounine #autogestion #Liberté #émancipation

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    ▶️ https://le-libertaire.net/le-trotskysme-est-il-soluble-dans-lanarchisme

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  • Lire Lénine en 2023

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/pages-choisies-tome-1

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/pages-choisies-tome-2

    https://www.lesbonscaracteres.com/livre/pages-choisies-tome-3

    Présentation des Pages choisies de Lénine | Les bons caractères
    https://www.lesbonscaracteres.com/article/presentation-des-pages-choisies-de-lenine

    En ce centenaire de la #révolution_russe de 1917, la plupart des commémorations seront le fait de ses adversaires. Nous avons voulu remettre à la disposition du public les écrits de celui qui fut son principal dirigeant, Lénine, sous une forme qui les rende accessibles aux lecteurs d’aujourd’hui. C’est pourquoi nous rééditons ces Pages choisies, traduites, introduites et annotées par Pierre Pascal. Elles ont été publiées entre 1926 et 1929 par la maison d’édition d’un Parti communiste qui, se voulant encore internationaliste dans l’esprit du bolchevisme, ne s’appelait pas encore français.

    Les changements survenus durant le siècle écoulé depuis la révolution russe ne sont pas là où les laudateurs du capitalisme prétendent les voir et ne rendent pas obsolètes l’œuvre et le combat de Lénine.

    Les rapports sociaux n’ont pas changé sur le fond depuis les débuts du capitalisme. La vie d’un prolétaire, en Russie en 1900, en Chine ou même en France aujourd’hui, reste conditionnée par le fait qu’il ne possède rien, qu’il doit vendre sa force de travail, qu’il n’a aucun contrôle sur le produit de son activité, qu’il est à la merci de crises économiques dont il n’est en rien responsable, que sa situation est semblable à celle de millions d’autres autour de lui. L’amélioration temporaire survenue pour une partie des prolétaires dans un petit nombre de pays riches, dont une relative sécurité de l’emploi, est en train de disparaître. Le prolétariat vit toujours dans l’insécurité permanente, comme du temps de Marx, comme du temps de Lénine. Mais, précisément, la similitude des conditions matérielles unit les travailleurs à travers le temps et l’espace. Leurs revendications immédiates se retrouvent ainsi souvent à l’identique, de pays en pays, de génération en génération. Leurs formes de lutte et d’organisation, les obstacles qu’ils rencontrent et jusqu’aux problèmes politiques qu’ils affrontent ont un air de famille. Aussi la lecture de certains textes de Lénine procure un sentiment de familiarité au militant d’aujourd’hui, pourvu qu’il se situe sur le même terrain de classe.

    La mondialisation, dont les pauvres penseurs contemporains rebattent les oreilles d’un patient public, n’a rien non plus pour faire vieillir Lénine. Elle était déjà à l’œuvre de son temps. Quoi de plus mondialisé en effet que la guerre de 1914-1918 ? L’impérialisme, ses fondements, ses conséquences et les possibilités révolutionnaires qui en découlent ont été analysés par Lénine en 1915. Le fait de déceler une issue révolutionnaire dans l’évolution du capitalisme, de voir dans la monstrueuse centralisation des trusts et des États un pas en avant vers le socialisme, de décrire le capitalisme enfantant nécessairement le communisme, met Lénine bien au-dessus de tous les critiques contemporains de la mondialisation, étriqués, protectionnistes, réactionnaires honteux ou avoués.

    Quant aux progrès technologiques de ces dernières décennies, certes nombreux, variés et spectaculaires, ils n’ont en rien transformé les rapports sociaux. Tout au plus peut-on dire que les stupidités circulent plus vite de nos jours et espérer qu’il en sera de même pour les mouvements de révolte lorsqu’il s’en produit.

    La classe ouvrière internationale, dont Lénine pensait après Marx qu’elle était la seule classe sociale capable de mettre à bas le capitalisme, représente désormais la majorité écrasante de la population mondiale. Elle est, depuis longtemps, la seule classe productive. Le programme que fixait Lénine, organiser les travailleurs pour les rendre capables de prendre la tête d’une révolution populaire, reste d’actualité.

    En fait, le véritable et profond changement intervenu depuis l’époque de la révolution russe réside dans la disparition du mouvement ouvrier organisé. Lénine s’était formé dans le cadre de la deuxième Internationale qui avait elle-même bénéficié, en particulier par l’intermédiaire d’Engels, de l’acquis des générations précédentes. La question de la mission révolutionnaire de la classe ouvrière, de sa constitution en parti et de son activité politique indépendante ne se posait pas pour lui. En devenant marxiste, en rejoignant le mouvement ouvrier organisé dans la l’Internationale, Lénine faisait corps avec ce programme, même dans un pays où la classe ouvrière était très minoritaire. C’est sur la base de ce parti pris, c’est avec la certitude d’avoir derrière lui non seulement la tradition théorique marxiste mais aussi le mouvement ouvrier vivant, des travailleurs en chair et en os, organisés, actifs, sous de multiples formes, dans de nombreux pays, que Lénine militait et polémiquait avec les autres courants.

    La trahison de la social-démocratie en 1914, puis la dégénérescence de l’État ouvrier issu de la révolution russe de 1917 entraînant celle des partis communistes, ont rompu la continuité révolutionnaire. La théorie révolutionnaire, les idées de Marx, de Lénine, de Rosa Luxemburg et de Trotsky, produits d’un mouvement ouvrier vivant et puissant, sont désormais presque suspendues dans le vide, ne peuplant plus que les bibliothèques. Pour tenter de se les approprier, il faut d’abord commencer par étudier le contexte qui les a vus naître.

    Les notes de Pierre Pascal, la propre expérience militante du lecteur et un effort d’imagination permettent de se représenter quelque peu les militants ouvriers pour qui Lénine écrivait. Et donc de mieux comprendre ce qu’il voulait dire. Cet effort n’est certes pas facile à faire. Mais il est indispensable pour qui veut travailler à renouer le fil du mouvement ouvrier révolutionnaire, pour qui veut garder ses idées vivantes afin que les travailleurs puissent s’en emparer à nouveau. C’est, en tout cas, dans ce but que cette réédition a été entreprise.

    Avatars des œuvres de Lénine

    Les écrits de Lénine, la partie imprimée de son travail de militant révolutionnaire, nous sont connus presque exclusivement par les éditions d’État de l’Union soviétique. Celle-ci ayant disparu il y a un quart de siècle, on n’édite plus les Œuvres complètes de Lénine, ni même, sauf exception, ses textes les plus importants.

    Mais surtout, la présentation des œuvres de Lénine par l’intermédiaire des éditions d’État soviétiques était, depuis des décennies, celle qui convenait à la bureaucratie.

    Sous Staline on avait supprimé des œuvres « complètes » tout ce qui mettait en cause Staline lui-même et la bureaucratie. Tout ce qui sous la plume de Lénine, mettait en valeur le rôle de ses adversaires, à commencer par Léon Trotsky, avait également disparu.

    Sous Khrouchtchev et après, les éditions d’État avaient progressivement réintroduit les passages caviardés, mais une chose n’avait pas changé : les introductions historiques, quand elles existaient, et les notes explicatives visaient plus à camoufler l’esprit de l’œuvre de Lénine qu’à l’éclairer.

    On peut en donner un exemple dans l’attribution à Lénine de la notion stalinienne de « socialisme dans un seul pays ». L’œuvre entière de Lénine, toute son activité politique démontrent la stupidité de ce mensonge bureaucratique, pour tout marxiste le « socialisme dans un seul pays » est une contradiction dans les termes.

    Mais l’indigence, voire l’inexactitude volontaire des notes ont eu un effet plus pernicieux. Elles empêchaient souvent de comprendre ce que disait réellement Lénine, à qui il répondait, à qui il s’adressait, dans quelle situation. La difficulté d’en saisir la portée est d’autant plus grande que les écrits de Lénine sont des textes militants, presque toujours polémiques, répondant aux interrogations des membres de son parti, à des problèmes tactiques, aux questions soulevées dans tel ou tel cercle, etc. De ces dialogues, filtrés par les censeurs de la bureaucratie, on n’entendait que l’écho déformé d’un seul interlocuteur…

    Pierre Pascal, lui, a réussi à faire passer dans sa traduction et ses notes la passion révolutionnaire qui animait Lénine et ses camarades. Lire une sélection chronologique des œuvres de ce dirigeant révolutionnaire, c’est suivre la montée des ouvriers russes vers l’organisation, vers la conscience, vers la lutte jusqu’aux explosions révolutionnaires successives de 1905, février et octobre 1917. C’est aussi voir s’opérer la fusion de plusieurs générations d’intellectuels avec le mouvement ouvrier, fusion dont Lénine était à la fois le prototype et l’organisateur. C’est entrevoir la révolution, cette irruption des masses sur le devant de la scène politique, et constater que, du temps de Lénine et des bolcheviks, la politique révolutionnaire était fondée tout entière sur la confiance dans les capacités créatrices des opprimés. C’est donc apercevoir tout ce que les bureaucrates staliniens craignaient comme la peste. Et, ajouterons-nous aujourd’hui, tout ce la société bourgeoise et ses partisans redoutent toujours.

    Il peut sembler paradoxal que Pierre Pascal, plus anarchiste que marxiste au moment même où il rédigeait ses notes et ne retenant au crédit des bolcheviks que les années de révolution, ait su rendre vivante l’œuvre de Lénine. À la lecture des mémoires de Pierre Pascal, étudiant slavisant formé à l’École normale supérieure, happé par la guerre et la révolution, se révèlent une honnêteté intellectuelle, une capacité de révolte, un amour des gens simples hors du commun. Ces qualités et les circonstances de sa vie expliquent comment il s’est rendu capable d’accomplir le travail aujourd’hui réédité.

    Pierre Pascal, la Russie et la Révolution

    Effectuant son service militaire, Pierre Pascal était officier en 1914. Blessé deux fois, il fut envoyé à la mission militaire française à Moscou en 1916. Sa connaissance de la langue et du pays le recommandait particulièrement pour ce poste. La mission militaire faisait la liaison entre les états-majors des deux pays alliés, réglait les questions de commandes de guerre, participait à la défense des intérêts industriels, financiers et commerciaux français, fort nombreux et fort rentables, dans la Russie de Nicolas II.

    Il n’y constata pas seulement la pourriture du régime russe et la situation de cette armée tsariste pour laquelle le terme de chair à canon semblait avoir été inventé. Pascal était aussi aux premières loges pour découvrir les buts de guerre de la France, le cynisme de ses diplomates, la rapacité de ses industriels et le mépris de tous ces nantis pour les petites gens. Dans son carnet de notes 1, il croquait un diplomate français se gaussant des Russes, si naïfs, à qui l’on peut faire gober n’importe quoi. Et Pascal de conclure : « C’est pour cela que, moi, je les aime. » Fréquentant par fonction ministres, généraux, diplomates et industriels, Pascal connaissait néanmoins aussi le prix du pain, la température dans les logements ouvriers, la situation dans les tranchées et les hôpitaux. Avant même la révolution, il était devenu un ennemi de la guerre, des nationalistes, des profiteurs de guerre, à commencer par les Français. Mais, et c’est un trait permanent de sa personnalité, il n’en continuait pas moins son travail, le plus consciencieusement du monde.

    En 1917, après la révolution de février, le travail de la mission militaire française consistait à convaincre, voire à contraindre la Russie à continuer la guerre. Après octobre, la mission se tourna discrètement, puis ouvertement du côté de la contre-révolution, allant jusqu’à préparer le débarquement de troupes d’intervention et conseillant les généraux blancs. La mission fut donc logiquement priée de quitter le pays, mais Pierre Pascal avait choisi son camp depuis un certain temps : resté en Russie, il se mit au service de la révolution en octobre 1918.

    Avec plusieurs autres membres de cette mission, tels le capitaine Sadoul et le soldat Marcel Body, Pierre Pascal participait à un groupe communiste français au sein du Parti bolchevique. Ce groupe a notamment publié un journal hebdomadaire de propagande et d’information, intitulé La troisième internationale destiné aux soldats du corps d’occupation français du sud de la Russie soviétique et aux ouvriers français présents dans le pays. Pascal a souligné dans ses notes que Lénine était l’inspirateur de ce journal.

    La révolution elle-même, le fait que les masses les plus opprimées prenaient leur sort en mains, s’organisaient, décidaient, la puissance du système des soviets qui faisait vivre cela, le dévouement des ouvriers, l’inventivité, le courage des travailleurs russes convainquirent Pierre Pascal. Il fut de ces intellectuels très peu nombreux qui rejoignirent la révolution alors qu’elle était en danger de mort. Il troqua volontiers un avenir d’universitaire à Paris contre une assiette de kacha, une chambre mal chauffée, de longues journées de travail chichement payées et le risque d’être passé par les armes en cas de victoire des Blancs.

    L’empathie pour les opprimés, la joie de les voir monter à l’assaut du ciel avaient conduit Pierre Pascal à la foi révolutionnaire, c’est-à-dire à l’action. L’État ouvrier trouva tout de suite à l’employer au Commissariat du Peuple aux Affaires étrangères. Il fut un des adjoints du commissaire du peuple Tchitchérine, rédigeant chaque jour la dépêche internationale diffusée par radio, traduisant sans relâche. Pierre Pascal participa aux négociations diplomatiques de 1921 et 1922 en tant que traducteur et peut-être un peu plus. Il s’agissait alors de rétablir des liens commerciaux avec les pays capitalistes, sans rien renier des idéaux et de la politique révolutionnaire. Pascal travailla spécialement à la négociation et à la traduction du traité de Rapallo de coopération économique entre l’Allemagne, vaincue et étouffée, et la Russie, socialiste et affamée.

    Dans le même temps Pascal participa aux travaux des premiers congrès de l’Internationale communiste, traduisant et écrivant pour sa presse, ainsi qu’aux premiers pas de sa section française. Il fut le secrétaire du groupe communiste français à Moscou. Outre les milieux de l’Internationale et de l’État, Pierre Pascal fréquentait également à cette époque un groupe de révolutionnaires d’horizons divers, aux caractères bien trempés, décidés comme lui à servir la révolution. Il se lia ainsi à Victor Serge, l’écrivain anarcho-syndicaliste belge d’origine russe, dont il devint le beau-frère, à Boris Souvarine, à Nicolas Lazarevitch, ouvrier anarchiste belge et ami de toute une vie, à Marcel Body.

    Dans Moscou sous Lénine, Alfred Rosmer, dirigeant de l’Internationale communiste, ami et compagnon de Trotsky, en donne le portrait suivant : « Le lieutenant Pierre Pascal, catholique fervent et pratiquant, passé du côté de la révolution non malgré son catholicisme mais à cause de lui – ce qui suffit à faire comprendre qu’il n’est pas un catholique ordinaire ; le caractère spartiate du régime était précisément ce qu’il aimait. Grand travailleur il ne se plaignait ni ne demandait jamais rien. » Pascal assistait aux offices religieux et se sentait bien au contact de la ferveur populaire. Il priait par exemple pour le rétablissement de Lénine, victime d’un attentat en août 1918, et il ne devait pas être le seul dans cette Russie d’après la révolution.

    C’est à cette époque que Pierre Pascal commença à étudier l’histoire du mouvement ouvrier et révolutionnaire russe. Il voulait comprendre en quoi le travail des révolutionnaires avait préparé ou non l’explosion de 1917 qui avait tout d’un phénomène naturel, imprévisible, incontrôlable. Et pourtant, constatait-il encore, cette explosion n’aurait pas été la même, peut-être même n’aurait-elle pas eu lieu sans les bolcheviks. Si Pierre Pascal n’a jamais répondu à cette interrogation, il a permis par son travail de comprendre quelles réponses Lénine y apportait.

    Servant la révolution et l’État ouvrier, Pascal a vécu de l’intérieur l’extrême tension de la guerre civile et du communisme de guerre, l’enthousiasme devant la croissance du mouvement communiste international, suivi de la déception que provoqua son repli et, en 1921, le recul de la NEP. En mars de cette année-là, devant la nécessité de tenir dans un pays dévasté par sept ans de guerre mondiale puis civile, faute de perspectives d’extension à brève échéance de la révolution à d’autres pays, les dirigeants bolcheviques durent céder du terrain. Pour ranimer une économie exsangue, les bolcheviks ne virent d’autre solution, finalement, que de faire appel à l’initiative privée, de réintroduire une forme de profit privé. La NEP, nouvelle politique économique, laissa donc la petite entreprise renaître, le commerce privé reprendre. L’État recommença à garantir les profits des paysans riches et à ouvrir aux capitalistes étrangers des concessions (sociétés mixtes, bien souvent à capitaux totalement privés). Tout cela se faisait sous le contrôle de l’État ouvrier, mais la conséquence immédiate fut l’apparition au grand jour de profiteurs, d’accapareurs, d’exploiteurs au petit pied mais féroces, de jouisseurs jusque dans les organes de l’appareil d’État et les services du parti communiste et de l’Internationale.

