• La Libye, dernière escale avant l’Europe pour les migrants du Bangladesh
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/06/11/la-libye-derniere-escale-avant-l-europe-pour-les-migrants-du-bangladesh_6612

    La Libye, dernière escale avant l’Europe pour les migrants du Bangladesh
    Par Mustapha Kessous
    Bangladesh-Libye-Italie. Ce trajet, long de près de 8 000 km, est aujourd’hui l’itinéraire le plus emprunté par les migrants bangladais souhaitant rallier l’Europe. Du 1er janvier au 9 juin, sur les 57 222 exilés arrivés sur le Vieux Continent – principalement par voie maritime (bassin méditerranéen et océan Atlantique) –, 5 840 personnes sont originaires de ce pays d’Asie du Sud, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), faisant d’elles le premier contingent de migrants clandestins à entrer en Europe.
    Ces ressortissants bangladais débarquent sur les côtes italiennes, à Lampedusa ou à Naples, après avoir transité par la Libye. Au premier semestre 2025, ils représentent 37 % des 22 734 migrants partis de ce pays d’Afrique du Nord, loin devant les Erythréens (1 748) et les Pakistanais (1 705). Comme en 2024 : sur les 66 617 arrivées en Italie, 14 284 personnes, soit environ 21 %, venaient de ce pays lointain.« Il ne s’agit pas d’un flux [migratoire] nouveau, mais il prend de l’importance d’année en année », précise Flavio Di Giacomo, un porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les Bangladais représentaient 14,5 % des arrivées en Italie en 2022, autour de 12 % en 2020 et en 2021, seulement 3,3 % en 2015.
    La raison de ce périple compliqué est simple : si les conditions de vie imposées aux migrants en Libye sont souvent inhumaines, « il est très facile de se rendre là-bas. Un visa touriste ou un permis de travail suffit », relate Shahanur Islam, président de The Justice Makers Bangladesh in France, une association basée en banlieue parisienne qui documente les violations des droits de migrants bangladais et les accompagne dans leurs démarches juridiques et administratives.
    « Dans les faits, la Libye est facilement accessible. Ce ne sont pas des visas mais des papiers ou des passeurs qu’on achète. Rien ne semble dissuader d’aller en Libye », ajoute Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). « Les gens partent aussi à cause de la misère et de la récente crise politique », explique par ailleurs Shahanur Islam.
    En août 2024, le régime de la première ministre Sheikh Hasina – critiquée pour sa dérive autocratique – a été renversé, après quinze ans passés au pouvoir, par un mouvement d’étudiants, confrontés au chômage de masse. Dix-huit millions de Bangladais âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi. « Partir est donc une solution et tout un système existe pour quitter le pays », souligne le juriste.
    Les autorités du Bangladesh encouragent depuis des années la migration de sa main-d’œuvre pour soutenir la croissance de ce pays de 171 millions d’habitants. Selon l’OIM, chaque année, quelque 500 000 personnes partent travailler à l’étranger, notamment dans le golfe Persique. Plus de 11 millions de Bangladais résident hors de leurs frontières et les fonds envoyés par cette diaspora sont conséquents pour l’économie nationale. En 2023, les transferts d’argent s’élevaient à près de 22 milliards de dollars (19 milliards d’euros), soit 5 % du PIB national, selon la Banque mondiale.
    Ce « système » s’appuie sur un réseau d’agences de recrutement, dont plus de 1 700 opèrent au Bangladesh, certaines de manière officieuse. « C’est alors que tout commence », indique Shahanur Islam. Des intermédiaires, appelés dalals – courtiers en bengali –, recrutent des candidats au départ pour ces agences. « Ils promettent un bon travail dans le bâtiment ou dans le nettoyage et de s’occuper des démarches administratives », précise-t-il. « Un réseau de passeurs sophistiqué les aide à obtenir des visas et des billets d’avion », ajoute Chris Borowski, porte-parole de l’agence européenne des frontières, Frontex.
    Il en coûtera entre 3 000 et 4 500 euros aux candidats au voyage pour se rendre en Libye, qui pour financer leur départ « doivent vendre leurs biens ou contracter des prêts qui deviennent excessifs, les menant à une situation de servitude pour dettes [une forme de travail forcé assimilée à de l’esclavage] », notait Felipe Gonzalez Morales, alors rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains des migrants, après sa visite effectuée au Bangladesh en janvier 2023.
    C’est donc par avion, souvent avec une escale en Turquie ou aux Emirats arabes unis, que ceux-ci rejoignent la Libye, où les réseaux de passeurs prospèrent notamment du fait de la rivalité entre deux autorités concurrentes. L’une basée à Tripoli, reconnue par l’ONU, et l’autre à Benghazi, dans l’est du pays, sous l’égide du maréchal Khalifa Haftar. Dans un rapport publié le 3 juin, Frontex s’inquiète ainsi que « la Libye orientale demeure un carrefour essentiel pour les migrants » et que « l’aéroport Benina de Benghazi y joue un rôle crucial ».
    Selon Adala for All, une ONG basée en France, qui promeut l’accès à la justice et les droits humains en Afrique du Nord, Berniq Airways, compagnie liée au clan Haftar, faciliterait l’entrée des migrants bangladais en Libye grâce à une liaison aérienne Dubaï- Benghazi, ouverte depuis avril 2024. « A leur arrivée, ces migrants se voient accorder des visas d’entrée », précise l’organisation.
    Mais une fois sur place, nombre d’entre eux ne trouvent pas le travail qu’ils attendaient. Certains migrants sont enlevés, torturés puis rançonnés par des policiers, des militaires ou des groupes armés, et contraints d’appeler leurs proches pour leur demander de l’argent en échange de leur libération, comme a pu le rapporter l’ONG Human Rights Watch (HRW). Une fois relâchés, il faut trouver un travail, de l’argent pour payer la traversée de la Méditerranée qui peut coûter jusqu’à 4 000 euros. Selon l’OIM, en 2024, un peu plus de 21 000 Bangladais, âgés de 20 à 39 ans, sur les quelque 800 000 migrants, vivaient en Libye.
    « Il y a une particularité complexe avec les migrants bangladais : tous ne veulent pas venir en Europe, soutient Flavio Di Giacomo. Beaucoup auraient préféré rester travailler en Libye, mais la façon dont ils sont traités les pousse à traverser la Méditerranée. » Ce constat rejoint celui de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) qui, après une mission au Bangladesh en 2023, notait : « La frontière entre migration légale et illégale est floue et, du fait de la prévalence de la corruption et de la vulnérabilité des candidats au départ, un parcours migratoire à l’origine légal peut facilement basculer dans l’illégal, voire dans l’exploitation. »
    A leur arrivée en Italie, les Bangladais cherchent à s’y établir ou se dirigent en France pour obtenir l’asile, constituant ainsi la deuxième nationalité la plus représentée parmi les demandeurs. En 2023, sur les 8 568 dossiers présentés à l’Ofpra, 520 ont obtenu le statut de réfugié. « Malgré les dangers, ils continueront à partir », répète le juriste Shahanur Islam. Par la Libye ou ailleurs. « On commence à voir des Bangladais traverser l’Atlantique, rien de massif, quelques centaines, relate Chris Borowski, de Frontex. Les réseaux sont capables d’organiser des voyages jusqu’aux Canaries. »

    #Covid-19#migrant#migration#libye#bangladesh#routemigratoire#migrationirreguliere#trafic#sante#asile

  • « Raconteries » de Charles Pennequin et « Disparitions, apparitions » de Joachim Séné : deux nouveaux livres publiés par les éditions Abrüpt.

    Une poésie qui déborde, refuse les normes, et fait du langage un lieu d’expérimentation et de transformation radicale.

    https://liminaire.fr/creation/livre-lecture/article/raconteries-de-charles-pennequin-et-disparitions-apparitions-de-joachim-se

    Ces deux ouvrages partagent une volonté radicale de faire éclater les cadres traditionnels de la littérature. Le texte de Charles Pennequin explore l’écriture comme geste vital, performatif, où le corps parle autant que les mots, dans une lutte contre l’aseptisation littéraire. De son côté, le recueil de Joachim Séné propose une poésie fragmentaire et sensorielle, mêlant le grotesque au numérique, où les corps se dissolvent et ressurgissent sous formes symboliques ou organiques. Tous deux défendent une écriture du vivant, traversée par le réel, la violence sociale, et une forme d’urgence — à dire, à crier, à exister autrement. Une poésie qui déborde, refuse les normes, et fait du langage un lieu d’expérimentation et de transformation radicale.

    (...) #Radio_Marelle, #Écriture, #Livre, #Lecture, #En_lisant_en_écrivant, #Podcast, #Littérature, #Corps, #Performance, #Société, #Voix, #Abrüpt (...)

    https://abrupt.cc/charles-pennequin/raconteries
    https://abrupt.cc/joachim-sene/disparitions-apparitions

  • THE TYRANNY of STRUCTURELESSNESS

    The earliest version of this article was given as a talk at a conference called by the Southern Female Rights Union, held in Beulah, Mississippi in May 1970. It was written up for Notes from the Third Year (1971), but the editors did not use it. It was then submitted to several movement publications, but only one asked permission to publish it; others did so without permission. The first official place of publication was in Vol. 2, No. 1 of The Second Wave (1972). This early version in movement publications was authored by Joreen. Different versions were published in the Berkeley Journal of Sociology, Vol. 17, 1972-73, pp. 151-165, and Ms. magazine, July 1973, pp. 76-78, 86-89, authored by Jo Freeman. This piece spread all over the world. Numerous people have edited, reprinted, cut, and translated “Tyranny” for magazines, books and web sites, usually without the permission or knowledge of the author. The version below is a blend of the three cited here.

    During the years in which the women’s liberation movement has been taking shape, a great emphasis has been placed on what are called leaderless, structureless groups as the main — if not sole — organizational form of the movement. The source of this idea was a natural reaction against the over-structured society in which most of us found ourselves, and the inevitable control this gave others over our lives, and the continual elitism of the Left and similar groups among those who were supposedly fighting this overstructuredness.
    The idea of “structurelessness,” however, has moved from a healthy counter to those tendencies to becoming a goddess in its own right. The idea is as little examined as the term is much used, but it has become an intrinsic and unquestioned part of women’s liberation ideology. For the early development of the movement this did not much matter. It early defined its main goal, and its main method, as consciousness-raising, and the “structureless” rap group was an excellent means to this end. The looseness and informality of it encouraged participation in discussion, and its often supportive atmosphere elicited personal insight. If nothing more concrete than personal insight ever resulted from these groups, that did not much matter, because their purpose did not really extend beyond this.

    The basic problems didn’t appear until individual rap groups exhausted the virtues of consciousness-raising and decided they wanted to do something more specific. At this point they usually foundered because most groups were unwilling to change their structure when they changed their tasks. Women had thoroughly accepted the idea of “structurelessness” without realizing the limitations of its uses. People would try to use the “structureless” group and the informal conference for purposes for which they were unsuitable out of a blind belief that no other means could possibly be anything but oppressive.
    If the movement is to grow beyond these elementary stages of development, it will have to disabuse itself of some of its prejudices about organization and structure. There is nothing inherently bad about either of these. They can be and often are misused, but to reject them out of hand because they are misused is to deny ourselves the necessary tools to further development. We need to understand why “structurelessness” does not work.

    FORMAL AND INFORMAL STRUCTURES

    Contrary to what we would like to believe, there is no such thing as a structureless group. Any group of people of whatever nature that comes together for any length of time for any purpose will inevitably structure itself in some fashion. The structure may be flexible; it may vary over time; it may evenly or unevenly distribute tasks, power and resources over the members of the group. But it will be formed regardless of the abilities, personalities, or intentions of the people involved. The very fact that we are individuals, with different talents, predispositions, and backgrounds makes this inevitable. Only if we refused to relate or interact on any basis whatsoever could we approximate structurelessness — and that is not the nature of a human group.
    This means that to strive for a structureless group is as useful, and as deceptive, as to aim at an “objective” news story, “value-free” social science, or a “free” economy. A “laissez faire” group is about as realistic as a “laissez faire” society; the idea becomes a smokescreen for the strong or the lucky to establish unquestioned hegemony over others. This hegemony can be so easily established because the idea of “structurelessness” does not prevent the formation of informal structures, only formal ones. Similarly “laissez faire” philosophy did not prevent the economically powerful from establishing control over wages, prices, and distribution of goods; it only prevented the government from doing so. Thus structurelessness becomes a way of masking power, and within the women’s movement is usually most strongly advocated by those who are the most powerful (whether they are conscious of their power or not). As long as the structure of the group is informal, the rules of how decisions are made are known only to a few and awareness of power is limited to those who know the rules. Those who do not know the rules and are not chosen for initiation must remain in confusion, or suffer from paranoid delusions that something is happening of which they are not quite aware.

    For everyone to have the opportunity to be involved in a given group and to participate in its activities the structure must be explicit, not implicit. The rules of decision-making must be open and available to everyone, and this can happen only if they are formalized. This is not to say that formalization of a structure of a group will destroy the informal structure. It usually doesn’t. But it does hinder the informal structure from having predominant control and make available some means of attacking it if the people involved are not at least responsible to the needs of the group at large. “Structurelessness” is organizationally impossible. We cannot decide whether to have a structured or structureless group, only whether or not to have a formally structured one. Therefore the word will not be used any longer except to refer to the idea it represents. Unstructured will refer to those groups which have not been deliberately structured in a particular manner. Structured will refer to those which have. A Structured group always has formal structure, and may also have an informal, or covert, structure. It is this informal structure, particularly in Unstructured groups, which forms the basis for elites.

    THE NATURE OF ELITISM

    “Elitist” is probably the most abused word in the women’s liberation movement. It is used as frequently, and for the same reasons, as “pinko” was used in the fifties. It is rarely used correctly. Within the movement it commonly refers to individuals, though the personal characteristics and activities of those to whom it is directed may differ widely: An individual, as an individual can never be an elitist, because the only proper application of the term “elite” is to groups. Any individual, regardless of how well-known that person may be, can never be an elite.
    Correctly, an elite refers to a small group of people who have power over a larger group of which they are part, usually without direct responsibility to that larger group, and often without their knowledge or consent. A person becomes an elitist by being part of, or advocating the rule by, such a small group, whether or not that individual is well known or not known at all. Notoriety is not a definition of an elitist. The most insidious elites are usually run by people not known to the larger public at all. Intelligent elitists are usually smart enough not to allow themselves to become well known; when they become known, they are watched, and the mask over their power is no longer firmly lodged.
    Elites are not conspiracies. Very seldom does a small group of people get together and deliberately try to take over a larger group for its own ends. Elites are nothing more, and nothing less, than groups of friends who also happen to participate in the same political activities. They would probably maintain their friendship whether or not they were involved in political activities; they would probably be involved in political activities whether or not they maintained their friendships. It is the coincidence of these two phenomena which creates elites in any group and makes them so difficult to break.
    These friendship groups function as networks of communication outside any regular channels for such communication that may have been set up by a group. If no channels are set up, they function as the only networks of communication. Because people are friends, because they usually share the same values and orientations, because they talk to each other socially and consult with each other when common decisions have to be made, the people involved in these networks have more power in the group than those who don’t. And it is a rare group that does not establish some informal networks of communication through the friends that are made in it.
    Some groups, depending on their size, may have more than one such informal communications network. Networks may even overlap. When only one such network exists, it is the elite of an otherwise Unstructured group, whether the participants in it want to be elitists or not. If it is the only such network in a Structured group it may or may not be an elite depending on its composition and the nature of the formal Structure. If there are two or more such networks of friends, they may compete for power within the group, thus forming factions, or one may deliberately opt out of the competition, leaving the other as the elite. In a Structured group, two or more such friendship networks usually compete with each other for formal power. This is often the healthiest situation, as the other members are in a position to arbitrate between the two competitors for power and thus to make demands on those to whom they give their temporary allegiance.
    The inevitably elitist and exclusive nature of informal communication networks of friends is neither a new phenomenon characteristic of the women’s movement nor a phenomenon new to women. Such informal relationships have excluded women for centuries from participating in integrated groups of which they were a part. In any profession or organization these networks have created the “locker room” mentality and the “old school” ties which have effectively prevented women as a group (as well as some men individually) from having equal access to the sources of power or social reward. Much of the energy of past women’s movements has been directed to having the structures of decision-making and the selection processes formalized so that the exclusion of women could be confronted directly. As we well know, these efforts have not prevented the informal male-only networks from discriminating against women, but they have made it more difficult.
    Because elites are informal does not mean they are invisible. At any small group meeting anyone with a sharp eye and an acute ear can tell who is influencing whom. The members of a friendship group will relate more to each other than to other people. They listen more attentively, and interrupt less; they repeat each other’s points and give in amiably; they tend to ignore or grapple with the “outs” whose approval is not necessary for making a decision. But it is necessary for the “outs” to stay on good terms with the “ins.” Of course the lines are not as sharp as I have drawn them. They are nuances of interaction, not prewritten scripts. But they are discernible, and they do have their effect. Once one knows with whom it is important to check before a decision is made, and whose approval is the stamp of acceptance, one knows who is running things.
    Since movement groups have made no concrete decisions about who shall exercise power within them, many different criteria are used around the country. Most criteria are along the lines of traditional female characteristics. For instance, in the early days of the movement, marriage was usually a prerequisite for participation in the informal elite. As women have been traditionally taught, married women relate primarily to each other, and look upon single women as too threatening to have as close friends. In many cities, this criterion was further refined to include only those women married to New Left men. This standard had more than tradition behind it, however, because New Left men often had access to resources needed by the movement — such as mailing lists, printing presses, contacts, and information — and women were used to getting what they needed through men rather than independently. As the movement has charged through time, marriage has become a less universal criterion for effective participation, but all informal elites establish standards by which only women who possess certain material or personal characteristics may join. They frequently include: middle-class background (despite all the rhetoric about relating to the working class); being married; not being married but living with someone; being or pretending to be a lesbian; being between the ages of twenty and thirty; being college educated or at least having some college background; being “hip”; not being too “hip”; holding a certain political line or identification as a “radical”; having children or at least liking them; not having children; having certain “feminine” personality characteristics such as being “nice”; dressing right (whether in the traditional style or the antitraditional style); etc. There are also some characteristics which will almost always tag one as a “deviant” who should not be related to. They include: being too old; working full time, particularly if one is actively committed to a “career”; not being “nice”; and being avowedly single (i.e., neither actively heterosexual nor homosexual).
    Other criteria could be included, but they all have common themes. The characteristics prerequisite for participating in the informal elites of the movement, and thus for exercising power, concern one’s background, personality, or allocation of time. They do not include one’s competence, dedication to feminism, talents, or potential contribution to the movement. The former are the criteria one usually uses in determining one’s friends. The latter are what any movement or organization has to use if it is going to be politically effective.
    The criteria of participation may differ from group to group, but the means of becoming a member of the informal elite if one meets those criteria art pretty much the same. The only main difference depends on whether one is in a group from the beginning, or joins it after it has begun. If involved from the beginning it is important to have as many of one’s personal friends as possible also join. If no one knows anyone else very well, then one must deliberately form friendships with a select number and establish the informal interaction patterns crucial to the creation of an informal structure. Once the informal patterns are formed they act to maintain themselves, and one of the most successful tactics of maintenance is to continuously recruit new people who “fit in.” One joins such an elite much the same way one pledges a sorority. If perceived as a potential addition, one is “rushed” by the members of the informal structure and eventually either dropped or initiated. If the sorority is not politically aware enough to actively engage in this process itself it can be started by the outsider pretty much the same way one joins any private club. Find a sponsor, i.e., pick some member of the elite who appears to be well respected within it, and actively cultivate that person’s friendship. Eventually, she will most likely bring you into the inner circle.

