#logistique

  • Témoignages nomades du Premier Mai confiné à #Genève

    Entre #abus et #impunité, les travailleuses invisibilisées, les travailleurs éconduits ou brisés ou l’inverse. Le prolétariat souffre pendant que le patronat ripaille. Jusqu’à quand !

    #Hôtellerie, #logistique, #chauffeurs, #métiers_de_la_santé. Et la #Diplomatie. Celle qui dissimulée derrière des hauts murs, vit d’opulence et d’#exploitation sans vergogne.

    https://www.youtube.com/watch?v=vB1GBWRjb2k&feature=emb_logo


    #audio #podcast #travail #économie_domestique #sans-papiers #statut_diplomatique #organisations_internationales #exploitation #justice_sociale #salaire

    ping @thomas_lacroix

  • DÉLIBÉRÉ @AmazonFrance - SUD commerce
    https://twitter.com/sudcommerces/status/1250037872037675008

    le juge ordonne de limiter, dans les 24 h et sous astreinte de 1 million par jour de retard, l’activité aux marchandises essentielles dans la période dans l’attente d’une évaluation des risques épidémiques en y associant les représentants du personnel !

    #travail #Amazon #syndicalisme #refus_du_travail (de fait) #logistique #commerce

    • Amazon condamné à ne plus livrer que les produits alimentaires, médicaux et d’hygiène
      http://www.leparisien.fr/economie/amazon-condamne-a-ne-plus-livrer-que-les-produits-alimentaires-medicaux-e

      Le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine) n’a pas ordonné ce mardi la fermeture totale des entrepôts français du géant américain mais le contraint à restreindre son activité pendant l’épidémie de coronavirus.

      La justice avait été saisie par un syndicat qui craignait que les salariés ne puissent être en sécurité face au coronavirus.

      Camouflet pour le géant Amazon en France. Le tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), dont dépend son siège français de Clichy-la-Garenne, vient ce mardi de lui ordonner, dans les 24 heures, de « restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, sous astreinte, d’un million d’euros par jour de retard et par infraction constatée » .

      La décision s’applique dans l’attente de « l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L 4121-1 du Code du travail » et pendant « une durée maximum d’un mois » qui pourra, si besoin, être allongée par un nouveau jugement.

      Le tribunal de Nanterre avait été saisi en référé, mercredi 8 avril, par le syndicat Sud Solidaires qui réclamait à titre principal la fermeture des six #entrepôts français du géant du e-commerce sous astreinte d’un million d’euros par jour. A défaut, Solidaires demandait qu’Amazon Logistique France soit au moins contraint de réduire son activité aux 10 % de marchandises « essentielles » et par conséquent de diminuer d’autant le nombre de salariés présents sur les sites français. C’est à cette deuxième option que le tribunal vient de faire droit.

      L’audience, initialement programmée jeudi, s’est finalement tenue, en présence des parties, pendant deux heures vendredi 10 avril et la décision avait été mise en délibéré jusqu’à ce mardi.

      Malaise grandissant dans les entrepôts

      « C’est une bombe sanitaire et sociale qui est en train d’exploser et qui concerne plus de 10 000 travailleurs directs mais aussi une armée d’#intérimaires et de #livreurs », pointait le syndicat dans son communiqué du 8 avril. Le syndicat reproche à Amazon de ne pas protéger ses salariés correctement contre le Covid-19 et de poursuivre son activité « comme si de rien n’était, en dépit de la mobilisation du personnel, des mises en demeure des syndicats, de l’inspection et de la médecine du travail, mais aussi des critiques des ministres de l’économie et du travail ».

      La semaine dernière, cinq entrepôts du géant américain, sur les six qu’il compte en France, avaient été épinglés par le ministère du Travail pour la mauvaise protection de leurs salariés. Trois des six mises en demeure ont depuis été levées. Et depuis plusieurs semaines, le malaise ne cesse de croître dans les entrepôts Amazon. #Arrêts_maladie, droits de retrait, arrêt pour garde d’enfants, jours de grève… l’absentéisme atteint des taux records. « Entre 40 et 60 % » , selon les sites et les syndicats.

      Officiellement, un seul employé est actuellement hospitalisé en réanimation à cause du Covid-19, mais les syndicats soupçonnent des dizaines de malades non comptabilisés.

      #droit_de_retrait #arrêt_pour_garde_d'enfant #grève #absentéisme

    • Coronavirus : la justice confirme en appel le rappel à l’ordre d’Amazon
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/24/coronavirus-la-justice-confirme-en-appel-le-rappel-a-l-ordre-d-amazon_603767

      La cour d’appel de Versailles a confirmé, tout en l’adoucissant un peu, la décision qui avait ordonné à Amazon de mieux protéger ses salariés du coronavirus et de restreindre d’ici là ses activités à des produits jugés essentiels.

      Vendredi 24 avril, la cour d’appel de Versailles a confirmé, tout en l’adoucissant un peu, la décision qui avait ordonné, le 14 avril, à Amazon de mieux protéger ses salariés du coronavirus et de restreindre d’ici là ses activités à certaines catégories de produits jugés essentiels. Elle demande à nouveau à l’entreprise de « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 ».

      La cour d’appel élargit et précise les catégories de produits autorisées à la vente, en se référant au catalogue de la plate-forme : « high-tech », « informatique », « bureau », « tout pour les animaux », « santé et soins du corps », « homme », « nutrition », « parapharmacie », « épicerie », « boissons » et « entretien » . Le tribunal judiciaire de Nanterre avait restreint l’activité aux produits « alimentaires, médicaux et d’hygiène » .

      Elle donne à l’entreprise quarante-huit heures pour se conformer et la menace ensuite d’une astreinte par infraction de 100 000 euros par jour, moins importante que le million d’euros prononcé en première instance. La procédure associait les principaux syndicats d’Amazon, SUD-Solidaires, la CGT, la CFDT et FO, ainsi que le comité social économique central et celui du site de Montélimar.

      En réaction, Amazon France a déclaré :
      « Nous avons pris connaissance de l’issue de notre appel et nous allons évaluer dans les meilleurs délais les conséquences de cette décision pour notre activité. »
      (...)

  • COVID-19 Strike Wave Interactive Map – Payday Report
    https://paydayreport.com/covid-19-strike-wave-interactive-map

    Payday Report has launched an interactive strike tracking map so that workers can follow the wave of strikes hitting the country. Each point contains a link to more information on the strikes occurring.

    So far, we’ve identified over 45 wildcat strikes that happened in the last month alone. (Several larger strikes like at Instacart and Whole Foods happened in multiple cities).

    We suspect many strikes aren’t reporting at all for a variety of reasons and that the numbers are higher than we can track.

    The map will be updated regularly. Send updates on new strikes to melk@paydayreport.com

    In some places, workers are simply calling out sick en mass and refusing to show up so bosses shut dow their plants. 

    Many areas have no reporters with connections to the labor movement so many strikes are going completely uncovered. 

    In other places, workers have protested for an hour or two before bosses have agreed to workers’ demands. 

    Also, some union leaders are hesitant to get the media involved out of fear of retalation

    So, we need to keep sending tips to Payday for our strike at melk@paydayreport.com 

    Donate to Help Cover Labor’s Fight Back Against COVID-19

    #logistique #grève #travail #luttes_sociales

    • Si nous n’avons pas de stocks de masques aujourd’hui c’est parce que la solution magique inventée par le capitalisme pour se goberger de dividendes, c’est le déstockage. La logique de la globalisation repose sur une logistique du « zéro stock ». À l’origine, il y a cette théorie des « cinq zéros » : une invention de Toyota pour organiser le travail dans les années 60. Son credo : « Zéro panne », « zéro délai », « zéro papier », « zéro stock » et « zéro défaut ». Le dogme du « zéro stock » issu du monde de la production industrielle s’est répandu comme une infection virale sur toute la planète pour imposer le passage d’une logique de stock à une logique de flux. En France, ce virus 5.0 a lentement inoculé pendant plus d’une dizaine d’années dans le système de santé. Passé cette période d’incubation, il s’est répandu comme une épidémie de choléra pour fabriquer la pandémie actuelle.

      LE ZARAVIRUS

      Il faut entrer dans une boutique Zara pour comprendre la religion du déstockage. Ici vous avez le choix entre quelques modèles de robes toutes à peu près semblables, pareilles à des uniformes. Zara c’est l’empire du « zéro stock ». On ne propose aux clients que très peu de produits différents dans un même magasin, sinon le stock s’accumule ; et le problème, c’est que le stock coûte très cher. Ainsi, dans ces magasins, le choix du consommateur est-il très limité : il n’y a que très peu de modèles différents dans les rayons. Ce genre d’entreprise ne se fatigue pas non plus pour diversifier le look des vêtements qu’il vend d’un continent à l’autre. C’est d’autre chose qu’il s’agit ici : le véritable enjeu, c’est le déstockage.

      Des liens entre phénomènes un peu viteuf. Tant qu’à citer Bataille (...) j’aurais préféré que « la part maudite » soit évitée au profit de la notion d#économie_générale (une économie déséconomisée, en quelque sorte).

      #biologistique #logistique #forclusion

  • « S’ils veulent mourir ça les regarde, mais qu’ils n’embarquent pas tout le monde avec eux »
    https://acta.zone/sils-veulent-mourir-ca-les-regarde-mais-quils-nembarquent-pas-tout-le-monde-a

    En tant qu’infrastructure fondamentale du capitalisme avancé, la logistique occupe un rôle central dans la crise sanitaire en cours. Dans les entrepôts, s’opposent des directions qui veulent produire à tout prix et des ouvriers qui se battent pour préserver leur santé, celle de leurs familles et la nôtre. Dans la plateforme du groupe Geodis à Gennevilliers, cette bataille soulève des enjeux de vie et de mort. Comme le raconte Nouman1, ouvrier et syndicaliste CGT, c’est dans un rapport renouvelé par la gravité du contexte que s’obtient la préservation des corps. Source : Acta

    • Dans les entrepôts, ces contradictions qui ressurgissent actuellement s’expriment de façon très nette : entre des directions qui veulent produire à tout prix et des ouvriers qui se battent pour préserver leur santé, celle de leurs familles et la nôtre. Dans la plateforme du groupe Geodis à Gennevilliers, cette bataille soulève des enjeux de vie et de mort. Comme le raconte Nouman1, ouvrier et syndicaliste CGT, c’est dans un rapport renouvelé par la gravité du contexte que s’obtient la préservation des corps.

      En ce moment l’entrepôt continue de tourner : comment ça se passe le travail en période de crise sanitaire ? Il y a des mesures mises en place pour vous protéger ? Vous avez déjà eu des cas de Covid-19 ?

      Jusqu’au 17 mars à 23H30, la direction n’a rien fait, mais absolument rien. Enfin si, ils ont juste proposé un point de distribution de gel hydroalcoolique. Mais un seul…pour 300 personnes ! Au bout de 3 heures il n’y avait plus de gel et rien n’était prévu pour réapprovisionner. Ce qui montre bien deux choses : d’abord que les gens étaient inquiets, les salariés ont vite pris les choses au sérieux ; et en parallèle ça montre qu’au contraire la direction n’est pas du tout à la hauteur, ils ne calculent rien, ou alors trop tard.

      Le trop tard a donc eu lieu le 17 mars à 23H30. Un cariste a fait plusieurs malaises respiratoires dans l’entrepôt, sur le quai. Il n’arrêtait pas de tousser et avait du mal à respirer. Il a vomi plusieurs fois. C’était super flippant. On a appelé les urgences et le Samu est venu le chercher immédiatement. À l’hôpital il a été testé positif au Covid-19 et il est resté une semaine, en mauvais état. Maintenant ça va mieux, mais franchement on a cru qu’il allait crever. Le gars il a 6 enfants à la maison2.

      Immédiatement après le malaise, avec les élus CGT on a prévenu tout le monde dans l’entrepôt mais aussi au-delà. On a envoyé des courriers à la direction régionale et nationale, au PDG, avec copies à la CARSAT et à l’Inspection du Travail. Pour les forcer à réagir.
      Le lendemain, la direction a enfin renouvelé le stock de gel. Ils n’avaient pas vraiment le choix, vu que tout le monde était super flippé. Mais ce n’est pas suffisant, un point de gel pour tout le monde. Déjà il faudrait des flacons pour chaque personne, pour que chacun puisse se protéger et protéger les autres en mêmes temps. Mais il faudrait aussi des gants pour tout le monde. Et surtout, il faudrait désinfecter toutes les zones de contacts et dans un entrepôt il y en énormément : tous les scanners qu’on utilise, les douchettes, tous les engins de manutention, c’est des outils qui passent sans arrêt d’une main à l’autre.

      Mais c’était sûr que ça allait arriver. On est nombreux dans l’entrepôt et il y a plein de points de contacts avec l’extérieur. Il y a de grandes chances que le gars ait chopé le virus sur le site, avec les camions qui viennent de partout. On a des chauffeurs qui viennent tous les jours de l’Oise où il y avait pas mal de cas, mais aussi du Nord, ou de plein d’autres pays d’Europe. Et même après la fermeture des frontières avec l’Italie, les circuits logistiques ont continué de tourner. Les boites faisaient passer les camions par le Luxembourg ou la Suisse. Alors qu’on sait que le virus peut rester plusieurs jours sur une surface, les colis continuaient de sortir des camions et dans les entrepôts personne n’était protégé.

      Dans de nombreux cas on voit que les syndicalistes de base ont réagi bien avant les directions d’entreprises. C’était le cas chez vous aussi ? À partir de quand vous avez commencé à sentir le risque ?

      Dès le 11 mars on a eu des suspicions de cas dans l’entrepôt, mais c’était mis sous le tapis. Il y a deux ouvriers qui ont été renvoyé chez eux, un salarié et un intérimaire, avec des signaux assez clairs, la toux et des poussées de fièvre. Mais la direction n’a rien communiqué là-dessous. Ils ne voulaient surtout pas risquer des droits de retrait ou la fermeture du site. Nous on a eu l’information directement par les personnes malades.

      #ouvrier #logistique #Géodis #crise_sanitaire #travail #économie #premiers_de_corvée #travailleurs_exposés #droit_de_retrait #syndicalisme

    • Question (de) classe
      https://www.lantivol.com/2023/02/les-breves-du-satirique-fevrier-2023.html

      Sur Cnews, au cours de l’émission «  La Parole aux Français   » du 7 février 2023, un encravaté du plateau s’adresse à un cariste en duplex depuis Saint-Omer : «  Je ne veux pas du tout contester ce que vous nous dites… mais en quoi conduire un chariot élévateur c’est un métier dur ?   ».

      #travail #retraites

    • La nouvelle a été officialisée mardi 24 mars. Selon les syndicats, la directrice, craignant la #contagion, n’aurait pas voulu augmenter le nombre d’#intérimaires, comme le groupe le lui demandait.
      Le #coronavirus a des effets inattendus. Deux cadres d’Amazon ont démissionné en fin de semaine dernière ou début de celle-ci : le directeur Europe, Roy Perticucci, et la directrice du site de Saran, Ana Fernandes, arrivée voilà environ un an. Celle-ci qui, selon la direction, est partie pour des « raisons personnelles et familiales », sera remplacée par Raphael Delrue, qui était auparavant au centre de distribution d’Amazon à Montélimar.

      Selon Jean-François Bérot, de Solidaires Loiret, Ana Fernandes aurait refusé d’intégrer les intérimaires supplémentaires, contrairement à ce que souhaitait le groupe américain, confronté à un afflux de commandes, conséquence du confinement.

      Un refus qui aurait été motivé par la peur de voir les risques de propagation du virus s’accroître et la crainte, peut-être, de voir sa responsabilité pénale engagée en cas de maladie. Les intérimaires supplémentaires n’auraient d’ailleurs pas encore été intégrés, à la date du 24 mars au matin. « Elle est partie s’occuper de sa famille au Portugal », croit savoir le syndicaliste.

      Les #syndicats avaient appelé à un #débrayage, mercredi 17 mars, contre, notamment, l’augmentation des effectifs. Ils ont déposé un dossier de danger grave et imminent, demandant la fermeture du site. Et, selon Jean-François Bérot, près de la moitié des salariés seraient absents, ce 24 mars, pour une raison ou une autre.

      Des mesures de sécurité « encore insuffisantes »
      Les salariés mécontents dénoncent la promiscuité importante des salariés (1.700 CDI et plusieurs centaines d’intérimaires), le fait que beaucoup soient obligés d’emprunter les transports en commun, le manque de gants et de gel...

      Selon Jean-François Bérot, des mesures se mettent petit à petit en place : marquage au sol pour respecter des écarts de deux mètres, distribution de gants dans certains services et de gel dans les escaliers, échelonnement des arrivées... « Ce n’est pas si mal à Saran, par rapport à d’autres sites, mais ce qui m’ennuie, ce sont les transports en commun. On attend aussi le contrôle de température et l’aménagement des vestiaires ».

      Amazon a, de plus, recentré ses activités sur les commandes de produits de première nécessité (produits d’entretien, d’hygiène, petite épicerie de produits secs, mais aussi bureautique, jeux...). « Une opération de communication », selon Julien Vincent, délégué central CFDT. « L’alimentaire représente une part infime du stock. En fait, rien n’a changé... »

      Source syndicale.

      Cas de #Covid_19 confirmé sur le site d’Amazon à Saran. La personne contrôlée positive faisait partie de l’équipe qui accueillait les camions et aurait été en contact avec 32 autres personnes selon les comptes de la direction du site.

      #travail #logistique #Amazon

  • Lettre d’Italie au temps du #Coronavirus

    La propagation du coronavirus est un scénario jamais vu auparavant. Bien que certains gouvernements continuent de sous-estimer la gravité de la menace (les États-Unis en particulier), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a maintenant officiellement déclaré la COVID-19 comme une pandémie, et de plus en plus de gouvernements commencent à prendre conscience de l’ampleur de la menace.

    L’Italie est aujourd’hui le deuxième pays le plus touché après la Chine, avec plus de 17 000 cas confirmés et plus de 1 200 décès, et ce chiffre ne cesse d’augmenter. L’Italie peut donc être considérée comme un scénario de test pour déterminer comment le virus pourrait affecter d’autres États du Nord. La situation évolue très rapidement, créant beaucoup de confusion, mais nous avons pensé qu’il serait utile de partager quelques brèves réflexions sur certains aspects de cette crise : l’attitude de l’État face à la propagation du virus ; les mesures gouvernementales ; les luttes sociales qui en découlent ; la manière dont nous nous organisons dans ces circonstances.

    Le COVID-19 est un nouveau virus et les experts ont mis du temps à se mettre d’accord sur la manière de l’affronter. Cette confusion, associée à la rapidité et à la facilité avec lesquelles des informations non vérifiées peuvent être diffusées dans le monde d’aujourd’hui, a fait que les conseils et analyses variés et souvent contradictoires ont abondé. Jusqu’à il y a une semaine, certaines personnalités, y compris des politiciens, la définissaient comme une mauvaise grippe ne touchant que les personnes âgées ayant des problèmes médicaux préexistants. Cependant, la gravité du COVID-19 est maintenant devenue évidente pour tout le monde en Italie. Et il a mis à genoux le système national de santé italien. Cela s’explique par trois raisons principales : le virus se propage efficacement et rapidement ; lorsque les gens tombent gravement malades, ils ont besoin de semaines de soins intensifs ; les coupes et les mesures d’austérité des gouvernements successifs ont érodé l’efficacité d’un système de santé publique qui sinon aurait pu bien mieux s’en sortir. Bien que les soins de santé dans certaines régions du Nord soient, à bien des égards, parmi les meilleurs selon les normes européennes, le fait que le système soit géré au niveau régional signifie qu’il existe d’énormes disparités internes. Jusqu’à présent, il a été reconnu que le seul outil efficace pour contenir la contagion est de limiter les contacts entre les personnes. C’est pourquoi les pays touchés ont décidé de verrouiller certaines zones ou, dans le cas de l’Italie, l’ensemble du pays.

    Les différentes réactions au virus dans les différents États du monde reflèteront l’équilibre des forces sociales dans ce pays. Dans le cas de l’Italie, le gouvernement a pris des mesures drastiques, bien qu’il aurait pu faire beaucoup plus et plus tôt, et bien qu’il faille faire encore davantage. Il a notamment cherché à équilibrer la contradiction entre la menace croissante pour la santé publique et les intérêts du capital, ce qui a donné lieu à une réponse confuse, donnant trop souvent la priorité à la seconde et mettant les personnes en danger.

