• "I’m in love with Magaret Thatcher". L’entrée en scène de la "voleuse de lait".
    https://lhistgeobox.blogspot.com/2024/03/im-in-love-with-magaret-thatcher.html

    « En accord avec Ronald Reagan (6), qui vient d’accéder à la présidence des Etats-Unis en 1981, Thatcher encourage la compétition entre individus, réduisant autant que possible les aides de l’Etat. Pour elle, "la société n’existe pas. Il existe un tissu vivant d’hommes et de femmes, et la qualité de nos vies dépend de la disposition de chacun de nous à se prendre en main." Reagan dénonce les "welfare queens", les reines de l’aide sociale, des profiteuses qui feraient des gosses pour vivre aux crochets de la société. Au fil des discours, elle s’emploie à dessiner le portrait du mauvais pauvre, qui prend les traits du chômeur bénéficiant d’aides indues qui l’entretiendraient dans l’oisiveté. "Le chômage est une injure à la rationalité économique. La mentalité qui en résulte est que les chômeurs se contentent de vivre aux dépens de l’Etat, sans vraiment ressentir la nécessité de bouger ou de trouver du travail", dixit Maggie.

    En 1965, Bob Dylan publie "Maggie’s farm". Les paroles, qui ne se réfèrent pas à Thatcher, décrivent pourtant l’exploitation dont sont victimes ceux qui y sont employés, comme une métaphore de l’Angleterre sous la férule de Maggie. Les Blues Band et les Specials reprennent le titre dont ils adaptent les paroles au contexte britannique. Chez les premiers, ce n’est plus la garde nationale qui est en faction devant la chambre du papa de Maggie, mais le Special Patrol Group, l’unité de police métropolitaine de Londres en charge de la répression et coutumière des bavures. Si la victoire de Thatcher en 1979 s’est accompagnée d’un effondrement du vote du National Front, c’est aussi parce que la conservatrice a repris à son compte les idées racistes du parti d’extrême-droite dans son programme de campagne, une récupération que dénonçait déjà le dub poet LKJ, fustigeant le "show raciste" de Maggie dans son titre "It Dread inna England". "Quoi qu’ils en disent, quoi qu’il arrive, nous, Africains, Idiens et Caribéens, nous sommes aujourd’hui ici pour rester, dans cette Angleterre." »

  • La puissance des masses
    https://laviedesidees.fr/Hulak-histoire-liberale-modernite

    Le #libéralisme français, né sous la Restauration, ne s’est pas seulement intéressé aux droits individuels : il a aussi fait l’histoire de la masse comme sujet #Politique dominé. À propos de : Florence Hulak, L’histoire libérale de la modernité. #race, #nation, classe, Puf

    #classes_sociales #Double_Une
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240305_hulak.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240305_hulak.docx

  • Université, service public ou secteur productif ?
    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif

    L’annonce d’une “vraie révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des carrières, des programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un modèle productif, au détriment de la profession.

    #Société #libéralisme #université #concurrence #enseignement
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240213_esr.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240213_esr.pdf

  • Chères collaboratrices - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Cheres-collaboratrices

    Mais le passage n’est pas si simple, comme on l’a vu, entre une expérience minorisée et une volonté d’émancipation collective, quand notre ethos libéral et individualiste nous invite plutôt à saisir les possibilités de promotion individuelle. Pour cent femmes qui subissent les boys clubs en entreprise, combien de féministes anti-capitalistes ? C’est une confiance un peu excessive à accorder à une politique des identités qui serait devenue, pour la simple raison qu’on souhaite qu’elle le devienne, matérialiste. Comme si la présence de gays ou de lesbiennes, placardisées ou désormais out, au plus haut sommet de l’État avait depuis 2017 révolutionné les conditions matérielles en moyenne peu reluisantes des personnes LGBT (en moyenne). Et comme si le capitalisme états-unien ne s’appuyait pas sur des dirigeant·es d’entreprise et des employé·es à haut niveau de responsabilité issu·es du Sud global et qui, tout en étant très bien rémunéré·es, n’ont pas même le droit de vote dans le pays où elles et ils travaillent.

    #recension #livre #féminisme #libéralisme #Sandrine_Holin #Aude_Vidal

  • Les quatre mondes de l’État régulateur européen
    https://laviedesidees.fr/Warlouzet-Europe-contre-Europe

    L’Europe du marché domine le gouvernement des politiques économiques et sociales depuis 1945. Trois autres modèles, solidaire, néomercantiliste, et ultra-libéral, s’opposent à la logique libérale. À propos de : Laurent Warlouzet, #Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance depuis 1945, CNRS Éditions

    #Économie #libéralisme #marché #commerce #néo-libéralisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240205_faure.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240205_faure-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240205_faure.pdf

  • T’imagines les #ultra_riches traire leurs #vaches ?

    Ah oui, mon gars, c’est plus dur que traire les salariés... :-D :-D :-D

    #politique #monde #société #opportuniste #profiteur #vampires #charognards #libéralisme #seenthis #vangauguin

    « Face à la #crise_climatique, le #survivalisme est devenu l’ultime lubie des #milliardaires qui planifient leur #exode et tentent d’échapper au monde commun. (...) »

    Bunkers et fermes bio : comment les #ultrariches préparent l’avenir

    https://reporterre.net/Bunkers-et-fermes-bio-comment-les-riches-preparent-l-avenir

  • « Pulsations pour le vivant » : EELV veut incarner une alternative New Age à la NUPES - CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/ecologie-tondelier-toussaint-eelv-new-age-nupes

    [...]
    Le parti Les Écologistes – EELV voulait tourner la page de la NUPES en lançant sa campagne pour les élections européennes au plus vite. C’est chose faite, avec un premier événement début décembre intitulé « Pulsations – meeting pour le vivant ». Difficile d’intéresser aux enjeux européens dans la période, alors les médias ont été invités avec une promesse : il y aurait « de nombreuses surprises ».

    La surprise qui a marqué le plus grand nombre, c’était une séance de booty therapy, dont la définition proposée par le site Booty Therapy est la suivante : « une pratique qui mêle sport, danse et développement personnel ». Créée par Maïmouna Coulibaly, la booty therapy permettrait aux participant·es de « relâcher leurs émotions et guérir une partie de leurs traumas et épreuves, à travers des exercices collectifs ». La pratique ciblerait notamment les femmes victimes de violences et les encouragerait à assumer leur physique et leur histoire, à travers des danses qui mobilisent le bassin.

    Invisibilisant totalement le reste de l’événement, ce cours de danse de 20 minutes au milieu du meeting n’a pas laissé indifférent. Dans le meilleur des cas, il a été jugé gênant, hilarant, pas à la hauteur des enjeux ou encore déconnecté des attentes des citoyen·nes. Dans le pire des cas, il a été attaqué par l’extrême droite. Les performeuses ont en effet subi un cyberharcèlement intolérable à l’issue de leur prestation, en raison de leur physique et de leur couleur de peau.

    Pour justifier cette animation et tenter de réparer les dégâts, les cadres du parti se sont mis en ordre de bataille. Première défense : nous n’aurions « rien compris ». Chacun·e jugera de la pertinence de qualifier d’ignorant·es la majorité des potentiel·les électeur·rices à l’occasion d’un lancement de campagne. Deuxième défense : si nous émettons des réserves quant à la booty therapy, c’est que nous serions sexistes et racistes. Défense totalement légitime lorsque les attaques visaient les intervenantes ou leurs danses, mais qui ne peut pas être un argument d’autorité suffisant pour éviter tout débat contradictoire.

    Mais c’est un autre argument des cadres écologistes, passé un peu inaperçu médiatiquement, qui nous intéresse ici. Il s’agissait d’expliquer que la pratique de la booty therapy était politique, car elle permettait de mettre en avant les méthodes de développement personnel et leurs bienfaits supposés pour les victimes de violence. C’est sans doute là l’argument le plus problématique.

    Booty Therapy propose des stages mettant en avant le concept de « féminin sacré » et les intervenantes ont évoqué le « pouvoir thérapeutique » de cette pratique, qui permettrait de « rallumer la puissance de vie ». Ces éléments de langage sont classiques de la mouvance spirituelle et ésotérique New Age, qui défend l’idée d’un lien intime entre corps, âme, esprit et cosmos. Il s’agissait, là, de leur donner place dans un meeting politique. Nous sommes donc ici bien loin d’un simple cours de twerk.
    [...]
    Une dépolitisation et un projet libéral difficiles à cacher
    Il s’agit d’abord d’affirmer qu’un parti politique devrait se garder de mettre en avant les pseudo-sciences ou les pratiques ésotériques. Il s’agit ensuite et surtout d’affirmer que le « développement personnel » n’a pas sa place en politique.

    La politique vise à organiser la vie du pays et à améliorer le quotidien des gens via l’action collective. À l’inverse, le développement personnel se fonde sur l’idée que la solution est « à l’intérieure de chacun·e » et que « nous sommes les seul·es responsables de notre bonheur ». Il nous apprend à « manager nos vies », comme une entreprise capitaliste qu’on devrait amener à être rentable. Vous êtes pauvre ? C’est parce que vous n’avez pas encore développé votre plein potentiel, faites davantage d’efforts ! Vous êtes déprimé·e ? C’est parce que vous n’avez pas investi dans la nouvelle application mobile thérapeutique, qui vous apprend la méditation pour 10 € par mois !

    Il s’agit en réalité d’une approche individualiste et néolibérale, qui pousse à faire un travail constant sur « soi-même », pour mieux invisibiliser le caractère structurel des inégalités ou de nos « difficultés quotidiennes ». C’est l’exact inverse de ce que devrait porter un parti écologiste ancré à gauche. Car si la solution est intérieure, si aucun facteur extérieur ne peut permettre d’améliorer nos vies, pourquoi devrions-nous militer pour changer la société ? Lorsqu’on porte un projet écologiste, notre rôle doit être au contraire de dénoncer les logiques libérales et capitalistes. Au lieu de miser sur des solutions individualistes, nous devrions démontrer le caractère systémique des atteintes aux humains et à la nature, et rendre possible l’action collective, seul moyen d’instaurer le rapport de force nécessaire à la transformation de nos sociétés.

    La booty therapy rejoint également cette idée de travail sur soi, où l’autonomisation passerait par la conscience de « la puissance féminine de vie » et la guérison des traumatismes par l’éveil du corps. La défense de ce féminisme individualiste par EELV est le reflet d’une forme de dépolitisation des combats féministes au sein du parti. Cela est d’autant plus visible lorsque sur 3h30 de meeting, aucune proposition politique n’a en revanche été émise sur ces questions. Marie Toussaint a défendu la booty therapy en reprenant l’affirmation : « le corps des femmes est politique ». C’est vrai. Mais cela n’exonère pas de proposer un contenu programmatique ambitieux pour les droits des femmes, sans quoi cela donne l’impression d’un purplewashing.

    Certes, l’absence de projet politique dans ce meeting ne se limitait pas à la lutte contre les discriminations. De toute la soirée, une seule et unique proposition a été présentée : le droit de veto social. Le reste du meeting était consacré au constat des problèmes auxquels nous faisons face, à l’énumération des valeurs du parti, et à la présentation du parcours des candidat·es. Seul Gaspard Koenig se risquera à présenter une solution, en conclusion de son intervention : « Pourquoi ne serait-il pas légitime d’utiliser des mécanismes de marché qui sont efficients quand ils sont utilisés à des fins vertueuses ? ».

    L’invitation de ce libéral-libertaire au meeting est un indice de plus quant à l’orientation politique retenue par Les Écologistes – EELV. Sa présence, couplée à la mise en avant de pratiques libérales individualisantes dessine une ligne claire : celle d’une campagne qui tente de séduire l’électorat déçu du macronisme. Un air de déjà-vu, une énième version de « l’écologie au centre », qui aura eu le mérite de provoquer les seules « Pulsations » du meeting : les pulsations de rejet, ou de déception, de celles et ceux qui espéraient y trouver une écologie radicale et anticapitaliste.

    Tourner la page de la NUPES pour conquérir les « déçus du macronisme »

    Enfin, c’est le timing qui interroge. Les Écologistes – EELV est le premier parti à organiser un meeting de campagne, avant même d’avoir établi l’ordre de ses premier·es de liste, et visiblement avant d’avoir produit un contenu programmatique. Pourquoi donc vouloir organiser un meeting, six mois avant l’élection, sans avoir plus d’une proposition à présenter ? Rien ne semblait presser : à ce stade, les autres partis se posent à peine la question de la composition de leur liste et le contexte politique au Proche-Orient comme en France ne laisse aucun espace médiatique à l’échéance électorale de juin prochain. Une seule explication : l’objectif était de tourner, au plus vite, la page de la NUPES.