    Pierre Pascal a ressenti le retour des profiteurs comme une trahison. Dans ses carnets, il fustigeait les bureaucrates qui utilisaient leur automobile de service pour aller à la campagne, ou ceux qui se groupaient pour payer une institutrice privée à leurs enfants. Mais il voyait surtout dans la NEP le retour de la possibilité d’opprimer les plus faibles, il constatait que le recul pesait avant tout sur les humbles. Il notait par exemple que la patronne de la petite cantine désormais privée où il déjeunait exploitait férocement son employée.

    Malgré ce recul indéniable non seulement l’État ouvrier restait debout, mais ceux qui l’avaient construit n’avaient pas dit leur dernier mot. Pierre Pascal fut le témoin désespéré et désarmé de la lutte contre la montée de la bureaucratie.

    N’épousant pas les méandres de la concurrence entre fonctionnaires, ne voulant pas rentrer dans le moule de la bureaucratie, Pascal fut écarté des postes de responsabilité. L’État ne lui confia bientôt plus que des travaux de traduction et de rares articles pour la presse de l’Internationale. Il fut affecté à l’Institut Marx-Engels, dirigé par le vieux révolutionnaire et savant marxiste Riazanov. Ce dernier, qui lui non plus ne prenait pas part à l’opposition, aidait les oppositionnels en leur procurant du travail. C’est à l’Institut Marx-Engels que, entre autres travaux, Pascal fut chargé à partir de 1925 de préparer une édition française des œuvres de Lénine.

    Les Pages choisies de Lénine

    Dans son introduction générale, en tête du premier volume, Pierre Pascal écrit : « Je ne présenterai pas au lecteur les œuvres de Lénine. La lecture des pages qui suivent lui en dira plus long que n’importe quelle préface. »

    Les œuvres du dirigeant de la première révolution socialiste victorieuse, du premier État ouvrier, étaient publiées par la maison d’édition de la section française de l’Internationale communiste. Le parti voulait mettre à la disposition de ses militants et plus largement du mouvement ouvrier l’expérience politique synthétisée par Lénine. La traduction et les notes visaient à en permettre la compréhension « à tout travailleur de langue française ayant une instruction primaire ». Le tout était réalisé sous la direction de Pierre Pascal, un intellectuel dévoué à la révolution, résidant et travaillant à Moscou. Les lecteurs de l’époque savaient qui étaient l’auteur et même le traducteur, ce qui rendait en effet toute préface inutile pour ces militants du jeune parti communiste. Ils étaient conscients d’avoir entre les mains un manuel de stratégie révolutionnaire.

    Les introductions et notes de Pierre Pascal sont le résultat d’un travail méticuleux dont il expose les raisons et la méthode dans sa préface. En voici un exemple parmi d’autres, tiré du deuxième volume des Pages choisies : à l’automne 1905, la révolution apporta la liberté de presse de fait aux révolutionnaires russes. Les journaux fleurirent, chaque tendance ayant le sien, s’emparant au besoin d’une imprimerie et y restant le temps nécessaire pour sortir son journal, les armes à la main. Les citations utilisées par Pascal, les exemples choisis pour illustrer cette période montrent qu’il a dépouillé soigneusement ces journaux. Et il ne l’a pas tant fait pour y trouver la trace de Lénine que pour y débusquer la révolution vivante. Prenant lui-même parti pour les opprimés, s’adressant à des militants ouvriers, Pascal dépeignait dans ses notes un mouvement ouvrier en chair et en os, sa vie, ses revendications, sa façon de les exprimer.

    Les notes de Pierre Pascal éclairaient aussi ce dont Lénine ne parlait qu’allusivement, tant c’était évident pour lui et ses lecteurs russes : la barbarie, l’arriération du régime tsariste, la brutalité avec laquelle étaient traités les opprimés. Pascal expliquait, par exemple, que, jusqu’à une date récente, les moujiks pouvaient légalement être fouettés et qu’ils continuaient à l’être dans l’armée. Il décrivait la façon dont on traitait les minorités nationales et, bien sûr, l’oppression multiforme subie par les ouvriers des villes. Cette barbarie était un puissant ferment de révolte, c’est elle qui poussait des générations de jeunes, intellectuels et ouvriers, à la révolution. Sans mention de cette barbarie, inimaginable pour le lecteur occidental, sans idée de la passion révolutionnaire qu’elle suscitait, comment comprendre que des ouvriers écrivaient en 1901 à l’Iskra, la publication de Lénine, pour demander que le journal « leur apprenne à vivre et à mourir » ? Et comment comprendre que Lénine ait tenu cette lettre pour représentative et l’ait publiée ?

    Le travail n’alla pas sans mal. Les carnets de Pierre Pascal nous apprennent qu’il n’avait pas lui-même sélectionné les textes comme il l’aurait souhaité. Il a contourné plusieurs fois cet obstacle en donnant en note des citations de Lénine lui paraissant plus explicites, tirées d’un autre texte, non publié dans la sélection. Mais surtout, en 1925 déjà, l’histoire du parti et de la révolution, les textes de Lénine, les souvenirs des militants étaient devenus une arme dans le combat politique.

    Depuis 1923, la lutte était engagée entre la bureaucratie montante regroupée derrière Staline et l’opposition fidèle à la tradition communiste dont Trotsky était l’âme. Usurpant le pouvoir dans l’État ouvrier, la bureaucratie était contrainte de se prétendre l’héritière de Lénine et, entre autres, de publier ses œuvres. Reniant l’héritage, elle ne pouvait que faire dire aux textes autre chose que ce qu’ils disaient. Et lorsqu’elle ne le pouvait pas, elle les censurait ou les supprimait carrément. La bureaucratie devait mentir sur les événements, transformer l’histoire, la réécrire autant de fois que nécessaire suivant les nécessités politiques du moment. On sait que les staliniens transformèrent ainsi l’histoire de la révolution russe jusqu’à en exclure la plupart des dirigeants bolcheviques, et en particulier Léon Trotsky qui n’apparaissait plus que sous les traits de l’éternel traître.

    Les pressions ne manquèrent pas de s’exercer sur Pierre Pascal. Il fut ainsi convoqué par un responsable de l’Internationale qui lui demanda « d’atténuer doucement les choses de façon à ne pas trop louer Léon Trotsky » dans ses notes pour le deuxième tome. La scène, racontée dans les carnets de Pascal, se passait en février 1927. En novembre, Trotsky était exclu du parti communiste.

    En 1929, alors que le travail préparatoire pour le quatrième volume était achevé, les introductions furent refusées. Pascal écrivait alors : « Traduire les notes tendancieuses de l’édition russe est au-dessus de mes forces ». Le quatrième tome, Le Parti bolchevique au pouvoir, ne fut jamais publié. Les trois premiers volumes, tirés à 5 000 exemplaires, « dont la moitié encore dans les stocks des libraires », disait Pascal, furent peu diffusés, et évidemment jamais réédités par un parti communiste français qui se stalinisait à grande vitesse.

    Pierre Pascal et l’opposition

    En 1921, Pierre Pascal avait traduit, en dehors de son travail officiel, la plate-forme de l’Opposition ouvrière. Cette tendance du parti communiste russe s’élevait alors contre une politique conduisant à surexploiter les ouvriers. Pascal qualifiait la plate-forme de « critique impitoyable et fort éloquente, avec des exemples concrets, du mal bureaucratique ». Sa traduction dactylographiée a été retrouvée, bien des années plus tard, dans les archives du syndicaliste révolutionnaire Pierre Monatte.

    Par la suite, bien qu’ayant perçu assez rapidement les germes de dégénérescence du régime soviétique, Pierre Pascal n’a pas fait partie de l’opposition à Staline. Il n’a pas été trotskyste, comme son beau-frère, camarade et collègue de travail Victor Serge. Il n’a pas rejoint les anarchistes qu’il affectionnait pourtant. Mais il n’a jamais hurlé avec les loups, jamais levé la main pour voter quelque chose qu’il savait faux et encore moins pour condamner qui que ce soit. Et il a refusé de traduire des textes dont la stupidité ou la malhonnêteté le révoltaient.

    On sait aussi que Pierre Pascal a fait passer des articles décrivant la vie des travailleurs soviétiques pour publication dans des revues oppositionnelles françaises (La Révolution prolétarienne de Pierre Monatte ou le Bulletin communiste de Boris Souvarine). Les conditions de vie des travailleurs soviétiques, plus encore que la situation politique, le préoccupaient constamment, comme l’attestent ses carnets.

    Concernant Trotsky, la position de Pascal était complexe. Son honnêteté intellectuelle l’obligeait à reconnaître son rôle éminent, dans ses carnets privés comme dans les notes des Pages choisies. Dans ces dernières, Pascal replaçait dans leur contexte les polémiques entre Lénine et Trotsky d’avant 1917, polémiques parfois vives dont les staliniens faisaient évidemment une arme dans leur lutte contre l’opposition. Il suffisait aux censeurs de souligner les invectives échangées sans donner au lecteur les moyens de comprendre pour transformer Trotsky en ennemi de Lénine. Pascal, lui, présentait les tenants et aboutissants des débats. À plusieurs reprises, il a même donné des citations de Trotsky qui, loin de montrer une opposition, prouvaient son profond accord avec Lénine sur des questions essentielles. Cela en un temps, 1925-1929, où calomnier Trotsky était devenu le meilleur moyen de faire carrière, voire simplement de trouver du travail.

    Mais, en même temps, Pascal pensait que Trotsky et les autres dirigeants de l’opposition étaient du même bois que Staline. Il les tenait tous pour des petits-bourgeois se croyant désignés pour diriger le peuple mais n’oubliant jamais leur confort personnel. Tout au plus, pensait-il dans ses moments les plus désespérés, les bolcheviks avaient eu, grâce à Lénine et dans une moindre mesure à Trotsky, le génie de laisser exploser la révolution en 1917 et d’en tirer toutes les conséquences en permettant à la classe ouvrière de prendre le pouvoir et de construire son État. Mais, après quelques années, d’après Pierre Pascal, la vie avait repris son cours normal et des politiciens qu’il qualifiait de sociaux-démocrates avaient pris les rênes de l’État. L’oppression d’une part, la morgue des puissants d’autre part, étaient réapparus. Pascal a d’ailleurs longtemps pensé que Trotsky allait finir par faire la paix avec Staline, comme d’autres oppositionnels de renom l’avaient fait.

    Mais, là encore, son honnêteté, son profond attachement aux travailleurs lui ont servi de garde-fou. Dans ses carnets, il notait également la résistance de Trotsky et de ses camarades, la renaissance permanente de l’opposition dans les usines, et le fait que cette opposition se rangeait derrière Trotsky.

    Pierre Pascal était un révolté bien plus qu’un #révolutionnaire et encore moins un #militant conscient, comprenant les ressorts de l’évolution qui rejetait en arrière la société issue de la révolution. La poussée révolutionnaire de 1917 l’avait, comme des millions d’autres, porté au-delà de lui-même. Mais, la sincérité et la foi ne suffisaient pas pour résister au reflux de la vague révolutionnaire, à la montée de la bureaucratie. Il fallait pour cela une confiance dans la classe ouvrière qui dépasse la simple empathie, une confiance étayée par le marxisme, des liens militants avec les travailleurs. Il fallait pour cela être communiste, ce qui voulait dire rejoindre le combat de #Trotsky.

    Pascal s’en tint volontairement éloigné. Cependant il fut, jusqu’au bout, profondément solidaire du peuple de l’abîme et, en un certain sens, de l’État que les travailleurs avaient construit, puis de ce qui en subsistait dans la conscience des hommes.

    De plus en plus isolé, dans une lourde ambiance de répression policière, #Pierre_Pascal vécut encore quelques années à Moscou, vivant de traductions. Rentré en France en 1933, il réintégra l’université et devint un maître dans les études russes. Il ne se fit jamais une gloire – ni une honte – de son passé communiste et ne rejoignit en aucun cas la cohorte des repentis qui font commerce de leur expérience de jeunesse.

    Il y eut des intellectuels entraînés par la révolution et se dévouant jusqu’au bout à son service, tel John Reed ; ceux qui accomplirent un bout de chemin avec elle, puis finirent par la combattre, comme Boris Souvarine ; ceux qui, après avoir calomnié la révolution, se vendirent au stalinisme triomphant, comme Louis Aragon. Pascal, qui voyait dans le ralliement d’un Romain Rolland la « preuve qu’il ne reste plus rien de l’idéal de 1917 », a donné l’exemple d’un homme honnête. Il a servi la révolution puis s’est retiré discrètement, sans renier le passé ni entraver le travail de ceux qui continuaient malgré tout. Souhaitons que cette réédition permette aux jeunes générations de découvrir le nom de Pierre Pascal et son travail, et d’accéder au mieux, grâce à lui, aux écrits de Lénine.

    Paul Galois
    Février 2017

    #marxisme #léninisme #militant_révolutionnaire #communisme_révolutionnaire

  • Stalinisme et Bolchevisme (1947) - Socialisme libertaire

    Texte de Paul Mattick rédigé en 1947.
    Paul Mattick (1904 - 1981) fut un militant et théoricien marxiste
    du communisme de conseils (conseillisme).

    Trotsky prétend qu’en rédigeant sa biographie de Staline il poursuivait un but : montrer « comment une telle personnalité a pu se développer et comment elle a fini par usurper une situation exceptionnelle ». Tel est le but avoué. Mais le but réel est tout autre. Il s’agit de montrer pourquoi Trotsky a perdu la position de force qui était la sienne à un certain moment, alors que c’est lui qui aurait du être l’héritier de Lénine, étant plus digne de cet héritage que Staline. Ainsi, avant la mort de Lénine, ne disait-on pas communément « Lénine et Trotsky » ? Ne renvoyait-on pas systématiquement le nom de Staline vers la fin, voire même à la dernière place, des listes de dirigeants bolcheviques ? N’a-t-on pas vu, en telle ou telle occasion, Lénine proposer de ne mettre sa signature qu’après celle de Trotsky ? Bref le livre nous permet de comprendre pourquoi Trotsky pensait qu’il était l’« héritier naturel de Lénine ». En fait c’est une double biographie : celle de Staline et de Trotsky (...)

    #Paul_Mattick #socialisme #Staline #stalinisme #bolchevisme #étatisme #capitalisme #Lénine #léninisme #Trotsky #URSS...

    ⏩ Lire le texte complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2015/06/stalinisme-et-bolchevisme.html

  • 5 mars 1953 : la mort de Staline, pas du stalinisme
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/08/5-mars-1953-la-mort-de-staline-pas-du-stalinisme_540011.html

    Il y a 70 ans mourait Staline. De Hitler à Franco, de Horthy à Salazar, Mussolini et tant d’autres, le 20e siècle abonda en dictateurs écrasant les peuples. Il faut pourtant faire une place à part à #Staline car il dirigea un régime se disant socialiste alors que sa dictature porta, plus qu’aucune autre, des coups terribles au mouvement ouvrier et à son avant-garde révolutionnaire, en #URSS et partout dans le monde.

    Sous Staline, ce fut « minuit dans le siècle » : la trahison des révolutions dans les autres pays, la liquidation du #Parti_bolchevique, la terreur à grande échelle comme moyen de gouverner. Comment cela a-t-il pu arriver quelques années à peine après la #révolution_d’Octobre qui, en instaurant la démocratie des soviets, voulait ouvrir la voie au socialisme mondial ?

    Le « socialisme dans un seul pays » ?

    Si le jeune État soviétique finit par triompher de 4 ans d’une guerre civile effroyable imposée par les Blancs et les armées impérialistes, le pays en sortit exsangue, son économie ravagée et sa population épuisée. Le reflux de la vague révolutionnaire en Europe laissait l’URSS isolée, handicapée par son immense arriération sociale héritée du #tsarisme. Pire : alors que les ouvriers les plus conscients, survivants de la guerre civile, étaient absorbés par les besoins du nouveau pouvoir, la classe ouvrière, déjà très minoritaire avant-guerre, n’était plus en mesure de diriger son État.

    Cela renforça une couche sociale spécialisée dans la gestion de l’État, une bureaucratie que la #classe_ouvrière n’avait plus la force de se soumettre. Lénine avait tenté d’enrayer ce phénomène qui prenait des proportions monstrueuses, mais la mort mit fin à ses efforts. Des dirigeants et militants bolcheviques, qui s’étaient regroupés autour de #Trotsky fin 1923, allaient mener ce combat contre la #dégénérescence de l’État ouvrier et du Parti communiste lui-même.

    Dans la lutte que certains dirigeants avaient engagée pour succéder à #Lénine, la fraction du Parti communiste que Staline représentait au sommet du pouvoir s’appuyait sur les bureaucrates contre les révolutionnaires. Et une foule de cadres petits et grands de l’appareil dirigeant finirent par se reconnaître dans la fraction stalinienne. Prônant le « socialisme dans un seul pays », une aberration pour tout marxiste, Staline levait un drapeau contre Trotsky, resté fidèle à la théorie de la #révolution_permanente, qui avait été au cœur de la politique de Lénine et des #bolcheviks. Il indiquait aussi aux bureaucrates et à la bourgeoisie mondiale qu’avec lui c’en serait fini de la révolution dans tous les pays.

    Sous Staline, les #camps_de_concentration se remplirent de millions de travailleurs forcés : des opposants, réels ou prétendus tels, mais surtout un nombre effroyable d’ouvriers et de kolkhoziens condamnés pour des peccadilles, voire sans raison.