    All of these procedures take time. So if one works full time or has a similar major commitment, it is usually impossible to join simply because there are not enough hours left to go to all the meetings and cultivate the personal relationship necessary to have a voice in the decision-making. That is why formal structures of decision making are a boon to the overworked person. Having an established process for decision-making ensures that everyone can participate in it to some extent.
    Although this dissection of the process of elite formation within small groups has been critical in perspective, it is not made in the belief that these informal structures are inevitably bad — merely inevitable. All groups create informal structures as a result of interaction patterns among the members of the group. Such informal structures can do very useful things But only Unstructured groups are totally governed by them. When informal elites are combined with a myth of “structurelessness,” there can be no attempt to put limits on the use of power. It becomes capricious.
    This has two potentially negative consequences of which we should be aware. The first is that the informal structure of decision-making will be much like a sorority — one in which people listen to others because they like them and not because they say significant things. As long as the movement does not do significant things this does not much matter. But if its development is not to be arrested at this preliminary stage, it will have to alter this trend. The second is that informal structures have no obligation to be responsible to the group at large. Their power was not given to them; it cannot be taken away. Their influence is not based on what they do for the group; therefore they cannot be directly influenced by the group. This does not necessarily make informal structures irresponsible. Those who are concerned with maintaining their influence will usually try to be responsible. The group simply cannot compel such responsibility; it is dependent on the interests of the elite.

    THE “STAR” SYSTEM

    The idea of “structurelessness” has created the “star” system. We live in a society which expects political groups to make decisions and to select people to articulate those decisions to the public at large. The press and the public do not know how to listen seriously to individual women as women; they want to know how the group feels. Only three techniques have ever been developed for establishing mass group opinion: the vote or referendum, the public opinion survey questionnaire, and the selection of group spokespeople at an appropriate meeting. The women’s liberation movement has used none of these to communicate with the public. Neither the movement as a whole nor most of the multitudinous groups within it have established a means of explaining their position on various issues. But the public is conditioned to look for spokespeople.
    While it has consciously not chosen spokespeople, the movement has thrown up many women who have caught the public eye for varying reasons. These women represent no particular group or established opinion; they know this and usually say so. But because there are no official spokespeople nor any decision-making body that the press can query when it wants to know the movement’s position on a subject, these women are perceived as the spokespeople. Thus, whether they want to or not, whether the movement likes it or not, women of public note are put in the role of spokespeople by default.
    This is one main source of the ire that is often felt toward the women who are labeled “stars.” Because they were not selected by the women in the movement to represent the movement’s views, they are resented when the press presumes that they speak for the movement. But as long as the movement does not select its own spokeswomen, such women will be placed in that role by the press and the public, regardless of their own desires.
    This has several negative consequences for both the movement and the women labeled “stars.” First, because the movement didn’t put them in the role of spokesperson, the movement cannot remove them. The press put them there and only the press can choose not to listen. The press will continue to look to “stars” as spokeswomen as long as it has no official alternatives to go to for authoritative statements from the movement. The movement has no control in the selection of its representatives to the public as long as it believes that it should have no representatives at all. Second, women put in this position often find themselves viciously attacked by their sisters. This achieves nothing for the movement and is painfully destructive to the individuals involved. Such attacks only result in either the woman leaving the movement entirely-often bitterly alienated — or in her ceasing to feel responsible to her “sisters.” She may maintain some loyalty to the movement, vaguely defined, but she is no longer susceptible to pressures from other women in it. One cannot feel responsible to people who have been the source of such pain without being a masochist, and these women are usually too strong to bow to that kind of personal pressure. Thus the backlash to the “star” system in effect encourages the very kind of individualistic nonresponsibility that the movement condemns. By purging a sister as a “star,” the movement loses whatever control it may have had over the person who then becomes free to commit all of the individualistic sins of which she has been accused.

    POLITICAL IMPOTENCE

    Unstructured groups may be very effective in getting women to talk about their lives; they aren’t very good for getting things done. It is when people get tired of “just talking” and want to do something more that the groups flounder, unless they change the nature of their operation. Occasionally, the developed informal structure of the group coincides with an available need that the group can fill in such a way as to give the appearance that an Unstructured group “works.” That is, the group has fortuitously developed precisely the kind of structure best suited for engaging in a particular project.
    While working in this kind of group is a very heady experience, it is also rare and very hard to replicate. There are almost inevitably four conditions found in such a group;

    1) It is task oriented. Its function is very narrow and very specific, like putting on a conference or putting out a newspaper. It is the task that basically structures the group. The task determines what needs to be done and when it needs to be done. It provides a guide by which people can judge their actions and make plans for future activity.
    2) It is relatively small and homogeneous. Homogeneity is necessary to insure that participants have a “common language” for interaction. People from widely different backgrounds may provide richness to a consciousness-raising group where each can learn from the others’ experience, but too great a diversity among members of a task-oriented group means only that they continually misunderstand each other. Such diverse people interpret words and actions differently. They have different expectations about each other’s behavior and judge the results according to different criteria. If everyone knows everyone else well enough to understand the nuances, these can be accommodated. Usually, they only lead to confusion and endless hours spent straightening out conflicts no one ever thought would arise.
    3) There is a high degree of communication. Information must be passed on to everyone, opinions checked, work divided up, and participation assured in the relevant decisions. This is only possible if the group is small and people practically live together for the most crucial phases of the task. Needless to say, the number of interactions necessary to involve everybody increases geometrically with the number of participants. This inevitably limits group participants to about five, or excludes some from some of the decisions. Successful groups can be as large as 10 or 15, but only when they are in fact composed of several smaller subgroups which perform specific parts of the task, and whose members overlap with each other so that knowledge of what the different subgroups are doing can be passed around easily.
    4) There is a low degree of skill specialization. Not everyone has to be able to do everything, but everything must be able to be done by more than one person. Thus no one is indispensable. To a certain extent, people become interchangeable parts.

    While these conditions can occur serendipitously in small groups, this is not possible in large ones. Consequently, because the larger movement in most cities is as unstructured as individual rap groups, it is not too much more effective than the separate groups at specific tasks. The informal structure is rarely together enough or in touch enough with the people to be able to operate effectively. So the movement generates much motion and few results. Unfortunately, the consequences of all this motion are not as innocuous as the results’ and their victim is the movement itself.
    Some groups have formed themselves into local action projects if they do not involve many people and work on a small scale. But this form restricts movement activity to the local level; it cannot be done on the regional or national. Also, to function well the groups must usually pare themselves down to that informal group of friends who were running things in the first place. This excludes many women from participating. As long as the only way women can participate in the movement is through membership in a small group, the nongregarious are at a distinct disadvantage. As long as friendship groups are the main means of organizational activity, elitism becomes institutionalized.
    For those groups which cannot find a local project to which to devote themselves, the mere act of staying together becomes the reason for their staying together. When a group has no specific task (and consciousness raising is a task), the people in it turn their energies to controlling others in the group. This is not done so much out of a malicious desire to manipulate others (though sometimes it is) as out of a lack of anything better to do with their talents. Able people with time on their hands and a need to justify their coming together put their efforts into personal control, and spend their time criticizing the personalities of the other members in the group. Infighting and personal power games rule the day. When a group is involved in a task, people learn to get along with others as they are and to subsume personal dislikes for the sake of the larger goal. There are limits placed on the compulsion to remold every person in our image of what they should be.

    The end of consciousness-raising leaves people with no place to go, and the lack of structure leaves them with no way of getting there. The women the movement either turn in on themselves and their sisters or seek other alternatives of action. There are few that are available. Some women just “do their own thing.” This can lead to a great deal of individual creativity, much of which is useful for the movement, but it is not a viable alternative for most women and certainly does not foster a spirit of cooperative group effort. Other women drift out of the movement entirely because they don’t want to develop an individual project and they have found no way of discovering, joining, or starting group projects that interest them.
    Many turn to other political organizations to give them the kind of structured, effective activity that they have not been able to find in the women’s movement. Those political organizations which see women’s liberation as only one of many issues to which women should devote their time thus find the movement a vast recruiting ground for new members. There is no need for such organizations to “infiltrate” (though this is not precluded). The desire for meaningful political activity generated in women by their becoming part of the women’s liberation movement is sufficient to make them eager to join other organizations when the movement itself provides no outlets for their new ideas and energies. Those women who join other political organizations while remaining within the women’s liberation movement, or who join women’s liberation while remaining in other political organizations, in turn become the framework for new informal structures. These friendship networks are based upon their common nonfeminist politics rather than the characteristics discussed earlier, but operate in much the same way. Because these women share common values, ideas, and political orientations, they too become informal, unplanned, unselected, unresponsible elites — whether they intend to be so or not.
    These new informal elites are often perceived as threats by the old informal elites previously developed within different movement groups. This is a correct perception. Such politically oriented networks are rarely willing to be merely “sororities” as many of the old ones were, and want to proselytize their political as well as their feminist ideas. This is only natural, but its implications for women’s liberation have never been adequately discussed. The old elites are rarely willing to bring such differences of opinion out into the open because it would involve exposing the nature of the informal structure of the group.
    Many of these informal elites have been hiding under the banner of “anti-elitism” and “structurelessness.” To effectively counter the competition from another informal structure, they would have to become “public,” and this possibility is fraught with many dangerous implications. Thus, to maintain its own power, it is easier to rationalize the exclusion of the members of the other informal structure by such means as “red-baiting,” "reformist-baiting," “lesbian-baiting,” or “straight-baiting.” The only other alternative is to formally structure the group in such a way that the original power structure is institutionalized. This is not always possible. If the informal elites have been well structured and have exercised a fair amount of power in the past, such a task is feasible. These groups have a history of being somewhat politically effective in the past, as the tightness of the informal structure has proven an adequate substitute for a formal structure. Becoming Structured does not alter their operation much, though the institutionalization of the power structure does open it to formal challenge. It is those groups which are in greatest need of structure that are often least capable of creating it. Their informal structures have not been too well formed and adherence to the ideology of “structurelessness” makes them reluctant to change tactics. The more Unstructured a group is, the more lacking it is in informal structures, and the more it adheres to an ideology of “structurelessness,” the more vulnerable it is to being taken over by a group of political comrades.
    Since the movement at large is just as Unstructured as most of its constituent groups, it is similarly susceptible to indirect influence. But the phenomenon manifests itself differently. On a local level most groups can operate autonomously; but the only groups that can organize a national activity are nationally organized groups. Thus, it is often the Structured feminist organizations that provide national direction for feminist activities, and this direction is determined by the priorities of those organizations. Such groups as NOW, WEAL, and some leftist women’s caucuses are simply the only organizations capable of mounting a national campaign. The multitude of Unstructured women’s liberation groups can choose to support or not support the national campaigns, but are incapable of mounting their own. Thus their members become the troops under the leadership of the Structured organizations. The avowedly Unstructured groups have no way of drawing upon the movement’s vast resources to support its priorities. It doesn’t even have a way of deciding what they are.
    The more unstructured a movement it, the less control it has over the directions in which it develops and the political actions in which it engages. This does not mean that its ideas do not spread. Given a certain amount of interest by the media and the appropriateness of social conditions, the ideas will still be diffused widely. But diffusion of ideas does not mean they are implemented; it only means they are talked about. Insofar as they can be applied individually they may be acted on; insofar as they require coordinated political power to be implemented, they will not be.
    As long as the women’s liberation movement stays dedicated to a form of organization which stresses small, inactive discussion groups among friends, the worst problems of Unstructuredness will not be felt. But this style of organization has its limits; it is politically inefficacious, exclusive, and discriminatory against those women who are not or cannot be tied into the friendship networks. Those who do not fit into what already exists because of class, race, occupation, education, parental or marital status, personality, etc., will inevitably be discouraged from trying to participate. Those who do fit in will develop vested interests in maintaining things as they are.
    The informal groups’ vested interests will be sustained by the informal structures which exist, and the movement will have no way of determining who shall exercise power within it. If the movement continues deliberately to not select who shall exercise power, it does not thereby abolish power. All it does is abdicate the right to demand that those who do exercise power and influence be responsible for it. If the movement continues to keep power as diffuse as possible because it knows it cannot demand responsibility from those who have it, it does prevent any group or person from totally dominating. But it simultaneously insures that the movement is as ineffective as possible. Some middle ground between domination and ineffectiveness can and must be found.
    These problems are coming to a head at this time because the nature of the movement is necessarily changing. Consciousness-raising as the main function of the women’s liberation movement is becoming obsolete. Due to the intense press publicity of the last two years and the numerous overground books and articles now being circulated, women’s liberation has become a household word. Its issues are discussed and informal rap groups are formed by people who have no explicit connection with any movement group. The movement must go on to other tasks. It now needs to establish its priorities, articulate its goals, and pursue its objectives in a coordinated fashion. To do this it must get organized — locally, regionally, and nationally.

    PRINCIPLES OF DEMOCRATIC STRUCTURING

    Once the movement no longer clings tenaciously to the ideology of “structurelessness,” it is free to develop those forms of organization best suited to its healthy functioning. This does not mean that we should go to the other extreme and blindly imitate the traditional forms of organization. But neither should we blindly reject them all. Some of the traditional techniques will prove useful, albeit not perfect; some will give us insights into what we should and should not do to obtain certain ends with minimal costs to the individuals in the movement. Mostly, we will have to experiment with different kinds of structuring and develop a variety of techniques to use for different situations. The Lot System is one such idea which has emerged from the movement. It is not applicable to all situations, but is useful in some. Other ideas for structuring are needed. But before we can proceed to experiment intelligently, we must accept the idea that there is nothing inherently bad about structure itself — only its excess use.

    While engaging in this trial-and-error process, there are some principles we can keep in mind that are essential to democratic structuring and are also politically effective:

    1) Delegation of specific authority to specific individuals for specific tasks by democratic procedures. Letting people assume jobs or tasks only by default means they are not dependably done. If people are selected to do a task, preferably after expressing an interest or willingness to do it, they have made a commitment which cannot so easily be ignored.
    2) Requiring all those to whom authority has been delegated to be responsible to those who selected them. This is how the group has control over people in positions of authority. Individuals may exercise power, but it is the group that has ultimate say over how the power is exercised.
    3) Distribution of authority among as many people as is reasonably possible. This prevents monopoly of power and requires those in positions of authority to consult with many others in the process of exercising it. It also gives many people the opportunity to have responsibility for specific tasks and thereby to learn different skills.
    4) Rotation of tasks among individuals. Responsibilities which are held too long by one person, formally or informally, come to be seen as that person’s “property” and are not easily relinquished or controlled by the group. Conversely, if tasks are rotated too frequently the individual does not have time to learn her job well and acquire the sense of satisfaction of doing a good job.
    5) Allocation of tasks along rational criteria. Selecting someone for a position because they are liked by the group or giving them hard work because they are disliked serves neither the group nor the person in the long run. Ability, interest, and responsibility have got to be the major concerns in such selection. People should be given an opportunity to learn skills they do not have, but this is best done through some sort of “apprenticeship” program rather than the “sink or swim” method. Having a responsibility one can’t handle well is demoralizing. Conversely, being blacklisted from doing what one can do well does not encourage one to develop one’s skills. Women have been punished for being competent throughout most of human history; the movement does not need to repeat this process.
    6) Diffusion of information to everyone as frequently as possible. Information is power. Access to information enhances one’s power. When an informal network spreads new ideas and information among themselves outside the group, they are already engaged in the process of forming an opinion — without the group participating. The more one knows about how things work and what is happening, the more politically effective one can be.
    7) Equal access to resources needed by the group. This is not always perfectly possible, but should be striven for. A member who maintains a monopoly over a needed resource (like a printing press owned by a husband, or a darkroom) can unduly influence the use of that resource. Skills and information are also resources. Members’ skills can be equitably available only when members are willing to teach what they know to others.