    Sortir de l’alliance à l’occasion des européennes était déjà, en réalité, au cœur du dernier congrès du parti, près de 2 ans avant l’élection. Ainsi, on comprend que, dès les premiers mois de la NUPES, la direction d’EELV n’avait qu’une hâte : y mettre un terme. Le parti perçoit en effet les européennes comme une sorte de sondage en conditions réelles, une occasion de revanche pour établir un nouvel équilibre des forces à gauche.

    Triste stratégie en réalité, qui consiste à espérer que la très faible participation des classes populaires aux élections européennes sera favorable à EELV. EELV pense ainsi pouvoir gagner sa place de leader parmi « ceux qui vont voter », plutôt que d’essayer de convaincre tous·tes les autres. Cela explique d’autant plus l’orientation de campagne, qui vise à attirer les déçus du macronisme.
    [...]

    Sur le même sujet, transmis par @mad_meg :
    LE MARCHÉ DU « BONHEUR » : la nocivité du développement personnel et des nouvelles spiritualités
    https://seenthis.net/messages/1036282

  • « Wolfgang #Schäuble et Jacques #Delors : une logique, un couple, des enfants »

    Qui aura la garde ? :-D :-D :-D

    Faisons l’#amour, avant de nous dire #adieu... :-D :-D :-D

    « L’un défendait l’#austérité budgétaire et voulait l’appliquer à toute l’#Europe. L’autre représentait cette deuxième #gauche acquise au #libéralisme bruxellois et au #Marché unique. Le premier assumait fort bien son statut de père fouettard. Le second s’accommoda mal d’une impossible Europe sociale. Mais, ils finirent d’une certaine façon par faire bon ménage dans une UE faites de critères, de normes et de technocratie. (...) »

    #politique #comique #fédéralisme #social #humour #tragique #fraternité #changement #seenthis #vangauguin

    https://www.marianne.net/economie/wolfgang-schauble-et-jacques-delors-une-logique-un-couple-des-enfants#utm_

  • Führt Argentinien Bitcoin als gesetzliches Zahlungsmittel ein? Nein, aber…
    https://www.heise.de/news/Fuehrt-Argentinien-Bitcoin-als-gesetzliches-Zahlungsmittel-ein-Nein-aber-95810
    La catastrophe sociale en Argentine

    21.12.2023 von Daniel AJ Sokolov - Argentinier dürfen jetzt vielleicht für Starlink mit Bitcoin zahlen – wenn sie das vereinbart haben. Klingt normal, ist es aber nicht.​

    Nein, aber…
    Volle Vertragsfreiheit
    Kein Mieterschutz, weniger Verbraucherschutz, Wucherzinsen
    Mehr Macht für Arbeitgeber, geringerer Mindestlohn, höhere Preise

    „Wir bestätigen, dass argentinische Verträge in Bitcoin abgeschlossen werden können“. Diese Mitteilung Diana Mondinos, der argentinischen Ministerin für auswärtige Angelegenheiten, internationalen Handel und Anbetung, sorgt für Freude bei Fans von Kryptowährungen. Bisher war das nämlich – kompliziert. Jetzt sorgt ein Notdekret des neuen argentinischen Staatspräsidenten Javier Milei für Tumult. Es könnte einen Generalstreik auslösen.

    Auf einen Schlag möchte der Mann mit seinem Decreto de Necesidad y Urgencia (DNU) zahllose Gesetze entweder zur Gänze aufheben, grundlegend ändern oder ihnen weitgehend die Wirkung absprechen. Und das sehr flott, nämlich spätestens zum Jahreswechsel. Bitcoin wird in dem 83 Seiten langen Dekret nicht erwähnt. Doch öffnet die umfassende Deregulierung von Wirtschaft und Verwaltung auch Türen für Kryptowährungen.
    Volle Vertragsfreiheit

    Das kommt so: Bislang ist es in Argentinien nicht möglich, Naturalexekution zu führen, selbst wenn Vertragspartner das ausdrücklich vereinbart haben. Das macht Tauschgeschäfte eine unsichere Sache. Wer beispielsweise vertraglich vereinbart, Autoreifen gegen ein Kalb, einen Rembrandt gegen einen Schiele, oder ein Fahrrad gegen eine Goldmünze zu tauschen, ist womöglich seine Sache los, erhält im Gegenzug aber nur argentinische Pesos. Denn argentinisches Recht erlaubt bislang jedem Schuldner, schuldbefreiend in der gesetzlichen Landeswährung zu zahlen.

    Das gilt auch, wenn eine ausländische Währung wie Dollar und Euro als Zahlung für eine Leistung vereinbart waren. Dabei kommt dann noch ein offizieller Wechselkurs zur Anwendung, der weit vom tatsächlichen wirtschaftlichen Wert der ausländischen Währung abweicht. Ganz zu schweigen von der galoppierenden Inflation, die im November bei über 160 Prozent lag. Wer auf seinen Vertragspartner vertraut hat, ist dann der Gelackmeierte. Der Rembrandt ist weg, der Schiele kommt nicht. Stattdessen darf man sich Pesos an die Wand picken.

    Das Notdekret soll das alles ändern. Ab sofort gilt, was die Parteien vereinbart haben. Sei das nun Bezahlung in „Kilo Jungochse oder Liter Milch“, formuliert es Monidno. Damit ist auch der Weg frei, durchsetzbare Verträge mit Bezahlung in Dollar oder Kryptowährungen wie Bitcoin zu vereinbaren. Politisches Ziel der neuen Regierung ist allerdings die Dollarisierung der argentinischen Wirtschaft.
    Kein Mieterschutz, weniger Verbraucherschutz, Wucherzinsen

    Gleichzeitig reduziert die Reform den Verbraucherschutz und kann Verträge deutlich länger und komplizierter machen. Nicht nur schafft Milei das Verbot sittenwidriger Verträge ab, er entzieht dem Wirtschafts- und Vertragsrecht generell die Geltung; Gerichte dürfen es nur noch heranziehen, wenn im gegenständlichen Vertrag zu einem bestimmten Punkt nichts vereinbart ist. Das bedeutet: Freie Fahrt für allerlei überraschende Klauseln.

    Überhaupt abgeschafft werden das Mietrecht, Einschränkungen von Großgrundbesitz durch einzelne Inländer, Einschränkungen des Immobilienerwerbs durch Ausländer, sowie Branchengesetze, wie es sie für Bergbau, Weinbau oder Zucker gibt. Abgeschafft werden gleichzeitig Bestimmungen, die kleinen Unternehmen und regionalen Anbietern den Weg auf den Markt erleichtert haben. Parallel entfallen die Pflicht zur Preisauszeichnung sowie jegliche Preisregulierung, selbst bei Medikamenten sowie für im Voraus bezahlte Leistungen.

    Zinsen können ebenfalls in beliebiger Höhe vereinbart werden, und Banken dürfen jene Gebühren, die Händler bei Akzeptanz von Kredit- und Debitkarten zahlen müssen, frei festsetzen. Bislang galten hier Grenzen von drei respektive 1,5 Prozent. Feuerschutzbestimmungen werden reduziert, Zollbestimmungen verändert und elektronische Arzneimittelrezepte eingeführt. Fußballvereine müssen keine Vereine mehr sein, Wettbewerbsbeschränkungen im Tourismussektor sind Geschichte, Führerscheine werden digital, es gibt keine Pflicht mehr, Zulassungsbescheinigung und Versicherungsnachweis mitzuführen, und Gebrauchtwagen dürfen selbst bei unbezahlten Verkehrsstrafen den Eigentümer wechseln, und so weiter. Deregulierung soweit das Auge reicht.

    Sämtliche staatliche Unternehmen werden in Aktiengesellschaften umgewandelt und sollen verkauft werden, darunter die Fluggesellschaft Aerolíneas Argentinas. Der Erlös aus deren Privatisierung könnte allerdings bescheiden ausfallen, schließlich dürfen in Zukunft auch ausländische Anbieter Inlandsflüge durchführen oder zwischen Argentinien und Drittstaaten fliegen. Freigegeben wird zudem der Betrieb von Satellitendiensten; Starlink dürfte zwar seit 2021 in Argentinien funken, hat jedoch den Vertrieb dort nicht aufgenommen. Das mag an der hohen Inflation und der Pflicht zur Akzeptanz von Pesos zu einem willkürlichen Wechselkurs liegen, was sich nun ändert. Die Kompetenzen von Bundesstaaten und Kommunen werden beschnitten.
    Mehr Macht für Arbeitgeber, geringerer Mindestlohn, höhere Preise

    Gibt es in einem Betrieb höchstens fünf Beschäftigte, gelten sie nicht mehr als Arbeitnehmer. Damit entfällt für sie jeglicher Arbeitnehmerschutz oder Mindestlohn. Für andere Beschäftigte wird die Berechnungsgrundlage des Mindestlohns deutlich gesenkt und das Streikrecht erheblich eingeschränkt; in manchen Branchen müssen selbst bei einem Streik mindestens 50 Prozent der Beschäftigten voll arbeiten. Im Bildungsbereich sind es sogar 75 Prozent.

    Dem nicht genug, entzieht das Dekret den Gewerkschaften auch noch ihre Finanzierungsgrundlage. Nicht nur sie bezeichnen das Dekret als verfassungswidrig, fordern eine Rücknahme diverser Bestimmungen und drohen mit Generalstreik – solange sie das noch dürfen.

    Erst vor kurzem hat Milei die Landeswährung gegenüber dem US-Dollar um die Hälfte abgewertet. Begründet hat er diese Maßnahme so wie das am Freitag erlassene Dekret: mit der wirtschaftlichen Notlage und enormer Inflation. Aufgrund der Notlage sei es unmöglich, den üblichen Gesetzgebungsprozess zu durchlaufen, sagt der neue Präsident. Das ist Voraussetzung für die juristische Zulässigkeit seines Dekrets. Es wandert nun ans Parlament, dessen beide Kammern binnen zehn Tagen entscheiden müssen. Dort reicht jeweils eine einfache Mehrheit, um das weitreichende Dekret in Kraft zu setzen. In so kurzer Zeit ist es unmöglich, alle Auswirkungen der weitreichenden Novellen abzuschätzen.

    Stimmt das Parlament zu, drohen Argentiniern niedrigere Einkommen und höhere Preise. Das reicht von Wohnungsmieten über Immobilienkauf bis zu Lebensmitteln. Weil bisherige Exportverbote plötzlich unwirksam sind, werden sich die Lebensmittelpreise an die deutlich höheren Weltmarktpreise angleichen. So befeuert das Decreto de Necesidad y Urgencia die Inflation sogar noch, selbst für Inhaber von Bitcoins.

    Das Decreto de Necesidad y Urgencia (DNU)
    https://www.heise.de/downloads/18/4/5/1/7/4/4/3/el-decreto-historico-de-milei-para-derogar-300-leyes-7081774.pdf

    #Argentine #libéralisme #droit_de_grève

  • Ausbeutung des globalen Südens: »Lula ist umgeben von Marktradikalen«
    https://www.jungewelt.de/artikel/464680.ausbeutung-des-globalen-s%C3%BCdens-lula-ist-umgeben-von-marktradik

    6.12.2023 von Gitta Düperthal - EU-Mercosur-Abkommen: Brasiliens Präsident unter Druck der Großgrundbesitzer. Ein Gespräch mit Bettina Müller

    Das EU-Mercosur-Abkommen zwischen den Staaten Argentinien, Brasilien, Paraguay, Uruguay und der Europäischen Union steht schon lange in der Kritik, da es Natur und Menschenrechte gefährdet – inwiefern?

