• #Rennes : mercredi 26 juin, barbecue contre les expulsions
    https://fr.squat.net/2019/06/24/rennes-mercredi-26-juin-barbecue-contre-les-expulsions

    L’AG inter-squats ainsi que l’inter organisation de soutien aux personnes exilées appelle à un #rassemblement revendicatif et festif contre les expulsions devant la Préfecture. Le lieu occupé de l’Aubière (Thorigné-Fouillard), ainsi que le squat d’Estrémadure sont menacés d’expulsion dans les prochaines semaines. Les habitant.es de la Tour Europe (Maurepas) vont devoir quitter les lieux le […]

    #Caen #Gilets_Noirs #intersquat #Le_Marais #lieu_occupé_de_l'Aubière #Lille #Paris #sans-papiers #squat_d'Estrémadure #squat_des_5_étoiles #Thorigné-Fouillard

  • L’avenir juridique s’ouvre au pied de biche – Dijoncter.info

    Article très intéressant, qui explore les relations entre droit et communs, propriété foncière et partage de la terre...

    « S’approprier un lieu consiste à le conformer à soi comme à se conformer à lui ; s’approprier une terre revient à se l’attribuer comme à se rendre propre à elle » [2].
    Contre la doctrine dominante, Vanuxem propose de sortir de la division classique du droit entre les choses et les personnes. Pour elle, les choses sont en quelque sorte des milieux, car on peut y séjourner, on peut y être accueilli. Cette idée bouleverse la notion de propriété en permettant d’entrevoir celle-ci non plus comme l’appropriation des choses, notamment la terre, par les humains, mais comme la dépendance de ces derniers vis-à-vis de ce qu’ils habitent.

    Une réalité des (mi)lieux intermédiaires...

    insister sur la capacité « topique » du droit, c’est reconnaître le droit comme pratique irréductible et singulière ainsi que comme la capacité de produire des attachements stables et durables.

    A coup sûr !

    https://dijoncter.info/?l-avenir-juridique-s-ouvre-au-pied-de-biche-1015
    https://dijoncter.info/home/chroot_ml/ml-dijoncter/ml-dijoncter/public_html/local/cache-vignettes/L200xH126/arton1015-70a3b.jpg?1557930855

    #communs, #droit, #lieux_intermédiaires

  • Xénophobie et racisme antimusulmans sur les ondes de Radio Libertaire et dans d’autres lieux dits « contestataires » ou « radicaux »

    http://mondialisme.org/IMG/pdf/xeI_nophobie_racisme_antimusulmans_rl_et_lc.pdf

    Certains se souviennent peut-être que Riposte laïque, groupuscule né au sein de l’UFAL (Union des familles laïques) servit la soupe au Front national notamment avec l’apéro saucisson pinard en 2010. Riposte laïque venait de la gauche (PCF, LCR, OCI-PT, etc.) et certains de ses animateurs pérorèrent sur #Radio_libertaire.

    Cette radio anarchiste a invité des représentants du collectif #Lieux_communs pour discuter des « #gilets_jaunes ». Et à deux reprises, comme dans d’autres textes, nos castoriadiens xénophobes ont tenu à reprendre le credo qui fit le succès médiatique de Riposte laïque, c’est-à-dire la haine contre les immigrés.

    Qu’on en juge : un certain Q1. dénonce les « faux réfugiés », ces « prédateurs et opportunistes de partout et de nulle part » qui « escroquent les finances publiques » (p. 52) ; les « couches dominantes et la finance internationale » qui instrumentalisent « les migrations massives » (p. 6) ; une nouvelle fois les « immigrations massives » (p. 7) ; les « grandes métropoles de plus en plus réservées (...) aux #migrants primo-arrivants » (p. 8) ; le « financement (...) de la délinquance et de la néo-immigration massive » (p. 11) ; « le réservoir de violente et de brutalité qui gît (...) dans une partie des populations immigrées principalement en banlieue » (p. 15) ; les « jeunes de banlieue » qui pratiquent la « casse gratuite, le pillage, le vandalisme » (p. 21) ; « les thèmes attenants [à l’immigration] de l’islam, de la délinquance, de la banlieue », etc.

    Docte, notre Q.-de-Souche déclare que « la question de l’extrême droite, comme les questions des migrants, de l’immigration, des #banlieues, de l’islam vont devoir être traitées de front. Et plus on repousse l’échéance, plus ce sera douloureux. Ça l’est déjà aujourd’hui, mais ça le sera plus encore dans dix ans... » (p. 32 propos tenus sur Radio libertaire le 5 décembre 2018)

    Se prétendant hostile aux « racialistes » et aux « indigénistes » du PIR3, Q.-de-Souche utilise en réalité leur vocabulaire4 puisqu’il affirme que « les gilets jaunes sont essentiellement blancs » (p. 33, toujours sur Radio libertaire), rejoint par D.-de-Souche pour qui le comité Adama est « essentiellement musulman » (idem ). Et il continue son discours identitaire en évoquant avec l’emphase d’un national- castoriadien, « cette France des oubliés, celle des “beaufs”, massivement blanche » (p. 38, dans une autre intervention cette fois à Bordeaux).

    En bon nationaliste de gauche ou de droite, Q.-de-Souche n’arrête pas d’accommoder l’adjectif français à toutes les sauces : le « corps politique français » (p. 31, sur Radio libertaire ), le « peuple français » (p. 19), un « sursaut français » (p. 22), les « Indignés français » (p. 38) et même cette perle « La France est prise là-dedans, mais elle le vit sur un mode original, et très français » (p. 36). Bien sûr, il soutient, parmi les revendications des gilets jaunes, celles dont le sous-texte est discrètement xénophobe (p. 34, sur Radio Libertaire) : « il y a donc une revendication qui dit, je cite de tête,“ rendre effective l’intégration des immigrés ”, donc les aider à parler français, à s’intégrer, à acquérir les codes culturels, etc. Là, ils mettent le doigt sur quelque chose d’extrêmement délicat, effectivement. Les immigrés doivent-ils arriver à s’intégrer et à devenir français ? »

    Q. et D.-de-Souche posent, d’un air faussement ingénu, les mêmes questions que Finkielkraut, Zemmour et les Le Pen. (...)

    #xénophobie #nationalisme

  • OHNE TITEL reçoit NO BORD’ art
    http://www.radiopanik.org/emissions/ohne-titel/ohne-titel-recoit-no-bord-art

    Afin de clôturer notre série « Intérieurs », nous accueillons la joyeuse équipe derrière le No Bord’Art : Bru et Loransse Doe.

    No Bord’Art, comme son nom l’indique se veut sans frontières.

    Il y est organisé une exposition multidisciplinaire toutes les 6 semaines, ponctuée d’événements d’un soir ou d’un week-end, en fonction des coups de coeur et des rencontres.

    Bru & Loransse nous parleront de la genèse de leur projet, du travail des artistes qui y ont déjà exposé ainsi que des détails de l’exposition en cours ("Qu’est ce que sexe a ?", avec le travail de #alan_tex & Loransse Doe).

    Il sont accompagnés de l’artiste Fabrice, du groupe Till it’s a crime qui organisera le prochain cabaret dans le lieu, le vendredi 22 mars.

    ********

    Informations (...)

    #expositions #no_bord_art #lieu_alternatif #art_contemporains #lauransse_doe #expositions,no_bord_art,lieu_alternatif,art_contemporains,alan_tex,lauransse_doe
    http://www.radiopanik.org/media/sounds/ohne-titel/ohne-titel-recoit-no-bord-art_06318__1.mp3

  • Excavating Calabazas Creek : An Inefficient Route Through Silicon Valley, by Jenny Odell
    https://medium.com/@the_jennitaur/excavating-calabazas-creek-an-inefficient-route-through-silicon-valley-8f6d0

    Magnifique enquête (ou déambulation) #cartographique dans l’#histoire de la #Silicon_Valley, à la recherche d’un vieil arroyo qui passe sous le nouveau « campus » d’#Apple.

    #photographie #mémoire #industrialisation #lieux

  • #Ru'elles

    La Cie Ru’elles est un collectif d’artistes et de chercheur.es qui souhaite surprendre, révéler l’invisible et questionner nos quotidiens In situ.

    Ru’elles invite les passant-es à découvrir un #théâtre_déclencheur, bulle de dérision et de poésie, terrain fertile d’une #recherche-création par le #mouvement des #corps et la résonance des #voix.

    Parce que la #rue est en proie au #conformisme et qu’il s’y joue des #rapports_de_domination, le collectif agit : les #identités de genre ou de classe et de couleurs sont analysées comme un ensemble de masques, de costumes et de gestes prescrits que chacun et chacune de nous répète avec minutie. Il importe de les détourner pour les questionner, de #rendre_visible l’#inégalité des rôles et de perturber les usages de nos #lieux_communs.


    http://www.ru-elles.com
    #art #in/visibilisation #domination #théâtre #Julie_Arménio

  • L’envers des friches culturelles | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

    Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en lieux culturels par une poignée d’entrepreneurs ambitieux. Ces sites, souvent éphémères, se présentent comme « engagés » et « créatifs » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

    • C’est que Ground Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’urbanisme transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de gardiennage, d’entretien et de sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      icf-habitat

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du street art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil marketing pour mieux promouvoir l’aménagement urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.
      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « tiers-lieu ».

      810j-of-f0l

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un service d’ordre avec des vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

    • Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture. Les quais de la gare désaffectée du boulevard Ornano sur la ligne de Petite Ceinture.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.

      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à Sinny & Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami Olivier Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’entreprenariat social.

      logo100x50

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du CAC 40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.
      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la Petite Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault. La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de terrasses temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette esthétique du squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la mise en scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin. Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.

      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

    • L’envers des friches culturelles | Mickaël Correia
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/231218/l-envers-des-friches-culturelles

      ( ai manqué publié un doublon ; j’ajoute ici pour mémoire l’ensemble de l’article et des #)

      MICKAËL CORREIA
      Terrains vagues, bâtiments désaffectés, rails à l’abandon… Un peu partout en France, ces espaces qui faisaient auparavant l’objet d’occupations illégales sont convertis en #lieux_culturels par une poignée d’#entrepreneurs ambitieux. Ces sites se présentent comme « engagés » et participant à la revalorisation de quartiers dépréciés. Mais cette « valorisation » semble avant tout financière. Une enquête parue dans le numéro 11 du Crieur, toujours en librairie.

      En haut de la rue de Ménilmontant, dans l’Est parisien, une palissade court le long du numéro 88. Pour les passants, impossible de deviner ce que cachent ces hautes planches de bois. Mais depuis l’an dernier, le 88 ouvre ses portes dès les prémices de l’été. Et il suffit de montrer patte blanche à un vigile nonchalant pour y découvrir une vaste friche réhabilitée en terrasse éphémère.

      Tables et chaises de guingois, mobilier en palettes de chantier et buvette en pin, décoration de bric et de broc, fresques street art… Tout respire l’esthétique récup’ et Do It Yourself. Sous la chaleur écrasante, certains sont avachis sur une chaise longue et sirotent une bière. D’autres s’adonnent paresseusement à une partie de ping-pong sur fond de musique électro.
      Durant tout l’été, dans cette scénographie naviguant entre squat urbain et guinguette, la #friche dénommée sobrement 88 Ménilmontant propose pêle-mêle initiations au yoga, ateliers de sophrologie ou performances artistiques. Entre deux palmiers en pot et une « fresque végétale collaborative », quelques rares graffitis semblent avoir été tracés bien avant la réhabilitation de cet espace en jachère. « Ce sont de vieux graffs qu’on pourrait presque qualifier d’historiques, assure une habitante du quartier. Avant, il y avait un squat d’artistes ici et tout a été rasé ! »

      À peine quatre ans auparavant, en lieu et place du 88 Ménilmontant, se dressaient d’anciens ateliers d’artisans miroitiers. Occupé depuis 1999 par un collectif libertaire, le bâtiment, rebaptisé La Miroiterie, était au fil des ans devenu un #squat incontournable de la scène musicale underground parisienne. Ses concerts éclectiques – hip-hop francilien, punk suédois, rap libanais, sans compter les interminables jam-sessions jazz du dimanche – attiraient chaque semaine un public bigarré.

