En bon biographe victorien, il élude les détails gênants tout en s’étendant à loisir sur les aspects de la vie de son oncle qui concordent avec la persona littéraire qu’il s’était choisie : oubliés, le refus de rentrer dans les ordres ou le péché mystérieux duquel Carroll s’accuse de manière récurrente dans son journal.
[...]
Collingwood aurait eu en main l’intégralité du journal dont quatre tomes ont inexplicablement disparu – et l’hypothèse qu’il les aurait lui-même détruits est d’autant plus plausible que l’on sait que c’était une pratique courante à l’époque, et qu’elle ne scandalisait personne : une fois édifié le monument à la mémoire du défunt, pourquoi aurait-on conservé les sources ?
[...]
Les seconds, à la suite d’Anthony Goldschmidt avec son article “Alice Psycho-Analysed” (1933), s’appuient sur le mythe pour défendre l’idée d’un Carroll pédophile, dont les œuvres regorgeraient d’allusions à une sexualité perverse, plus ou moins refoulée : ses photographies d’enfants dénudées n’en témoignent-elles pas de façon certaine ? “Et voilà”, conclue Leach, “comment les défenses construites avec amour, dans l’espoir de protéger une réputation sacrée, deviennent les pièges d’une infamie bien pire que tout ce que le pauvre Collingwood aurait pu envisager”
[...]
À partir des années 1970, la majorité des commentateurs (Jean Gattegno, Morton Cohen) s’attachent donc à concilier les deux aspects du mythe en dépeignant une pédophilie non active, refoulée, voire sublimée
[...]
Leach souligne les zones d’ombre de la biographie. La première d’entre elle, c’est le renoncement de Dodgson à entrer dans les ordres : le plus surprenant selon elle, ce n’est pas qu’il ait reculé au moment de prononcer ses vœux, c’est qu’il ne se soit pas tourné résolument vers la vie d’artiste qui semblait lui convenir. Pourquoi s’être arrêté à mi-chemin d’un processus d’émancipation vis-à-vis de son père qui semblait déjà bien engagé ? Et pourquoi le doyen Henry Liddell, le père d’Alice, l’a-t-il autorisé, au mépris des statuts de l’Université, à conserver sa charge d’enseignement sans être ordonné ? Qui a détruit les quatre volumes manquants du journal, qui tous concernent la période couvrant les années 1853-1862 (soit la décennie qui précède la publication d’Alice), et pourquoi ? Qu’est-ce que ce “mystère défunt et sacré” évoqué par Collingwood, dont il entendait ensevelir toute trace, et qui fait écho au péché que se reproche durement Dodgson dans les volumes suivants ? Que signifient les poèmes d’amour dont l’héroïne est à l’évidence une femme adulte, sensuelle et dangereuse, écrits à cette époque et négligés des commentateurs aussi bien que des éditeurs ? Quels étaient les rapports exacts de Dodgson avec la famille de Alice Liddell ?
à la fois, ça sent l’escamotage, il y a des photos, et l’excuse de l’époque est un peu faible, à la fois... Il n’y a que des photos et une interprétation psychanalytique... Et un morceau de journal disparu. Bon. J’ai vu que la dénonciation de Caroll pédophile était assuré de nos jours par Ring, la maison d’édition fascistoïde... Eh...