• Article11 - Jean Malaquais – « Cette profonde humanité » - Scarfanti
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    C’était une époque où un jeune juif de Varsovie (Malacki/Malaquais) qui avait entrepris de courir le monde « avant qu’il ne disparaisse » s’échouait de longues heures à la bibliothèque Sainte Geneviève après avoir foulé le sol de Roumanie, de Turquie, Tombouctou, l’Espagne où il avait fait le trimard, le débardeur, le mécano, le mineur etc...

    À la bibliothèque, il venait s’y chauffer et lire, après une journée harassante à déballer aux Halles des cageots de poulets qui lui chiaient sur la tête. Il tomba un jour sur un article de Gide qui évoquait de façon consternante son « infériorité » parce qu’il n’avait jamais été pauvre et qu’il le regrettait. Avec le toupet et la véhémence d’un caractère déjà trempé, Malaquais, l’apatride, le dépossédé, l’indésirable fit, une lettre ardente au grand Gide, l’écrivain planétaire. C’était un siècle où Gide au faîte de sa gloire admit de bonne grâce d’être mouché par un blanc-bec à la plume déjà bouillante, une époque où une sommité littéraire recevait cet inconnu, l’encourageait à écrire, s’en faisait un ami, subvenait à ses besoins, lui sauvant la mise à deux reprises, l’arrachant une première fois à la pauvreté, une seconde fois aux nazis. C’était une époque où cette improbable rencontre donnait une amitié de toute une vie et ouvrait grand les portes de la littérature à un jeune apatride impétueux qui se révélerait un #écrivain incomparable. Une époque où le coup d’essai du blanc bec fut un coup de maître. Premier roman et premier prix littéraire, le Renaudot, qui lui fut décerné pour Les javanais alors qu’il était sur le front, avec des hommes de sa condition. C’était un temps où certaines figures politiques internationales rendaient justice aux arts, et ne manquaient pas de considérations pour un parfait inconnu, Malaquais en l’occurrence, qui adressa à Trotski son roman à peine édité. C’était une époque où un révolutionnaire de renommée mondiale fit non seulement une réponse mais aussi un article élogieux de 11 pages au texte d’un lumpen anonyme. « Il est bon que sur terre il y ait non seulement la politique, mais aussi l’art. Il est bon que l’art soit inépuisable dans ses virtualités, comme la vie elle-même. Dans un certain sens, l’art est plus riche que la vie, car il peut agrandir ou réduire, peindre de couleurs vives, ou au contraire, se limiter au fusain, il peut présenter un seul et même objet de différents côtés et l’éclairer de manière variable » écrit Trotski dans un texte de 1939 qu’il intitule « UN NOUVEAU GRAND ÉCRIVAIN : JEAN MALAQUAIS. »

    #planète_sans_visa #les_javanais #autodidaxie