    L’approche de l’Italie face à la crise

    Le 4 mars, l’Italie a déclaré une fermeture dans les zones du nord les plus touchées, interdisant tout déplacement inutile. Les détails du décret ont été divulgués à la presse avant que le gouvernement n’ait pu faire l’annonce officielle, ce qui a provoqué l’afflux de centaines de personnes dans les gares, qui espéraient prendre un train pour se rendre en dehors des zones rouges. De nombreuses personnes ont voyagé à travers le pays cette nuit-là, atténuant l’effet des mesures de sécurité puisqu’ils emmenaient potentiellement le virus dans de nouvelles régions.

    Le 9 mars, ce décret a ensuite été étendu à l’ensemble du pays. Tous les rassemblements publics ont été interdits, les bars sont obligés de fermer à 18 heures, tous les voyages non essentiels sont interdits et toute personne voyageant doit avoir avec elle un formulaire détaillant les raisons de son déplacement. La fermeture des écoles et des universités a été prolongée jusqu’au 3 avril.

    Dans la soirée du 11 mars, le gouvernement a annoncé la fermeture de tous les commerces non essentiels. Les magasins d’alimentation, les pharmacies, les bureaux de poste, les marchands de journaux, les stations d’essence restent ouverts. Cependant, en réponse à la pression de la Confindustria (l’union des employeurs italiens), de nombreuses activités productives ne sont pas incluses dans ce nouveau décret. Cela signifie que les ouvrier.e.s d’usines, les travailleurs.ses des centres d’appel, les travailleurs.ses du secteur de la logistique sont toujours obligé.e.s de se rendre au travail.

    Ce dernier décret a créé une situation où les gens sont interdits de se rassembler ou de se promener dans les espaces publics (sauf en cas de nécessité) et sont obligé.e.s de rester chez eux.elles, alors qu’une partie importante des travailleuses.eurs est encore entassée dans des usines produisant des biens non essentiels ou offrant des services non essentiels.

    De nombreux rapports ont fait état de conditions de travail dangereuses dans les entrepôts et les usines. Le 9 mars, les travailleurs.euses de l’usine FIAT de Pomigliano, dans le sud de l’Italie, ont fait une grève sauvage pour protester contre le manque de mesures de sécurité. Les travailleurs.euses de la logistique d’un hub de Bartolini à Caorso dans le Nord, et d’un entrepôt de TNT à Caserta ont fait de même. Au moment de la rédaction du présent rapport, des rapports de grève arrivent toutes les heures, touchant les principaux sites de production du pays (pour plus de détails, voir en italien : https://poterealpopolo.org/coronavirus-sciopero-ovunque). Le plus grand syndicat de base USB a appelé à une grève de 32 heures de tous les secteurs non essentiels, et les principales centrales syndicales doivent rencontrer le premier ministre.

    Les prisons italiennes sont un autre point de mire. Le système pénitentiaire italien est depuis longtemps en crise. Des installations obsolètes et un grave surpeuplement font que les prisons italiennes sont en violation perpétuelle des réglementations en vigueur. Dans ces conditions, les restrictions imposées par le gouvernement (interdiction de visites, limitation des appels aux familles et des permis de travail jusqu’au 31 mai, entre autres) ont déclenché des révoltes dans les prisons de tout le pays. Treize personnes sont mortes au cours de ces révoltes dans des circonstances qui ne sont toujours pas claires. Il semblerait qu’un gardien ait été testé positif à Vicence, et les familles témoignent de la crainte des détenu.e.s qui ont un accès limité à l’information et aux conseils. S’il est vrai qu’« On peut juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ses prisons » (Dostoïevski), l’Italie ne se porte pas bien.

    Le gouvernement doit maintenant annoncer un ensemble de mesures économiques. Il paraitrait que ces mesures pourraient inclure des interruptions de remboursement de prêts ou des factures des services de première nécessité ainsi et des extensions des indemnités de chômage, mais il reste à voir si une aide sera apportée aux travailleurs.ses indépendant.e.s, aux travailleuses.rs ayant un contrat « zéro heures » ou qui travaillent au noir. Le gouvernement a débloqué 25 milliards d’euros pour des mesures extraordinaires en réponse au coronavirus, mais avec l’économie italienne au bord de l’effondrement, il est difficile d’imaginer qu’une telle somme puisse faire une vraie différence. L’UE avait montré quelques signes de flexibilité dans son approche, mais le 12 mars, la BCE a renoncé à apporter davantage de soutien, faisant s’envoler les taux d’intérêts et le « spread ». L’économie mondiale se dirige vers une récession majeure, et l’Italie sera plus durement touchée que la plupart des autres pays.

    Coronavirus et entre-aide, que pouvons-nous faire pour nous soutenir mutuellement ?

    Lorsque la crise frappe une société inégalitaire, ce sont toujours les personnes vulnérables qui souffrent le plus : les personnes âgées, les travailleuses.rs, les migrant.e.s, les femmes, les personnes souffrant de maladies préexistantes. En tant qu’activistes de Potere al Popolo, nous essayons de trouver des moyens de briser l’isolement et d’établir des relations de soutien mutuel et de solidarité entre les communautés.

    Dans de nombreuses villes, nous avons mis en place un système d’aide mutuelle pour les personnes ayant besoin de soutien pour les tâches quotidiennes, comme faire les courses pour les produits de première nécessité (dans le respect stricte des conditions de sécurité).

    Nous avons également créé une ligne téléphonique nationale pour fournir des conseils juridiques aux travailleurs.ses touché.e.s par la crise. Cette ligne a été mise en service il y a quelques jours seulement, mais nous avons déjà reçu plus de 70 appels de travailleuses.rs qui sont contraint.e.s de travailler dans des conditions dangereuses, qui ont été licencié.e.s ou qui travaillent au noir et qui, à ce titre, risquent d’être exclu.e.s des plans de soutien du gouvernement en cas de crise. Avec les informations recueillies lors de ces appels, nous sommes en mesure, en tant qu’organisation, de planifier les mesures à prendre et de formuler des demandes aux employeurs.ses et au gouvernement. Tous les appels à la ligne d’assistance sont d’abord pris par un petit groupe de professionnel.le.s juridiques bénévoles, puis les coordonnées des appelants sont transmises aux bénévoles dans leur localité pour un soutien suivi.

    Jusqu’à présent, nous avons identifié trois domaines clés d’intervention. Le premier est le secteur de la logistique. Nous avons été en contact avec des magasiniers d’Amazon qui nous ont dit qu’ils.elles travaillent plus que d’habitude en raison de l’augmentation de la demande (les gens commandent à domicile plutôt que d’aller dans les magasins) et dans des conditions qui ne respectent pas les mesures de sécurité prescrites. Le second est celui des centres d’appel. Les entreprises qui gèrent des centres d’appel ont été réticentes à autoriser les travailleurs.ses à travailler à domicile en raison de l’augmentation des coûts liés à l’acquisition de la technologie nécessaire, de sorte que les travailleuses.rs continuent à travailler dans des bureaux exigus. Dans les deux cas, nous avons demandé à des avocats d’envoyer un avertissement formel aux employeurs en question pour exiger que des mesures de sécurité soient mises en œuvre et que tous les travailleurs.ses soient exempté.e.s d’heures supplémentaires.

    Le troisième est celui des garanties pour les travailleurs.ses saisonniers. Ces travailleuses.rs sont très nombreux.ses en Italie, notamment dans l’agriculture et le tourisme, mais aussi dans les usines. Le travail saisonnier est une forme de travail précaire car l’employeur.se n’est pas obligé.e d’embaucher les mêmes travailleurs.ses chaque année. Toutefois, les travailleuses.rs saisonniers ont accès aux allocations de chômage (les allocations de chômage ne sont pas universellement accessibles en Italie). Nous avons écrit au gouvernement et au département de la sécurité sociale pour demander que les travailleurs.ses saisonniers qui ne seront pas réemployés cette année en raison de la crise se voient accorder des indemnités pour toute cette période de chômage prolongée.

    Au-delà de ces cas spécifiques, qui sont des exemples d’actions concrètes qui peuvent être prises, nous demandons au gouvernement de garantir les salaires de toutes les personnes concernées, y compris les indépendant.e.s, les personnes travaillant sans contrat légal, les travailleurs.ses du spectacle. Nous demandons que toute personne qui a perdu son emploi puisse bénéficier d’allocations de chômage, que toute personne incapable de payer ses factures, son loyer ou son hypothèque puisse bénéficier d’une amnistie.

    Nous demandons également que toutes les activités de production non nécessaires soient arrêtées (avec des travailleurs.es en congé payé).

    Enfin, nous exigeons que l’État investisse massivement dans les services de santé, recrute davantage de travailleuses.rs de la santé sur des contrats à durée indéterminée et place la production de médicaments et d’équipements de santé sous contrôle public. Nous demandons au gouvernement de renoncer à l’austérité et de lever le pacte fiscal de l’UE. L’Italie est actuellement confrontée à une grave crise économique. Seul un changement complet de paradigme, avec des investissements publics énormes dans l’économie, les services publics et la création d’emplois, nous sauvera des pires effets de cette catastrophe.

    Notre réponse à la crise a donc été triple : s’organiser au sein de nos communautés pour répondre aux besoins immédiats ; soutenir les luttes des travailleurs.ses sur le terrain (y compris par des conseils juridiques) ; formuler des demandes politiques plus larges à l’égard de l’État. Nous pensons que la seule façon de sortir de cette catastrophe est de renforcer notre capacité d’action collective et de coordination. Par conséquent, aux organisations progressistes qui observent de loin les événements en Italie, nous conseillons de commencer à s’organiser, d’élever des revendications pour protéger la santé et la sécurité de vos communautés.

    https://poterealpopolo.org/lettre-ditalie-au-temps-du-coronavirus
    #covid-19 #covid_19 #Italie #gravité #système_de_santé #santé_publique #austérité #distanciation_sociale #santé_publique #usines #entrepôts #conditions_de_travail #prisons #grève #économie #soutien_mutuel #solidarité #logistique #centres_d'appel #travailleurs_saisonniers #saisonniers #travail_saisonnier #salaires #compensation #chômage

  • «  C’est inhumain, l’aliénation maximum  »  : dans les entrepôts logistiques de la région lyonnaise | Mediacités
    https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2019/12/11/%E2%80%AFcest-inhumain-lalienation-maximum%E2%80%AF%E2%80%AF-dans-les-ent

    Commande vocale, concurrence entre salariés, tâches physiques et répétitives… Dans les hangars où transitent les marchandises de nos supermarchés et boutiques (dont nos futurs cadeaux de Noël) œuvre « le nouveau prolétariat ». Rencontre avec ces ouvriers invisibles, en lisière de métropole.

    Derrière paywall.
    #logistique #prolétariat #travail #Lyon #Amazon

  • 1.5 Million Packages a Day : The Internet Brings Chaos to N.Y. Streets - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2019/10/27/nyregion/nyc-amazon-delivery.html

    The push for convenience is having a stark impact on gridlock, roadway safety and pollution in New York City and urban areas around the world.

    As the delivery armada has ballooned, so, too, have the complaints.

    Four delivery companies — FedEx, FreshDirect, Peapod and UPS — accumulated just over 515,000 summonses for parking violations in 2018, totaling $27 million in fines, according to the city. In 2013, those same companies received roughly 372,000 summonses and paid $21.8 million.

    Images and videos of delivery trucks blocking bike lanes, sidewalks and crosswalks are easy to find on social media. In some neighborhoods, Amazon’s ubiquitous boxes are stacked and sorted on the sidewalk, sometimes on top of coverings spread out like picnic blankets.

    “They are using public space as their private warehouse,” said Christine Berthet, who lives in Midtown Manhattan. “That is not acceptable. That is not what the sidewalk is for.”

    The total number of trucks on tolled crossings into New York City and within the five boroughs rose about 9.4 percent in 2018, to an estimated 35.7 million, from 32.6 million in 2013, according to transit data.

    “There is just not enough room for all the trucks that need to make deliveries, the cars that need to get past them and the people who live here,” Mr. Kallos said.

    Trucks are also contributing to greenhouse gas emissions at a time when New York City is rushing to significantly reduce the release of heat-trapping gases.

    From 1990 to 2017, carbon dioxide emissions from automobiles and trucks in the New York City area grew by 27 percent, making the region the largest contributor of driving-related carbon dioxide emissions in the country.

    As the internet economy grows, so, too, does the importance of what is known as last-mile package delivery — the final step in the increasingly competitive and costly process of moving items to customers’ homes as quickly as possible.

    In New York, at least five warehouses, are in the works. Over the summer, Amazon opened a last-mile warehouse in the Bronx and another in Queens. It has also looked at leasing additional facilities for last-mile deliveries in Brooklyn.

    Another multistory warehouse, planned on 18 acres in Sunset Park, Brooklyn, is expected to be the country’s largest last-mile warehouse, Mr. Hertz said.

    Their warehouses in Red Hook, as well as a multistory warehouse to be built in the South Bronx, are going up in Opportunity Zones, which were created as part of the 2017 tax law and offer significant tax benefits to projects in economically distressed areas.

    The program has been criticized for giving tax breaks to wealthy people who invest in the zones, while not significantly helping struggling neighborhoods.

    Developers of these warehouses have pledged to create thousands of jobs and reduce the wave of delivery trucks entering New York City.

    These days, buildings have been forced to become mini logistical centers.

    At one Midtown Manhattan condominium, the first wave of about 100 packages a day arrives by 9 a.m. and the deliveries do not let up until night. Each one is checked in and placed in a storage room, and an email alert is sent to the resident. Another email confirms when the package is picked up.

    A large complex in Manhattan had to turn a nearby retail storefront into a satellite package center. Stickers are left on building mailboxes notifying residents of a package, but some residents complain that the stickers fall off or get pulled off and packages go missing.

    Other buildings without storage space resort to piling boxes in their lobbies.

    About 15 percent of New York City households receive a package every day, according to the Sustainable Urban Freight Systems center at Rensselaer. That means a complex with 800 apartments would get roughly 120 packages daily.

    “What percent of your deliveries are truly urgent — 5 percent or 2 percent?” said Mr. Holguín-Veras, the Rensselaer professor. “We as customers are driving the process and to some extent creating these complications.”

    Last year, a study comparing online shopping habits in Manhattan and Paris — two large metropolises grappling with the consequences of the e-commerce boom — found that New Yorkers out-ordered Parisians. Nearly three-quarters of the Manhattan residents surveyed had shopped for groceries online compared with just over half of Parisians.

    More New Yorkers were also willing to pay extra to get their items faster.

    “It’s now cheaper and easier to order anything online than it is to go to the store,” said Sarah Kaufman, associate director of the Rudin Center for Transportation Policy and Management at New York University, who worked on the study.

    C’est la faute aux consommateurs, on vous dit ! Ils ont inventé le truc, fait la pub, demandé des sub aux pouvoirs publics !

    New York has sought to shift more truck deliveries to nights and weekends, when streets are emptier. About 500 companies, including pharmacies and grocery stores, deliver goods from 7 p.m. to 6 a.m., under a voluntary city program.

    On s’en fout, de leur qualité de vie, c’est des ouvriers.

    “We’ve entered an entirely new way of buying goods and services, but our infrastructure is only adapting incrementally,” Ms. Kaufman said. “We need to completely rethink how we use our streets if we want to maintain our current shopping and delivery habits.”

    Et arrêter cette merde, non ?

    La logistique, c’est le gros secteur d’emploi masculin. Un copain cycliste m’a expliqué que 15 % du trafic en ville (si j’ai bonne mémoire) était dû désormais à des livraisons (un camion pour deux colis, beaucoup sont à vide parce que ce n’est pas optimisé mais just in time)... et que les gens qui se font livrer des trucs sur Amazon sont en grande partie des gentil·les cyclistes-usager·es des transports en commun de bonne volonté écologique !

    Liens vers
    https://truckingresearch.org/2019/02/06/atri-2019-truck-bottlenecks

    #matérialité_du_web #logistique

  • Chez #Chronopost, ces #sans-papiers que l’on ne veut pas voir

    Toutes les entreprises concernées par la #grève des travailleurs de la filiale de la #Poste à #Alfortville se renvoient la balle. Et refusent de traiter le dossier.

    Scoop : Libération a rencontré des gens qui n’existent pas. Début juillet, on relatait le combat des travailleurs sans papiers de Chronopost, qui ont installé le 11 juin un piquet de grève devant le site de la filiale de la Poste à Alfortville (#Val-de-Marne). Ces quelque trente Maliens, Sénégalais ou encore Guinéens chargés de la #logistique demandent depuis trois mois maintenant leur #régularisation, en dénonçant des #conditions_de_travail intenables - conditions contre lesquelles ils peuvent difficilement lutter, vu qu’ils risquent l’expulsion. Mais voilà : ces dernières semaines, les différentes entreprises concernées ont invariablement répondu à Libération, qui voulait savoir ce qu’elles allaient faire pour régler la situation, qu’elles ne connaissaient pas ces personnes. Une pyramide de #déresponsabilisation permise par un système de #sous-traitance en cascade. Reprenons.

    Au sommet de l’édifice, on trouve la #Poste, maison mère de Chronopost, qui sous-traite une partie de sa logistique à #Derichebourg sur son site d’Alfortville, lequel Derichebourg fait appel à une société d’#intérim pour trouver de la #main-d’œuvre. C’est d’abord vers la Poste que l’on se tourne tout naturellement, comme l’a fait en juillet le député PS du Val-de-Marne Luc Carvounas, qui a adressé un courrier au PDG de l’entreprise publique, Philippe Wahl. « Seriez-vous prêt, monsieur le président, à donner les instructions nécessaires afin de régler […] la situation professionnelle de ces travailleurs en leur délivrant enfin un véritable contrat de travail en bonne et due forme ? » demandait Carvounas. Réponse de Philippe Wahl : ces « travailleurs se présentant comme des sans-papiers » ne sont « aucunement des salariés Chronopost », et donc encore moins de la Poste.

    Le deuxième échelon, c’est donc Chronopost. Joint par Libération sur les bons conseils de la Poste, l’entreprise tient sans surprise le même discours : « Nous sommes sensibles à la situation des personnes qui manifestent actuellement devant notre site d’Alfortville. Ces personnes n’ont cependant jamais été employées par Chronopost. » Chronopost, qui « subit une situation dont elle n’est pas responsable » (dixit Philippe Wahl), renvoie donc vers l’entreprise Derichebourg, « qui se porte garante du respect de l’ensemble de ses obligations vis-à-vis de la législation. C’est elle qui recrute, encadre et gère au quotidien les salariés qu’elle emploie ».

    Fort bien, Libé se tourne donc vers Derichebourg. Réponse : « Nous n’avons aucun salarié gréviste. Nous n’avons également aucun salarié sans papiers, ni aucun intérimaire sans papiers. » Etonné, Libération relance : ces salariés rencontrés en juillet devant le siège de Chronopost sont-ils imaginaires ? « Je ne me permettrais pas de dire que ces salariés sans papiers sont imaginaires », rétorque la chargée de communication de Derichebourg, complétant : « Qu’il y ait une manifestation est un fait. Je vous réaffirme simplement que nous n’avons aucun salarié gréviste, aucun salarié sans papiers, ni aucun intérimaire sans papier. »

    Il ne reste alors qu’un acteur à interroger : la société #Groupe_Europa, qui gère l’agence Mission intérim de Corbeil-Essonnes - celle qui fournit la main-d’œuvre. Une femme - dont on ne connaîtra pas l’identité - décroche le téléphone et affirme, catégorique : « Ces gens n’ont jamais été employés par #Mission_intérim. » « Les victimes sont les entreprises », complète-t-elle, sans vouloir qu’on la cite tout en demandant que l’on reprenne ses propos, avant de conclure sur cette observation : « On ne peut pas accueillir les problèmes de tout le monde. »

    Par quel miracle ces quatre entreprises peuvent-elles chacune affirmer qu’elles n’ont rien à voir avec le schmilblick ? En fait, chacune joue sur les mots, et sur une réalité : du fait de leur situation, les sans-papiers doivent recourir à des alias pour travailler. C’est ainsi que la femme de Groupe Europa nous explique tranquillement : « Les journalistes parlent tout le temps de l’#exploitation par les employeurs, mais ce sont les gens qui s’exploitent entre eux. Ils se louent les papiers. » De son côté, elle l’assure : « Nous avons des personnes qui ont les papiers en règle. S’ils trafiquent les papiers entre eux, on ne le sait pas. »

    En réalité, tout le monde a au moins sa petite idée, puisque Philippe Wahl écrit dans sa réponse à Luc Carvounas que des travailleurs « ont ouvertement admis qu’ils pratiquaient l’#usurpation_d’identité pour tromper leur employeur afin de revendiquer leur présence effective au travail ». « La meilleure preuve qu’ils savent, c’est que les sous-traitants et intérimaires n’ont pas de #badge pour accéder au site, précisément parce qu’ils sont sans-papiers », répond Eddy Talbot, membre du bureau fédéral de SUD PTT. Pour lui, Chronopost devrait dire « on ne peut pas vous employer dans ces conditions ». Et rompre avec Derichebourg.