    Autos, Maschinen und andere verarbeitete Produkte aus der EU könnten aufgrund der abgesenkten Zölle leichter gehandelt werden. Dadurch würde die Deindustrialisierung im Mercosur verschärft. Zugunsten der EU veränderte Herkunftsregeln würden zu einem Verlust von Arbeitsplätzen, etwa im südamerikanischen Textilsektor, führen. Denn europäische Konzerne könnten mit ihren zum großen Teil in Asien genähten Textilien auf den brasilianischen und argentinischen Markt drängen, womit deren Textilarbeiterinnen in den ausbeuterischen Wettbewerb hineingezogen würden. Die Folge wären schlechtere Arbeitsbedingungen und Lohndumping. Mit günstigeren Einfuhrregelungen in die EU wüchsen Monokulturen, etwa bei der Fleisch-, Soja- oder Zuckerrohrproduktion, in den Mercosur-Ländern an. Das wäre nur für die Großgrundbesitzer von Vorteil. Zudem wären der Regenwald in Brasilien und der Gran Chaco, der sich durch Paraguay und Argentinien zieht, zunehmend von Abholzung bedroht, was auch zur Vertreibung der dort lebenden indigenen Gemeinden führen würde.

    Wie kommt es, dass Brasiliens Präsident Luiz Inácio Lula da Silva, aktuell zu Besuch bei Bundeskanzler Olaf Scholz, dennoch darauf drängt, das Abkommen abzuschließen?

    Seit 1999 wird das Abkommen verhandelt, in Lulas vorherigen Amtszeiten wurde es immer wieder auf Eis gelegt. Erst jetzt, nach seiner erneuten Wiederwahl, drängt der sozialdemokratische Präsident Brasiliens, es zu verabschieden. Großgrundbesitzer üben Druck auf ihn aus. Mit der Wahl des rechten Präsidenten Javier Milei, der in Kürze sein Amt in Argentinien antritt, ist er umgeben von Marktradikalen. Lula befürchtet, das Mercosur-Wirtschaftsbündnis könnte platzen. Aus unserer Sicht würde aber ein solches Handelsabkommen die Wirtschaft in Südamerika und damit den Wirtschaftsblock stark schwächen.

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    Welche Rolle spielt der argentinische Regierungswechsel bei den Widerständen gegen das Abkommen?

    Argentiniens scheidender peronistischer Präsident Alberto Ángel Fernández wollte nachverhandeln, das Abkommen so nicht unterschreiben. Gewerkschaften, Kleinbäuerinnen und Kleinbauern und die indigene Bevölkerung der Mercosur-Staaten waren aus genannten Gründen stets dagegen. Bauern und ihre Verbände in der EU sehen es ebenso kritisch, im Gegensatz zur Chemie- und Autoindustrie.

    Am Sonntag abend war an die Fassade des Bundeskanzleramts die Losung »Kein Kuhhandel auf Kosten von Klima und Menschenrechten – Stoppen Sie EU–Mercosur« projiziert worden. Am Montag folgten weitere Proteste.

    Die Bestrahlung dauerte nur etwa zehn Minuten, weil die Polizei auftauchte und uns ein Bußgeld aufbrummte. Am »Haus der Deutschen Wirtschaft«, wo Lula, Scholz und Robert Habeck mit Unternehmensvertretern zusammentrafen, war unsere Forderung länger zu sehen. Zudem überreichte Greenpeace Lula einige Willkommensgeschenke, die mit dem Abkommen einhergehen würden, darunter ein aus Plastikmüll gepresster Kubus, da mit dem Abkommen auch der Export von Plastikbesteck vereinfacht würde. Zudem gab es auch ein Pestizidfass und einen Verbrennungsmotor. Bundeskanzler Scholz und Wirtschaftsminister Habeck belächelten das. Eine Vielzahl von Grünen-Politikern hat seine ursprünglich ablehnende Haltung zum Abkommen nach und nach revidiert, seit sie in Regierungsverantwortung sind.

    ATTAC Deutschland, das Umweltinstitut München und »Powershift« fordern, sich in der EU-Handelspolitik neu zu orientieren. Was erwarten Sie von der Bundesregierung?

    Ein künftiges Kooperationsabkommen muss Klima- und Menschenrechtsschutz ins Zentrum stellen. Und wir müssen grundlegend über eine Neuausrichtung unseres Wirtschafts- und Handelssystems und unseren übermäßigen Verbrauch an Rohstoffen und Primärgütern anderer Länder sprechen.

    Bettina Müller ist Referentin für Handels- und Investitionspolitik bei Powershift e. V.

    #Brésil #Union_Européenne #économie #libéralisme

  • #José_Vieira : « La #mémoire des résistances face à l’accaparement des terres a été peu transmise »

    Dans « #Territórios_ocupados », José Vieira revient sur l’#expropriation en #1941 des paysans portugais de leurs #terres_communales pour y planter des #forêts. Cet épisode explique les #mégafeux qui ravagent le pays et résonne avec les #luttes pour la défense des #biens_communs.

    Né au Portugal en 1957 et arrivé enfant en France à l’âge de 7 ans, José Vieira réalise depuis plus de trente ans des documentaires qui racontent une histoire populaire de l’immigration portugaise.

    Bien loin du mythe des Portugais·es qui se seraient « intégré·es » sans le moindre problème en France a contrario d’autres populations, José Vieira s’est attaché à démontrer comment l’#immigration_portugaise a été un #exode violent – voir notamment La Photo déchirée (2001) ou Souvenirs d’un futur radieux (2014) –, synonyme d’un impossible retour.

    Dans son nouveau documentaire, Territórios ocupados, diffusé sur Mediapart, José Vieira a posé sa caméra dans les #montagnes du #Caramulo, au centre du #Portugal, afin de déterrer une histoire oubliée de la #mémoire_collective rurale du pays. Celle de l’expropriation en 1941, par l’État salazariste, de milliers de paysans et de paysannes de leurs terres communales – #baldios en portugais.

    Cette #violence étatique a été opérée au nom d’un vaste #projet_industriel : planter des forêts pour développer économiquement ces #territoires_ruraux et, par le même geste, « civiliser » les villageois et villageoises des #montagnes, encore rétifs au #salariat et à l’ordre social réactionnaire de #Salazar. Un épisode qui résonne aujourd’hui avec les politiques libérales des États qui aident les intérêts privés à accaparer les biens communs.

    Mediapart : Comment avez-vous découvert cette histoire oubliée de l’expropriation des terres communales ou « baldios » au Portugal ?

    José Vieira : Complètement par hasard. J’étais en train de filmer Le pain que le diable a pétri (2012, Zeugma Films) sur les habitants des montagnes au Portugal qui sont partis après-guerre travailler dans les usines à Lisbonne.

    Je demandais à un vieux qui est resté au village, António, quelle était la définition d’un baldio – on voit cet extrait dans le documentaire, où il parle d’un lieu où tout le monde peut aller pour récolter du bois, faire pâturer ses bêtes, etc. Puis il me sort soudain : « Sauf que l’État a occupé tous les baldios, c’était juste avant que je parte au service militaire. »

    J’étais estomaqué, je voulais en savoir plus mais impossible, car dans la foulée, il m’a envoyé baladé en râlant : « De toute façon, je ne te supporte pas aujourd’hui. »

    Qu’avez-vous fait alors ?

    J’ai commencé à fouiller sur Internet et j’ai eu la chance de tomber sur une étude parue dans la revue de sociologie portugaise Análise Social, qui raconte comment dans les années 1940 l’État salazariste avait pour projet initial de boiser 500 000 hectares de biens communaux en expropriant les usagers de ces terres.

    Je devais ensuite trouver des éléments d’histoire locale, dans la Serra do Caramulo, dont je suis originaire. J’ai passé un temps fou le nez dans les archives du journal local, qui était bien sûr à l’époque entièrement dévoué au régime.

    Après la publication de l’avis à la population que les baldios seront expropriés au profit de la plantation de forêts, plus aucune mention des communaux n’apparaît dans la presse. Mais rapidement, des correspondants locaux et des éditorialistes vont s’apercevoir qu’il existe dans ce territoire un malaise, qu’Untel abandonne sa ferme faute de pâturage ou que d’autres partent en ville. En somme, que sans les baldios, les gens ne s’en sortent plus.

    Comment sont perçus les communaux par les tenants du salazarisme ?

    Les ingénieurs forestiers décrivent les paysans de ces territoires comme des « primitifs » qu’il faut « civiliser ». Ils se voient comme des missionnaires du progrès et dénoncent l’oisiveté de ces montagnards peu enclins au salariat.

    À Lisbonne, j’ai trouvé aussi une archive qui parle des baldios comme étant une source de perversion, de mœurs légères qui conduisent à des enfants illégitimes dans des coins où « les familles vivent presque sans travailler ». Un crime dans un régime où le travail est élevé au rang de valeur suprême.

    On retrouve tous ces différents motifs dans le fameux Portrait du colonisé d’Albert Memmi (1957). Car il y a de la part du régime un vrai discours de colonisateur vis-à-vis de ces régions montagneuses où l’État et la religion ont encore peu de prise sur les habitants.

    En somme, l’État salazariste veut faire entrer ces Portugais reculés dans la modernité.

    Il y a eu des résistances face à ces expropriations ?

    Les villageois vont être embauchés pour boiser les baldios. Sauf qu’après avoir semé les pins, il faut attendre vingt ans pour que la forêt pousse.

    Il y a eu alors quelques histoires d’arrachage clandestin d’arbres. Et je raconte dans le film comment une incartade avec un garde forestier a failli virer au drame à cause d’une balle perdue – je rappelle qu’on est alors sous la chape de plomb du salazarisme. D’autres habitants ont aussi tabassé deux gardes forestiers à la sortie d’un bar et leur ont piqué leurs flingues.

    Mais la mémoire de ces résistances a peu été transmise. Aujourd’hui, avec l’émigration, il ne reste plus rien de cette mémoire collective, la plupart des vieux et vieilles que j’ai filmés dans ce documentaire sont déjà morts.

    Comment justement avez-vous travaillé pour ce documentaire ?

    Quand António me raconte cette histoire d’expropriation des baldios par l’État, c’était en 2010 et je tournais un documentaire, Souvenirs d’un futur radieux. Puis lorsqu’en 2014 un premier incendie a calciné le paysage forestier, je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette.

    J’ai travaillé doucement, pendant trois ans, sans savoir où j’allais réellement. J’ai filmé un village situé à 15 kilomètres de là où je suis né. J’ai fait le choix d’y suivre des gens qui subsistent encore en pratiquant une agriculture traditionnelle, avec des outils de travail séculaires, comme la roue celte. Ils ont les mêmes pratiques que dans les années 1940, et qui sont respectueuses de l’écosystème, de la ressource en eau, de la terre.

    Vous vous êtes aussi attaché à retracer tel un historien cet épisode de boisement à marche forcée...

    Cette utopie industrialiste date du XIXe siècle, des ingénieurs forestiers parlant déjà de vouloir récupérer ces « terres de personne ». Puis sous Salazar, dans les années 1930, il y a eu un débat intense au sein du régime entre agrairistes et industrialistes. Pour les premiers, boiser ne va pas être rentable et les baldios sont vitaux aux paysans. Pour les seconds, le pays a besoin de l’industrie du bois pour décoller économiquement, et il manque de bras dans les villes pour travailler dans les usines.

    Le pouvoir central a alors même créé un organisme étatique, la Junte de colonisation interne, qui va recenser les baldios et proposer d’installer des personnes en leur donnant à cultiver des terres communales – des colonies de repeuplement pour résumer.

    Finalement, l’industrie du bois et de la cellulose l’a emporté. La loi de boisement des baldios est votée en 1938 et c’est en novembre 1941 que ça va commencer à se mettre en place sur le terrain.

    Une enquête publique a été réalisée, où tout le monde localement s’est prononcé contre. Et comme pour les enquêtes aujourd’hui en France, ils se sont arrangés pour dire que les habitants étaient d’accord.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces forêts ? Subsiste-t-il encore des « baldios » ?

    Les pinèdes sont exploitées par des boîtes privées qui font travailler des prolos qui galèrent en bossant dur. Mais beaucoup de ces forêts ont brûlé ces dernière décennies, notamment lors de la grande vague d’incendies au Portugal de 2017, où des gens du village où je filmais ont failli périr.

    Les feux ont dévoilé les paysages de pierre qu’on voyait auparavant sur les photos d’archives du territoire, avant que des pins de 30 mètres de haut ne bouchent le paysage.

    Quant aux baldios restants, ils sont loués à des entreprises de cellulose qui y plantent de l’eucalyptus. D’autres servent à faire des parcs d’éoliennes. Toutes les lois promues par les différents gouvernements à travers l’histoire du Portugal vont dans le même sens : privatiser les baldios alors que ces gens ont géré pendant des siècles ces espaces de façon collective et très intelligente.