    When these principles are applied, they insure that whatever structures are developed by different movement groups will be controlled by and responsible to the group. The group of people in positions of authority will be diffuse, flexible, open, and temporary. They will not be in such an easy position to institutionalize their power because ultimate decisions will be made by the group at large. The group will have the power to determine who shall exercise authority within it.

    https://www.jofreeman.com/joreen/tyranny.htm

    traduction en français :
    https://organisez-vous.org/tyrannie-horizontalite-jo-freeman

    #horizontalité #tyrannie #pouvoir #hiérarchie #structure #Jo_Freeman #Joreen #leaders #élitisme #féminisme #militantisme #actions #limites #oppression #organisation #groupe #laisser-faire #écran_de_fumée #hégémonie #structures_formelles #structures_informelles #explicitation #règles #prises_de_décision #pinko #élite #star_system #autorité #rotation_des_tâches #rotation

  • How Syria’s HTS is quietly dismantling the Palestinian cause

    Via https://diasp.eu/p/17684889

    https://thecradle.co/articles-id/29627 - 2025-03-25

    Under Ahmad al-Sharaa’s direction, #Syria’s new Islamist leaders are systematically sidelining Palestinian factions, favoring the US-backed #PA, dismantling #Iran-linked groups, and reshaping refugee dynamics in alignment with a broader US-backed strategy to neutralize the Palestinian resistance.

    #Palestine #Gaza #HTS #USA #Israel

    • On trouve aussi une traduction de cet article en FR (2025-04-10)

      Comment HTS en Syrie démantèle discrètement la cause palestinienne

      https://investigaction.net/comment-hts-en-syrie-demantele-discretement-la-cause-palestinienne

      Sous la direction d’Ahmad al-Sharaa, les nouveaux dirigeants islamistes syriens écartent systématiquement les factions palestiniennes, favorisent l’Autorité palestinienne soutenue par les États-Unis, démantèlent les groupes liés à l’Iran et remodèlent la dynamique des réfugiés conformément à une stratégie plus large soutenue par les États-Unis visant à neutraliser la résistance palestinienne.

      Depuis la chute du gouvernement syrien le 8 décembre, la direction de la nouvelle administration intérimaire, dirigée par Ahmad al-Sharaa, est devenue de plus en plus claire. Politiquement, militairement et juridiquement, Damas semble maintenant alignée sur la vision de longue date de Washington de démanteler la cause palestinienne.

      Cet alignement prend forme sur trois fronts principaux : premièrement, l’Autorité palestinienne (AP), les factions de résistance telles que le #Hamas, le Jihad islamique palestinien (#JIP) et d’autres factions issues de l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP). Deuxièmement, l’Office de secours et de travaux des Nations unies (#UNRWA), chargé spécifiquement d’aider les réfugiés palestiniens dans la région, et troisièmement, les camps qui hébergent les réfugiés palestiniens et les Syriens déplacés.

      Deux événements soulignent cette évolution. Tout d’abord, la #Turquie et le #Liban ont empêché les Palestiniens détenteurs de documents syriens de retourner en #Syrie au même titre que les ressortissants syriens. Deuxièmement, les médias américains ont révélé l’existence de pourparlers entre #Washington et #Damas sur la possibilité pour la Syrie d’absorber des dizaines de milliers de personnes déplacées de Gaza, en échange d’un allègement des sanctions ou d’un accord politique plus large, en particulier à la suite des massacres de la côte du début de l’année.
      Front 1 : L’AP et les factions de la résistance

      Plus de quatre mois après le début de la transition vers une nouvelle gouvernance, une chose est claire : l’ancien chef d’#Al-Qaïda, Ahmad al-Sharaa, aujourd’hui président de la Syrie, tient le Hamas à distance. Malgré les demandes répétées de Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas à l’étranger, de se rendre à Damas, les autorités intérimaires ont tergiversé, dans le but d’éviter une confrontation directe avec Israël ou les États-Unis.

      Cette nouvelle posture syrienne a lieu au milieu d’un génocide en cours contre le peuple palestinien et de l’objectif de l’État d’occupation d’éliminer sa résistance islamique.

      The Cradle a appris que la communication entre le Hamas et les nouvelles autorités est largement canalisée par des intermédiaires turcs. Ankara faciliterait la réinstallation de plusieurs responsables militaires du Hamas à Idlib, le bastion des militants de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de Ahmad al-Sharaa.

      En revanche, Ahmad al-Sharaa – qui a rencontré le Premier ministre palestinien Mohammad Mustafa en janvier – a officiellement ouvert des canaux avec la mission diplomatique de l’AP à Damas, la reconnaissant comme le représentant officiel du peuple palestinien.

      La délégation en visite comprenait de hauts responsables du Fatah et de l’OLP, notamment le fils de Mahmoud Abbas, qui est arrivé pour récupérer des propriétés précédemment détenues par des factions anti-Fatah sous le gouvernement de l’ancien président syrien Bachar al-Assad.

      La nuit de la chute du gouvernement Assad, le secrétaire général du Front populaire-Commandement général (#FPLP-CG), Talal Naji, et le chef d’état-major de l’Armée de libération de la Palestine (APL), Akram al-Rifai, ont cherché refuge à l’ambassade de l’Autorité palestinienne. L’ambassadeur palestinien Samir al-Rifai aurait reçu une sévère réprimande de la part d’Abbas pour leur avoir accordé un refuge. Quant au reste des chefs de faction, chacun d’eux est resté chez lui.

      Le lendemain de l’entrée des forces d’#HTS à Damas, elles ont lancé une vague de fermetures visant les bureaux des factions palestiniennes. Ceux qui appartenaient au Fatah al-Intifada, au mouvement Al-Sa’iqa aligné sur le Baas et au FPLP-CG ont été fermés, leurs armes, leurs véhicules et leurs biens immobiliers saisis.

      Le Front démocratique pour la libération de la Palestine (#FDLP), qui avait fait profil bas pendant la guerre syrienne, a été autorisé à poursuivre ses activités, bien que sous observation.

      Les 11 et 12 décembre, plusieurs chefs de faction se sont réunis à l’ambassade de Palestine en présence du chef de l’APL, Rifai, pour discuter de leur avenir. Ils ont tenté d’organiser une réunion officielle avec Ahmad al-Sharaa par l’intermédiaire du ministère syrien des Affaires étrangères. Au lieu de cela, un messager d’HTS – identifié comme provenant de Basil Ayoub – est arrivé à l’ambassade et a exigé la divulgation complète de tous les actifs appartenant à la faction, y compris les biens immobiliers, les dépôts bancaires, les véhicules et les armes. Aucun engagement politique ne sera possible, a-t-il dit, tant qu’un inventaire complet n’aurait pas été fourni.

      Les factions se sont exécutées en rédigeant une lettre déclarant que leurs avoirs avaient été acquis légalement et qu’elles étaient prêtes à limiter leurs activités à des activités politiques et médiatiques, en plein alignement avec la nouvelle posture de la Syrie. Le sort de la lettre à Ahmad al-Sharaa et sa réponse sont inconnus.
      Campagne de décapitation : arrestations, confiscations et règlements

      Il s’en est suivi une décapitation systématique de la structure des factions palestiniennes en Syrie.

      Début février, le secrétaire général du Fatah al-Intifada, Abou Hazem Ziad al Saghir, a été arrêté à son domicile. Après des heures d’interrogatoire et une descente dans son bureau – où des documents l’auraient relié au Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran (#CGRI) – il a été relâché.

      Une semaine plus tard, il a été de nouveau arrêté et séquestré dans un nouveau lieu de détention situé derrière le stade des Abbassides. Un règlement financier a été conclu : 500 000 $ en échange de sa libération et de son expulsion vers le Liban. À la demande du comité, le Comité central du mouvement a publié une déclaration mettant fin aux fonctions de Saghir et le renvoyant du mouvement. Cependant, Saghir publia une contre-déclaration depuis le Liban, transférant le secrétariat général du mouvement là-bas et renvoyant ceux qui avaient pris la décision de le destituer.

      La faction baasiste palestinienne, Al-Sa’iqa, n’a pas été mieux lotie. Son secrétaire général, Muhammad Qais, a été interrogé et dépouillé des biens du groupe. Bien qu’il n’ait pas commandé pendant la bataille de Yarmouk et qu’il ait donc échappé à une punition plus sévère, le HTS a ordonné la suppression du terme « Baas » de tous les documents officiels. Une déclaration a rapidement été publiée dans les territoires occupés, dénonçant Qais comme un « vestige du régime », ce qui laisse supposer une scission interne croissante.

      HTS a également sévèrement réprimé le FPLP-CG, dont le secrétaire général, Talal Naji, a été placé en résidence surveillée et interrogé à plusieurs reprises. Tous les bureaux, les véhicules et les armes du groupe ont été confisqués, leur siège fermé et ses membres battus et humiliés. Leur station de radio, Al-Quds Radio, a été saisie, et leur hôpital Umayyah serait le prochain sur la liste.

      Le « Front Nidal » – une faction dissidente du Front de lutte populaire palestinien (FLPP), un groupe de gauche au sein de l’OLP – a été la plus controversée de ses transactions. Au début des événements, Khaled Mechaal a été en mesure de servir de médiateur pour le secrétaire général du Front, Khaled Abdul Majeed, et de le protéger, lui et son organisation. Cependant, en février, Abdul Majeed s’est enfui aux Émirats arabes unis.

      Sa résidence personnelle et ses véhicules – qui appartiendraient à des particuliers – ont été saisis, ainsi que 50 millions de livres syriennes (moins de 5 000 dollars) d’actifs. Forcé de démissionner par HTS, il a remis l’autorité à un comité central opérant à partir de Damas et de Beyrouth.

      Le FDLP (Front démocratique pour la libération de la Palestine) a jusqu’à présent échappé au poids de ces purges, et ses bureaux et ses véhicules n’ont pas été touchés par la nouvelle administration , peut-être parce qu’elle n’avait aucun lien avec l’Iran ou le Hezbollah. Le bureau principal du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP – différent du FPLP-CG) dans le quartier de Taliani à Damas reste ouvert mais inactif, tandis que le reste de ses bureaux ont été fermés.

      À l’heure actuelle, le JIP, dont les combattants sont en première ligne à Gaza pour combattre Israël depuis le 7 octobre 2023, reste dans ses bureaux syriens. Le représentant de la faction n’a pas été convoqué pour être interrogé, bien qu’Israël ait bombardé un appartement utilisé par le secrétaire général du groupe, Ziad al-Nakhala.

      Cependant, des figures clés de l’armée du JIP se sont réinstallées à Bagdad la nuit où Damas est tombée aux mains d’ HTS. Leurs activités à l’intérieur de la Syrie semblent s’être réduites en grande partie à l’organisation de funérailles pour les soldats tués au combat dans le sud du Liban, bien qu’exclusivement à l’intérieur des camps de réfugiés palestiniens.

      Le camp de Yarmouk, à Damas, avait déjà été le théâtre d’une série de manifestations au cours des premiers jours de février, notamment des rassemblements exigeant la fermeture des sièges des organisations pro-régime et l’obligation de rendre des comptes aux personnes impliquées dans l’arrestation et le meurtre des résidents du camp. Les événements ont dégénéré en une tentative d’incendie du quartier général des Brigades Qods du JIP, des jeunes et des enfants lançant des pétards sur le bâtiment. Entre-temps, une manifestation a éclaté pour protester contre la décision de rouvrir les bureaux des brigades Al-Sa’iqa dans le camp d’Al-A’edin.
      Front 2 : Les camps de réfugiés palestiniens en Syrie

      La répression contre les groupes politiques a créé un vide de leadership dans les camps palestiniens de Syrie. Les conditions de vie, déjà désastreuses, se sont encore détériorées. Début février, des manifestations ont éclaté dans plusieurs camps contre les attaques brutales d’Israël contre le camp de Jénine en Cisjordanie occupée, à la suite de la visite de la délégation de l’AP et de la reconnaissance officielle de l’autorité de Ramallah par le gouvernement syrien. Beaucoup craignaient que ce changement n’accélère les plans de réinstallation permanente des réfugiés. Dans le même temps, les habitants disent qu’ils ont été contraints de participer à des rassemblements publics en soutien à la présidence autoproclamée d’Ahmad al-Sharaa.

      Le 24 février, le Comité de développement communautaire de Deraa a commencé à collecter des données personnelles détaillées auprès des résidents du camp sous prétexte d’améliorer les prestations de services. Un recensement similaire a été lancé quelques jours plus tôt à Jaramana, mais l’objectif et les bailleurs de fonds de ces efforts restent flous.

      C’est dans ce vide qu’est entré le Hamas. Par l’intermédiaire d’organisations affiliées comme l’Autorité de développement de la Palestine, le Hamas a commencé à distribuer de la nourriture et de l’aide financière, souvent par l’intermédiaire d’agents intégrés à HTS. Cet effort est intervenu alors que les services autrefois offerts par le JIP – y compris le transport, les cuisines collectives et le soutien médical – ont été interrompus. Même le siège de l’Association d’amitié palestino-iranienne à Yarmouk a été repris et réaffecté par des éléments d’HTS.

      D’autres acteurs, tels que la Fondation Jafra et la Croix-Rouge palestinienne, continuent d’opérer malgré des contraintes importantes. Leurs efforts ont été insuffisants pour répondre à la demande, d’autant plus que l’économie locale continue de s’effondrer. La plupart des réfugiés dépendent d’un travail informel et, avec la paralysie d’une grande partie de l’économie, la survie quotidienne est devenue précaire.

      Une proposition de règlement, transmise par le biais de la médiation turque, est particulièrement préoccupante. Il offrirait aux Palestiniens en Syrie trois options : la naturalisation syrienne, l’intégration dans une nouvelle « communauté » affiliée à l’AP sous la supervision de l’ambassade, ou la classification consulaire avec renouvellement annuel de la résidence. La quatrième option implicite est le déplacement, à l’image de ce qui est arrivé aux Palestiniens en Irak après l’invasion américaine.
      Front 3 : L’#UNRWA, mis à l’écart et miné

      Bien que les nouvelles autorités syriennes n’aient pas ouvertement pris pour cible l’UNRWA, leur manque de coopération en dit long. L’UNRWA ne semble plus être considérée comme la principale institution responsable des affaires palestiniennes en Syrie.

      Dans le camp de Khan Eshieh, un comité local travaillant avec la nouvelle administration a demandé au gouvernorat de Damas de préparer un plan municipal pour réhabiliter l’infrastructure du camp. L’implication est claire : les autorités syriennes se préparent à reprendre la gestion du camp de l’UNRWA, sur le modèle jordanien.

      Pendant ce temps, le ministère de l’Immigration et des Passeports a recommencé à délivrer des documents de voyage aux réfugiés palestiniens en janvier, une décision bureaucratique qui a révélé l’intention du nouveau gouvernement de réaffirmer son contrôle. À peu près au même moment, l’Association des réfugiés arabes palestiniens à Damas a suspendu ses activités à la suite d’un cambriolage qui aurait perturbé le paiement des pensions des réfugiés retraités.

      Malgré des ressources limitées, le Hamas et le JIP restent un sujet de préoccupation pour l’État occupant. Un récent rapport du Yedioth Ahronoth a affirmé que les deux groupes tentent de reconstruire une capacité militaire en Syrie, avec l’intention de cibler les colonies près du plateau du #Golan occupé et du nord de la #Galilée. Bien que le rapport n’ait reconnu aucun mouvement de troupes confirmé au sud de Damas, il a averti que la planification opérationnelle est en cours.

      Un examen attentif du comportement de Ahmad al-Sharaa et du nouveau régime de Damas ne révèle aucune dissolution apparente des activités de ces deux organisations, comme le prétendent les Israéliens. Il ne s’agit que de mesures temporaires en attendant un « grand accord » avec les Américains, dont l’une des dispositions sera le statut officiel et populaire des Palestiniens. A moins que le pays ne sombre dans le chaos, l’un des résultats attendus sera une intervention militaire terrestre israélienne claire sous le prétexte d’éloigner les Palestiniens de la frontière.

