• #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • Violences académiques ordinaires

    Violences et souffrances académiques : atteintes au #service_public et à la #santé_au_travail

    Ce troisième numéro de Mouvements consacré au champ académique, après ceux de 2008 (« Que faire pour l’Université ? ») et 2012 (« Qui veut la peau de la recherche publique ? »), trouve sa genèse dans un colloque consacré aux violences ordinaires dans les organisations académiques en juin 2022[1]. Lors des deux journées de discussion, les communications ont permis de mesurer à quel point, depuis ces quinze dernières années, le champ de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) a été profondément bouleversé par toute une série de réformes, depuis la #loi_LRU (Liberté et responsabilité des universités) en 2007 jusqu’à la #Loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) votée en 2020. #Fusions, #précarisation, raréfaction des #postes – alors que les effectifs étudiants progressent –, #managérialisation, #sous-traitance, multiplication des #évaluations (des établissements, des formations, des professionnel·les comme des équipes) et de leurs instances, induisent #pression_psychique et dégradation des conditions de travail et rendent davantage visible et légitime la question de la #souffrance_au_travail.

    Qu’en est-il du #quotidien bouleversé de ces organisations en transformation et de celles et ceux qui y travaillent ? Comment cela se traduit-il sur le plan des décisions, des dispositifs, des activités, des interactions, des engagements et des subjectivités ? C’est cette attention aux « violences ordinaires » dans les #institutions_académiques qui constitue le cœur de ce numéro de Mouvements. Par #violence_ordinaire, nous entendons tout type de #contrainte verbale, morale, psychologique ou symbolique exercée sur les #corps au travail et ressentie comme telle par celles et ceux qui les vivent (et qui essaient – ou non – de s’en défendre). Comme y insiste l’article de Stéphane Le Lay et Olivia Chambard, quelle que soit la forme de ces violences, il importe d’essayer de comprendre leurs liens avec les #rapports_de_domination et d’interroger leur inscription – et la nature de cette inscription – dans des configurations organisationnelles ou des structures sociales ou culturelles propres à l’ESR.

    Ceci est d’autant plus important que se sont multipliées récemment les critiques à l’encontre d’enseignant·es-chercheur·euses supposé·es déconnecté·es du monde réel dans leurs enseignements (en inadéquation avec le marché du travail), et dans leurs recherches (insuffisamment en prise avec les « défis sociétaux » et la « demande sociale »). À celles-ci s’ajoutent désormais des #attaques, internes ou externes au champ académique, contre certaines disciplines et certains travaux suspectés d’être disculpants, politisés, voire contraires aux valeurs de la République[2]. L’université et la liberté consubstantielle à ses activités intellectuelles – l’#indépendance des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses étant inscrite dans la loi – sont mises à mal de manière plurielle par manque de moyens, mise au pas organisationnelle et #condamnation_morale. Si des travaux analysent les effets de ces réformes néolibérales sur le travail des chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, à l’image des articles de Frédérique Debout, d’Ambre Guichard-Ménard et de l’Observatoire des Conditions de Travail à l’Université de Caen Normandie, ils sont plus rares, voire inexistants, sur les conditions de travail des personnels administratifs ou techniques de l’ESR ou des salarié·es en sous-traitance exerçant dans les établissements académiques. Dans ce numéro, l’article d’Hugo Bret sur le #personnel_de_nettoyage d’une université et celui du collectif C. Noûs-Aussi consacré à l’#édition_scientifique permettent justement de jeter un regard incisif sur ces zones d’ombre.

    Les rapports de domination entre les statuts, les corps et les disciplines constituent de fait une clé d’entrée pour comprendre la spécificité des types de violence dans les organisations universitaires et académiques et leur analyse est ancienne. Plus récemment, des auteur·rices ont néanmoins renouvelé la perspective en s’emparant en particulier de la question des #violences_sexistes_et_sexuelles (#VSS) à l’université, sur lesquelles reviennent trois articles. L’un provient d’une chercheuse militante, sous la forme d’un témoignage anonyme. L’autrice prend appui sur son expérience en tant qu’étudiante, victime et témoin de violences, dans une grande école et évoque les actions collectives qui s’en sont suivies. De son côté, à partir du cas espagnol, Verónica Cala analyse finement les interrelations entre pensée féministe et action militante, expliquant en quoi l’université peut être aussi bien un terreau fertile qu’un système nuisant aux avancées pourtant nécessaires au développement de la pensée transformatrice féministe. Enfin, l’article d’Armelle Andro se penche sur les modalités de prise en charge des VSS spécifiques au monde académique, qui ont notamment fait suite à des médiatisations et des mobilisations importantes. Apportant un cadrage complémentaire, il expose les avancées et les freins au traitement institutionnel des VSS depuis vingt ans, pointant les spécificités et l’hétérogénéité des situations rencontrées dans le champ académique. Traitant aussi, mais de manière différente, la question des #rapports_sociaux (de sexe, hiérarchiques et de race), Morgane Le Guyader se penche sur le concept de #violence_épistémique. Celui-ci s’avère utile pour pointer ce qui, à l’intérieur même des critères de scientificité, vient discréditer certains points de vue indigènes ou subordonnés. Ce texte élabore une critique qui a l’intérêt de proposer d’autres manières de rendre compte de l’expérience sensible qui traverse les enquêté·es aussi bien que les enquêteurs et enquêtrices.

    Plusieurs articles de ce numéro, à l’image de celui de Marina Pietri consacré à une #animalerie_scientifique, cherchent ainsi à rendre compte de la manière dont la #division_du_travail au sein des organisations académiques est productrice de formes de violence, examinées comme étant propres à une activité et un rôle spécifiques, aussi bien que dans leur dimension transversale, lorsqu’elles affectent différentes catégories de personnels (chercheur·euses et enseignant·es-chercheur·euses, doctorant·es, personnels administratifs, techniques, etc.). Ce faisant, peut être interrogée la place des stratégies défensives liées aux cultures de métier et érigées pour lutter contre la souffrance. Plusieurs articles abordent également les manières dont les #inégalités et #discriminations s’activent et se reproduisent, dans des configurations où la hiérarchie bureaucratique peut se superposer aux formes de #domination_académique. Se donne alors à voir en quoi ces inégalités permettent de révéler des formes de #mépris plus ou moins visibles, qui peuvent aller de la délégation systématique du « sale boulot » à l’invisibilisation ou l’appropriation du travail d’autrui, en passant par l’empêchement de travailler et le #harcèlement.

    Pour faire face à l’aggravation de la situation en matière de santé physique et mentale, les établissements du supérieur ont obligation, depuis 2012, de mettre en place un Comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (#CHSCT). Très variables selon les établissements, les modalités déployées en faveur de la prise en charge des « #risques_psychosociaux » (#RPS) se font régulièrement timides… ou inexistantes. Dans certains établissements, les fonctions de référent « Égalité, RPS, Handicap » ne sont pas pourvues, tardent à l’être ou encore ne sont dotées d’aucun moyens significatifs pour leur action, qui demeure parfois lettre morte. Nombre d’actrices et d’acteurs de terrain sont pourtant en première ligne et certain·es particulièrement actif·ves pour lutter contre les violences et réguler les dérives : préventeur·rices, médecins du travail, représentant·es du personnel siégeant ou non dans les CHSCT, associations féministes et de personnels précaires, sans oublier les juristes, certain·es cadres administratif·ves et personnes en responsabilité dans les composantes et les laboratoires. L’article de Gwenaël Delaval, Emmanuelle Puissant et Samira Saïdoune, consacré à un « #dispositif_RPS » dans une université, aborde les enjeux de cette prise en charge institutionnelle.