    En même temps, le régime vantait sa Constitution de 1936 comme « la plus démocratique du monde ». Alors que la politique stalinienne avait permis à #Hitler d’accéder au pouvoir en ­Allemagne et qu’ensuite elle avait étranglé la révolution en Espagne, la propagande chantait Staline comme « le défenseur des travailleurs », « l’ami des peuples ». Les Partis de l’Internationale communiste, dont le parti français, applaudissaient aux procès de Moscou, présentant l’URSS comme le paradis des travailleurs.

    Terreur bureaucratique et ordre impérialiste

    La #Deuxième_Guerre_mondiale fut une tragédie pour l’URSS et son peuple. La bureaucratie n’aspirant qu’à profiter en paix de sa position privilégiée, Staline avait cru échapper à la guerre en faisant les yeux doux aux démocraties occidentales, puis à l’Allemagne nazie. Confiant dans son pacte avec Hitler, Staline avait laissé l’#Armée_rouge sans préparation, après avoir décimé ses officiers. L’armée allemande atteignit Moscou et Leningrad en quelques semaines. Finalement, l’URSS put résister à Hitler, et à l’incapacité de la #bureaucratie à assurer sa défense, grâce à l’héroïsme de sa population, au front comme à l’arrière. Elle le paya de 20 millions de morts et d’immenses destructions.

    #Churchill et #Roosevelt ayant associé Staline à leur repartage du monde, celui-ci se chargea de défendre l’ordre mondial, d’empêcher que les peuples se lancent à l’assaut du pouvoir comme en 1917-1923. Il le fit dans l’Europe de l’Est que son armée occupait, et dans les autres pays en mettant les Partis communistes au service de la bourgeoisie, au nom de la « reconstruction nationale ».

    Cela accompli, l’impérialisme n’avait plus autant besoin de Staline. La guerre froide s’engagea, marquée par la constitution de l’#OTAN, une alliance militaire occidentale dirigée contre l’URSS. Face à cette menace, Staline chercha à s’assurer la loyauté des « #pays_de_l’Est » en affermissant son contrôle militaro-­policier, et par une série de procès contre leurs dirigeants.

    En URSS, Staline, qui craignait que la population relève la tête, accentua la #répression. Il fit envoyer en camps un million de soldats, ex-prisonniers en Allemagne, qu’il accusa de s’être laissé capturer. Il fit déporter des peuples entiers, sous l’accusation d’avoir trahi. Puis, il lança une affaire aux relents antisémites, un prétendu « #complot_des_blouses_blanches », prélude à une nouvelle #purge des milieux dirigeants.

    Le #stalinisme après Staline

    Aucun membre du Bureau politique ne pouvait se croire à l’abri. Aussi le 28 février 1953, quand Staline eut une attaque, ses lieutenants le laissèrent agoniser, le temps d’organiser des obsèques grandioses, et surtout sa succession. #Béria, chef de la police politique, donc le plus dangereux des prétendants, fit l’unanimité à ses dépens : il fut arrêté, puis exécuté, avec ses adjoints. #Khrouchtchev, chef du parti, fut le plus habile. Devenu successeur en titre de Staline, il l’accusa en 1956, au 20e congrès du parti, sinon de toutes les tares du régime, en tout cas d’avoir fait exécuter de nombreux « bons staliniens », disait-il en s’adressant aux #bureaucrates.

    Ce que l’on qualifia de « #déstalinisation » n’était guère plus que la promesse faite aux bureaucrates qu’ils pourraient jouir de leurs privilèges sans plus craindre pour leur vie.

    Le régime souleva un peu le couvercle de la #censure, surtout littéraire, un « #dégel » qui permit à l’intelligentsia de voir en Khrouchtchev un libéral. Mais le régime n’avait, sur le fond, rien perdu de son caractère parasitaire, réactionnaire, policier et violemment antiouvrier.

    Il le prouva dès juin 1953, en lançant ses tanks contre les ouvriers de Berlin-Est en grève. Puis il réprima dans la foulée les soulèvements des ouvriers tchèques de ­Plzen, polonais de Poznan et, en octobre-décembre 1956, Khrouchtchev dut s’y reprendre à deux fois pour faire écraser par ses chars la révolution des #conseils_ouvriers de #Hongrie.

    #pacte_germano-soviétique #impérialisme #éphéméride #révolution_russe #marxisme #léninisme #trotskisme #trotskysme #goulag #démocraties_populaires

  • Le prolétariat international, la seule classe capable de mettre fin au capitalisme et à l’exploitation !

    #archiveLO #conférenceLO (Cercle Léon Trotsky du 4 mars 2011)

    https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/le-proletariat-international-la-14434

    Sommaire :

    Du #socialisme_utopique aux premières luttes

    1848 : Le Manifeste Communiste...
    – Le prolétarait considéré comme une classe révolutionnaire
    – La #plus-value
    – La nécessité du parti

    ... et la révolution !

    La construction des partis ouvriers
    – Bataille d’idées

    1871 : la Commune de Paris

    De l’apogée de la social-démocratie à sa trahison
    – Développement de la social-démocratie et du prolétariat
    – L’illusion réformiste

    La #révolution_russe de #1917

    Le stalinisme, ennemi du mouvement ouvrier
    – Un courant contre-révolutionnaire
    – Des situations révolutionnaires trahies par le #stalinisme

    Les #révolutions_anticoloniales : une occasion perdue

    La trahison de l’#intelligentsia

    Le prolétariat, classe majoritaire sur la planète

    La classe ouvrière dans les pays du Tiers monde
    – Des zones franches aux usines géantes d’Asie
    – La responsabilité de l’#impérialisme

    Le #prolétariat des pays riches
    – La classe ouvrière industrielle
    – Les #employés, partie intégrante du prolétariat

    Une seule #classe_ouvrière mondiale

    #manifeste_duParti_communiste #nationalisme #indépendance #réformisme #marxisme #parti_révolutionnaire #Karl_marx #Friedrich_Engels #marx #engels #Lénine #trotsky #trotskisme #léninisme

  • Le 23 février 1917 – le 8 mars de notre calendrier –, la Révolution russe commençait

    Le texte du meeting #LO du 20 octobre 2017 consacré à la Révolution russe :
    https://www.lutte-ouvriere.org/sites/default/files/documents/centenaire-revolution-russe.pdf #conférenceLO

    Sommaire (Cercle Léon Trotsky n°150) :

    Introduction d’#Arlette_Laguiller

    La #Révolution_russe : la classe ouvrière au pouvoir

    La #révolution, un élan révolutionnaire du prolétariat : février
    – Les #soviets, les #comités_d’usine

    La révolution transforme les hommes qui la font
    – Une #classe_ouvrière russe opprimée...
    – ... transformée par les événements révolutionnaires

    Le problème du pouvoir et la nécessité du parti
    – La prise du pouvoir par les travailleurs nécessite une conscience élevée et un parti

    L’expérience de huit mois : il faut prendre tout le pouvoir

    La #révolution_d’Octobre n’a rien d’un coup d’État

    Les premiers décrets du pouvoir soviétique

    Le #Parti_bolchevique : une confiance indéfectible dans la capacité de la classe ouvrière à exercer le pouvoir

    Nous nous réclamons de l’action menée par le Parti bolchevique

    La violence fait partie des révolutions

    #Démocratie_ouvrière/#démocratie_bourgeoise

    Les raisons de la #dégénérescence

    « Il y a eu beaucoup de révolutions, aucune n’a marché ! », nous dit-on

    Nous voulons construire un parti révolutionnaire prolétarien
    – Construire ce parti : une tâche difficile

    #bureaucratie #stalinisme #lénine #léninisme #trotsky #trotskisme #marxisme #lutte_de_classe #russie #révolution_sociale #révolution_ouvrière #révolution_bourgeoise #répression #parti_révolutionnaire #communisme_révolutionnaire #Lutte_Ouvrière

  • « Socialisme ou barbarie ? » (Barta, 20 février 1944)

    AVERTISSEMENT

    La guerre est devenue le mal chronique de notre époque. On se propose ici d’exposer aux ouvriers conscients, soucieux de l’avenir de leur classe, les causes réelles de ce fléau et les moyens dont dispose le prolétariat pour y mettre fin.

    Pour bien comprendre l’origine de la guerre, et pour en tirer les déductions indispensables à l’action de classe du prolétariat, il est nécessaire de connaître les causes économiques qui la déterminent ; c’est pourquoi, malgré notre souci constant d’écrire de façon claire et à la portée de tout ouvrier sérieux (même n’ayant pas une éducation politique étendue) notre sujet nous a obligés à nous étendre parfois sur des questions que l’on a rarement l’occasion d’étudier sérieusement et qui exigent, pour être bien comprises, toute l’attention du lecteur.

    Mais seuls les démagogues et les fascistes s’imaginent qu’on peut mener la « masse » (pour laquelle ils ont un profond mépris) avec des mots d’ordre « simples », c’est-à-dire mensongers ; les marxistes au contraire s’assignent pour tâche d’aider la classe ouvrière à dissiper ses illusions entretenues par la bourgeoisie et à prendre conscience du système qui l’opprime et l’exploite.

    L’histoire du mouvement ouvrier a montré que, malgré les difficultés qu’ils rencontrent du fait que le prolétariat, en tant que classe opprimée, manque d’une instruction suffisante, les ouvriers animés du profond désir de créer un monde meilleur, à eux, sont capables de s’élever jusqu’aux plus hautes généralisations théoriques.

    Certes, aujourd’hui, après les défaites subies par la classe ouvrière, et dans les conditions terribles que nous impose la bourgeoisie (journée de 10 heures et sous-alimentation), la majorité des travailleurs a perdu l’habitude de se préoccuper directement et systématiquement de ses intérêts de classe. Mais seuls des ouvriers non-conscients se refuseraient à prêter un minimum d’attention soutenue à une question aussi vitale pour le prolétariat, dans des circonstances où la bourgeoisie saigne chaque jour un peu plus les masses.

    A ceux-là n’est pas destinée cette brochure : nous nous adressons aux ouvriers conscients, et nous leur demandons de nous lire jusqu’au bout.

    20 Février 1944

    *

    QUELLE ÉPOQUE VIVONS-NOUS ?

    Chacun se rend compte que nous vivons une période exceptionnelle de l’histoire du genre humain. Depuis le début du siècle, une série de guerres et de révolutions a continuellement bouleversé de fond en comble la vie des peuples du monde entier, empêchant les hommes de vivre d’une façon normale :

    1904 : guerre impérialiste russo-japonaise ;

    1905 : première #Révolution_russe ;

    1912 : #guerre_balkanique ;

    1914-18 : première guerre impérialiste mondiale, suivie de la série de révolutions qui l’ont endiguée ;

    1917 (Février et Octobre) : Révolution russe ;

    1918 (Novembre) : #Révolution_allemande et écroulement de l’empire austro-hongrois ; révoltes dans l’armée française.

    Puis révolutions et contre-révolutions d’après-guerre :

    1919 : en Hongrie ; 1919-22 : en Italie ;

    1923 : en Allemagne ; 1924 : en Bulgarie ;

    1925-27 : en Chine ...

    A partir de #1929 la #crise_mondiale ouvre la voie vers une deuxième guerre impérialiste, à travers une nouvelle série de conflits intérieurs dans les différents pays capitalistes, conflits qui se terminent par la victoire de la bourgeoisie.

    1931 : chute de la royauté en Espagne ;

    1933 : victoire du #fascisme en Allemagne ;

    1934 (Février) : insurrection des ouvriers de Vienne ;

    1934-38 : grèves générales en France ;

    1936 (Juillet) : Révolution prolétarienne en Espagne.

    Et, 20 ans après la première guerre mondiale, annoncée par la #guerre_Italo-Ethiopienne (1935) et la #guerre_Sino-Japonaise (1937) a commencé en 1939 une deuxième guerre impérialiste dont on ne voit pas encore la fin.

    Comme le montre ce tableau des principaux événements contemporains, dans l’intervalle de deux générations, la courbe des conflits a monté d’une façon vertigineuse. Il ne s’agit plus aujourd’hui de querelles dynastiques, d’appétits de conquêtes de tel ou tel pays, de sécurité des frontières, de guerres laissant la société, en dépit des malheurs et de la misère, suivre sa marche en avant ; le caractère tout à fait spécial de notre époque est qu’à l’intérieur des nations comme à l’extérieur, la société se déchire de plus en plus profondément à travers des bouleversements ininterrompus qui détruisent les richesses et la culture accumulées par l’humanité, saignent et affament les masses et les réduisent à un asservissement moyenâgeux. On dirait que le monde ayant perdu son centre de gravité va retomber avec fracas dans la chaos ; l’humanité entière ne peut plus retrouver l’équilibre et la paix, si ce n’est dans les cimetières...

    D’après les curés de toutes les religions, cette rupture d’équilibre, ces guerres de plus en plus meurtrières, seraient « la punition de nos péchés » ; et déjà les représentants de la bourgeoisie, qui en 14-18 ont mené les peuples au massacre pour la « der des der » et ont sacrifié plus de 10 millions d’hommes depuis Août 1939 pour « la démocratie » ou pour « l’espace vital », parlent d’une troisième guerre mondiale. Ainsi, la guerre à l’échelle mondiale serait un phénomène naturel inhérent à l’existence de la société humaine.

    Mais, des années avant la 1ère guerre mondiale, notre époque d’agonie et de mort a été caractérisée par tous les partis et les syndicats ouvriers comme l’effet du capitalisme dans sa dernière phase, l’impérialisme : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Jaurès).

    En effet, depuis le début du siècle, la capitalisme a profondément modifié sa structure. Fini le capitalisme de libre concurrence, le « laisser-faire, laisser-passer », qui, malgré les crises, les conflits et le chômage temporaires, accomplissait l’équipement industriel du territoire (construction de machines, d’usines, de chemins de fer, de routes, de canaux, de bateaux etc...) et facilitait de plus en plus la vie on développant les forces productives, c’est-à-dire la puissance de l’homme sur la nature ; la supériorité de la grande industrie sur la petite a engendré, par la ruine de cette dernière, le monopole capitaliste. Cette modification de structure du capitalisme lui a enlevé tout caractère progressif et l’a rendu profondément réactionnaire ; les plus grandes inventions, loin d’être utilisées pour accroître la puissance de l’homme sur la nature, et par conséquent son bien-être, servent à la destruction et à la mort, pour le maintien d’un régime condamné.

    Et l’on a pu voir, dans une société soi-disant civilisée, des millions de chômeurs et leurs familles souffrir la misère et la faim tandis que, pour maintenir les prix, les capitalistes procédaient à la destruction systématique des récoltes : aux Etats-Unis on élevait des hannetons pour ravager les plantations de coton ; l’Amérique du Sud brûlait du blé et du café dans les locomotives ; en France on offrait des primes aux vignerons pour arracher les vignes, et les pêcheurs devaient rejeter leur poisson à la mer !...

    Pourquoi l’impérialisme (capitalisme monopoleur) provoque-t-il la destruction des richesses accumulées, la fin de la civilisation et de la culture ; pourquoi la guerre est-elle son mode d’existence, et la paix seulement « une trêve entre deux guerres » (Lénine) ? Nous demandons un peu de patience à notre lecteur ouvrier pour les explications qui suivent : il s’agit de bien comprendre ce qu’est l’impérialisme si l’on ne veut pas tomber dans les pièges de la bourgeoisie et se laisser saigner par elle à l’aide de slogans qui ne veulent rien dire.

    CAPITALISME DE LIBRE CONCURRENCE ET CAPITALISME DE MONOPOLE (IMPERIALISME).

    Jusqu’à la fin du 19ème siècle, les marchés, et en premier lieu le marché national, offraient des possibilités d’écoulement à tous les produits : dans les différentes branches de la production (métallurgie, tissages, etc...) les capitalistes, – grands, moyens et petits – , existaient et « travaillaient » indépendamment les uns des autres ; c’était le capitalisme de libre concurrence.

    Cependant, la concurrence oblige chaque capitaliste à ajouter constamment les profits réalisés (sauf une partie nécessaire à ses dépenses personnelles) au capital initial, pour les réinvestir dans l’industrie (perfectionnements techniques, achat de machines, etc...). Or, l’extension constante de la production de chaque capital individuel augmente à tel point la quantité des marchandises à écouler, que le marché n’est plus capable d’absorber la production de tous les capitalistes. Ceux qui n’arrivent pas à vendre leurs marchandises font faillite ; mais dans cette lutte à mort, ce n’est pas la chance qui décide des survivants : les entreprises ne sont pas de grandeur égale, et le prix de revient est d’autant plus petit que la production est grande. C’est donc la grande entreprise qui possède l’avantage décisif dans la concurrence capitaliste, concurrence de plus en plus acharnée qui aboutit à la ruine des plus faibles au profit des plus forts.

    C’est ainsi que, peu à peu, avec des péripéties diverses, la libre concurrence engendre inévitablement la concentration des capitaux et aboutit à la domination despotique du marché par un seul capital monopoleur.

    Du point de vue de la nouvelle structure du capitalisme, il importe peu que le capital monopoleur (qui domine un, plusieurs ou tous les marchés sans concurrence) appartienne à un seul ou à plusieurs capitalistes, ou à une masse d’actionnaires : l’essentiel est la disparition de l’élément de progrès du système, la concurrence entre les capitalistes d’une même branche.