      Source : The Cradle

      #Moyen-Orient #Palestine #Gaza

    • Débat dans POL/N sur les tensions entre les nouvelles mesures de sécurité, la lutte contre le terrorisme... et les libertés individuelles. Avec cette question : à quel point sommes-nous entrés dans l’ère de l’ultra surveillance numérique ?

      Mes invités :

      Maître Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris et près la Cour pénale internationale, avocat de la FIDH, la LDH, RSF, MSF, Notre Affaire à Tous… Membre de l’association Les Jurisnautes, et auteur de plusieurs articles sur le sujet de notre débat.
      Fabrice Epelboin, un des pionniers dans la pensée du numérique en tant qu’objet politique et transformateur de la société. Entrepreneur, innovateur, enseignant, expert en cybersécurité… Il est un défenseur actif – pour ne pas dire un activiste - des libertés numériques, de la neutralité du net, des Creative Commons, de l’eDemocratie… Pour lui, La Tech est un « Combat de Sociétés », pour reprendre la baseline de son podcast « Les Éclaireurs du Numérique ».

      Sommaire :
      01:35 sous surveillance numérique de l’État ?
      04:13 l’opinion publique réclamera plus de sécurité
      05:26 s’il y a des atteintes à la liberté, il faut qu’elles soient proportionnées
      05:43 vers une surveillance panoptique
      06:51 les gens disaient "je n’ai rien à cacher"
      07:32 des garanties juridiques ?
      09:20 loi narcotrafic et menace sur le chiffrement
      11:17 société paranoïaque
      14:05 l’AI Act
      16:02 les dispositifs juridiques ont le mérite d’exister
      16:56 est-ce qu’on va vers une généralisation des abus ?
      17:49 Insécurité vs Sentiment d’insécurité
      19:08 l’affaire Telegram
      22:04 une affaire emblématique
      25:47 la recevabilité des preuves
      26:24 ça c’est l’Etat de droit positif
      27:58 décrépitude démocratique
      29:54 Moi, je suis optimiste

  • Nicholas Noe sur X : https://x.com/NoeNicholas/status/1932734150873882849

    A longstanding blindspot among “sovereignists” is now gaping with the “New Israel”: no matter how submissive/passive Lebanon becomes, Israel is increasingly likely to harm the state as per its ever more extreme interests;& there are no restraints for this among “friendly” states.

    Un angle mort de longue date parmi les « #souverainistes » est désormais béant avec le « Nouvel Israël » : peu importe à quel point le #Liban devient soumis/passif, Israël est de plus en plus susceptible de nuire à l’État en fonction de ses intérêts toujours plus extrêmes ; et il n’y a aucune restriction à cela parmi les États « amis ».

    Mais assister à la défaite du Hezbollah ne vaut-il pas toutes les #souverainetés du monde ?

    #déni

  • Digitaliseringsminister vil mindske brug #Microsoft i eget ministerium | Nordjyske.dk
    https://nordjyske.dk/nyheder/politik/digitaliseringsminister-vil-udfase-microsoft-i-sit-eget-ministerium/5616096

    Fra næste måned har digitaliseringsminister Caroline Stage (M) planer om at mindske brugen af Microsoft og techgigantens programmer.

    Planen er, at halvdelen af medarbejderne i ministeriet hen over sommeren skal benytte et andet tekstprogram end Office-pakken fra Windows, som Microsoft står bag.

    Det siger Caroline Stage til Politiken.

    – Jeg vil gerne selv gå forrest og prøve det af. Da muligheden bød sig, ville det da være helt skørt ikke at gribe chancen. Jeg glæder mig meget til at se, hvordan det fungerer i praksis, siger digitaliseringsministeren.

    I stedet skal de ansatte i ministeriet benytte styreprogrammet Libre Office.

    Microsoft står bag velkendte computerprogrammer som Word, Excel, Teams og PowerPoint.

    Ou aussi :

    Le ministre de la numérisation veut réduire l’utilisation de Microsoft dans son propre ministère | Nordjyske.dk
    https://nordjyske.dk/nyheder/politik/digitaliseringsminister-vil-udfase-microsoft-i-sit-eget-ministerium/5616096

    À partir du mois prochain, la ministre de la Numérisation Caroline Stage (M) prévoit de réduire l’utilisation des programmes de Microsoft et du géant de la technologie.

    Il est prévu qu’au cours de l’été, la moitié des employés du ministère utilisent un programme de texte autre que la suite #Windows #Office de Microsoft.

    Caroline Stage déclare à Politiken.

    – J’aimerais prendre les devants et essayer moi-même. Quand l’occasion se présente, il serait fou de ne pas la saisir. Je suis impatiente de voir comment cela fonctionne dans la pratique », déclare la ministre de la numérisation.

    En lieu et place, les employés du ministère utiliseront le programme de gestion #LibreOffice.

    Microsoft est à l’origine de programmes informatiques bien connus tels que Word, Excel, Teams et PowerPoint.

    Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

  • Faux indépendants : #Deliveroo fait face à une pluie de #condamnations

    Plusieurs dizaines de décisions rendues récemment par la cour d’appel et les prud’hommes confirment que la plateforme de livraison aurait dû faire travailler les #livreurs en tant que #salariés, et non comme #autoentrepreneurs. L’entreprise assure que son modèle actuel est désormais légal.

    Année après année, et quel que soit le type de juridiction, la justice française dresse le même constat : la plateforme de livraison de repas Deliveroo aurait dû traiter comme des salarié·es les livreurs et livreuses qui, pendant des années, ont apporté leurs repas et leurs courses aux consommateurs et consommatrices.

    En les obligeant à exercer en tant qu’autoentrepreneurs alors qu’elle les maintenait dans une situation de #subordination, l’entreprise leur a fait porter le coût des #cotisations_sociales qu’elle aurait dû verser à l’Urssaf et les a privé·es des avantages liés à un #contrat_de_travail : paiement des heures supplémentaires, congés payés, droit au chômage, meilleure couverture sociale.

    Le 28 mai, la cour d’appel de Paris a rendu vingt-deux décisions donnant tort à Deliveroo et requalifiant en contrats de #travail les contrats liant l’entreprise à autant de livreurs ou livreuses. En première instance, l’entreprise avait été victorieuse dans plusieurs de ces dossiers. Neuf autres décisions, qui iront sans doute dans le même sens, sont attendues pour le mois de juillet.

    Interrogée par Mediapart, la société Deliveroo n’a pas indiqué qu’elle se pourvoirait en cassation, ces condamnations sont donc définitives. Tout comme vingt-quatre jugements prud’homaux de première instance, rendus en janvier dernier : Deliveroo avait fait appel des décisions, mais a renoncé à rendre ses conclusions à temps, laissant la procédure s’éteindre d’elle-même. Dans l’un de ces derniers dossiers, un livreur avait été licencié pour avoir fait grève, un droit pourtant à valeur constitutionnelle.

    La situation est embarrassante pour l’entreprise, dont la revente à #DoorDash, géant américain de la #livraison de repas, est en passe d’être finalisée, pour 3,4 milliards d’euros. En parallèle, une autre chambre de la cour d’appel a donné raison à quatre livreurs ayant travaillé pour #Foodora, une autre entreprise de livraison qui a quitté la France en 2018 et qui sera jugée au pénal courant 2026.

    L’avocat Kevin Mention, à la manœuvre dans tous ces dossiers, savoure en revanche le moment. « Ces décisions nous permettent d’affirmer que 100 % de nos recours sont favorables aux #coursiers après correction des quelques jugements de première instance, rendus par des juges non professionnels », se réjouit celui qui est un opposant historique à l’ubérisation des livreurs et coursiers.

    Il y a trois ans, le 22 avril 2022, Deliveroo avait été condamnée au pénal à 375 000 euros d’#amende pour les même faits : « le détournement planifié et généralisé » du #statut_d’indépendant entre 2015 et 2017, à une époque où l’entreprise s’installait en France et faisait donc travailler peu de monde – un peu plus de 2 000 personnes, contre au moins 60 000 aujourd’hui.

    En septembre 2022, trois des anciens dirigeants de l’entreprise ont vu leur #condamnation à des amendes confirmées en deuxième instance, tandis que leurs peines de prison ont été annulées. Deliveroo avait, elle, renoncé à faire appel.

    Volonté d’échapper aux cotisations

    Les jugements d’appel rendus fin mai concernent cette fois des dossiers individuels. « La cour d’appel a fait un travail énorme, en citant explicitement dans chaque cas plusieurs pièces issues des dossiers, là où des affirmations plus générales auraient été suffisantes, souligne Kevin Mention. J’y vois une volonté de montrer qu’elle accorde une importance à ces dossiers et que tout a été analysé avec précision. »

    Au fil des décisions, les juges ont pointé un à un les nombreux critères montrant que les livreurs n’étaient pas de vrais #travailleurs_indépendants.

    « Le livreur ne fixe pas librement ses tarifs, ne se constitue aucune clientèle propre, n’organise pas son travail, est contrôlé et est sanctionné dans le choix de ses horaires. Il est en outre soumis à une régularité de travail, sans qu’aucun élément ne permette d’établir qu’il choisisse lui-même ses horaires de connexion », écrivent-ils par exemple.

    « Les éléments relevés dénotent la direction et le contrôle exercés sur les livreurs qui font de ces derniers des #salariés », soulignent-ils ailleurs. Et ils rappellent les conséquences financières de cette stratégie, maintenue année après année : « L’évolution des contrats de prestations au fil des années alors que le fonctionnement de la société est resté le même établit la volonté de la société Deliveroo d’échapper au paiement des cotisations pour les livreurs qui étaient sous la subordination juridique de l’entreprise. »

    L’entreprise est donc tenue de payer elle-même les dizaines de milliers d’euros de cotisations sociales qu’elle s’était épargné de régler jusque-là. Quant aux livreurs et livreuses, ils et elles obtiennent chacun·e des dizaines de milliers d’euros – avec un record à presque 130 000 euros – sous forme de rattrapage d’heures supplémentaires non payées, de congés payés, de préavis de licenciement et d’indemnités diverses.

    « C’est une forme de #reconnaissance. J’ai été victimisée pendant des années, et là, la justice reconnaît notre souffrance », souffle Marie*, une intermittente du spectacle qui, la soixantaine passée, a enfourché son vélo en région parisienne de 2017 à 2021 « pour gagner des clopinettes ». Pendant plusieurs mois, elle a travaillé plus de quatre-vingts heures par semaine, « juste pour gagner le Smic », pleinement consciente de vivre « un #cauchemar ». Un mot qui revient avec insistance dans son témoignage.

    « Vous devenez une #esclave pour 30 euros par jour, vous entrez dans un #engrenage où vous bossez tout le temps, la nuit, le week-end. Tout en sachant que la manière dont l’entreprise vous fait travailler est illégale, témoigne-t-elle. Ils voulaient que je sois autoentrepreneuse pour ne pas payer de charges, mais ils me maintenaient en même temps dans une forme de #dépendance vis-à-vis d’eux. Ils voulaient gagner sur tous les tableaux. »

    Marie avait été déboutée aux prud’hommes, mais a gagné en appel, « très contente qu’ils se fassent démolir par la justice ». Plus flegmatique, Marc* est dans la même situation. Lui travaillait à scooter dans le Sud-Ouest, entre 2017 et 2021. « Le soir où ils ont supprimé mon compte de livreur, soi-disant parce que j’avais fait des doubles courses pour Deliveroo et Uber en même temps, j’ai écrit à Me Mention, dont j’avais repéré les messages dans les groupes de messageries de livreurs, raconte-t-il. J’étais confiant, la condamnation de l’entreprise est amplement méritée. »

    L’administration a validé le modèle actuel de Deliveroo

    Si elle ne s’étend pas sur les décisions de justice, Deliveroo insiste sur le fait que « les livreurs concernés par cette décision opéraient, pour l’essentiel, via un contrat historique », ancien. Depuis, assure la société, « le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants ».

    Cette question est au cœur du débat. Pour la plateforme de livraison, les raisons pour lesquelles elle a été condamnée pour ses pratiques de 2016 et 2017 ont disparu, et il n’existe plus de lien de subordination, et donc de contrat de travail entre elle et les livreurs et livreuses. Depuis 2020, elle a notamment supprimé les plannings et les différentes catégories de livreurs et livreuses qui pouvaient s’y inscrire en priorité ou non.

    Les sanctions en cas de refus de course ou de retards ont aussi officiellement disparu, tout comme les instructions directes pendant une course. C’est d’ailleurs ce qu’attestent des constats d’huissiers, établis en 2023, qu’elle a présentés dans les dossiers jugés par la cour d’appel – ils n’ont pas été pris en compte puisqu’ils concernent une époque postérieure aux faits qui étaient jugés.

    Mais l’avocat Kevin Mention prend ces affirmations avec circonspection. « Les jugements que nous avons obtenus concernent des faits qui se sont déroulés bien après ceux qui ont été jugés au pénal, et qui concernaient les débuts de l’entreprise jusqu’en 2017, rappelle-t-il. Nous parlons de coursiers qui ont commencé à travailler en 2018 ou 2019, et ils disposent de nombreux éléments montrant qu’au fond, les pratiques de Deliveroo n’ont pas changé. Les contrôles sur la vitesse et le parcours perdurent, par exemple. »

    Sur ce point, Deliveroo est ferme et met en avant un soutien de poids : « L’administration a reconnu que le modèle actuel de Deliveroo proposait bien un véritable #travail_indépendant, ce dont nous nous réjouissons », déclare la plateforme. Selon nos informations, elle a en effet obtenu que l’#Urssaf donne officiellement son accord concernant son modèle actuel, comme elle l’a affirmé à plusieurs reprises lors de diverses audiences.

    Cette prise de position de l’Urssaf est un revirement spectaculaire. C’est en effet cette administration qui avait lancé la procédure ayant finalement abouti au procès pénal de 2022. Et comme Mediapart l’avait raconté, elle avait aussi adressé au parquet de Paris un signalement pour la période postérieure. Elle avait aussi envoyé à l’entreprise une très lourde demande de redressement d’au moins 100 millions d’euros, visant à lui faire payer les cotisations sociales pour les dizaines de milliers de livreurs et livreuses dont elle estimait à l’époque qu’ils et elles auraient dû être salarié·es.

    Une menace existentielle pour Deliveroo, qui avait entamé avec l’Urssaf des négociations sous haute tension, embauchant comme avocat le maire de Meaux et ancien ministre Jean-François Copé et nommant une administratrice judiciaire pour mener les discussions en toute confidentialité.

    L’entreprise a désormais clos ce chapitre et envisage l’avenir de manière bien plus sereine. Elle se prépare tout de même à affronter d’autres épisodes judiciaires : d’ici l’automne prochain, une centaine de décisions concernant des livreurs et livreuses auront été rendues par les prud’hommes et la cour d’appel. Et surtout, Kevin Mention prépare le dépôt d’une #plainte pénale sur les pratiques de Deliveroo pour la période post-2017. Il annonce avoir réuni plus de cent ex-forçats des livraisons, prêts à unir leurs forces contre la plateforme.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/090625/faux-independants-deliveroo-fait-face-une-pluie-de-condamnations
    #ubérisation #justice #droit_du_travail #exploitation

  • #Droit_de_l’environnement : entre espoirs et reculs

    Alors que le débat autour de l’autorisation du chantier de l’A69 bat son plein, des chercheuses expliquent en quoi le droit de l’environnement motive de plus en plus d’actions citoyennes en justice et comment il peut constituer l’une des réponses à l’urgence écologique.

    L’A69 verra-t-elle le jour ? On ne sait pas encore comment se terminera ce feuilleton juridico-politique autour du projet d’autoroute de 50 km destiné à relier Toulouse à Castres. Il illustre en tout cas la difficulté du droit de l’environnement, pourtant en plein essor, à s’imposer.

    Le 27 février 2025, sept ans après la déclaration d’utilité publique, le tribunal administratif de Toulouse (à la demande des associations de défense de l’environnement qui dénonçaient la destruction illégale de 169 espèces protégées animales et végétales) a ordonné l’arrêt immédiat des travaux de l’A691. Le tribunal a jugé infondée « la raison impérative d’intérêt public majeur » ayant motivé une autorisation préfectorale de déroger au droit de l’environnement, alors même que le juge des référés avait à plusieurs reprises rejeté la demande de suspension des travaux en cours.

    Saluée comme « historique » par les défenseurs de l’environnement, la victoire des opposants à l’A69 devait marquer un tournant. Mais, le 24 mars, le ministre en charge des Transports, Philippe Tabarot, soutenu par une large partie des élus des départements concernés, faisait appel de la décision. Et, le 3 juin, la cour administrative de Toulouse autorisait la reprise du chantier2… en attendant que le Conseil d’État donne son avis, en 2026 !