    J’ai fait ce film avec en tête les forêts au Brésil gérées par les peuples autochtones depuis des siècles, TotalEnergies en Ouganda qui déplace 100 000 personnes de leurs terres pour du pétrole ou encore Sainte-Soline, où l’État aide les intérêts privés à accaparer un autre bien commun : l’eau.

    https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/021223/jose-vieira-la-memoire-des-resistances-face-l-accaparement-des-terres-ete-

    #accaparement_de_terres #terre #terres #dictature #histoire #paysannerie #Serra_do_Caramulo #communaux #salazarisme #progrès #colonisation #colonialisme #rural #modernité #résistance #incendie #boisement #utopie_industrialiste #ingénieurs #ingénieurs_forestiers #propriété #industrie_du_bois #Junte_de_colonisation_interne #colonies_de_repeuplement #cellulose #pinèdes #feux #paysage #privatisation #eucalyptus #éoliennes #loi #foncier

  • On Tocqueville in Algeria and epistemic violence
    https://www.aljazeera.com/opinions/2020/7/7/on-tocqueville-in-algeria-and-epistemic-violence
    On ne peut étudier les peuples barbares que les armes à la main.
    Alexis de Tocqueville, Rapport sur l’Algérie (1847)

    Ce texte est intéressant parce qu’il est l’expression du réformisme académique qui se prend pour radical.

    ... there is no end in sight to all that needs to be renamed, toppled, and changed both on the streets and in academia

    Dans sa conclusion l’auteure n’ose qu’à peine revendiquer qu’on change de nom des endroits et institutions et ne va pas plus loin que de rappeller qu’il y a encore des statues à renverser. Elle ne revendique pas qu’on renverse le reigne des héritiers des profit extorqués aux habitants des pays colonisés. Elle reste sur un plan symbolique alors qu’il faudrait changer la réalité matérielle. Voilà c’est ce qui rend superflues la plupart des publications académiques depuis la disparition des états socialistes.

    Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer.
    Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, XI, 1845/1888

    7.7.2020 by Lina Benabdallah - The news that Princeton University had finally given in to years of student protests and calls to change the name of the Woodrow Wilson School of Public and International Affairs – finding that the former president’s “racism makes him an inappropriate namesake” – reverberated across academic institutions in the United States.

    It was the latest in a series of anti-racist acts that included the toppling of statues of racist historical figures and the removal of racist emblems from state flags. The removal of Wilson’s name from Princeton University buildings has shaken the ivory tower, in particular, scholars of international relations who are being pushed to think or rethink the way they read, teach and write about these classic figures of political thought.

    But while Princeton’s decision is welcome, it is merely one of many steps the discipline of political science must take in order to reckon with its explicit and implicit epistemic violence.

    Alexis de Tocqueville is a case in point. Tocqueville, who is almost synonymous with liberalism, democracy, and individual rights in the US, is known to be an apologist for colonisation and white settlers in North Africa.

    Writing Democracy in America in 1835 made him a hero of sorts, with streets, hedge funds, and restaurants named after him across the US. In the classroom, he is taught as a classic, timeless thinker in many comparative politics and political theory syllabi. His praised work on democracy, however, was built on the twin practice of glorifying democracy in a white-settler society – the US – and defending a French-led total war against North Africans in their own territories.

    Tocqueville was not just a theorist with a knack for travel; he was a member of parliament from 1839 to 1851 and was briefly French foreign minister during the Second Republic in 1849. When the French government and its elites were debating the merits of domination as opposed to partial colonisation of Algeria, Tocqueville wrote, in his 1841, Essay on Algeria, an unequivocal endorsement of a full-on colonisation. His thoughts on the merits of democracy and individual liberties clearly did not extend to North African natives.

    Tocqueville’s plan to subjugate Algerians and replace the population with European settlers included several concrete steps. He contended that the second-most important step in the conquest “after the interdiction of commerce, is to ravage the country”. As he further explained, “I believe that the right of war authorises us to ravage the country and that we must do it, either by destroying harvests during the harvest season, or year-round by making those rapid incursions called razzias, whose purpose is to seize men or herds.”

    If this savage policy recommendation was not clear enough, he reiterated in bullet points the necessity to “destroy everything that resembles a permanent aggregation of population or, in other words, a town.” The essay is littered with Orientalist views on nomads, on Islam, on the uncivilised Africans, and the trigger-happy Arabs. Tocqueville’s most stubborn recommendation comes in repeating throughout the text that “until we have a European population in Algeria, we shall never establish ourselves there (in Africa) but shall remain camped on the African coast. Colonisation and war, therefore, must proceed together.”

    In October 1843, upon returning from a trip to Algeria, Tocqueville revealed his thoughts on Islam in correspondence with French writer Arthur de Gobineau, an early promoter of scientific racism, stating that he was convinced that there were “few religions as deadly to men”, and that Islam was a step back from paganism.

    What Tocqueville observed in (white) America, he had hoped for in North Africa. The Arabs and Amazigh could be, like America’s original peoples, ruled over and governed, but should exist separately, together, from their free, democracy-deserving white colonisers – European settlers in Algeria and white Americans in the US. Opposing dictatorship in Algeria, as Tocqueville did, was not out of a commitment to democracy for native peoples but for a Manichean world with a twin practice of granting freedoms to white settlers and subjugating, in his words, even “ravaging”, Arab-populated towns.
    Should we just ‘learn to appreciate’ the good parts?

    To pause for a moment and ask difficult questions about political thinkers that we have long taken for granted is not a call to stop reading them. Quite the opposite. It is a call to read them fully and unselectively, not in small segments.

    A typical move in defending and sanitising Tocqueville’s political thought has been for some to remind us that he was an eloquent critic of slavery in the US and a proponent of original people’s rights. But is this enough? I am no psychoanalyst to figure out how one can be this and the other at the same time, but I know that Tocqueville’s work on Algeria, from 1841, was much later than his work on the US – 1835.

    I am also ready to believe that Tocqueville might have felt a deeper sense of empathy with causes and peoples that were too distant – slavery in the US – to cause a direct clash with the interests of the government he served. That same empathy, if there was such, was not afforded, in practice, to the natives of North Africa as it was in the context of North America.

    Another one is to tell us that “people are complex” and that there is no merit in pointing out the “bad stuff”. When I posted on Twitter, a year ago, my thoughts about Tocqueville and Algeria, voicing that the continued praise and adoration of him among political scientists is an epistemic violence to so many of us, I was scolded for failing to appreciate what a good piece of writing Democracy in America was. This trope of tone-policing and scolding people for not being able to “appreciate” or at the very least disagree in silence is nothing new, we see it everywhere, but it is part of a larger structure of epistemic violence against people of colour.

    Several awards in the name of Tocqueville are given to students, researchers, and alumni to recognise excellence in scholarship on freedom, democracy, and academic achievement. My favourite is the Prix Alexis de Tocqueville, a prize for political literature awarded every two years to “a person who has demonstrated outstanding humanistic qualities and attachment to pubic liberties.” The winner of the latest edition of the Prize is none other than Henry Kissinger. When I learned of this, I wondered what someone in Cambodia might think humanism looks like with Kissinger as its face.

    What these awards do is, like statues and buildings’ names, institutionalise epistemic violence. At the most basic level, epistemic violence is about dominant systems of knowledge oppressing “other” knowledge structures and normalising a common sense that is inherently violent and unjust. Having to apply to study in buildings and programmes named after organic intellectuals who spent their careers normalising racism and othering is a form of oppression. Likewise, for academics in political science, sitting in a conference room, as I have many times, listening to talks glorifying Tocqueville as a beacon for democracy and individual freedoms is a form of epistemic violence.

    To close, there is no end in sight to all that needs to be renamed, toppled, and changed both on the streets and in academia because the violence that is folded in with these histories we tell, theories we teach, name chairs we hire for, and awards and accolades we seek to add to our credentials are countless. Repairing epistemic violence has got to be a long and challenging path, given how deeply rooted it is and far back it goes, but it is necessary.

    Rapport sur l’Algérie (1847)
    Extraits du premier rapport de 1847 des travaux parlementaires
    de Tocqueville sur l’Algérie
    http://classiques.uqac.ca/classiques/De_tocqueville_alexis/de_la_colonie_algerie/rapport_sur_algerie/rapport_sur_algerie.html

    #histoire #USA #France #Algérie #Israël #génocide #colonialisme #théorie_polutique #libéralisme

  • Hayek, théoricien et militant
    https://laviedesidees.fr/Bourdeau-La-fin-de-l-utopie-liberale

    Hayek a toujours présenté sa refondation du #libéralisme comme une #utopie, reposant sur l’idée d’un ordre social spontané et autorégulé, contre les chimères de la justice sociale. À propos de : Michel Bourdeau, La fin de l’utopie libérale. Introduction critique à la pensée de Friedrich Hayek, Hermann

    #Philosophie #néo-libéralisme
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231123_hayek.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231123_hayek-2.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231123_hayek.pdf

  • Monde associatif et néolibéralisme
    https://laviedesidees.fr/Monde-associatif-et-neoliberalisme

    La configuration néolibérale du capitalisme détruit-elle le modèle associatif ? Ce nouvel ouvrage de la collection Puf/Vie des idées analyse les transformations à l’œuvre dans le monde associatif qui incarnait jusqu’alors un autre mode de production et de consommation, à rebours de celui que promeut l’économie politique.

    #Société

  • Les voitures et l’économie
    http://carfree.fr/index.php/2023/10/13/les-voitures-et-leconomie

    Se libérer d’une fausse croyance est peut-être l’une des libertés les plus puissantes. Les défenseurs des villes sans voiture en ont déjà l’habitude : s’affranchir du mythe selon lequel les voitures Lire la suite...

    #Vie_sans_voiture #Ville_sans_voitures #consommation #critique #économie #emploi #histoire #libéralisme #privatisation #production #ville_sans_voiture

    • On entend beaucoup les winners de la désertion, dit-elle, mais pas celles et ceux qui n’arrivent pas à abandonner un peu de sécurité matérielle ; qui se plantent ; qui se lancent en auto-entreprise pour vendre le fruit de leur travail et se partagent des niches de consommation minuscules, luttant contre la concurrence des produits manufacturés ou de plus grosses entreprises. Ou qui ne réussissent à changer de métier que pour découvrir que tous les domaines d’activité sont taylorisés, soumis au contrôle et déshumanisés (elle mentionne à ce propos Xavier Noulhianne, chercheur en sciences de laboratoire devenu éleveur de brebis qui fait ce constat dans Le Ménage des champs (2)). Surprise... pour qui n’avait pris la peine de suivre aucune lutte autour du travail (3). Humbert cite même un conflit social lors duquel la seule à ne pas participer fut une future déserteuse. Elle critique le désinvestissement du collectif que permet, justifie et parfois encourage la désertion, geste très individuel. Le revenu universel a suscité les mêmes espoirs. La « grande démission » a apporté quelques réponses très concrètes, mais pas franchement positives, à ces rêves de changement social par la déstabilisation du marché du travail. Est-ce seulement un problème d’échelle si ces stratégies ne changent pas le monde ?

      #désertion #capital #syndicalisme #collectif #individualisme #libéralisme #Aude_Vidal ##Anne_Humbert #livre #recension

  • Indonésie : îles en lutte contre un projet « d’éco-city » qui chasserait des habitants - Contre Attaque
    https://contre-attaque.net/2023/09/16/indonesie-iles-en-lutte-contre-un-projet-deco-city-qui-chasserait-de

    L’île de Rempang se situe dans l’archipel de Riau, en Indonésie, en Asie du Sud-Est. L’île est située à seulement 25 kilomètres au sud de la riche métropole de Singapour.

    Les autorités veulent y construire un projet « d’Éco-City » consacré au tourisme de luxe et aux « industries vertes ». Un investissement à 11,5 milliards de dollars.

    Le problème, c’est qu’il faudra pour cela déporter les 10.000 habitant-es de l’île, des populations autochtones de pêcheurs. Pour vider Rempang, les natifs seraient expulsés sur l’île voisine de Galang.

    Hors de question pour les habitant-es de ces deux îles. Depuis dix jours, d’importants affrontements ont lieu pour résister aux 1000 forces de l’ordre envoyées par le pouvoir central indonésien. Des barricades bloquent les voies et une émeute a aussi eu lieu sur l’île Batam où se situe le grand port industriel.