    On pourrait croire, à première vue, que le capitaliste monopoleur peut « se contenter » de sa position assurée de monopoleur et « renoncer » à gagner des positions capitalistes nouvelles. Mais le capitaliste ne produit pas pour la société : il « travaille » pour réaliser des profits. Et même s’il devenait tout à coup « vertueux » et voulait mettre en pratique la charité chrétienne, du point de vue économique, il le peut encore moins que dans le capitalisme de libre concurrence (où le danger n’était pas de tous les instants, et où les périodes de prospérité pouvaient au contraire lui faire croire qu’il y avait de la place pour tout le monde). La concurrence entre capitalistes indépendants d’une même branche fait place à un antagonisme de tous les instants, cent fois plus âpre, et qui, loin d’être une source de progrès provoque le dépérissement de l’économie, avec la misère et la guerre pour les masses.

    Par exemple, le capitaliste qui monopolise les transports par chemins de fer entre en une lutte de tous les instants avec celui qui monopolise les transports par route ; d’autre part, deux sociétés monopoleuses dont les produits s’écoulent dans le monde entier – les pétroles par exemple – entrent en conflit mortel pour la possession des sources anciennes ou nouvelles de matières premières ; enfin, « la course pour le dollar du consommateur » est un autre élément d’antagonismes entre les monopoles (le consommateur ayant un budget à peu près fixe, il s’agit de savoir comment il répartira ses dépenses : achètera-t-il un livre, ira-t-il au cinéma, ou restera-t-il à la maison pour économiser de quoi s’acheter une bicyclette ?).

    Donc, à peine arrivé au monopole comme terme d’une lutte entre capitalistes indépendants pour accaparer le marché, le capitalisme plonge l’économie entière dans une anarchie encore plus grande qui finalement mène à la ruine de la société.

    En effet, pour se renforcer contre les monopoles qui le menacent, le capitaliste monopoleur est obligé de conquérir des positions capitalistes de plus en plus fortes, et pour cela il doit réinvestir les profits et surprofits réalisés ; or, le processus de concentration s’étant poursuivi dans presque toutes les branches de la production dans les vieux pays capitalistes, ceux-ci n’offrent plus de débouchés pour de nouveaux investissements : les capitaux sont donc exportés au dehors, surtout dans des pays arriérés et aux colonies où les conditions d’une économie retardataire (équipement industriel pour l’exploitation et l’exportation des ressources du pays, matières premières et main-d’œuvre aux plus bas prix) permettent de réaliser des bénéfices fabuleux sur le dos de la population coloniale ou semi-coloniale.

    Ainsi la lutte prend un aspect entièrement nouveau. Il ne s’agit plus d’une concurrence purement économique se terminant par la faillite des capitalistes les plus faibles, comme dans la libre concurrence, mais bien d’une compétition internationale pour la conquête du marché mondial (qui n’est plus extensible) et pour la main-mise sur les branches de production, les sources de matières premières et de main-d’œuvre à bon marché.

    La crise dans le capitalisme du monopole n’est plus un arrêt temporaire de la production (mévente des marchandises) se terminant par une reprise économique puissante : elle devient un élément chronique de la vie économique, provoquant non seulement la destruction volontaire des richesses produites, mais aussi la limitation des moyens de production mis en fonction. La partie décisive des moyens de production, l’industrie lourde, ne trouve plus d’autre « marché » que la guerre, c’est-à-dire la destruction pure et simple de la puissance de production de l’industrie moderne.

    Cet antagonisme à l’échelle mondiale divise le capital monopoleur en groupes financiers : les trusts industriels créent des banques ; les banques créent des trusts d’exploitation ; les groupes fusionnent avec d’autres groupes ; et ainsi se crée tout un réseau de grosses industries et de banques travaillant dans toutes les branches. Voilà comment l’économie mondiale est tombée sous la domination d’une oligarchie capitaliste : les 200 familles en France, les 60 familles aux U.S.A., les Big Five en Angleterre, les Konzern en Allemagne, les Nitsui et les Mitsubishi au Japon, etc...

    Entre ces groupes financiers qui luttent à mort les uns contre les autres, les alliances se font et se défont : c’est là qu’il faut chercher, le secret des alliances et ruptures d’alliances consacrées par les pactes diplomatiques.

    Disposant des richesses du pays qui constitue la base de leur puissance, ainsi que de leurs rapines sur d’autres continents, les capitalistes détiennent tous les leviers de l’Etat, c’est-à-dire non seulement l’armée, la police, les prisons et la justice, mais encore la radio, la presse, l’école et les églises.

    Tous ces moyens leur servent à duper les peuples et à les entraîner dans leurs conflits à l’aide de traditions, de mots d’ordre, et de toute une propagande appropriée. Et de même que, pour défendre ses intérêts, le capitaliste ferme « son » usine comme si c’était sa tabatière, jetant sur le pavé les ouvriers affamés, de même la bourgeoisie, pour défendre ses positions menacées, jette « son » peuple dans le massacre ; car la guerre, qui n’apporte aux masses que la misère et la mort, se solde pour elle par des super-bénéfices.

    En effet, tandis que les ouvriers et les paysans de tous les pays s’entre-tuent soi-disant pour la « der des der », la « démocratie », la « défense des petites nations » ou de l’Empire pour « l’ordre nouveau », « l’espace vital », « le sang contre l’or » et la « défense de la patrie », les champs de bataille sont en réalité un débouché exceptionnel, qui consomme en peu de temps des quantités énormes de « marchandises » (matériel de guerre). C’est ainsi que les masses entraînées dans la course sans fin pour le partage et le repartage du globe, croyant mourir pour la patrie, meurent pour les capitalistes !

    SUPPRESSION DES CONTRADICTIONS DU CAPITALISME
    Les méfaits de la domination économique des trusts, Konzern, banques, ententes et monopoles de toutes portes sur la société, sont depuis longtemps devenus évidents pour les larges masses. Les scandales financiers, la ruine des petites gens et des paysans, l’exploitation féroce et concertée des travailleurs, – qui n’ont plus affaire à un patron dont le sort est lié à celui de l’entreprise, mais au patronat disposant des ressources du capital financier, – ont soulevé contre les capitalistes monopoleurs la haineet la volonté de lutte de tous les exploités.

    Devant la volonté commune de toutes les classes pauvres de museler les banques et les trusts, menace mortelle, la bourgeoisie ne put se sauver qu’on trompant les masses : Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne, Roosevelt aux Etats-Unis et Blum en France ont présenté leur politique comme « la fin de la toute-puissance des trusts ». Et même dans la « respectable » Angleterre, gouvernée par les conservateurs, certains ministres du Travail sont parfois obligés d’agiter des projets de « réformes de structure », Pourtant, les trusts n’ont jamais aussi bien prospéré que sous les gouvernements de Mussolini, Hitler, Blum, Roosevelt et Churchill.

    Pourquoi ? Parce que le monopole, le grand capital, n’est pas une excroissance d’un organisme sain, qu’on pourrait couper, ou un abus qu’on pourrait réformer, brider ou contenir : les 200 familles sont le couronnement du système capitaliste, son fruit naturel, comme la poire est le fruit du poirier.

    Il faut donc, pour remettre la société d’aplomb, pour en finir avec les crises permanentes, le chômage permanent, la guerre permanente, détruire le mal à la racine, c’est-à-dire détruire le système capitaliste qui les engendre.

    Qu’est-ce qui caractérise le capitalisme ? C’est la #propriété_privée_des_moyens_de_production : les usines, le sol et le sous-sol, les moyens de transport, les moyens d’échange (banques), les locaux, en un mot tout ce dont l’homme a besoin pour assurer son existence, se trouvent entre les mains d’une petite minorité de bourgeois richissimes qui disposent à leur gré du sort de dizaines de millions d’hommes séparés des moyens de production, prolétarisés.

    A cette contradiction essentielle qui oppose le système capitaliste aux besoins de la société, contradiction entre la production SOCIALE et la propriété PRIVEE s’en ajoute une seconde : le morcellement de l’économie mondiale en fractions soi-disant nationales (en réalité, à part quelques rares exceptions où les frontières délimitent en même temps la nation, presque toutes les frontières (90 %) découpent la même nation en plusieurs tronçons – l’Allemagne de 1918, les Balkans, l’Europe Centrale, l’Irlande, etc... – ou font « vivre » ensemble plusieurs nations antagonistes – l’Allemagne de 1939, les Empires coloniaux d’Afrique et d’Asie, etc...). En fait, ce morcellement de l’économie mondiale n’est qu’un système de frontières et de douanes correspondant au rapport de forces changeant entre les groupes financiers (les 200 familles, les 60 familles, les Konzern, etc...)

    Production SOCIALE et appropriation PRIVÉE capitaliste, économie MONDIALE et son MORCELLEMENT en « fiefs » du capital financier, telles sont donc les causes qui provoquent la ruine de la société.

    La suppression de ces contradictions ne consiste pas en un retour en arrière à un soi-disant « âge d’or », mais dans une audacieuse marche en avant vers le socialisme.

    Le mode de propriété est périmé, mais le mode de production est définitif : il faut donc les harmoniser en abolissant la propriété privée des moyens de production pour restituer ces derniers à la société entière par la DICTATURE DU PROLETARIAT et LA GESTION DIRECTE DES USINES PAR LES TRAVAILLEURS.

    La suppression de la propriété privée des moyens de production n’est pas la suppression de toute propriété : la petite propriété paysanne continuera à exister. Les petits paysans garderont leur terre aussi longtemps qu’ils voudront, jusqu’au moment ou d’eux-mêmes ils estimeront plus avantageuse la grande culture industrialisée.

    Cette révolution économique et sociale ne peut pas éclater et vaincre simultanément dans le monde entier. Elle commence dans le cadre d’un ou plusieurs Etats, mais elle ne peut aboutir à une société harmonieuse que par la victoire de la classe ouvrière dans le monde entier : les ressources de tout le globe sont nécessaires pour bâtir une société sans aucune contradiction économique. Les travailleurs ont pu remarquer au cours de cette guerre qu’aucun pays, si riche qu’il soit en ressources naturelles (comme les Etats-Unis ou l’URSS) ne peut produire à lui seul tout ce que l’homme a découvert ou inventé pour assurer sa domination sur la nature.

    Donc, l’abolition de la propriété privée, le socialisme, implique également la suppression des frontières capitalistes (douanes, passeports, etc...), c’est-à-dire la création des ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE.

    STRATEGIE ET TACTIQUE OUVRIERES CONTRE LA GUERRE.

    Aujourd’hui, depuis 5 ans, la guerre ravage les continents, ruine l’économie, sépare les peuples par un fossé de sang, et risque en se prolongeant de ramener la société entière à une nouvelle barbarie sociale.

    Au premier plan de la lutte ouvrière se trouve donc la lutte contre la guerre.

    Mais la guerre, malgré tous les prétextes et les masques que la bourgeoisie utilise pour en camoufler les véritables causes, n’est au fond qu’une lutte entre les différentes bourgeoisies pour les monopoles (guerre pour « l’espace vital » du côté de l’Axe et pour la « défense de l’Empire » du côté des alliés) : AUSSI, LA LUTTE CONTRE LA GUERRE NE PEUT-ELLE ETRE SEPAREE DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITALISME. Telle est l’idée fondamentale dont doivent partir les ouvriers conscients qui veulent réellement en finir avec les massacres qui recommencent tous les 20 ans.

    Bien avant la première guerre mondiale, en 1907, la IIème Internationale dénonça au Congrès de Stuttgart le caractère impérialiste de la guerre qui venait. Les délégués des Partis ouvriers de France, d’Allemagne, de Russie, d’Italie, etc..., qui participèrent à ce Congrès, savaient que les différences politiques entre les pays qu’ils représentaient n’étaient pour rien dans les dangers qui menaçaient la paix du monde. Ils prirent la résolution suivante : « Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils (les représentants ouvriers) ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerrepour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste ».

    En 1912, au Congrès de Bâle, ils réaffirmèrent : « LES TRAVAILLEURS CONSIDERENT COMME UN CRIME DE TIRER LES UNS SUR LES AUTRES POUR LE PROFIT DES CAPITALISTES... »

    Pourtant, quand la guerre éclata « néanmoins », les chefs de la IIème Internationale, pourris par l’opportunisme, non préparés à une lutte dans des conditions entièrement nouvelles (illégalité, lutte extraparlementaire, etc...), cédèrent à la pression de la bourgeoisie et trahirent la classe ouvrière. C’est alors seulement qu’ils découvrirent les prétextes politiques et « idéologiques » qui devaient justifier la cause infâme de leur bourgeoisie : les « socialistes » français appelèrent à la lutte de la « démocratie » (alliée au tsarisme !) contre le « militarisme prussien » et les « socialistes » de l’Allemagne impériale à la lutte contre le knout tsariste...

    Mais ces arguments en faveur de l’union sacrée, mis en avant du jour au lendemain par des chefs aux abois n’étaient que des mensonges.

    La forme politique ne peut pas influencer ou améliorer la structure IMPERIALISTE de l’économie ; tout au contraire, c’est la structure impérialiste de l’économie qui commande les actes de tout gouvernement bourgeois, démocratique, militariste ou fasciste.

    La première guerre mondiale et la présente guerre nous montrent que dans tout conflit impérialiste, c’est précisément la démocratie qui est la première victime. Dans tous les pays impérialistes sans aucune exception s’établit le même régime de militarisation, de contrainte, de terreur policière, de censure, avec suppression de tous les droits ouvriers, pour donner aux trusts l’entière liberté d’action.

    Tandis que les chefs social-patriotes se vautraient dans l’union sacrée et les ministères, les chefs ouvriers restés fidèles au socialisme – Lénine, #Rosa_Luxembourg et Karl Liebkecht en tête – prirent une voie toute opposée.

    Ils dénoncèrent la guerre comme « une guerre impérialiste pour un repartage des richesses du globe entre les forbans capitalistes ». Rejetant l’union sacrée et les crédits de guerre, ils appelèrent les travailleurs de leur pays à fraterniser avec ceux du pays « d’en face » et à renverser leur propre bourgeoisie.

    Nous savons aujourd’hui que c’est eux qui voyaient juste et qu’ils représentaient les véritables aspirations des masses opprimées, car leurs principes et leur action ont conduit à la première victoire prolétarienne (Révolution d’Octobre 1917) et à la formation de la IIIème Internationale (l’Internationale Communiste).

    Quels furent donc leurs principes et leur tactique ?

    #Karl_Liebknecht nous a laissé la meilleure formule de l’internationalisme ouvrier pendant la guerre : « L’ENNEMI DE CHAQUE PROLETARIAT EST DANS SON PROPRE PAYS » ; la tâche des travailleurs est de « balayer chacun devant leur propre porte ».

    Pour #Lénine il s’agissait de « transformer la guerre impérialiste en guerre civile » ; car « si cette guerre n’est pas suivie d’une série de révolutions victorieuses, elle sera suivie à bref délai d’autres guerres ».

    Que celui-ci avait raison, cela a été prouvé non seulement par le fait que les travailleurs russes conquirent la paix grâce à la guerre civile, en renversant la bourgeoisie, mais surtout par le fait que le maintien de la domination impérialiste sur les 5/6ème du globe, a amené une 2ème guerre impérialiste mondiale. Dans un monde où subsistent les liens et les contradictions impérialistes, la paix ne peut être qu’ « une trêve entre deux guerres »...

    La #guerre_civile n’est pas un moyen désespéré auquel on n’a recours qu’à la dernière extrémité : c’est la résolution inébranlable du prolétariat, appuyé sur les masses populaires, d’en finir avec la guerre impérialiste en renversant la bourgeoisie et son Etat (police, justice, corps des officiers, etc...) Sans cette résolution inébranlable de riposter à la guerre impérialiste par la guerre civile, les travailleurs ne doivent pas espérer que c’est la bourgeoisie qui fera quoi que ce soit pour desserrer l’étau qui étouffe les masses ou qui reculera devant n’importe quelle infamie. Tout au contraire, grâce à la guerre impérialiste toujours plus meurtrière, elle mène à l’intérieur sa propre guerre civile destinée à paralyser et à écraser le prolétariat.

    Le mot d’ordre des travailleurs est : A BAS LA GUERRE IMPERIALISTE, VIVE LA GUERRE CIVILE !

    Devant les hésitations de certains chefs « internationalistes » qui étaient paralysés dans leur action pratique par la peur que la lutte révolutionnaire « n’affaiblît le front », Lénine proclama que la défaite de leur propre impérialisme était « un moindre mal » pour les ouvriers.

    Il suffit en effet de comparer le sort de la France après 1918, victorieuse grâce à l’union sacrée, et celui de la Russie révolutionnaire, vaincue et dépouillée de vastes territoires aussi bien par l’impérialisme allemand que par l’impérialisme « allié » : les ouvriers français n’ont plus jamais retrouvé leur niveau de vie d’avant 14, tandis que les travailleurs russes ont créé un pays entièrement nouveau et élevé la Russie arriérée au niveau des pays industriels les plus avancés.