    En attendant, puisque les entreprises refusent de traiter le dossier, le collectif de sans-papiers échange essentiellement avec la préfecture du Val-de-Marne. Théoriquement, cette dernière peut aller au-delà des critères de la circulaire Valls (du nom d’un ancien ministre de l’Intérieur), qui fixe plusieurs conditions, notamment un certain nombre d’heures travaillées au cours des derniers mois, pour prétendre à une régularisation.

    Mais est-elle prête à le faire ? Au téléphone, la préfecture explique que pour se prononcer, elle attend que des dossiers soient déposés. Mais de leur côté, les grévistes demandent un traitement collectif. « Au cas par cas, on n’a pas de garantie que ça ne se terminera pas avec des #OQTF », des obligations de quitter le territoire français, relève Jean-Louis Marziani, de Solidaires 94. Fin septembre, une délégation a pu pour la première fois échanger avec le préfet en personne. « On nous a dit que les dossiers seraient examinés avec bienveillance », rapporte Eddy Talbot, comprenant par là que la #préfecture est prête à aller au-delà des critères Valls. « Mais on nous a aussi dit par avance que tous les dossiers ne seront pas acceptés », regrette-t-il.

    De son côté, la préfecture maintient sa position : impossible de s’engager sur quoi que ce soit tant que les dossiers individuels n’auront pas été déposés. Ni de s’engager publiquement à une certaine mansuétude pour ceux dont le dossier serait refusé, par exemple en les exemptant d’OQTF : « Le préfet est chargé d’appliquer la loi. »


    https://www.liberation.fr/france/2019/10/08/chez-chronopost-ces-sans-papiers-que-l-on-ne-veut-pas-voir_1756319
    #travail #France

  • Mafia nei mercati ortofrutticoli. Sud Pontino epicentro della filiera criminale

    Le mafie hanno da tempo deciso di insediarsi e condizionare non solo i processi produttivi agricoli del Paese ma anche quelli commerciali. Per questa ragione quando riescono a mettere le mani sui grandi mercati ortofrutticoli del Paese o sul sistema della logistica, finiscono col condizionare l’intera filiera agricola italiana e internazionale, trasformandola in un pericoloso collettore di interessi criminali.
    Si tratta di un avanzamento importante e pericoloso della strategia delle agromafie italiane che non deve essere sottovalutata e che è annualmente analizzato dal dossier Agromafie di Eurispes. Proprio nell’ultima edizione è presente un focus specifico sulle mafie dei mercati ortofrutticoli e della logistica che è, peraltro, in perfetta coerenza con quanto, ai primi di agosto, ha rilevato la Dia di Catania con riferimento alla consorteria criminale che ha legato insieme alcune delle famiglie mafiose e camorristiche più importanti e pericolose d’Italia.
    La Dia di Catania, infatti, ha ufficialmente confiscato 10 milioni di euro a #Vincenzo_Enrico_Auguro_Ercolano, figlio di #Giuseppe_Ercolano, considerato da molti il reggente di un sodalizio criminale assai pericoloso tra la mafia siciliana e la camorra. «Le indagini – dichiara la Dia – hanno riguardato i vertici dei clan camorristici dei #Casalesi e dei #Mallardo di Giuliano (Napoli), alleati con le famiglie siciliane dei #Santapaola ed #Ercolano, operanti del territorio catanese con diramazioni anche all’estero». Un network criminale che stritola e soffoca lo stato di diritto, la legalità, i diritti di milioni di persone e di aziende e che ogni consumatore paga ogni volta che si reca a fare la spesa. Secondo ancora la Dia, la società intestata a Vincenzo Ercolano, la #Geotrans, avrebbe gestito il trasporto dell’ortofrutta con modalità tipicamente mafiose.
    Questa confisca, dunque, contribuisce a disarticolare la logistica mafiosa che operava nel territorio nazionale e che schiacciava la libertà degli imprenditori onesti locali, di aziende agricole e dei lavoratori. L’operazione della Dia contrasta anche la costituzione di un nuovo sodalizio criminale che rischia di articolare e consolidare un’organizzazione mafiosa nuova, capace di intrecciare competenze e metodi di intervento originali, non più in competizione tra i vari clan ma in coordinamento tra di loro, sino a dare vita ad un direttorio in cui le diverse organizzazioni concordano strategie e obiettivi. Una sorta di “Quinta Mafia” che esprime la pervasività di questa organizzazione criminale nel sistema economico ed istituzionale, sino a diventare avanguardia di un modello mafioso avanzato.
    Si tratta di una riflessione che emerge anche da alcune importanti inchieste giudiziarie, a partire da quelle denominate “#Sud_Pontino” del 2006 e “#Caronte” del 2014. Ancora una volta, grazie alla Dia, epicentro di questa filiera criminale è risultato il #Mercato_Ortofrutticolo_di_Fondi (#MOF), nel Sud Pontino. Una realtà più volte indagata dalla Magistratura che spesso è riuscita a dimostrare l’influenza su di esso delle varie mafie. Si pensi all’inchiesta “#Bilico”, oppure “#La_Paganese” o “#Aleppo”. Tutte prove di una collusione pericolosa tra un sistema nevralgico per l’agricoltura nazionale, quale il Mercato di Fondi e le mafie.
    Un settore, dunque, quello della logistica e dei mercati ortofrutticoli, che la sociologa Fanizza ha recentemente analizzato in una pubblicazione d’inchiesta sociologica molto avanzata (Caporalato. An authentic Agromafia. Mimesys International, 2019) e che, secondo gli studi di Eurispes, è ormai arrivato a contare 24,5 miliardi di euro l’anno. Un business che deve essere aggredito con sempre maggiore efficienza affinché quelle risorse tornino ai loro legittimi proprietari ossia i cittadini italiani onesti.

    https://www.leurispes.it/mafia-nei-mercati-ortofrutticoli-sud-pontino-epicentro-della-filiera-crimi

    #mafia #agriculture #Italie #marchés #logistique #commerce #agro-mafia #agromafia #industrie_agro-alimentaire
    ping @albertocampiphoto

    • #Caporalato. An Authentic Agromafia

      The essay investigates the effects produced by criminal networks involved in the production and harvest of agricultural products. Focused on the analysis of caporalato, it explores the enslavement of immigrant agricultural labourers and territorial segregation practices. Moreover, it deals with the topic of the agromafias’ role and discusses matters related to the deregulation of the agricultural market, as well as the general crisis of the agroindustries.
      Because caporalato has become a methodological instrument in the framework known as globalization of the farmlands, this essay tries to evaluate the complex relationship between the agromafias’ power and the operational conditions of Italy’s local economies. The authors then explore elements of the extremely pervasive criminal network, that determines productive trends of entire agricultural departments, with the intention of denouncing the dangerous socio-cultural drift that mafia-like criminal organizations are creating in Europe.

      http://mimesisinternational.com/caporalato-an-authentic-agromafia
      #livre

  • Suspension de la ligne #Perpignan-Rungis : « L’exemple du laxisme français » | Public Senat
    https://www.publicsenat.fr/article/societe/suspension-de-la-ligne-perpignan-rungis-l-exemple-du-laxisme-francais-14

    « Le #train fantôme » est finalement stoppé. Une réunion du comité de pilotage ministériel à la préfecture des Pyrénées-Orientales a décidé de la suspension temporaire, jusqu’au 1er novembre, de la ligne ferroviaire de fret reliant la plateforme Saint-Charles international de Perpignan, premier centre de commercialisation, de #transports et #logistique de fruits et légumes en Europe, et le marché de Rungis. Le train qui traversait la France 6 jours par semaine, avec à son bord entre 800 et 1 200 tonnes de primeurs, roulait à vide depuis lundi. La faute à un manque d’anticipation ou un manque de volonté de la #SNCF, dans le remplacement des wagons frigorifiques qui vont atteindre leur limite d’âge à la fin de l’année. Conséquence, les clients ont mis fin à leurs contrats, privilégiant au ferroviaire, les transporteurs routiers.

  • Blocage, péage, grève sauvage : Geodis en Gilet-Jaune
    http://www.platenqmil.com/blog/2019/07/02/blocage-peage-greve-sauvage--geodis-en-gilet-jaune

    En réinventant les pratiques de lutte, le mouvement des Gilets Jaunes interroge et bouscule le mouvement syndical. Pour autant, de nombreux militants en entreprise n’ont pas hésité à enfiler le gilet et à participer pleinement au soulèvement en cours. C’est le cas des ouvriers Geodis à Gennevilliers, syndicalistes CGT dans cette filiale privatisée de la SNCF et Gilets Jaunes des premiers instants. Leur expérience du mouvement illustre les croisements et l’élaboration de pratiques communes qui se sont opérés, produisant des forces mutuelles pour chaque pôle de mobilisation, dans l’entreprise comme sur les ronds-points.

    #Gilets_Jaunes #logistique #grève #entretien

  • Putains de camions - Les poids lourds en question | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/081593-000-A/putains-de-camions

    En Europe, 80 % des marchandises sont transportées par voie routière. Mais à quel prix ? Enquête sur la folie des #poids_lourds.

    Cela n’aura pas échappé aux automobilistes : les #autoroutes européennes sont encombrées par des files de poids lourds toujours plus interminables. Alors que près de 80 % des marchandises transitent par #voie_routière, le nombre de camions en circulation devrait augmenter de 40 % dans cinq ans. Pourquoi ce choix de la route au détriment du #rail ou du #transport_maritime, qui présentent pourtant de nombreux avantages, notamment écologiques ? Pour quelle raison les camions sont-ils aussi nombreux – un tiers d’entre eux, selon les estimations – à rouler à vide ? #Diesel bon marché, dumping sur les salaires des chauffeurs, explosion des commandes sur Internet, production et livraison à flux tendu : cette folie des poids lourds, qui résulte d’une série de décisions politiques, notamment un investissement massif dans les autoroutes, sert des intérêts économiques. Si les entreprises privées profitent de ce système, les citoyens en subissent les conséquences : embouteillages, pollution, risques sanitaires et usure précoce des infrastructures publiques. À l’échelle du continent, la #Suisse offre pourtant un modèle plus vertueux : le pays a su s’affranchir du #lobby_automobile pour miser sur le #transport_ferroviaire.

    #transport #transport_routier

    • Petite synthèse du reportage.
      1. Le #budget d’entretien des autoroutes et routes nationales allemandes est de 3,9 milliards. Ce coût s’explique en particulier par l’impact des poids lourds : 1 camion de 40 tonnes a un impact équivalent à celui de 60 000 véhicules légers.

      2. Le fonctionnement en #flux_tendu de l’ensemble du système #logistique transforme de facto le #réseau_routier en espace de #stockage grâce à un coût particulièrement intéressant ne prenant pas en compte les #externalités_négatives et reposant largement sur l’#exploitation des travailleurs de l’est de l’#union_européenne, que ce soit les chauffeurs ou les employés des #centres_logistiques. Le reportage cite notamment l’exemple d’Amazon — mais cela doit être valable pour l’ensemble des acteurs du #e-commerce
      qui installe ses centres en Pologne pour ses livraisons en Allemagne. Ce coût extrêmement faible se reflète également dans le fait que 36 % des camions roulant en Allemagne roulent à vide !

      3. Pour en revenir à l’exploitation, les patrons des sociétés de transport mettent une pression terrible sur leurs chauffeurs au détriment de la #sécurité_routière tout en profitant d’un nombre de contrôle très insuffisant et des sanctions trop légères (en #Allemagne) en cas d’irrespect de la législation européenne sur les temps de repos. Ainsi, il est estimé qu’un chauffeur routier pourra faire 100 000 kilomètres sans être contrôlé alors que 50 % de ces contrôles amènent à constater une infraction (cas allemand toujours) ! La faiblesse des sanctions amène d’ailleurs les transporteurs à prévoir leur coût lorsqu’ils ne fraudent pas directement en manipulant les instruments de contrôle.

      4. Bien entendu, le reportage aborde également la question du diesel (subventionné) et des émissions de #particules_fines avec leur impact sur la #santé : maladies cardio-vasculaires, décès prématurés.

      5. L’#électromobilité ne concernera le fret longue distance qu’à long terme, les constructeurs allemands ne s’y investissant pas pour la plupart. Il y a un début de développement de solutions pour le #fret_urbain. Pour le transport de passagers, le reportage cite l’exemple d’un #bus_électrique développé par l’entreprise Build your dreams, d’origine chinoise comme l’indique son nom, et exploité par #Flixbus pour sa liaison Paris – Amiens.

      6. En matière de lobbying, #Volkswagen entretient en particulier un groupe de pression de 40 personnes auprès des instances de l’Union.

      7. Alors qu’un train de marchandise de 740 mètres de long permet de remplacer 52 poids lourds, les #infrastructures_ferroviaires souffrent d’un manque d’investissement, de voies d’évitement trop réduites, d’une #électrification des lignes insuffisante, de gros problèmes de jonctions entre les différents réseaux nationaux.

      8. Le reportage se termine en citant le cas #suisse qui a développé une politique ambitieuse de #ferroutage. Le ferroviaire représente 37 % du fret, dont 70 % pour le transit, soit 2 fois plus qu’en Allemagne et 4 fois plus que la France. Cela s’explique notamment par la question des redevances versées pour l’usage des voies ferrées et routières qui permet de redonner sa chance au ferroviaire alors qu’il est estimé que le fret routier va augmenter en Allemagne de 40 % d’ici 2030 par rapport à 2010.

      J’en profite pour renvoyer vers ce message, de 2016, citant un article de Jean Gadrey signalant le documentaire de Gilles Balbastre, Transport de marchandises : changeons d’ère ! réalisé à l’initiative du comité d’entreprise de SCNF-fret : https://seenthis.net/messages/548855

    • merci @af_sobocinski pour ce résumé. J’ai arrêté à la publicité pour flixbus avec les interviews convenues des voyageurs émerveillé·es par les bus « non polluants », mais rien sur la pollution nucléaire, ce n’est pas sérieux.
      Déçue qu’il n’y est apparemment rien non plus sur les militants écologistes #anti-fret-routier, comme ceux certes des années 1990 de la Vallée du Somport.

      Il y a un passage sur les conducteurs de Pologne ou de Roumanie sous payés mais qui naviguent dans l’espace européen (surtout l’Allemagne) avec des camions qui font des trajets Allemagne=>Pologne=>Allemagne pour justifier ces aberrations socios-économiques-polluantes, Amazon en bonne position des pires entreprises implante ses plateformes dans les pays européens les plus pauvres.

      Et je renote ici le chiffre donné impressionnant : un poids-lourd représente le passage de 60.000 voitures . Donc, il faut inclure dans le coût global du #fret_routier la construction et l’entretien des routes, autoroutes et aires de stationnement tous saturé·es par les poids-lourds. En plus des cadeaux fiscaux, diesel moins cher, #subventions aux entreprises etc. #croissance #folie_humaine #inside_the_wall

      @aude_v j’appellerai pas ça du survivalisme mais du #déni_opportuniste
      #fin_du_monde #macronerie

    • Je n’ai pas encore pété de télé @touti mais il n’est pas trop tard pour que je m’y mette. Ce n’est pas les boîtes à conneries et les raisons qui manque. J’ai beaucoup cassé et dès l’adolescence, tout seul où en groupe. Puis on s’est calmé quand on a eu affaire aux flics. Plus tard avec un pote, on pointe à pôle-emploi (anpe à l’époque) depuis une antique cabine téléphonique. Tapez 1, tapez 2… tatati tatata, patins,couffins… au tour de mon compère, avant de finaliser par je ne sais quelle touche, il arrache le combiné et s’en sert telle une masse d’arme pour détruire la cabine. J’ai rien fait pour le retenir, je crois bien même que j’ai dû l’aider. J’ai encore, dans la tête, l’image de cette cabine toute destroy alors qu’on étaient partis faire du stop un peu plus loin.

    • Bon, je n’ai pas imaginé que ça allait déclencher de telles réactions. Je me retire de cette discussion et j’emmène avec moi la façon dont je pense que la télévision fonctionne avec une conclusion qui semble avoir activé moralisme et souvenirs de vandalisme à mon grand désarroi.

  • Amazon : semaine de 60 heures et quête « du pic d’activité » dans les centres logistiques
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/12/19/le-guardian-decrit-les-cadences-infernales-en-vigueur-chez-amazon_5399848_32

    Les « Amazon Diaries » publiés par le « Guardian » mettent en lumière les conditions de travail dans les centres logistiques, notamment lors de la période des fêtes. Il se passe décidément quelque chose autour d’Amazon, le numéro un mondial de la vente en ligne. Et pas seulement l’installation de ses deux nouveaux sièges à New York et Washington, ou la volonté d’adopter une taxe au niveau européen sur les géants du numérique, les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Le groupe de Jeff Bezos est eu (...)

    #Amazon #bénéfices #travail #travailleurs #surveillance

  • Geodis Gennevilliers en grève ! - http://www.platenqmil.com/blog via @paris, Paris-luttes.info
    https://paris-luttes.info/geodis-en-greve-11381
    https://paris-luttes.info/home/chroot_ml/ml-paris/ml-paris/public_html/IMG/arton11381.jpg?1546000537

    Les camarades de Geodis sont en #grève depuis le 26 décembre. L’entrepôt est paralysé, aucun colis ne sort, besoin de soutien !

    Depuis quelques années, on a l’habitude de croiser les ouvriers Geodis Gennevilliers dans nos #luttes. Contre la Loi Travail, contre la casse du rail, dans les AG et les blocages de facs, avec les #gilets_jaunes...ils sont devenus des piliers du mouvement social en Île-de-France !

    Depuis le 26 décembre 2018, à 19H30, ils sont en grève ! Après des mois passés à préparer le terrain, ils parviennent à déjouer les difficultés d’un secteur - la #logistique - où les luttes sont cassées par la #précarité et la répression antisyndicale.

    Le mouvement est très suivi, avec plus de 90% de grévistes dans certaines équipes. Même les chefs d’équipe suivent la grève ! L’entrepôt est paralysé, plus aucun colis ne sort. Les #intérimaires suivent ce qui se passe et soutiennent les grévistes, qui se battent aussi contre la précarité.

    Les revendications sont les suivantes :

    Prime de fin d’année de 1000 euros
    Augmentation générale de 200 brut + 100 euros pour celles et ceux qui n’ont jamais été augmentés
    Revalorisation de la prime transport à 50 euros net
    Plan contre la précarité (embauche de 30 intérimaires) et pour faciliter l’évolution professionnelle

    Ils ont besoin de soutien pour tenir !
    La caisse de grève qui est en ligne
    https://www.lepotcommun.fr/pot/x6tt2a10
    servira à compenser les pertes de #salaire et à financer les attaques juridiques dont les patrons GEODIS sont des habitués.

    Si par hasard vous n’avez pas encore entendu parler des Geodis, voir les articles sur les conditions de travail dans l’entrepôt
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/04/18/geodis-cest-degueulasse
    ou sur le fameux blocage à 300 000 balles d’avril 2018
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/06/18/une-soiree-a-300-000-balles

    Le mouvement des Gilets Jaunes maintien un climat de tension sur lequel ces grèves peuvent s’appuyer. Dans les boites, dans les facs et les lycées, sur les Champs, les ronds-points ou ailleurs...luttes partout !

    Je précise (contexte Gilets jaunes oblige...) que la plupart des #ouvriers de chez Géodis Genevilliers n’ont pas grand chose de Gaulois, contrairement aux contremaîtres de cette taule.

    • La bataille du flux : récit de grève chez Geodis Genneviliers- Pateforme d’Enquêtes Militantes
      http://www.platenqmil.com/blog/2019/01/15/la-bataille-du-flux--recit-de-greve-chez-geodis-genneviliers

      Dans l’entrepôt GEODIS à Gennevilliers, une drôle de grève bat son plein depuis la fin décembre. Une grève des ouvriers de la logistique, ceux qui déplacent les flux de marchandises du capitalisme contemporain dans ces bâtiments en tôle ondulé : « les plateformes logistiques ». Entre les fournisseurs qui fabriquent les biens et les points de vente qui les écoulent, ils réceptionnent, trient puis renvoient des colis par dizaines de milliers chaque jour. Ils occupent donc une position stratégique pour bloquer les flux et leurs grèves soulèvent des enjeux importants pour les luttes actuelles. Mais contrairement aux unités productives, les directions des entrepôts ont la possibilité de contourner les grèves en déplaçant rapidement les flux vers d’autres sites. Ce à quoi les ouvriers ont répondu en lançant un jeu du chat capitaliste et des souris prolétaires qui mérite quelques explications...