    Derrière l’hypocrisie de projets « d’éco-city » réservés aux riches et de « tourisme vert », l’écrasement de populations locales et la répression.

    https://contre-attaque.net/wp-content/uploads/2023/09/379346149_1101000894204090_2952220341890526182_n.mp4

    #indonésie #libéralisme #greenwashing #expropriation "tourisme

  • Luttes LGBTI, luttes des classes ?
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Luttes-LGBTI-luttes-des-classes

    Au contraire, si le militantisme LGBT est depuis une dizaine d’années bien vivant et actif, c’est parfois sur des bases politiques peu solides, voire franchement libérales… à l’image d’ailleurs du reste de la société, centrée sur l’individu, qui sous-estime les déterminations sociales, l’interdépendance entre les personnes, les phénomènes de captivité et qui surestime la liberté de chacun·e, son indépendance et son mérite personnel. Nous avons perdu l’habitude de nous envisager en tant que classe, nous nous voyons comme faisant partie d’une improbable classe moyenne dont se croient membres à la fois des gens qui luttent pour finir le mois et des gens aisés qui pour d’obscures raisons refusent de se penser riches. Nous ne sommes plus capables de nous placer correctement dans un décile de revenu, nous ne savons plus ce qu’est le revenu médian. « Des politiques sociales trop généreuses vont spolier les smicard·es », « les baisses d’impôt vont alléger nos budgets », etc. On peine à mesurer ses intérêts de classe !

    Et puis il y a une certaine fierté à se croire dégagé·e des logiques sociales, c’est ce que j’appelle l’anti-sociologisme ou le refus d’admettre qu’on puisse avoir un mode de vie déterminé par son appartenance de classe. Autant on se reconnaît facilement dans son signe astrologique, autant on a du mal à accepter son classement dans une catégorie sociologique. Ce que je veux dire par là, c’est que ce rapport au collectif est parfois assez incohérent, on le récuse mais on a toujours besoin d’appartenance. Conséquence de tout cela, nous peinons à penser des stratégies favorables aux classes auxquelles nous appartenons et préférons l’empowerment individuel (c’est tout le féminisme libéral avec son accent sur les choix individuels des femmes, sur leur attitude individuelle face aux inégalités, etc.). Et le genre, malgré toutes ses définitions comme un rapport social, est souvent perçu comme une caractéristique propre aux individus et une réalité intime.

    Des conflits très durs ont lieu entre des camps qui ont deux visions contradictoires de ce qu’est l’appartenance à un genre ou à l’autre.

    #Aude_Vidal #genre #LGBT #libéralisme #individualisme #politique #sociologie #matérialisme_trans #transidentité #Pauline_Clochec #transitude (attitude trans sociale) #classes_sociales #psychologisme

  • Une #université a tué une #librairie

    Une université vient de tuer une librairie. Le #libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a appuyé sur la détente.

    Cette université c’est “mon” université, Nantes Université. Cette librairie c’est la librairie Vent d’Ouest, une librairie “historique”, présente dans le centre de Nantes depuis près de 47 années et travaillant avec l’université depuis presqu’autant de temps.

    Une université vient de tuer une librairie. Nantes Université travaillait, pour ses #commandes d’ouvrages (et une université en commande beaucoup …) avec principalement deux #librairies nantaises, Durance et Vent d’Ouest. Pour Vent d’Ouest, cela représentait une trésorerie d’environ 300 000 euros par an, 15% de son chiffre d’affaire. Une ligne de vie pour les 7 salariés de la libraire. Et puis Vent d’Ouest perd ce marché. Du jour au lendemain. Sans même un appel, une alerte ou une explication en amont de la décision de la part de Nantes Université.

    À qui est allé ce marché ? Au groupe #Nosoli, basé à Lyon, qui s’auto-présente comme le “premier libraire français indépendant multi-enseignes” (sic) et qui donc concrètement a racheté les marques et magasins #Decitre et #Furet_du_Nord (et récemment Chapitre.com) et dont le coeur de métier est bien davantage celui de la #logistique (#supply_chain) que celui de la librairie.

    Pourquoi Nosoli a-t-il remporté ce #marché ? Et pourquoi Nantes Université va devoir commander à des librairies Lyonnaises des ouvrages pour … Nantes ? Parce que le code des #marchés_publics. Parce que l’obligation de passer par des #appels_d’offre. Parce le code des marchés publics et des appels d’offre est ainsi fait que désormais (et depuis quelques temps déjà) seuls les plus gros sont en capacité d’entrer dans les critères définis. Parce que les critères définis (par #Nantes_Université notamment) visent bien sûr à faire des #économies_d’échelle. À payer toujours moins. Parce que bien sûr, sur ce poste de dépenses budgétaires comme sur d’autres il faut sans cesse économiser, rogner, négocier, batailler, parce que les universités sont exangues de l’argent que l’état ne leur donne plus et qu’il a converti en médaille en chocolat de “l’autonomie”. Parce qu’à ce jeu les plus gros gagnent toujours les appels d’offre et les marchés publics. C’est même pour cela qu’ils sont gros. Et qu’ils enflent encore. [mise à jour] Mais ici pour ce marché concernant des #livres, ce n’est pas le critère du #prix qui a joué (merci Jack Lang et la prix unique) mais pour être parfaitement précis, c’est le critère du #stock qui, en l’espèce et malgré le recours en justice de la librairie Vent d’Ouest, et bien qu’il soit reconnu comme discriminatoire par le ministère de la culture (en page 62 du Vade Mecum édité par le ministère sur le sujet de l’achat de livres en commande publique), a été décisif pour permettre à Nosoli de remporter le marché. [/mise à jour]

    Alors Nosoli le groupe lyonnais a gagné le marché de Nantes Université. Et les librairies nantaises Durance et Vent d’Ouest ont perdu. Et quelques mois après la perte de ce marché, la librairie Vent d’Ouest va fermer.

    On pourrait s’en réjouir finalement, ou même s’en foutre totalement. Après tout, Nantes Université va faire des #économies. Après tout une librairie qui ferme à Nantes et 7 salariés qui se trouvent sur le carreau c’est (peut-être) 7 personnes du service logistique du groupe Nosoli qui gardent leur emploi. Et puis quoi, une librairie qui ferme à Nantes mais il y en a 6 qui ont ouvert sur les deux dernières années à Nantes. Alors quoi ?

    Alors une université vient de tuer une librairie. Et quand on discute avec les gens qui, à Nantes Université, connaissent autrement que comptablement la réalité de ce qu’était le #marché_public passé avec Durance et Vent d’Ouest, et quand on échange avec celles et ceux qui ont l’habitude, à l’université ou ailleurs, de travailler avec le groupe Nosoli, on entend toujours la même chose : rien jamais ne remplacera la #proximité. Parce qu’avec Durance et Vent d’Ouest les échanges étaient souples, réactifs, pas (trop) systématiquement réglementaires, parce que les gens qui dans les bibliothèques de l’université commandaient les ouvrages connaissaient les gens qui dans les librairies les leur fournissaient, et qu’en cas de souci ils pouvaient même s’y rendre et les croiser, ces gens. Et on entend, en plus de l’aberration écologique, logistique, et sociétale, que les commandes avec le groupe Nosoli sont usuellement et comme avec tout grand groupe logistique … complexes, lentes, difficilement négociables et rattrapables, sans aucune souplesse, sans aucune écoute ou connaissance des besoins fins de l’université “cliente”. Voilà ce que l’on entend, entre autres choses plus âpres et plus en colère.

    Une université vient de tuer une librairie. Et ça fait tellement chier. C’est tellement anormal. Tellement schizophrène. Le même jour que celui où j’ai appris l’annonce de la fermeture définitive de la libraire Vent d’Ouest, j’ai aussi reçu un message de Nantes Université m’informant que, champagne, l’université venait – comme 14 autres universités – de remporter un appel à projet de plus de 23 millions d’euros. La cagnotte lancée par la libraire Vent d’Ouest après la perte du marché de Nantes Université lui avait rapporté quelques milliers d’euros qui lui avaient permis de retarder sa fermeture de cinq mois.

    Vivre à l’université, travailler à Nantes Université, c’est être tous les jours, à chaque instant et sur chaque sujet, confronté au même type de #schizophrénie. D’un côté on collecte des dizaines de millions d’euros dans de toujours plus nébuleux appels à projets, et de l’autre on gère la misère et la détresse. Et on ferme sa gueule. Parce que ne pas se réjouir de l’obtention de ces 23 millions d’euros c’est être un pisse-froid et c’est aussi mépriser le travail (et l’épuisement) des équipes qui pilotent (et parfois remportent) ces appels à projets. Oui mais voilà. À Nantes Université on organise des grandes fêtes de rentrée et on donnez rendez-vous à la prochaine #distribution_alimentaire, la #fête mais la #précarité. Et l’on fait ça tous les jours. Toutes les universités françaises organisent ou ont organisé des #distributions_alimentaires, et toutes les universités françaises remportent ou ont remporté des appels à projet de dizaines de millions d’euros. Mais les financements qui permettraient de recruter des collègues enseignants chercheurs ou des personnels techniques et administratifs en nombre suffisant, et de les recruter comme titulaires, pour garantir un fonctionnement minimal normal, ces financements on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient d’éviter de fermer une librairie avec qui l’université travaille depuis des dizaines d’années et d’éviter de mettre 7 personnes au chômage, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à tous les étudiant.e.s de manger tous les jours à leur faim, on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient à l’UFR Staps de Nantes Université de faire sa rentrée on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de la fac de droit de Nantes Université de ne pas sombrer dans l’#épuisement_au_prix et au risque de choix mortifières pour eux comme pour les étudiant.e.s on ne les trouve jamais. Mais les financements qui permettraient aux collègues de l’IAE de Nantes Université de ne pas s’enfoncer dans le #burn-out, ces financements on ne les trouve jamais. Il n’y a pas d’appel à projet à la solidarité partenariale. Il n’y a pas d’appel à projet à la lutte contre la #misère_étudiante. Il n’y a pas d’appel à projet pour permettre à des milliers de post-doctorants d’espérer un jour pouvoir venir enseigner et faire de la recherche à l’université. Il n’y pas d’appel à projet pour sauver l’université publique. Il n’y en a pas.

    Il n’y a pas d’appel à projet pour la normalité des choses. Alors Nantes Université, comme tant d’autres, est uniquement traversée par des #régimes_d’exceptionnalité. #Exceptionnalité des financements obtenus dans quelques appels à projets qui font oublier tous les autres appels à projet où l’université se fait retoquer. Exceptionnalité des #crises que traversent les étudiant.e.s, les formations et les #personnels de l’université. Exceptionnalité des mesures parfois prises pour tenter d’en limiter les effets. Dans nos quotidiens à l’université, tout est inscrit dans ces #logiques_d’exceptionnalité, tout n’est lisible qu’au travers de ces #matrices_d’exceptionnalité. Exceptionnalité des financements. Exceptionnalité des crises. Exceptionnalité des remédiations.

    Une université vient de tuer une librairie. Cela n’est pas exceptionnel. C’est devenu banal. Voilà l’autre danger de ces régimes d’exceptionnalité permanents : ils inversent nos #représentations_morales. Ce qui devrait être exceptionnel devient #banal. Et ce qui devrait être banal (par exemple qu’une université publique reçoive des dotations suffisantes de l’état pour lui permettre d’exercer sa mission d’enseignement et de recherche), est devenu exceptionnel.

    Une université vient de tuer une librairie. Dans le monde qui est le nôtre et celui que nous laissons, il n’est que des #dérèglements. Et si celui du climat dicte déjà tous les autres #effondrements à venir, nous semblons incapables de penser nos relations et nos institutions comme autant d’écosystèmes dans lesquels chaque biotope est essentiel aux autres. Nantes Université a tué la libraire Vent d’Ouest. Le mobile ? L’habitude. L’habitude de ne pas mener les combats avant que les drames ne se produisent. L’habitude de se résigner à appliquer des règles que tout le monde sait pourtant ineptes. L’habitude du renoncement à l’attention à l’autre, au plus proche, au plus fragile, dès lors que l’on peut se réjouir de l’attention que nous portent tant d’autres. L’#habitude d’aller chercher si loin ce que l’on a pourtant si près.