      Certes, le lieu commençait à être insalubre, la qualité sonore n’était pas toujours au rendez-vous et les murs tagués sentaient la bière éventée. Mais comme le soulignent Emy Rojas et Gaspard Le Quiniou, qui y ont organisé une trentaine de concerts sous l’étiquette Arrache-toi un œil, « en passant le portail du squat, il y avait une sensation de liberté difficile à retrouver dans des lieux plus institutionnels ». Avec ses soirées à prix modiques, ses ateliers d’artistes indépendants et ses stands proposant fanzines et autres disques autoproduits, cet espace autogéré incarnait un îlot de #contre-culture mythique bien au-delà des frontières de la capitale.

      En avril 2014, l’effondrement d’un mur vétuste lors d’un concert sonne le glas de cette aventure singulière. Menacés d’expulsion depuis 2009 par un promoteur immobilier ayant acquis la parcelle, les occupants de La Miroiterie sont évacués sans ménagement ni projet de relogement, et ce malgré quinze années d’animation du quartier et le soutien de nombreux habitants.

      À deux pas de l’ex-Miroiterie siège l’imposante Bellevilloise. Fort de ses deux mille mètres carrés de salle de concert, d’espace d’exposition et de restaurant, cet établissement culturel est aujourd’hui l’un des repaires incontournables du Paris branché. Chaque année, le site accueille près de deux cent mille visiteurs qui viennent clubber ou applaudir des groupes estampillés « musique du monde ». À ces activités festives s’ajoutent des débats publics, avec parfois des invités de prestige comme Edgar Morin ou Hubert Reeves, et des soirées privées de grandes entreprises telles que Chanel et BNP Paribas.

      La façade de La Bellevilloise à Paris.

      Plus qu’un temple dédié à la #culture et aux grands événements parisiens, La Bellevilloise est aussi la figure de proue des friches urbaines reconverties en sites culturels. Ancienne coopérative ouvrière de consommation créée peu de temps après la Commune, bastion militant où Jean Jaurès tenait ses rassemblements, l’immeuble à l’abandon, qui hébergea après guerre une caisse de retraites, a été racheté au début des années 2000. À la manœuvre de cette opération immobilière, un trio de jeunes entrepreneurs issus du monde du spectacle et de la publicité. « Nous étions assez pionniers à l’époque. Mobiliser une surface aussi importante sur Paris pour des activités culturelles, c’était novateur », reconnaît Renaud Barillet, l’un des trois fondateurs et directeur général associé de La Bellevilloise.

      Quand le site est inauguré en 2006, le chef d’entreprise est pleinement dans l’air du temps. Motrice de nombreuses occupations illégales de friches industrielles, la vague techno qui a submergé l’Europe à la fin des années 1980 est alors en train de progressivement s’éteindre. Les warehouses berlinoises, ces entrepôts désaffectés investis le temps d’une soirée clandestine, se transforment en clubs électros commerciaux. À Paris, l’organisation en 2001 d’une fête techno sauvage dans l’ancienne piscine désaffectée Molitor, en plein XVIe arrondissement, marque le chant du cygne des free parties urbaines.

      La façade de La Condition publique à Roubaix.

      Le tournant des années 2000 voit dès lors les débuts de la réhabilitation des lieux industriels en #espaces_culturels. L’ancien marché couvert Sainte-Marie à Bruxelles est reconverti en 1997 en complexe culturel baptisé Les Halles de Schaerbeek. De son côté, la manifestation Lille 2004 Capitale européenne de la culture fait émerger nombre d’établissements dans des usines abandonnées par l’industrie textile locale. « Nous nous sommes inspirés de La Condition publique, un lieu culturel installé dans un ancien entrepôt de laine à Roubaix depuis Lille 2004, mais aussi de ce que fabriquait Fazette Bordage, la créatrice du Confort moderne à Poitiers, première friche culturelle en France », détaille Renaud Barillet.

      Du point de vue de l’équipe de La Bellevilloise, se pencher sur le 88 de la rue de Ménilmontant était une démarche des plus évidente. « Nous avons toujours été préoccupés par ce que La Miroiterie allait devenir, car un squat, par définition, c’est éphémère, explique l’entrepreneur. Comme elle est située juste derrière La Bellevilloise, nous nous sommes dit que si une opération immobilière se préparait, il fallait être attentif à l’ensemble architectural, aux problèmes de nuisances sonores, etc. »

      Ayant eu vent de ce que le récent propriétaire du lieu voulait édifier un immeuble d’un seul tenant, les dirigeants de La Bellevilloise interpellent Bertrand Delanoë, à l’époque maire de la capitale. À peine quelques mois plus tard, #Paris_Habitat, bailleur social de la ville de Paris, rachète le lot immobilier et un projet de réhabilitation est ficelé avec Renaud Barillet et ses comparses : côté rue, des logements étudiants avec, au rez-de-chaussée, sept ateliers-boutiques d’artistes design. En fond de cour, l’entrepreneur a prévu « une fabrique d’image et de son [ un studio de production et une salle de concert – ndlr ], des espaces de coworking, des bureaux et un spa à dimension artistique ».

      Bertrand Delanoë en 2010.

      Partant, l’ancienne Miroiterie est démolie. Afin de rentabiliser cette friche et d’engranger des recettes qui serviront à la construction du nouvel établissement (dont l’ouverture est prévue en 2021), l’équipe a mis sur pied une terrasse éphémère dès le printemps 2017. Bien éloigné des visées culturelles à but non lucratif de La Miroiterie, le 88 Ménilmontant n’est pas sans susciter l’ire des riverains et des anciens occupants du squat.

      Figure historique de La Miroiterie, Michel Ktu déclare ainsi par voie de presse : « Ils montent des salles en piquant nos idées parce qu’eux n’en ont pas. Ils récupèrent un décor de squat, mettent des câbles électriques apparents, des trous dans le mur, des canapés défoncés et des graffs, mais ils ne savent pas accueillir les gens ni les artistes. » « Il y a une surface vide, autant qu’elle soit utilisée, se défend Renaud Barillet. Quant à la forme “transat et tireuses à bière”, on ne va pas réinventer l’eau chaude : c’est un modèle basique et provisoire. »

      Faire du blé sur les friches

      Renaud Barillet n’en est pas à son galop d’essai. Avec son acolyte, Fabrice Martinez, également cofondateur de La Bellevilloise et ancien chef de publicité chez Nike et Canal+, il a récemment créé le groupe Cultplace, qui s’affiche comme une « fabrique de lieux de vie à dimension culturelle ». Les ambitieux entrepreneurs ont ainsi reconverti en 2013 un coin des halles de La Villette, anciens abattoirs aux portes de la capitale rénovés au début des années 2000. Dans cet écrin de métal et de verre appartenant au patrimoine public, ils ont conçu un restaurant-scène de jazz baptisé La Petite Halle.

      La rotonde du bassin de la Villette.

      Au sud du bassin de la Villette, La Rotonde, ex-barrière d’octroi du nord de Paris datant du XVIIIe siècle, a quant à elle été réhabilitée par ces businessmen en Grand Marché Stalingrad, hébergeant des « comptoirs food », un concept-store design et un club. Le bâtiment, alors à l’abandon, avait été restauré à l’initiative de la ville de Paris en 2007.

      Durant la seule année 2018, deux friches industrielles reconverties en site culturel ont ouvert sous la houlette de #Cultplace. L’ancienne gare désaffectée de Montrouge-Ceinture a été confiée par Paris Habitat et la mairie du XIVe arrondissement à Renaud Barillet afin d’être rénovée en café-restaurant culturel. Sur les bords du canal de l’Ourcq, à Pantin, les gigantesques Magasins généraux ont été quant à eux réhabilités en 2016. Longtemps surnommés le « grenier de Paris », ces entrepôts stockaient auparavant les grains, farines et charbons qui approvisionnaient la capitale.

      Si l’immeuble de béton accueille depuis peu le siège du géant de la publicité BETC, Cultplace y a niché à ses pieds Dock B – le B faisant référence à La Bellevilloise –, mille deux cents mètres carrés de cafés-comptoirs, scène artistique et terrasse qui devraient être inaugurés à la rentrée 2018. « Tous nos lieux sont indépendants, car nous ne sommes pas sous tutelle publique ni même subventionnés, insiste Renaud Barillet. Nous ne dépendons pas d’un grand groupe ou d’un seul investisseur. »

      Logo de CultPlace.

      Cultplace n’est cependant pas la seule entreprise partie à la conquête des friches industrielles de la métropole parisienne. En vue de concevoir et d’animer le Dock B, Renaud Barillet s’est associé à l’agence Allo Floride. Avec La Lune rousse, une société organisatrice d’événementiels, cette dernière a été à l’initiative de Ground Control, un bar temporaire inauguré en 2014 à la Cité de la mode et du design. Depuis cette première expérience lucrative, La Lune rousse s’est fait une spécialité : l’occupation provisoire, sous l’étiquette Ground Control, de sites désaffectés appartenant à la SNCF.

      Ainsi, en 2015, quatre mille mètres carrés du dépôt ferroviaire de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement, ont été mis à disposition de l’entreprise le temps d’un été afin de le reconvertir en « bar éphémère, libre et curieux ». La manifestation s’est révélée si fructueuse en termes d’affluence qu’elle a été renouvelée l’année suivante par la SNCF, attirant quatre cent mille personnes en cinq mois.

      Espace insolite chargé d’histoire industrielle, musique électro, transats, ateliers de yoga, comptoirs food et esthétique récup’, le concept Ground Control utilise exactement les mêmes ficelles que Cultplace pour produire ses friches culturelles. Quitte à réemployer les mêmes éléments de langage. Se définissant ainsi comme un « lieu de vie pluridisciplinaire » ou comme une « fabrique de ville, fabrique de vie », Ground Control, couronné de son succès, a pris place depuis 2017 au sein de la Halle Charolais, un centre de tri postal de la SNCF situé près de la gare de Lyon. Un million de visiteurs annuels sont cette fois-ci attendus dans le hangar à l’abandon.

      Ouvertes en février, la « Halle à manger », qui peut servir trois cents couverts par jour, les boutiques et les galeries-ateliers de Ground Control se réclament toutes d’un commerce équitable ou bio. Et si, sur la cinquantaine de #salariés sur le site, quarante-deux sont employés en tant que #saisonniers, ce « laboratoire vivant d’utopie concrète », aux dires de ses créateurs, n’hésite pas à s’afficher comme un « lieu engagé » accueillant tous ceux qui sont en « mal de solidarité ».

      Toutefois, Denis Legat, directeur de La Lune rousse, ne s’est pas seulement attelé à la réhabilitation d’une jachère urbaine en friche culturelle « alternative et indépendante ». Depuis plus de vingt ans, cet homme d’affaires s’est solidement implanté dans le business de l’organisation des soirées d’entreprise. Sa société compte à son actif la mise en œuvre de la Nuit électro SFR (si_ c)_ au Grand Palais, afin de « célébrer l’arrivée de la 4G à Paris », ou encore la privatisation de la salle Wagram lors d’une soirée Bouygues Bâtiment.