    Sans se soucier de ce calendrier judiciaire, une proposition de loi dite « de validation3 » a été déposée à l’initiative de Jean Terlier, député Ensemble pour la République du Tarn, qui reviendrait à légaliser de fait cette autoroute…

    Le débat autour de l’A69 est un exemple parmi d’autres. Car il ne se passe plus un mois sans qu’un nouveau contentieux en justice lié à la dégradation accélérée de l’environnement ne surgisse dans l’actualité – internationale ou locale.
    L’espoir d’une jurisprudence

    En mars 2025 encore, tandis que les associations Bloom et Foodwatch assignaient le groupe Carrefour devant le tribunal de Paris pour « manquement au devoir de vigilance » dans sa filière thonière4, s’est ouvert en Allemagne le procès intenté par un agriculteur péruvien, soutenu par l’ONG Germanwatch, à l’un des plus gros producteurs d’énergie du pays, RWE. Le conglomérat, pourtant, n’opère pas au Pérou. Mais il compte parmi les plus gros émetteurs européens de gaz à effet de serre (GES). Saúl Luciano Lliuya lui réclame 17 000 €, soit 0,47 % (la contribution de RWE aux émissions mondiales de GES) du coût des aménagements nécessaires pour préserver sa maison, et des dizaines de milliers d’euros en plus pour les conséquences de la fonte des glaciers andins.

    Au bout de 10 ans et après enquête sur place, un tribunal allemand a certes rejeté la demande du paysan péruvien, mais, dans le même temps, a reconnu la responsabilité civile des entreprises pour des dommages climatiques résultant de leurs émissions passées de gaz à effet de serre, quel que soit le lieu de leur survenance. Les émetteurs de GES pourraient être obligés de prendre des mesures pour prévenir les dégradations et, en cas de refus, être condamnés à les réparer proportionnellement à leur part dans les émissions.

    Cette décision fera sans doute jurisprudence, ouvrant la voie à cette justice climatique mondiale que les ONG et les pays du Sud réclament aux entreprises, mais aussi aux États les plus riches et les plus polluants.
    De la marginalité à la maturité

    Discipline en plein essor que les jeunes générations sont de plus en plus nombreuses à vouloir étudier, le droit de l’environnement, seul, s’est jusqu’à présent révélé assez impuissant à enrayer la dégradation accélérée de la nature. Même s’il se diffuse au sein d’autres branches du droit (tel le droit commercial), il doit composer avec les intérêts protégés par ces dernières, dont les activités sont largement susceptibles de porter atteinte à l’environnement.

    Chercheuse en droit international de l’environnement et du climat, Marion Lemoine-Schonne5 reconnaît que son efficacité demeure donc en deçà des urgences. Elle ne l’estime pas moins fondamental : « D’abord, sans le droit international de l’environnement, la situation serait encore pire. Il joue un rôle référentiel et incitatif très important pour les décideurs. Ensuite, la force du droit, c’est de dire ce qui doit être. Quand bien même il est insuffisamment respecté, cela ne grève en rien son effet levier sur les plans sociopolitiques. » Selon elle, la multiplication des contentieux, de plus en plus souvent tranchés en faveur des défenseurs de la nature, fait fonction d’« accélérateur » d’un droit de l’environnement passé depuis les années 1980 « de la marginalité à la maturité ».

    Comme la chercheuse l’a résumé dans un livre collectif6, les premiers textes destinés à protéger la santé humaine des effets de la pollution sont adoptés au XIXe siècle. Le droit de l’environnement se construit d’abord à l’échelle internationale, avec les premières conventions multinationales de protection de grands espaces naturels, dans les années 1930, puis les accords multilatéraux cherchant deux décennies plus tard à prévenir les ravages dus à l’intensification de l’activité industrielle.

    En 1972, la déclaration onusienne de Stockholm7 fait de l’environnement une priorité mondiale indissociable des droits humains, à penser en articulation avec le développement économique et le bien-être des populations. Elle pose ainsi les fondations du droit de l’environnement. Vingt ans plus tard, lors du sommet de Rio, en 1992, la prise de conscience des changements globaux qui menacent directement la survie de l’humanité débouche sur trois conventions-cadres8 majeures concernant les changements climatiques, la désertification et la biodiversité.
    Obliger les États à coopérer

    « Depuis, précise Marion Lemoine-Schonne, le droit de l’environnement se construit tous azimuts, en lien étroit avec les évolutions des connaissances scientifiques. Nous savons que les processus de dégradation sont profondément connectés et interdépendants (climat, biodiversité, océans, pollution chimique, etc.) et qu’il est vain de lutter en silo contre les sources de pollution. Au nombre de neuf, les ”limites planétaires“ à ne pas dépasser sans compromettre gravement la stabilité de la biosphère9 sont désormais intégrées dans le droit de l’environnement. Les États sont obligés de les prendre en compte. Et cela permet à un nombre croissant de citoyens de saisir la justice sur une grande diversité de sujets. »

    En outre, le débat sur la reconnaissance de certains droits aux éléments naturels (rivières, forêts ou sols) a vu émerger dans un petit nombre de pays un véritable droit de la nature, qui reste marginal, mais n’en influence pas moins tout le champ juridique.
    La justice européenne à l’œuvre

    Une vitalité attestée aussi par Alexandra Langlais10 et Magali Dreyfus11, chercheuses au CNRS, spécialistes respectivement des droits européen et français. Ces derniers temps, à l’échelle de l’Europe, précise Alexandra Langlais, c’est plutôt devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) que ces plaintes citoyennes sont déposées, au nom notamment du « droit à la vie ». Ont ainsi eu gain de cause, en janvier 2025, des habitants des environs de Naples qui dénonçaient l’inaction de l’État italien face à la multiplication des cancers causés par les dépôts mafieux de déchets toxiques, et qui avaient été déboutés par toutes les juridictions de leur pays12.

    Alexandra Langlais cite également une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui a pris de court différents États membres, dont la France, en annulant une dérogation qu’ils tenaient pour acquise autorisant l’usage en plein champ de produits néonicotinoïdes. « Alors que la Commission avait elle-même laissé passer ces manquements répétés à son propre règlement d’exécution, la décision de la CJUE est venue rappeler que le droit européen prime sur celui des États membres », commente la juriste.

    En France aussi, la réglementation environnementale, largement issue du droit européen, n’a cessé de s’étoffer pour pénétrer d’autres branches du droit, et notamment celui de l’aménagement et de l’urbanisme. « Les acteurs publics ou privés ne peuvent plus ignorer son existence, précise Magali Dreyfus. Tenter de passer outre comporte un réel risque financier, comme l’atteste la réaction des acteurs économiques à la suite de l’arrêt du chantier de l’A69. De même, quand le Conseil d’État ou une autre juridiction rend un arrêt, le gouvernement doit s’y conformer. Mais le rapport de force global continue de favoriser l’économie au détriment de l’environnement. D’autant plus qu’aller en justice exige des ressources importantes. »
    Le contre-pouvoir des juges

    Les actions en justice intentées contre des États ou de grands groupes privés en raison de l’insuffisance de leur effort contre le changement climatique dans le respect de l’Accord de Paris sont en constante augmentation. Et sont les plus emblématiques de l’évolution du droit de l’environnement, estiment les trois chercheuses. On ne compte plus le nombre de contentieux devant des juridictions nationales ou internationales.

    Par exemple, en France, à la suite d’une requête de la commune de Grande-Synthe (Nord), le Conseil d’État (la plus haute juridiction administrative) a enjoint en 2024 au gouvernement de prendre toutes les mesures permettant d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre13. En 2021, L’Affaire du siècle, une coalition d’ONG14, voit reconnaître la « responsabilité pour carence fautive de l’État français du fait du non-respect de la trajectoire de lutte contre le changement climatique qu’il s’était fixé »15. Considérant que la condamnation n’a pas été exécutée, elle relance même une action fin 2024.

    Autre jurisprudence, celle rendue par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à la suite d’une plainte de l’association suisse Aînées pour la protection du climat. Parce que les conséquences du réchauffement touchent davantage les personnes âgées, en particulier les femmes, la requête introduite porte sur le fait que la Suisse ne remplit pas son devoir de protection qui découle du « droit à la vie » et du « droit au respect de la vie privée et familiale ». En avril 2024, la CEDH a reconnu la responsabilité particulière de la Suisse dans l’aggravation du préjudice causé aux membres de cette association en matière de droits humains et a rappelé le « droit à un environnement sain »16.
    « On ouvre des brèches »

    « Parfois, on perd pour des questions de procédure, mais le fait que le procès ait lieu constitue déjà une forme de victoire, commente Alexandra Langlais. Notamment parce qu’on ouvre des brèches pour ceux qui suivront, et qui connaîtront les failles à éviter, les ouvertures possibles. »

    Dans un récent rapport17, le Grantham Institute on Climate Change and the Environment, à Londres, qui recense plus de 200 contentieux climatiques à travers le monde pour la seule année 2023, prévoyait que les « grands-mères suisses » ouvriraient la voie à de nouveaux litiges. Avec raison, puisqu’en avril 2025, 14 citoyens français, soutenus par 3 ONG, ont demandé à l’État français de renforcer sa politique d’adaptation au changement climatique.

    « En estimant que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme s’applique au climat et que les citoyens sont donc en droit d’agir en justice, les juges européens ont franchi un pas très important, analyse Marion Lemoine-Schonne. Très attendu, l’avis que la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, saisie par la Colombie pour statuer sur l’effet irréversible et systémique du changement climatique quant au devenir de l’espèce humaine comme espèce vivant parmi les autres espèces, peut aussi à l’avenir influencer fortement le droit. »
    Dialogue entre juges

    Surtout, rappelle Marion Lemoine-Schonne, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye doit rendre courant 2025 un avis consultatif précisant le contenu des obligations juridiques internationales étatiques en matière de protection climatique et les sanctions que peuvent encourir les États.

    De façon générale, conclut-elle, « on constate un dialogue entre juges des différents pays, mais aussi une influence certaine entre les juges internationaux, européens et nationaux, notamment parce qu’ils se fondent tous sur les mêmes documents scientifiques, comme les rapports du Giec et l’Accord de Paris. Les États-Unis ont été les premiers à montrer le recours démocratique qu’offrait le recours en justice. Aujourd’hui, les juges européens sont devenus des contre-pouvoirs prépondérants pour rappeler les États à leurs obligations. Le droit international garde une portée limitée, puisqu’il est négocié et mis en œuvre par les États eux-mêmes – et donc conditionné à leur volonté. Le contexte politique américain, entre autres, constitue un cas d’école en termes de dérégulation climatique. »

    Magali Dreyfus, elle, pointe une autre limite : « Toute victoire arrive toujours un peu trop tard, puisque le mal est déjà fait. L’A69 constitue un cas exemplaire, la décision étant intervenue alors que les destructions d’habitats, d’arbres et de terres agricoles étaient déjà accomplies, et les GES pour la construction, émis. »
    Les États-Unis se retirent à nouveau de l’Accord de Paris

    Comme promis, le président Trump a engagé pour la deuxième fois le retrait américain de l’Accord de Paris sur le climat, conclu en 2015. Peu après, Lee Zeldin, représentant de New York climatosceptique nommé à la tête de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), annonçait l’abrogation imminente des « entraves » limitant la croissance économique, à commencer par des mesures destinées à réduire drastiquement les émissions de CO2.

    Il est néanmoins trop tôt pour préjuger des conséquences à long terme des coups de force et intimidations de la nouvelle administration, estime Marion Lemoine-Schonne, car « l’édifice du droit du climat, qui avait déjà bien résisté au premier retrait américain de l’Accord de Paris, n’a cessé de se solidifier depuis ».

    Ce nouveau retrait entraîne par exemple l’arrêt de toutes les subventions états-uniennes aux instances des Nations unies œuvrant pour l’environnement – soit un quart de budget en moins pour le climat, concède la chercheuse. « Mais il n’y aura pas forcément d’effet d’entraînement sur les autres États. L’Accord de Paris, qu’on dénonçait comme peu contraignant, a tenu bon autour d’une logique de progressivité des engagements. On peut imaginer que les tensions géopolitiques actuelles conduisent certains États, comme les grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Mexique, à réaffirmer leurs engagements climatiques pour renforcer leur position dans d’autres enceintes diplomatiques. »
    « Vents politiques contraires »

    Certes, l’objectif le plus ambitieux de l’Accord, celui de maintenir l’augmentation globale de la température terrestre au-dessous de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, a d’ores et déjà été dépassé. Mais, affirme la chercheuse, la « « flexibilité » du texte lui permet pour l’instant de résister aux chocs. Reste que des « vents politiques contraires » soufflent aussi en Europe. Et, comme ses consœurs, Marion Lemoine-Schonne reconnaît que « la menace de détricoter ce que l’on pouvait croire acquis n’a jamais été aussi forte ».

    Ce « détricotage » a largement débuté pour le Pacte vert européen, le plan présenté en 2019 par la Commission européenne pour décarboner l’économie de l’Union européenne d’ici à 2050, déplore Alexandra Langlais : « Il s’agissait d’une avancée extraordinaire. Outre cette promesse de neutralité carbone, le plan englobait les enjeux de pollution et de biodiversité, dans une perspective de transition équitable qui devait se traduire rapidement dans des textes juridiques. Et c’est là que ça a déraillé. »

    Par exemple, détaille-t-elle, un projet de règlement européen sur l’utilisation durable des pesticides est devenu encore moins contraignant que la directive européenne préexistante. Les députés qui le soutenaient ont dû ainsi se résigner à voter contre, fin 2023. « Quant au règlement européen censé mettre en place un système d’alimentation durable, il n’a même pas vu le jour… »
    Reculs en série sur la Politique agricole commune

    Cet affaiblissement du Pacte vert, conséquence aussi de la colère des agriculteurs qui a secoué l’Europe entre 2022 et 2024, inverse une tendance de fond, poursuit la chercheuse : « Depuis que la Politique agricole commune (Pac) a été adoptée, en 1962, cette politique s’est construite en prenant de plus en plus en compte la nécessité de préserver l’environnement. C’est la première fois qu’elle recule, et c’est complètement fou quand on connaît le prix à payer – y compris pour le secteur agricole – si l’on n’agit pas. »

    En France, le principe de non-régression, introduit dans le Code de l’environnement par la loi Biodiversité de 2016, interdit théoriquement tout retour en arrière, précise Magali Dreyfus. Mais elle rappelle que le modèle d’agriculture intensive continue de faire obstacle à tout progrès décisif en la matière : « Alors que les agriculteurs sont les premières victimes de ce système, et qu’en changer représente un défi immense, le syndicat majoritaire, sous couvert d’un besoin de simplification, continue de désigner le droit de l’environnement comme la source de leurs problèmes. Il y a là quelque chose d’irrationnel. »
    Glyphosate : nouvelle action en justice

    Emblématique de ces tensions, l’autorisation du glyphosate (herbicide reconnu comme « cancérogène probable », dont Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à proscrire l’usage « au plus tard dans trois ans ») a été renouvelée pour 10 ans, fin 2023, par la Commission européenne, à l’issue d’un vote crucial des Vingt-Sept lors duquel la France a choisi de s’abstenir.

    La justice viendra-t-elle une fois encore au secours de ceux qui dénoncent les ravages du glyphosate sur l’environnement ? Fin 2024, plusieurs associations ont déposé une plainte devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) contre ce renouvellement.

    La recrudescence des actions en justice est proportionnelle à la montée des « vents contraires ». Raison de plus pour travailler à renforcer le droit de l’environnement à toutes les échelles. « Il reste absolument indispensable, a fortiori aujourd’hui, à l’heure où une désinformation croissante travaille à brouiller la prise en compte des connaissances scientifiques sur les enjeux de transition socio-écologique et climatique, conclut Marion Lemoine. La gravité des changements à l’œuvre, dont nous avons maintenant toutes les preuves scientifiques, ainsi que le coût de l’inaction nous obligent à nous emparer de tous les moyens juridiques disponibles pour conserver les acquis du droit de l’environnement et continuer à le protéger, pour la santé et le bien-être humain des générations actuelles et futures. »

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/droit-de-lenvironnement-entre-espoirs-et-reculs

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    • Un monde commun. Les savoirs des sciences humaines et sociales

      Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l’art, économie, sciences politiques, droit, archéologie… : les disciplines couvertes par les #sciences_humaines_et_sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d’analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l’ont habité, l’habitent et l’habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire « #monde_commun », pour reprendre la formule de Hannah Arendt ?

      L’ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l’Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d’outils permettant aux lecteurs de penser, d’habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs.
      Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/un-monde-commun
      #livre

  • Rassemblement contre l’extrême droite et le printemps de l’ouest de la #ligue_ligérienne
    https://nantes.indymedia.org/events/147643/rassemblement-contre-lextreme-droite-et-le-printemps-de-louest-de-

    La ligue ligérienne et d’autres groupes néo-fascistes de l’ouest (dont Jeau-Eudes Gannat et sa bande de l’alvarium d’Anger) prévoient de se rassembler du côté de Châteaubriant le samedi 14 Juin pour un “Printemps de l’ouest, journée de rencontre du Mouvement Chouan”. Un rassemblement “festif, familial et déterminé contre l’extrême droite”…

    #Antifascisme #Fascime #Jean-Eudes_Gannat #Chateaubriant

  • How the EU coordinates the outsourcing of migration control

    It is no secret that the EU is seeking greater cooperation from non-EU states in its migration control agenda. Less is known, however, about precisely how that cooperation is organised and encouraged. A document produced last year and released in response to an access to documents request from Statewatch provides some further details on the topic, pointing to avenues for advocacy, research and investigation.

    Coordinating the “external dimension of migration” at the “local level”

    An EU Council document (pdf) sheds light on the mechanisms behind the EU’s externalisation agenda.

    Produced by the Belgian Presidency in mid-2024 and shared with the MOCADEM working group, it outlines how EU institutions and member states align their efforts to influence migration policies beyond the EU’s borders.