    Une université vient de tuer une librairie. Le libéralisme a fourni l’arme. Les codes des marchés ont fourni la balle. L’habitude a fourni le mobile. Et l’université, après avoir baissé les yeux, a froidement appuyé sur la détente.

    https://affordance.framasoft.org/2023/09/une-universite-a-tue-une-librairie

    #ESR #enseignement_supérieur

  • Les 7 péchés capitaux de la #France libérale | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/7-peches-capitaux-de-france-liberale/00107264

    « Une France ultralibérale ? La bonne blague ! », titre l’éditorialiste des Echos Dominique Seux, le 28 mars dernier. La raison ? « Un pays qui assume des dépenses publiques équivalentes à 58,1 % du PIB et des ponctions fiscales et sociales aussi considérables reste un pays largement socialisé. » Le tournant #néolibéral de la France ? Un « mythe » pour l’économiste Elie Cohen le 17 mai dernier, qui plus est « ressassé ad nauseam » alors que « l’argument est parfois indigent ».

    Les libéraux usent et abusent régulièrement de l’idée : un haut niveau d’imposition, de #dépenses_publiques, de protection sociale, de redistribution, de déficits budgétaires et de dette publique serait la preuve que la France n’a pas connu d’évolution vers un fonctionnement toujours plus marqué par le libéralisme économique.

    #Libéralisme à tous crins

    C’est pourtant bien ce qui s’est passé depuis une quarantaine d’années. Les libéraux sont focalisés sur les #impôts et les dépenses publiques, en fait sur la remise en cause de la protection sociale qui nourrit les prélèvements obligatoires et les dépenses, parce que c’est leur dernière cible. Tout ce qui faisait par ailleurs l’intervention de l’Etat dans la période d’après-guerre a été progressivement remis en cause. Et la liste est longue.

    Ce sont les sept péchés capitaux du libéralisme économique français : une #finance libéralisée, le #libre-échange, un marché du travail libéralisé, des #privatisations, une contre-révolution fiscale au service des plus riches, une chute des #investissements publics, une domination de la lecture libérale du monde, à l’université et dans les médias. Libéralisation économique, il y a bien eu donc. Et le bilan, négatif, de toutes ces dynamiques, est impressionnant.

    Le cadre général a été porté par des évolutions mondiales vers le libre-échange et la libéralisation financière dans lesquelles la France s’est engouffrée vite et fort. Une fois la main mise dans l’engrenage libéral, le bras y passe, et le reste de l’économie aussi, dans une dynamique difficilement arrêtable.
    La libéralisation financière entraîne la mise en concurrence des régimes fiscaux qui obligent à baisser les impôts sur les acteurs les plus mobiles, les riches et les grandes entreprises.

    Ces dernières profitent de la liberté de circulation des marchandises pour s’implanter à l’étranger et de celle des capitaux pour mobiliser des actionnaires étrangers qui poussent à donner plus de place aux dividendes qu’à l’investissement.

    Recul de l’#Etat

    Des défaillances de marché, qui justifiaient l’intervention de l’Etat, on passe aux défaillances de l’Etat qui justifient de donner toute la place au marché. Il faut alors réduire l’intervention publique directe dans l’économie.

    L’investissement public chute : depuis les années 1990, il a été divisé par six, il représente aujourd’hui moins d’un quart de point de PIB.

    Concrètement, au nom de la baisse des dépenses publiques et des recettes fiscales des collectivités locales, les #écoles, les #routes, les #universités, etc., ne reçoivent plus les moyens nécessaires à leur développement.

    L’enseignement supérieur français craque de partout et ouvre la voie à un school business privé qui ne profite qu’à ceux qui en ont les moyens. Sans oublier les conditions de travail précarisées d’une partie des enseignants et des personnels administratifs.

    L’Etat intervenait également directement dans l’économie par l’intermédiaire des entreprises publiques. Droite et gauche confondues ont mené un long et important processus de #privatisations aux lourdes conséquences.

    Les entreprises rendues au privé se sont engagées dans une course au rendement qui a eu plusieurs conséquences néfastes : moindre effort de recherche que dans les autres pays, internationalisation plus poussée qu’ailleurs, désintérêt pour le développement des sites de production sur le territoire, priorité donnée aux actionnaires sur l’investissement, course à la baisse des prélèvements et à la hausse des subventions, à la #précarisation des contrats de travail. On a là la combinaison fatale de la #désindustrialisation française.

    Quant aux privatisations, ou au recul de l’Etat, dans les entreprises concernées par les services publics, le résultat n’a pas été meilleur. Des prestations plus chères, de moins bonne qualité, avec des conditions de travail dégradées pour les personnels.

    Tout cela est porté par un climat intellectuel dans lequel think tanks, économistes et éditorialistes libéraux occupent une place de plus en plus sans partage.

    Certes, même avec tout cela, la France n’est pas devenue un enfer ultralibéral. L’Etat social fait de la résistance en dépit de toutes ces attaques, et heureusement !

    Les temps semblent même commencer à changer : on reparle politique industrielle, taxation des riches, juste effort fiscal des multinationales, souveraineté économique, protectionnisme, etc. Il est temps : la France libérale est dans l’impasse.

  • « Mon corps, mon choix » - Mon blog sur l’écologie politique
    https://blog.ecologie-politique.eu/post/Mon-corps-mon-choix

    Il y a quelques jours, dans un groupe féministe, nous avons déplié un paragraphe de notre manifeste qui reprenait le slogan « Mon corps, mon choix ». J’avais émis quelques doutes sur cette formulation car si entendue comme un appel à la liberté reproductive et sexuelle des femmes elle fait consensus, elle contient aussi tout un monde contre lequel, en tant que féministes au sein d’un syndicat de transformation sociale, nous luttons. Enfin, j’espère.

    « Mon corps, mon choix », c’est un slogan qui a été repris par des femmes de mouvements libertariens états-uniens au cœur de la crise sanitaire pour réclamer l’absence de politique de santé publique et le renvoi de chacun·e à son appréciation – jusqu’à ce qu’il ou elle ou ses proches ou les personnes qui les côtoient viennent solliciter les soins médicaux dispensé par le monstre honni, ce Léviathan qui a nom société.

    […]

    C’est aussi leur corps et leur choix que réclament les personnes à la recherche de thérapies alternatives. C’est leur liberté de s’engager dans des traitements farfelus comme le jeûne et le crudivorisme (1) pour soigner le cancer, soin prôné par le youtubeur Thierry Casasnovas, aujourd’hui mis en examen avec sa comptable pour « exercice illégal de la profession de médecin », « abus de faiblesse » et « pratiques commerciales trompeuses ». Au nom de quoi empêcher ce gourou de la nutrition, pas même diplômé dans les disciplines qu’il prétend renouveler, de promettre monts et merveilles à des personnes crédules et d’utiliser toutes les manipulations, bien rodées par les mouvements sectaires, qui lui assurent leur adhésion ? Après tout, c’est leur choix, et comme dit une camarade quand elle voit des imbéciles se mettre en danger, le darwinisme social a parfois du bon. Ni elle ni moi n’assumerions bien longtemps ce trait d’humour car les personnes crédules, ce ne sont pas toujours des ennemi·es politiques honni·es par leurs proches et méprisé·es par leurs voisin·es, ça peut être aussi vous et moi confronté·es à un problème de santé ou séduit·es par une pensée originale à un moment où nous sommes en difficulté psychologique.

    #féminisme #libéralisme #slogan #Aude_Vidal

  • Macron : Le grand « plan eau » qui fait flop

    Face à une sécheresse historique et à la pénurie qui s’annonce pire que celle de l’été dernier, avec des nappes phréatiques très en dessous de leur niveau habituel, Emmanuel Macron sort son « plan eau » : 50 mesures censées prendre le problème à bras le corps, présentées la semaine dernière dans les Alpes. Blast a suivi pendant des semaines sa préparation sous... influence. Enquête et décryptage sur un catalogue de mesures ineffectives dicté par les lobbies.

    Ménager l’attente... Dans le domaine du teasing et des effets d’annonce, Emmanuel Macron est passé maître. Annoncé depuis des semaines et retardé à plusieurs reprises, d’abord prévu début 2023 à l’occasion des « Carrefours de l’eau » organisés chaque année à Rennes, le plan sécheresse du gouvernement avait été remis à plus tard à la demande de l’Elysée. On l’attendait encore le 22 mars dernier lors de la journée mondiale de l’eau, qui offrait une fenêtre de tir idéale. Crise politique oblige, l’affaire avait dû être encore décalée. Et finalement le voilà, présenté jeudi dernier par le chef de l’Etat sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).

    En août 2022, la France a chaud. Le soleil (de plomb) cogne, les Français suent et les terres s’assèchent - un phénomène inquiétant, sans revenir jusqu’au cauchemar des incendies dans les Landes. En pleine canicule, les alertes remontées par les élus et les préfets se multipliant, Elisabeth Borne annonce la mise sur orbite d’une « planification écologique » plaçant l’eau au cœur de ses priorités. On sait aujourd’hui que près de 700 villages ou petites villes ont souffert de pénuries d’eau potable, chiffre qui à l’époque avait été minoré. Pendant plusieurs semaines, certaines populations avaient dû être alimentées par des citernes ou de l’eau en bouteille livrée par packs.

    Diagnostics clairement tracés

    Le coup de chaud de l’été 2022 passé, le chantier est lancé opérationnellement le 29 septembre par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et sa secrétaire d’Etat Bérangère Couillard, avec une phase de consultation. Début janvier 2023, les contributions de ces groupes de travail, comme celles des comités de bassin (des instances de concertation à l’échelle locale rassemblant opérateurs, Etat, collectivités, ONG, industriels, agriculteurs et consommateurs), sont présentées à la secrétaire d’Etat dans le cadre du Comité national de l’eau (un organe consultatif placé sous l’autorité du ministère de la Transition).

    De ces travaux et de leurs conclusions remises à Bérangère Couillard se dégagent « des diagnostics clairs et des propositions de solutions », « notamment autour de la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) et du développement de la télérelève », se félicite la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) dans sa lettre publiée en mars dernier.

    La FP2E fédère 6 entreprises membres dont les multinationales Veolia, Suez et Saur. Ce lobby influent a participé activement à cinq des groupes de travail - sur la gestion des sécheresses, sur les usagers, la sobriété, le grand cycle de l’eau et les pollutions diffuses. L’occasion de pousser ses intérêts. A la sortie de la consultation, la FP2E pointe aussi « les blocages à lever », « relatifs notamment au financement, à la complexité des démarches administratives ou encore à la durée des autorisations ». Des freins « décourageants pour les porteurs de projet », note-t-elle.

    En réalité, cet investissement vient de loin. La FP2E, et avec elle les géants privés de l’eau, pousse ses pions depuis des mois : avant la présidentielle de 2022, ce syndical patronal avait présenté aux candidats son « programme ». Dès lors, tout était dit et la « feuille de route » tracée. Elle n’a pas changé depuis.
    Un gouvernement bien irrigué

    En France, la dernière grande loi sur l’eau date de 2006. Depuis, les effets du changement climatique sur le cycle hydrologique se font sentir, beaucoup plus puissamment et rapidement qu’on ne le pensait il y a encore quelques années. Résultat, l’édifice institutionnel de la gestion de l’eau à la française, qui a vu le jour à l’orée des années soixante, craque de toute part. Pourtant, personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore que représenterait nécessairement l’élaboration d’une nouvelle loi. Celle-ci imposerait en effet de mettre au premier rang des discussions la question explosive de l’évolution du modèle agricole productiviste. Un sujet très actuel, le récent week-end de guerre civile dans un champ des Deux-Sèvres en étant une sidérante démonstration, autour de la question des méga-bassines. Et surtout un casus belli pour la FNSEA, très en cour à l’Elysée.

    Le plan présenté en grande pompe par Emmanuel Macron au lendemain de la pénible et interminable séquence sur les retraites a été bien irrigué. Pour parvenir aux 53 mesures qu’il exhibe, on a exhumé tout ce qui trainait au fond des placards depuis des lustres, afin de susciter un effet « waouh ». Ce catalogue ne fera pas illusion bien longtemps, comme on s’en apercevra rapidement, dès cet été. Il est le produit d’un véritable opéra-bouffe qui a vu tous les lobbies intéressés s’atteler dans l’urgence à la rédaction de rapports, de contributions et de propositions dont le contenu laisse dubitatif. Ils s’y sont mis, tous sans exception.