      GILET-JAUNONS les entreprises ! Ce mardi soir, le plus gros entrepôt GEODIS de la région, à Bonneuil-en-France (95) a été bloqué de 19H30 à 23h30 par une centrante [centaine] de personnes, salariés de Géodis et #Gilets_Jaunes et autres manifestants solidaires.
      https://twitter.com/PlatEnqMil/status/1085101655417413632

      Au hasard de la logistique - Quand les mobilités ouvrières passent par l’entrepôt, Carlotta Benvegnù & David Gaborieau
      https://laviedesidees.fr/Au-hasard-de-la-logistique.html

      Loin d’avoir disparu de la société française, le monde ouvrier s’est en partie déporté sur de nouveaux espaces dont on connait mal les contours. Le déclin de l’industrie manufacturière s’est accompagné d’un déplacement de l’emploi ouvrier vers des activités qui, sans être comprises dans le secteur secondaire au sens strict, n’en demeurent pas moins industrielles dans les formes de travail qu’elles impliquent. La logistique occupe une part importante dans ce déplacement : elle concentre désormais 13% des emplois ouvriers, contre 8% au début des années 1980.

      #solidarité #blocage

  • Drôme | Blocage d’Amazon par les gilets jaunes : dégradations en série
    https://www.ledauphine.com/drome/2018/12/25/montelimar-blocage-d-amazon-degradations-en-serie

    Lors de la dernière action de #blocage d‘#Amazon, samedi à Montélimar, une trentaine de #gilets_jaunes, dont la plupart avaient le visage bien dissimulé pour ne pas être identifiés, avaient fini, en fin de soirée, par pénétrer sur le parking de la plateforme #logistique

    Tout en lançant des fumigènes, ils auraient tenté d’aller crever des pneus ou encore d’ouvrir les remorques de camions. Mais les policiers, qui avaient évité jusque-là d’aller au contact lors de cet énième blocage, sont intervenus pour éviter le pillage, même si les camions ouverts étaient vides. Ils ont mis en fuite les individus. Ceux-ci auraient eu le temps d’arracher des câbles qui relient les tracteurs de camions aux remorques.

    Un vrai dispositif de guérilla urbaine avait été mis en place. Des containers et chariots avaient été volés aux commerces alentours pour finir brûlés sur les quatre #barricades. Celles-ci avaient été positionnées pour barrer le boulevard Charles-André en vue d’un affrontement avec les forces de l’ordre. Elles étaient aspergées de produits inflammables.

    Le feu avait aussi été mis à un transformateur dans une rue adjacente pour, semble-t-il, volontairement couper l’éclairage public et peut-être gêner l’assaut des #forces_de_l’ordre, si l’ordre avait été donné d’évacuer le site (ce qui n’a pas été le cas). Enfin, certains murets le long des entreprises ont été démontés en vue d’utiliser des pierres comme projectiles.

    #sabotage palliatif royal de l’impossibilité / difficulté de faire #grève

    • L’imMonde donc, puisque pref’ et proc’ il y a (mais aussi #défense_collective)

      Une #vidéo de la scène, filmée par une caméra de #surveillance_municipale, a été décortiquée à l’audience. Les quatre prévenus, dont une militante du PCF, ont été identifiés parmi une vingtaine de personnes. « Facilement », de l’aveu des policiers qui les ont arrêtés, car tous affichaient un signe distinctif : pantalon rouge, baskets orange, sac à dos rose… Preuve qu’ils ne cherchaient pas à se cacher pour en découdre, selon la défense, qui envisage de faire appel.
      M. Fayet et un collègue ont essuyé de nombreux coups, qui leur ont valu respectivement trois et deux jours d’interruption de travail. « En vingt-huit ans de police, je n’ai jamais vu une telle avalanche », a confié le commissaire dans un témoignage lu par le tribunal. Il était absent à l’audience. Le procureur a, lui, rapproché les faits de Valence des « actes dégueulasses » commis samedi à Paris quand des manifestants s’en sont pris à des policiers à moto.
      Une scène filmée
      « Je n’ai jamais donné de coup à qui que ce soit », a rétorqué à la barre la militante du PCF, une boulangère de 37 ans, condamnée à trois mois ferme. Sur la vidéo, on la voit surtout s’emparer du bonnet du #commissaire à terre, geste censé, sur le coup, « détourner son attention pour qu’il ne sorte pas son arme ». « C’était on ne peut plus stupide », reconnaît-elle. L’accusation, elle, est convaincue qu’elle voulait emporter « un trophée ».
      Un cordiste en formation de 22 ans admet avoir porté un coup de pied, geste « inadmissible », dont il s’excuse. Mais s’il est intervenu, dit-il, c’est pour tenter de mettre fin à une bagarre, sans savoir qu’il s’agissait de policiers. De même pour un autre prévenu. Mais dans ce cas, « pourquoi ne pas s’en prendre à celui qui [dans l’attroupement] porte une batte de baseball ? », interroge le procureur.
      Très visible sur la vidéo, ce #manifestant_armé n’aurait pas été vu par les prévenus, qui tous soutiennent que ce que l’on peut analyser à l’écran aujourd’hui ne correspond pas à ce qu’ils pouvaient voir compte tenu de la confusion qui régnait ce jour-là.
      Les quatre avaient été placés en détention avant d’être libérés le 20 décembre dans l’attente de leur procès. Ils sont ressortis #libres du tribunal, applaudis par leurs soutiens, dans l’attente de comparaître devant le juge d’application des peines.

      Du ferme pour 3 jours d’#ITT...
      #police

  • L’irrésistible ascension d’Amazon
    https://www.arte.tv/fr/videos/058375-000-A/l-irresistible-ascension-d-amazon

    Géant devenu incontrôlable du commerce en ligne, Amazon a transformé en moins d’un quart de siècle la société. Fondée à l’aube de l’explosion des affaires sur Internet par Jeff Bezos, – lui-même grandi dans l’ombre de David Elliott Shaw, un génie de la finance et de l’informatique –, l’entreprise commence modestement dans un pavillon des faubourgs de Seattle : l’aube d’un rêve américain. Car la petite plate-forme de vente en ligne ne tarde pas à être capitalisée par des investisseurs auxquels le très pressé (...)

    #Amazon #domination #bénéfices #travail #marketing

  • Amazon contre Alibaba et les 40 dragons
    https://theconversation.com/amazon-contre-alibaba-et-les-40-dragons-98898

    Juin est le mois des courses de bateaux-dragons à Shanghaï comme à Chicago. On y voit des équipes de vingt pagayeurs parfaitement synchronisés filer sur leur pirogue à la proue de démon. Bateau-Dragon est aussi le nom de code du plan d’Amazon pour devenir un acteur global de la logistique. Comprenez un monstre d’efficacité et d’innovation dans le transport international de marchandises qui, un jour, dépassera tous les autres, y compris Alibaba et ses 40 dragons. Un géant de la logistique Quand Jeff (...)

    #Alibaba.com #Darty #Amazon #Amazon's_Prime #bénéfices #concurrence #marketing #profiling #DHL #UPS (...)

    ##robotique

  • « Un chômeur ne peut pas devenir chauffeur routier du jour au lendemain » - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2018/09/19/un-chomeur-ne-peut-pas-devenir-chauffeur-routier-du-jour-au-lendemain_167

    Il suffirait donc de traverser la rue pour trouver un boulot ? Voilà donc un discours, du chef de l’Etat, proche de celui du patronat, qui depuis des mois, ressasse ses « difficultés à embaucher ». Tour d’horizon des métiers dits en tension, où l’offre ne rencontre pas toujours la demande.

    Depuis plusieurs années, le métier de chauffeur routier est considéré comme « en tension ». Comprenez : les entreprises peinent à recruter des conducteurs aptes à l’emploi. Selon Jean-Louis Delaunay, secrétaire fédéral Transports à la CGT, il en manquerait plus de 30 000 en France. Pour Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), quelque 22 000 personnes manquent dans tout le secteur. « Mais il ne suffit pas pour autant de traverser la rue pour trouver des conducteurs », plaisante le responsable syndical CGT, faisant référence à l’échange du président de la République avec un chômeur ce week-end.

    « La profession a beaucoup évolué ces dernières années. Auparavant, on demandait en gros à un chauffeur d’avoir des gros bras et rien dans la tête. Aujourd’hui, pour conduire un camion il faut remplir des papiers, faire de la logistique… Puisque les expéditeurs souhaitent être de plus en plus informés de l’endroit où se trouvent leurs marchandises, il faut gérer l’informatique aussi, explique Jean-Louis Delaunay. Il y a donc des besoins de formation complémentaire dans le secteur. »

    Guillaume H., à la tête d’une petite entreprise florissante de transport dans le Morbihan, dresse le même constat : « Un chômeur ne peut pas devenir chauffeur routier du jour au lendemain. » Son arrière-grand-père a fondé la PME de travaux agricoles au siècle précédent, et lorsqu’il l’a reprise, le jeune entrepreneur a décidé en 2011 de développer des activités de transport routier, pour « palier aux difficultés du monde agricole ». Problème : il ne parvient pas à recruter de conducteurs. « Nous avions régulièrement deux ou trois camions arrêtés, faute de gars pour les conduire, alors que nous cherchions des CDI payés environ 2 500 ou 2 600 euros net », explique-t-il. Florence Berthelot, de la FNTR, abonde : « Durant l’été, on a été alerté par plusieurs entreprises qui ne pouvaient pas occuper certains marchés, faute de conducteurs. » Même lorsque Guillaume H. trouve des candidats, ceux-ci ne parviennent pas à obtenir les formations nécessaires, « faute de financement », explique-t-il.

    « Aucun camion sur le parking »

    Pour la première fois depuis des années néanmoins, il est au complet à cette rentrée. « Aucun camion ne reste sur le parking », se réjouit-il. Cela s’est fait au prix d’intenses recherches sur les réseaux sociaux et dans les agences d’intérim pendant deux mois. « Et pas par Pôle emploi, qui n’a pas de réelles solutions, notamment sur les budgets de formation », regrette-t-il.

    Si tous s’accordent à dire qu’il manque des conducteurs routiers en France, ils ne parviennent pas pour autant à s’entendre sur les raisons de ce désamour pour le métier. Pour Jean-Louis Delaunay de la CGT, c’est d’abord une question de rémunération. « Depuis le 1er avril, dans la convention collective, le coefficient le plus haut est à 10,21 euros brut de l’heure. Il est de 11,0268 euros après quinze ans d’ancienneté dans la même entreprise. Ce n’est pas assez pour attirer de nouveaux conducteurs, car les conducteurs peuvent aussi être amenés à travailler la nuit ou à ne pas rentrer chez eux. Nous, ce que l’on demande, ce sont des grilles complémentaires. A l’instant T, il manquerait 5% de rémunération », explique le délégué syndical. S’ajoute à cela le prix d’accès aux examens de conducteur routier qui ne facilite pas l’accès à l’emploi : « De 10 000 euros environ aujourd’hui avec les formations, contre 6 500 francs en 1985. »

    « Noircir le secteur avec le développement durable »

    Florence Berthelot, elle, estime l’argument salarial « inexact ». Selon la déléguée générale de la fédération patronale, les conducteurs souffriraient surtout d’une mauvaise image. « Quand on pense aux conducteurs, les gens ont en tête le Salaire de la peur. Les pouvoirs publics ont aussi tendance à noircir le secteur avec les questions du développement durable. C’est un métier qui est souvent vu plus pénible qu’il n’est en réalité », juge-t-elle. Si le métier est parvenu à se maintenir au cours de la crise de 2008, le ralentissement des embauches couplé au vieillissement de la population du secteur a également contribué à cette pénurie de chauffeurs.

    Reste que pour toutes ces raisons, Guillaume H. hésite encore aujourd’hui à développer son activité. « On ne sait plus trop s’il faut le faire. On n’a pas vraiment envie d’augmenter le nombre de camions si c’est pour qu’ils restent à l’arrêt dans le parc », conclut l’entrepreneur.
    Gurvan Kristanadjaja

    #travail #chômage #transport #routier #logistique #exploitation

  • Une soirée à 300 000 balles
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/06/18/une-soiree-a-300-000-balles
    http://www.platenqmil.com/file/si473778/image+de%20tete-fi11148985.jpg

    Retour sur le blocage de Geodis Gennevilliers
     
    Le mardi 24 avril à 19H50, 250 personnes sortent du métro Courtilles pour prendre la direction d’un des plus gros entrepôts du groupe Geodis en France, à l’entrée du Port Autonome de Gennevilliers. La foule est diverse, compacte et déterminée. On y retrouve des étudiant·es, des cheminot·es, des postier·es, des infirmier·es, des profs, des salarié·es en lutte d’Air France, de Monoprix et de la SNECMA, des retraité·es, des chômeur·ses et des précaires. Le pont de l’autoroute est franchi à marche rapide, pas de flics au rond-point. Alors qu’apparaissent déjà les premiers quais de chargement, les drapeaux et les banderoles sortent des sacs et les premiers slogans résonnent : « les patrons / ne comprennent qu’un langage / grèves, blocages, manifs sauvages ! ». Le groupe se divise en deux pour bloquer les portes d’entrée et de sortie des poids-lourds. À 20H00 tout est en place, l’entrepôt est paralysé.

    #luttes_sociales #logistique #blocage

  • De #Frontex à Frontex. À propos de la “continuité” entre l’#université logistique et les processus de #militarisation

    S’est tenu à l’Université de Grenoble, les jeudi 22 et vendredi 23 mars 2018, un colloque organisé par deux laboratoires de recherche en droit [1], intitulé « De Frontex à Frontex [2] ». Étaient invité.e.s à participer des universitaires, essentiellement travaillant depuis le champ des sciences juridiques, une représentante associative (la CIMADE), mais aussi des membres de l’agence Frontex, du projet Euromed Police IV et de diverses institutions européennes, dont Hervé-Yves Caniard, chef des affaires juridiques de l’agence Frontex et Michel Quillé, chef du projet Euromed Police IV.

    Quelques temps avant la tenue du colloque, des collectifs et associations [3], travaillant notamment à une transformation des conditions politiques contemporaines de l’exil, avaient publié un tract qui portait sur les actions de Frontex aux frontières de l’Europe et qui mettait en cause le mode d’organisation du colloque (notamment l’absence de personnes exilées ou de collectifs directement concernés par les actions de Frontex, les conditions d’invitation de membres de Frontex et Euromed Police ou encore les modes de financement de l’université). Le tract appelait également à un rassemblement devant le bâtiment du colloque [4].

    Le rassemblement s’est donc tenu le 22 mars 2018 à 15h, comme annoncé dans le tract. Puis, vers 16h, des manifestant.e.s se sont introduit.e.s dans la salle du colloque au moment de la pause, ont tagué « Frontex tue » sur un mur, clamé des slogans anti-Frontex. Après quelques minutes passées au fond de la salle, les manifestant.e.s ont été sévèrement et sans sommation frappé.e.s par les forces de l’ordre. Quatre personnes ont dû être transportées à l’hôpital [5]. Le colloque a repris son cours quelques temps après, « comme si de rien n’était » selon plusieurs témoins, et s’est poursuivi le lendemain, sans autres interventions de contestations.

    Au choc des violences policières, se sont ajoutées des questions : comment la situation d’un colloque universitaire a-t-elle pu donner lieu à l’usage de la force ? Plus simplement encore, comment en est-on arrivé là ?

    Pour tenter de répondre, nous proposons de déplier quelques-unes des nombreuses logiques à l’œuvre à l’occasion de ce colloque. Travailler à élaborer une pensée s’entend ici en tant que modalité d’action : il en va de notre responsabilité universitaire et politique d’essayer de comprendre comment une telle situation a pu avoir lieu et ce qu’elle dit des modes de subjectivation à l’œuvre dans l’université contemporaine. Nous proposons de montrer que ces logiques sont essentiellement logistiques, qu’elles sont associées à des processus inhérents de sécurisation et de militarisation, et qu’elles relient, d’un point de vue pratique et théorique, l’institution universitaire à l’institution de surveillance des frontières qu’est Frontex.


    Une démarche logistique silencieuse

    Chercheur.e.s travaillant depuis la géographie sociale et les area studies [6], nous sommes particulièrement attentifs au rôle que joue l’espace dans la formation des subjectivités et des identités sociales. L’espace n’est jamais un simple décor, il ne disparaît pas non plus complètement sous les effets de sa réduction temporelle par la logistique. L’espace n’est pas un donné, il s’élabore depuis des relations qui contribuent à lui donner du sens. Ainsi, nous avons été particulièrement attentifs au choix du lieu où fut organisé le colloque « De Frontex à Frontex ». Nous aurions pu nous attendre à ce que la faculté de droit de l’Université de Grenoble, organisatrice, l’accueille. Mais il en fut autrement : le colloque fut organisé dans le bâtiment très récent appelé « IMAG » (Institut de Mathématiques Appliquées de Grenoble) sur le campus grenoblois. Nouveau centre de recherche inauguré en 2016, il abrite six laboratoires de recherche, spécialisés dans les « logiciels et systèmes intelligents ».

    L’IMAG est un exemple de « zone de transfert de connaissances laboratoires-industries [7] », dont le modèle a été expérimenté dans les universités états-uniennes à partir des années 1980 et qui, depuis, s’est largement mondialisé. Ces « zones » se caractérisent par deux fonctions majeures : 1) faciliter et accélérer les transferts de technologies des laboratoires de recherche vers les industries ; 2) monétiser la recherche. Ces deux caractéristiques relèvent d’une même logique implicite de gouvernementalité logistique.

    Par « gouvernementalité logistique », nous entendons un mode de rationalisation qui vise à gérer toute différence spatiale et temporelle de la manière la plus ’efficace’ possible. L’efficacité, dans ce contexte, se réduit à la seule valeur produite dans les circuits d’extraction, de transfert et d’accumulation des capitaux. En tant que mode de gestion des chaînes d’approvisionnement, la logistique comprend une série de technologies, en particulier des réseaux d’infrastructures techniques et des technologies informatiques. Ces réseaux servent à gérer des flux de biens, d’informations, de populations. La logistique peut, plus largement, être comprise comme un « dispositif », c’est-à-dire un ensemble de relations entre des éléments hétérogènes, comportant des réseaux techniques, comme nous l’avons vu, mais aussi des discours, des institutions...qui les produisent et les utilisent pour légitimer des choix politiques. Dans le contexte logistique, les choix dotés d’un fort caractère politique sont présentés comme des « nécessités » techniques indiscutables, destinées à maximiser des formes d’organisations toujours plus « efficaces » et « rationnelles ».

    La gouvernementalité logistique a opéré à de nombreux niveaux de l’organisation du colloque grenoblois. (a) D’abord le colloque s’est tenu au cœur d’une zone logistique de transfert hyper-sécurisé de connaissances, où celles-ci circulent entre des laboratoires scientifiques et des industries, dont certaines sont des industries militaires d’armement [8]. (b) Le choix de réunir le colloque dans ce bâtiment n’a fait l’objet d’aucun commentaire explicite, tandis que les co-organisateurs du colloque dépolitisaient le colloque, en se défendant de « parler de la politique de l’Union Européenne [9] », tout en présentant l’Agence comme un « nouvel acteur dans la lutte contre l’immigration illégale [10] », reprenant les termes politiques d’une langue médiatique et spectacularisée. Cette dépolitisation relève d’un autre plan de la gouvernementalité logistique, où les choix politiques sont dissimulés sous l’impératif d’une nécessité, qui prend très souvent les atours de compétences techniques ou technologiques. (c) Enfin, Frontex peut être décrite comme un outil de gouvernementalité logistique : outil de surveillance militaire, l’agence est spécialisée dans la gestion de « flux » transfrontaliers. L’agence vise à produire un maximum de choix dits « nécessaires » : la « nécessité » par exemple de « sécuriser » les frontières face à une dite « crise migratoire », présentée comme inéluctable et pour laquelle Frontex ne prend aucune responsabilité politique.

    Ainsi, ce colloque mettait en abyme plusieurs niveaux de gouvernementalité logistique, en invitant les représentants d’une institution logistique militarisée, au cœur d’une zone universitaire logistique de transfert de connaissances, tout en passant sous silence les dimensions politiques et sociales de Frontex et de ce choix d’organisation.