    On le voit, les chantiers ouverts sont nombreux et délicats à mener pour rendre visibles et pour lutter efficacement contre les différentes formes de violence, en desserrant l’étau des rapports de domination. Gageons que les contributions de ce numéro de Mouvements œuvreront dans ce sens, grâce à la réflexion individuelle et aux discussions collectives qu’elles susciteront dans le champ académique, et aux pistes d’action qu’elles ouvrent ainsi.

    https://mouvements.info/edito/violences-et-souffrances-academiques-atteintes-au-service-public-et-a-l
    #ESR #université #violence #violences_ordinaires #souffrance #conditions_de_travail #travail #recherche

    ping @karine4 @_kg_

  • Pendant ce temps-là, les puissances occidentales mettent en ordre de bataille les esprits et transforment à vitesse accélérée leurs économies en «  économies de guerre  »

    Contre la guerre en Ukraine et sa généralisation
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2023/02/25/contre-la-guerre-en-ukraine-et-sa-generalisation_521781.html

    Poutine, qui nie jusqu’à l’existence d’une nation ukrainienne, aura, par son sanglant mépris des peuples, contribué à ce que s’affirme le sentiment d’appartenir à l’Ukraine, alors qu’il peinait à prendre corps malgré les efforts du pouvoir et des nationalistes.

    L’échec relatif de Poutine résulte, entend-on souvent, de la mobilisation d’un peuple dressé pour défendre sa patrie, rien de tel ne motivant les soldats russes. Certes. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Si l’Ukraine a tenu bon, malgré une industrie et une armée a priori moins fortes que celles du Kremlin, elle le doit avant tout à la trentaine de membres de l’OTAN, dont les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, qui l’ont armée, financée et soutenue de bien des façons. Et ils ne cessent de surenchérir en ce domaine, tel Biden encore le 20 février à Kiev.

    Quand les pays de l’OTAN livrent à l’Ukraine des armements de plus en plus sophistiqués, de plus en plus efficaces, ils poursuivent un objectif immédiat proclamé  : éviter la défaite de l’Ukraine et faire durer la guerre afin d’affaiblir la Russie, et si possible la mettre à genoux.

    Cela pour montrer au monde entier ce qu’il en coûte de ne pas s’incliner devant l’ordre impérialiste. Les propos de Biden à Varsovie  : «  L’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie  », son refus affiché de toute négociation avec Poutine, le fait que les dirigeants occidentaux ont tous adopté la même posture et le même langage ces derniers temps, tout cela va dans le même sens.

    Le conflit en cours n’est pas la principale raison d’une escalade que l’Occident mène tambour battant. Il fait aussi office de toile de fond pour une mise en ordre de bataille des esprits, ne serait-ce que par la banalisation d’une guerre qui s’installe pour durer, dans une Europe qui n’en avait plus connu depuis 1945, exception faite des bombardements de la Serbie par l’OTAN, il y a un quart de siècle.

    Une mise sur le pied de guerre qui vaut aussi pour les économies de chaque pays, dans un monde capitaliste qui s’enfonce dans la crise sans que ses dirigeants y voient d’issue. Certes, les dirigeants du monde capitaliste n’ont pas encore choisi la fuite en avant vers une conflagration généralisée, comme celle qui conduisit à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale, mais rien ne garantit que le conflit ukrainien ne risque pas, à tout moment, de précipiter l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale.

    Le conflit en Ukraine sert déjà de terrain d’entraînement aux États impérialistes pour préparer l’éventualité d’un affrontement dit de haute intensité, que les états-majors militaires et politiques envisagent explicitement. Il sert aussi aux chefs de file de l’impérialisme à renforcer des blocs d’États alliés, avec leurs réseaux de bases sur le pourtour de la Russie et de la Chine.

    sommant les autres États de se rallier à ces alliances militaires et d’adopter des trains de sanctions contre la Russie, même quand cela va à l’encontre de leurs intérêts et de ceux, sonnants et trébuchants, de leurs capitalistes. On le constate pour l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, l’interdiction de commercer avec la Russie, d’y maintenir des activités industrielles, ce qui pénalise des pays européens, dont l’Allemagne et la France, mais profite aux États-Unis.

    Si un fait nouveau, capital pour l’avenir de l’humanité, s’est fait jour au feu de cette guerre, c’est l’évolution rapide de la situation mondiale dans le sens de sa #militarisation.

    Poutine a répondu de façon monstrueuse à la pression continue de l’impérialisme en Europe de l’Est en lançant ses missiles et ses tanks sur l’Ukraine le 24 février 2022. Mais c’est l’impérialisme qui s’est préparé depuis longtemps à aller à la confrontation.

    ... à plonger tôt ou tard l’Ukraine dans la guerre, donc à faire de ses habitants les otages d’une rivalité qui les dépasse, car elle oppose le camp mené par les États-Unis à la Russie, avec son dictateur, ses bureaucrates et ses oligarques pillards. D’un côté ou de l’autre, il n’y a nulle place pour le droit des peuples à décider de leur destinée, même si on veut nous le faire croire.

    L’ex-chancelière Angela Merkel n’en croit rien. Elle le dit dans une interview où elle revient sur la crise qui s’ouvrit en février 2014, quand le président ukrainien d’alors, contesté par la rue et surtout lâché par des secteurs de la bureaucratie et de l’oligarchie, dut s’enfuir. Le pouvoir issu du #Maïdan s’alignant sur les États-Unis, Poutine récupéra alors la #Crimée et poussa le Donbass à faire sécession. Les accords de Minsk, que Merkel parrainait avec Hollande et auxquels avaient souscrit Moscou et Kiev, devaient régler pacifiquement le différend, prétendait-elle à l’époque. Elle avoue désormais qu’il s’agissait d’un leurre. «  Poutine, explique-t-elle, aurait [alors] pu facilement gagner. Et je doute fortement que l’OTAN aurait eu la capacité d’aider l’Ukraine comme elle le fait aujourd’hui. […] Il était évident pour nous tous que le conflit allait être gelé, que le problème n’était pas réglé, mais cela a justement donné un temps précieux à l’Ukraine.  » Et à l’OTAN pour préparer l’affrontement avec Moscou.

    Le conflit couvait depuis l’effondrement de l’#URSS en 1991. Dès ce moment-là, États-Unis et Union européenne furent à la manœuvre pour aspirer l’Europe de l’Est dans l’orbite de l’OTAN. Des conseillers de la Maison-Blanche expliquaient qu’il fallait détacher l’Ukraine de la Russie, pour que celle-ci n’ait plus les moyens de redevenir une grande puissance.

    Or, après les années Eltsine (1991-1999), d’effondrement économique, d’éclatement de l’État et de vassalisation humiliante du pays par l’Occident, Poutine et la bureaucratie russe voulaient restaurer la #Grande_Russie.

    Une première tentative de l’Occident pour aspirer l’Ukraine eut lieu en 2004 sous l’égide du tandem ­Iouchtchenko­-­Timochenko, tombeur du pro-russe Ianoukovitch. Elle tourna court, la population, dégoûtée, finissant par rappeler Ianoukovitch. Elle allait le chasser à nouveau en 2014. Cette fois fut la bonne pour le camp occidental et signifiait la guerre  : dans le #Donbass, que l’armée de Kiev et des troupes d’extrême droite disputaient aux séparatistes, elle fit 18 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Huit ans plus tard, tout le pays bascula dans l’horreur.

    Les dirigeants américains et européens savaient que Moscou ne pouvait accepter une Ukraine devenue la base avancée de l’OTAN. Ils savaient quels risques mortels leur politique impliquait pour les Ukrainiens, et pour la jeunesse russe que Poutine enverrait tuer et se faire tuer. Cette guerre, l’OTAN l’avait rendue inéluctable depuis 2014, en armant, entraînant, conseillant l’#armée_ukrainienne et les troupes des nationalistes fascisants.