      Récemment, La Lune rousse a conçu un « bar à cocktail domestique et connecté » pour le groupe Pernod Ricard, présenté lors d’un salon high-tech à Las Vegas, et scénographié la summer party de Wavestone, un cabinet de conseil en entreprise coté en bourse. Des clients et des événements bien éloignés des « initiatives citoyennes, écologiques et solidaires » brandies par Ground Control…

      Malgré l’ambivalence éthique de La Lune rousse, la SNCF s’est très bien accommodée de cette entreprise acoquinée avec les fleurons du secteur privé français pour occuper plusieurs de ses friches. « Ce sont des lieux qui nous appartiennent et que nous ne pouvons pas valoriser immédiatement, justifie Benoît Quignon, directeur général de SNCF Immobilier, la branche foncière du groupe. Nous choisissons donc de les mettre à disposition d’acteurs qui se chargent de les rendre vivants. »

      En faisant signer à La Lune rousse une convention d’occupation temporaire de la Halle Charolais jusque début 2020, l’objectif de SNCF Immobilier est assurément de rentabiliser financièrement cet espace vacant sur lequel un programme urbain dénommé « Gare de Lyon-Daumesnil » prévoit la création de six cents logements, de bureaux et d’équipements publics d’ici 2025.

      C’est que #Ground_Control s’inscrit plus largement dans une politique foncière en pleine expansion au sein de la SNCF : l’#urbanisme_transitoire. « Cette démarche dite d’“urbanisme temporaire” ou transitoire est un levier essentiel de valorisation, avance Fadia Karam, directrice du développement de SNCF Immobilier. Cela permet d’intensifier l’usage de nos sites parfois vides et d’éluder des coûts de #gardiennage, d’entretien et de #sécurité, en limitant la détérioration et l’obsolescence de notre patrimoine. En dotant nos sites de nouveaux usages, nous développons la valeur de nos actifs. »

      La stratégie d’urbanisme transitoire du groupe ferroviaire prend naissance en 2013, quand une galerie de street art propose à ICF Habitat, filiale logement de la SNCF, d’investir provisoirement une de ses tours de logement destinée à la démolition. L’initiative, baptisée Tour Paris 13, est une telle réussite – trente mille visiteurs en un mois – que la SNCF entrevoit rapidement dans ce site culturel éphémère un formidable outil de #communication sur la future HLM qui s’érigera en lieu et place de la tour. Et, par ricochet, d’augmentation de l’attractivité de ce quartier résidentiel grâce aux artistes graff les plus célèbres de la scène mondiale venus s’approprier l’immeuble en friche.

      Rapidement surnommée la « cathédrale du #street_art », la tour a été l’objet d’une grande attention médiatique, à l’image de Télérama, qui ira jusqu’à suivre en direct, avec trois caméras, la destruction du bâtiment en 2014. Trois ans plus tard, le même journal publiait un article élogieux sur le nouvel « immeuble HLM à l’architecture délirante » situé dans l’« #eldorado parisien du street art ». Une opération de communication bénéficiant à la fois à l’acteur privé – la galerie Itinerrance – et à la SNCF, qui a pu aisément vendre ses logements flambant neufs à un prix lucratif.

      En 2015, deux ans après Tour Paris 13, l’occupation temporaire du dépôt de train de la Chapelle par Ground Control est appréhendée par SNCF Immobilier comme un projet pilote en vue de mieux formaliser sa démarche d’urbanisme transitoire. Après cette expérience concluante de friche culturelle éphémère, la filiale lance en fin d’année un appel à manifestation d’intérêt afin que seize de ses espaces désaffectés soient reconvertis provisoirement en « sites artistiques temporaires ».

      En réinvestissant une deuxième fois le dépôt de la Chapelle en 2016, puis la Halle Charolais de la gare de Lyon, Denis Legat devient, avec son concept Ground Control, le fer de lance de l’urbanisme transitoire prôné par la société nationale des chemins de fer. Au plus grand bonheur de Marie Jorio, cadre développement au sein de SNCF Immobilier qui, à propos du site de la Chapelle, déclare sans ambages : « Avec Ground Control, nous avons fait exister cette adresse plus rapidement et avons créé de l’attractivité : les opérateurs ont envie d’y aller et d’innover ! »

      Aux yeux de la SNCF, la friche culturelle Ground Control a en effet servi d’outil #marketing pour mieux promouvoir l’#aménagement_urbain qui prévoit la construction de cinq cents logements dans ce coin morne du XVIIIe arrondissement. Quant aux visiteurs, ils ont été les cobayes de la future identité urbaine de ce quartier dévitalisé, Ground Control constituant un showroom hype au service du complexe immobilier en devenir. « L’ADN ferroviaire du site du dépôt Chapelle est ressorti très fortement dans l’appétence et le succès du concept, révèle ainsi SNCF Immobilier. Le projet urbain en cours de définition fera revivre cet ADN et cette identité ferroviaire très forte qui constituent un actif immatériel et un capital fort. »

      Le recours aux occupations temporaires pour accroître la valeur financière d’un projet immobilier et préfigurer ses futurs usages est de plus en plus systématique. En janvier 2018, l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France avait recensé pas moins de soixante-dix-sept projets d’urbanisme transitoire en région francilienne depuis 2012 – dont plus de la moitié sont en cours. Quatre cinquièmes des propriétaires des sites sont des acteurs publics ( collectivités locales, établissements publics d’aménagement, SNCF, bailleurs sociaux ) et les occupations à dimension culturelle sont largement prédominantes.

      Les pouvoirs publics locaux ont par ailleurs décidé d’accompagner pleinement cette dynamique d’optimisation foncière. Le conseil municipal de Paris et le conseil métropolitain du Grand Paris ont tous deux récemment adopté le vœu qu’à l’avenir, tout projet d’aménagement urbain soit précédé d’une opération d’urbanisme transitoire. De plus, sur la quarantaine de projets d’urbanisme temporaire actuels, vingt-sept sont soutenus par la région Île-de-France dans le cadre de son appel à manifestations d’intérêt sur l’urbanisme transitoire lancé en 2016. Une enveloppe qui s’élève à 3,3 millions d’euros.

      Là encore, malgré les incantations à l’« innovation urbaine » et à la « transition écologique » de cet appel à projets, c’est avant tout l’argument économique qui fait mouche. « Il faut en moyenne douze ans pour qu’une ZAC [ zone d’aménagement concerté ] sorte de terre, avançait l’an dernier Chantal Jouanno, alors vice-présidente de la région. Durant ce laps de temps, les immeubles ne servent à personne, peuvent être squattés et perdre leur valeur. » La nature a horreur du vide. Les édiles parisiens également.

      Espace public, bénéfice privé

      Cultplace et La Lune rousse ne se contentent pas d’accaparer des friches. L’ensemble de leurs sites éphémères et établissements présentent en effet la particularité d’être des espaces hybrides, à la fois publics et privatisables, culturels et commerciaux. Des logiques tout autant artistico-festives que marchandes, qui ont permis aux entrepreneurs culturels de s’approprier une dénomination en vogue : celle de « #tiers-lieu ».

      Conceptualisé par le sociologue américain Ray Oldenburg dans un ouvrage intitulé The Great Good Place ( 1989 ), le tiers-lieu désigne à l’origine les espaces de sociabilité situés en dehors du domicile et du travail, comme les cafés ou les parcs publics. Cette expression aux contours flous a été employée afin de qualifier les premiers fablabs, les hackerspaces et autres jardins urbains partagés. Mais au grand dam des tenants de l’éthique open source et de l’esprit collectif de la débrouille, le terme de tiers-lieu s’est progressivement dénaturé jusqu’à qualifier de facto tout espace hébergeant des activités pluridisciplinaires, gratuites comme lucratives.

      « Je vois nos sites comme des écrins pour l’initiative, pour l’émergence d’envies, s’enflamme ainsi Renaud Barillet. Mais la réalité économique d’un tiers-lieu comme la friche 88 Ménilmontant fait qu’on a besoin de clients. Ce que l’on fabrique, ce sont des initiatives privées mais qui peuvent avoir une quote-part d’intérêt général. »

      Loïc Lorenzini, adjoint au maire du XVIIIe arrondissement chargé des entreprises culturelles, porte néanmoins un autre regard sur l’émergence de ces tiers-lieux. « Ground Control au dépôt de la Chapelle, cela n’a pas été évident avec eux au début, se souvient l’élu. Il y avait un #service d’ordre avec des #vigiles à l’entrée du lieu, ce qui n’a pas vraiment plu aux habitants du quartier. »

      Sa circonscription héberge actuellement deux sites artistiques temporaires de la SNCF : L’Aérosol – un hangar de fret reconverti en espace dédié au graffiti – et La Station-gare des mines – ancienne gare à charbon devenue salle de concert. Ces deux occupations de sites ferroviaires en friche préfigurent d’importants projets d’aménagement urbain comportant des logements, des bureaux ou encore l’Arena 2, une salle omnisports qui devrait être inaugurée en vue des Jeux olympiques de 2024.

      « Ces entreprises culturelles sont venues bousculer la vision classique de la culture, c’est-à-dire une vision subventionnée, avance Loïc Lorenzini. L’enjeu avec ces tiers-lieux, c’est qu’ils ne deviennent pas le cache-sexe de projets privés urbanistiques. Notre rôle est de rappeler que dans un arrondissement populaire comme le XVIIIe, il y a des enjeux locaux forts, telle la gentrification. »

      Les friches culturelles, têtes de pont de la gentrification ? C’est justement ce que dénonce le collectif d’habitants Droit à la (Belle)ville, créé en 2015 dans l’est de Paris. « Ces tiers-lieux excluent symboliquement les #habitants les plus #précaires du quartier, fustige Claudio, l’un des membres de l’association. On autorise temporairement des occupations de friche par des acteurs privés mais en parallèle, dès qu’il y a une occupation informelle de l’espace public à Belleville, comme quand, encore récemment, des jeunes font un barbecue improvisé dans la rue ou des militants organisent un marché gratuit, la police est systématiquement envoyée. »
      Et Quentin, également du collectif, d’ajouter : « Pour ces entrepreneurs et pour les élus, les artistes ne sont que des créateurs de valeur. Les sites culturels qui les hébergent participent à changer l’image de notre quartier, à le rendre plus attractif pour les populations aisées. Ce sont des espaces qui sont pleinement inscrits dans la fabrication de la ville pilotée par le #Grand_Paris. »

      Ambitionnant de faire de la région Île-de-France une métropole compétitive et mondialisée, le projet d’aménagement territorial du Grand Paris entrevoit dans les tiers-lieux culturels un outil de promotion de son image de #ville_festive, innovante et écoresponsable à même d’attirer une « #classe_créative ». Une population de jeunes cadres qui serait, aux yeux des décideurs, vectrice de développement économique.

      Les futures friches estampillées La Bellevilloise sont ainsi pleinement ancrées dans la stratégie de développement urbain et de #marketing_territorial portée par les élus de la #métropole. Dans l’ancienne station électrique Voltaire, au cœur du XIe arrondissement, Renaud Barillet prévoit pour 2021 un cinéma et un « restaurant végétalisé et solidaire ». L’exploitation de ce bâtiment industriel a été remportée par l’entrepreneur dans le cadre de Réinventer Paris, un appel à projets urbains lancé fin 2014 par la mairie de Paris afin de développer « des modèles de la ville du futur en matière d’architecture, de nouveaux usages, d’innovation environnementale et d’écoconstruction ».