    It also highlights the scale and entrenchment of the EU’s externalisation agenda, which is fuelling human rights violations with few obvious avenues for democratic control or accountability.

    A centralised coordination system built on emergency powers

    The document was produced for MOCADEM, the Operational Coordination Mechanism on the External Dimension of Migration.

    In 2022, MOCADEM was established using emergency powers related to “a terrorist attack or a natural or man-made disaster.” It is designed to “enable the [European] Union to coordinate and react in a timely manner to issues related to the external dimension of migration.”

    MOCADEM produces “country-specific action plans,” “action files, and “matrixes” designed to guide coordinated action and messaging by EU member states and institutions in discussions on migration with other states.

    As of mid-2024, ten countries were covered by action plans, and twelve had action files and matrices. Additionally, there were “thematic action files on instrumentalisation and return.” Statewatch has published most of the public documentation that exists on MOCADEM’s work.

    For the EU and its member states, this coordination makes their work on the “external dimension of migration” more efficient.

    But in doing so, it enshrines a powerful and opaque structure for exporting EU migration enforcement that actively avoids any form of democratic scrutiny or oversight.

    Diplomats, delegations, and decentralised enforcement

    “Local coordination in the area of migration varies according to the location and may follow different approaches,” the document says.

    Much of this coordination is pushed through EU delegations and national embassies in partner countries. Through regular meetings, EU and member state officials align approaches, share intelligence, and prepare joint messaging. The document gives examples from Egypt, Iraq, Libya and Niger:

    - In Egypt, the EU delegation and member state diplomatic staff co-chair bi-monthly “migration roundtables.”
    - In Iraq, a meeting chaired by the EU delegation brings together member states “to exchange information on developments in cooperation with Iraq and recent visits.”
    – In Libya, the EU delegation “launched a series of debates with Tripoli-based EU MS [member states] to discuss different aspects of migration.” The document says these follow “the priorities set in the MOCADEM action file on Libya and the strategic discussion organised in the EMWP [External Aspects of Asylum and Migration Working Party].”
    - In Niger, until the 2023 coup, member state officials convened a “migration cluster” to identify priorities and shape political dialogue.

    The document also refers to actions by EU delegations in Bosnia and Herzegovina. Here, events entitled “Rule of Law Breakfasts” are said to cover topics such as “anti-smuggling.”

    To link the actions in targeted states with discussions in Brussels, the document highlights the role played by the “Commission and EEAS [European External Action Service] services in Brussels, as well as the link via member state delegates in Brussels, via capitals, to their own embassies.”

    Samoa Agreement

    The Samoa Agreement, signed in 2023, governs the EU’s political and economic relationships with 77 countries in Africa, the Caribbean, and the Pacific. According to the Council of the EU, this covers around 2 billion people.

    The document notes that the “Partnership Dialogues” established under the Samoa Agreement can be used to push the EU’s migration control agenda. Specifically, it says they “can be used to facilitate collaboration on various areas… including migration.”

    Liaison officers

    Liaison officers deployed by member states, the European Commission and Frontex also play a role.

    According to the document, liaison officers in Morocco and Nigeria organise regular meetings on migration at the EU delegations.

    The document highlights that “closer coordination between liaison officers as well as with other EU stakeholders could have a substantial positive impact.”

    A recently-declassified report from 2018 (pdf), on the work of the Immigration Liaison Officers’ Network in Morocco, gives an idea of these officials’ activities.

    Team Europe Initiatives

    Another layer of coordination happens through “Team Europe Initiatives” (TEIs) – a structure with no legal basis but significant impact.

    The concept of “Team Europe” was introduced in April 2020 in response to the COVID-19 pandemic.

    According to the European External Action Service, it “brings together the EU, its Member States and their diplomatic network, finance institutions and implementing organizations,” along with the European Investment Bank and the European Bank for Reconstruction and Development.

    It has no legal basis in the EU treaties and has been described by Dutch MEP Sophie in’t Veld as a “fantasy body.”

    It is nevertheless a “fantasy body” that has become firmly embedded in the EU’s policy framework – albeit without the inclusion of the European Parliament.

    In a 2024 resolution, MEPs expressed regret that the Parliament had not been “fully recognised by the Commission, the Council and the EEAS as an integral player within the ‘Team Europe’ approach.”

    The June 2024 Council document notes that “country level committees” for the Team Europe Initiatives (TEIs) on the Atlantic/Western Mediterranean and Central Mediterranean migration routes have been set up in 16 African states.[1]

    “These committees meet regularly at the initiative of the EU delegations and local representation of all TEIs members are participating,” the document says.

    They provide a forum for “general coordination with EU member States on Migration,” it adds.

    According to the Belgian Presidency, these committees “have mapped the actions of EU and TEIs members related to Migration in each partner countries and agreed on a TEI implementation plan that identified gaps in programming and agreed on areas of focus for the future.”

    As a result of this work, there were implementation plans in place for seven states: Chad, Ethiopia, Ghana, Guinea, Nigeria, Senegal, and Tunisia.

    A call for scrutiny

    The mechanisms outlined by the 2024 Council document, from embassy roundtables to informal networks, development agreements to diplomatic working groups, provide some of the institutional foundations of the EU’s externalisation agenda.

    They operate largely out of public view – and with little consideration for the human rights implications of outsourcing migration enforcement to authoritarian or unstable regimes.

    For those seeking more scrutiny and accountability — and migration policies that uphold human rights and social justice — the initiatives and groups outlined here would be a good starting point for further investigation.

    https://www.statewatch.org/news/2025/june/how-the-eu-coordinates-the-outsourcing-of-migration-control

    #externalisation #migrations #réfugiés #EU #UE #Union_européenne
    #Egypte #Irak #Libye #Niger #Samoa_Agreement #Team_Europe_Initiatives

  • #Linux_Mint 22.2 Adds Native Fingerprint Login Support
    https://www.omgubuntu.co.uk/2025/06/linux-mint-fingerprint-support-coming

    Linux Mint 22.2 adds fingerprint login and authentication support through a new desktop app called Fingwit, which boasts ’smarter’ PAM integration. You’re reading Linux Mint 22.2 Adds Native Fingerprint Login Support, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without permission.

    #News #fingerprint_reader

  • "Il n’y a rien de moins volontaire qu’un ’retour volontaire’" : des chercheurs dénoncent des politiques d’expulsion déguisée

    Les « #retours_volontaires » de migrants se multiplient ces derniers mois depuis des pays comme la #Tunisie ou la #Libye. Mais ces #rapatriements chapeautés par l’#ONU sont perçus par les chercheurs comme des #expulsions_déguisées, « la seule alternative possible » pour des migrants résignés, victimes de racisme et d’exactions.

    « Il n’y a rien de moins volontaire que les ’retours volontaires », ont décrypté des chercheurs face à la forte hausse de demandes de rapatriement de migrants, « acculés » aux frontières sud de l’Europe.

    « C’est très dur ici. C’est compliqué », confie Mac*, un Guinéen de 24 ans, rencontré il y a quelques semaines par l’AFP lors de l’évacuation de camps de fortune à El Amra, près de #Sfax, dans le centre-est de la Tunisie. Comme de nombreux migrants, las, le jeune homme s’est inscrit auprès de l’#Organisation_internationale_pour_les_migrations (#OIM) pour bénéficier d’un accompagnement afin de rentrer chez lui.

    Développés depuis 1979, les programmes d’#aide_aux_retours_volontaires (#ARV), soutenus par l’OIM n’ont jamais eu autant de succès en Tunisie, Libye ou encore en #Algérie, points de passage pour les migrants originaires d’Afrique subsaharienne qui tentent de rejoindre l’Europe.

    « La seule #alternative possible »

    En 2024, 7 250 migrants présents sur le sol tunisien, principalement originaires de Gambie, Burkina Faso et Guinée ont bénéficié de l’ARV, soit une augmentation de 1 000 % entre 2018 et 2024. En Algérie, ils étaient 7 834 (+ 600% sur la même période 2018/2024) et 16 207 en Libye (+ 65%) à être retournés dans leur pays par le biais de l’ARV, selon l’OIM. Outre le voyage, certaines de ces personnes en situation illégale peuvent bénéficier d’une aide financière pour se réinstaller dans leur pays.

    « Il n’y a rien de moins volontaire, que les ’retours volontaires », alerte Jean-Pierre Cassarino, enseignant chercheur au Collège d’Europe en Pologne, évoquant des migrants « acculés » et des « expulsions » qui ne disent pas leur nom.

    En Tunisie et en Libye, les #conditions_de_vie sont délétères pour les Africains subsahariens, victimes de #racisme, d’#exactions, de #kidnapping, d’abandons dans le désert, voire de #meurtres. La plupart peinent à se loger, vivent dans des #campements insalubres, avec un accès limité voire inexistant aux soins. La rédaction d’InfoMigrants a déjà reçu de nombreux témoignages de migrants racontant leur calvaire.

    Ces « retours volontaires » s’inscrivent alors dans un « processus de #vulnérabilité accrue », explique de son côté Ahlam Chemlali, chercheuse en migration à l’Institut danois pour les études internationales (DIIS), interrogée par l’AFP. Leur situation est devenue « de plus en plus précaire et dangereuse » et « pour beaucoup, le programme de ’retour volontaire’ est devenu la seule alternative possible ».

    Selon les textes internationaux, les participants au programme ne doivent pourtant subir « ni pressions physiques ou psychologiques » et avoir accès à des informations « objectives et fiables » sur lesquelles fonder leur décision de partir.

    L’OIM se défend d’expulsions déguisées

    Accusée de prêter main forte aux politiques d’expulsion des migrants, l’OIM s’en défend et assure intervenir seulement une fois qu’une personne a donné son consentement éclairé pour recevoir de l’aide.

    Pour l’agence de l’ONU, « mieux vaut ça que rien et que les migrants risquent leur vie en traversant la mer », décrypte Jean-Pierre Cassarino qui rappelle que l’OIM est financé « rubis sur l’ongle par l’Union européenne ».

    Ces programmes de « retours volontaires » s’inscrivent dans une politique d’#externalisation du contrôle des frontières par l’Union européenne (UE) qui exerce une forte pression sur ces pays tiers, en échange de contreparties, afin qu’ils gèrent la migration en son nom, observent les deux chercheurs.

    A l’été 2023, l’UE et la Tunisie ont conclu un « #partenariat » prévoyant une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière, incluant le financement du « retour volontaire » de 6 000 migrants irréguliers.

    Pourtant, sur le long terme, les « retours volontaires » sont sans effet, expliquent les deux spécialistes. Beaucoup de migrants tentent à nouveau le voyage car ils n’ont pas tous un endroit sûr ou vivre et ont fui des conflits, des persécutions ou des difficultés économiques, pointent-ils.

    « Le désespoir est si fort qu’il vont réessayer », rappelle Jean-Pierre Cassarino.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64924/il-ny-a-rien-de-moins-volontaire-quun-retour-volontaire--des-chercheur

    #expulsions #inefficacité #efficacité #IOM

  • Collectif Wu-Ming : la littérature contre les fantasmes de complot

    Wu Ming est un collectif de quelques auteurs italiens (3 à 5 selon les périodes) situés à gauche toute de l’échiquier politique. Via leurs ouvrages collectifs ou individuels, ils tentent de répondre à la prolifération des « fantasmes de complot ». On a rencontré l’un d’entre eux, Wu Ming 2, à l’occasion de son récent passage à Marseille.

    https://cqfd-journal.org/Wu-Ming

    #littérature

  • Appel au don de publications

    3 juin 2025

    L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne connaît, en 2025, une réduction notable de son budget. Cette baisse affecte directement les #crédits de fonctionnement du Service Commun de la Documentation, contraint de restreindre certaines de ses activités. Si l’accès aux #revues et #ressources_numériques est maintenu en raison des engagements pris en 2024, les #achats de #livres ont été quasiment suspendus au premier semestre et reprendront avec des moyens limités au second.

    Dans cette perspective inédite pour le SCD, nous sollicitons votre soutien : si vous avez récemment publié un ouvrage, nous vous serions très reconnaissants de bien vouloir en offrir un exemplaire à l’une de nos bibliothèques.

    Ce geste contribuera à :

    - Maintenir l’accès à une documentation riche et actuelle,
    – Renforcer la visibilité de vos travaux auprès de la communauté universitaire,
    - Valoriser la recherche menée au sein de notre établissement.

    https://bibliotheques.pantheonsorbonne.fr/actualite/appel-don-publications
    #it_has_begun #ESR #université #France #université_Paris_1_Panthéon-Sorbonne #budget #dons #appel_à_don #bibliothèque #bibliothèque_universitaire #enseignement_supérieur

  • #Infomaniak supports mass surveillance, calling for legal change to end online anonymity + mandatory metadata retention

    Here are some quotes from Infomaniak’s spokesperson, on Swiss national TV and Radio:

    “Today’s Internet is not yesterday’s Internet, and we still have companies offering free services that enable people to be completely anonymous, to encrypt their content and to be completely opaque when it comes to the law. This poses a problem, and it’s only right that the Swiss justice department should do its job.”

    “Anonymity is a no-no, because if there’s a legal problem, we can’t do the job…. We’re not talking about accessing the contents of emails, but tracking exchanges, just to be able to track people down, …it’s necessary.”

    “We speak about metadata, it doesn’t threaten encryption, and what the revision of the law is asking for is simply to make it impossible to create a completely anonymous identity to do unlawful activities that could not be prosecuted. Somehow, in “real life”, we would not accept this: as evidence, when we create a phone number with a SIM card, it is mandatory to provide an ID card and it’s exactly for the same reason.”

    Infomaniak, a company that positions itself as “ethical”, and one who built a brand based on user security and privacy, is now publicly supporting the Swiss government’s move to force VPN and email providers to log user data and collect PII. I think the quotes speak for themselves, but TLDR they are explicitly calling for:

    - Mandatory metadata retention
    - A blanket ban on anonymity online
    - Making free & encrypted services subservient to the Swiss justice department

    This is completely disqualifying, and it’s important to spread the word, because there are posts where Infomaniak is recommended as a good option for activists and privacy sensitive people.

    IMO they should never be recommended because unlike other service providers talked about here (i.e. Proton), they don’t use end-to-end encryption, so they have access to all of your data, and now it seems they are apparently eager to hand it over to the government.

    Just to clarify how insane this is, the legal change they want to see in Switzerland would:

    – Require MANDATORY retention of all metadata & last connection info.
    – Outright ban no-logs VPNs
    - Require ID for all cloud services when registering
    – Require companies to automatically hand over data to the govt. with no chance to appeal, no court order needed.

    You can read more in-depth on this topic itself here (it’s in Swiss German but you can translate): https://www.republik.ch/2025/05/07/die-schweiz-ist-drauf-und-dran-autoritaere-ueberwachungsstaaten-zu-kopieren

    Infomaniak is, in effect, calling for a police state and elimination of all personal privacy rights online. Outrageous.

    As the TG article suggests, Proton & others are on the right side of this and fighting the proposal Infomaniak supports.

    They are resisting, have rejected the proposal, and stated that they will leave Switzerland if this passes: Surveillance: le géant des mails cryptés Proton prêt à quitter Genève | Tribune de Genève

    I think it is clear who can be trusted and who cannot be trusted. Looking forward to your thoughts on this also, especially if anyone here is using the kSuite.

    https://discuss.privacyguides.net/t/psa-infomaniak-supports-mass-surveillance-calling-for-legal-change-to-end-online-anonymity-mandatory-metadata-retention/28065
    #Internet #anonymat #protection_des_données #Suisse #loi #métadonnées #chiffrement #vie_privée #liberté

    signalé aussi par @biggrizzly
    https://seenthis.net/messages/1119352

    • Die Schweiz ist drauf und dran, autoritäre Überwachungs­staaten zu kopieren

      Die Vorlage klingt, als wäre sie vom Kreml verfasst worden: Geht es nach dem Bund, müssen sich Schweizer Internet­nutzer künftig mit Ausweis oder Telefon­nummer identifizieren. Der Zeitpunkt dafür ist denkbar schlecht.

      Selten sorgt eine Verordnung in IT-Kreisen für so viel Aufsehen wie jene zum Bundes­gesetz zur Überwachung des Post- und Fernmelde­verkehrs. Doch die Verordnung, zu der die Vernehmlassung gestern Dienstag endete, ist auch alles andere als gewöhnlich.

      Das zeigt sich nicht nur daran, dass der bei Fachleuten sehr angesehene Blog Techradar.com schon vor fünf Wochen warnte, in der Schweiz seien die sichere Verschlüsselung und die Online-Anonymität gefährdet. Sondern auch an einem Schreiben der Kommission für Verkehr und Fernmelde­wesen des Nationalrats, das diese Anfang letzter Woche an den Bundesrat schickte. Die Kommission habe Bedenken zum Datenschutz, zu Über­regulierung und zur KMU-Belastung, sagt ihr Vizepräsident und SVP-Nationalrat Thomas Hurter auf Anfrage der Republik.