    Les dirigeants occidentaux n’en avaient cure, car faire la guerre avec la peau des peuples est une constante de la politique des puissances coloniales, puis impérialistes. On le vérifie encore une fois dans le sang et la boue des tranchées en #Ukraine, dans les ruines des HLM de #Kharkiv, #Kherson ou #Donetsk que les missiles des uns ou des autres ont fait s’effondrer sur leurs habitants. N’en déplaise aux médias d’ici qui ressassent la fable d’un conflit soudain opposant le petit David ukrainien isolé et désarmé qu’agresserait sans raison le grand méchant Goliath russe.

    À l’occasion du premier l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, on a eu droit au rouleau compresseur d’une #propagande sans fard dans les #médias. Il y aurait le camp du Mal (la Russie, l’Iran et surtout la Chine), face au camp du Bien, celui des puissances qui, dominant la planète, y garantissent la pérennité du système d’exploitation capitaliste au nom de la démocratie ou de la sauvegarde de pays comme l’Ukraine, dès lors qu’ils leur font allégeance.

    Cette propagande massive vise à s’assurer que l’opinion publique adhère sans réserve à ce qu’on lui présente comme la défense d’un peuple agressé, en fait, à la guerre que mènent les grandes puissances par Ukrainiens interposés. Car, au-delà de ce qu’il adviendra de la Russie et du régime de Poutine – une des préoccupations contradictoires des États impérialistes, qui disent vouloir la victoire de Kiev tout en craignant qu’une défaite de Poutine déstabilise de façon incontrôlable la Russie et son «  étranger proche  » – ces mêmes États visent un objectif au moins aussi important pour eux. Ils veulent enchaîner à leur char de guerre leur propre population, dans le cadre ukrainien, tout en ayant en vue des conflits plus larges à venir.

    En fait, le conflit ukrainien a tout du prologue d’un affrontement plus ou moins généralisé, dont politiques, généraux et commentateurs désignent déjà la cible principale  : la Chine. Ainsi, Les Échos du 15 février a mis à sa une un article qui titrait  : «  Pour l’Amérique, la Chine redevient l’ennemi numéro un  », après que «  la guerre en Ukraine [avait un temps détourné son attention] de la confrontation  » avec la Chine.

    Déjà, les steppes, les villes et le ciel d’Ukraine servent autant aux états-majors et industriels occidentaux à affronter la #Russie, par soldats ukrainiens interposés, qu’à tester sur le vif leurs #blindés, pièces d’#artillerie, #systèmes_de_commandement, de communication, d’interception, de renseignement, et à en tirer les leçons voulues. Ils y voient aussi une aubaine pour se débarrasser de #munitions et d’engins plus ou moins anciens que les combats vont consommer . Conséquence favorable pour eux, cela justifie l’escalade des livraisons d’armes et, de ce fait, l’explosion des #budgets_militaires afin de doper les #industries_de_guerre.

    Cette conjoncture permet à des États d’engranger des commandes, parfois énormes, de pays dépendants de protecteurs plus puissants et des leaders des marchés de l’#armement.

    Ainsi, Varsovie a envisagé de donner à Kiev des vieux Mig-29 de conception soviétique pour les remplacer par des F-16 américains, et promis de lui livrer d’anciens chars Leopard, qu’elle remplacera par de nouveaux modèles. Évidemment, cela ne fait l’affaire ni de Dassault ni du char Leclerc français qui peine à trouver preneur. C’est que, même alliés au sein de l’OTAN, voire soucieux d’afficher leur unité, comme Biden l’a souligné lors de la promesse que lui et Scholtz ont voulue simultanée de livrer des tanks à Kiev, les États impérialistes restent rivaux sur ce terrain, comme sur d’autres. Les États-Unis se réservent la part du lion, avec des commandes d’armement qui ont doublé en 2022, à la mesure de leur puissance industrielle, de leur suprématie militaire… et des guerres à venir.

    Ces commandes d’armes pour l’Ukraine, qui s’ajoutent à celles que l’on dit destinées à remettre à niveau chaque armée occidentale, servent autant à tenir la dragée haute à #Poutine qu’à transformer à vitesse accélérée les #économies occidentales en «  #économies_de_guerre  », selon les termes même du programme que se sont fixé les ministres de la Défense des pays de l’#OTAN, lors de leur sommet des 14-15 février à Bruxelles. Depuis des mois, les dirigeants politiques occidentaux et plus encore les chefs de leurs armées discutent publiquement et concrètement d’une guerre généralisée qu’ils savent s’approcher. Ainsi, à Brest, l’#amiral_Vandier, chef d’état-major de la Marine, a lancé à la nouvelle promotion d’élèves-­officiers  : «  Vous entrez dans une Marine qui va probablement connaître le feu à la mer.  » Certains avancent même une date pour cela, tel le général Minihan, chef des opérations aériennes aux #États-Unis  : «  J’espère me tromper, mais mon intuition me dit que nous nous affronterons en 2025  » avec la #Chine.

    Ukraine  : un effroyable bilan humain, social et économique

    En attendant, la guerre en Ukraine a déjà tué ou blessé 180 000 militaires russes, à peine moins de soldats ukrainiens, et tué plus de 30 000 civils, estime le chef de l’armée norvégienne, membre de l’OTAN. 7,5 millions d’Ukrainiens ont trouvé refuge en Pologne, Slovaquie, Autriche, etc., et en Russie. Parmi eux se trouvent une écrasante majorité de femmes et d’enfants, car les hommes de 18 à 60 ans, mobilisables, ont l’interdiction de quitter le territoire. Il y a aussi plusieurs millions de déplacés dans le pays même.

    De nombreuses villes, grandes ou petites, ont été bombardées, parfois rasées, les infrastructures énergétiques partout frappées, ce qui a plongé la population dans l’obscurité et le froid. Le montant des destructions de routes, ponts, voies ferrées, ports, aéroports, entreprises, écoles, hôpitaux, logements… atteignait 326 milliards de dollars, selon ce qu’estimait le Premier ministre en septembre dernier. Ce montant, déjà colossal, n’a pu que croître depuis, ne serait-ce que parce qu’il s’accompagne d’énormes détournements qu’ont effectués et que vont effectuer ministres, généraux, bureaucrates et oligarques ukrainiens.

    Zelensky a reconnu la corruption de l’appareil d’État jusqu’au sommet quand il a limogé une partie de son gouvernement, dont les ministres de la Défense et de la Reconstruction, et plusieurs très hauts dirigeants. Cela ne change rien à la nature d’un État qui, source principale des nantis comme en Russie, est l’un des plus corrompus au monde  : plus que l’État russe, dit-on, ce qui n’est pas rien. En fait, Zelensky n’avait pas le choix  : une commission américaine de haut niveau avait débarqué à Kiev pour vérifier ce que devenait l’aide colossale fournie par l’oncle d’Amérique. Après tout, même si l’État américain est richissime, il a aussi ses bonnes œuvres (industriels de l’armement, financiers, capitalistes de haut vol) et ne veut pas qu’une trop grosse part des profits de guerre file dans poches des bureaucrates, oligarques et maffieux ukrainiens.

    Et puis, au moment même où l’Occident annonçait fournir des tanks à l’État ukrainien, il ne s’agissait pas que le régime apparaisse pour ce qu’il est  : celui de bandits prospérant sur le dos de la population. Cela s’adressait moins à l’opinion occidentale, qui ne connaît de la situation que ce qu’en disent les médias, qu’à la population ukrainienne.

    Victime des bombardements et exactions de l’armée russe, elle se rend compte qu’elle est aussi la victime des parasites de la haute bureaucratie, des ministres véreux ou des généraux voleurs. Et l’union sacrée n’a pas fait disparaître les passe-droits qui permettent aux nantis de profiter en paix de leur fortune à l’étranger, tandis que leurs sbires de la police raflent les hommes, valides ou pas, pour le front. Les résistances que cela provoque ici ou là n’ont rien pour étonner dans un tel contexte, d’autant que, si l’armée a d’abord pu compter sur des volontaires, ceux qu’elle mobilise maintenant n’en font, par définition, pas partie.