      Le dirigeant de La Bellevilloise vient même de réussir à faire main basse sur l’ancienne piscine municipale de Saint-Denis, via le concours Inventons la métropole du Grand Paris. Avec l’aide d’un investissement financier de la part de #Vinci Immobilier, la piscine dyonisienne à l’abandon sera « à la frontière entre l’hôtel, le gîte et l’auberge de jeunesse » et le relais d’« initiatives entrepreneuriales, culturelles, artistiques, sportives et citoyennes ».

      « On est conscient de notre impact dans un quartier mais la gentrification est un rouleau compresseur sociologique qui nous dépasse », assure pourtant Renaud Barillet. « Nous ne sommes pas dans un processus naturel mais bien dans un conflit de classes. À Paris, nous sommes dans une continuité d’expulsion des #classes_populaires qui a débuté depuis la Commune en 1871, analyse Chloé, du collectif Droit à la (Belle)ville. Dans ces friches, les entrepreneurs vont jusqu’à récupérer le nom, l’imaginaire politique, les anciens tags de ces espaces pour les transformer en valeur marchande. »

      La Bellevilloise n’hésite ainsi nullement à s’afficher sur ses supports de communication comme « Le Paris de la Liberté depuis 1877 » et, dans le futur projet du 88 de la rue Ménilmontant, le spa pourrait s’appeler « Les Thermes de La Miroiterie ». « Ils accaparent des ressources que les habitants ont créées, que ce soient les ouvriers qui ont mis sur pied La Bellevilloise à la fin du XIXe siècle ou les punks libertaires de La Miroiterie au début des années 2000, souligne Claudio. Ces tiers-lieux culturels transforment des valeurs d’usage en valeur d’échange… »

      Rien ne se perd, tout se transforme

      Dernier avatar en date des tiers-lieux culturels qui foisonnent dans la capitale, La Recyclerie se présente comme « une start-up innovante qui réinvente le concept du tiers-lieu ( ni la maison ni le travail ) et fédère un large public sur le thème de l’écoresponsabilité ». Inauguré en 2014, cet établissement, composé d’un café-cantine, d’un atelier de réparation et d’une mini-ferme urbaine, est implanté au sein d’une station de train désaffectée de la Petite Ceinture, la gare Ornano, au nord du XVIIIe arrondissement.

      Un emplacement loin d’être anodin : la station à l’abandon se situe en effet porte de Clignancourt, à deux pas des échoppes discount des puces de Saint-Ouen, de la préfecture de police chargée des demandes d’asile de la capitale et d’un bidonville de Roms installé en contrebas de l’ancienne voie ferrée. Un carrefour où vendeurs à la sauvette, chiffonniers et migrants tentent de survivre par l’économie informelle.
      Malgré le fait qu’un tiers-lieu culturel ne soit pas de prime abord le projet urbain le plus pertinent en termes de besoins sociaux dans ce quartier populaire, « le maire de l’époque, Daniel Vaillant, a personnellement appuyé notre dossier, dévoile Marion Bocahut, présentée comme cheffe de projet écoculturel du lieu. La mairie du XVIIIe n’avait pas les moyens financiers d’acheter la gare Ornano, nous avons donc racheté l’intérieur du bâtiment ».

      La Recyclerie appartient à #Sinny_&_Ooko, une société « créatrice de tiers-lieux et d’événements » dirigée par Stéphane Vatinel. Figure du milieu de la nuit, connu pour avoir fondé en 1992 le Glaz’art, un club électro emblématique installé dans un ancien dépôt de bus, l’entrepreneur a repris de 2003 à 2008 les rênes du Divan du monde, salle de spectacle historique de Pigalle.

      Par l’intermédiaire de son entreprise, ce quinquagénaire hyperactif est aujourd’hui l’exploitant de La Machine du Moulin rouge, l’incontournable discothèque techno du nord de la capitale, et du Pavillon des canaux, une bâtisse abandonnée sur les bords du bassin de la Villette réhabilitée en coffice – mi-café, mi-espace de travail.

      Quand il rachète la gare Ornano pour installer son tiers-lieu empreint « des valeurs collaboratives et du Do It Yoursef », Stéphane Vatinel fait appel à son ami #Olivier_Laffon, qui s’investit financièrement dans l’opération. Cet ancien magnat de l’immobilier devenu millionnaire a été le promoteur de mégacentres commerciaux, à l’instar de Bercy Village, Vélizy 2 ou Plan de campagne dans les Bouches-du-Rhône. Mais avec sa holding C Développement, Olivier Laffon s’est reconverti dans l’#entreprenariat_social.

      Sa réalisation la plus célèbre demeure le Comptoir général, un ancien entrepôt au bord du canal Saint-Martin reconverti en 2009 en bar et « espace événementiel écosolidaire » à l’ambiance exotique. Devenu une référence quasi caricaturale du « Paris branché », le Comptoir général a fait appel jusqu’en 2013 aux services de Sinny & Ooko afin de développer et d’animer sa programmation. Une alliance pérenne entre les deux hommes d’affaires puisque C Développement avait précédemment investi dans le rachat du Divan du monde et dans La Machine du Moulin rouge, établissements gérés par Stéphane Vatinel…

      Pour les événements écoculturels de La Recyclerie, Sinny & Ooko a fait appel à un partenaire des plus édifiants : la fondation Veolia. L’entreprise du #CAC_40, connue pour être le géant mondial de la privatisation de l’eau, finance en effet en grande partie la programmation du lieu et est partenaire de son cycle de conférences sur l’économie circulaire. La bibliothèque de La Recyclerie a de surcroît été ouverte avec des livres offerts par la multinationale. « Veolia nous accompagne aussi dans notre développement, notamment avec Scale up ( “changement d’échelle” ), un programme de l’Essec Business School qui nous a permis de savoir comment dupliquer un lieu comme La Recyclerie », détaille Marion Bocahut.

      Le concept de La Recyclerie a effectivement depuis peu changé d’échelle. Sinny & Ooko a inauguré en août dernier un nouveau tiers-lieu écoculturel baptisé la Cité fertile. Ici, comme pour Ground Control, SNCF Immobilier a fait signer à Sinny & Ooko, à l’aune de son appel à projets sur l’urbanisme transitoire, une convention d’occupation de trois ans de son ancienne gare de fret basée à Pantin. « Nous sommes là pour opérer une transition entre une gare de marchandises et le futur #écoquartier de la ville de Pantin », assume Clémence Vazard, cheffe du projet de la Cité fertile.

      L’écoquartier prévoit mille cinq cents logements et près de cent mille mètres carrés de bureaux et de locaux commerciaux. Une opération foncière des plus rentables pour SNCF Immobilier et les promoteurs. Surnommée la « Brooklyn parisienne », Pantin constitue depuis peu un eldorado de la spéculation immobilière : l’ancienne cité industrielle a vu flamber de 15 % en cinq ans le prix du mètre carré, un record parmi les villes de la petite couronne parisienne.

      En attendant, sur près d’un hectare, la Cité fertile veut « explorer et imaginer la ville de demain » en attirant un million de curieux par an avec ses ateliers, ses conférences et sa cantine approvisionnée en circuits courts. Clémence Vazard explique que l’équipe a consulté la municipalité de Pantin afin d’« identifier les acteurs locaux et demander leurs contacts ». Parmi la cinquantaine de personnes salariées sur le site, une seule pourtant se consacre à cette ouverture sur les Pantinois. « En tout cas, si on a un partenariat comme Veolia qui peut se présenter, ce serait le meilleur pour nous », souligne la cheffe de projet. Avant de préciser : « Sinny & Ooko possède l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale ( Esus ), en aucun cas nous ne faisons du greenwashing. »

      L’originalité de cette friche éphémère réside cependant ailleurs. La Cité fertile héberge en effet depuis septembre le « campus des tiers-lieux », école de formation et incubateur d’entreprises dont le but est de développer les tiers-lieux culturels en tant que modèles économiques d’avenir. « Depuis l’an dernier, Sinny & Ooko est certifié comme organisme de formation. Nous proposons un module pour apprendre à être responsable de tiers-lieu culturel, détaille Clémence Vazard. Nous avons déjà formé une soixantaine de personnes, dont certaines ont récemment monté leur propre tiers-lieu à Montreuil – la Maison Montreau – ou à Niamey, au Niger – L’Oasis, un espace de coworking parrainé par Veolia. »

      Selon les formateurs Sinny & Ooko, le tiers-lieu culturel est un modèle démultipliable à souhait, telle une unité standardisée qui se résume, selon sa plaquette de présentation, à un « HCR [ hôtel café restaurant ] à portée culturelle », où une activité économique « socle » de bar-restauration permet de financer une programmation qui fait vivre le lieu.

      Friche partout, créativité nulle part

      En moins de cinq ans, Cultplace, La Lune rousse et Sinny & Ooko ont édifié un véritable petit empire économique en Île-de-France. Elles ont même l’ambition de s’implanter durablement à travers l’Hexagone en reproduisant des fac-similés de leurs tiers-lieux respectifs. Renaud Barillet a ainsi récemment remporté deux appels à projets à Bordeaux et un autre à Lyon afin d’édifier « des projets très proches en termes d’ADN et de ventilation des espaces de ce qu’est La Bellevilloise ».

      En Charente-Maritime, à Rochefort, Cultplace est en train de mettre sur pied Grand foin, « une déclinaison rurale de La Bellevilloise », aux dires de Renaud Barillet. Par ailleurs, depuis 2016, Denis Legat et son équipe débarquent chaque été aux Rencontres de la photographie d’Arles, où ils investissent un ancien hangar de la SNCF avec leur habituelle formule Ground Control.

      Stéphane Vatinel, quant à lui, doit ouvrir d’ici 2023 La Halle aux Cheminées, un tiers-lieu dans une ancienne friche militaire de Toulouse dont le concept n’est autre qu’un copier-coller de La Recyclerie. Autant de jalons d’une hégémonie économico-culturelle dont se défend du bout des lèvres Renaud Barillet : « C’est vrai que ceux qui ont commencé à réaliser des tiers-lieux arrivent aujourd’hui à se développer et je pense que pour un nouveau venu, ce n’est pas si simple. Les appels d’offres demeurent très économiques et orientés vers l’immobilier. »

      Ce business model des friches est si bien rodé et rencontre un tel succès qu’il en devient vecteur d’une certaine uniformisation. À Paris, en plus du Poinçon, la gare de Montrouge rénovée par Cultplace, et de La Recyclerie, ex-gare Ornano, la plupart des seize stations de la #Petite_Ceinture deviendront des tiers-lieux, à l’instar du Hasard ludique, « lieu culturel hybride » niché porte de Saint-Ouen, ou de La Gare-jazz à la Villette – en lieu et place de l’ancien squat artistique Gare aux gorilles.

      La gare Masséna vue depuis la rue Regnault.

      Dans le cadre de Réinventer Paris, l’ancienne gare Masséna sera quant à elle réhabilitée en « lieu de vie et de proximité » d’ici 2019 avec bar et cantine, ferme urbaine, boutiques bio, espaces artistico-culturels et bureaux. Enfin, Stéphane Vatinel a l’an dernier remporté l’exploitation de deux sites en friche grâce à Réinventer la Seine, un appel à projets visant à « la construction d’un territoire métropolitain évident et d’envergure internationale ». Une usine désaffectée à Ivry et l’ancien tribunal de Bobigny seront ainsi, à l’horizon 2022, reconvertis tous deux en tiers-lieux écoculturels estampillés Sinny & Ooko.

      À cette dynamique de duplication des tiers-lieux s’ajoutent les dizaines de #terrasses_temporaires qui essaiment chaque été dans les interstices urbains de la capitale, à l’image de la Base Filante, une friche éphémère de trois mille mètres carrés qui a ouvert ses portes en juillet dernier à deux pas du Père-Lachaise. L’initiative est portée par quatre collectifs, dont certains ont déjà pris part à la conception d’une autre terrasse temporaire, la friche Richard Lenoir, ou à l’aménagement de La Station-gare des mines.