      Damit argumentiert Hurter ähnlich wie die Digitale Gesellschaft, die sogar von einem massiven Frontal­angriff auf die Grund­rechte und die Rechts­staatlichkeit spricht. Genauso drastische Worte wählt der Chief Operating Officer des welschen Technologie-Start-ups Nym: «In der Schweiz wird es keine private, digitale und datenschutz­freundliche Kommunikation mehr geben», so Alexis Roussel. Und für das erfolgreiche Messenger-Unternehmen Threema ist es sogar denkbar, «wenn nötig» eine Volks­initiative gegen die Verordnung zu lancieren, wie es gegenüber der Republik bestätigt.

      Ist ihr Ärger angebracht? Stimmt es, dass eine Überwachung droht, wie man sie aus autoritär regierten Staaten kennt?

      Und: Worum geht es überhaupt?

      Wichtige Trennung soll aufgehoben werden

      Wer sich mit Schweizer Überwachungs­gesetzen auseinander­setzt, muss sich zuerst durch ein Dickicht von sperrigen Begriffen kämpfen. Die wichtigsten zwei im Zusammenhang mit der Verordnung über die Überwachung des Post- und Fernmelde­verkehrs sind die beiden folgenden:

      - Fernmelde­dienst­anbieter: Das sind Unternehmen, die klassische Tele­kommunikations­dienste für die Öffentlichkeit bereitstellen, etwa Betreiber von Mobilfunk- und Festnetzen wie die Swisscom.

      – Anbieter abgeleiteter Kommunikations­dienste: Das sind Dienst­leister, die Kommunikations­dienste erbringen, ohne eine eigene Fernmelde­infrastruktur zu betreiben. Dazu zählen Anbieter von Messaging- und E-Mail-Diensten wie beispielsweise Whatsapp oder Signal, aber auch das Non-Profit-Unternehmen Immerda.ch aus Bern, das unter anderem einen E-Mail-Dienst anbietet.

      Der beim Justiz­departement von SP-Bundesrat Beat Jans angesiedelte Dienst Überwachung Post- und Fernmelde­verkehr legt diese zweite Kategorie in seinem erläuternden Bericht sehr grosszügig aus. So zählt er auch Cloud-Anbieter wie Infomaniak dazu, zudem VPN-Tools und Firmen wie Hostpoint, die Server für das Hosting von Websites zur Verfügung stellen.

      Gemäss aktueller Schweizer Rechtslage müssen die Anbieter abgeleiteter Kommunikations­dienste auf Anfrage der Schweizer Straf­verfolgung bei verdächtigen Personen alles rausrücken, was sie über sie gespeichert haben. Nicht mehr, nicht weniger.

      Diese Trennung zwischen Fernmeldedienst­anbieter und Kommunikations­diensten hatte das Parlament bei der ersten Revision des Bundes­gesetzes zur Überwachung des Post- und Fernmelde­verkehrs vor zehn Jahren bewusst eingeführt, um KMU-Unternehmen im Digital­bereich nicht unnötig zu belasten.

      Der Dienst Überwachung Post- und Fernmelde­verkehr gibt auf Anfrage der Republik zu, dass er nicht viel von der damals beschlossenen Trennung hält. Internet­anbieter wie Swisscom und IT-Unternehmen wie Proton, die E-Mail, VPN und auch Dokumenten­verwaltung anbieten, sollten künftig denselben Überwachungs­pflichten unterworfen sein. Der Überwachungs­dienst verkauft diese Neuerung mit dem Argument der Fairness, wenn er schreibt, dadurch werde auch sicher­gestellt, dass die Anbieter abgeleiteter Kommunikations­dienste «für vergleichbare Dienst­leistungen nicht wesentlich geringere Verpflichtungen haben» als die Fernmelde­dienst­anbieter. Dies verbessere die Gleich­behandlung.

      Den ersten Anlauf für eine Revision der Verordnung startete der Dienst bereits während der Pandemie. So veröffentlichte er im Jahr 2022 einen Entwurf, in dem er die Abschaffung der Verschlüsselungen für viele Kommunikations­dienste forderte. Der Paragraf las sich wie eine Schweizer Version der Chatkontrolle: Man musste davon ausgehen, dass eine technische Hintertür bei Messenger-Apps wie Threema eingebaut werden sollte für einen direkten Zugang für Strafermittler (wie sie seit Jahren in der EU diskutiert wird). Ein Aufschrei in den Medien sorgte dafür, dass der Bund diesen umstrittenen Teil verschob und nur den weniger kontroversen Teil in Kraft treten liess.

      Identifikations­pflicht auch für Marktplätze

      Mit der aktuellen Teilrevision hat der Bund das alte Verschlüsselungs­anliegen erneut aufgenommen. Und legte noch zusätzliche Pflichten obendrauf: Neu müssten viele Schweizer Unternehmen zum Erfüllungs­gehilfen des Überwachungs­staats werden. Das Eidgenössische Justiz­departement präsentierte Ende Januar 2025 eine Vorlage, die klingt, als wäre sie vom Kreml verfasst worden.

      Denn praktisch jede Website mit Nachrichten­funktion wäre von der Vorlage betroffen: Sämtliche digitalen Dienste mit mindestens 5000 Nutzerinnen –egal ob sie E-Mail, Cloud, VPN oder Chat anbieten – müssten diese ausreichend identifizieren und die Daten speichern. Konkret heisst das: Jede Website, über die sich Personen Direkt­nachrichten zuschicken können, fiele unter diese Bestimmung. Also beispielsweise auch die Marktplätze Ricardo, Tutti und der Online­händler Digitec, schliesslich tauschen sich dort Käufer und Verkäuferinnen aus. Aber auch Videospiel-Betreiber, bei denen sich Gamerinnen über Text- und Video­kommunikation austauschen können.

      Für die Identifizierung müsste eine Ausweis- oder Führerschein­kopie vorgelegt oder zumindest eine Telefon­nummer bekannt gegeben werden (die mit der SIM-Karten-Registrierung an eine Ausweis­kopie gekoppelt ist). Im erläuternden Bericht des Bundesrats ist auch von einer möglichen Identifikation via Kreditkarte oder Bordkarte auf Flughäfen die Rede, und es wird betont, dass technische Eckdaten wie IP-Adressen nicht ausreichen.

      Diese Kunden­informationen müssten alle Unternehmen sechs Monate auf Vorrat speichern. Die St. Galler Strafrechts­professorin Monika Simmler bezweifelt, dass diese Vorgaben überhaupt noch dem Bundesgesetz entsprechen. Denn dort ist «von grosser wirtschaftlicher Bedeutung» und «grosser Benutzerschaft» die Rede. «Ich gehe davon aus, dass der Bundesrat seine Kompetenz überschreitet, wenn er bei solch für den Markt unerheblichen Anbietern weiter gehende Pflichten einführt», sagt Simmler.

      Anonymität im Internet wäre vorbei

      Der Überwachungs­dienst behauptet, dass die betroffenen Unternehmen diese Daten ohnehin sammelten. Doch das stimmt nicht: Bisher waren für die Erstellung eines Benutzer­kontos auf den entsprechenden Websites kaum Personalien nötig. Jonathan Messmer, der sich für die IT-Anwalts­kanzlei Ronzani/Schlauri detailliert mit der Vorlage auseinander­gesetzt hat, erklärt: «Wer sagt, die Daten würden ‹sowieso schon gesammelt›, verkennt: Viele Nutzer und Anbieter wollen das gerade nicht – und werden jetzt neu dazu gezwungen.»

      Mit Anonymität im Internet wäre es komplett vorbei. Sprich: Wer eine Schweizer App, Software oder Plattform nutzt, riskiert, gläsern und identifizierbar zu sein. Und: KMU müssten einen enormen Aufwand leisten, um jene neuen Daten­banken auch gebührend gegen kriminelle Cyber­attacken abzusichern, damit sie nicht im Darknet landen. Dass das möglich sein wird, dürfte eine Illusion sein. Denn Studien aus den letzten Jahren zeigen, dass viele kleine und mittlere Unternehmen das Risiko von Cyber­attacken unterschätzen und sich entsprechend zu wenig schützen.

      Es ist unklar, wie weit der Überwachungs­dienst gehen wird, sollte die Verordnung durchkommen. Zwar erwähnt er als Ausnahme explizit Online-Medien­portale mit öffentlicher Kommentar­funktion (weil die Leserinnen sich gegenseitig keine Nachrichten schicken können). Doch die Versprechungen des Bundesrats haben bei diesem Thema eine kurze Halbwerts­zeit, wie die Entwicklungen der letzten acht Jahre zeigen.

      Bereits nach der Revision des Bundes­gesetzes zur Überwachung des Post- und Fernmelde­verkehrs im Jahr 2017 liessen die Strafverfolger des Bundes nichts unversucht, um zwei Kommunikations­dienste in eine komplett sachfremde Kategorie hochzustufen: Threema und Protonmail sollten beide als Fernmeldedienst­anbieterin eingestuft werden, obwohl beide Firmen nichts mit Internet­infrastruktur zu tun haben und weder über Glasfaser­kabel noch Satelliten­netzwerke verfügen.

      Threema und Protonmail hätten als Folge umfassende Überwachungs­pflichten einführen müssen, etwa eine Echtzeit­überwachung. Beide Unternehmen wehrten sich dagegen vor Gericht. Das Bundes­verwaltungs­gericht gab Threema im Mai 2020 recht, das Bundesgericht bestätigte dieses Urteil im April 2021. Protonmail legte ebenfalls beim Bundes­verwaltungs­gericht erfolgreich Beschwerde ein.

      Über den Verordnungsweg die Demokratie aushebeln

      Die Motivation für die Revision der Verordnung liegt damit auf der Hand: Weil die Behörden mit dem Upgrade von Threema und Protonmail juristisch gescheitert sind, gehen die Bundes­angestellten nun über den Verordnungs­weg, obwohl diese Änderungen sowohl dem Bundes­gesetz widersprechen als auch dem Willen des Parlaments, eine Hierarchie von Überwachungs­pflichten zu haben. Das ist ein demokratie­politisch höchst fragwürdiges Vorgehen.

      Mit der neuen Verordnung müssten Unter­nehmen wie Threema und Proton (das mittlerweile mehr Produkte als nur E-Mail anbietet) ihr auf Daten­schutz basierendes Geschäfts­modell aufgeben. Sie wären praktisch den gleichen Pflichten unterworfen wie der Internet­konzern Swisscom, der die Standort- und Telefon-Metadaten seiner Nutzerinnen laufend und für sechs Monate speichert. Denn die neue Verordnung verlangt, dass neu eine Million Nutzerinnen (global, nicht nur in der Schweiz) oder 100 Millionen Franken Konzern­umsatz reichen für das Upgrade und die damit verbundenen «vollen Pflichten».

      Der Überwachungs­dienst verkaufte die Verordnung in einem Gespräch mit Medien­schaffenden als eine Vereinfachung und als KMU-freundliche Revision. Er betonte mehrfach, dass die Revision der Verordnung nicht dazu führe, dass der Überwachungs­apparat ausgebaut werde. Der Sprecher des Diensts spielte die Brisanz massiv herunter: «Die meisten Unternehmen werden nie von uns hören und sammeln sowieso schon diese Daten.»

      Die Revision werde eine Klärung bringen, doppelte der Dienst in einer schriftlichen Antwort an die Republik nach: «Mit der Einführung der neuen ‹reduzierten Pflichten›, welche nur minimale Anforderungen enthalten, wird der Grundsatz der Verhältnis­mässigkeit künftig besser gewahrt.»

      IT-Jurist Messmer lässt dieses Argument nicht gelten: «Neue Pflichten werden eingeführt, bestehende Schwellen drastisch gesenkt und die Privatsphäre im Netz systematisch abgeschafft. Diese Verordnung ist einer der bisher gravierendsten Angriffe auf unsere digitale Freiheit.»

      Und der Staat wird sehr wohl bald bei Unter­nehmen anklopfen.

      Auskünfte mit wenigen Klicks

      Denn: Alle potenziell betroffenen IT-Unternehmen mit 5000 Nutzerinnen oder Kunden müssen sich bei den Bundes­behörden innert kurzer Frist melden. Versäumen sie dies, droht ihnen eine Busse. Verlangt eine kantonale Staats­anwaltschaft eine Auskunft, müssen sie diese unter anderem direkt im Verarbeitungs­system des Bundes eingeben.

      Jonathan Messmer von der IT-Anwalts­kanzlei Ronzani/Schlauri sagt: «Im Extremfall könnten Strafverfolgungs­behörden alle fünf Sekunden eine automatisierte Anfrage an Unternehmen mit vollen Überwachungs­pflichten stellen und somit ‹in Echtzeit› alle soeben erst registrierten Zugriffe rausholen und eine ganze Historie aufbauen.»

      Die Schweiz will mit dieser Revision also einen riesigen digitalen Überwachungs­apparat bauen, damit die Behörden neu auf Knopfdruck unbegrenzt viele Auskünfte abfragen können. Dass das Volumen bereits heute enorm gross ist, zeigen die letzte Woche vom Überwachungs­dienst veröffentlichten Zahlen: Die Kantone und die Bundes­behörden haben doppelt so viele Überwachungs­massnahmen angefordert wie im Vorjahr.
      Noch mehr Macht für Big Tech

      Doch nicht nur der Inhalt, sondern auch der Zeitpunkt der Verordnung ist fragwürdig. So ist am Europäischen Gerichtshof für Menschen­rechte in Strassburg eine Klage gegen Vorratsdaten­speicherung hängig, eingereicht von der Digitalen Gesellschaft. Beschwerde­führer sind unter anderem Grünen-Nationalrat Balthasar Glättli und «Beobachter»-Chefredaktor Dominique Strebel.

      International lässt sich die Verordnung fast nur mit den drakonischen Internet­gesetzen von Russland, China und dem Iran vergleichen, die entweder eine Realnamen­pflicht oder eine Mobiltelefon­nummer für E-Mail, Hosting und alle Arten von digitalen Dienst­leistungen verlangen. China fordert etwa Personalien bei der Registrierung für populäre Apps wie Wechat ein. Sollte die Schweiz die neue Cybercrime Convention der Uno ratifizieren, könnten sich jene Diktaturen bei der Strafverfolgung von Dissidentinnen schlimmsten­falls ebenfalls bei den Schweizer KMU bedienen. Denn diese verlangt eine Zusammenarbeit aller Strafverfolgungs­behörden weltweit.

      Es ist eine Reform, die nicht nur auf Threema und Proton zielt – zwei der wichtigsten IT-Firmen –, sondern auf unzählige Schweizer Unternehmen, die heute wohl noch gar nichts von diesen Konsequenzen wissen.

      Die Schweiz sabotiert ihre eigene IT-Industrie damit in einem Moment, wo sie sie am stärksten braucht: in geopolitisch turbulenten Zeiten, in denen die Privacy-Tech-Branche extremen Zulauf erhält und hiesige Cloud-Unternehmen wie Infomaniak auf Plakaten mit «sichere Schweizer Cloud» werben. Gerade jetzt, wo Bundesbern damit beginnt, sich Gedanken zur digitalen Souveränität zu machen und zur Loslösung von Big-Tech-Konzernen. Und gerade jetzt, wo bereits zwei Kantone ein «Recht auf digitale Integrität» und damit auch Anonymität in ihren Verfassungen verankert haben und in weiteren Kantonen politische Debatten dazu angelaufen sind.

      Die Ironie dabei: Mit dieser Verordnung werden amerikanische Big-Tech-Konzerne wie Meta noch mächtiger. Denn für Whatsapp – wie der Sprecher des Diensts Überwachung Post- und Fernmelde­verkehr bestätigt – gelten die Schweizer Gesetze nicht.

      https://www.republik.ch/2025/05/07/die-schweiz-ist-drauf-und-dran-autoritaere-ueberwachungsstaaten-zu-kopieren

    • Maître du #cryptage, #Proton est « prêt à quitter Genève »

      Andy Yen, patron du service de courriel et Cloud aux 100 millions d’utilisateurs, refuse l’espionnage que veut imposer la Confédération.

      En bref :

      – Le géant genevois des e-mails et du Cloud cryptés Proton quittera la Suisse en cas de durcissement de la surveillance qui lui est imposé.
      – Une réponse à la refonte de l’ordonnance sur la #surveillance des télécommunications, mise en consultation jusqu’au 6 mai.
      – L’Allemagne apparaît comme une destination alternative pour l’entreprise de messagerie cryptée, esquisse son patron, Andy Yen.

      https://www.tdg.ch/surveillance-le-geant-des-mails-cryptes-proton-pret-a-quitter-geneve-94740218821

  • #Marie_Cosnay : « Dans l’#imaginaire_collectif pour la migration, la #fosse_commune, c’est la #Méditerranée »

    L’écrivaine et activiste Marie Cosnay a consacré aux routes migratoires une trilologie - Des îles, parue aux éditions de l’Ogre - qui replace l’océan en son centre. Et pourtant, l’Atlantique reste un #impensé dans nos représentations de la mer-cimetière, en dépit des évidences et des chiffres.

    Marie Cosnay, pourquoi dites-vous qu’on résiste à penser l’#océan_Atlantique lorsqu’on parle de la #mer-cimetière, et des routes migratoires maritimes ?