    Tout à leurs commentaires dithyrambiques sur un régime censé incarner la démocratie et l’unité d’un peuple derrière ses dirigeants, les médias français préfèrent tirer un voile pudique sur des faits qui pourraient gâcher leur tableau mensonger.

    [...] Le régime de la bureaucratie russe et de ses oligarques milliardaires, lui-même bien mal en point socialement et économiquement, corrompu, policier et antiouvrier, ne peut représenter aucun avenir pour la population ukrainienne, même russophone.

    Quant au régime qu’incarne Zelensky, ce chargé de pouvoir des grandes puissances et de leurs trusts qui lorgnent sur les richesses agricoles et minières de l’Ukraine ainsi que sur sa main-d’œuvre qualifiée, afin de l’exploiter avec des salaires misérables , ce qui a commencé dès 2014, le conflit lui a sans doute sauvé la mise, au moins dans un premier temps. Comme dans toute guerre, la population s’est retrouvée bon gré mal gré derrière un pouvoir qui se faisait fort de la défendre. Mais gageons que de larges pans des classes populaires n’ont pas oublié pour autant ce qu’avait fini par leur inspirer cet acteur devenu président, qui avait joué au «  serviteur du peuple  » pour mieux préserver les intérêts des nantis.

    S’affrontant sur le terrain par peuples interposés, les dirigeants occidentaux, représentants d’une bourgeoisie impérialiste qui domine le monde, les dirigeants russes, représentants des parasites qui exploitent les travailleurs de Russie, les dirigeants ukrainiens, représentants de leurs oligarques autant que des trusts occidentaux, sont tous des ennemis des classes populaires, de la classe ouvrière.

    Et les travailleurs, où qu’ils se trouvent, quelle que soit leur nationalité, leur langue ou leur origine, n’ont aucune solidarité à avoir, sous quelque prétexte que ce soit, avec «  l’ennemi principal qui est toujours dans notre propre pays  », comme disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht en 1916, en pleine Première Guerre mondiale.

    Partout, la marche à une économie de guerre

    Le 6 février, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU [...] : «   Le monde se dirige les yeux grand ouverts [vers] une guerre plus large .  »

    On vient d’en avoir la confirmation au sommet des ministres de la Défense des membres de l’OTAN. Il leur a été demandé, selon Les Échos, «  de passer en #économie_de_guerre  », de relancer et activer la #production_d’armements, et d’abord d’#obus, de #chars et de pièces d’artillerie, pour faire face à «  une #guerre_d’usure  » en Ukraine. Et de préciser que si, il y a dix ans, les États-Unis demandaient à leurs alliés de monter leurs #dépenses_militaires à 2 % de leur produit intérieur brut, ce chiffre est désormais considéré comme un plancher que beaucoup ont dépassé. La conférence sur la sécurité en Europe qui a suivi, à Munich, a réuni la plupart des dirigeants européens et mondiaux pour aller dans le même sens.

    C’est ce qu’ils font en cherchant à persuader leur population de l’inéluctabilité de la guerre  ; en lui désignant comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine  ; en déployant une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers  ; en mettant l’accent sur la préparation de la #jeunesse à servir «  sa  » nation, à la défendre, sans jamais dire qu’il s’agira de la transformer en #chair_à_canon pour les intérêts des classes possédantes. Le gouvernement français s’en charge avec son #Service_national_universel, qui vise à apprendre à des jeunes à marcher au pas, avec des reportages télévisés plus ou moins suscités sur le service à bord de navires de guerre, sur des régions sinistrées (Saint-Étienne) où la reprise de la production d’armes ferait reculer le chômage. Le nouveau ministre allemand de la Défense se situe sur le même terrain, lui qui veut rétablir le service militaire et faire de la Bundeswehr la première armée du continent grâce aux 100 milliards de hausse de son #budget.

    En juin dernier, Macron avait annoncé la couleur avec son plan Économie de guerre doté par l’État de 413 milliards sur sept ans. Il fallait «  aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos #armées, pour nos alliés ou pour celles [comme en Ukraine] que nous voulons aider  ». Et, s’adressant aux dirigeants de l’organisme qui regroupe les 4 000 entreprises du secteur militaire, il leur avait promis des décisions et, surtout, des #investissements. Pour les #profits, la guerre est belle…

    Bien au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial, qui va s’aggravant sans que quiconque dans les milieux dirigeants de la bourgeoisie en Europe et en Amérique sache comment y faire face.

    Comme à chaque fois que le monde se trouve confronté à une telle situation, la bourgeoisie et ses États en appellent à l’industrie d’armement pour relancer l’économie. Car, grâce au budget militaire des États, elle échappe à la chute de la demande qui affecte les secteurs frappés par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires et, en dopant le reste de l’économie par des commandes de machines, de logiciels, de matériaux, de matières premières, etc., la bourgeoisie peut espérer que cela l’aidera à maintenir le taux de profit général.

    [...] même quand certains prétendent chercher une solution de paix à une guerre que leur politique a suscitée, la logique de leur politique d’armement continu de l’un des deux camps sur le terrain, celle de la militarisation de l’économie de nombreux pays sur fond d’une crise générale dont l’évolution leur échappe, tout cela fait que, de la guerre en Ukraine à un conflit plus large, la distance pourrait être bien plus courte qu’on ne le croit.

    Contrairement à ce qu’affirme Guterres, ce n’est pas toute l’humanité qui avance vers l’abîme les yeux grands ouverts. Les dirigeants politiques de la bourgeoisie ne peuvent pas ne pas voir ce qu’ils trament, eux, et dans quels intérêts, ceux de la bourgeoisie. Cela, ils le discernent en tout cas bien mieux que les masses du monde entier, auxquelles on masque la réalité, ses enjeux et son évolution qui s’accélère.

    Oui, en Ukraine, en Russie, comme partout ailleurs, le niveau de la conscience et de l’organisation de la classe ouvrière est très en retard sur cette course à la guerre dans laquelle la bourgeoisie engage l’humanité. Et plus encore au regard de ce qu’il faudrait pour l’enrayer, la transformer en guerre de classe pour l’émancipation des travailleurs du monde entier.

    C’est ce que firent les bolcheviks en Russie en 1917, en pleine guerre mondiale. C’est sur cette voie qu’il faut que s’engagent, en communistes révolutionnaires et internationalistes, en militants de la seule classe porteuse d’avenir, le prolétariat, toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde avant qu’il ne précipite à nouveau l’humanité dans la barbarie. Alors, pour paraphraser ce que Lénine disait de la révolution d’Octobre  : «  Après des millénaires d’esclavage, les esclaves dont les maîtres veulent la guerre leur [répondront]  : Votre guerre pour le butin, nous en ferons la guerre de tous les esclaves contre tous les maîtres.  »

    #guerre_en_ukraine #capitalisme #crise

    • Royaume-Uni : hausse significative du budget militaire

      A l’occasion de la mise à jour de sa doctrine de politique étrangère, le Royaume-Uni a annoncé son intention de porter à terme son #budget_défense à 2,5 % du PIB.

      Face aux « nouvelles menaces », le #Royaume-Uni va investir cinq milliards de livres supplémentaires dans sa politique de défense. Cette rallonge va porter ce budget à 2,25 % du PIB à horizon 2025, un redressement jamais vu depuis la guerre froide.
      Cette enveloppe doit permettre de « reconstituer et de renforcer les stocks de #munitions, de moderniser l’entreprise nucléaire britannique et de financer la prochaine phase du programme de #sous-marins_Aukus », a souligné Downing Street dans un communiqué, le jour même de la signature à San Diego du contrat entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. A terme, l’objectif est de revenir à des dépenses militaires équivalentes à 2,5 % du PIB, bien au-dessus de l’engagement pris au niveau de l’#Otan (2 % du PIB).