    A partir de ces premières analyses, nous allons tenter de montrer au fil du texte :

    (1)-comment la gouvernementalité logistique s’articule de manière inhérente à des logiques de sécurisation et de militarisation (des relations sociales, des modes de production des connaissances, des modes de gestion des populations) ;

    (2)-comment la notion de « continuité », produite par la rationalité logistique, sert à comprendre le fonctionnement de l’agence Frontex, entendue à la fois comme outil pratique de gestion des populations et comme cadre conceptuel théorique ;

    (3)-comment les choix politiques, opérés au nom de la logistique, sont toujours présentés comme des choix « nécessaires », ce qui limite très fortement les possibilités d’en débattre. Autrement dit, comment la rationalité logistique neutralise les dissentiments politiques.
    Rationalité logistique, sécurisation et militarisation

    --Sécurisation, militarisation des relations sociales et des modes de production des connaissances au sein de l’université logistique

    La gouvernementalité ou rationalité logistique a des conséquences majeures sur les modes de production des relations sociales, mais aussi sur les modes de production des connaissances. Les conséquences sociales de la rationalité logistique devraient être la priorité des analyses des chercheur.e.s en sciences sociales, tant elles sont préoccupantes, avant même l’étude des conséquences sur les modes de production du savoir, bien que tous ces éléments soient liés. C’est ce que Brian Holmes expliquait en 2007 dans une analyse particulièrement convaincante des processus de corporatisation, militarisation et précarisation de la force de travail dans le Triangle de la Recherche en Caroline du Nord aux Etats-Unis [11]. L’auteur montrait combien les activités de transfert et de monétisation des connaissances, caractéristiques des « zones de transfert de connaissances laboratoires-industries », avaient contribué à créer des identités sociales inédites. En plus du « professeur qui se transforme en petit entrepreneur et l’université en grosse entreprise », comme le notait Brian Holmes, s’ajoute désormais un tout nouveau type de relation sociale, dont la nature est très fondamentalement logistique. Dans son ouvrage The Deadly Life of Logistics paru en 2014 [12], Deborah Cowen précisait la nature de ces nouvelles relations logistiques : dans le contexte de la rationalité logistique, les relations entre acteurs sociaux dépendent de plus en plus de logiques inhérentes de sécurisation. Autrement dit, les relations sociales, quand elles sont corsetées par le paradigme logistique, sont aussi nécessairement prises dans l’impératif de « sécurité ». Les travailleurs, les manageurs, les autorités régulatrices étatiques conçoivent leurs relations et situations de travail à partir de la figure centrale de la « chaîne d’approvisionnement ». Ils évaluent leurs activités à l’aune des notions de « risques » -et d’« avantages »-, selon le modèle du transfert de biens, de populations, d’informations (risques de perte ou de gain de valeur dans le transfert, en fonction notamment de la rapidité, de la fluidité, de la surveillance en temps réel de ce transfert). Ainsi, il n’est pas surprenant que des experts universitaires, dont la fonction principale est devenue de faciliter les transferts et la monétisation des connaissances, développent des pratiques qui relèvent implicitement de logiques de sécurisation. Sécuriser, dans le contexte de l’université logistique, veut dire principalement renforcer les droits de propriété intellectuelle, réguler de manière stricte l’accès aux connaissances et les conditions des débats scientifiques (« fluidifier » les échanges, éviter tout « conflit »), autant de pratiques nécessaires pour acquérir une certaine reconnaissance institutionnelle.

    L’IMAG est un exemple particulièrement intéressant de cette nouvelle « entreprise logistique de la connaissance », décrite par Brian Holmes, et qui se substitue progressivement à l’ancien modèle national de l’université. Quelles sont les logiques à l’œuvre dans l’élaboration de cette entreprise logistique de la connaissance ? (1) En premier lieu, et en ordre d’importance, la logistique s’accompagne d’une sécurisation et d’une militarisation de la connaissance. Le processus de militarisation est très clair dans le cas de l’IMAG qui entretient des partenariats avec l’industrie de l’armement, mais il peut être aussi plus indirect. Des recherches portant sur les systèmes embarqués et leurs usages civils, menées par certains laboratoires de l’IMAG et financées par des fonds étatiques, ont en fait également des applications militaires. (2) La seconde logique à l’œuvre est celle d’une disqualification de l’approche politique des objectifs et des conflits sociaux, au profit d’une approche fondée sur les notions de surveillance et de sécurité. A la pointe de la technologie, le bâtiment de l’IMAG est un smart building dont la conception architecturale et le design relèvent de logiques de surveillance. En choisissant de se réunir à l’IMAG, les organisateurs du colloque ont implicitement fait le choix d’un espace qui détermine les relations sociales par la sécurité et la logistique. Ce choix n’a jamais été rendu explicite, au profit de ce qui est réellement mis en valeur : le fait de pouvoir transférer les connaissances vers les industries et de les monétiser, peu importe les moyens utilisés pour les financer et les mettre en circulation.

    Le colloque « De Frontex à Frontex », organisé à l’Université de Grenoble, était ainsi -implicitement- du côté d’un renforcement des synergies entre la corporatisation et la militarisation de la recherche. On pourrait également avancer que la neutralisation de toute dimension politique au sein du colloque (réduite à des enjeux essentiellement juridiques dans les discours des organisateurs [13]) relève d’une même gouvernementalité logistique : il s’agit de supprimer tout « obstacle » potentiel, tout ralentissement « inutile » à la fluidité des transferts de connaissances et aux échanges d’« experts ». Dépolitiser les problèmes posés revient à limiter les risques de conflits et à « fluidifier » encore d’avantage les échanges. On commence ici à comprendre pourquoi le conflit qui s’est invité dans la salle du colloque à Grenoble fut si sévèrement réprimé.

    Les organisateurs expliquèrent eux-mêmes le jour du colloque à un journaliste du Dauphiné Libéré, qu’il n’était pas question de « parler de la politique migratoire de l’Union Européenne ». On pourrait arguer que le terme de « politique » figurait pourtant dans le texte de présentation du colloque. Ainsi, dans ce texte les co-organisateurs proposaient « de réfléchir sur la réalité de l’articulation entre le développement des moyens opérationnels de l’Union et la définition des objectifs de sa politique migratoire [14] ». Mais s’il s’agissait de s’interroger sur la cohérence entre les prérogatives de Frontex et la politique migratoire Union Européenne, les fondements normatifs, ainsi que les conséquences pratiques de cette politique, n’ont pas été appelés à être discutés. La seule mention qui amenait à s’interroger sur ces questions fut la suivante : « Enfin, dans un troisième temps, il faudra s’efforcer d’apprécier certains enjeux de l’émergence de ce service européen des garde-côtes et garde-frontières, notamment ceux concernant la notion de frontière ainsi que le respect des valeurs fondant l’Union, au premier rang desquelles la garantie effective des droits fondamentaux [15] ». Si la garantie effective des droits fondamentaux était bel et bien mentionnée, le texte n’abordait à aucun moment les milliers de morts aux frontières de l’Union Européenne. Débattre de politique, risquer le conflit, comme autant de freins au bon déroulement de transferts de connaissances, est rendu impossible (censuré, neutralisé ou réprimé) dans le contexte de la gouvernementalité logistique. Pendant le colloque, les représentants de l’agence Frontex et d’Euromed Police ont très peu parlé explicitement de politique, mais ont, par contre, souvent déploré, le manque de moyens de leurs institutions, en raison notamment de l’austérité, manière de faire appel implicitement à de nouveaux transferts de fonds, de connaissances, de biens ou encore de flux financiers. C’est oublier -ou ne pas dire- combien l’austérité, appliquée aux politiques sociales, épargne les secteurs de la militarisation et de la sécurisation, en particulier dans le domaine du gouvernement des populations et des frontières.

    Sécurisation et militarisation du gouvernement des populations

    Ainsi, les discussions pendant le colloque n’ont pas porté sur le contexte politique et social plus général de l’Union Européenne et de la France, pour se concentrer sur un défaut de moyens de l’agence Frontex. Rappelons que le colloque a eu lieu alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron poursuivait la « refonte » du système des retraites, des services publics, du travail, des aides sociales. Le premier jour du colloque, soit le jeudi 22 mars 2018, avait été déposé un appel à la grève nationale par les syndicats de tous les secteurs du service public. Si l’essentiel des services publics sont soumis à la loi d’airain de l’austérité, d’autres secteurs voient au contraire leurs moyens considérablement augmenter, comme en témoignent les hausses très significatives des budgets annuels de la défense prévus jusqu’en 2025 en France [16]. La loi de programmation militaire 2019-2025, dont le projet a été présenté le 8 février 2018 par le gouvernement Macron, marque une remontée de la puissance financière de l’armée, inédite depuis la fin de la Guerre froide. « Jusqu’en 2022, le budget augmentera de 1,7 milliard d’euros par an, puis de 3 milliards d’euros en 2023, portant le budget des Armées à 39,6 milliards d’euros par an en moyenne, hors pensions, entre 2019 et 2023. Au total, les ressources des armées augmentent de près d’un quart (+23 %) entre 2019 et 2025 [17] ». La réforme de Frontex en 2016 s’inscrit dans la continuité de ces hausses budgétaires.

    Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures créée en 2004, et devenue Agence de garde-frontières et de garde-côtes en 2016, Frontex déploie des « équipements techniques […] (tels que des avions et des bateaux) et de personnel spécialement formé [18] » pour contrôler, surveiller, repousser les mouvements des personnes en exil. « Frontex coordonne des opérations maritimes (par exemple, en Grèce, en Italie et en Espagne), mais aussi des opérations aux frontières extérieures terrestres, notamment en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne et en Slovaquie. Elle est également présente dans de nombreux aéroports internationaux dans toute l’Europe [19] ». Le colloque devait interroger la réforme très récente de l’Agence en 2016 [20], qui en plus d’une augmentation de ses moyens financiers et matériels, entérinait des pouvoirs étendus, en particulier le pouvoir d’intervenir aux frontières des Etats membres de l’Union Européenne sans la nécessité de leur accord, organiser elle-même des expulsions de personnes, collecter des données personnelles auprès des personnes inquiétées et les transmettre à Europol.

    Cette réforme de l’agence Frontex montre combien l’intégration européenne se fait désormais en priorité depuis les secteurs de la finance et de la sécurité militaire. La création d’une armée européenne répondant à une doctrine militaire commune, la création de mécanismes fiscaux communs, ou encore le renforcement et l’élargissement des prérogatives de Frontex, sont tous des choix institutionnels qui ont des implications politiques majeures. Dans ce contexte, débattre de la réforme juridique de Frontex, en excluant l’analyse des choix politiques qui préside à cette forme, peut être considéré comme une forme grave d’atteinte au processus démocratique.

    Après avoir vu combien la gouvernementalité logistique produit des logiques de sécurisation et de militarisation, circulant depuis l’université logistique jusqu’à Frontex, nous pouvons désormais tenter de comprendre comment la gouvernementalité logistique produit un type spécifique de cadre théorique, résumé dans la notion de « continuité ». Cette notion est centrale pour comprendre les modes de fonctionnement et les implications politiques de Frontex.
    La « continuité » : Frontex comme cartographie politique et concept théorique

    Deux occurrences de la notion de « continuité » apparaissent dans la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale de la France, parue en 2017 :

    [Les attentats] du 13 novembre [2015], exécutés par des commandos équipés et entraînés, marquent une rupture dans la nature même de [la] menace [terroriste] et justifient la continuité entre les notions de sécurité et de défense.
    [...]
    La continuité entre sécurité intérieure et défense contre les menaces extérieures accroît leur complémentarité. Les liens sont ainsi devenus plus étroits entre l’intervention, la protection et la prévention, à l’extérieur et à l’intérieur du territoire national, tandis que la complémentarité entre la dissuasion et l’ensemble des autres fonctions s’est renforcée.

    La réforme de l’agence Frontex correspond pleinement à l’esprit des orientations définies par la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale. Il s’agit de créer une agence dont les missions sont légitimées par l’impératif de « continuité entre sécurité intérieure et défense contre les menaces extérieures ». Les périmètres et les modalités d’intervention de Frontex sont ainsi tout autant « intérieurs » (au sein des Etats membres de l’Union Européenne), qu’extérieurs (aux frontières et au sein des Etats non-membres), tandis que la « lutte contre l’immigration illégale » (intérieure et extérieure) est présentée comme un des moyens de lutte contre le « terrorisme » et la « criminalité organisée ».

    Des frontières « intérieures » et « extérieures » en « continuité »

    Ainsi, la « continuité » désigne un rapport linéaire et intrinsèque entre la sécurité nationale intérieure et la défense extérieure. Ce lien transforme les fonctions frontalières, qui ne servent plus à séparer un intérieur d’un extérieur, désormais en « continuité ». Les frontières dites « extérieures » sont désormais également « intérieures », à la manière d’un ruban de Moebius. A été largement montré combien les frontières deviennent « épaisses [21] », « zonales [22] », « mobiles [23] », « externalisées [24] », bien plus que linéaires et statiques. L’externalisation des frontières, c’est-à-dire l’extension de leurs fonctions de surveillance au-delà des limites des territoires nationaux classiques, s’ajoute à une indistinction plus radicale encore, qui rend indistincts « intérieur » et un « extérieur ». Selon les analyses de Matthew Longo, il s’agit d’un « système-frontière total » caractérisé par « la continuité entre des lignes [devenues des plus en plus épaisses] et des zones frontalières [qui ressemblent de plus en plus aux périphéries impériales] [25] » (souligné par les auteurs).

    La notion de « continuité » répond au problème politique posé par la mondialisation logistique contemporaine. La création de chaînes globales d’approvisionnement et de nouvelles formes de régulations au service de la souveraineté des entreprises, ont radicalement transformé les fonctions classiques des frontières nationales et la conception politique du territoire national. Pris dans la logistique mondialisée, celui-ci n’est plus imaginé comme un contenant fixe et protecteur, dont il est nécessaire de protéger les bords contre des ennemis extérieurs et au sein duquel des ennemis intérieurs [26] sont à combattre. Le territoire national est pensé en tant que forme « continue », une forme « intérieur-extérieur ». Du point de vue de la logistique, ni la disparition des frontières, ni leur renforcement en tant qu’éléments statiques, n’est souhaitable. C’est en devenant tout à la fois intérieures et extérieures, en créant notamment les possibilités d’une expansion du marché de la surveillance, qu’elles permettent d’optimiser l’efficacité de la chaîne logistique et maximiser les bénéfices qui en découlent.

    Une des conséquences les plus importantes et les plus médiatisées de la transformation contemporaine des frontières est celle des migrations : 65,6 millions de personnes étaient en exil (demandeur.se.s d’asile, réfugié.e.s, déplacé.e.s internes, apatrides) dans le monde en 2016 selon le HCR [27], contre 40 millions à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette augmentation montre combien les frontières n’empêchent pas les mouvements. Au contraire, elles contribuent à les produire, pour notamment les intégrer à une économie très lucrative de la surveillance [28]. La dite « crise migratoire », largement produite par le régime frontalier contemporain, est un effet, parmi d’autres également très graves, de cette transformation des frontières. Évasion fiscale, produits financiers transnationaux, délocalisation industrielle, flux de déchets électroniques et toxiques, prolifération des armes, guerres transfrontalières (cyber-guerre, guerre financière, guerre de drones, frappes aériennes), etc., relèvent tous d’une multiplication accélérée des pratiques produites par la mondialisation contemporaine. Grâce au fonctionnement de l’économie de l’attention, qui caractérise le capitalisme de plateforme, tous ces processus, sont réduits dans le discours médiatisé, comme par magie, au « problème des migrants ». Tout fonctionne comme si les autres effets de cette transformation des frontières, par ailleurs pour certains facteurs de déplacements migratoires, n’existaient pas. S’il y avait une crise, elle serait celle du contrôle de l’attention par les technologies informatiques. Ainsi, la dite « crise migratoire » est plutôt le symptôme de la mise sous silence, de l’exclusion complète de la sphère publique de toutes les autres conséquences des transformations frontalières produites par le capitalisme logistique et militarisé contemporain.

    La réforme de l’agence Frontex en 2016 se situe clairement dans le contexte de cette politique de transformation des frontières et de mise en exergue d’une « crise migratoire », au service du marché de la surveillance, tandis que sont passés sous silence bien d’autres processus globaux à l’œuvre. Frontex, en favorisant des « coopérations internationales » militaires avec des Etats non-membres de l’Union Européenne, travaille à la création de frontières « en continu ». Ainsi les frontières de l’Union Européenne sont non seulement maritimes et terrestres aux « bords » des territoires, mais elles sont aussi rejouées dans le Sahara, au large des côtes atlantiques de l’Afrique de l’Ouest, jusqu’au Soudan [29] ou encore à l’intérieur des territoires européens (multiplication des centres de rétention pour étrangers notamment [30]). Le « projet Euromed Police IV », débuté en 2016 pour une période de quatre ans, financé par l’Union Européenne, dont le chef, Michel Quillé, était invité au colloque grenoblois, s’inscrit également dans le cadre de ces partenariats sécuritaires et logistiques internationaux : « le projet [...] a pour objectif général d’accroître la sécurité des citoyens dans l’aire euro-méditerranéenne en renforçant la coopération sur les questions de sécurité entre les pays partenaires du Sud de la Méditerranée [31] mais aussi entre ces pays et les pays membres de l’Union Européenne [32] ». La rhétorique de la « coopération internationale » cache une réalité toute différente, qui vise à redessiner les pratiques frontalières actuelles, dans le sens de la « continuité » intérieur-extérieur et de l’expansion d’une chaîne logistique sécuritaire.

    « Continuité » et « sécurité », des notions ambivalentes

    En tant qu’appareillage conceptuel, la notion de « continuité » entre espace domestique et espace extérieur, est particulièrement ambivalente. La « continuité » pourrait signifier la nécessité de créer de nouvelles formes de participation transnationale, de partage des ressources ou de solutions collectives. Autrement dit, la « continuité » pourrait être pensée du côté de l’émancipation et d’une critique en actes du capitalisme sécuritaire et militarisé. Mais la « continuité », dans le contexte politique contemporain, signifie bien plutôt coopérer d’un point de vue militaire, se construire à partir de la figure d’ennemis communs, définis comme à fois « chez nous » et « ailleurs ». Frontex, comme mode transnational de mise en relation, relève du choix politique d’une « continuité » militaire. Cette notion est tout à la fois descriptive et prescriptive. Elle désigne la transformation objective des frontières (désormais « épaisses », « zonales », « mobiles »), mais aussi toute une série de pratiques, d’institutions (comme Frontex), de discours, qui matérialisent cette condition métastable. Depuis un registre idéologique, la « continuité » suture le subjectif et l’objectif, la contingence et la nécessité, le politique et la logistique.

    La campagne publicitaire de recrutement pour l’armée de terre française, diffusée en 2016 et créée par l’agence de publicité parisienne Insign, illustre parfaitement la manière dont la notion de « continuité » opère, en particulier le slogan : « je veux repousser mes limites au-delà des frontières ». Le double-sens du terme « repousser », qui signifie autant faire reculer une attaque militaire, que dépasser une limite, est emblématique de toute l’ambivalence de l’idéologie de la « continuité ». Slogan phare de la campagne de recrutement de l’armée de terre, ’je veux repousser mes limites au-delà des frontières’ relève d’une conception néolibérale du sujet, fondée sur les présuppositions d’un individualisme extrême. Là où la militarisation des frontières et la généralisation d’un état de guerre coloniale engage tout un pays (sans pour autant que la distinction entre ennemi et ami soit claire), l’idée de frontière subit une transformation métonymique. Elle devient la priorité absolue de l’individu (selon l’individualisme comme principe sacré du néolibéralisme). La guerre n’est finalement qu’un moyen pour l’individu de se réaliser (tout obstacle relevant du côté de l’ » ennemi »). À la transgression des frontières par le triangle capital-militaire-sécuritaire, se substitue l’image fictive de limites individualisées.

    L’agence Frontex, en plus d’être un dispositif pratique, est aussi prise dans l’idéologie de la « continuité ». L’agence vise principalement à produire des sujets dont les pulsions individuelles se lient, de manière « continue », avec une chaîne logistico-militaire qui vise à « repousser » toute relation sociale et politique vers un espace de « sécurité » silencieux, neutralisé, voire mort. Objectif central des missions de Frontex, la « sécurité » est, tout comme la « continuité », loin d’être un concept clair et transparent. La sécurité dont il est question dans les opérations de Frontex est une modalité de gestion des populations, qui sert à légitimer des états d’exception. La sécurité dans ce cas est faussement celle des personnes. Il s’agit d’une toute autre sécurité, détachée de la question des personnes, qui concerne avant tout les flux de populations et de marchandises, destinée principalement à en garantir la monétisation. La sécurité n’est ainsi pas une fin en soi, en lien avec la liberté ou l’émancipation, mais une opération permettant la capitalisation des populations et des biens. Cette notion fonctionne car précisément elle sème le trouble entre « sécurité des personnes » et « sécurité des flux ». Le type de « sécurité » qui organise les missions de l’agence Frontex est logistique. Son but est de neutraliser les rapports sociaux, en rompant toutes possibilités de dialogues, pour gérer de manière asymétrique et fragmentaire, des flux, considérés à sens unique.