    Cet activisme n’est pas nouveau. C’est même un grand classique qui a débouché jusqu’à présent sur une série de grand-messes pour rien – des Assises en 2018-2019 au Varenne de l’eau du ministère de l’Agriculture en 2021-2022 (qui déroulait le tapis rouge à la FNSEA), avant que l’Académie des technologies ne s’y colle à son tour fin 2022. Une litanie sans rien changer qu’Emmanuel Macron n’a pourtant pas manqué de rappeler la semaine dernière, les énumérant pour s’en féliciter : « dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l’a rappelé, s’appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans ».
    Un plan « Copytop »

    Pour permettre au président de la République de sortir sa tête de l’eau et marcher sur le lac de Serre-Ponçon, une véritable usine à gaz s’est mise en branle à un train d’enfer. Depuis l’automne dernier, les contributions se sont ainsi empilées les unes sur les autres : mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat, copieux rapport du groupe prospective de la Chambre haute, propositions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), du Comité national de l’eau - un organisme baroque, repaire de tous les lobbies, placé sous l’autorité du ministère chargé de la Transition écologique – ou encore, dernières en date, celles d’une autre commission sénatoriale. Sans oublier les 48 propositions du Comité de bassin Seine-Normandie le 3 février, avant l’audition organisée le 15 du même mois par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (encore) !

    Au final, cette bataille d’experts s’est dénouée dans des réunions interministérielles (les « RIM ») opposant classiquement l’écologie, l’agriculture, Bercy, la DGCL du ministère de l’Intérieur, le tout sous la férule de Matignon - dont l’occupante connaît le sujet. « Béchu et Couillard n’y connaissent rien, c’est Borne qui pilote tout depuis le début », confirme une source proche du dossier.

    L’analyse de cette production frénétique de nos collèges d’experts, qui se sont copiés sans vergogne sous l’air du « y’a qu’à-faut qu’on », est édifiante. S’ouvre alors sous nos yeux l’étendue affolante de tout ce qui aurait dû être fait, ne l’a pas été et reste donc à faire - avec les remises en cause drastiques que cela implique.

    Depuis une quinzaine d’années, tous les organismes de recherche impliqués dans la question de l’eau, comme les inspections des administrations centrales, ont publié des centaines de rapports parfaitement informés, qui détaillent par le menu la montée des périls comme les mesures qui devraient être prises pour y faire face. En pure perte. Rien ne change, business as usual.

    Pollutions multiformes, pesticides, irrigation à outrance, imperméabilisation des sols, inondations, sécheresses, recul du trait de côte, chute dramatique de la biodiversité... La réalité est un cauchemar. Et l’élaboration aux forceps de ce nouveau « plan eau » illustre une nouvelle fois, jusqu’à la caricature, la « méthodologie » qui voit rituellement la montagne accoucher d’une souris.

    Que s’est-il passé, au juste ? Ce qui se passe en réalité depuis des lustres. L’affaire se joue en deux temps : l’état des lieux d’abord, puis les propositions. L’état des lieux, la phase 1, s’alimente des centaines de rapports disponibles. Rédigés par des fonctionnaires (IGEDD, CGEEAR, IGF, IGA…) ou par des collaborateurs du Parlement, très généralement compétents, ils renvoient les décisions à prendre au politique. C’est à cette étape, celle des propositions, que les choses se grippent. Pour s’en convaincre, il suffit de confronter pour chacun des rapports, et d’un rapport l’autre, l’état des lieux initial aux « propositions » d’actions élaborées. Le constat est accablant : l’intervention du politique neutralise tout espoir d’améliorer quoi que ce soit.

    Le sénateur et l’éléphant

    Sur le constat tout le monde s’accorde, globalement. A quelques nuances près : la France demeure un pays bien doté, avec des précipitations suffisantes pour répondre à de multiples usages - 32 à 35 milliards de m3 sont prélevés chaque année pour le refroidissement des centrales nucléaires, l’eau potable, l’agriculture, l’alimentation des canaux, l’industrie, etc. Mais les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau se font déjà sentir, y compris dans les bassins plus septentrionaux, provoquant l’eutrophisation des cours d’eau, l’évaporation à un rythme plus rapide et la diminution des pluies en été.

    Et puis, il y a « l’éléphant dans la pièce », selon l’expression du sénateur Renaissance Alain Richard... Co-rapporteur d’un rapport avec Christophe Jarretie (député Modem de Corrèze jusqu’en juin 2022), Alain Richard désigne ici la mobilisation de la ressource pour les besoins agricoles, qui explosent l’été quand il n’y a plus d’eau… D’où les conflits sur l’irrigation et les bassines, qui ont dépassé la côte d’alerte.

    Se prononçant en faveur de la multiplication des retenues, ce même rapport souligne pourtant « une autre limite aux stratégies d’économies d’eau pour l’irrigation agricole » : elle « réside dans la manière dont la marge de manœuvre permise par les économies se trouve redéployée. En améliorant le système d’irrigation, on peut mobiliser davantage d’eau pour les plantes à prélèvement égal. La tentation peut être alors de ne pas réduire les prélèvements mais d’augmenter la surface irriguée. Ce risque est d’autant plus fort qu’avec l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations certaines cultures historiquement non irriguées qui n’avaient besoin que de l’eau de pluie, comme la vigne dans le Sud-Ouest, ne doivent désormais leur survie qu’à l’installation de dispositifs d’irrigation. »

    Le 5 février dernier, on a appris que la région Occitanie et six départements du Sud-ouest (Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, Lot et Landes) venaient de recapitaliser à hauteur de 24 millions d’euros la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Spécialisée dans les barrages et les bassines, cette société d’aménagement régional était en quasi faillite. L’an dernier, sa gestion désastreuse a été sévèrement étrillée par la chambre régionale des comptes. Objectif de cette opération de sauvetage de la CACG ? « S’armer face au manque d’eau », notamment en « augmentant la capacité des réserves existantes »…
    Les diktats de la FNSEA

    Dans les débats autour de la crise de l’eau, on parle aussi beaucoup des « solutions fondées sur la nature ». Ça fait écolo à tout crin. « Cela implique d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur », édicte le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat. Problème, on oublie de dire que le principe du « zéro artificialisation nette » a suscité sur le terrain une véritable bronca des élus, de toute obédience, qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement sur le sujet.

    Notre éléphant, celui du sénateur Richard, est lui aussi au cœur des débats. « L’agriculture est le principal consommateur d’eau, indispensable à la pousse des plantes et à l’abreuvement du bétail, relève le Sénat. Mais l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), recherche appliquée et expérimentation des nouvelles pratiques ».

    Des mesures et solutions de bon sens ? Probablement, sauf que le courant majoritaire de la profession agricole, incarné par la FNSEA, continue à s’opposer avec succès à toute évolution structurelle du modèle productiviste dominant et impose ses diktats à tous les gouvernements. L’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a lui-même reconnu à mi-mots dans un récent article de Libération.

    Un autre sujet est lui aussi systématiquement évacué des « solutions ». Il mériterait qu’on y réfléchisse, pour reconsidérer le sujet dans son ensemble : chaque année, pour « équilibrer les fonds publics », l’Etat prélève 300 millions d’euros depuis quinze ans dans les caisses des agences de l’eau. « Les consommations domestiques d’eau potable, sur laquelle les redevances sont assises, sont sollicitées pour financer des domaines de plus en plus variés touchant de plus en plus au grand cycle de l’eau, et de moins en moins à la modernisation des stations d’épuration ou à la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable, pourtant vieillissants », pointent ainsi les deux co-présidents du groupe de travail « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité ».

    En 2022, le duo Richard-Jarretie envisageait de compenser ce manque à gagner par la création d’une nouvelle taxe (assise sur la taxe d’aménagement départementale). Leur proposition de loi, qui aurait dû être adoptée en loi de finance rectificative, sera finalement sèchement rejetée par Bercy.

    La fuite politique

    Autrefois, « l’eau était gérée directement par les maires dans des syndicats intercommunaux à échelle humaine », mais « les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau », constate le rapport des deux parlementaires sur la question de la gouvernance. Résultat de cette évolution, « l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales ».

    Désormais, « le pouvoir est passé du côté des techniciens. » « La politique de l’eau est dépolitisée et renvoyée à la recherche des meilleurs choix techniques possibles, constatent Jarretie et Richard. Les maires des grandes villes, les présidents des grandes intercommunalités ne siègent plus que rarement dans les organismes chargés de (sa) gestion. Ils y délèguent des élus, certes compétents, mais dont le poids politique propre est minime et qui n’ont pas tellement d’autre choix que de suivre les orientations de la technostructure de l’eau. »

    Parallèlement, cette dépossession d’une question éminemment politique s’accompagne d’une surenchère. Elle concerne la recherche et l’innovation, a priori louables sauf quand elles deviennent le paravent et le prétexte à l’inaction. Depuis une quinzaine d’années, les multinationales Veolia, Suez et Saur mènent avec succès un lobbying opiniâtre pour promouvoir une fuite en avant technologique. Censée apporter des solutions miracles, par exemple pour la réutilisation des eaux usées ou la recharge artificielle des nappes phréatiques, elle contribue en réalité au statu quo, pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

    Face à la production de ce discours et à cette fibre du tout technologique, difficile de résister. Pour deux raisons. « La compréhension des mécanismes de la politique de l’eau, tant dans ses aspects techniques qu’organisationnels est particulièrement ardue », soulignent Alain Richard et Christophe. Certes, « les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) sont soumis à l’avis du public. Les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau font l’objet d’enquêtes publiques dont les éléments sont mis à disposition de tous sur les sites Internet des préfectures. Mais seuls quelques « initiés » sont capables de maîtriser les nombreux paramètres en jeu ». Face à cette complexité et au jeu des lobbies, les administrés sont désarmés : « La transparence des procédures ne garantit pas la participation du public et l’appropriation des enjeux à une grande échelle. » Par ailleurs, en matière de gouvernance encore, l’équilibre et les relations national/local ne se soldent pas vraiment en faveur de l’implication des échelons au plus près des administrés.

    Doit-on réfléchir et envisager de décentraliser l’action publique, pour plus d’efficacité ? Un nouveau vœu pieu. La Macronie méprise les 570 000 élus locaux français. Dans la pratique, ce sont désormais les préfets, et surtout les préfets de région, qui ont la haute main sur des politiques publiques revues à l’aune du libéralisme le plus échevelé.

    Un déluge de com

    Le 23 février dernier, Christophe Béchu et Bérangère Couillard présidaient le premier comité d’anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Objectif affiché ? « Informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle et projetée en anticipation de risques potentiellement significatifs de sécheresse »...

    Pareille langue de bois n’augurait rien de bon, ou plutôt admirablement ce qui allait suivre cet interlude comme quand les deux membres du gouvernement, 24 heures plus tard, expliqueront qu’ils vont décider avec les préfets de mesures de restrictions... « soft ». Le lendemain de cette pseudo-annonce, Le Monde consacre son éditorial aux périls qui menacent, appelant face à l’urgence à la sobriété des usages. Comme un coup de pied à l’âne.

    En ce début d’année 2023, le rouleau compresseur de la com gouvernementale s’emballe. A donner le tournis. La veille de la réunion du CASH, le 22 février sur France Info, le ministre Béchu déclare la France « en état d’alerte ». Le samedi 25 février, en visite au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron en appelle à un « plan de sobriété sur l’eau » et invente les « rétentions collinaires » jusque-là... inconnues.

    Le lundi 27 février, Christophe Béchu, à nouveau, réunit les préfets coordonnateurs de bassin. La semaine suivante, il est en visio avec les 100 préfets de département. Dix jours plus tôt, la troisième mission d’information sénatoriale mobilisée auditionnait des directeurs d’agences de l’eau. En outre, pour tirer les enseignements pratiques de la sécheresse historique de 2022, une mission est confiée aux inspections générales, charge à elles d’établir un retour d’expérience auprès de l’ensemble des acteurs et usagers et de formuler des propositions d’amélioration. La mission, en cours, devrait rendre ses conclusions au 1er trimestre 2023.

    Des « solutions » ineptes

    Cette mise en scène à grand spectacle se distingue principalement... par son inanité : loin de répondre aux enjeux d’une crise systémique, il s’agit en s’appuyant sur des « évidences » (qui n’en sont pas) de « vendre » du vent en agitant des « solutions » (qui n’en sont pas) tout en promouvant une fuite en avant technologique qui elle va rapporter des milliards aux usual suspects du secteur...