      Ces annonces interviennent au moment où le Royaume-Uni met à jour sa doctrine de politique étrangère dans un document de 63 pages qui fait la synthèse des principaux risques pour la sécurité du pays. La dernière mouture, publiée il y a trois ans, exposait les ambitions de la « Global Britain » de Boris Johnson au lendemain du Brexit. La #Russie y était identifiée comme la principale menace pour la sécurité. La #Chine était qualifiée de « défi systémique » et le document annonçait un « pivot » du Royaume-Uni vers l’axe Indo-Pacifique.
      Les tendances observées sont toujours les mêmes, mais « elles se sont accélérées ces deux dernières années », observe cette nouvelle revue. « Nous sommes maintenant dans une période de risques renforcés et de volatilité qui va probablement durer au-delà des années 2030 », note le rapport.

      (Les Échos)

      #militarisation #impérialisme

    • Les importations d’armes en Europe en forte hausse

      Les #achats_d'armement ont quasiment doublé l’an dernier sur le sol européen

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe s’arme massivement. C’est ce que confirme le dernier rapport de l’#Institut_international_de_recherche_sur_la_paix_de_Stockholm (Sipri), publié lundi. Hors Ukraine, les #importations_d'armements sur le Vieux Continent se sont envolées de 35 % en 2022. En intégrant les livraisons massives d’#armes à l’Ukraine, elles affichent une hausse de 93 %.

      […] Sur la période 2018-2022, privilégiée par le #Sipri pour identifier les tendances de fond, les importations d’armes européennes affichent ainsi une hausse de 47 % par rapport aux cinq années précédentes, alors qu’au niveau mondial, les transferts internationaux d’armes ont diminué de 5,1 % sur cette période. Un contraste majeur qui témoigne de la volonté des Européens d’« importer plus d’armes, plus rapidement », explique Pieter ​Wezeman, coauteur du rapport.
      Dans cette optique, outre les industriels locaux, les Européens comptent sur les #Etats-Unis. Sur la période 2018-2022, ces derniers ont représenté 56 % des #importations_d'armes de la région. Le premier importateur en #Europe a été le Royaume-Uni, suivi de l’#Ukraine et de la Norvège.
      […]

      En France, #Emmanuel_Macron a proposé une augmentation de 100 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2024-2030 par rapport à la période 2019-2025. Le Premier ministre britannique, #Rishi_Sunak, vient pour sa part d’annoncer que le #Royaume-Uni allait investir 5 milliards de livres (5,6 milliards d’euros) supplémentaires dans la défense, dans un contexte de « nouvelles menaces venues de #Russie et de #Chine ». Plus symbolique encore, l’Allemagne du chancelier #Olaf_Scholz a annoncé, en mai 2022, le lancement d’un fonds spécial de 100 milliards pour moderniser son armée et rompre avec des décennies de sous-investissement.

      (Les Échos)

      #militarisation

    • La France s’apprête à relocaliser sur son sol une vingtaine de productions industrielles militaires , révèle mardi franceinfo. Ces relocalisations sont une déclinaison de « l’économie de guerre » réclamée par l’Élysée.

      Le mois dernier, on a appris que la France s’apprêtait à relocaliser la production de #poudre pour ses obus d’artillerie (de 155mm). Selon nos informations, en tout, il y aura une vingtaine de relocalisations stratégiques en France.

      Dans le détail, la France va donc de nouveaux produire sur son territoire des #coques de bateaux produites jusqu’à présent dans les pays de l’Est, des explosifs pour gros calibres produits en Suède, Italie ou encore Allemagne, mais, surtout, des pièces jugées « critiques » pour certains moteurs d’hélicoptères. On parle ici précisément des disques des turbines haute-pression des bi-moteurs RTM322. Jusqu’à présent, ces pièces étaient élaborées aux Etats-Unis puis forgées en Angleterre. Bientôt, l’élaboration et la forge seront faites en France dans l’usine #Aubert_et_Duval située dans le Puy-de-Dôme. […]

      (France Info)

      #militarisation #relocalisation #industrie_de_la_défense

    • Emmanuel Chiva est à la tête (de l’emploi) de la direction générale de l’armement (DGA). Son sale boulot : mettre en œuvre l’« économie de guerre » voulue par Macron.

      Un type qui pratique au quotidien "l’argent magique" et un "pognon de dingue" (public) au service des capitalistes de l’armement. Le principe : un vol à grande échelle des fruits du travail de millions de travailleurs pour produire en masse du matériel de destruction massive.

      Pour nous en faire accepter les conséquences (les futures baisses du pouvoir d’achat, les hôpitaux fermés, les écoles surchargées, les enseignants en sous-effectif, les transports dégradés, un budget de l’État écrasé par la dette, etc.), Le Monde lui tend ses colonnes : « Nous sommes entrés dans l’économie de guerre »
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/15/emmanuel-chiva-dga-nous-sommes-entres-dans-l-economie-de-guerre_6165595_3210

    • La marche vers un économie de guerre
      https://lutte-ouvriere.be/la-marche-vers-un-economie-de-guerre

      [...] Les USA augmentent fortement leur budget militaire, l’Allemagne débloque 100 milliards pour l’armée, la France annonce plus de 400 milliards de budget pour les prochaines années et en Belgique, 14 milliards de dépenses guerrières supplémentaires sont prévues d’ici 2030.

      Pour faire accepter l’envolée des dépenses militaires, alors que partout les besoins des populations sont criants, les dirigeants des pays capitalistes cherchent à persuader de l’inéluctabilité de la guerre. Ils désignent comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine, et déploient une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers.

      Les gouvernements mettent aussi l’accent sur la préparation de la jeunesse qu’ils comptent utiliser comme chair à canon. L’Etat belge s’en est chargé en ouvrant cette année, dans 13 écoles de la fédération Wallonie Bruxelles, une option « métiers de la Défense et de la sécurité » dans laquelle des jeunes sont préparés à devenir agent de sécurité, policier ou militaire, à partir de la quatrième secondaire technique !

      Au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial qui ne fait que s’aggraver.

    • Vers un doublement du budget militaire / Le Japon tourne la page du pacifisme
      https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/POUILLE/65605

      Ce samedi 27 novembre 2021, le premier ministre japonais Kishida Fumio effectue une visite matinale des troupes de défense terrestre sur la base d’Asaka, au nord de Tokyo. Après un petit tour en char d’assaut, il prononce un discours de rupture : « Désormais, je vais envisager toutes les options, y compris celles de posséder des capacités d’attaque de bases ennemies, de continuer le renforcement de la puissance militaire japonaise. » Selon le chef du gouvernement, « la situation sécuritaire autour du Japon change à une vitesse sans précédent. Des choses qui ne se produisaient que dans des romans de science-fiction sont devenues notre réalité ». Un an plus tard, M. Kishida annonce le doublement des dépenses de #défense et débloque l’équivalent de 315 milliards de dollars sur cinq ans. Le #Japon va ainsi disposer du troisième budget militaire du monde derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Il représentera 2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui correspond à l’engagement pris en 2014 par les vingt-huit membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (#OTAN)… dont il ne fait pourtant pas partie.

      Ces décisions — qui s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle « stratégie de sécurité nationale » dévoilée en août 2022 — changent profondément les missions des forces d’autodéfense, le nom officiel de l’#armée_nippone. Elles ne s’en tiendront plus, en effet, à défendre le pays mais disposeront des moyens de contre-attaquer. Et même de détruire des bases militaires adverses.

      Cette #militarisation et cette imbrication renforcée avec les États-Unis sonnent, pour la presse chinoise, comme dune dangereuse alerte. Certes, les rapports sino-japonais s’étaient déjà dégradés quand Tokyo avait acheté, le 11 septembre 2012, trois des îles Senkaku/Diaoyu à leur propriétaire privé et que, dans la foulée, Pékin avait multiplié les incursions dans la zone (8). Les visites régulières d’Abe au sanctuaire Yasukuni, qui honore la mémoire des criminels de guerre durant la seconde guerre mondiale, n’avaient rien arrangé.