    Concept polyvalent et ambivalent, la « sécurité » devrait être redéfinie depuis un horizon social et servir avant tout les possibilités de créer des liens sociaux de solidarité et de mutualisation d’alternatives. Les partis traditionnels de gauche en Europe ont essayé pendant des décennies de re-socialiser la sécurité, défendant une « Europe sociale ». On peut retrouver dans les causes de l’échec des partis de Gauche en Europe les ferments du couple logistique-sécurité, toujours à l’œuvre aujourd’hui.

    Une des causes les plus signifiantes de cet échec, et ayant des répercussions majeures sur ce que nous décrivons au sujet de Frontex, tient dans l’imaginaire cartographique et historique de l’Europe sociale des partis traditionnels de Gauche. Au début des années 1990, des débats importants eurent lieu entre la Gauche et la Droite chrétienne au sujet de ce que devait être l’Union Européenne. Il en ressortit un certain nombre d’accords et de désaccords. La notion coloniale de « différence civilisationnelle » fit consensus, c’est-à-dire la définition de l’Europe en tant qu’aire civilisationnelle spécifique et différenciée. A partir de ce consensus commun, la Gauche s’écarta de la Droite, en essayant d’associer la notion de « différence civilisationnelle » à un ensemble de valeurs héritées des Lumières, notamment l’égalité et la liberté -sans, par ailleurs, faire trop d’effort pour critiquer l’esclavage ou encore les prédations territoriales, caractéristiques du siècle des Lumières. La transformation de l’universalisme des Lumières en trait de civilisation -autrement dit, concevoir que la philosophie politique universaliste est d’abord « européenne »- s’inscrit dans le registre de la différence coloniale, caractéristique du projet moderne. Le fait de répéter à l’envie que la Démocratie aurait une origine géographique et que ce serait Athènes s’inscrit dans ce projet moderne civilisateur colonial. L’égalité, la liberté, la démocratie s’élaborent depuis des mouvements sociaux, toujours renouvelés et qui visent à se déplacer vers l’autre, vers ce qui paraît étranger. Sans ce mouvement fondamental de déplacement, jamais achevé, qui découvre toujours de nouveaux points d’origine, aucune politique démocratique n’est possible. C’est précisément ce que les partis de Gauche et du Centre en Europe ont progressivement nié. La conception de l’égalité et de la liberté, comme attributs culturels ou civilisationnels, a rendu la Gauche aveugle. En considérant l’Europe, comme un territoire fixe, lieu d’un héritage culturel spécifique, la Gauche n’a pas su analyser les processus de mondialisation logistique et les transformations associées des frontières. Là où le territoire moderne trouvait sa légitimité dans la fixité de ses frontières, la logistique mondialisée a introduit des territorialités mobiles, caractérisées par une disparition progressive entre « intérieur » et « extérieur », au service de l’expansion des chaînes d’approvisionnement et des marchés. Frontex est une des institutions qui contribue au floutage des distinctions entre territoire intérieur et extérieur. Incapables de décoloniser leurs analyses de la frontière, tant d’un point de vue épistémologique, social qu’institutionnel, les partis de Gauche n’ont pas su réagir à l’émergence du cadre conceptuel de la « continuité » entre sécurité intérieure et guerre extérieure. Tant que la Gauche considérera que la frontière est/doit être l’enveloppe d’un territoire fixe, lieu d’une spécificité culturelle ou civilisationnelle, elle ne pourra pas interpréter et transformer l’idéologie de la « continuité », aujourd’hui dominée par la militarisation et la monétisation, vers une continuité sociale, au service des personnes et des relations sociales.

    Sans discours, ni débat public structuré sur ces transformations politiques, les explications se cantonnent à l’argument d’une nécessité logistique, ce qui renforce encore l’idéologie de la « continuité », au service de la surveillance et du capitalisme.

    C’est dans ce contexte que les « entreprises de la connaissance » remplacent désormais l’ancien modèle des universités nationales. Aucun discours public n’est parvenu à contrer la monétisation et la militarisation des connaissances. La continuité à l’œuvre ici est celle de la recherche universitaire et des applications sécuritaires et militaires, qui seraient les conditions de son financement. Le fait que l’université soit gouvernée à la manière d’une chaîne logistique, qu’elle serve des logiques et des intérêts de sécurisation et de militarisation, sont présentées dans les discours dominants comme des nécessités. Ce qui est valorisé, c’est la monétisation de la recherche et sa capacité à circuler, à la manière d’une marchandise capitalisée. La nécessité logistique remplace toute discussion sur les causes politiques de telles transformations. Aucun parti politique, a fortiori de Gauche, n’est capable d’ouvrir le débat sur les causes et les conséquences de la gouvernementalité logistique, qui s’est imposée comme le nouveau mode dominant d’une gouvernementalité militarisée, à la faveur du capitalisme mondialisé. Ces processus circulent entre des mondes a priori fragmentés et rarement mis en lien : l’université, Frontex, l’industrie de l’armement, la sécurité intérieure, la défense extérieure. L’absence de débat sur la légitimité politique de telles décisions est une énième caractéristique de la gouvernementalité logistique.
    Mise sous silence du politique par la rationalité logistique, neutralisation du dissentiment

    Les discours sécuritaires de l’agence Frontex et d’Euromed Police s’accompagnent d’une dissimulation de leurs positionnements politiques. Tout fonctionne depuis des « constats », des « diagnostics ». Ces constats « consensuels » ont été repris par les chercheur.e.s, organisateurs et soutiens du colloque sur Frontex. Les scientifiques, travaillant au sein de l’université logistique et se réunissant pour le colloque à l’IMAG, viennent renforcer les justifications logistiques des actions de Frontex et Euromed Police, en disqualifiant tout débat politique qui permettrait de les interroger.

    Le « constat » d’une « crise migratoire » vécue par l’Union Européenne, qui l’aurait « amené à renforcer les pouvoirs de son agence Frontex », est la première phrase du texte de cadrage du colloque :

    La crise migratoire que vit aujourd’hui l’Union européenne (UE) l’a amenée à renforcer les pouvoirs de son agence Frontex. La réforme adoptée en septembre 2016 ne se limite pas à la reconnaissance de nouvelles prérogatives au profit de Frontex mais consiste également à prévoir les modalités d’intervention d’un nouvel acteur dans la lutte contre l’immigration illégale au sein de l’UE : le corps européen des gardes-frontières et garde-côtes. Cette nouvelle instance a pour objet de permettre l’action en commun de Frontex et des autorités nationales en charge du contrôle des frontières de l’UE, ces deux acteurs ayant la responsabilité partagée de la gestion des frontières extérieures[6].

    Nous souhaitons ici citer, en contre-point, le premier paragraphe d’une lettre écrite quelques jours après les violences policières, par une personne ayant assisté au colloque. Dans ce paragraphe, l’auteur remet directement en cause la dissimulation d’un positionnement politique au nom d’un « constat réaliste et objectif » des « problèmes » auxquels Frontex devraient « s’attaquer » :

    Vous avez décidé d’organiser un colloque sur Frontex, à l’IMAG (Université de Grenoble Alpes), les 22 et 23 mars 2018. Revendiquant une approche juridique, vous affirmez que votre but n’était pas de débattre des politiques migratoires (article du Dauphiné Libéré, 23 mars 2018). C’est un choix. Il est contestable. Il est en effet tout à fait possible de traiter de questions juridiques sans évacuer l’analyse politique, en assumant un point de vue critique. Vous vous retranchez derrière l’argument qu’il n’était pas question de discuter des politiques migratoires. Or, vous présentez les choses avec les mots qu’utilise le pouvoir pour imposer sa vision et justifier ces politiques. Vous parlez de « crise migratoire », de « lutte contre l’immigration illégale », etc. C’est un choix. Il est contestable. Les mots ont un sens, ils véhiculent une façon de voir la réalité. Plutôt que de parler de « crise de l’accueil » et de « criminalisation des exilé.e.s » par le « bras armé de l’UE », vous préférez écrire que « la crise migratoire » a « amené » l’UE à « renforcer les pouvoirs de son agence, Frontex ». Et hop, le tour de magie est joué. Si Frontex doit se renforcer c’est à cause des migrant.e.s. S’il y a des enjeux migratoires, la seule réponse légitime, c’est la répression. Ce raisonnement implicite n’a rien à voir avec des questions juridiques. Il s’agit bien d’une vision politique. C’est la vôtre. Mais permettez-nous de la contester [33].

    « Diagnostiquer » une « crise migratoire » à laquelle il faut répondre, est présenté comme un « choix nécessaire », qui s’inscrit dans un discours sécuritaire mobilisé à deux échelles différentes : (1) « défendre » la « sécurité » des frontières européennes, contre une crise migratoire où les « migrants » sont les ennemis, à la fois extérieurs et intérieurs, et (2) défendre la sécurité de la salle de conférence et de l’université, contre les manifestant.e.s militant.e.s, qui seraient les ennemis du débat « scientifique » (et où le scientifique est pensé comme antonyme du « manifestant.e » et/ou « militant.e »). L’université logistique est ici complice de la disqualification du politique, pour légitimer la nécessité des actions de Frontex.

    Le texte de présentation du colloque invitait ainsi bien plus à partager la construction d’un consensus illusoire autour de concepts fondamentalement ambivalents (crise migratoire, protection, sécurité) qu’à débattre à partir des situations réelles, vécues par des milliers de personnes, souvent au prix de leur vie. Ce consensus est celui de l’existence d’un ’problème objectif de l’immigration » contre lequel l’agence Frontex a été « amené » à « lutter », selon la logique d’une « adhésion aveugle à l’ « objectivité » de la « nécessité historique [34] » et logistique. Or, il est utile de rappeler, avec Jacques Rancière, qu’« il n’y a pas en politique de nécessité objective ni de problèmes objectifs. On a les problèmes politiques qu’on choisit d’avoir, généralement parce qu’on a déjà les réponses. [35] ». Les gouvernements, mais on pourrait dire aussi les chercheur.e.s organisateurs ou soutiens de ce colloque, « ont pris pour politique de renoncer à toute politique autre que de gestion logistique des « conséquences ».

    Les violences policières pendant le colloque « De Frontex à Frontex », sont venues sévèrement réprimer le resurgissement du politique. La répression violente a pour pendant, dans certains cas, la censure. Ainsi, un colloque portant sur l’islamophobie à l’université de Lyon 2 avait été annulé par les autorités de l’université en novembre 2017. Sous la pression orchestrée par une concertation entre associations et presses de droite, les instances universitaires avaient alors justifié cette annulation au motif que « les conditions n’étaient pas réunies pour garantir la sérénité des échanges », autrement dit en raison d’un défaut de « sécurité [36] ». Encore une fois, la situation est surdéterminée par la logistique sécuritaire, qui disqualifie le politique et vise à « fluidifier », « pacifier », autrement dit « neutraliser » les échanges de connaissances, de biens, pour permettre notamment leur monétisation.

    On pourrait arguer que la manifestation ayant eu lieu à Grenoble, réprimée par des violences policières, puisse justifier la nécessité d’annuler des colloques, sur le motif de l’absence de sérénité des échanges. On pourrait également arguer que les manifestant.e.s grenoblois.e.s, se mobilisant contre le colloque sur Frontex, ont joué le rôle de censeurs (faire taire le colloque), censure par ailleurs attaquée dans la situation du colloque sur l’islamophobie.

    Or, renvoyer ces parties dos à dos est irrecevable :

    – d’abord parce que les positions politiques en jeu, entre les opposant.e.s au colloque portant sur l’islamophobie et les manifestant.e.s critiquant Frontex et les conditions du colloque grenoblois, sont profondément antagonistes, les uns nourrissant le racisme et la xénophobie, les autres travaillant à remettre en cause les principes racistes et xénophobes des politiques nationalistes à l’œuvre dans l’Union Européenne. Nous récusons l’idée qu’il y aurait une symétrie entre ces positionnements.

    – Ensuite, parce que les revendications des manifestant.e.s, parues dans un tract publié quelques jours avant le colloque, ne visait ni à son annulation pure et simple, ni à interdire un débat sur Frontex. Le tract, composé de quatre pages, titrait en couverture : « contre la présence à un colloque d’acteurs de la militarisation des frontières », et montrait aussi et surtout combien les conditions du débat étaient neutralisées, par la disqualification du politique.

    Les violences policières réprimant la contestation à Grenoble et l’annulation du colloque sur l’islamophobie, dans des contextes par ailleurs différents, nous semblent constituer les deux faces d’une même médaille : il s’est agi de neutraliser, réprimer ou d’empêcher tout dissentiment, par ailleurs condition nécessaire de l’expression démocratique. La liberté universitaire, invoquée par les organisateurs du colloque et certains intervenants, ne peut consister ni à réprimer par la violence la mésentente, ni à la censurer, mais à élaborer les conditions de possibilité de son expression, pour « supporter les divisions de la société. […] C’est […] le dissentiment qui rend une société vivable. Et la politique, si on ne la réduit pas à la gestion et à la police d’Etat, est précisément l’organisation de ce dissentiment » (Rancière).

    De quelle politique font preuve les universités qui autorisent la répression ou la mise sous silence de mésententes politiques ? Quelles conditions de débat permettent de « supporter les divisions de la société », plutôt que les réprimer ou les censurer ?

    La « liberté universitaire » au service de la mise sous silence du dissentiment

    Les organisateurs du colloque et leurs soutiens ont dénoncé l’appel à manifester, puis l’intrusion dans la salle du colloque, au nom de la liberté universitaire : « cet appel à manifester contre la tenue d’une manifestation scientifique ouverte et publique constitue en soi une atteinte intolérable aux libertés universitaires [37] ». Il est nécessaire de rappeler que le tract n’appelait pas à ce que le colloque n’ait pas lieu, mais plutôt à ce que les représentants de Frontex et d’Euromed Police ne soient pas invités à l’université, en particulier dans le cadre de ce colloque, élaboré depuis un argumentaire où la parole politique était neutralisée. En invitant ces représentants, en tant qu’experts, et en refusant des positionnements politiques clairs et explicites (quels qu’ils soient), quel type de débat pouvait avoir lieu ?

    Plus précisément, est reproché aux manifestant.e.s le fait de n’être pas resté.e.s dans le cadre de l’affrontement légitime, c’est-à-dire l’affrontement verbal, sur une scène autorisée et partagée, celle du colloque. La liberté universitaire est brandie comme un absolu, sans que ne soit prises en compte ses conditions de possibilité. L’inclusion/exclusion de personnes concernées par les problèmes analysés par les chercheur.e.s, ainsi que la définition de ce que signifie « expertise », sont des conditions auxquelles il semble important de porter attention. La notion d’expertise, par exemple, connaît de profonds et récents changements : alors qu’elle a longtemps servi à distinguer les chercheur.e.s, seul.e.s « expert.e.s », des « professionnel.le.s », les « professionnel.le.s » sont désormais de plus en plus reconnu.e.s comme « expert.e.s », y compris en pouvant prétendre à des reconnaissances universitaires institutionnelles telle la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience [38]), allant jusqu’à l’équivalent d’un diplôme de doctorat. Là encore il s’agit d’une panoplie de nouvelles identités créées par la transition vers l’université logistique, et une équivalence de plus en plus institutionalisée entre l’ » expertise » et des formes de rémunération qui passent par les mécanismes d’un marché réglementé. Si des « professionnel.le.s » (non-chercheur.e.s) sont de plus en plus reconnu.e.s comme « expert.e.s » dans le champ académique, l’exclusion des personnes dotées d’autres formes de compétences (par exemple, celles qui travaillent de manière intensive à des questions sociales) est un geste porteur de conséquences extrêmement lourdes et pour la constitution des savoirs et pour la démarche démocratique.

    Pour comprendre comment la « liberté universitaire » opère, il est important de se demander quelles personnes sont qualifiées d’ « expertes », autrement dit quelles personnes sont considérées comme légitimes pour revendiquer l’exercice de la liberté universitaire ou, au contraire, l’opposer à des personnes et des fonctionnements jugés illégitimes. C’est précisément là où l’université logistique devient une machine de normalisation puissante qui exerce un pouvoir considérable sur la formation et la reconnaissance des identités sociales. A notre sens, la liberté universitaire ne peut être conçue comme une liberté à la négative, c’est-à-dire un principe servant à rester sourd à la participation des acteurs issu.e.s de la société civile non-universitaire (parmi les manifestant.e.s, on comptait par ailleurs de nombreux étudiant.e.s), des « expert.e.s » issu.e.s de domaines où elles ne sont pas reconnue.s comme tel.le.s.

    « Scientifique » vs. « militant ». Processus de disqualification du politique.

    Ainsi, dans le cas du colloque « De Frontex à Frontex », la scène légitime du débat ne garantissait pas le principe d’égalité entre celles et ceux qui auraient pu -et auraient dû- y prendre part. Les scientifiques ont été présentés à égalité avec les intervenants membres de Frontex et d’Euromed Police IV, invités en tant que « professionnels [39] », « praticiens [40] » ou encore « garants d’une expertise [41] ». Les experts « scientifiques » et les « professionnels » ont été définis en opposition à la figure de « militant.e.s » (dont certain.e.s étaient par ailleurs étudiant.e.s), puis aux manifestant.e.s, assimilé.e.s, après l’intrusion dans la salle du colloque, à des délinquant.e.s, dans une figure dépolitisée du « délinquant ». Si les co-organisateurs ont déploré, après le colloque, que des « contacts noués à l’initiative des organisateurs et de certains intervenants [42] » avec des organisations contestataires soient restés « sans succès », il est important de rappeler que ces contacts ont visé à opposer « colloque scientifique » et « colloque militant », c’est-à-dire un cadre antagoniste rendant le dialogue impossible. Là où le colloque censuré sur l’islamophobie entendait promouvoir l’« articulation entre le militantisme pour les droits humains et la réflexion universitaire [pour] montrer que les phénomènes qui préoccupent la société font écho à l’intérêt porté par l’université aux problématiques sociales, [ainsi que pour montrer qu’] il n’existe pas de cloisonnement hermétique entre ces deux mondes qui au contraire se complètent pour la construction d’une collectivité responsable et citoyenne [43] », les organisateurs du colloque grenoblois ont défendu la conception d’un colloque « scientifique », où le scientifique s’oppose à l’affirmation et la discussion de positions politiques - et ceci dans un contexte hautement politisé.

    Par ailleurs, la liberté universitaire ne peut pas servir de légitimation à l’usage de la force, pour réprimer des manifestant.e.s dont la parole a été disqualifiée et neutralisée avant même le colloque et par les cadres du colloque (dépolitisation, sécurisation). Le passage à l’acte de l’intrusion, pendant une des pauses de l’événement, a servi de moyen pour rappeler aux organisateurs et participant.e.s du colloque, les conditions de possibilité très problématiques à partir desquelles celui-ci avait été organisé, et notamment le processus préalable de neutralisation de la parole des acteurs fortement impliqués mais, de fait, exclus du champ concerné.

    Il ne suffit pas ainsi que des universitaires critiques des actions de Frontex aient été –effectivement- invité.e.s au colloque, en parallèle de « praticiens » de Frontex et Euromed Police, présentés comme des experts-gestionnaires, pour qu’un débat émerge. Encore aurait-il fallu que les termes du débat soient exposés, hors du « réalisme consensuel [44] » entre identités hautement normalisées et logistique qui caractérise le texte d’invitation. Débattre de Frontex, c’est d’abord lutter contre les « illusions du réalisme gestionnaire [45] » et logistique, mais aussi des illusions d’une analyse qui parviendrait à rester uniquement disciplinaire (ici la discipline juridique), pour affirmer que ses actions relèvent de choix politiques (et non seulement de nécessités logistiques et sécuritaires).