      Au programme de la Base Filante, le sempiternel quatuor bières artisanales, cours de yoga, tables de ping-pong et musique électronique. « On assiste à une sorte de standardisation qui annihile toute créativité : tout espace en friche se voit devenir un lieu éphémère avec un bar et des transats, s’alarme Quentin, du collectif Droit à la ( Belle )ville. La créativité s’arrête dès qu’il y a une tireuse à bière artisanale… »

      Enfin, la mise en avant quasi généralisée de l’imaginaire « squat », via la scénographie récup’ et DIY, comme à travers la rhétorique de l’alternative et du collaboratif dans la communication de ces lieux festifs, participe également à cette uniformisation des sites culturels. « Ces friches font croire à une fausse occupation de l’espace alors qu’il y a des vigiles à l’entrée, fulmine Quentin. On vend de faux espaces de liberté où on dit aux gens ce qu’ils doivent consommer et où. »

      Pour les chercheuses Juliette Pinard et Elsa Vivant, « cette #esthétique_du_squat […], donnant la part belle aux atmosphères brutes et industrielles, participe à la #mise_en_scène de ces lieux temporaires en tant qu’“espaces alternatifs” et expérience singulière ». En institutionnalisant les occupations transitoires, les friches culturelles éphémères ont réussi le tour de force de neutraliser la portée subversive des squats artistiques, qui contestaient la propriété privée en privilégiant le droit d’usage, tout en s’appropriant leurs codes esthétiques.

      « Et le squat devient fréquentable », titrait ainsi Télérama en avril dernier à propos des occupations transitoires après que Libération eut publié sur son blog Enlarge Your Paris un entretien intitulé « Les friches font entrer les villes dans l’ère des squats légaux ».

      Dans le quartier Darwin.

      Le phénomène des friches culturelles se circonscrit de moins en moins à la région Île-de-France. À Bordeaux, les instigateurs du site culturel Darwin Écosystème, installé depuis 2009 dans l’ancienne caserne Niel et qui se présente comme un « lieu d’hybridation urbaine mêlant activités économiques et initiatives citoyennes », ne se sont jamais cachés de s’être inspirés directement de La Bellevilloise. Le promoteur immobilier Résiliance a de son côté mis à disposition un terrain vague de vingt hectares situé au nord de Marseille à Yes We Camp, un collectif de cinquante salariés spécialisé dans la création de friches culturelles éphémères, à Paris comme à Roubaix.
      Depuis cette année, la vaste parcelle en jachère accueille un « parc métropolitain d’un nouveau genre, à la fois lieu de vie, de mémoire, de pratiques culturelles et sportives ». Le site, baptisé Foresta, est inséré dans un projet d’aménagement porté par Résiliance et articulé autour d’un immense entrepôt commercial réservé aux grossistes du marché textile chinois.

      Quant aux anciens abattoirs de Rezé, dans l’agglomération nantaise, ils hébergent depuis juillet dernier Transfert, trois hectares de friche culturelle définie par ses concepteurs comme un « espace qui se mue en un lieu de transition où l’on imagine, invente et fabrique ensemble un lieu de vie qui questionne la ville de demain ». L’occupation provisoire durera cinq ans, le temps nécessaire à accroître l’attractivité et la valeur immobilière de ce no man’s land qui doit accueillir un gigantesque projet d’aménagement urbain prévoyant trois mille logements.

      Cette politique de l’éphémère à fin mercantile semble ainsi définitivement être sur les rails qui la conduiront à se pérenniser et à s’étendre à l’ensemble du territoire. « Nous avons désormais un vivier de porteurs de projets qui nous sollicitent, affirme Charlotte Girerd, de SNCF Immobilier. Depuis 2015, une vingtaine de projets d’urbanisme transitoire ont été mis en œuvre. Notre ambition est que d’ici 2019-2020, deux à trois sites répondant à la démarche d’urbanisme transitoire soient lancés chaque année, avec la volonté de travailler de plus en plus hors d’Île-de-France. »

      Une filiale de la SNCF à la manœuvre d’opérations immobilières spéculatives, des collectivités publiques au service du développement économique, des entreprises culturelles de plus en plus hégémoniques… Si les friches culturelles viennent « questionner la ville de demain », elles soulèvent aussi une tout autre question : comment faire exister une politique culturelle affranchie de toute logique économique ?

  • À #Grenoble : l’#Engrenage fermé, le quartier gentrifié ?

    En moins de deux ans d’ouverture, il était devenu, à l’image de son slogan, le symbole d’une culture « métissée et populaire » à Grenoble, une ville toujours en manque de #lieux_alternatifs. Mercredi 7 Novembre, le #bar_associatif l’Engrenage a été fermé administrativement sur arrêté municipal. Une fermeture qui intervient alors que la mairie avance sur la réhabilitation du quartier. Un projet facteur de gentrification pour une partie des habitants.

    À Grenoble ce soir, tout est calme rue Jean Prévost. Pourtant depuis deux ans, au numéro 27 de la rue, le vendredi, c’est soirée Soundsystem au bar associatif l’Engrenage. On y croise des punks à chiens, des étudiant·e·s en quête de sensations, des cadres supérieurs, des artistes, des chomeur·euse·s, des gens au RSA… Tous les fêtards de Grenoble. Mais ce soir, rien. Pas un bruit.

    L’Engrenage est fermé comme tous les soirs depuis le Mercredi 7 Novembre. « Fermeture administrative » a décidé la mairie. En pleine projection d’un documentaire sur la crise grecque, la police municipale débarque et met tout le monde dehors. Le local n’est pas aux normes. Résultat : le rideau est baissé, indéfiniment. Pour Riad, l’un des membres de l’équipe bénévole qui a fondé et géré le lieu, c’est une démarche « extrêmement brutale de la part de la mairie ». Il ajoute : « Une mairie comme celle de Grenoble (NDLR : écologiste) ne peut pas virer une association qui prône nos valeurs ».

    Ces valeurs sont la marque de fabrique de l’Engrenage, un lieu auto-géré qui accueille des concerts, des conférences, des projections, des cours de boxes ou de Zumba. Le tout « à prix libre et avec zéro subvention » lance Riad. À ses yeux l’Engrenage « c’est un lieu de réappropriation du pouvoir. En deux ans, on a redistribué plus de 15 000 euros aux associations du quartier. »
    Fermeture et réaménagement du quartier

    Cette fermeture administrative coïncide avec l’avancée du projet de réhabilitation du quartier. Pourtant, la mairie affirme qu’il « n’y a aucun rapport » entre les deux faits. Principal lieu concerné : le square de la place Saint-Bruno, lieu emblématique de ce quartier populaire. Dans ce jardin, selon l’heure de la journée, les enfants jouent ou les dealers dealent. Un condensé des contradictions de ce quartier populaire tout proche du centre ville réputé lui plus « bobo ».

    Avec la réhabilitation, une partie des habitants craignent de voir Saint-Bruno devenir une annexe de « boboland », comme le nomme une habitante. C’est Lucille Lheureux, adjointe au maire en charge des espaces verts et de la nature qui porte le projet de réaménagement de la place. ‘« C’est normal que le changement fasse peur », admet-elle, « mais on mène depuis 2014 de nombreuses consultations et on a constaté une attente des habitants pour un meilleur cadre de vie ». Concernant la fermeture de l’Engrenage, l’élue l’affirme « la fermeture du bar s’est faite pour des questions de sécurité uniquement ». L’équipe du bar évoque plutôt une pétition contre le bruit lancée par des habitants arrivés récemment dans le quartier. Une initiative qui aurait poussé la mairie à agir. Face aux inquiétudes pour les structures alternatives du quartier, Lucille Lheureux se veut rassurante : « On ne vise pas la suppression de ces lieux, des endroits comme l’Engrenage, ils sont symboliques pour le quartier. Ça a du sens que ce genre de lieu reste ouvert mais dans les conditions nécessaires de sécurité ».

    « On rentre dans un rapport de force avec la mairie »

    L’équipe de l’Engrenage doit bientôt rencontrer les représentants de la mairie de Grenoble. L’objectif : parler de l’avenir. « Dans ce local, on ne peut pas répondre aux exigences de sécurité. Elle doit donc nous proposer un autre lieu pour exister » estime Riad. « On rentre dans un rapport de force avec la marie. » Pour soutenir cette lutte, des soirées de soutien au bar sont prévues et une pétition est disponible sur la page Facebook de l’Engrenage. Elle a réuni, à ce jour, plus de 3300 signatures.


    https://radioparleur.net/2018/11/19/grenoble-engrenage-fermeture
    #gentrification #urban_matter #réhabilitation_urbaine #villes #géographie_urbaine

  • Carburants : qui sont les perdants ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/carburants-perdants/00086957

    Cependant, il convient de regarder plus finement le poids budgétaire des carburants car c’est une moyenne disparate entre des personnes qui possèdent une voiture et d’autres qui n’en possèdent pas (et pour qui le budget carburant est de zéro). C’est particulièrement vrai pour les premiers déciles : environ 40% des ménages du 1er décile ne sont pas motorisés contre moins de 10% des ménages du 10e décile. Si on ne regarde que pour les ménages motorisés, le poids du carburant sur le budget des ménages modestes ressort alors plus nettement.

    (sérieusement, on peut (doit !) oublier le graphique précédent immédiatement celui-ci dans l’article, effet de structure caractérisé !…)

    • Je ne comprends pas ce que tu veux dire : le graphique concerne uniquement « les ménages qui possèdent au moins une voiture ». Donc l’avertissement sur le fait que 40% du 1er décile ne possède pas de voiture ne le concerne pas, non ?

      Sinon, un peu embêté par le fait d’avoir absolument des graphiques pour expliquer la situation. Les 10% des plus riches qui n’ont pas de voiture n’ont pas besoin de voiture pour se déplacer. Mais parmi les 40% des plus pauvres qui n’ont pas de voiture, combien ont une alternative efficace pour leurs déplacements ? Et comment on peut rendre cela dans un graphique ?

    • Manque dans la version qui suit de l’article de Mathieu Chassignet, « chef de projet mobilité à Lille Métropole », la moitié des graphiques que l’on trouve là
      https://www.alternatives-economiques.fr/carburants-perdants/00086957

      Quelles catégories de population vont être les plus touchées par l’augmentation des prix du #carburant ? Après plusieurs semaines de débats, on a l’impression de ne pas y voir beaucoup plus clair. La plupart des médias ont mis en avant des situations individuelles, qui semblent indiquer que les plus pénalisés seraient les personnes à faibles revenus qui habitent en zone rurale, ou encore les familles qui s’éloignent pour trouver des logements plus grands. Afin d’objectiver les choses et de dépassionner le débat il semble aujourd’hui pertinent de se pencher sur des statistiques nationales.

      Nous présentons ici les résultats issus de deux études de l’INSEE qui sont menées de manière périodique et sont représentatives de la population française : l’enquête nationale #transports et déplacement de 2008, et l’enquête #budget de famille de 2011. Ces enquêtes sont certes un peu anciennes, les nouvelles éditions sont en cours et les résultats ne sont malheureusement pas encore disponibles. Cependant les grandes tendances qui se dégagent comportent beaucoup d’inertie (par exemple le choix d’implantation des ménages évolue lentement), et ne connaissent pas de bouleversement en quelques années.