      Mais le climat s’était plutôt apaisé dans la dernière période. « J’étais parvenu à un consensus important [avec Abe] sur la construction de relations sino-japonaises répondant aux exigences de la nouvelle ère (9) », a même témoigné le président chinois après l’assassinat de l’ex-premier ministre, en juillet 2022. Depuis l’annonce de la nouvelle stratégie de défense, le ton a changé.

      [...] en tournant le dos brutalement à sa politique pacifiste, le Japon se place en première ligne face à Pékin et éloigne tout espoir d’autonomie vis-à-vis des États-Unis. Cette impossible entrée dans l’après-guerre froide cohabite pourtant avec un dynamisme régional haletant où, de Hanoï à Colombo, ce pays vieillissant a construit les leviers de sa future croissance. Il y est en concurrence directe avec la Chine, très présente. Déjà, la plupart des pays asiatiques refusent de choisir entre Pékin et Washington, qui leur promet la sécurité. Et avec Tokyo ?

      (Le Monde diplomatique, mars 2023)

      #budget_militaire

    • Le géant de l’armement Rheinmetall surfe sur la remilitarisation de l’Europe (Les Échos)

      L’entrée au DAX, lundi, du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe consacre le retour en force des combats conventionnels terrestres. Après une année 2022 record, Rheinmetall s’attend à faire mieux encore en 2023.

      Ce lundi, Armin Papperger, le patron de Rheinmetall, se fera un plaisir de sonner la cloche de la Bourse de Francfort pour marquer l’entrée de son groupe dans le Dax après une année record. Son cours a doublé et sa valorisation avoisine 10,5 milliards d’euros. « Le changement d’ère et la guerre en Europe ont ouvert une nouvelle page pour #Rheinmetall », a-t-il déclaré jeudi, lors de la présentation des résultats du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe.

      Le retour des combats conventionnels terrestres a dopé le résultat net de ce dernier : il a bondi de 61 %, à 469 millions d’euros pour un chiffre d’affaires record de 6,4 milliards d’euros, en hausse de 13,25 %. Le résultat opérationnel (Ebit hors effets exceptionnels) a, lui, progressé de 27 %, à 754 millions d’euros. Et ce n’est qu’un début : « Je m’attends à ce que l’année 2023 soit de loin la meilleure année de l’histoire de l’entreprise en termes de commandes », a annoncé Armin Papperger.

      Carnet de commandes record

      Il a plusieurs fois loué devant la presse l’efficacité du nouveau ministre de la Défense Boris Pistorius, qui devrait, selon lui, permettre de débloquer enfin les 100 milliards du fonds de modernisation de l’armée allemande. Sur cette enveloppe, le patron de Rheinmetall estime pouvoir capter 38 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 20 milliards répartis à parts équivalentes entre les chars et la numérisation des forces terrestres, et 8 milliards pour les munitions. A ces montants s’ajoute la hausse prévisible du budget de la défense allemande : Boris Pistorius a réclamé 10 milliards de plus par an et il faudrait même 10 milliards supplémentaires pour atteindre les 2 % du PIB. Un objectif pour tous les membres de l’Otan qui devrait rapidement devenir un prérequis minimum. Le réarmement généralisé des pays de l’Alliance atlantique ne peut donc que profiter à Rheinmetall. Il vient en outre d’élargir sa palette en s’invitant dans la fabrication du fuselage central du F-35 américain qui devrait lui rapporter plusieurs milliards d’euros. Le groupe, qui affichait déjà l’an dernier un carnet de commandes record de 24 milliards d’euros, estime avoir les capacités pour faire bien davantage.

      600.000 obus

      En Ukraine, Rheinmetall assure ainsi pouvoir livrer un peu moins de la moitié des besoins de la production d’artillerie. Avec l’achat du fabricant espagnol Expal Systems, qui devrait être bouclé dans l’année, la capacité annuelle du groupe passe à environ 450.000 obus, voire 600.000 d’ici à deux ans.

      Rheinmetall est en train d’agrandir une usine en Hongrie et souhaite en ouvrir une de poudre en Saxe avec la participation financière de Berlin. Selon Armin Papperger, l’intégration verticale de l’entreprise, qui produit elle-même ses composants, la met par ailleurs à l’abri d’un chantage éventuel de la Chine sur les matières premières. Quant à la main-d’oeuvre, elle ne manquerait pas : le groupe se dit « inondé de candidatures », il a recruté 3.000 personnes l’an dernier et compte en faire autant cette année. Toutes les planètes sont donc alignées aux yeux de Rheinmetall pour pousser les feux. Le groupe vise un chiffre d’affaires de 7,4 à 7,6 milliards d’euros en 2023, ce qui représenterait une nouvelle hausse de 15,5 % à 18,7 %. Sa marge opérationnelle devrait passer de 11,8 % à 12 % environ.

      #militarisation #militarisme #capitalisme #troisième_guerre_mondiale

    • La guerre en Ukraine accélère la militarisation

      La guerre en Ukraine accélère la militarisation de l’Europe. Tragédie pour les populations ukrainienne et russe qui ont déjà payé cette guerre de 30 000 morts, elle est une aubaine pour les militaires et les marchands d’armes. Première guerre dite «  de haute intensité  » en Europe depuis 1945, sur un front de plus de 1 000 kilomètres, elle permet aux militaires de tester leurs matériels, de valider ou adapter leurs doctrines d’utilisation. Elle offre un marché inespéré pour les marchands d’armes appelés à fournir munitions et missiles, drones ou chars détruits en grande quantité. Elle accélère la hausse des budgets militaires de tous les États.

      Une militarisation engagée avant la guerre en Ukraine

      La hausse des dépenses militaires dans le monde était engagée avant l’invasion russe de l’Ukraine. Selon le dernier rapport du Sipri, l’Institut international pour la paix de Stockholm, publié le 25 avril, les dépenses militaires dans le monde ont dépassé en 2021, pour la première fois, la barre des 2 000 milliards de dollars, avec 2 113 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB mondial. C’est la septième année consécutive de hausse des dépenses militaires dans le monde selon ce rapport, qui précise  : «  Malgré les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, les dépenses militaires mondiales ont atteint des niveaux records.  »

      Si la Russie, présentée comme le seul agresseur et va-t-en-guerre, a augmenté son budget militaire en 2021, qui atteint 66 milliards de dollars et 4 % de son PIB, elle n’arrive qu’en cinquième position dans le classement des puissances les plus dépensières, derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Grande-Bretagne.

      En Grande-Bretagne, avec 68,3 milliards de dollars, les dépenses militaires sont en hausse de 11,1 %. Après le Brexit, Boris Johnson a multiplié les investissements, en particulier dans la marine. Peu avant sa démission, il affirmait vouloir restaurer l’impérialisme britannique en tant que «  première puissance navale en Europe  » et marquait à la culotte les autres puissances impérialistes du continent. Il a été l’un des premiers dirigeants européens à se rendre à Kiev pour afficher son soutien à Zelensky. Toute une brochette de politiciens britanniques milite pour que les dépenses militaires augmentent plus vite encore dans les années à venir. Ainsi, Nile Gardiner, ancien collaborateur de Thatcher, affirmait en mars au Daily Express : «  Les dépenses de défense devraient doubler, de deux à quatre pour cent [du PIB] dans les années à venir si la Grande-Bretagne veut sérieusement redevenir une puissance mondiale.  »

      Johnson a renforcé par divers canaux sa coopération militaire avec les États-Unis. Ces liens étroits entre les impérialismes britannique et américain ont été illustrés par l’alliance #Aukus (acronyme anglais pour Australie, Royaume-Uni et États-Unis) contre la Chine. Cette alliance s’est concrétisée par la commande australienne de huit sous-marins à propulsion nucléaire, pour la somme de 128 milliards de dollars. Déjà en hausse de 4 % en 2021 par rapport à 2020, les dépenses militaires de l’Australie sont donc appelées à augmenter. C’est aussi la politique occidentale agressive vis-à-vis de la Chine, et les pressions américaines, qui ont poussé le Japon à dépenser 7 milliards de dollars de plus en 2021 pour ses armées, la plus forte hausse depuis 1972.