    Mais la défaite de Juin 40 ? La défaite de Juin 40 ne fut pas la conséquence de l’affaiblissement du front par les luttes révolutionnaires dans le pays, mais l’effondrement de l’impérialisme français, entraînant dans sa chute l’ensemble des classes laborieuses.

    Si le prolétariat de France avait pu, grâce à une politique ouvrière juste, mettre à profit la débâcle de son impérialisme en Mai-Juin 40 pour s’emparer du pouvoir, le sort, non seulement du peuple français, mais encore de tous les peuples du monde, aurait été complètement changé, mais le prolétariat n’avait pas été préparé à une telle éventualité par les partis ouvriers.

    Le parti socialiste d’après 1918 était resté définitivement un parti de collaboration et d’union sacrée ; la IIIème Internationale et le Parti communiste français avaient depuis longtemps abandonné la stratégie et la tactique qui avaient permis la victoire des ouvriers et des paysans russes en 1917 et qui avaient mis fin à la 1ère guerre mondiale. L’isolement de la Révolution d’Octobre dans un monde capitaliste a provoqué en URSS l’affaiblissement du prolétariat soviétique, centre de gravité de la IIIème Internationale. Il s’y forma une bureaucratie dirigeante analogue à celle des partis et des syndicats ouvriers occidentaux. Sous son influence, la IIIème Internationale rompit avec l’internationalisme ouvrier : reconnaissance de la « défense nationale » on France (pacte Laval-Staline de 1935, vote des crédits de guerre de Daladier en 1935), pacte Hitler-Staline pour le dépècement de la Pologne, nouvelle « alliance » avec les impérialismes « démocratiques » pour la défense de la « démocratie » contre le fascisme, etc…

    L’abandon de la stratégie et de la tactique révolutionnaires par les chefs de la IIème Internationale en Août 1914 permirent à la bourgeoisie de se maintenir sur les 5/6ème du globe, tandis que le capitalisme n’était renversé par l’internationalisme prolétarien que dans la sixième partie.

    L’abandon des mêmes principes par les chefs soviétiques de la IIIème Internationale a permis à la bourgeoisie de déclencher une nouvelle guerre impérialiste qui est entrée dans sa cinquième année.

    Comme dans la première guerre impérialiste, la seule issue est dans l’application dans la lutte prolétarienne de la stratégie et de la tactique de Liebknecht de Lénine.

    C’EST CETTE TACHE QUE CONTINUE LA IVème INTERNATIONALE !

    LA QUATRIEME INTERNATIONALE ET LA GUERRE
    La lutte de la IVème Internationale contre la guerre continue celle que menèrent la IIème et la IIIème Internationales avant d’être brisées par l’impérialisme mondial.

    Dans tous les pays impérialistes en guerre – quelle que soit leur forme politique (démocratie ou fascisme) – le but fondamental de la IVème Internationale est la FRATERNISATION DES OUVRIERS ET DES PAYSANS SOUS L’UNIFORME. « Refuser de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes », fraterniser, voilà l’arme essentielle que possèdent les exploités de tous les pays contre leurs exploiteurs.

    Toute autre attitude, toute réserve ou équivoque à ce sujet, est une trahison pure et simple de la classe ouvrière internationale et des masses laborieuses.

    Mais les pays en guerre ne sont pas tous des pays impérialistes ; menant sa lutte contre la guerre sous le signe de la fraternisation et de l’internationalisme (UNITE DES INTERETS DE TOUS LES PEUPLES CONTRE LA BOURGEOISIE IMPERIALISTE DE TOUS LES PAYS), la IVème Internationale propose aux travailleurs des tâches immédiates différentes SELON LA NATURE IMPERIALISTE OU NON IMPERIALISTE des pays (et non pas selon les formes politiques).

    Là où la guerre met aux prises 2 armées impérialistes soumises au corps des officiers instrument des groupes financiers (par exemple la guerre de 39-40 entre la France et l’Allemagne, ou la guerre actuelle entre les Anglo-Américains et l’Allemagne), la IVème Internationale appelle les travailleurs des deux armées en lutte à cesser de s’entretuer et à fraterniser. Pratiquement, cette fraternisation n’est possible que par la lutte directe des soldats contre leur propre Etat-major et implique donc un affaiblissement du front (impérialiste) de l’armée la plus avancée dans la voie révolutionnaire ; cependant, comme cela a été expliqué au chapitre précédent, la défaite est un moindre mal quand elle est provoquée par la lutte révolutionnaire des ouvriers et des paysans : car pour pouvoir lutter contre l’impérialisme d’un autre pays, les travailleurs d’un pays impérialiste doivent d’abord liquider leur propre impérialisme, QUI NE LEUR EPARGNE PAS CE QUE L’ IMPERIALISME ADVERSE LEUR RESERVE.

    Mais là où la guerre met aux prises une armée impérialiste et une armée non-impérialiste, comme par exemple la guerre entre l’Allemagne et l’URSS, le Japon et la Chine, ou un conflit entre les alliés et « leurs » colonies (Inde, Maroc, etc…), la fraternisation n’implique pas un affaiblissement du front de l’armée non-impérialiste : la IVème Internationale appelle les travailleurs de ces pays (non-impérialistes : URSS ou colonies) à se défendre DE TOUTES LEURS FORCES, malgré leur méfiance ou leur haine pour leur propre gouvernement, contre les armées impérialistes, qui ouvrent la voie au capital financier. Car dans les pays non-impérialistes, les travailleurs qui réussissent à écarter la menace impérialiste, peuvent, de ce fait même, lutter avec succès contre leur propre gouvernement réactionnaire.

    Cette attitude de défense de la part des travailleurs d’un pays non-impérialiste nuit-elle à la fraternisation avec les ouvriers et paysans de l’armée impérialiste qui les a attaqués ?

    NULLEMENT, si leur lutte apparaît clairement à ces derniers comme une lutte pour les intérêts communs des travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

    S’il ne s’est encore rien produit de pareil sur le front germano-soviétique, c’est seulement parce que aux yeux des soldats allemands, le gouvernement soviétique, par son langage et par ses actes (mort aux Boches ! ), ne diffère en rien d’un quelconque gouvernement allié fauteur de la paix impérialiste de Versailles.

    Pour vaincre définitivement l’impérialisme, les travailleurs soviétiques doivent renverser la bureaucratie réactionnaire dirigeante et présenter aux peuples du monde entier leur véritable visage prolétarien.

    Contre la guerre impérialiste mondiale actuelle, la IVème Internationale lutte avec les mots d’ordre suivants :

    Contre la politique chauvine et impérialiste des partis « socialistes » et « communistes » qui divise les travailleurs et sert les intérêts de la bourgeoisie, VIVE L’INTERNATIONALISME OUVRIER !

    A BAS LES « BUTS DE GUERRE » IMPERIALISTES, la Charte de l’Atlantique, « l’ordre nouveau », etc... VIVE LE DROIT DE TOUS LES PEUPLES A DISPOSER D’EUX-MEMES jusque et y compris la séparation de l’État qui les opprime !

    A BAS LA DIPLOMATIE ET LES PACTES SECRETS !

    DÉFENSE DE L’URSS en tant qu’Etat ouvrier PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE ROUGE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE dans tous les pays impérialistes (Allemagne, Angleterre, France, etc...).

    DÉFENSE DE LA CHINE en tant que pays semi-colonial contre le Japon, PAR LA VICTOIRE DE L’ARMEE CHINOISE ET LA REVOLUTION PROLETARIENNE AU JAPON et dans le monde. DÉFENSE DE TOUTES LES COLONIES ET SEMI-COLONIES CONTRE L’IMPERIALISME QUI LES OPPRIME : de l’Inde contre l’Angleterre, de l’Afrique contre les impérialismes alliés, etc...

    A bas l’autarchie européenne de « l’ordre nouveau », à bas la main-mise du capital américain sur l’Europe, VIVENT LES ÉTATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE ! Seuls les Etats-Unis socialistes assurent la véritable égalité, entre les nations, grandes ou petites.

    Contre la domination du monde entier par deux grandes puissances, VIVENT LES ETATS-UNIS SOCIALISTES DU MONDE !
    LA LUTTE DES TRAVAILLEURS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE

    La déclaration de guerre en Septembre 1939 et la mobilisation, la censure, la défense passive, les réquisitions et la répression qui l’ont marquée, ont réveillé dans les masses la méfiance et l’hostilité contre les dirigeants capitalistes : les travailleurs n’avaient pas oublié les leçons de la première guerre impérialiste, les misères et les souffrances qu’ils avaient endurées pour le seul bénéfice de la bourgeoisie.

    Mais la lutte des masses contre les mesures de dictature et de terreur de #Daladier et #Reynaud (camps de concentration, emprisonnements de milliers de militants ouvriers, dissolution du PC et des groupements internationalistes, mise au pas des syndicats, peine de mort pour la propagande communiste) ne trouva pas un guide dévoué exclusivement aux intérêts des travailleurs : la politique du PC obéissait aux intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique, et ses tournants décontenançaient périodiquement les masses et les militants. Quant aux éléments internationalistes, ils étaient trop faibles numériquement pour exercer une influence efficace.

    C’est pourquoi, bien que favorable à la révolution, l’attitude des masses (qui repoussèrent d’instinct l’idéologie nationaliste-"démocratique" ou fasciste) ne provoqua pas la chute de la bourgeoisie. Quand l’impérialisme français chancela sous les coups de l’impérialisme allemand, la classe ouvrière, sans direction, ne songea pas à créer les organes d’un Etat ouvrier (Conseils d’ouvriers et soldats), mais se dispersa sur les routes de France...

    L’exode mit fin pour les masses à l’expérience de la guerre « démocratique ». Mais la défaite de l’impérialisme français ne mit pas fin à la guerre. LA GUERRE NE FAISAIT QUE COMMENCER et prit un développement mondial pesant de plus en plus lourdement sur les couches populaires du monde entier. L’économie des pays mêlés à la guerre fut soumise à une rude épreuve. Toutes les ressources furent raflées en vue de la guerre.

    Le pillage de la France par l’impérialisme allemand imposa aux masses une série de souffrances inouïes qui plongèrent brusquement le peuple français dans des conditions de vie insupportables.

    Mais comme la guerre sous la conduite de nos propres impérialistes (la « drôle de guerre ») n’avait pas eu le temps d’engendrer des maux à une si grande échelle, l’état d’esprit, des masses changea par rapport à celui du début de la guerre : les malheurs qui s’abattaient sur le peuple français n’étaient pas dus à la guerre elle même, à la GUERRE TOTALE, dans laquelle victoire ou défaite engendrent les mêmes maux, mais à l’occupation étrangère, aux « Boches ». Les masses crurent d’autant plus facilement les slogans venus de Londres, qu’à partir du début de la guerre entre l’URSS et l’impérialisme allemand le Parti « communiste » se mit à tenir le même langage que les impérialistes alliés.

    Voilà comment aujourd’hui, après quatre années et demie de guerre la classe ouvrière se trouve complètement dépourvue d’une perspective propre et est à la remorque de la bourgeoisie pour une soi-disant guerre de « libération ».

    Que vaut cette politique ? Pour la classe ouvrière, c’est accepter les pires souffrances non pas pour changer définitivement l’ordre des choses, mais dans l’espoir de revenir à la situation qui a précédé la guerre et qui nous y a menés.

    Cependant, quelles seraient les conditions économiques et politiques créées par une victoire alliée ? Peu de travailleurs se font des illusions sur les capitalistes anglais et américains. Mais ils espèrent que leur victoire déterminerait une amélioration de leur niveau de vie et ramènerait le respect des libertés ouvrières.

    Mais cette guerre, comme la première, est une #guerre_impérialiste pour le repartage du monde entre les groupes financiers et pour renforcer l’#exploitation_capitaliste sur les masses. Si les capitalistes anglais et américains luttent contre l’Allemagne impérialiste ce n’est pas pour les peuples, mais pour évincer un concurrent. Ce concurrent n’est pas l’Allemagne seule, mais l’industrie, le capital financier européen (l’Allemagne, la France, l’Italie, la Hollande, la Belgique, etc...).

    Cela signifie que les conditions économiques instaurées par « l’ordre nouveau » (appauvrissement de tous les pays européens au profit des capitalistes allemands) seraient maintenues et aggravées par une victoire des impérialistes alliés : l’Europe entière réduite à la portion congrue constituerait pour les États-Unis un « hinterland » économique.

    En effet, à eux seuls, les #États-Unis, dont la production dans les principales branches représente de 60 à 80 % de la production mondiale, regorgent de capitaux et ont besoin du monde entier pour résoudre leurs propres contradictions économiques et sociales. C’est pour cela que leurs dirigeants les ont précipités dans la guerre. C’est donc s’exposer à de terribles désillusions que de croire que les États-Unis, où le chômage atteignit à un moment donné 12 à 13 millions d’hommes – 10% de la population totale ! – et où les « marches de la faim », le vagabondage et toutes les tares politiques et sociales (persécution des Noirs, associations secrètes du type fasciste bien avant la naissance de Hitler) ont marqué plus que partout ailleurs la décomposition du capitalisme, peuvent assurer la prospérité de l’Europe.

    La ruine irrémédiable de l’Europe peut bien soulager partiellement le capitalisme américain par l’écoulement d’une partie de ses produits industriels sur le continent dévasté. Mais les masses européennes plongées dans la misère, resteront devant l’abondance américaine sans avoir les moyens nécessaires pour payer.

    Et dans ces conditions d’aggravation des contradictions économiques, la #lutte_sociale s’aggraverait aussi : il n’y aura pas de place pour les libertés ni pour un développement pacifique des organisations et des droits ouvriers.

    Comment l’ouvrier conscient doit-il donc orienter la lutte des travailleurs contre la guerre et le capitalisme ?

    Les aspirations profondes des masses, après quatre ans et demi de guerre, de misère et de terreur politique de la bourgeoisie, sont la PAIX, le PAIN et la LIBERTE. Il s’agit d’orienter ces aspirations des ouvriers, de la population pauvre des villes, et des petits paysans VERS DES SOLUTIONS PROLETARIENNES, seules capables de les réaliser.

    Le souci quotidien des travailleurs, c’est le pain. La lutte des ouvriers pour le pain doit être menée avant tout dans les usines, par une lutte pour l’augmentation des salaires. Il faut à chaque occasion tendre à l’unification des mouvements revendicatifs, éviter que les ouvriers des différents ateliers présentent isolément leurs revendications. C’est la grève qui constitue l’arme essentielle de la lutte revendicative. ET LA LUTTE GRÉVISTE POUR L’#AUGMENTATION_DES_SALAIRES CONSTITUE EN MEME TEMPS UN DES MOYENS LES PLUS EFFICACES DE LUTTE CONTRE LA MACHINE DE #GUERRE.

    Mais la situation des ouvriers et des masses laborieuses ira toujours en s’aggravant (jusqu’à la famine) si le ravitaillement continue à se faire par les voies actuelles. Les liens entre la ville et la campagne ont été rompus par la guerre. Les #réquisitions de l’armée d’occupation et l’accaparement du trafic par les gros requins du marché noir avec la complicité des organes d’Etat, grugent les petits paysans et affament les villes. C’est la tâche directe des masses exploitées de la ville et de la campagne de rétablir les liens économiques entre elles. Le seul moyen d’améliorer la situation alimentaire est donc LE CONTRÔLE DU RAVITAILLEMENT PAR LES #COMITES_D'USINE (élus par les ouvriers) ET PAR LES COMITES DE QUARTIER (élus par les ménagères).

    Mais une solidarité définitive entre la ville et la campagne ne peut être établie que si les travailleurs peuvent fournir aux paysans, en échange des produits alimentaires, des produits industriels qui leur sont indispensables.

    Les travailleurs doivent dénoncer à toute la population paysanne et pauvre l’incapacité et la bestialité de la bourgeoisie qui a ruiné le pays pour maintenir sa domination. Ils doivent leur expliquer que seul le PLAN OUVRIER, qui orienterait l’industrie vers les véritables besoins des populations (des tracteurs agricoles et non pas des tanks !) peut mettre un terme aux maux actuels. Ils doivent donc mettre en avant la revendication du RETOUR AUX FABRICATIONS DE PAIX et du #CONTROLE_OUVRIER_SUR_LA_PRODUCTION.

    Or toute tentative d’arracher à la bourgeoisie le morceau de pain quotidien doit inévitablement se heurter aux organes de répression de l’#impérialisme_français et allemand. C’est pourquoi une lutte sérieuse pour le pain pose au premier plan la lutte politique pour le renversement du #régime_de_Vichy et de la #Gestapo.

    Les travailleurs doivent mettre en avant la lutte pour la reconquête des droits de grève, de réunion, d’association et de presse.

    Une telle perspective exige une politique internationaliste visant à obtenir l’appui ou la neutralité des soldats allemands, sans lesquels il n’est pas possible de renverser le régime PAR LES FORCES PROLETARIENNES ET AU PROFIT DES OPPRIMES.

    Mais la lutte contre la dictature politique de la bourgeoisie exige la CREATION DE #MILICES_OUVRIERES EN VUE DE L’ARMEMENT DU PROLETARIAT. Cette tâche peut être réalisée par les travailleurs à condition qu’ils se pénètrent de la nécessité de ne compter que sur eux-mêmes et de ne pas faire confiance à la bourgeoisie française et alliée.