      Commençons par regarder quelles sont les personnes qui sont les plus éloignées de leur #lieu_de_travail. A contrario de l’idée reçu qui voudrait que les personnes à faible revenus s’éloignent de leur lieu de travail, l’éloignement est en réalité proportionnel aux revenus du ménage. De plus, c’est une tendance qui s’accentue, comme en témoigne la comparaison entre les deux dernières enquêtes (1994 et 2008) : alors que la distance domicile-travail pour les personnes à faibles revenus est restée à peu près stable entre 1994 et 2008, elle a beaucoup augmenté pour les personnes aux revenus les plus élevés.

      Les personnes ayant les plus faibles revenus sont également celles qui utilisent le moins la voiture : 38% se rendent au travail en voiture contre 70% pour les catégories les plus aisées. Elles utilisent davantage la marche, les transports collectifs et le vélo.

      Concernant l’éloignement, il n’est pas non plus (en moyenne) le fait des familles qui iraient plus loin pour chercher un logement plus grand. Au-delà du cas particulier des personnes vivant seules, la distance est très similaire pour les autres ménages et sans être proportionnelle à la composition familiale.

      Le contexte urbain joue davantage : les habitants des pôles urbains sont en moyenne plus proches de leur lieu de travail que les habitants des zones périurbaines et rurales. Les écarts ne sont cependant pas aussi importants qu’on pourrait le croire, et on voit que les habitants du monde rural sont moins éloignés de leur lieu de travail que les habitants des communes multipolarisées ou de la périphérie des pôles urbains.

      Revenons sur la mobilité selon le niveau de revenu. Il ne faut pas tenir compte uniquement des déplacements domicile-travail (qui correspondent à une minorité des déplacements totaux). Si on tient compte de l’ensemble des déplacements sur une semaine, on retrouve la même corrélation entre distance parcourue et niveau de revenus.

      Cette même corrélation se retrouve sur le taux de motorisation : plus les revenus sont élevés et plus le ménage possède de voitures. Le 10e décile (les 10% les plus riches) possède plus de 2 fois plus de voitures que le 1er décile (les 10% les moins riches). De plus, les voitures possédées par les ménages aux revenus les plus élevés parcourent sur une année plus de kilomètres que les voitures possédées par les ménages aux revenus les plus faibles.

      Ce qui fait qu’au total, les ménages les plus aisés parcourent près de 3 fois plus de distance en voiture sur l’année que les ménages les moins aisés.

      Les 10 % les plus riches font trois fois plus de kilomètres en voiture que les 10 % les plus pauvres

      Bien qu’ils parcourent beaucoup moins de kilomètres, le problème des ménages aux plus faibles revenus est qu’ils possèdent des voitures plus anciennes et plus consommatrices de carburant.

      Mais la consommation plus importante de ces voitures anciennes est très loin de compenser le fait que les ménages aux faibles revenus roulent beaucoup moins. Comme le montre l’enquête Budget de famille, le budget carburant des ménages est proportionnel aux revenus, et les ménages aux revenus les plus faibles dépensent plus de deux fois moins en carburants que les ménages aux revenus les plus élevés.

      Le poids budgétaire des carburants (dépenses de carburants divisées par les dépenses totales du ménage) n’est donc pas plus important pour les ménages les moins aisés. Le budget #chauffage semble en revanche pénaliser davantage les ménages modestes par rapport aux ménages aisés (6% du budget vs. 4%). Le chèque énergie semble donc plus justifié qu’un chèque carburant d’autant plus que s’agissant du chauffage, il n’y a que peu de risque d’un effet rebond (qui résulterait sur une consommation d’énergie qui augmenterait). De plus, le chèque énergie bénéficie à tous les ménages en dessous d’un certain seuil de revenus alors qu’un chèque carburant bénéficierait uniquement aux ménages qui possèdent une voiture.

      Cependant, il convient de regarder plus finement le poids budgétaire des carburants car c’est une moyenne disparate entre des personnes qui possèdent une voiture et d’autres qui n’en possèdent pas (et pour qui le budget carburant est de zéro). C’est particulièrement vrai pour les premiers déciles : environ 40% des ménages du 1er décile ne sont pas motorisés contre moins de 10% des ménages du 10e décile. Si on ne regarde que pour les ménages motorisés, le poids du carburant sur le budget des ménages modestes ressort alors plus nettement.

      Enfin les chiffres montrent que l’éloignement d’une petite partie de la population produit une majorité des distances domicile-travail, et donc du trafic aux heures de pointe :

      Les 1% des français les plus éloignés produisent 9% des distances domicile-travail en voiture
      Les 7% les plus éloignés produisent 30% des distances domicile-travail en voiture
      Le quart des plus éloignés produit deux tiers des distances domicile-travail en voiture
      Une petite partie de la population, très éloignée, produit la majorité des distances domicile-travail
      Répartition de la population selon la distance domicile-travail et poids dans les distances domicile-travail parcourues, en %

      Ces chiffres devraient nous amener à réfléchir différemment : l’action publique se focalise généralement sur le transport et tient pour fait accompli l’étalement urbain ainsi que l’éloignement domicile-travail toujours plus important. Il faudrait aussi agir à la source en limitant au maximum l’étalement urbain (ainsi que l’augmentation des capacités routières), mais aussi en réfléchissant à des aides ou à une fiscalité visant à réduire l’éloignement domicile-travail. Cela reste encore malheureusement un angle mort des politiques publiques.

      De quoi éclairer la #concurrence_des_victimes_du capitalisme, ou au mieux, contribuer à une lecture d’un processus continu, à quelques interruptions près, de (dé)composition de classe.

    • Je parle du graphique intitulé Le budget carburant des ménages est proportionnel aux revenus qui pose problème, en particulier le message retenu pour son titre…

      • il compare le poids du poste carburants, selon le décile de revenus, mêlant donc ménages motorisés et non motorisés ; or, le taux de possession d’un véhicule est très fortement lié au revenu (on ne le voit qu’indirectement, le graphique qui indique cela donne le nombre moyen de véhicules par ménage (0,57 véhicule par ménage pour D1, 1,52 pour D10). Il y a donc un (violent !) effet de structure. Pour comparer graphiquement, il faudrait simplement dissocier ces deux types de ménages.

      • le titre me choque très vivement (d’autant plus qu’on est chez AlterÉco,…) : évoquer la proportionnalité (et donc, implicitement, une certaine forme d’équité) pour des poids dans le budget des ménages alors que la question majeure pour les bas revenus (D1) est l’incompressibilité des dépenses vitales me semble assez ahurissant.

    • Un graphique, vite fait avec les données disponibles sur les revenus 2011 sur le site de l’INSEE (j’ai pris les valeurs données par AlterÉco, je n’ai pas été voir la source, qui prend la moyenne du décile (en tant qu’intervalle)) et j’ai divisé par les valeurs des déciles (bornes supérieures desdits intervalles qui sont les déciles stricto sensu).

      proportionnalité ?…

      à comparer avec celui d’AlterÉco que @colporteur n’a pas mis et que, finalement, j’inclus…

  • Les obligations des États en matière de secours en mer – livret à destination de la société civile

    Faisant suite au Concours Rousseau qui s’est déroulé à Angers en mai 2018, et sur la base des travaux de recherche menés par les étudiants, un #livret a été publié, présentant les obligations des États en matière de secours en mer : chiffres, dates, zones, définitions et éclairages pour permettre de mieux comprendre cette problématique.

    En mai 2018, la Faculté de droit de l’Université d’Angers a accueilli le Concours Rousseau et en son sein, les joutes éliminatoires lors desquelles les étudiants ont pu débattre du droit des réfugiés et du devoir de secours en mer dans le cadre d’un cas pratique fictif présenté devant le Tribunal International du droit de la mer. Autour de ces questions et de ces problématiques qui font écho à l’actualité, les juristes ont confronté leurs positions sur cette branche du droit international encore marginale devant d’éminents professeurs et professionnels du droit.

    Résultant du travail de recherche mené par les étudiants à cette occasion, un livret a été publié par les doctorants, pour présenter au grand public les obligations des États en matière de secours en mer : chiffres, dates, zones, définitions. Il permet notamment d’éclairer les enjeux mis en lumière par l’Aquarius ces derniers mois.


    https://alliance-europa.eu/fr/publication/les-obligations-des-etats-en-matiere-de-secours-en-mer-livret-a-dest

    #droit_de_la_mer #livret #manuel #mer #SAR #secours_en_mer #migrations #sauvetage #convention_SAR #droit_international #ports #lieu_sûr #détresse #situation_de_détresse #Méditerranée #asile #réfugiés

    ping @reka

    • 7 novembre 17h00 AficionaDocs #2 / Présent Simple, de Rino Noviello Projection
      14 novembre 10h00 Master class : Charo Calvo Fonds Audiovisuel de Flandre Evenement
      19h30 Ojo Guareña + Rencontre Cinéma Palace Projection
      22 novembre 19h15 Week-end ou La qualité de la vie + Rencontre Cinéma Palace Projection
      15 décembre 10h30 Leçon de cinéma #2 : Thierry Odeyn Cinéma Aventure Evenement
      31 décembre 0h00 Nos rencontres en image qui bougent

  • Géographie du souvenir. Ancrages spatiaux des mémoires de la #Shoah

    Comme l’écrit Denis Peschanski dans sa préface, le livre de #Dominique_Chevalier apporte une pierre importante aux études sur la Shoah et, de manière plus générale, à la réflexion sur les relations entre mémoire et #espace qui furent au cœur des travaux de Maurice Halbwachs. L’ambition de l’ouvrage est en effet d’articuler des régimes de spatialité à des régimes d’historicité, voire de #mémorialité, dans la lignée de la réflexion alimentée depuis les années 1990 sur les « lieux spatiaux », alors même que la notion de « #lieux_de_mémoire » esquivait en partie la relation au territoire.

    Pour mener à bien son entreprise, Dominique Chevalier définit une problématique, un objet, des espaces et une méthodologie. Les politiques mémorielles et patrimoniales de la Shoah, dans leur dimension spatiale, constitue l’objet de cette recherche dont le pari est d’étudier sous l’angle géographique les différentes formes de territorialités et de mémorialités des principaux musées-mémoriaux urbains mondiaux consacrés au judéocide. Les connexions entre échelles spatiales, échelles temporelles et échelles mémorielles, corrélées aux relations des rapports sociaux/spatiaux permettent la co-construction et la co-production de lieux de mémoire singuliers si remarquables qu’il paraît tout à fait légitime de parler de « régime de spatialité », nous prévient l’auteur (p. 18). Le questionnement se déploie alors dans plusieurs dimensions : géopolitique d’abord, territoriale ensuite, spatiale, à l’intérieur des musées, pour finir. C’est ainsi que, de l’échelle la plus réduite à la plus grande, se constitue un continuum entre des espaces distincts qui dessinent in fine une forme de mondialisation de la mémoire de la Shoah, tissée de circulations intenses. Encore fallait-il échapper aux pièges que tend la mémoire de la Shoah d’un continent à l’autre : aux États-Unis, le terme de « survivor » désigne tous les Juifs ayant survécu aux années 1930 et 1940, y compris ceux installés en Amérique, alors que celui de « rescapé », dans la tradition européenne et israélienne, ne désigne que ceux qui survécurent à l’expérience des camps.