    Quand on parle des morts en mer et des morts de la migration - et on n’en parle pas souvent -, la fosse commune, c’est la Méditerranée. C’est à la Méditerranée qu’on est sans cesse ramené. Or c’est quand même étrange, parce que le plus grand nombre de morts ce sont ceux de l’Atlantique, en tout cas depuis 2018. Or cela invisibilise des choses, des imaginaires, mais aussi du réel. Car la route la plus empruntée, c’est celle des #Canaries. Il y a un mort toutes les demi-heures : en 2024, on compte sur cette route-là, de la façade atlantique depuis le #Sénégal jusqu’au #Sahara_occidental, au #Maroc, vers les Canaries - rien que ça -, un mort toutes les demi-heures l’année dernière. C’est énorme. Alors, invisibiliser l’océan atlantique ça veut dire que ces morts qui sont les plus nombreuses, personne n’en parle jamais. Ce sont les morts de l’#Afrique_de_l'Ouest.

    Comment décririez-vous cette route migratoire atlantique ?

    Depuis le Sénégal, ce sont des bateaux en bois, des #pateras, qui contiennent cinquante, soixante personnes, parfois davantage. Tous les gens qui connaissent cette route-là, jusqu’aux Canaries, c’est-à-dire les militants espagnols, et aussi, évidemment, les gens qui prennent cette route et leurs familles, tout comme la Croix-Rouge, appellent ça des “#convois”. Ces convois sont nommés par le nombre de personnes à l’intérieur. Le nombre de femmes, le nombre d’enfants. C’est pour pouvoir savoir nommer le bateau, par exemple : “Convoi 56, huit femmes, deux bébés, Tan-Tan” ; “Convoi 62, quatre femmes, trois enfants, Dakhla”... C’est comme ça que la Croix-Rouge peut savoir qui est arrivé.

    Dans quelle mesure l’imaginaire de ces convois a-t-il quelque chose à voir spécifiquement avec l’Atlantique ?

    Cette question m’évoque l’exemple d’un dessin d’enfant aux Canaries. Un enfant qui était arrivé par un de ces convois. Les gens qui s’en occupaient, la Croix-Rouge, et d’autres, et qui s’en occupaient plutôt pas mal, lui avaient demandé de dessiner son voyage, son exil, parce qu’il avait été extrêmement chahuté. Durant sa traversée, il y avait eu des morts, et notamment des enfants morts sur ce bateau. Et cet enfant qui avait survécu avait dessiné un bateau incroyablement ressemblant à un bateau négrier. C’est de cette histoire-là, et de cette mémoire-là aussi, qu’on se prive quand on ignore cette route-là, quand on habite à Marseille ou à Paris, et en tout cas en France.

    C’est spécifiquement français ?

    Ce qui est étrange, c’est que les militants en Espagne savent très bien l’importance de la route atlantique, et en Espagne, cette perception n’a rien à voir. On n’est pas du tout déconnecté, comme en France.

    Comment est venue l’écriture sur ces routes migratoires, et notamment de raconter la migration depuis les Canaries ?

    Au départ, je faisais de l’activisme aux frontières, à la frontière basque notamment. Je vivais au Pays basque et les gens passaient par là. J’écrivais des choses qui étaient plutôt de l’ordre de la chronique, du petit texte informatif. Lorsque j’avais une grosse colère ou quelque chose que je n’arrivais pas à démêler, c’était le texte qui m’aidait à démêler. J’appelais ça des chroniques. Par exemple, j’ai beaucoup écrit sur les mineurs isolés, sur le non accueil, et puis des réflexions sur : qu’est ce que l’enfance ? Est-ce que l’âge protège ? Et pourquoi l’âge protégerait-il plus qu’autre chose, en fait ?

    Auparavant, j’avais une autre activité d’écriture qui était beaucoup plus fictionnelle ou documentaire, mais davantage tournée vers le passé. Mais la question migratoire était devenue tellement prégnante, tellement importante dans ma vie, que je ne pouvais plus séparer les deux. Ce sont les morts qui m’ont poussée à écrire sur eux. Car avant d’aller aux Canaries pour rencontrer les gens, je me trouve à l’endroit où ils arrivent en fait, c’est-à-dire exactement à Irun, en Espagne, à côté de Bayonne, à la frontière basque. C’est là que je rencontre des gens pour qui je mets en place qu’il faut mettre en place comme militante. Je ne suis pas encore certaine d’écrire, je me dis même que j’écrivais si ça vient à moi. Et là, je rencontre des gens qui attendent des gens. Et ces gens qu’ils attendent n’arrivent pas. Alors on commence à me demander : “Mais va ! Va sur les îles ! Va chercher ma sœur, va chercher mon frère, va chercher ma fille. Ils sont arrivés tel jour dans le convoi 57, trois enfants, quatre femmes et et trois morts…” Parce qu’on sait un peu. C’est comme ça que les morts arrivent à la porte. Les premiers morts, ceux dont je me rends compte. Et donc j’y vais. Je vais sur les îles Canaries et il y a urgence.

    On est en 2019 et le premier tome de cette série qui s’intitulera “Des îles” (aux éditions de l’Ogre”) démarre…

    J’ai des noms, j’ai des photos, j’ai quelquefois des vidéos. Je ne suis pas toute seule, évidemment : il y a des relais. Et je cherche. J’ai des noms, j’ai des dates de naissance, j’ai des lieux de départ. J’ai des choses comme : “la dernière fois qu’on l’a vu”. Alors je cherche et je me rends compte assez vite que je ne trouverai pas. Car les gens meurent énormément. On sait, mais en fait concrètement, on ne sait pas. Je me rappelle de ce garçon qui s’appelle Amadou, qui m’a le premier demandé d’aller chercher sa sœur sur les îles Canaries. Selon lui, elle était arrivée tel jour, à tel endroit, etc. Cinq ou six ans après, lui dont je racontais l’histoire dans le premier volume de la trilogie Des îles, il la cherche encore. J’ai encore reçu la photo de sa sœur récemment sur Whatsapp. La même photo.

    Vous vous mettez donc à chercher des disparus, avant d’écrire l’histoire de ces gens qui voyagent sans visa…

    J’ai trouvé une petite fille qui avait disparu. Une seule : Fatou. Elle était donnée pour disparue sur un bateau sur lequel on disait qu’il y avait eu beaucoup d’enfants morts sur ce bateau qui avait tourné dans l’océan très longtemps. Et donc on m’avait dit de ne pas donner d’espoir à la maman. Mais la maman m’avait donné sa photo et j’étais sur les îles Canaries pour essayer, pour voir, au cas où… J’ai montré la photo de cette petite fille à un médecin urgentiste qui intervenait à l’arrivée des bateaux, parce que beaucoup de gens sont dans des états incroyables. Ils ont bu de l’eau de mer, ils ont perdu la tête, ils ne savent plus qui ils sont… Je lui ai montré la photo, et ce médecin-là, Alban, a poussé un cri : “Mais elle est arrivée, elle est vivante !” Après, on a mis un an à ce qu’elle puisse se rapprocher de sa maman. C’est très compliqué, mais c’est la seule histoire qui soit heureuse.

    Quelle empreinte l’Atlantique a-t-il laissé sur ces années d’enquête à remonter le fil d’histoires qui passent par l’océan ?

    Certaines images de l’océan m’ont beaucoup hantée. Notamment cet imaginaire, d’être seul sur l’océan en fait. Car même si on peu d’histoires, même si parfois les gens sont morts les uns après les autres, on a quelques images, et même quelques vidéos. Parce que c’est l’Atlantique ! C’est-à-dire que si on rate les Canaries, on arrive aux Etats-Unis ! “#Bosa”, ça veut dire quitter son pays, et rater les Canaries, ça s’appelle “Bosa États-Unis”. Si on rase les Canaries, on fait “#Bosa_Amérique” et en effet, on a retrouvé des bateaux complètement de l’autre côté de l’Atlantique, avec des corps desséchés, avec des squelettes. Mais on a trouvé aussi des bateaux vides ou alors avec un survivant. Vous imaginez ? Un seul survivant, au milieu de l’Atlantique. Comment on survit à ça, quand on est avec sa bouée et que finalement le secours maritime espagnol vient te sauver sur ta bouée ? Tu as vu mourir les uns après les autres tous tes copains.

    On a cherché comme cela un jeune Marocain, à la demande de sa sœur. Nous étions deux ou trois, à le chercher, ensemble, parce qu’on entendait dire qu’il était vivant or il n’apparaissait pas. En général, quand les gens n’apparaissent pas, ils ne vont pas apparaître trois mois après… mais il peut y avoir des exceptions, comme pour Fatou, la petite fille retrouvée aux Canaries. Donc, on cherche.

    Et de ce garçon, on a trouvé une vidéo, parce qu’on avait des photos de lui et on comparait avec les vidéos qu’on trouvait sur les réseaux. Sur cette vidéo, il parle en arabe sur un bateau au milieu de l’Atlantique. Le bateau n’était pas très loin des Canaries, mais perdu. On a fait traduire cette vidéo. C’était très compliqué de comprendre ce qu’il disait avec le bruit de l’océan mais on voyait sur la vidéo qu’il se passait un truc très important, sans savoir dire si c’était intense d’euphorie ou de désespoir. C’était impossible à dire. Et lui est là, il est debout, et il parle, avec intensité. En fait, il disait le nom de toutes les victimes du bateau. Il était en fait l’avant-dernier témoin, puisque le dernier, c’est celui qui va mettre la vidéo sur internet. Ce garçon n’est pas arrivé. Ça veut dire que ce garçon, debout, qui parle, est mort alors même qu’il était en train de nommer, lui, les gens qui venaient de mourir au milieu de l’océan.

    Puis l’écriture s’est poursuivie, et un deuxième volume, puis un troisième, sont venus compléter cette triologie, Des îles… Mais l’écriture s’est un peu déplacée, entre-temps…

    En 2022, la frontière entre la France et l’Espagne se ferme complètement suite à une attaque dans une église, près de Nice, par un jeune homme tunisien qui sortait de Lampedusa et qui a attaqué le curé d’une paroisse. Or ce moment où la frontière avec l’Espagne se ferme a coïncidé exactement avec le moment où les gens quittaient les #île_ Canaries pour remonter vers la France. Pendant un an, elle est restée fermée. Et pendant un an, il y a eu dix morts.

    Alors ce n’était plus des disparus qu’on cherchait, puisque l’on avait des corps. C’était exactement le contraire. On avait des #corps, mais pas de nom, pas d’histoire. Juste des corps ramassés dans la #Bidassoa alors qu’avant, j’avais des histoires mais pas de corps. Si bien qu’il fallait faire le chemin opposé. Malgré tout, il y a toujours quelqu’un qui a vu quelqu’un qui sait que quelqu’un est passé par là ce jour-là. Mais c’est très difficile d’être le témoin de cela et de vouloir bien en témoigner.

    Les gens ne voulaient pas, même les amis les plus proches. Parce que tu ne vas pas commencer à arriver dans un pays que tu essaies de rejoindre depuis trois ans en arrivant avec des problèmes. Des problèmes avec la police, avec la justice… alors que tu as passé ton temps à essayer de te désidentifier, tu ne vas pas t’identifier immédiatement, et surtout pas pour arriver avec un mort. Arriver avec un mort, c’est compliqué. Et donc même les amis qui passaient et qui, eux, avaient survécu, ne parlaient pas. C’était très compliqué de remonter le fil de ces histoires.

    Qu’est-ce qui a changé dans l’écriture de ces histoires, au fil des tomes et des enquêtes ?

    Moi, j’ai changé. C’est surtout moi. La manière de travailler a changé entre le tome un, le deux, et le trois de la trilogie, mais je m’en rends compte après coup. Dans le un, il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup d’histoires. Beaucoup de récits, parce que beaucoup de gens parlent, prennent la parole. C’est beaucoup d’oralité et moi, j’essaye de prendre tout ça et de suivre les fils pour pour accompagner, pour aider, pour suivre et donc faire l’enquête.

    Dans le deuxième tome, Des Iles 2, c’est plutôt une question : comment on rend un corps qui est non-identifié par un juge espagnol, à un papa guinéen ? Et comment on le fait franchir l’Atlantique jusqu’en Guinée, mais en avion, et mort. On a réussi. Le travail change parce qu’il est d’un extrême piétinement. C’est le contraire des histoires qui arrivent. C’est beaucoup plus d’écrit puisque ce doit être conforme, signé à l’ambassade de ceci, de cela en Guinée, en Espagne, etc.

    Et donc c’est forcément une autre façon d’écrire puisqu’elle suit l’archive. L’archives qui est en train de se faire, qui est en train de s’écrire, qui est en train de s’élaborer. Il faut écrire sans céder à la simplification parce que c’est hyper complexe. L’écriture suit le réel, et donc elle panique parfois parce que le réel panique tout le temps. Parce que quand on a tous les papiers pour que le corps reparte en Guinée, et bien il manque le certificat de non-Covid et donc tout va foirer. L’écriture suit ça, et donc elle change de forme parce qu’elle est bousculée tout le temps par le réel. Tout le temps.

    Et puis vient l’écriture du troisième volume de la trilogie. Et là encore, l’écriture change…

    Oui, elle change de forme aussi, un peu volontairement, un peu à dessein, parce que je suis épuisée. Je me dis alors qu’il faut faire un pas de côté. Et ce pas de côté, c’est de dire qu’il y a en effet les bateaux qui arrivent qu’en ce moment depuis l’Algérie. mais aussi ces bateaux qui ont traversé dans l’autre sens. Evidemment, au moment de la chute de Séville, pendant la guerre civile, puisque des bateaux sont partis en Algérie, à Oran, et c’était exactement la même route, les mêmes ports. Mais cette route-là en appelle une autre : celle de l’exil morisque du début du XVIIᵉ siècle.

    En fait, ce pas de côté historique me garantit quelque chose. Ce pas de côté m’intéresse parce qu’il montre aussi que ce n’est pas toujours du Sud vers le Nord que vont les exils et qu’il y a eu d’autres histoires et d’autres bateaux sur ces routes-là. Tout ça m’intéresse politiquement, historiquement, mais aussi me déplace moi dans l’écriture. Cela me calme, c’est-à-dire je suis obligée de suivre un autre rythme qui est le rythme historique. Le rythme du document qui est déjà écrit, de l’archive que je n’ai pas besoin d’écrire moi, et qui n’est pas en train de se créer sous mes yeux, mais qui est déjà là : c’est celle des historiens, c’est celle des récits antérieurs. Et ça, ça me sauve un peu, un peu.

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/comme-personne/marie-cosnay-dans-l-imaginaire-collectif-pour-la-migration-la-fosse-comm
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    • By Phate Zhang - 2025-06-05

      A car carrier sailing from China with electric vehicles (EVs) onboard was abandoned after catching fire in the middle of the Pacific Ocean on Tuesday, highlighting one of the risks involved in transporting such vehicles.

      The cargo ship, named Morning Midas, was loaded with about 3,000 vehicles, including 800 EVs, when it caught fire off the coast of Alaska, Reuters reported overnight, citing the ship’s management company, Zodiac Maritime.

      Smoke was initially seen rising from a deck loaded with EVs, Zodiac said. It remains unclear what brands of vehicles were on board, Reuters’ report noted.

      The Morning Midas is a 46,800-ton car carrier built by China’s Xiamen Shipbuilding Industry in 2006, according to ship-tracking data compiled by Bloomberg.

      The demand for #lithium-ion #batteries, including those used in EVs, is introducing new risks to the global shipping industry, especially given the value of vehicles on large car carriers, Bloomberg reported overnight, citing a report released last month by insurance giant Allianz.

      Fires caused by EVs are typically harder to extinguish and more dangerous to tackle, potentially requiring up to 8,000 gallons of water to cool lithium-ion batteries, the report noted.

      Over the past few years, as China’s EV industry has rapidly developed, some domestic automakers have established their own car carrier fleets.

      SAIC Motor currently has the largest fleet of car carriers among Chinese automakers, with its Anji Logistics fleet already comprising dozens of vessels.

      BYD (HKG: 1211, OTCMKTS: BYDDY) is also rapidly increasing its maritime transport capacity, with its seventh car carrier launched last month.

    • https://fr.businessam.be/un-cargo-est-en-feu-depuis-une-semaine-ce-qui-accroit-les-inquietudes-

      Le cargo ‘Morning Midas’, avec 3 000 véhicules à bord, est en feu dans le Pacifique depuis plus d’une semaine.

      L’incendie s’est déclaré sur un pont abritant des véhicules électriques et serait dû à des batteries lithium-ion.

      La multiplication des incendies de véhicules électriques en mer suscite des inquiétudes en matière de sécurité et fait augmenter les primes d’assurance transport.

  • La #justice annule la procédure-bâillon engagée par Philippe Bizien contre « Splann ! »
    https://splann.org/justice-annule-procedure-baillon-philippe-bizien

    C’est une décision importante pour notre média. En prononçant la nullité de la plainte déposée par le ponte du lobby porcin, Philippe Bizien, la chambre de l’instruction de Rennes reconnaît l’irrégularité d’une procédure dont l’objet était de restreindre la liberté d’informer des journalistes et le droit de savoir des citoyens. L’article La justice annule la procédure-bâillon engagée par Philippe Bizien contre « Splann ! » est apparu en premier sur Splann ! | ONG d’enquêtes journalistiques en Bretagne.

    #La_vie_de_« Splann !_ » #liberté_de_la_presse