    La réalisation de l’#armement du prolétariat peut faire un grand pas en avant si les travailleurs réfractaires réfugiés dans le maquis, déjà partiellement armés, parviennent à se soustraire au contrôle de l’impérialisme gaulliste et allié par l’élection démocratique des chefs.

    L’orientation de la lutte en ce sens n’a pas une importance vitale seulement pour le présent : Il s’agit avant tout de préparer l’avenir.

    En effet, dans les conditions crées par la guerre et désagrégation de l’économie, tout gouvernement qui s’appuierait sur les organes de l’État bourgeois (corps des officiers, police, haute administration, haute magistrature), se comporterait automatiquement (quelle que soit sa phraséologie) comme celui de Vichy. A travers les luttes pour les objectifs immédiats, les travailleurs conscients doivent donc lutter CONTRE LES ILLUSIONS DU PARLEMENTARISME et APPELER A LA CREATION D’ORGANES VERITABLEMENT DEMOCRATIQUES, LES CONSEILS (SOVIETS) OUVRIERS ET PAYSANS, élus à l’échelle locale, régionale et nationale par les masses en lutte contre l’Etat bourgeois.

    S’appuyant sur ces Comités, le Gouvernement ouvrier et paysan est le gouvernement du peuple par le peuple lui-même. Seul il peut résoudre les problèmes posés par la guerre ; seul il peut punir les criminels qui ont plongé la France dans la IIème guerre mondiale, qui ont détruit les organisations et les libertés ouvrières, qui ont organisé la déportation en Allemagne et fait emprisonner, torturer et tuer des dizaines de milliers de militants ouvriers.

    SEULE LA DICTATURE DU PROLETARIAT PEUT ASSURER AUX MASSES LE PAIN, LA PAIX ET LA LIBERTÉ !

    A BAS LA REPUBLIQUE « DEMOCRATIQUE » ! VIVE LA REPUBLIQUE SOVIÉTIQUE !

    LA NOUVELLE INTERNATIONALE

    Comme nous l’avons vu, les conditions économiques de notre époque rendent nécessaire une lutte prolétarienne unifiée à l’échelle internationale. Les travailleurs d’un pays ne peuvent en aucune façon séparer leur sort des ouvriers des autres pays. Cela, non seulement en vue de l’émancipation sociale par le socialisme, mais même simplement du point de vue de la lutte économique quotidienne des ouvriers. Le niveau de vie des travailleurs de France, de Belgique, d’Allemagne, de Hollande, etc... a son influence sur le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, de même que le niveau de vie des travailleurs de Grande-Bretagne, d’Allemagne, etc... a ses répercussions sur les travailleurs de France et ainsi de suite.

    Il faut donc à la classe ouvrière un Etat-Major international : l’INTERNATIONALE. Mais successivement les travailleurs, entre 1914 et 1933, ont assisté à l’écroulement de la IIème et de la IIIème Internationale. Aussi beaucoup d’ouvriers se demandent-ils avec inquiétude : à quoi bon une nouvelle Internationale ? Ferait-elle mieux que les précédentes ? Faudra-t-il toujours recommencer ?

    Mais la faillite des vieilles internationales n’a rien de décourageant. Aussi longtemps que le #capitalisme n’est pas définitivement renversé, les organisations créées parle prolétariat en vue de la lutte contre la bourgeoisie s’usent dans le combat ; il faut alors en créer de nouvelles.

    La IIème et la IIIème Internationale ont laissé derrière elles une œuvre durable. La #IIème_Internationale a répandu la doctrine socialiste parmi des millions d’ouvriers du monde entier, enracinant ainsi pour toujours la doctrine marxiste comme théorie du mouvement ouvrier. Quant à la #IIIème_Internationale, elle a montré, leçon irremplaçable, comment on renverse la #bourgeoisie et a créé une économie planifiée sur 1/6 du globe. A la IVème Internationale incombe d’achever le travail de la IIème et de la IIIème Internationale en instaurant LA #DICTATURE_DU_PROLÉTARIAT ET LE SOCIALISME DANS LE MONDE ENTIER.

    Que les fatigués et les sceptiques, restent à l’écart les jeunes et les militants ouvriers qui ne veulent pas capituler devant l’impérialisme se mettront à l’école des idées de la IVème Internationale.

    Il faut reconstituer de nouveaux partis ouvriers communistes, sections de la IVème Internationale dans chaque pays. Déjà des milliers d’ouvriers sur tous les continents, dans presque tous les pays, de l’URSS à l’Amérique, et de l’Afrique à la Chine, luttent sous le drapeau de la #IVème_Internationale.

    Car l’#avant-garde_prolétarienne n’est pas faite de militants indépendants de la classe ouvrière. LE PARTI OUVRIER EST L’ŒUVRE DE LA CLASSE OUVRIERE ELLE-MEME, qui se regroupe et prend conscience de sa force et de ses tâches. Dès maintenant, les ouvriers doivent surmonter les terribles conditions dans lesquelles ils vivent et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail politique révolutionnaire. Dans la confrontation de leurs idées et de leur action, ils feront leur propre éducation démocratique, exerceront leur esprit critique et choisiront les meilleurs d’entre eux pour coordonner leur action et multiplier les liaisons sur une échelle de plus en plus large.

    La classe ouvrière a pour elle le nombre, la place indispensable qu’elle occupe dans la production, et l’incapacité de la bourgeoisie de faire vivre plus longtemps la société. De plus « SA LIBERATION EST CELLE DE L’HUMANITÉ ENTIERE »

    Celle-ci se trouve aujourd’hui devant cette unique alternative : ou bien LA BARBARIE, c’est-à-dire que le prolétariat sera incapable de remplir sa mission historique et alors « le sang et les sueurs des classes laborieuses couleront éternellement dans les vases d’or d’une poignée de riches odieux » (Babeuf), ou bien LE SOCIALISME, c’est-à-dire que le prolétariat SOUS LA CONDUITE DE SON PARTI QU’IL FORGERA A TRAVERS SES EPREUVES, accomplira sa mission par la #révolution_socialiste qui, une fois commencée, se répandra d’un pays à l’autre avec une force irrésistible ; dans ce cas : « Par l’exemple et avec l’aide des nations avancées, les nations arriérées seront emportées aussi dans le grand courant du socialisme. Les barrières douanières entièrement pourries tomberont. Les contradictions qui divisent le monde entier trouveront leur solution naturelle et pacifique dans le cadre des Etats-Unis socialistes, en Europe comme dans les autres parties du monde. L’HUMANITE DELIVREE S’ELEVERA JUSQU’A SA PLEINE HAUTEUR ». (#Léon_Trotsky).

    #révolution_mondiale #deuxième_guerre_mondiale #barbarie #stalinisme #nazisme #impérialisme #communisme #lutte_de_classe #marxisme #léninisme #trotskisme #communisme_révolutionnaire

  • #LuigiFabbri #Marx #Lénine #marxisme #léninisme #centralisme #étatisme #anarchisme #Liberté #autogestion #émancipation #écologie #antimilitarisme #anticléricalisme #fédéralisme_libertaire #feminisme #antiétatisme #anticapitalisme #antifascisme #internationalisme...

    ★ L’ÉTAT ET LA RÉVOLUTION... - Socialisme libertaire

    L’État et la révolution (sur le livre de Lénine du même nom)_, par Luigi Fabbri (1920).

    « Il a été récemment publié par « Avanti » un livre de Lénine écrit après la révolution, qui par son titre promettait d’épuiser le sujet des problèmes de relation entre la Révolution et l’État. Mais nous avouons avoir éprouvé une grande désillusion. 
    La personnalité de Lénine restera gravée en lettres de feu dans l’Histoire. S’il n’y avait que ces trois ans, depuis que le parti a installé son pouvoir sur un peuple de 300 millions d’habitants cela seul suffirait pour témoigner de la puissante énergie morale et matérielle de cet homme qui figurera un jour parmi les plus célèbres noms de l’Histoire.
    Mais là où il nous semble que ses apologistes se soient trompés dans l’exaltation de leur maître, c’est lorsqu’il nous le présentent comme « grand théoricien du Socialisme ». A moins qu’il ne s’agisse d’œuvres antérieures écrites en russe, et non traduites encore en français ou en italien, tout ce qui a été publié ici montre en Lénine un fort polémiste, un homme qui sait manœuvrer les textes du marxisme pour leur faire dire tout ce qu’il veut, un écrivain sans cheveu sur la langue, habile à l’argumentation comme à l’invective, mais sans idées propres, sans vision géniale de l’ensemble, et aride, sans ce feu intérieur qui rend toujours vivant les écrits de Marx, de Mazzini, de Bakounine. De même sa culture historique et sociologique (du moins en ce que nous avons lu jusque là) apparaît vaste et profonde, certes, mais seulement en ce qui concerne le marxisme. Il semble que rien d’autre n’existe pour lui.
    Quelques uns ont voulu voir en lui un continuateur de Marx. Quelle erreur I Il n’a de Marx que les côtés les moins sympathiques, un exclusivisme féroce, le mépris pour ceux qui ne pensent pas comme lui, l’âpreté du langage, la tendance à vaincre l’adversaire par l’ironie et le sarcasme, l’intolérance à toute opposition. En tant qu’homme d’action, ou plutôt, guide ou chef d’hommes d’action, Lénine est sincèrement une personnalité qui n’a pas son égale dans l’histoire du socialisme et Marx lui-même ne pourrait lui être comparé, puisqu’il fut plutôt homme de pensée qu’homme d’action. Mais comme théoricien, Lénine n’ajoute certainement rien à Marx, dont il fait simplement l’exégèse, le commentaire, l’interprétation, quand il n’est pas un sophiste (...) »

    ▶️ Lire le texte complet…

    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2018/09/l-etat-et-la-revolution.html

  • #marxisme #léninisme #DictatureduProlétariat #étatisme
    #Camillo_Berneri #anarchisme #Liberté #autogestion #émancipation #écologie #antimilitarisme #anticléricalisme #fédéralisme_libertaire #feminisme #antiétatisme #anticapitalisme #antifascisme #internationalisme...

    ★ DICTATURE DU PROLÉTARIAT ET SOCIALISME D’ÉTAT (1936), par Camillo Berneri militant communiste libertaire italien...

    "La dictature du prolétariat est une conception marxiste.
    Suivant Lénine « est seul marxiste celui qui étend la reconnaissance de la lutte de classe à la reconnaissance de la Dictature du prolétariat ». Lénine avait raison : la Dictature du prolétariat n’est, en effet, pour Marx que la conquête de l’État par le prolétariat qui, organisé en une classe politiquement dominante, arrive, au travers du Socialisme d’État, à la suppression de toutes les classes (...)
    L’État prolétarien est conçu comme une forme politique transitoire, destinée à détruire les classes. Une expropriation graduelle et l’idée d’un capitalisme d’État sont à la base de cette conception. Le programme économique de Lénine, à la veille de la révolution d’octobre se termine par cette phrase : « Le socialisme n’est autre chose qu’un monopole socialiste d’État. » (...)
    Lénine déguisait les choses. Les marxistes « ne se proposent pas la destruction complète de l’État », mais ils prévoient la disparition naturelle de l’État comme conséquence de la destruction des classes au moyen de la « dictature du prolétariat », c’est-à-dire du Socialisme d’État, tandis que les anarchistes veulent la destruction des classes au moyen d’une révolution sociale, qui supprime, avec les classes, l’État (...)
    La formule léniniste : « Les marxistes veulent préparer le prolétariat à la Révolution en utilisant l’appareil d’État moderne » est à la base du jacobinisme léniniste comme elle est à la base du parlementarisme et du ministérialisme social-réformiste (...)
    Qui jette un regard en arrière sur l’histoire du socialisme après l’exclusion des anarchistes ne peut que constater la dégénérescence graduelle du marxisme comme philosophie politique, au travers, des interprétations et de la pratique social-démocrates.
    Le léninisme constitue, sans aucun doute, un retour à l’esprit révolutionnaire du marxisme, mais il constitue aussi un retour aux sophismes et aux abstractions de la métaphysique marxiste.
    "

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    ▶️ https://www.socialisme-libertaire.fr/2017/12/dictature-du-proletariat-et-socialisme-d-etat.html

  • #léninisme #marxisme_léninisme #Trotsky #stalinisme #étatisme #centralisme #bureaucratie #militarisme #URSS #dictature #DictatureduProlétariat #domination #répression #impérialisme #KGB #Poutine #PCF

    #anarchisme #émancipation #Liberté #Maknovchtchina #antiétatisme #anticapitalisme #antimilitarisme #internationalisme

    🛑 Les marxistes-léninistes ont inauguré un régime de terreur…

    " Les marxistes-léninistes, avec leur dictature du prolétariat, leur appareil d’Etat centraliste, leur bureaucratie et leur police secrète, ont inauguré un régime de terreur et la pire forme d’absolutisme depuis la naissance de l’Etat moderne en Europe : de quoi faire pâlir de jalousie l’Inquisition et la fameuse Okhrana tsariste ! Les communistes hors de Russie ont non seulement accepté tout cela, mais ils l’ont défendu par principe ; leur vocabulaire absurde, stigmatisant, aujourd’hui comme hier, quiconque s’oppose à la théorie et à la pratique bolcheviques du moment, a empoisonné toute discussion de principes à l’intérieur du mouvement ouvrier. On connaît le dénouement : toute la « vieille garde » bolchevique fut liquidée…S’il est exact que tous les collaborateurs de Lénine aient été des « contre-révolutionnaires », des « espions » et des « fascistes », ceci jette un jour singulier sur la dictature du prolétariat ; et si c’est faux, comment qualifier un gouvernement qui a justifié par de tels arguments les séries de meurtres de l’époque stalinienne ? (…) "

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    ▶️▶️ http://le-libertaire.net/les-marxistes-leninistes-inaugure-regime-terreur

  • Fraude électorale par Frédéric Lordon
    https://blog.mondediplo.net/fraude-electorale

    Umberto Boccioni, « Le Forze di una strada » (« Les Forces d’une rue »), 1911.

    Qu’on s’entende : il ne s’agit pas de dire qu’il y a eu fraude dans l’élection. Il s’agit de dire que l’élection est une fraude.

    C’est bien compliqué cette histoire car, en politique, on peut difficilement faire l’impasse sur les institutions, donc sur quelque forme de représentation. Donc sur quelque forme de désignation — d’élection. Or, qu’est-ce que la politique — quand elle n’est pas simplement la politique gouvernementale ? La politique, c’est du collectif en situation. Et qu’est-ce que l’élection (en tout cas la nôtre) ? L’élection, c’est l’émiettement des sujets politiques transformés en atomes par passage dans le bien nommé isoloir. Dans ces conditions, quand elle prétend être l’expression la plus achevée de la politique, l’élection n’en est que la défiguration. Rapportée à son objet qui est de « faire vivre la politique », l’élection est une fraude. Par définition, là où il y a de l’élection, il n’y a plus de politique sinon mutilée. En tout cas plus de politique qui ne soit institutionnelle, plus de politique vivante. Expérience de pensée : soit un événement ; il se passe quelque chose dans la rue, un mouvement, grand, puissant, qui ouvre une crise, profonde. On organise une élection pour en tirer le « débouché politique » : la chose meurt. C’est immanquable. Comme il y a des tue-l’amour, il y a des tue-la-politique : les scrutins.

    Où aller pour trouver de la politique vivante ? Partout sauf dans un bureau de vote : dans un cortège qui prend la rue, dans une entreprise débrayée en AG, dans un amphi d’université occupée, sur un rond-point de « gilets jaunes ». Mais surtout pas dans un isoloir où, pour ceux qui ne comprennent pas bien, on se retrouve isolé — individuel, coupé de tout collectif...

    • Les constructeurs d’impasse

      La situation de ce second tour, devenue répétitive en phase de crise organique, concentre alors au plus haut point les apories politique de la procédure électorale, et jette les gens au tréfonds de l’impasse, du désarroi et de l’angoisse — avoir à éviter un mal en n’ayant d’alternative que de choisir un autre mal est une situation propre à rendre fou. On leur fera difficilement reproche de s’en tirer comme ils peuvent. Même la ligne stratégique, normalement sûre, qui chercherait l’option laissant les moins mauvaises possibilités aux résistances et aux luttes, livre des indications de moins en moins claires — dans une lecture à l’aveugle, à qui attribuer l’élément de programme annonçant « la privation de droits civiques pour ceux qui s’en prennent aux forces de l’ordre » ? (réponse : Macron).

      Dans un article qui sue la complaisance, le matraquage et la peur, Le Monde , non content de nous ripoliner l’officine islamophobe du Printemps républicain comme républicaine (au moment où La Voix du Nord nous apprend que certains de ses membres préparent Le Pen à son débat), Le Monde, donc, sonde la « collaboration » des préfets en cas de victoire de l’extrême droite, et mesure les risques d’« une remise en cause par morceaux de l’État de droit ». Comme si, après les blanchiments systématiques de l’IGPN, la nouvelle « norme » où les citoyens se trouvent de devoir exposer leur intégrité physique quand ils vont manifester, le traitement des migrants à Calais, et la loi « sécurité globale », l’« État de droit » n’était pas déjà sérieusement parti en « morceaux ». Le Monde raconte début mars la réception de François Sureau à l’Académie Française, mais a tout oublié à la mi-avril de ce que l’impétrant y disait de l’état des libertés publiques. Le Monde , qui a pour modèle et pour boussole The Economist , ne se souvient pas non plus que The Economist a classé la France de Macron dans la catégorie des « démocraties défaillantes ». On demande : depuis quand et depuis qui, au juste, « les morceaux » ?