    Quelles sont les répercussions spatiales, géographiques et géopolitiques de cette mémoire qui semble constamment et partout présente, bien au-delà des lieux d’exclusion, de concentration et d’extermination des Juifs pendant la guerre ? L’enquête commence à une échelle « macro » où sont situés les lieux commémoratifs mondiaux, avec une attention particulière pour ces lieux « délocalisés » spatialement, loin du terreau des souffrances, loin des « lieux-témoins » centre-européens. Ces lieux ex situ, qui n’utilisent pas le substrat tangible des camps comme « ressource mémorielle » (p. 205), échappent donc à la concordance mémoire/lieu. Ils constituent une ressource idéelle accentuant une production culturelle et spatiale inédite et spécifique : Yad Vashem, les musées de Washington, de New York, de Los Angeles, de Montréal mais aussi de Budapest, de Berlin, de Paris et de Varsovie, sont ainsi mobilisés. Quant à la méthode, Dominique Chevalier s’appuie sur des observations in situ et des témoignages qui dénotent un goût pour les rapports subjectifs des individus à l’espace, notamment en ce qui concerne l’analyse des pratiques des usagers.

    La première partie de l’ouvrage identifie quatre temps de la mémoire de la Shoah qui correspondent à quatre investissements spatiaux distincts. Le premier voit l’affrontement du mémorial de Paris et de Yad Vashem, à Jérusalem, dans les années 1950. La double concurrence, idéelle et idéologique, qui résulte de ces projets contraste avec le projet du kibboutz Lohamei Haghetaot, fondé par 196 rescapés de la Shoah. Le deuxième temps est celui de la guerre froide, de la guerre des Six Jours et de la guerre du Kippour qui contribue à lier étroitement la mémoire de la Shoah à celle de l’existence, un temps compromise, de l’État d’Israël. C’est sur ce substrat que la Shoah s’américanise rapidement, à partir de 1974-1977. Troisième temps, celui du Rideau de fer et de la chute du mur de Berlin où l’Allemagne s’impose comme un épicentre européen de la mémoire de la Shoah puis, dans son sillage, certains pays de l’Europe centrale comme la Hongrie et la Pologne. Enfin, à partir des années 2000, on assiste à une extension mondiale qui touche aussi bien l’Australie que l’Afrique du Sud, la Turquie ou, dans une moindre mesure, l’Iran.

    La deuxième partie de l’ouvrage se concentre sur les stratégies spatiales de chacune de ces créations ex situ qui révèlent une forme de globalisation des rapports au passé. En géographe, Dominique Chevalier avance une sorte de typologie des territoires mémoriaux de la Shoah sans s’éloigner du fil conducteur de sa réflexion qui est le phénomène de métropolisation des lieux de mémoire. Dans un premier cas de figure, le musée-mémorial s’articule de manière essentielle à l’histoire des Juifs dans un territoire donné : à Paris, le mémorial s’implante très tôt à proximité du Pletzl mais aussi, de façon plus étonnante, à Shanghai, Los Angeles ou Montréal, les musées s’implantent dans le quartier des rescapés. Deuxième cas de figure : la co-présence d’autres mémoires blessées qui établissent avec la Shoah un lien existentiel. À Melbourne, la mémoire du judéocide se trouve associée à celle des Aborigènes ; au Cap, à celle de l’esclavage ; à Fukuyama, à celle des bombes atomiques. En troisième lieu, les musées-mémoriaux s’enracinent dans des lieux symboliques mais dont la récurrence mémorielle n’est liée ni à un passé juif, ni à la possible communion avec d’autres mémoires douloureuses. Là, ils valorisent des territoires dans lesquels s’ancrent des architectures médiatisées, telles que celle de Berlin où intervint Daniel Libeskind mais aussi l’Holocaust Mahnmal de Peter Eisenman, et l’Holocaust Memorial Museum à Washington. La quatrième catégorie concerne les espaces offrant l’opportunité d’embrasser de larges paysages naturels, comme le mémorial de San Francisco, le Jewish Heritage Museum de New York et Yad Vashem à Jérusalem. Pour finir, Dominique Chevalier souligne combien la Maison de la Terreur, à Budapest, relève d’une logique à part qui est celle du non-lieu, d’un lieu excentré. Tous ces exemples ont en commun de constituer des instruments essentiels d’aménagement et de communication territoriale et politique, que ce soit celle de la catastrophe revendiquée pour légitimer a posteriori la création de l’État d’Israël, ou bien celle des culpabilités embarrassantes qui servent à expier les fautes, comme à Washington ou à Berlin. En bref, pour Dominique Chevalier, l’espace urbain est un « miroir social sur lequel se réfléchissent des intentions, des logiques d’acteurs, des temporalités, des références identitaires, des relations passé/présent et des rapports local/global particuliers » (p. 132).

    La troisième partie s’intéresse à la micro-échelle des lieux où se noue la connexion entre le lieu et le sujet sur le mode de l’expérience individuelle et collective. Accéder au musée, se déplacer en son sein puis franchir la distance qui sépare l’observateur d’un objet difficile à comprendre comme l’est la Shoah : tels sont les passages obligés auxquels se confrontent les visiteurs des lieux étudiés. Les corps sont de plus en plus mis à l’épreuve des mémoires blessées par des dispositifs architecturaux et muséographiques qui favorisent le déséquilibre, les troubles et les vertiges de l’espace. L’usage des sons et du jeu lumière/ténèbres y est intense. L’architecture se veut volontiers anxiogène afin de reproduire le récit mémoriel développé par les institutions muséales. Ces lieux mettent en scène trois formes spatiales privilégiées : l’espace de méditation, sorte de « cabinet de réflexion » (p. 167), qui prépare le visiteur à devenir témoin et à transmettre ce qu’il vient de voir ; des micro-territoires de reconstitution (une rue de ghetto, un wagon à bestiaux, etc.) ; des espaces de sacralisation de la nature qui sont autant de lieux de purification, de ressourcement moral à la gloire du Créateur ou de l’État, selon les versions. Cette mythification de la nature n’est pas propre aux musées de la Shoah mais elle y joue un rôle essentiel. L’auteur montre ainsi que les micro-agencements muséaux, organisés à travers des seuils, des passages, des déambulations, des frontières, des discontinuités, traduisent et incarnent des récits chronologiques et muséographiques. L’expérience souvent douloureuse de ces lieux cherche à se rapprocher, sur un plan physique et émotionnel, des trajectoires individuelles des victimes et des diasporas européennes.

    La dernière partie de l’ouvrage est consacrée au tourisme de mémoire, c’est-à-dire aux destinataires de tels lieux. L’expérience muséale n’a pas la même signification que le visiteur soit étudiant, chercheur, touriste, enfant de rescapé, juif ou pas, etc. Dominique Chevalier tente alors une comparaison des publics pédagogiques, qui constituent partout la part la plus importante des visiteurs, sur la base de trois cas d’étude (Washington, Jérusalem et Paris). Puis elle se concentre sur le touriste dont elle souligne les similarités avec les autres touristes patrimoniaux, culturels et urbains. À l’inverse, le thanatotourisme (dark tourism) des lieux de massacre ne trouve pas là de terrain privilégié dans la mesure où la relation matérielle et historique avec les lieux de la catastrophe y est distendue.

    En conclusion, l’auteur, à travers l’exemple de la Shoah, a indéniablement réussi à démontrer que la mémoire constitue (aussi) un objet spatial, et ceci à plusieurs échelles. La mémoire produit de l’espace « en conjuguant le global au local, le général au particulier » (p. 209). Ces lieux permettent à leur manière la circulation de savoirs entre les lieux mêmes de la destruction des Juifs d’Europe et les autres lieux attestant diverses mémoires douloureuses. Ces musées, qui sont bien souvent des vitrines architecturales, sont des éléments de valorisation des territoires, outils et produits du marketing culturel et patrimonial performant. En effet, le propre de ces lieux n’est pas le contenu de leurs collections mais leur capacité à raconter une histoire difficile. Au total, cet ouvrage remarquable ouvre une foule de nouvelles pistes de réflexion, des formes de l’autonomie du sujet à l’invention sociale des territoires. Il mérite indéniablement d’être lu.


    http://www.memoires-en-jeu.com/compte_rendu/geographie-du-souvenir-ancrages-spatiaux-des-memoires-de-la-shoah/
    #livre #mémoire #géographie #géographie_culturelle
    ping @reka

  • Des jeunes Molenbeekois interdits de voyage en Israël : « 7h d’interrogatoire pour un billet retour » Tom Denis avec Adéola Desnoyers 11 Septembre 2018 - RTBF _
    https://www.rtbf.be/info/regions/detail_des-jeunes-molenbeekois-de-l-asbl-bien-ou-bien-interdits-de-sejour-en-is

    Quelques jeunes Molenbeekois de l’ASBL Bien ou Bien sont arrivés lundi matin à l’aéroport de Tel Aviv. Ils venaient passer quelques jours en Israël en séjour touristique. Mais c’était sans compter sur les autorités israéliennes. À peine arrivés à l’aéroport, ils sont arrêtés et refoulés, peut-on lire sur le mur Facebook de l’Asbl : "Après près de 7 heures d’interrogatoire et d’attente, ils sont tout simplement refoulés ! Tristesse, colère et incompréhension".

    Lundi en fin de soirée, un deuxième message annonce « 6 heures après avoir été refoulés, nos jeunes de Bien ou Bien ont toujours leurs passeports confisqués et ne sont toujours pas libérés ». 

    Ce mardi matin, les jeunes ont repris l’avion en direction de Bruxelles. Arrivés sur le sol belge, ils ont reçu leurs passeports en retour. « Pendant 7 heures, à tour de rôle, on a subi des interrogatoires par des policiers qui étaient assez agressifs, qui voulaient absolument qu’on craque et que l’on avoue des choses qu’on ne comptait pas faire. Nous étions juste partis pour visiter les lieux saints de Palestine et d’Israël », explique Ali Bob, l’un des jeunes encore sous le choc.

    #israel #palestine #violence #lieux_saints

  • Magnifique ! Mais en #napolitain.
    Un petit texte d’un certain #Luca_Fiorentino, qui est juste tellement #logique, mais tellement rare dans ces temps dominés par le populisme...

    Une #ode à la #libre_circulation.

    ma fatemi capi na cosa.
    io non ne capisco assai di diritto.

    ma veramente è legittimo che na persona, nata in un preciso metro quadro di terra, poi cresce, e spinta da curiosità o da cazzi suoi, magari si vuole vedere un altro posto, e allo’ si mette in viaggio, cammina, e bell e buono lo possono bloccare e gli possono dire ueue ma arò vai, non vedi il recinto, le ferriate, il muro, qua non ci puoi entrare.

    cioè perché.

    ma scusate, ma sto fatto che la terra se la so’ divisa co righello e squadretta quando io ero ancora nelle palle di mio padre, ma perché io, o chiunque altro, dovremmo automaticamente sottostare alle spartenze di costoro.
    io non l’ho mai accettata, né sottoscritta, ’sta gestione.

    e se mio padre ha firmato qualche carta al comune, io non sono mica mio padre.

    tu puoi dire che ok, vengo da lui.
    e allo’ mio padre viene da suo padre, e suo padre da suo padre, fino ad adamo o chi per lui.
    siamo tutti matriosche del primo spaccimmino, nonché fratelli.

    e quindi, caro fratello briatore, fammi salire sullo yacht e fammi prendere una porchiacca dal tuo frigo, capì.

    e invece a quanto pare ci sarebbero zone della terra dove io posso entrare solo a tempo, o che non posso proprio vedere, a seconda della mia nazionalità.

    la nazionalità.
    sentirsi un’appartenenza forte ad altre persone, alle quali sarei legato da tradizioni storiche, lingua, costumi.

    le tradizioni si trasformano, tra cento anni il mac donald sarà tradizione.
    la lingua, un codice labilissimo che permette di fare inciuci e supercazzole, ma non di capirci.
    i costumi, che poi fossero i mocassini, i pinocchietti e i top fluo, sinceramente non mi appartengono.