    Il est urgent que la liberté universitaire puisse servir des débats où les positionnements politiques soient explicitement exposés, ce qui permettrait l’expression précisément du dissentiment politique. Le dissentiment, plutôt qu’il soit neutralisé, censuré, réprimé, pourrait être entendu et valorisé (le dissentiment indique une orientation pour débattre précisément). La liberté universitaire serait celle aussi où les débats, partant d’un principe d’ » égalité des intelligences [46] », puissent s’ouvrir aux étudiant.e.s, à la société civile non-universitaire (société qui ne saurait pas s’identifier de manière directe et exhaustive avec le marché du travail réglementé), et aux personnes directement concernées par les problèmes étudiés. À la veille des changements historiques dans le marché de travail dûs aux technologies nouvelles, organiser le dissentiment revient ainsi à lutter contre le détournement de l’« expertise » à des fins autoritaires et contre la dépolitisation de l’espace universitaire au nom de la logistique sécuritaire. Il s’agit de rendre possible la confrontation de positions différentes au sein de bouleversements inédits sans perdre ni la démarche démocratique ni la constitution de nouveaux savoirs au service de la société toute entière.

    Pour ce faire, il est nécessaire de rompre avec l’idée de l’existence a priori d’une langue commune. La langue présupposée commune dans le cadre du colloque Frontex a été complètement naturalisée, comme nous l’avons montré notamment dans l’emploi consensuel de l’expression « crise migratoire ». Rendre possible le dissensus revient à dénaturaliser « la langue ». Dans le contexte de la « continuité » intérieur-extérieur et de la transformation des fonctions frontalières, il est important de rappeler que le processus démocratique et les pratiques du dissentiment ne peuvent plus s’appuyer sur l’existence d’une langue nationale standardisée, naturalisée, comme condition préalable. De nouvelles modalités d’adresse doivent être inventées. Il nous faudrait, donc, une politique de la différence linguistique qui prendrait son point de départ dans la traduction, comme opération linguistique première. Ainsi, il s’agit de renoncer à une langue unique et de renoncer à l’image de deux espaces opposés -un intérieur, un extérieur- à relier (de la même manière que la traduction n’est pas un pont qui relie deux bords opposés). Il est nécessaire de réoccuper la relation d’indistinction entre intérieur et extérieur, actuellement surdéterminé par le sécuritaire et le militaire, pour créer des liens de coopération, de partages de ressources, de mutualisation. Parler, c’est traduire, et traduire, ce n’est pas en premier lieu un transfert, mais la création de subjectivités. Le dissentiment n’est pas pré-déterminé, ni par une langue commune, ni par des sujets cohérents qui lui pré-existeraient (et qui tiendraient des positions déjà définies prêtes à s’affronter). Il est indéterminé. Il se négocie, se traduit, s’élabore dans des relations, à partir desquelles se créent des subjectivités. Le dissentiment s’élabore aussi avec soi-même. Ne pas (se) comprendre devient ce qui lie, ce qui crée la valeur de la relation, ce qui ouvre des potentialités.

    Le colloque « De Frontex à Frontex » a constitué un site privilégié à partir duquel observer les manières dont la gouvernementalité logistique opère, animée par des experts qui tentent de neutraliser et militariser les conflits sociaux, et qui exercent un strict contrôle sur les conditions d’accès à la parole publique. Nous avons tenté de montrer des effets de « continuité » entre gouvernementalité logistique et coloniale, en lien avec des logiques de sécurisation et de militarisation, tant dans le domaine de la production des connaissances à l’université que dans celui du gouvernement des populations. Tous ces éléments sont intrinsèquement liés. Il n’y a donc pas de frontière, mais bien une continuité, entre l’université logistique, la sécurité intérieure, l’agence Frontex et les guerres dites de défense extérieure. Les frontières étatiques elles-mêmes, ne séparent plus, mais créent les conditions d’une surveillance continue (presqu’en temps réel, à la manière des suivis de marchandises), au-delà de la distinction entre intérieur et extérieur.

    Les violences policières ayant eu lieu dans la salle du colloque « De Frontex à Frontex » nous amènent à penser que requalifier le dissentiment politique dans le contexte de la rationalité logistique est aujourd’hui dangereux ; faire entendre le dissentiment, le rendre possible, c’est s’exposer potentiellement ou réellement à la répression. Mais plutôt que d’avoir peur, nous choisissons de persister. Penser les conditions d’énonciation du dissentiment et continuer à tenter de l’organiser est une nécessité majeure.

    Jon Solomon, professeur, Université Jean Moulin Lyon 3, Sarah Mekdjian, maîtresse de conférences, Université Grenoble Alpes

    [1] Le CESICE : Centre d’Etudes sur la Sécurité Internationale et les Coopérations Européennes et le CRJ : Centre de Recherches Juridiques de Grenoble.

    [2] voir l’argumentaire du colloque ici : https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [3] RUSF, Union départementale CNT 38, CLAGI, CISEM, CIIP, Collectif Hébergement Logement

    [4] Voir le tract ici : https://cric-grenoble.info/infos-locales/article/brisons-les-frontieres-a-bas-frontex-405

    [5] http://www.liberation.fr/france/2018/04/05/grenoble-un-batiment-de-la-fac-bloque_1641355

    [6] Les area studies, qui correspondent plus ou moins en français aux « études régionales », reposent sur la notion d’ « aire », telle que l’on trouve ce terme dans l’expression « aire de civilisation ». Comme le montre Jon Solomon, les « aires », constructions héritées de la modernité coloniale et impériale, se fondent sur la notion de « différence anthropologique », pour classer, hiérarchiser le savoir et la société. La géographie a participé et participe encore à la construction de cette taxinomie héritée de la modernité impériale et coloniale, en territorialisant ces « aires” dites « culturelles » ou de « civilisation ».

    [7] Voir la description de l’IMAG sur son site internet : « Le bâtiment IMAG a pour stratégie de concentrer les moyens et les compétences pour créer une masse critique (800 enseignants-chercheurs, chercheurs et doctorants), augmenter les synergies et garantir à Grenoble une visibilité à l’échelle mondiale. L’activité recherche au sein de ce bâtiment permettra également d’amplifier fortement les coopérations entre les acteurs locaux qui prennent déjà place dans l’Institut Carnot grenoblois ’logiciels et systèmes intelligents’ et dans le pôle de compétitivité Minalogic pour atteindre le stade de la recherche intégrative. [...] Nous voulons construire un accélérateur d’innovations capable de faciliter le transfert des recherches en laboratoire vers l’industrie”, https://batiment.imag.fr

    [8] Le laboratoire Verimag indique ainsi sur son site internet travailler, par exemple, en partenariat avec l’entreprise MBDA, le leader mondial des missiles. Voir : http://www-verimag.imag.fr/MBDA.html?lang=en

    [9] « Quelques minutes avant l’incident, Romain Tinière, professeur de droit à l’Université et membre de l’organisation du colloque, faisait le point : « L’objet du colloque n’est pas sur la politique migratoire de l’Union européenne. On aborde Frontex sous la forme du droit. On parle de l’aspect juridique avec les personnes qui le connaissent, notamment avec Frontexit. Pour lui, le rassemblement extérieur portait atteinte à « la liberté d’expression » », Dauphiné Libéré du 23 mars 2018.

    [10] Texte de présentation du colloque, https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [11] https://brianholmes.wordpress.com/2007/02/26/disconnecting-the-dots-of-the-research-triangle

    [12] Cowen Deborah, The Deadly Life of Logistics-Mapping Violence in Global Trade, Minneapolis, London, University of Minnesota Press, 2014.

    [13] « En tant que juristes, nous avons logiquement choisi une approche juridique et réunis les spécialistes qui nous paraissaient en mesure d’apporter des regards intéressants et différents sur les raisons de la réforme de cette agence, son fonctionnement et les conséquences de son action, incluant certains des collègues parmi les plus critiques en France sur l’action de Frontex » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018), disponible ici : https://lunti.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex.

    [14] Voir le texte de présentation du colloque, https://cesice.univ-grenoble-alpes.fr/actualites/2018-01-19/frontex-frontex-vers-l-emergence-d-service-europeen-garde

    [15] Ibid.

    [16] Lors de son discours aux armées le 13 juillet 2017, à l’Hôtel de Brienne, le président Emmanuel Macron a annoncé que le budget des Armées serait augmenté dès 2018 afin d’engager une évolution permettant d’atteindre l’objectif d’un effort de défense s’élevant à 2 % du PIB en 2025. « Dès 2018 nous entamerons (une hausse) » du budget des Armées de « 34,2 milliards d’euros », expliquait ainsi Emmanuel Macron.

    [17] https://www.defense.gouv.fr/content/download/523152/8769295/file/LPM%202019-2025%20-%20Synth%C3%A8se.pdf

    [18] Voir le texte de présentation de Frontex sur le site de l’agence : https://frontex.europa.eu/about-frontex/mission-tasks

    [19] Ibid.

    [20] « Le règlement adopté le 14 septembre 2016 « transforme celle qui [était] chargée de la « gestion intégrée des frontières extérieures de l’Union » en « Agence européenne de garde-côtes et de garde-frontières’. Cette mutation faite de continuités met en lumière la prédominance de la logique de surveillance sur la vocation opérationnelle de Frontex. [...]’. La réforme de Frontex a aussi consisté en de nouvelles dotations financières et matérielles pour la création d’un corps de gardes-frontières dédié : le budget de Frontex, de 238,69 millions d’euros pour 2016, est prévu pour atteindre 322,23 millions d’euros à l’horizon 2020. ’Cette montée en puissance est assortie d’un cofinancement par les États membres de l’espace Schengen établi à 77,4 millions d’euros sur la période 2017-2020’, auxquels il faut ajouter 87 millions d’euros pour la période 2017-2020 ajoutés par l’Union Européenne, répartis comme suit : - 67 millions d’euros pour financer la prestation de services d’aéronefs télépilotés (RPAS ou drones) aux fins de surveillance aérienne des frontières maritimes extérieures de l’Union ; - 14 millions d’euros dédiés à l’achat de données AIS par satellite. Ces données permettent notamment de suivre les navires. Elles pourront être transmises aux autorités nationales.

    [21] Longo Matthew, The Politics of Borders Sovereignty, Security, and the Citizen after 9/11”, Cambridge, Cambridge University Press, 2017

    [22] Ibid.

    [23] Amilhat Szary, Giraut dir., Borderities and the Politics of Contemporary Mobile Borders, Palgrave McMillan, 2015

    [24] Voir : http://www.migreurop.org/article974.html

    [25] Longo Matthew, The Politics of Borders Sovereignty, Security, and the Citizen after 9/11”, Cambridge, Cambridge University Press, 2017, p. 3

    [26] Voir sur la notion d’ennemi intérieur, l’ouvrage de Mathieu Rigouste, L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, Paris, La Découverte, 2009.

    [27] Voir le rapport global 2016 du HCR –Haut Commissariat aux Réfugiés- : http://www.unhcr.org/the-global-report.html

    [28] Voir à ce sujet l’ouvrage de Claire Rodier, Xénophobie business, Paris, La Découverte, 2012.

    [29] Voir notamment : https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2017/10/Externalisation-UE-Soudan.pdf

    [30] Voir notamment http://closethecamps.org ou encore http://www.migreurop.org/article2746.html

    [31] « Les pays partenaires du projet sont la République Algérienne Démocratique et Populaire, la République Arabe d’Egypte, Israël, le Royaume de Jordanie, le Liban, la Lybie, la République Arabe Syrienne, le Royaume du Maroc, l’Autorité Palestinienne et la République de Tunisie », https://www.euromed-police.eu/fr/presentation

    [32] https://www.euromed-police.eu/fr/presentation

    [33] Extrait de la « lettre ouverte aux organisateurs du colloque ‘De Frontex à Frontex’ » disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [34] Rancière Jacques, Moments politiques, Interventions 1977-2009, Paris, La Fabrique éditions.

    [35] Ibid.

    [36] Voir : https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression?ongle

    https://www.mediapart.fr/journal/fr...

    [37] Voir la lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, diffusée le 27 mars 2018, et disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [38] Voir par exemple pour l’Université Grenoble Alpes : https://www.univ-grenoble-alpes.fr/fr/grandes-missions/formation/formation-continue-et-alternance/formations-diplomantes/validation-des-acquis-de-l-experience-vae--34003.kjsp

    [39] « Le colloque a été organisé « en mêlant des intervenants venant à la fois du milieu académique et du milieu professionnel pour essayer de croiser les analyses et avoir une vision la plus complète possible des enjeux de cette réforme sur l’Union » (texte de présentation du colloque).

    [40] « En tant que juristes, nous avons logiquement choisi une approche juridique et réunis les spécialistes qui nous paraissaient en mesure d’apporter des regards intéressants et différents sur les raisons de la réforme de cette agence, son fonctionnement et les conséquences de son action, incluant certains des collègues parmi les plus critiques en France sur l’action de Frontex. Pour ce faire, il nous a paru essentiel de ne pas nous cantonner à l’approche universitaire mais d’inclure également le regard de praticiens » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex).

    [41] « Certaines personnes [ont été] invitées à apporter leur expertise sur le thème du colloque » (lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex).

    [42] Voir la lettre de « mise au point des organisateurs » du colloque, 27 mars 2018, disponible ici : https://lundi.am/Lettre-ouverte-aux-organisateurs-du-colloque-de-Frontex-a-Frontex

    [43] Voir : https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression?ongle

    https://www.mediapart.fr/journal/fr...

    [44] Rancière Jacques, Moments politiques, Interventions 1977-2009, Paris, La Fabrique éditions.

    [45] Ibid.

    [46] Ibid.

    https://lundi.am/De-Frontex-a-Frontex-a-propos-de-la-continuite-entre-l-universite-logistique-e

    –-> Article co-écrit par ma collègue et amie #Sarah_Mekdjian

    #colloque #UGA #Université_Grenoble_Alpes #violences_policières #sécurisation #militarisation #complexe_militaro-industriel #surveillance_des_frontières #frontières #IMAG #Institut_de_Mathématiques_Appliquées_de_Grenoble #transferts_de_connaissance #transferts_technologiques #gouvernementalité_logistique #efficacité #logistique #industrie_de_l'armement #dépolitisation #De_Frontex_à_Frontex

  • Pourquoi il faudrait raser les écoles de commerce par #Martin_Parker - 27 avril 2018 - © The Guardia https://www.theguardian.com/news/2018/apr/27/bulldoze-the-business-school?CMP=share_btn_tw
    Un article du Guardian. Merci à Frédéric Durand pour la traduction !
    https://www.pauljorion.com/blog/2018/05/07/pourquoi-il-faudrait-raser-les-ecoles-de-commerce-par-martin-parker

    Il existe 13.000 écoles de commerce dans le monde, c’est 13.000 de trop. Je sais de quoi je parle puisque j’ai enseigné dans ces écoles pendant 20 ans.

    Si vous vous rendez sur le campus d’une #université ordinaire il y a des chances que le bâtiment le plus récent et le plus tape à l’œil soit l’#école-de-commerce. C’est elle qui occupe le meilleur bâtiment parce qu’elle dégage les plus gros profits (par euphémisme « contribution » ou « surplus ») ce qui n’est pas surprenant de la part d’une forme de savoir qui enseigne à réaliser des bénéfices.

    Les écoles de commerces exercent une grande influence mais elles sont aussi considérées par beaucoup comme étant des lieux où la #supercherie intellectuelle règne, encourageant la culture du court-termisme et la #cupidité. (On trouve un tas de blague sur la réelle signification de Maîtrise en administration des entreprises-MBA en anglais- : « #Médiocre et #arrogant », Maitrise et accidents », « Mauvais avis et #duperies », « Maîtrise en #art_foireux » et ainsi de suite. Les critiques des écoles de commerces, sous toutes ses formes, ne manquent pas : les employeurs déplorent le manque d’expérience des diplômés, les conservateurs raillent les #arrivistes, les européens se plaignent de l’américanisation, les radicaux protestent contre la concentration du pouvoir entre les mains des tenants du capitalisme de meute. Beaucoup depuis 2008 ont avancé l’idée selon laquelle les écoles de commerces sont responsables dans l’avènement de la crise.

    Pour avoir enseigné pendant 20 ans dans les écoles de commerce j’en suis venu à la conclusion que la meilleure solution pour faire face à ces problèmes consiste à fermer définitivement ces écoles, une position peu répandue parmi mes collègues. Toutefois depuis ces dix dernières années il est remarquable de constater que la masse de critiques formulées à l’encontre des écoles de commerces proviennent de ces écoles mêmes. De nombreux professeurs des écoles de commerce, notamment en Amérique du Nord, affirment que leurs établissements se sont terriblement détournée du droit chemin. Selon eux les écoles de commerce sont corrompues par les #doyens guidés par l’argent, les #professeurs qui se plient aux attentes des clients, des chercheurs qui débitent des #poncifs dans des revues que personne ne lit et des étudiants qui espèrent obtenir un diplôme à la hauteur de leur investissement (ou plutôt celui de leurs parents). A la fin des fins la plupart des diplômés de toute manière ne deviendront pas des cadres de haut niveau mais occuperons des postes #précaires de petits soldats travaillant dans des boxes à l’intérieur d’une tour aseptisée.

    Ces critiques ne proviennent pas de professeurs de sociologie, de responsables politiques ou même d’activistes anticapitalistes indignés mais de livres écrits par des gens bien informés, des employés d’école de commerce qui eux même ressentent un malaise voire du dégout par rapport à ce qu’ils font. Bien sur ces vues divergentes appartiennent à une minorité. La plupart des écoles de commerce restent complètement indifférentes aux manifestations de doutes, les acteurs étant trop occupés à huiler les rouages pour s’inquiéter de la direction que prend la locomotive. Malgré tout la critique interne résonne de manière importante.

    Le problème c’est que cette contestation des initiés est tellement institutionnalisée dans l’épais velours des couloirs qu’elle passe désormais inaperçue comme simple contrepoint au « #business as usual ». Certains par le truchement de livres ou de journaux font carrière en déplorant vigoureusement les problèmes liés aux écoles de commerce. Deux personnes appartenant au milieu ont décrit l’école de commerce comme « une machine cancérigène produisant des #déchets inutiles et toxiques ». Même des titres tels que : Contre le management, #Management-de-merde et Le guide des salauds #cupides pour les affaires, ne semblent pas exposer leurs auteurs à quelque problème que ce soit. J’en sais quelque chose puisque je suis l’auteur des deux premiers. Franchement qu’on m’ait laissé écrire cela en toute impunité en dit long sur la totale innocuité de ce genre de critiques. En vérité c’est gratifiant car le fait de publier est plus important que ce qui est publié.

    Dans la réponse aux problèmes posées par les écoles de commerce on évite d’avoir recours à des restructurations radicales pour leur préférer un retour à de prétendues pratiques commerciales plus traditionnelles ou alors à une forme de réarmement moral enjolivé de termes comme « #responsabilité » ou « #éthique ». Toutes ces idées n’abordent pas le vrai problème à savoir que les écoles de commerce n’enseignent qu’une forme d’organisation : l’encadrement gestionnaire du marché.

    C’est pourquoi je pense que l’on devrait en appeler aux bulldozers et exiger une toute autre manière de penser le management, les affaires et les marchés. Si nous voulons que les gens du pouvoir deviennent plus responsables alors nous devons arrêter d’apprendre aux étudiants que les dirigeant héroïques dédiés aux œuvres de la transformation sont la réponse à tous les problèmes ou que le but de connaître la #fiscalité est d’échapper à l’impôts ou que la visée de la #stratégie_commerciale est de créer des nouveaux désirs Dans tous les cas l’école de commerce agit par la #propagande en vendant une #idéologie sous les habits de la #science.

    Les universités existent depuis un millénaire mais la grande majorité des écoles de commerce n’est apparue qu’au siècle précédent de commerce. En dépit de la vive et persistante affirmation qu’elles ont été inventé par les Etats-Unis il semble que la première fut L’Ecole Supérieure de Commerce créée en 1819 afin de tenter de façonner une grande école commerciale financée par des fonds privés. Un siècle plus tard des centaines d’écoles de commerces ont émergé dans toute l’Europe et les Etats-Unis pour se répandre rapidement partout ailleurs à partir de 1950.

    En 2011 « Association to Advance Collegiate Schools of Business » estimait à 13000 le nombre d’écoles de commerce dans le monde. L’#Inde à elle seule compterait 3000 écoles de commerces privées. Arrêtons-nous un moment pour se pencher sur ce chiffre. Imaginez le nombre considérable de personnes employées par ces établissements, l’armée de jeunes qui en sortent avec un diplôme en commerce, des sommes gigantesques qui circulent au nom de l’enseignement du monde des affaires. (En 2013, les vingt meilleures écoles de commerce coûtaient an moins 100 000$ (80 000€). En ce moment la #London_Business_School fait campagne en proposant une inscription à 84 5000£ (96 000€) pour son #MBA Pas étonnant dans ces conditions que la tendance continue à gagner du terrain.