    À Savines-le-Lac, dans ses mesures phare, Emmanuel Macron a notamment insisté jeudi dernier sur la nécessité de lutter contre les fuites pour atteindre les objectifs fixés - et « faire 10% d’économie d’eau ». En les réparant ?

    Édifié depuis la moitié du XIXème siècle, le linéaire du réseau français d’adduction d’eau atteint quelque 880 000 kilomètres. Estimé à 1 000 milliards d’euros, ce patrimoine national a été à l’origine largement financé sur fonds publics, avant l’invention de la facture d’eau. Propriété des collectivités locales, son taux de renouvellement est en deçà de ce qu’il devrait être idéalement (1% par an), calé logiquement sur la durée de vie des tuyaux.

    « Parce que tout ça, c’est le fruit de quoi ?, a fait mine de s’interroger Emmanuel Macron la semaine dernière. De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C’est que pendant très longtemps, on s’est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d’eau ».

    Face à cette situation, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») a introduit deux dispositions : l’obligation tant pour les services d’eau que d’assainissement d’établir pour fin 2013 un descriptif détaillé de leurs réseaux d’une part, et l’obligation pour les services de distribution de définir un plan d’actions dans les deux ans lorsque les pertes d’eau en réseaux sont supérieures au seuil fixé par décret (n° 2012-97 du 27 janvier 2012).

    En clair, si son réseau est excessivement percé, la collectivité sera pénalisée en se voyant imposer un doublement de la redevance « prélèvement » perçue par les agences de l’eau sur les factures des usagers. Par ailleurs, plus « incitatif », la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) a ouvert ces dernières années une ligne de crédit de 2 milliards d’euros « [d’]Aquaprêt ». Les collectivités sont donc invitées à s’endetter pour changer leurs tuyaux. Succès mitigé jusqu’à aujourd’hui.

    Pour donner la mesure du problème, il est utile de savoir que changer un kilomètre de tuyau coûte entre 50 000 et 200 000 euros. Depuis trois ans, regroupées sous la bannière « Canalisateurs de France », les entreprises du secteur ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40%.

    Autrement dit, une fois ces éléments précisés, aucune progression sensible n’est à attendre sur la question des fuites. Il va donc falloir trouver ailleurs.

    D’autant que si Emmanuel Macron annonce des financements (180 millions d’euros par an « sur nos points noirs), il s’est bien gardé de préciser l’origine de ces fonds (en encadré).

    Les eaux usées, plan juteux des majors

    Devant les élus, face aux Alpes qui le toisaient, le chef de l’Etat a insisté sur une autre mesure forte : il faut « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées », a-t-il asséné avec un air entendu.

    Réutiliser les eaux usées ? Encore une fausse bonne idée « frappée au coin du bon sens ». Pour le mesurer et se faire une idée de l’annonce présidentielle, il faut là aussi comprendre de quoi il s’agit. Cette idée est en réalité promue depuis une vingtaine d’années au fil d’un lobbying effréné de Veolia, Suez et de la Saur.

    Concrètement, il existe aujourd’hui à peine 80 unités de « réutilisation des eaux usées traitées » (REUT) dans l’hexagone, pour plus de 22 330 stations d’épuration, de la petite installation qui traite les rejets de quelques centaines d’usagers aux complexes géants implantés dans les métropoles.

    Le traitement des eaux usées n’a pas pour objectif de la rendre potable. Avant d’être traitée, cette eau usée reçoit un prétraitement afin d’éliminer le sable et les autres matières en suspension. Le process consiste ensuite à opérer des filtrations et traitements (mécanique, biologique, physico-chimique…) avant de la rejeter d’une qualité acceptable, fixée par la réglementation, dans le milieu naturel (les lacs, les rivières, la mer, etc).

    L’épuration classique, dite par boue activée, s’inspire du domaine naturel. Plus précisément des rivières, qui développent des boues au sol afin de supprimer la pollution - elle s’en nourrit. Dans une installation traditionnelle, on fournit de l’oxygène à la boue pour satisfaire ses besoins énergétiques et on la laisse se nourrir, avant de la séparer de l’eau traitée à l’aide d’un clarificateur. Les filières les plus modernes peuvent aujourd’hui compter jusqu’à 10 étapes de traitement successives, jusqu’aux ultra-violets (UV).

    Plus coûteux et bien moins répandu, le traitement membranaire repose sur le même principe, mais au lieu d’utiliser un clarificateur les membranes filtrent la liqueur mixte.

    Avec la REUT, il s’agit de mobiliser des traitements complémentaires pour améliorer la qualité de l’eau usée. L’objectif n’est plus de la rejeter dans le milieu naturel mais de l’utiliser pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts, des golfs ou la réalimentation des nappes phréatiques, des captages ou des réserves qui servent à produire de l’eau potable, comme Veolia l’expérimente à grande échelle en Vendée.

    Revers de la médaille, c’est... autant d’eau qui ne revient pas au milieu, qui en a pourtant besoin, les rivières comme les nappes phréatiques, pour le maintien du cycle naturel - sans négliger les inquiétudes suscitées par le contrôle sanitaire des eaux ainsi « réutilisées » par ses usagers. Sur ce terrain, les expérimentations citées en exemples par les défenseurs de l’usage de la REUT pour l’irrigation dans le sud de l’Espagne ou en Italie (jusqu’à 10% des eaux usées y sont retraitées) montrent plutôt le chemin à éviter : les systèmes hydrologiques concernés y ont été gravement dégradés par un recours intensif à la REUT…

    On retrouve ici encore les mêmes à la manœuvre. Car pour Veolia, Suez et Saur, nouveaux usages « non conventionnels » veut dire d’abord et surtout nouvelles filières, nouvelles technologies, donc nouveaux marchés… Ces lobbies ont déjà convaincu le gouvernement qu’il fallait « faire sauter les entraves règlementaires qui pénalisent le développement des projets ». Comme en atteste le décret publié le 11 mars 2022, censé encadrer cette pratique, réputée « incontournable » pour répondre aux tensions qui se font jour sur la disponibilité des ressources en eau.
    Construire des bassines ?

    La question de l’irrigation de l’agriculture est devenue sensible à l’aube des années 2000, dans plusieurs grandes régions françaises - la Charente, le Sud-Ouest, la Beauce, la Picardie, terres d’élection des grandes cultures irriguées. Alors que le changement climatique affecte déjà le cycle hydrologique, la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste délétère va dès lors entrer en contradiction avec une gestion soutenable de la ressource en eau.

    L’impasse s’est faite jour dans le courant des années 80 quand l’Etat a considéré que tout prélèvement au-dessus d’un certain seuil devait faire l’objet d’une déclaration à ses services, après avoir délivré des autorisations au coup par coup, sans aucune limite, pendant des décennies. Une situation intenable.

    Chaque été, les préfets d’une vingtaine de départements prennent de manière récurrente des arrêtés sécheresse et 30% du territoire métropolitain est considéré en déficit structurel. « On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d’ailleurs, qui sont d’ores et déjà placés en vigilance », a rappelé le président de la République la semaine dernière. « On a ensuite une dizaine de départements qui sont d’ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones », a-t-il encore ajouté.

    La récente actualité, avec le choc des images de Sainte-Soline, a définitivement popularisé le sujet des grandes bassines. Mais, au juste, qu’est-ce qu’une bassine ? Cet ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation est constitué de plusieurs hectares de bâches en plastique retenues par des remblais de 10 à 15 mètres. Mais il ne se remplit pas avec de l’eau de pluie en hiver : avec une pluviométrie moyenne de 800 mm par an, il faudrait... 15 ans pour la remplir. Elle n’est pas davantage alimentée par de l’eau de ruissellement, comme celle des crues - comme le sont les retenues collinaires. Les bassines sont donc remplies par l’eau des nappes phréatiques, ce à quoi s’opposent les militants mobilisés le 25 mars dernier dans les Deux-Sèvres. Il faut compter 2 mois pour remplir une bassine avec des pompes travaillant à 500m3/H.

    Une fois capturée, l’eau est exposée au soleil, à l’évaporation et à la prolifération bactérienne ou algale. Elle servira alors principalement à irriguer du maïs destiné à nourrir le bétail, dont une bonne partie sera exportée avant que nous réimportions le bétail qui s’en nourrit. On dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine de sites avec des grandes bassines (ou des projets) sur le sol national.

    Depuis un demi-siècle, on se débarrassait au printemps de l’eau « excédentaire » pour pouvoir effectuer les semis. On a drainé prairies et zones humides, « rectifié » les rivières pour évacuer l’eau. Ces opérations ont eu pour résultat une diminution des prairies et une augmentation de l’assolement en céréales. Mais à force d’évacuer l’eau, on a commencé à subir les sécheresses et les irrigants ont commencé à pomper l’eau des nappes.

    La loi NOTRe à la poubelle ?

    Comme si ça ne suffisait pas, la loi NOTRe de 2015 - loi phare du mandat Hollande qui avait pour objectif de rationaliser l’organisation des 35 000 services d’eau et d’assainissement français jusqu’alors gérés par les communes, en transférant ces compétences aux intercommunalités - n’a cessé d’être détricotée par les élus locaux qui n’ont jamais accepté d’être privés de leurs prérogatives.

    Après trois premières lois rectificatives, une quatrième offensive est venue du Sénat : la chambre haute examinait le 15 mars une nouvelle proposition de loi qui prévoit que même si les compétences ont déjà été transférées il serait possible de revenir en arrière, même pour les interco ayant procédé à la prise de compétences ! « On ne pourrait rêver pire pour créer un bordel ingérable », soupire un haut responsable de la direction générale des collectivités locals du ministère de l’Intérieur.

    Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a posé le dernier clou au cercueil, dans le chapitre qu’elle consacre à la politique de l’eau en France. Conclusion d’une enquête d’ampleur menée avec les treize chambres régionales, le texte n’y va pas de main morte pour dénoncer cette mascarade : « Elle est incohérente [et ] inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de la ressource », fulmine-t-elle. Cette politique, telle qu’elle est menée, souffre de « la complexité et du manque de lisibilité de son organisation », constatent les sages.

    La Cour fustige, les lobbies dansent...

    Exemple ? Près de la moitié des sous-bassins hydrographiques ne sont pas couverts par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont l’élaboration... conditionne pourtant la mise en œuvre concrète des orientations du Sdage.

    « Lorsqu’ils existent, le contenu de ces schémas n’est pas toujours satisfaisant en raison de leur durée moyenne d’élaboration, proche d’une dizaine d’années, de l’ancienneté des données sur lesquelles ils s’appuient et de l’absence d’objectifs de réduction des consommations d’eau », pointent les magistrats financiers. Face à ces constats d’une sévérité sans précédent, la Cour des comptes demande donc de la « clarifier » en suivant mieux la géographie de l’eau et recommande de la (re)structurer autour du périmètre des sous-bassins versants.

    Mais qu’importent ces sombres augures et leurs appels... Le 22 mars, on se réjouissait, c’est bien là l’essentiel : Canalisateurs de France - les marchands de tuyaux qui réclament de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année - organisaient un grand raout : une « matinée de l’eau » avec pour « grand témoin » l’incontournable Erik Orsenna, l’homme... qui se vantait de faire commerce de son entregent dans un portrait criant de vérité publié en 2016 par M le Monde. Le ton était donné.

    Dans ces conditions, après avoir observé pendant des mois ce qui se passait en coulisses, et constaté l’omniprésence de lobbies toujours plus offensifs, on ne pouvait s’attendre qu’au pire à l’annonce du fameux plan eau du gouvernement. A la lecture du document diffusé dans la foulée du discours d’Emmanuel Macron, on doit le dire, on n’a pas été déçu. Entre énièmes déclarations d’intention (jamais suivies d’effets), camouflage du réel, empilement de gadgets ineptes - le baromètre de ceci, le thermomètre de cela... -, le président de la République s’est fait le VRP d’un « plan waouh ». Présenté comme la « modernisation sans précédent de notre politique de l’eau », il tient en réalité du concours Lépine et du catalogue de la Redoute.

    À la sortie, une (seule) chose est acquise : l’été sera chaud. Et l’exercice d’esbroufe ne règlera rien.

    https://www.blast-info.fr/articles/2023/macron-le-grand-plan-eau-qui-fait-flop-lojNnq91RhyU46bCLV9S0w

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    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/997687