    è vero, sono sbucato da una fessa in un posto preciso.
    ma non vedo perché ciò dovrebbe schedarmi.

    cioè che ho fatto io per sbucare da quella fessa, in quel buco di culo.
    a dicere ’a verità, proprio niente.

    e quindi forse sarebbe più giusto applicare il concetto dello zero.
    che tutti dovremmo partire da zero.

    e invece la fessa da cui sei sbucato è importante.
    così come quel metro quadro dove quella fessa ha sgravato.

    solo che lo sai che succede in questo modo.
    mo te lo dico io.
    succede che i tuoi diritti, i tuoi privilegi, o tutti i soprusi e le uallere in testa che subisci quotidianamente, essi dipendono solo da na cosa.
    e quella cosa, ’o ssai che rè.
    chella cosa è ’a fess ’e mammt.
    ciao.

    https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10215981009185452&id=1454544772
    #ouverture_des_frontières #migrations #frontières #liberté_de_mouvement #nationalité #citoyenneté #hasard #traditions #culture #Etat-nation #lieu_de_naissance #injustice

    cc @albertocampiphoto

  • #Néo-situationnisme : vers un nouvel « art des territoires » – Carnet des études urbaines

    https://urbs.hypotheses.org/397

    Par Luc Gwiazdzinski, Géographe, Directeur du Master Innovation et Territoire, Université Grenoble Alpes

    « La formule pour changer le monde, nous ne l’avons pas cherchée dans les livres mais en errant ». A plus d’un demi siècle de distance, cette formule de Guy Debord entre en résonnance avec de nouvelles pratiques artistiques et citoyennes dans la ville contemporaine, mais également avec les attentes des politiques, urbanistes et aménageurs, en quête de sens et de sensible, à la recherche d’autres clés de compréhension, d’organisation et de production urbaine.
    Hors les murs

    Hors des institutions, des salles de spectacle ou des musées, une partie de la création artistique contemporaine met en scène le vivant dans l’espace public et dessine de nouveaux rapports à l’art et à l’espace. Des « artivistes » font bouger les lignes et ouvrent les champs des possibles d’une société déboussolée et nostalgique, inquiète pour son avenir et condamnée à hurler dans le présent. Dans ce contexte mouvant, entre « métropoles liquides » (Bauman, 2000) et « art à l’état gazeux » (Michaud, 2004), de nouvelles pratiques hybrides (Gwiazdzinski, 2016) associant art et espace, création artistique et production urbaine émergent et dépassent la seule mise en scène de la « société du spectacle » (Debord, 1967).

    #situationnistes #territoires #lieux #mémoire_des_lieux

    • Il faut le dire ici de manière simple et définitive. #Debord avait tout prévu : la médiatisation systématique des rapports entre les personnes, la domination du secret et le secret de la domination dans les métamorphoses de l’économie marchande, les catastrophes écologiques, la disparition de la figure du monde. Il avait même prévu la récupération/neutralisation dont il serait l’objet à travers une surexposition posthume le réduisant pour les uns à un critique de la télévision et pour les autres à beau moment d’histoire littéraire.

      Debord, il faut le lire, le lire et s’en régaler

  • #Tiers-lieux : rendez-vous au centre non-commercial ! par Erwan Manac’h | Politis

    http://www.politis.fr/articles/2017/12/rendez-vous-au-centre-non-commercial-38110

    Tiers lieux, friches, ZAD… Le succès des espaces alternatifs entérine une nouvelle manière de vivre et de travailler. Au risque de la récupération.

    Cet article est en accès libre. Politis ne vit que par ses lecteurs, en kiosque, sur abonnement papier et internet, c’est la seule garantie d’une information véritablement indépendante. Pour rester fidèle à ses valeurs, votre journal a fait le choix de ne pas prendre de publicité sur son site internet. Ce choix a un coût, aussi, pour contribuer et soutenir notre indépendance, achetez Politis, abonnez-vous.

    Les allées de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans le XIVe arrondissement de Paris, baignent dans un froid humide et une tempête de sentiments contradictoires. Mélange d’euphorie et d’amertume, de fierté et d’épuisement. Les deux années écoulées entre ces murs décrépis étaient « extraordinaires » et « difficiles », glisse un amoureux du lieu. Et il faut décamper. Déjà.

    En 2015, l’hôpital tombé en désuétude a donné naissance aux « Grands Voisins » : un gigantesque village d’alternatives regroupant 250 associations, des artistes et des artisans, un millier de travailleurs, des cafés, des restaurants, un camping, une galerie d’art, une université populaire et d’innombrables espaces d’expérimentations écologiques et solidaires. L’originalité de ce gigantesque « tiers lieu » est d’être organisé autour de cinq centres d’hébergement d’urgence de l’association Aurore, qui ont accueilli jusqu’à 600 personnes. Une manière inédite de tisser la ville autour du social.

    #espace_public #dfs #centre_commerciaux #lieux #mémoire_des_lieux #espaces_commerciaux

  • https://offensivesonore.blogspot.com/2018/07/cartographie-de-lislamo-gauchisme.html

    Cartographie de l’Islamo-Gauchisme

    Emission du 20 juillet 2018, nous recevons @lieuxcommuns pour parler une nouvelle fois de l’islamo-gauchisme avec la sortie d’une infographie qui permet de visibiliser cette mouvance. Le phénomène islamo-gauchiste semble paradoxal : une partie de la gauche et de l’extrême-gauche soutiennent l’extrême-droite musulmane. C’est pourtant la convergence construite entre les héritiers des totalitarismes marxistes et la montée du totalitarisme islamique. Ils en reprennent méthodes de propagande, schémas victimaires, idéologies complotistes, certitude d’être dans le Sens de l’Histoire, volonté d’instaurer le Bien sur Terre en luttant contre le Mal, par tous les moyens...

    #audio #radio #offensive_sonore #radio_libertaire #audio #islamismes #islamogauchisme #islamophobie #islam #gauchisme #religion#complaisance #paternalisme #lieux_commun #urss #postmodernisme #Islam #Politique #Religion #Houria_Bouteldja #Daniel_Obono #Edwy_Plenel #ccif #Alain_Soral #Rokaya_Diallo #Médine #Tariq_Ramadan #lamanifpourtous #extrème-droite #musulmans

  • De #villes en #métropoles, #Tôkyô, métropole #japonaise en #mouvement perpétuel :
    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient3.htm
    Publié le 20/09/2006
    Vu le 08/06/2018

    Cet article de Natacha Aveline du bureau #CNRS #Japon Corée à Tôkyô, Institut d’#Asie #orientale, publié sur le site #géoconfluences, traite du mouvement perpétuel de Tokyo de différents points de vue. Elle rappelle d’abord l’importance #démographique de la ville, notamment par rapport au #monde et ses #lieux les plus peuplés tout en invoquant les raisons #économiques de cette #croissance par rapport à l’#histoire de la ville. Elle précise que la ville et la #campagne sont difficilement discernables et nous pouvons en conclure que la #périurbanisation doit contribuer non seulement à l’importance démographique de la ville, mais aussi à tous les #changements qui s’y opèrent, la périurbanisation progressant sans cesse sur le #territoire : c’est ce qu’elle évoque par la notion d’#émiettement #urbain. Malgré les perspectives actuelles en matière d’#économie et de #démographie, ce phénomène pose toujours #problème.

    Près de 80% des Japonais vivent en ville. […] Le #gigantisme urbain atteint sur l’#archipel des niveaux inégalés en Europe. Onze villes ont plus d’un #million d’habitants (2006), dont onze se regroupent dans quatre grandes #conurbations qui structurent un cordon urbain quasi-continu de mille kilomètres s’étirant le long du littoral Pacifique de Tôkyô à Fukuoka. Deux se distinguent par leur #démesure : Tôkyô, première #agglomération de la planète avec 34 millions d’habitants, et Ôsaka, la dixième avec 17 millions d’habitants, cumulent un produit régional brut de quelque 1 850 milliards de dollars, équivalent à celui de l’Italie et des Pays-Bas réunis.
    Si la #macrocéphalie est un phénomène commun à bien des pays d’Asie, la structuration en #mégalopole […] est plus spécifique au Japon. Elle résulte des choix industriels effectués dès l’époque Meiji (1868-1912), mais aussi de l’#expansion singulière d’un espace #urbanisé d’autant plus difficile à cerner que la ville ne s’est jamais opposée à la campagne, dans un pays où seuls les châteaux étaient fortifiés à l’époque féodale. Le phénomène d’émiettement urbain atteint ainsi une intensité sans équivalent dans les autres grands pays #industrialisés. Il a été, au Japon, une cause majeure de pathologies pendant la Haute Croissance et reste source de #problèmes aujourd’hui, en dépit de perspectives économiques et démographiques radicalement nouvelles.

    Ainsi, différentes #questions sont soulevées, d’abord celle des « logiques d’#urbanisation », elle évoque alors « l’#entremêlement de #fonctions #rurales et urbaines dans les #périphéries et […] les #zones #centrales » desquelles résulte « la faible hauteur des #constructions » et l’« #étalement du bâti » qu’elle nuance légèrement en rappelant la #verticalisation de Tôkyô entre 1980-1990 « sous l’effet des multiples opérations de #rénovation urbaine » ; et qui provient en partie de « la faible #intervention de l’#État dans la #gestion urbaine, le rôle majeur qu’ont joué à cet égard les #opérateurs #ferroviaires #privés, la toute-puissance de la propriété #foncière et l’extraordinaire #plasticité du bâti. »
    Elle donnera le la précision sur cette « faible intervention de l’État » en évoquant la #désorganisation des villes, les conséquences de l’#occupation #américaine et les problèmes qui en découle quant à la part de #responsabilité donnée aux #pouvoirs #publics.


    Plan du "quartier-gare" de Shinjuku selon N. Aveline

    Elle donnera également par la suite plus de précision quant aux réseaux ferroviaires privés, leur expansion et leur influence sur la #structure urbaine, ce qui semble pouvoir lui permettre, plus tard, d’aborder la question « statut du foncier dans l’économie #japonaise » et ainsi des rénovations et du #morcellement et de l’aspect #juridique des #parcelles #cadastrales.


    Rénovation urbaine dans le quartier d’affaires de Shinjuku-ouest (1989) - UDC (ex-HUDC / Housing and Urban Development Corporation)

    Elle en déduit de la valeur accordée au #sol et non aux constructions, ce qui lui permet d’expliquer le phénomène de la plasticité du bâtit.


    Autel shinto (inari jinja) inséré entre les immeubles du quartier de Yûrakuchô, dans l’hypercentre de Tôkyô - N. Aveline, 2002 / 2003

    Ainsi, elle évoque enfin les nouvelles #difficultés en #ville avec « l’arrêt de la hausse quasi-interrompue des prix fonciers depuis 1955 et mis un terme à la #croissance exceptionnelle qui soutenait l’économie ». Ce qui lui permet d’évoquer la nouvelle politique de #revitalisation des villes avec le "#renouvellement urbain" (toshi saisei) […] des "#périmètres #spéciaux d’#intervention d’#urgence" […] (Tôkyô, Osaka et Nagoya) », de manière à stabiliser les #prix pour la #spéculation ; le choix de #développer le #commerce et la #restauration et l’utilisation des « #friches #ferroviaires et #industrielles. »

  • Quand on cherche les traces de la #Résistance dans des #récits oubliés ou peu connus, on rencontre des visions de la Résistance éloignées des clichés. Ils sont le hors-champ de nombreux livres d’#histoire.

    http://sms.hypotheses.org/10339

    #résistance, #histoire, #seconde_guerre_mondiale, #guerre, #France, #lieu_commun, #imaginaire, #légende, #fait, #témoin, #témoignage, #récit, #stéréotype, #solidarité