      Sous différents prétextes, les libertés publiques régressent en France et en Europe. Face à cette spirale répressive, les contre-pouvoirs sont trop souvent complices ou impuissants. Cela n’empêche pas des citoyens et des associations d’organiser la riposte.

      Tentant de nous convaincre (ça n’est pas trop difficile) que le programme de Le Pen est « fondamentalement d’extrême droite », Le Monde ne voit pas combien souvent, pour chaque ligne examinée, on pourrait mettre en face une saloperie déjà commise par le gouvernement Macron. Ni combien souvent, également, les associations et les ligues ont averti de ce que donneraient ces dispositions si elles venaient à « tomber dans de mauvaises mains ». Et voilà les mauvaises mains.

      Si le journalisme de majesté avait deux sous de dignité, s’il avait surtout quelque éthique du vote éclairé, il n’escamoterait rien, rappellerait tout. Alors, lui qui jouit tant de sa fonction magistrale, il pourrait se donner le bonheur d’interpeller, magistralement, et pour une fois à bon compte. Il faut bien le dire, tout ce que le pays compte de précepteurs barragistes, escamoteurs par peur ou par « pédagogie », donne furieusement envie de leur désobéir, et depuis assez longtemps déjà. Eux aussi auront à répondre en cas de désastre. Voilà donc, comme si ça n’était pas déjà suffisamment odieux, au milieu de quoi il faut faire faire leur chemin à des décisions impossibles.


      Car nous savons aussi ce qu’il y a en face : la ruine (anti-)constitutionnelle du principe fondamental d’égalité, un État policier et raciste parachevé, la BAC en liberté dans les quartiers, et des milices fascistes jouissant d’une bénédiction encore plus étendue que celle du préfet Lallement. C’est-à-dire un appareil de force déjà fascisé jusqu’au trognon aux mains d’un pouvoir cette fois-ci authentiquement fasciste — au milieu de la désorientation, il reste quand même quelques points de repère fiables. Il y a des groupes à qui on n’ira pas faire la leçon abstentionniste : ils sont en première ligne et ils le savent — mais, symétriquement, qui oserait aller faire la leçon barragiste à Jérôme Rodrigues ? Le macronisme, lui y a laissé un œil, d’autres une main. Il vaut mieux abandonner les « leçons »... On conçoit qu’il y ait de grandes peurs. Elles sont terriblement bien-fondées. On conçoit aussi que faire obstacle aux effets en reconduisant éternellement les causes apparaisse comme une absurdité insoutenable à force de répétition. À la fin des fins en tout cas on ne compterait comme responsables d’une victoire de Le Pen que les électeurs de Le Pen. Et Macron, évidemment. Macron surtout. Enfin tous ceux qui ont si bien construit l’impasse .

  • Les pathologies du #militantisme
    https://laviedesidees.fr/Les-pathologies-du-militantisme.html

    La violence sectaire au sein des groupes militants n’est pas nouvelle. Les années post-68 en témoignent : phallocratisme, homophobie, police des mœurs y faisaient des ravages.

    #Société #domination #sexisme #manipulation #censure
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202104_militantisme.docx

  • https://lafabrique.fr/figures-du-communisme

    Le capitalisme détruit les existences. Il les détruit même deux fois. D’abord d’angoisse et de précarité en remettant la survie matérielle des individus aux mains de deux maîtres fous : le « marché » et l’« emploi ». Ensuite en rendant la planète inhabitable : surchauffée, asphyxiante, et désormais pandémique. Il faut regarder ces faits bien en face et s’astreindre maintenant à un exercice de conséquence. 1/ Le capitalisme met en péril l’espèce humaine. 2/ En 40 ans de néolibéralisme, l’espace social-démocrate où se négociaient des « aménagements » dans le capitalisme a été fermé : ne reste plus que l’alternative de l’aggravation ou du renversement. 3/ Il ne faut pas douter que la minorité qui en tire avantage soit prête à tout pour se maintenir. 4/ Sortir du capitalisme a un nom : communisme.

    Mais sortir du capitalisme demeure un impensable tant que le communisme demeure un infigurable. Car le communisme ne peut pas être désirable seulement de ce que le capitalisme devient odieux. Il doit l’être pour lui-même. Or, pour l’être, il doit se donner à voir, à imaginer : bref se donner des figures.

    La fatalité historique du communisme est de n’avoir jamais eu lieu et pourtant d’avoir été grevé d’images désastreuses. À la place desquelles il faut mettre enfin des images de ce qu’il pourrait être lui, réellement.

    #Frédéric_Lordon

    https://www.youtube.com/watch?v=sBLwC6BQX-s

    Dans cette discussion avec Julien Théry, F. Lordon revient sur « les impératifs directeurs d’une autre organisation sociale » qu’il s’est efforcé de définir. Il s’agit de relever chacun de la précarité, de l’inquiétude de la subsistance, en créant une « garantie économique générale », selon l’idée de « salaire à vie » proposée par Bernard Friot. Il s’agit aussi d’abolir la subordination au travail. Il s’agit enfin de déterminer collectivement et se tenir à des limites quantitatives et qualitatives de la production à même de permettre la préservation de l’environnement tout en maintenant une qualité de vie acceptable pour tous.

    #communisme #capitalisme

  • Paniques anticomplotistes
    par Frédéric Lordon, 25 novembre 2020
    https://blog.mondediplo.net/paniques-anticomplotistes

    Félix Vallotton. - « Paysage de ruines et d’incendies », 1915.

    Si Hold-up n’avait pas existé, les anticomplotistes l’auraient inventé. C’est le produit parfait, le bloc de complotisme-étalon en platine iridié, déposé au Pavillon de Breteuil à Sèvres. De très belles trouvailles, des intervenants dont certains ont passé le 38e parallèle comme des chefs : une bénédiction. Altérée cependant parce que, certes, on est content d’avoir raison et d’être la rationalité incarnée, mais quand même l’époque est sombre et on rit moins. La Terre plate et la Lune creuse, on veut bien, ça c’est vraiment drôle, mais QAnon beaucoup moins, ça fait de la politique, le cas échéant ça prend des armes ; aux fusils près et du train où vont les choses on pourrait bientôt avoir les mêmes à la maison. D’ailleurs, on commence à les avoir. Pour l’heure il n’est question que de masques et de vaccins, ce qui n’est déjà pas rien, mais on sent bien que tous les autres sujets sont candidats. Ce qu’on sent bien également, c’est le degré auquel le camp de la raison se voit lui-même démuni, et légèrement inquiet devant sa difficulté à élaborer des stratégies antidotes. Disons-le tout de suite, dans la disposition qui est la sienne, il n’est pas près d’en trouver la première.

    Le torrent de commentaires qu’a immédiatement suscité la diffusion du documentaire est sans doute le premier signe qui trahit la fébrilité — du temps a passé depuis le mépris et les ricanements. Si encore il n’y avait que la quantité. Mais il faut voir la « qualité ». C’est peut-être là le trait le plus caractéristique de l’épisode « Hold-up » que toutes les réactions médiatiques ou expertes suscitée par le documentaire ne font que reconduire les causes qui l’ont rendu possible. Les fortes analyses reprises à peu près partout ont d’abord fait assaut de savoirs professionnels par des professionnels : « la musique » — inquiétante (la musique complotiste est toujours inquiétante), le format « interviews d’experts sur fond sombre » (le complotisme est sombre), « le montage » (le montage… monte ?). C’est-à-dire, en fait, les ficelles ordinaires, et grossières, de tous les reportages de M6, TF1, LCI, BFM, France 2, etc. Et c’est bien parce que l’habitude de la bouillie de pensée a été installée de très longue date par ces formats médiatiques que les spectateurs de documentaires complotistes ne souffrent d’aucun dépaysement, se trouvent d’emblée en terrain formel connu, parfaitement réceptifs… et auront du mal à comprendre que ce qui est standard professionnel ici devienne honteuse manipulation là.

    • La chute de la Maison Média

      C’est que l’autorité des paroles institutionnelles n’a pas été effondrée du dehors par quelque choc exogène adverse : elle s’est auto-effondrée, sous le poids de tous ses manquements. À commencer par le mensonge des institutions de pouvoir. Les institutions de pouvoir mentent. Mediator : Servier ment. Dépakine : Sanofi ment. Bridgestone : Bridgetsone ment. 20 milliards de CICE pour créer un million d’emplois : le Medef ment. Mais aussi : Lubrizol, les pouvoirs publics mentent ; nucléaire, tout est sûr : les nucléocrates mentent. Loi de programmation de la recherche : Vidal ment (mais à un point extravagant). Violences policières, alors là, la fête : procureurs, préfecture, IGPN, ministres, président de la République, tout le monde ment, et avec une obscénité resplendissante qui ajoute beaucoup. Covid : hors-concours.

      Le capitalisme néolibéral a déchaîné les intérêts les plus puissants, or là où les intérêts croissent, la vérité trépasse. C’est qu’il faut bien accommoder la contradiction entre des politiques publiques forcenées et l’effet qu’elles font aux gens. Or pour combler ce genre d’écart, quand on a décidé de ne pas toucher aux causes de l’écart, il n’y a que le secours des mots. Alors on arrose généreusement avec du discours. Au début on fait de la « pédagogie », on « décrypte ». Et puis quand le décryptage ne marche plus, il ne reste plus qu’à mentir — à soutenir que ce qui est n’est pas (« la police républicaine ne se cagoule pas, elle agit à visage découvert »), ou que ce qui n’est pas est (on ferme des lits pour améliorer l’accueil des malades). Quand il n’est pas pure et simple répression, le néolibéralisme finissant n’est plus qu’une piscine de mensonge. Nous baignons là-dedans. C’est devenu une habitude, et en même temps on ne s’y habitue pas. Vient forcément le moment où l’autorité de la parole institutionnelle s’effondre parce que l’écart entre ce qu’elle dit et ce que les gens expérimentent n’est plus soutenable d’aucune manière.

      #complotisme

    • L’État a-t-il le monopole du complotisme légitime ?
      https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/041220/l-etat-t-il-le-monopole-du-complotisme-legitime

      Quand la dénonciation inquisitoriale du « coupable » prend le pas sur l’analyse structurelle des responsabilités, le complotisme s’installe. Quand l’État s’en arroge le monopole et la légitimité et fait de « l’islamisme » la matrice de tous les dangers, on bascule dans la police de la pensée, on organise le déni du réel, on nous enferme dans un récit paranoïaque qui dévaste la politique.

      Est-il complotiste de se demander à quoi sert le complotisme ? « Disqualifier pour mieux dominer » proposait Frédéric Lordon dans un article de 2017 : « en haut, des gens responsables se soucient du rationnel, du possible, du raisonnable, tandis que ceux d’en bas, constamment ingrats, imputent à leurs dirigeants une série de malveillances. » Or les puissants sont les premiers usagers du complot « tantôt comploteurs, tantôt complotistes » dans les stratégies de pouvoir qui les animent au quotidien.

      De fait, la dénonciation du complot entretient un rapport ancien avec la politique, avec la contestation de l’ordre existant comme avec son maintien. Au printemps 1775, la flambée du cours des grains et la disette suscitent des rumeurs contre les « accapareurs » et les « monopolisateurs ». Des dizaines d’émeutes éclatent contre la spéculation supposée. Complotisme ou lucidité face à la libéralisation du commerce entamée par Turgot ?[1] Quinze ans plus tard, les révolutionnaires n’auront de cesse de lutter contre le « complot aristocratique ». Avaient-ils complètement tort ? A l’inverse, la dénonciation du « complot maçonnique » et du « complot juif » qui a traversé les deux siècles modernes a fonctionné comme la désignation contre-révolutionnaire de boucs émissaires à la vindicte populaire...

      #complotisme

  • Ouvertures | Frédéric Lordon
    https://blog.mondediplo.net/ouvertures

    ... Or voilà : le capitalisme n’est pas « sport ». Que sa proposition soit merdique pour la majorité de la population, le cas échéant pour la planète ou l’univers entier, il s’en contre-tape : c’est la sienne, et ça lui semble une raison tout à fait suffisante pour la maintenir. Envers et contre tout s’il le faut. En conséquence, il regroupera ses forces pour écrabouiller tout ce qui montrera quelque chance de s’y opposer — et qui ne serait pas prêt à se défendre avec les moyens adéquats. Inutile de dire que toute proposition communiste, quelle que soit sa variante, fera l’objet de la plus grande attention, et d’un traitement spécial, quand bien même elle rallierait une vaste majorité électorale.

    Voilà donc la seule hypothèse raisonnable dont il faut partir : le capitalisme ne cohabitera pas avec ce qui peut le nier victorieusement, ni ne contemplera passivement sa progressive sortie de la scène de l’histoire. Nous nous trouvons donc à devoir distinguer deux formes de la transition : la « petite » et la « grande ». La « petite » est une transition depuis le capitalisme, la « grande » hors et contre. La « petite » transition croit pouvoir commencer au-dedans, s’y installer comme un germe qui va croître par son dynamisme spontané, pour finir par emporter le morceau. C’est typiquement ce qu’envisage Bookchin quand il imagine d’abord des ilots municipalistes isolés, puis qui vont pousser des synapses et former une série d’archipels, lesquels par croissance continue finiront par percoler à l’échelle de l’ensemble — et ça sera gagné ! C’est, formellement parlant, la même dynamique que Bernard Friot a en tête, réglée dans son cas par l’unique paramètre du taux de cotisation sociale que, par victoires successives, on va graduellement pousser — et à 100 %, ce sera fait.

    Là-contre, l’hypothèse raisonnable dit ceci : rien de tout ça n’arrivera. De transition, il n’y aura que la « grande », ou pas de transition du tout. Bien sûr il est de la prime importance de nous activer déjà de l’intérieur pour faire notre pelote : vertu préparatrice des vacuoles de possible qui, dès maintenant, se donnent vie localement. Mais en sachant qu’à un moment, c’est en passant par le dehors qu’il faudra renverser tout le dedans — à l’intérieur duquel, en fait, il y a trop peu de possible. Le grand possible, c’est le dehors : c’est ça l’idée en matière de transition...

    • Pas encore lu l’article de Lordon, mais pour mémoire, le point de vue de Bookchin :

      Ce que Bookchin nommait « vider l’État » mérite alors toute notre attention : une insurrection frontale, estimait-il, est condamnée à l’échec au regard des effectifs répressifs en présence. Il faut donc, par le patient processus communaliste, saper « matériellement et moralement » l’ensemble des institutions étatiques afin, le jour venu, de provoquer sa chute « sans trop de difficultés ». « Que le peuple dispose ou non du pouvoir repose finalement sur la question de savoir s’il dispose d’armes », assurait Bookchin, liant ainsi, fidèle à son inspiration grecque, la démocratie populaire à l’autodéfense. En 1995, dans From urbanization to cities, il en précisait les contours : « [U]ne garde civile composée de patrouilles tournantes, à des fins de police, et des contingents militaires bien entraînés pour répondre aux menaces extérieures. »

      https://www.revue-ballast.fr/le-moment-communaliste

      #écologie_sociale #écologie_politique #communalisme

    • Pour l’instant, historiquement, les expériences d’autonomie (matérielle ET politique) existantes n’ont toujours pu se faire que parce que la population de tout un territoire donné avait des armes et a pris le contrôle de ce territoire : zapatistes, Rojava, Espagne 36… Sans accès pérenne à la terre, en s’assurant de ne pouvoir en être chassé, et donc en ayant le temps de mettre en place une vie différente, peu de choses possibles… Tierra y libertad…

      Sinon ça fait les ZAD : des cailloux contre des chars, ça tient quelques temps tant que l’État décide pas d’envoyer les chars, et une fois ce choix entériné, c’est fini.

      Évidemment la stratégie ne peut être la même partout suivant la géographie et la situation (les zapatistes ont mis 20 ans entiers à préparer le soulèvement en cachette, et ont pu défendre un territoire car montagneux, par ex). C’est forcément totalement différent en France de 2020. Il ne va pas y avoir tout d’un coup une partie significative (et pour l’émancipation) de la population qui va accéder à des armes… En tout cas il faut des terres, de très nombreuses terres, pas un lopin de potager pour 10, pour avoir de l’autonomie politique (pas d’autonomie politique sans autonomie matérielle, cf l’article de Reporterre sur les quelques conflits qui ont un peu amélioré les choses, parce que les gens pouvaient vivre des mois sans leur salaire).

    • Ce qui est aussi le discours de Georges Orwell avec la constitutions de groupe de "home guards" constitués pendant la deuxième guerre mondiale pour contrer la menace d’invasion allemande.
      "En quelques semaines, un million d’hommes se portent volontaires pour former une milice populaire, la home guard. Encadrée par des officiers de réserve, elle est entraînée au maniement d’armes légères et se prépare à une possible guerre de guérilla.