    La plupart des écoles de commerces adopte des formes identiques. L’#architecture est moderne sans originalité composée de verre, de panneaux et de briques. A l’extérieur on trouve un affichage dispendieux présentant un #logo anodin, il y a des chances qu’il soit bleu et qu’il comporte un carré. Les portes sont automatiques, à l’intérieur on trouve une réceptionniste bien mise dans un code habit de bureau. Quelques créations d’art abstrait sont accrochées aux murs et il y a un bandeau comportant un ou deux slogans au contenu prometteur “We mean business”, “Teaching and Research for Impact.” On trouvera quelque part au-dessus du hall d’entrée un grand écran diffusant un téléscripteur #Bloomberg, la promotion de conférenciers de passage et des discussions sur la manière de bien formuler son #CV. Des dépliants publicitaires en papier glacé sont à disposition sur des présentoirs, on y voit sur la couverture toutes sorte de visages innocents d’étudiants. Shiny marketing leaflets sit in dispensing racks, with images of a diverse tableau of open-faced students on the cover. Sur les prospectus on trouve la liste des diplômes : MBA, MSc Management, MSc Accounting, MSc Management and Accounting, MSc Marketing, MSc International Business, MSc Operations Management.

    On y trouvera une somptueuse salle de conférence à la moquette épaisse, qui tirera peut-être son nom d’une société ou de donateurs privés. De fait on retrouve empreinte du logo imprimé presque partout comme quelqu’un qui marquerait de son nom ses affaires de peur qu’elles soient volées. Contrairement aux bâtiments défraichis des autres parties de l’université l’école de commerce s’efforce de donner une image d’efficacité et de confiance. L’école de commerce sait ce qu’elle fait et son visage bien poli est fermement tournée vers le futur plein de promesse. Il lui importe de savoir ce que les gens pensent d’elle.

    Même si la réalité n’est pas toujours aussi reluisante, un toit qui fuit des toilettes bloquées, c’est ce que les doyens aiment à penser à quoi ressemble leur école ou telle qu’ils voudraient qu’elle soit. Une rutilante machine qui transforme l’argent des étudiants en bénéfices.

    Mais qu’enseignent réellement les écoles de commerce ? C’est une question plus compliquée qu’il n’y parait. On a beaucoup écrit sur la façon dont « un programme dissimulée » serait dispensé aux étudiants de manière implicite. A partir des années 70 les chercheurs ont étudié la manière dont les catégories comme la classe sociale, le genre, les origines ethniques, la sexualité et d’autres encore étaient enseignées implicitement dans les salles de classes. Cela peut se traduire par la différenciation des étudiants comme mettre les #filles à l’économie domestique et les garçons à la métallurgie d’où découle par la suite une #norme qui’ s’impose aux différents groupes de la population. Ce programme dissimulé peut être aussi dispensé par d’autres manières, par la façon d’enseigner et d’évaluer ou par le contenu même du programme. Il nous dit également ce qui importe, quelles sont les #personnalités importantes, quels sont les lieux les plus influents et quels sont les sujets qui peuvent être écartés.

    Il y a eu de nombreux travaux sur ces sujets dans beaucoup de pays. La documentation est désormais très répandue sur l’histoire des noirs, la place de la femme dans le monde scientifique ou de la chanson populaire et la poésie. Cela ne signifie pas que le programme dissimulé ne pose plus de problème mais qu’au moins dans les systèmes d’éducation les plus progressistes il est communément admis qu’il existe un récit, un groupe d’acteurs, une manière de raconter l’histoire.

    Mais dans les écoles de commerce le programme implicite et explicite ne font qu’un. Le contenu et la forme des enseignements sont telles qu’ils riment avec la #pensée qui tient pour acquis que les vertus de l’encadrement du marché capitaliste représentent la seule vision du monde possible.

    Si l’on enseigne à nos étudiants que le caractère prédateur du #capitalisme est incontournable il ne faut pas s’étonner que l’on finisse par justifier les #salaires démesurés de ceux qui prennent des risques importants avec l’argent des autres. Si l’on enseigne que seul le résultat compte alors des notions comme la viabilité, la #diversité, la responsabilité et autres ne deviennent plus que de simples ornements. Le message souvent dispensé par la recherche en management et l’enseignement sous-tend que le capitalisme soit incontournable et que les techniques financières et légales qui dirigent le capitalisme fassent parties d’une science. Cette conjonction d’idéologie et de technocratie explique le fait que l’école de commerce soit devenue une institution si efficace et dangereuse.

    On peut analyser son fonctionnement en s’intéressant de près à son programme et la façon dont il est enseigné. Prenons la finance par exemple, ce champ qui s’intéresse à la manière dont les gens qui ont du capital investissent leur argent. Elle repose sur le principe que les détenteurs d’argent ou de capitaux peuvent être utilisés comme garantie et suppose donc des différences importantes de revenus ou de richesses. Plus les #inégalités sont importantes dans un pays donné plus les #opportunités s’ouvrent pour la finance comme pour le marché de luxe des yachts. Les universitaires enseignant la finance considèrent que le retour sur le capital (sans se soucier de son acquisition) est une activité légitime et même louable au point d’aduler les investisseurs pour leurs compétences techniques et succès. La forme de ce savoir consiste à maximiser la #rente d’un capital, le plus souvent en développant les mathématiques ou des mécanismes légaux qui permettent de le multiplier. Les stratégies performantes en finances sont celles qui fournissent un retour maximal sur investissement en un temps le plus court, et qui du même coup aggrave d’autant plus les inégalités qui les rendaient au préalable possibles.

    Ou penchons-nous sur le management des #ressources_humains. Ce champ met en mouvement les théories de l’égoïsme rationnel- c’est-à-dire en gros l’idée selon laquelle les hommes agissent en fonction de calculs rationnels qui maximiseront leurs propres intérêts- pour l’appliquer à l’organisation des êtres humains. Le nom de ce champ est en lui-même révélateur en ce sens qu’il laisse entendre que les êtres humains sont semblables à des ressources technologiques ou financières dans la mesure où ils sont utilisés en tant que paramètre par le mangement dans le but de produire une organisation efficace. Malgré l’utilisation du mot humain, les ressources humaines font très peu de cas de ce que signifie être humain. Son intérêt se fixe sur les catégories comme les femmes, les minorités ethniques, les employés qui n’atteignent pas les objectifs, et leur rapport avec le fonctionnement de l’organisation. Cela rentre souvent dans les attributions des écoles de commerces que de s’intéresser aux formes d’organisations, incarnées habituellement par les syndicats, qui s’opposent aux stratégies du management. Et s’il était nécessaire de le rappeler le management des ressources humaines n’est pas du côté des syndicats, ce serait être partisan. Sa fonction, sous sa manifestation la plus ambitieuse, cherche à être stratégique dans le but d’aider les responsables du management à l’élaboration de l’ouverture d’une usine ici ou de la fermeture d’un bureau là.

    On pourrait appliquer la même analyse sur les autres modules d’enseignement que l’on trouve dans la plupart des écoles de commerce, la comptabilité, la mercatique, le commerce international, l’#innovation, la #logistique. Mais je finirai par l’éthique dans les affaires et la responsabilité social de l’entreprise, ce sont pratiquement les seuls domaines dans lesquels s’est développé une critique constante des conséquences de l’enseignement du management et de ses pratiques. Ces domaines se targuent d’être la mouche du coche des écoles de commerce et insistent sur la nécessité à réformer les formes dominantes de l’enseignement et de la recherche. Les griefs qui motivent les écrits et les enseignements de ces spécialités sont prévisibles mais n’en demeurent pas moins importantes, il s’agit du développement durable, les inégalités, la fabrique d’étudiants à qui l’on enseigne que la cupidité est bénéfique.

    Le problème c’est que l’éthique des affaires et la responsabilité sont des sujets de façades pour la promotion des écoles de commerce semblable à une feuille de figuier qui recouvrerait la conscience du doyen de l’école de commerce, comme si évoquer l’éthique et la responsabilité équivalait à agir. Ils ne s’attaquent pratiquement jamais à la simple idée que si les relations économiques et sociales actuelles produisent les problèmes qui sont traités par les cours d’éthique et de responsabilités sociale des entreprises alors ce sont ces mêmes relations sociales et économiques qui doivent être changées.

    Vous pourriez penser que chacune de ces spécialités d’enseignement et de recherche sont en elles même inoffensives et qu’ensemble ils ne font que traiter des différents aspects du monde des affaires, de l’argent, de la population, de la technologie, du transport, de la vente et ainsi de suite. Mais il est indispensable d’exposer les présupposés partagés par chacun des sujets étudiés en école de commerce.

    Tous ces champs partagent d’abord l’idée profondément ancrée que les formes managériales du marché qui organisent l’ordre sociale sont requises. L’accélération de commerce mondialisé, l’utilisation des mécanismes de marché et des techniques managériales, le développement des technologies comme dans la comptabilité, la finances et son fonctionnement ne sont jamais remis en cause. Il s’agit du récit progressif du monde moderne fondé sur la promesse technologique, le choix, l’opulence et la richesse.

    Au sein de l’école de commerce, le capitalisme est considéré comme marquant la fin de l’histoire, un modèle économique qui a pris le pas sur tous les autres, et qui est maintenant enseigné en tant que science, plutôt que comme une idéologie.

    La seconde est l’hypothèse selon laquelle le comportement humain, des employés, des clients, des gestionnaires et ainsi de suite, est mieux compris si nous considérons que nous sommes tous des égoïstes rationnels. Cela fournit un ensemble d’hypothèses de base qui permettent de développer des modèles qui conçoivent la façon dont les êtres humains pourraient être dirigés dans l’intérêt de l’organisation de l’entreprise. Motiver les employés, corriger les défaillances du marché, concevoir des systèmes de gestion allégée ou persuader les consommateurs de dépenser de l’argent sont tous des cas qui font partie de la même problématique. L’intérêt majeur réside ici pour celui qui cherche le contrôle, et ceux qui sont objets de cet intérêt, deviennent alors des personnes qui peuvent être manipulées.

    La dernière similitude que je voudrais souligner concerne la nature des connaissances produites et diffusées par l’école de commerce elle-même. Parce qu’il emprunte la robe et le mortier de l’université, et qu’il cache ses connaissances dans l’attirail de la science – revues, professeurs, jargon – il est relativement facile d’imaginer que le savoir prôné par l’école de commerce et la façon dont elle le vend apparaît en quelque sorte moins vulgaire et stupide qu’il ne l’est réellement

    Pour résumer simplement ce qui précède, et qui permettrait à la plupart des gens de comprendre ce qui se passe à l’école de commerce, c’est de les appréhender comme des lieux qui enseignent les méthodes pour prendre de l’argent aux gens ordinaires et de le s’approprier. Dans un certain sens, c’est une description du capitalisme, mais il y a aussi le sentiment que les écoles de commerce enseignent que « l’avidité est bonne ». Comme Joel M Podolny, ancien doyen de la Yale School of Management, a pu déclarer un jour : « La façon dont les écoles de commerce sont aujourd’hui en concurrence amène les étudiants à se demander : » Que puis-je faire pour gagner le plus d’argent ? et la forme de l’enseignement prodigué par les professeurs conduit les étudiants à ne considérer qu’après coup les conséquences morales de leurs actions.

    Cette image est, dans une certaine mesure, étayée par la #recherche, bien qu’une partie soit d’une qualité douteuse. Il existe diverses enquêtes auprès des étudiants des écoles de commerce qui suggèrent qu’ils ont une approche instrumentale de l’éducation, c’est-à-dire qu’ils veulent ce que le marketing et le #branding leur disent qu’ils veulent. En ce qui concerne les cours, ils attendent de l’enseignement des concepts et des outils simples et pratiques qu’ils jugent utiles pour leur future carrière. La philosophie c’est pour les imbéciles.

    Comme j’ai enseigné dans des écoles de commerce pendant des décennies, ce genre de constatation ne me surprend pas, bien que d’autres proposent des constats plus virulents. Une enquête américaine a comparé des étudiants en MBA à des personnes emprisonnées dans des prisons de basse sécurité et a constaté que ces dernières étaient plus éthiques. Un autre a laissé entendre que la probabilité de commettre une forme quelconque de délit d’entreprise augmentait si la personne concernée avait fait des études supérieures en administration des affaires ou si elle avait servi dans l’armée. (Les deux carrières impliquent probablement la dissolution de la responsabilité au sein d’une organisation). D’autres sondages montrent que les étudiants arrivent en croyant au bien-être des employés et à la satisfaction de la clientèle et qu’ils partent en pensant que la valeur actionnariale est la question la plus importante, et également que les étudiants des écoles de commerce sont plus susceptibles de tricher que les étudiants des autres disciplines.

    Je doute que les causes et les effets (ou même les résultats) soient aussi nets que le suggèrent des enquêtes comme celle-ci, mais il serait tout aussi stupide de suggérer que l’école de commerce n’a pas d’effet sur ses diplômés. Avoir un MBA peut ne pas rendre un étudiant cupide, impatient ou contraire à l’éthique, mais les programmes explicites et cachés de l’école de commerce enseignent des leçons. Non pas que ces leçons sont reconnues quand quelque chose ne va pas bien, parce qu’alors l’école de commerce nie habituellement toute responsabilité. C’est une position délicate, car, comme le dit un éditorial d’Economist de 2009, » Vous ne pouvez pas prétendre que votre mission est d’éduquer les leaders qui changent le monde » et de vous laver les mains des actes de vos anciens élèves lorsque leur changement a un impact nuisible. »

    Après la crise de 2007, il y avait comme un jeu à se renvoyer la balle, Il n’est donc pas surprenant que la plupart des doyens des écoles de commerce essayaient aussi de blâmer les consommateurs d’avoir trop emprunté, les banquiers d’avoir un comportement si risqué, les #brebis_galeuses d’être si mauvaises et le système d’être, eh bien, le système. Qui, après tout, voudrait prétendre qu’ils n’ont fait qu’enseigner la cupidité ?

    Dans les universités les sortes de portes qui ouvrent sur le savoir sont basées sur des exclusions. Un sujet est constitué par l’enseignement de ceci et non pas de cela, de l’espace (géographie) et non du temps (histoire), des collectifs (sociologie) et non des individus (psychologie), etc. Bien sûr, il y a des fuites et c’est souvent là que se produisent les pensées les plus intéressantes, mais cette partition du monde est constitutive de toute discipline universitaire. On ne peut pas tout étudier, tout le temps, c’est pourquoi il y a des noms de départements au-dessus des portes des immeubles et des couloirs.

    Cependant, l’école de commerce est un cas encore plus extrême. Elle est bâtie sur le principe qui isole la vie commerciale du reste de la vie, mais subit ensuite une spécialisation supplémentaire. L’école de commerce assume le capitalisme, les entreprises et les managers comme forme d’organisation par défaut, et tout le reste comme histoire, anomalie, exception, alternative. Du point de vue du programmes d’études et de recherche, tout le reste est périphérique.

    La plupart des écoles de commerce sont intégrées dans des universités, et celles-ci sont généralement appréhendées comme des institutions ayant des responsabilités envers les sociétés qu’elles servent. Pourquoi, dans ce cas, supposons-nous que les filières d’études commerciales ne devraient enseigner qu’une seule forme d’organisation – le capitalisme – comme si c’était la seule façon d’organiser la vie humaine ?

    Ce n’est pas un monde agréable celui qui est produit par la gestion de marché et que l’école de commerce professe. C’est une sorte d’#utopie pour les riches et les puissants, un groupe que les étudiants sont encouragés à s’imaginer rejoindre, mais ce privilège est acheté à un coût très élevé, entraînant des catastrophes environnementales, des #guerres de ressources et des migrations forcées, des inégalités à l’intérieur et entre les pays, l’encouragement de l’#hyperconsommation ainsi que des pratiques #antidémocratiques persistantes au travail.

    Promouvoir l’école de commerce fonctionne en passant outre de ces problèmes, ou en les mentionnant comme des défis et ne pas les prendre en considération ensuite dans les pratiques d’enseignement et de recherche. Si nous voulons être capables de répondre aux défis auxquels est confrontée la vie humaine sur cette planète, nous devons faire des recherches et enseigner autant de formes d’organisation différentes que nous sommes capables d’imaginer collectivement. Pour nous, supposer que le capitalisme mondial peut continuer tel qu’il est c’est prendre la responsabilité d’emprunter la voie qui mène à la destruction. Donc, si nous voulons nous écarter du business as usual, nous devons également ré-imaginer radicalement l’école de commerce telle qu’elle est. Et cela signifie plus que des murmures pieux sur la responsabilité sociale des entreprises. Cela signifie en finir avec ce que nous avons érigé, et reconstruire.

  • Notation des salariés : l’autre guerre des étoiles
    http://www.liberation.fr/france/2018/03/29/notation-des-salaries-l-autre-guerre-des-etoiles_1639923

    De plus en plus d’entreprises utilisent les questionnaires de satisfaction remplis par les clients comme un outil managérial : des notes attribuées à la va-vite qui peuvent influer sur les salaires ou aboutir à une perte d’emploi. « Nous remarquons que vos dernières notes sont très en dessous des standards de qualité qu’attendent les utilisateurs. » Trois mois après avoir pris le volant de sa berline noire, Fabien (1) reçoit ce texto comme un coup dans le ventre. Les évaluations laissées par les clients (...)

    #Apple #Deliveroo #Microsoft #Starbucks #Uber #travail #contrôle #travailleurs (...)

    ##surveillance

  • Work hard, have fun, make history. Amazon et la contre-révolution logistique : un regard depuis l’Italie
    http://www.platenqmil.com/blog/2018/02/25/work-hard-have-fun-make-history-amazon-et-la-contre-revolution-logistiqu
    http://www.platenqmil.com/file/si473778/Amazon+1-fi9515623.jpg

    C’est à partir des années 1960 que la logistique se constitue sous la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. La « révolution logistique » à l’origine de cette dynamique, qui est bien plus à comprendre comme une « contre-révolution », un préalable indispensable à l’instauration du régime néolibéral, représentait alors un investissement stratégique sur la désagrégation de la grande usine. Avec une myriade de travailleurs toujours plus mécanisés et écrasés sous son poids - réduits à des « tapis roulants » - la logistique dicte aujourd’hui le rythme de la circulation mondiale.
     
    Lors de la dernière décennie, une nouvelle vague de conflictualité a cependant fait tache d’huile dans ce secteur. Ce texte - après une analyse du rôle crucial joué par Amazon - revient précisément sur les mobilisations en Italie. Proposant une lecture des conflits passés et à venir, il souligne la nécessité de mener - en parallèle des enquêtes « à chaud », lors de moments de conflits - des « enquêtes à froid », dans le but de construire une « logistique des luttes » qui puisse œuvrer à des connexions politiques à travers l’usine globale.

    #logistique #enquête_militante

    • On peut donc soutenir que la fortune accumulée d’Amazon a été bâtie sur l’exploitation toujours plus intensive du travail, davantage que sur l’automatisation et l’innovation de façade qui rendent l’entreprise emblématique du moment actuel. L’énorme flux de marchandises charrié par Amazon circule grâce au travail d’une myriade de travailleurs mécanisés et écrasés sous son poids, réduits à des tapis roulants. Pour s’en faire une idée, nous reportons les paroles d’un travailleur employé dans un entrepôt d’Amazon à Rovigo (Italie) :

      Nous avons un contrat de 39h par semaine et nous sommes payés 960€ nets par mois. Pour moi c’est une misère, mais vraiment une misère […] Nous recevons un salaire qui n’est pas adapté aux postes que nous occupons à l’intérieur de la filière productive. [..] Il s’agit d’un travail massacrant, ce n’est pas juste de le payer ainsi. Et si on pense à combien de fric ils se font, eux, avec quelques clicks sur un ordi pour quelques ordres, c’est scandaleux… […] Le travail est physique, stressant, t’as jamais la certitude des horaires, de ce que tu feras, parce qu’il y a des pics de travail… Toujours des heures sup’, souvent le samedi et le dimanche. On peut aussi refuser, mais après on est mal vus par les contremaitres. Il vaut mieux baisser la tête et dire : « Ok, je viens ; ok je fais des heures sup’ ; ok, ça va, je suis là ». […] Nous n’avons pas la certitude des horaires, ils nous sont toujours communiqués la veille pour le lendemain. […] Ils décident de manière totalement arbitraire quand tu travailles. Et c’est une chose que je ne supporte plus, c’est inconcevable pour moi, mais c’est ainsi. […] On vit toujours dans l’angoisse, il n’y a jamais de certitude, tu ne peux pas organiser ta vie au-delà du travail .