      Selon le rapport du #Sipri, dès 2021, donc avant la guerre en Ukraine, huit pays européens membres de l’#Otan avaient porté leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, ce que réclament depuis longtemps les États-Unis à leurs alliés. Avec 56,6 milliards de dollars (51 milliards d’euros) dépensés en 2021, la France est passée de la huitième à la ­sixième place des États pour leurs dépenses en armement. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait déjà prévu un budget de 295 milliards d’euros sur six ans, pour arriver à plus de 2,5 % du PIB en 2025.

      La guerre en Ukraine a donc éclaté dans ce contexte d’augmentation générale des dépenses d’armement, qu’elle ne peut qu’accélérer et renforcer.

      Les leçons de la guerre en Ukraine

      Pour les états-majors et les experts, la #guerre_en_Ukraine n’est pas une tragédie mais d’abord un formidable terrain d’expérimentation des matériels de guerre et des conditions de leur mise en œuvre. Chaque épisode – offensive contrariée des armées russes au début de la #guerre, retrait du nord de l’#Ukraine puis offensive dans le #Donbass, destruction méthodique des villes – et les diverses façons d’utiliser l’artillerie, les drones, l’aviation, les moyens de communication et de renseignement sont étudiés pour en tirer le maximum de leçons. Depuis six mois, des milliers d’experts et d’ingénieurs chez #Thales, #Dassault, #Nexter, MBDA (ex-Matra), #Naval_Group ou chez leurs concurrents américains #Lockheed_Martin, #Boeing ou #Northrop_Grumman, étudient en détail comment cette guerre met en lumière «  la #numérisation du champ de bataille, les besoins de munitions guidées, le rôle crucial du secteur spatial, le recours accru aux drones, robotisation, cybersécurité, etc.  » (Les Échos du 13 juin 2022). Ces experts ont confronté leurs points de vue et leurs solutions technologiques à l’occasion de l’immense salon de l’#armement et de la sécurité qui a réuni, début juin à Satory en région parisienne, 1 500 #marchands_d’armes venus du monde entier. Un record historique, paraît-il  !

      Les leçons de la guerre en Ukraine ne sont pas seulement technologiques. Comme l’écrivait le journal Les Échos du 1er avril 2022, «  la guerre entre grands États est de retour en Europe. » Cette guerre n’a plus rien à voir avec «  les “petites guerres” comme celles de Bosnie ou du Kosovo, ni les opérations extérieures contre des groupes terroristes (Al Qaida, Daech) ou des États effondrés (Libye, 2011)  ». Pour les militaires, cette guerre n’est plus «  une guerre échantillonnaire mais une guerre de masse  », tant du point de vue du nombre de soldats tués ou blessés au combat que du nombre de munitions tirées et du matériel détruit.

      Entre février et juin, selon les estimations réalisées malgré la censure et les mensonges de chaque camp, cette guerre aurait fait 30 000 morts russes et ukrainiens, plusieurs centaines par jour. L’Ukraine rappelle que la guerre est une boucherie, que les combats exigent sans cesse leur chair à canon, avec des soldats qui pourrissent et meurent dans des tranchées, brûlent dans des chars ou sont tués ou estropiés par des obus et des missiles. Leur guerre «  de haute intensité  », c’est avant tout des morts, parmi les militaires comme les civils. Préparer les esprits à accepter de «  mourir pour nos valeurs démocratiques  », autre déclinaison du «  mourir pour la patrie  », est l’un des objectifs de la #propagande des gouvernements occidentaux qui mettent en scène la guerre en Ukraine.

      Côté matériel, les armées russes ont perdu plusieurs centaines de chars. Les États-Unis et leurs alliés ont livré plusieurs dizaines de milliers de missiles sol-sol ou sol-air de type Javelin ou Stinger, à 75 000 dollars pièce. Une semaine après le début de l’invasion russe, le colonel en retraite Michel Goya, auteur d’ouvrages sur les guerres contemporaines, écrivait  : «  L’#armée_de_terre française n’aurait plus aucun équipement majeur au bout de quarante jours  » (véhicules de combat, pièces d’artillerie…). La conclusion de tous ces gens-là est évidente, unanime  : il faut «  des forces plus nombreuses, plus lourdement équipées [qui] exigeront des budgets de défense accrus  » (Les Échos, 1er avril 2022). Augmenter les budgets militaires, drainer toujours plus d’argent public vers l’industrie militaire ou sécuritaire, c’est à quoi s’emploient les ministres et les parlementaires, de tous les partis, depuis des années.

      Des complexes militaro-industriels concurrents

      La guerre en Ukraine, avec l’augmentation spectaculaire des #budgets_militaires qu’elle accélère, est une aubaine pour les marchands d’armes. Mais elle intensifie en même temps la guerre que se livrent ces industriels. L’annonce par le chancelier allemand, fin février, d’un emprunt de 100 milliards d’euros pour remettre à niveau la #Bundeswehr, autrement dit pour réarmer l’Allemagne, a déclenché des polémiques dans l’#Union_européenne. Le journal Les Échos du 30 mai constatait avec dépit  : «  L’#armée_allemande a annoncé une liste de courses longue comme le bras, qui bénéficiera essentiellement aux industries américaines  : achat de #F-35 à Lockheed Martin, d’hélicoptères #Chinook à Boeing, d’avions P8 à Boeing, de boucliers antimissiles à Israël, etc.  » Au grand dam des militaristes tricolores ou europhiles, le complexe militaro-industriel américain profitera bien davantage des commandes allemandes que les divers marchands de mort européens.

      Il en est ainsi depuis la naissance de l’Union européenne  : il n’y a pas une «  #défense_européenne  » commune car il n’y a pas un #impérialisme européen unique, avec un appareil d’État unique défendant les intérêts fondamentaux d’une #grande_bourgeoisie européenne. Il y a des impérialismes européens concurrents, représentant des capitalistes nationaux, aux intérêts économiques complexes, parfois communs, souvent opposés. L’#impérialisme_britannique est plus atlantiste que les autres puissances européennes et très tourné vers son vaste ex-­empire colonial. L’#impérialisme_français a développé ses armées et sa marine pour assurer sa mainmise sur son pré carré ex-colonial, en particulier en Afrique. L’impérialisme allemand, qui s’est retranché pendant des décennies derrière la contrition à l’égard des années hitlériennes pour limiter ses dépenses militaires, en se plaçant sous l’égide de l’Otan et des #États-Unis, a pu consacrer les sommes économisées à son développement économique en Europe centrale et orientale. Les interventions militaires ou diplomatiques n’étant que la continuation des tractations et des rivalités commerciales et économiques, il n’a jamais pu y avoir de défense européenne commune.

      Les rivalités permanentes entre Dassault, Airbus, #BAE, #Safran ont empêché la construction d’un avion de combat européen. La prépondérance des États-Unis dans l’Otan et leur rôle majeur en Europe de l’Est et dans la guerre en Ukraine renforcent encore les chances du #secteur_militaro-industriel américain d’emporter les futurs marchés. Ces industriels américains vendent 54 % du matériel militaire dans le monde et réalisent 29 % des exportations. L’aubaine constituée par les futures dépenses va aiguiser les appétits et les rivalités.

      Bien sûr, les diverses instances européennes s’agitent pour essayer de ne pas céder tout le terrain aux Américains. Ainsi, le commissaire européen au Commerce et ex-ministre français de l’Économie, Thierry Breton, vient de débloquer 6 milliards d’euros pour accélérer le lancement de 250 satellites de communication de basse orbite, indispensables pour disposer d’un réseau de communication et de renseignement européen. Jusqu’à présent, les diverses armées européennes sont dépendantes des États-Unis pour leurs renseignements militaires, y compris sur le sol européen.