      Ancien milicien antifasciste en Espagne, Orwell appelle alors les militants anticapitalistes de toutes nuances à s’engager dans la home guard. Il estime que le capitalisme britannique, au bord d’un écroulement moral, a pris un grand risque en créant cette force armée, car elle pourrait lui échapper et devenir révolutionnaire. Aussi, dans l’hebdomadaire de gauche Tribune fustige-t-il les militants communistes ou socialistes qui restent « à l’extérieur en disant : c’est du fascisme ». Pour Orwell, leur acuité politique est limitée par des culs-de-bouteille idéologiques : ils peuvent bien « répéter : “des armes pour les travailleurs”, ils sont incapables de mettre un fusil entre les mains des travailleurs ; la home guard le peut et le fait ». Et de résumer sa pensée : « Nous vivons une période étrange de l’histoire où le révolutionnaire doit être un patriote, et le patriote un révolutionnaire. »"

  • Ouvrage | Autonomie, reconnaissance, mouvement, Angela Mitropoulos
    http://www.revue-ouvrage.org/autonomie-reconnaissance-mouvement

    Ce texte est pour moi la trace écrite de discussions et, dans une certaine mesure, d’un débat. Il a été rédigé durant les années qui ont suivi les manifestations et les évasions du centre de détention pour personnes migrantes de Woomera en 2002. Quelque mille personnes s’étaient alors rendues à la prison située dans une ville désertique et isolée du sud de l’Australie — un lieu où des détenu·e·s manifestaient sans cesse, localisé sur des terres autochtones, près d’une installation militaire américano-australienne et d’un terrain d’essai de missiles nucléaires — pour y établir un camp de protestation pendant environ quatre jours. Alors que des détenu·e·s manifestaient sur le toit d’un des bâtiments, nous avons ouvert un chemin pour les rejoindre, des clôtures ont été abattues, des barreaux ont été écartés de force, puis un certain nombre de personnes se sont échappées, ont été cachées dans le camp au moment où la police installait des barrages routiers, et enfin des démarches ont été entreprises pour obtenir leur libération. La manifestation de Woomera étaient une action décentralisée qui respectait la diversité de tactiques et qui n’étaient pas le résultat d’une décision émanant du camp dans son ensemble — une manifestation non souveraine qui cherchait à être conséquente dans un contexte où la représentation et la décision politiques sont généralement réservées aux personnes détenant la citoyenneté, mais aussi une tactique qui échappait à la surveillance policière. Ce texte reflète cet esprit dans l’accent mis sur l’aléatoire et dans la critique de la politique de représentation qui reproduit tacitement le nationalisme au sein de la gauche, même dans le contexte des protestations autour de l’immigration. Il questionne la façon dont les citoyen·ne·s (et les universitaires) simulent ou revendiquent le leadership de mouvements dont ils et elles ne font pas partie et dans lesquels ils et elles n’ont aucun intérêt matériel — ce faisant, ce texte tend à reconnecter la conception conventionnelle des mouvements à leur dimension physique plutôt qu’à la métaphysique du politique.

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    En 1964, Mario Tronti mettait de l’avant une analyse de l’autonomie de la classe ouvrière à laquelle serait associée — pas toujours avec justesse — l’intégralité d’une période en Italie et de ses milieux politiques radicaux. Son raisonnement allait à peu près comme suit : alors que les capitalistes ont nécessairement besoin de s’équiper des appareils d’État pour s’engager dans la lutte des classes, les luttes de la classe ouvrière, elles, peuvent se passer de toutes formes de représentation, et ce, à tous les niveaux. Dans Lénine en Angleterre, Tronti rejettent les allégations selon lesquelles il y aurait « nécessité de la médiation ouvrière », insistant, au contraire, sur le fait que l’État correspondrait plutôt à la subjectivité capitaliste en tant que telle1. Autrement dit : la subjectivation du capital passe autant par les lois que par les besoins pris en charge par le droit et l’État, tandis que les luttes de la classe ouvrière sont indéterminées, sans pour autant être aléatoires.

    De plus, pour Tronti, « le commencement c’est la lutte de la classe ouvrière. Au stade du capital social avancé, le développement capitaliste est subordonné aux luttes ouvrières, vient après elles ; il doit leur faire correspondre jusqu’au mécanisme politique qu’est la production elle-même. » À titre d’exemple, Tronti affirmait que l’unification d’un marché global avait été imposée au capital par l’unité des mouvements de la classe ouvrière à l’échelle mondiale. Il qualifiera plus tard cette unité de « stratégie du refus »2. Contrairement à ce qu’en pensait l’orthodoxie socialiste, ce n’est pas la fin de la lutte des classes que Tronti entrevoyait dans le rejet du travail, dans la non-coopération généralisée et dans la désertion des formes traditionnelles de représentation de la classe ouvrière (comme les syndicats et les partis) qui caractérisaient les années 1960 en Europe et ailleurs, mais plutôt une stratégie différente. Rétrospectivement et en se référant aux discussions théoriques qui se déroulaient en français à la même époque, Franco Berardi décrivait cette perspective comme « l’émancipation vis-à-vis du concept hégélien de sujet ». Selon lui, l’innovation de Potere Operaio et d’Autonomia dans leur analyse de la composition de classe résidait dans une compréhension renouvelée de la classe, considérée non plus comme un « concept ontologique, mais plutôt comme un vecteur »3. Ainsi, il n’existerait pas d’organisation ou de forme de lutte qui, par essence, serait valable pour tous les contextes, mais plutôt des mouvements et des compositions.
    Plus récemment et au-delà des frontières de l’Europe, le thème de l’autonomie est devenu un élément central dans les discussions à propos de la migration, de la défense des frontières et du capital global. Dans ce contexte, on en est venu — parce que la conjoncture de la « mondialisation » s’imposait dans les débats — à produire une analyse stratégique accordant une plus grande importance aux mouvements de population qu’à ceux du capital4. Alors que les mouvements de protestation dit « anti-mondialisation » commençaient à prendre de l’ampleur à la fin des années 1990, les débats portant sur l’analyse de la « mondialisation » s’intensifiaient eux aussi. À partir de 1999, une perspective s’est imposée — à la fois sous-entendue et diffusée par la désignation des manifestations anti-sommet en tant que campagnes « anti-mondialisation » — sous une perspective selon laquelle « l’unification » du marché mondial se faisait aux dépens des États-nations, ceux-ci considérés comme la condition nécessaire à la défense (et/ou à la représentation) de la classe ouvrière contre le capital. En fait, pour être plus précise, le concept de classe était depuis longtemps relégué à l’arrière-plan ou redéfini à travers celui de « peuple » de sorte que l’on opposait les États-nations au capital global dans un geste tout aussi amnésique sur le plan historique qu’intenable sur le plan analytique.

    En d’autres termes, c’est un raisonnement contraire à celui de Tronti qui a primé, c’est-à-dire que le récit socialiste démocratique conventionnel a prévalu à la fois comme condition et comme résultat de la médiation de ces mouvements de contestations rassemblés en une campagne essentiellement homogène dans sa composition. Et les enjeux qu’une telle médiation soulevait et leurs répercussions n’étaient pas du tout hypothétiques. De Fabel van de Illegaal, une organisation antiraciste néerlandaise, a été parmi les premières à sonner l’alarme quant à la présence de groupes nationalistes et, dans certains cas, de groupes et de tendances explicitement xénophobes gravitant autour des manifestations anti-sommet5. Aux États-Unis, Pat Buchanan et Ralph Nader, dans une alliance indéfectible, ont mobilisé des piles de papier, de photocopieurs et de télécopieurs à Seattle pour les manifestations contre l’Organisation mondiale du commerce en 1999, pendant qu’ATTAC se concentrait sur les mouvements de capitaux et à faire du lobbying pour la mise en place de la taxe Tobin au niveau européen. Mais si aux États-Unis et en Europe, cela a rendu visible la distance habituelle entre les lobbyistes et les manifestant·e·s, distance qui correspond aussi à une différence de positions vis-à-vis de l’État, c’est en 2000 que la démarcation a été nettement tracée lorsque des émeutes ont éclaté et que des évasions massives se sont produites en Australie dans les camps d’internement de personnes migrantes quelques jours avant les manifestations contre le Forum économique mondial qui se tenait à Melbourne6.

    Ainsi, contre les appels répétés à l’unité et à la médiation et pour préserver le potentiel politiquement créatif des désaccords irréconciliables, l’un des aspects de la réponse radicale à la configuration nationaliste des manifestations anticapitalistes a été de plaider en faveur de la décentralisation organisationnelle des manifestations anti-sommet. L’autre aspect a été d’insister sur le fait que, historiquement, la mondialisation du travail a précédé la mondialisation de la finance et du commerce. Ceci pourrait expliquer les circonstances, en apparence paradoxales, qui ont conduit, à partir de 1989, à la déréglementation des flux de capitaux et des échanges commerciaux tout en raffermissant la réglementation des mouvements de population. Dans un cas, il s’agissait de stratégies de rattrapage et dans l’autre, de contrôler et de gérer la circulation des biens et des personnes. Pour affirmer que la déterritorialisation se situait du côté du capital, ce qui sous-entend que la territorialisation se situe du côté ouvrier, il a donc fallu ignorer toute l’histoire des luttes contre les enclosures, tout en acceptant un raisonnement en faveur de leur renforcement.

    La fuite des capitaux reposent toujours sur l’organisation de marchés séparés et segmentés. Autrement dit, et pour faire écho à la proposition initiale de Tronti : l’unification globale du capital — la « mondialisation » — s’est imposée au capital par un large refus et par la fuite massive de personnes. Cette fuite s’est concrétisée non seulement dans la désertion de l’usine et des syndicats, que Potere Operaio a cherché à analyser dans ses écrits, mais également dans l’exode simultanée des populations de ce qui est communément désigné comme le « Tiers-monde » ; l’exportation autour du globe des poorhouses et des workhouses de l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles étant la véritable signification de la partition en « premier », « second » et « tiers » monde. Les tentatives de restructuration mondiale de la finance et du commerce à la fin du XXe siècle, de même que les régimes frontaliers post-1989 introduits aux États-Unis, en Australie, en Europe et au Canada, sont postérieurs aux mouvements de population de la « périphérie » vers le « centre ». Cela ne veut pas dire qu’il n’existait pas de marché mondial auparavant, ce qui serait aussi absurde que l’idée selon laquelle le marché global n’aurait pas toujours été un système inter-national. Il convient plutôt de noter que ce qu’on a plus récemment appelé la « mondialisation » ne peut s’expliquer qu’en tenant compte de l’histoire récente des mouvements de population qui tentaient d’échapper aux conditions spécifiques d’exploitation mises en place dans l’après-Deuxième Guerre mondiale. En bref, ces conditions sont les suivantes : un système de production fordiste dépourvu des salaires relativement plus élevés qui accompagnaient le modèle à ses débuts et la montée des nationalismes du « Tiers-monde » qui, dans les moments les moins violents, fonctionnaient de plus en plus comme des bantoustans. Il convient de noter que c’est précisément l’échec de cette tentative de contrôler les mouvements de population — afin d’assurer la partition du monde en espaces d’exception et en espaces de normes qui constituaient autrefois la distinction entre le « Premier » et le « Tiers monde » — qui, plus récemment, a précipité le recours à une guerre mondiale qui semble permanente.

    En fait, lorsqu’il est question de migration, la notion d’autonomie renferme à la fois une proposition théorique et une perspective politique. Premièrement, elle sous-entend la perspective politico-stratégique selon laquelle les mouvements de population précèdent ceux du capital de même que les politiques de l’État qui confèrent au capital sa subjectivité, tel que souligné plus haut. Elle insiste également sur le fait que la migration est en soi une stratégie — une stratégie entreprise à l’intérieur et à l’encontre des espaces exigus des économies politiques mondiales du travail, du genre et du désir, entre autres7. S’inscrivant dans cette approche, et faisant écho aux travaux antérieurs de Sergio Bologna sur la composition de classe, Yann Moulier-Boutang a noté qu’il ne suffit pas de « regarder seulement la pointe de l’iceberg : les formes institutionnalisées, ou la parole du peuple, la manière dont ils parlent, en supposant que, dès qu’ils ne disent rien, ils n’agissent pas. » Il est importe également de tenir compte « des silences, des refus et de la fuite comme quelque chose d’actif »

    #Angela_Mitropoulos #autonomie #personnes_migrantes #personne_non-migrante #autonomie_de_la_migration #frontières_du_politique #État #Woomera #Tiers-monde #mondialisation #population #capital #nationalisme #composition_de_classe #travail_cognitif #Mario_Tronti #léninisme #matérialisme_aléatoire #représentation

  • La Rébellion zapatiste

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/La-Rebellion-zapatiste

    Jérôme Baschet analyse comment le zapatisme est une critique, un dépassement du guévarisme. Il raconte le processus de transformation d’un groupe d’avant-garde révolutionnaire en un mouvement indigène de résistance. L’EZLN est une guérilla qui s’est transformée en armée régulière en surmontant son extériorité avec la population paysanne, en passant d’une lutte politico-militaire à une lutte plus politique que militaire, en rupture avec la tradition latino-américaine. « Le zapatisme est la guérilla de la fin de la guérilla. »

    Le zapatisme est également une critique du léninisme dans le sens où il refuse la prise du pouvoir, militaire comme électorale, mais construit une nouvelle forme de pouvoir politique par en bas, une organisation politique construite depuis la société elle-même, dans une logique d’autonomisation et d’auto-organisation. Même si l’origine marxiste du « cocktail zapatiste » n’est jamais niée, le zapatisme revendique le droit à l’indéfinition et apparaît comme « une critique en acte des expériences révolutionnaires du XXe siècle ». (...)

    #Jérôme_Baschet #essai #Mexique #zapatisme #EZLN #guérilla #critique #léninisme #recension

  • 1917. Repenser le double pouvoir pour reprendre le pouvoir par Emmanuel Barot
    http://www.contretemps.eu/1917-double-pouvoir-bolchevisme

    La pensée stratégique, même celle qui a revendiqué le marxisme révolutionnaire et Lénine contre diverses variantes néo-utopistes ou néo-réformistes typiques du moment postmoderne (moment politique dorénavant derrière nous), s’est longtemps laissé renvoyer dans les cordes. L’échec brutal des hypothèses néopopulistes de gauche, des gouvernements « progressistes » latino-américains au cataclysme Syriza, jusqu’à la liquidation Podemos – sans parler de la contre-révolution qui jusqu’ici a défait le second printemps des peuples – a fait singulièrement vieillir les options altermondialistes sociales-libertaires qui visèrent, un temps, à l’image de Holloway « faire la révolution sans prendre le pouvoir ». Combiné aux tournants réactionnaires et bonapartistes du moment, qui rappellent combien les Etats bourgeois même « démocratiques » manient toujours le bâton quand la carotte ne suffit plus, cet échec met en demeure de ne plus aborder avec légèreté la question du pouvoir, c’est-à-dire des fins et des moyens de l’affrontement victorieux aux formes politiques de la domination bourgeoise. Cela remet au centre la thèse de Lénine dans « Sur la dualité de pouvoir » en avril 1917 : « Le problème fondamental de toute révolution est celui du pouvoir. Tant que ce problème n’est pas élucidé, il ne saurait être question de jouer consciemment son rôle dans la révolution, et encore moins de la diriger . »

    Emmanuel Barot, Enseignant-chercheur en philosophie
    Ce texte est issu de l’intervention dans l’atelier « Etat, parti, transition », du colloque « Penser l’émancipation » qui s’est tenu à l’université Paris 8 – Saint Denis (France) du 13 au 16 septembre 2017.

    #Bensaïd #communisme #Etat #Lénine #léninisme #marxisme #révolution #stratégie #pouvoir

    https://www.revolutionpermanente.fr/1917-Repenser-le-double-pouvoir-pour-reprendre-le-pouvoir-9852

  • Anarchistes vs bolcheviks

    Comment il ne faut pas faire la révolution !

    Peu avant sa mort en 1920, Kropotkine écrivait : « Nous apprenons à connaître en Russie comment le communisme ne doit pas être introduit. » Le vieux théoricien anarchiste se gardait d’attaquer trop ouvertement les nouveaux maîtres de Russie pour ne pas alimenter la réaction. Les anarchistes comptèrent néanmoins parmi les premiers critiques – et les premiers persécutés – du bolchevisme.

    http://cqfd-journal.org/Comment-il-ne-faut-pas-faire-la

  • 1934 : Emma Goldman explique pourquoi la dictature bolchevik n’a rien à voir avec le communisme
    https://infokiosques.net/spip.php?article1452

    Écrit en 1934, ce texte d’Emma Goldman explique en quoi parler de « communisme » à propos du régime bolchevik dans la Russie de l’après-révolution de 1917 est plus qu’un abus de langage mais carrément un mensonge. Ayant passé deux ans en Russie en 1920-1921, elle puise dans son expérience personnelle et dans des informations obtenues dans les années 1930 pour jeter un regard lucide sur l’imposture « communiste » de la dictature bolchevik.

    #russie #1917 #révolution #communisme #stalinisme #léninisme
    @rezo @klaus @anarchosyndicalisme @entremonde @cdb_77