• Suspension du plan #Écophyto : « On ne s’attendait pas à un tel recul » | #Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/090224/suspension-du-plan-ecophyto-ne-s-attendait-pas-un-tel-recul?userid=ef6c592

    Le souci est-il généralisé ?

    On en vient à se demander s’il y a des endroits sur Terre qui ne sont pas contaminés. J’ai comparé des sols cultivés avec des sols de prairies. Ce sont des prairies qui le sont depuis toujours de mémoire d’agriculteur, donc sans beaucoup d’activité agricole, et dans lesquelles on retrouve tout de même des résidus de produits phytosanitaires.

    On entend beaucoup parler de l’impact des pesticides sur la santé humaine. Mais quel est-il sur la biodiversité ?

    On sait que ces produits sont toxiques quand on les applique sur des organismes ou qu’on donne à manger des produits contaminés à des organismes en laboratoire. Sur le terrain, c’est plus compliqué. Je n’ai jamais observé d’impact létal direct sur les espèces. Mais ce sont des impacts dits sublétaux, plus insidieux.

    Par exemple, dans un travail récent, j’ai étudié deux populations de vers de terre de la même espèce et de la même lignée génétique. En comparant une population qui a été dans des sols gérés en agriculture biologique et l’autre en conventionnel, durant plus de vingt ans.

    On se rend compte que l’expression de leur génome s’est différenciée. En imageant, on peut expliquer que le système métabolique des espèces exposées aux produits phytosanitaires est en surchauffe. Cela laisse entendre que le ver de terre dépense beaucoup d’énergie à faire face, à se décontaminer.

    Concernant les oiseaux dont le régime alimentaire est principalement composé de graines, il y a aussi un déclin, car ils mangent des graines de semences qui sont enrobées de néonicotinoïdes. On sait que cela agit. Mais ce qu’on ne peut pas déterminer, c’est quelle proportion exacte de la baisse du nombre d’oiseaux est directement liée aux produits, puisque d’autres causes entrent en jeu, comme la destruction d’habitats, le manque de haies.

    Mais on découvre encore énormément de conséquences de l’usage des #phytosanitaires

    On cumule quand même pas mal de données sur les concentrations qui existent dans le milieu naturel. Il y a beaucoup de réseaux d’analyses dédiés à l’eau par exemple. En revanche, pour ce qui est des sols, c’est un peu plus récent. Pour moi, cette étude des sols a été délaissée parce qu’on considérait peut-être comme normal de trouver des pesticides, parce que c’était le réceptacle normal des produits en question.

    Maintenant qu’on y prête attention, on a des surprises. Au niveau européen, il y a une étude très récente qui indique que trois quarts des sols sont pollués et contiennent des #pesticides. Et ce n’est pas pollué qu’avec une molécule, c’est un cocktail de #molécules

    Est-ce possible de prévenir les conséquences phytosanitaires sur la biodiversité autrement qu’en réduisant leur usage global ?

    Depuis des années, l’idée est de tendre vers des molécules moins toxiques. Mais cela rend le travail encore plus complexe. Avant, à la sortie de la guerre, les molécules étaient tellement toxiques qu’on voyait des organismes qui pouvaient mourir par intoxication directe. Maintenant, c’est une atteinte à bas bruit qui touche aussi la dynamique des populations. Chez le ver de terre, par exemple, un modèle que je connais bien, cela favorise un retard de croissance, qui implique un retard dans la maturité sexuelle. 

    Par extension, sur une vie de ver de terre, il va moins se reproduire qu’en temps normal. Il y a un déclin des populations parce qu’il y a des effets qui entravent la reproduction de l’espèce.

    On trouve des traces de contamination dans la terre, dans les plantes, dans l’eau, mais aussi dans l’air ?

    Quand l’agriculteur pulvérise son champ, on estime qu’il n’y a que 25 % du produit qui atteint directement la plante. Une partie pénètre dans le sol et atteint la biodiversité et l’eau, et puis le reste part avec le vent. Cette dispersion par le vent est d’ailleurs une des pistes qui expliquerait que l’on retrouve des traces de ces produits y compris dans des parcelles qui n’ont jamais été pulvérisées.

    Puisque beaucoup de travail reste à faire, quelles sont les questions encore en suspens dans l’analyse des produits phytosanitaires ?

    C’est vraiment d’évaluer la #toxicité réelle, en conditions réelles et sur le long terme. C’est le point critique, d’aller vers ce que l’on ne voit pas. On s’intéresse toujours à ce qu’on voit, mais ce qu’on ne voit pas, ce sont les effets sublétaux. Parce qu’en fait, on ne peut pas se contenter de tests. Tout est basé sur des tests qui n’ont aucune réalité et aucune pertinence écologique. 

    Le problème, c’est que maintenant, on veut tout, tout de suite, et on veut le résultat alors que l’expérimentation n’a pas commencé. On fait du court terme. Il nous faut davantage de données sur les conséquences à long terme des produits phytosanitaires sur la biodiversité. Par exemple sur les effets multigénérationnels de ces produits sur les organismes. On doit pouvoir étudier ces effets sur au moins trois générations pour être complets.

    #plan_ecophyto

    • Comme dit #linguisticae :

      Si on vient de baisser les normes phytosanitaires à celles de la Bulgarie. Qu’est ce qui nous empêche d’acheter bulgare ?

      Je trouve ca tellement juste.

      Leurs demandes portaient maladroitement (merci FNSEA) sur les salaires et sur les normes environnementales. Ils ont obtenu le point environnement. Mais ca les met d’autant plus en concurrence avec leurs concurrents, de ce fait. Tout perdu, meme pour eux.