      À ce jour, chaque pays européen envoie en Ukraine ses propres armes, plus ou moins compatibles entre elles, selon son propre calendrier et sa volonté politique. Les champs de bataille du Donbass servent de terrain de démonstration pour les canons automoteurs français Caesar, dont les journaux télévisés vantent régulièrement les mérites, et les #chars allemands Gepard, anciens, ou Leopard, plus récents. La seule intervention commune de l’Union européenne a été le déblocage d’une enveloppe de financement des livraisons d’armes à l’Ukraine, d’un montant de 5,6 milliards sur six ans, dans laquelle chaque État membre peut puiser. C’est une façon de faciliter l’envoi d’armes en Ukraine aux pays de l’UE les moins riches. Avec l’hypocrisie commune aux fauteurs de guerre, les dirigeants de l’UE ont appelé cette enveloppe «  la facilité européenne pour la paix  »  !

      Vers une économie de guerre  ?

      Pour passer d’une «  guerre échantillonnaire  » à une «  guerre de masse  », la production d’armes doit changer d’échelle. Pour ne parler que d’eux, les fameux canons Caesar de 155 millimètres sont produits en nombre réduit, une grosse dizaine par an, dans les usines #Nexter de Bourges, pour la somme de 5 millions d’euros l’unité. Pour en livrer une douzaine à l’Ukraine, le gouvernement a dû les prélever sur la dotation de l’armée française, qui n’en a plus que 64 en service. Juste avant le début de la guerre en Ukraine, Hervé Grandjean, le porte-parole des armées, rappelait les objectifs de l’armée française pour 2025  : «  200 chars Leclerc, dont 80 rénovés, 135 #blindés_Jaguar, 3 300 #blindés_légers, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont 67 Tigre, 115 #hélicoptères de manœuvre, 109 #canons de 155 et 20 drones tactiques notamment  ». En comparaison, et même si les chars des différentes armées n’ont ni les mêmes caractéristiques ni la même valeur, en trois mois de guerre en Ukraine, plus de 600 chars russes ont été détruits ou mis hors service.

      La guerre en Ukraine devrait donc permettre aux militaires d’obtenir davantage de coûteux joujoux. Ils ont reçu le soutien inconditionnel du président de la Cour des comptes, l’ex-socialiste Pierre Moscovici, pour qui «  l’aptitude des armées à conduire dans la durée un combat de haute intensité n’est pas encore restaurée  ». Et dans son discours du 14 juillet, Macron a confirmé une rallonge de 3 milliards d’euros par an pour le budget de l’armée. Mais pour rééquiper en masse les armées européennes, il faut que les capacités de production suivent. Le 13 juin, Le Monde titrait  : «  Le ministère de la Défense réfléchit à réquisitionner du matériel du secteur civil pour refaire ses stocks d’armes  », et précisait  : «  L’État pourrait demander à une PME de mécanique de précision qui ne travaille pas pour le secteur de la défense de se mettre à disposition d’un industriel de l’armement pour accélérer ses cadences.  » Et comme toujours, l’État s’apprête à prendre en charge lui-même «  les capacités de production de certaines PME de la défense, en payant par exemple des machines-outils  ». Les capitalistes n’étant jamais si bien servis que par eux-mêmes, le chef de l’UIMM, le syndicat des patrons de la métallurgie, est désormais #Éric_Trappier, le PDG de Dassault.

      Produire plus massivement du matériel militaire coûtera des dizaines, et même des centaines, de milliards d’euros par an. Il ne suffira pas de réduire encore plus les budgets de la santé ou de l’école. Les sommes engagées seront d’un tout autre niveau. Pour y faire face, les États devront s’endetter à une échelle supérieure. Les gouvernements européens n’ont peut-être pas encore explicitement décidé un tel tournant vers la production en masse de ce matériel militaire, mais les plus lucides de leurs intellectuels s’y préparent. L’économiste et banquier Patrick Artus envisageait dans Les Échos du 8 avril le passage à une telle «  #économie_de_guerre  ». Pour lui, cela aurait trois conséquences  : une hausse des #dépenses_publiques financées par le déficit du budget de l’État avec le soutien des #banques_centrales  ; une forte inflation à cause de la forte demande en énergie et en métaux parce que les #dépenses_militaires et d’infrastructures augmentent  ; enfin la rupture des interdépendances entre les économies des différents pays à cause des ruptures dans les voies d’approvisionnement.

      Avant même que les économies européennes ne soient devenues «  des économies de guerre  », les dépenses publiques au service des capitalistes ne cessent d’augmenter, l’inflation revient en force, aggravée par la spéculation sur les pénuries ou les difficultés d’approvisionnement de telle ou telle matière première. L’#économie_capitaliste est dans une impasse. Elle est incapable de surmonter les contradictions qui la tenaillent, et se heurte une fois de plus aux limites du marché solvable et à la concurrence entre capitalistes, qui engendrent les rivalités entre les puissances impérialistes  ; à la destruction des ressources  ; et à son incapacité génétique d’en planifier l’utilisation rationnelle au service de l’humanité. La course au militarisme est inexorable, car elle est la seule réponse à cette impasse qui soit envisageable par la grande bourgeoisie. Cela ne dépend absolument pas de la couleur politique de ceux qui dirigent les gouvernements. Le militarisme est inscrit dans les gènes du capitalisme.

      Le #militarisme, une fuite en avant inexorable

      Il y a plus d’un siècle, #Rosa_Luxemburg notait que le militarisme avait accompagné toutes les phases d’accumulation du #capitalisme  : «  Il est pour le capital un moyen privilégié de réaliser la plus-value.  » Dans toutes les périodes de crise, quand la rivalité entre groupes de capitalistes pour s’approprier marchés et matières premières se tend, quand le marché solvable se rétrécit, le militarisme a toujours représenté un «  champ d’accumulation  » idéal pour les capitalistes. C’est un marché régulier, quasi illimité et protégé  : «  L’#industrie_des_armements est douée d’une capacité d’expansion illimitée, […] d’une régularité presque automatique, d’une croissance rythmique  » (L’accumulation du capital, 1913). Pour la société dans son ensemble, le militarisme est un immense gâchis de force de travail et de ressources, et une fuite en avant vers la guerre généralisée.

      Pour les travailleurs, le militarisme est d’abord un vol à grande échelle des fruits de leur travail. La production en masse de matériel de destruction massive, ce sont des impôts de plus en plus écrasants pour les classes populaires qui vont réduire leur pouvoir d’achat, ce sont des hôpitaux fermés, des écoles surchargées, des enseignants en sous-effectif, des transports dégradés, c’est un budget de l’État écrasé par la charge de la dette. Pour la #jeunesse, le militarisme, c’est le retour au service militaire, volontaire ou forcé, c’est l’embrigadement derrière le nationalisme, l’utilisation de la guerre en Ukraine pour redonner «  le sens du tragique et de l’histoire  », selon la formule du chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard.

      L’évolution ultime du militarisme, c’est la #guerre_généralisée avec la #mobilisation_générale de millions de combattants, la militarisation de la production, la #destruction méthodique de pays entiers, de villes, d’infrastructures, de forces productives immenses, de vies humaines innombrables. La guerre en Ukraine, après celles en Irak, en Syrie, au Yémen et ailleurs, donne un petit aperçu de cette barbarie. La seule voie pour éviter une barbarie plus grande encore, qui frapperait l’ensemble des pays de la planète, c’est d’arracher aux capitalistes la direction de la société.

      Un an avant l’éclatement de la Première Guerre mondiale, #Rosa_Luxemburg concluait son chapitre sur le militarisme par la phrase  : «  À un certain degré de développement, la contradiction [du capitalisme] ne peut être résolue que par l’application des principes du socialisme, c’est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l’accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l’humanité travailleuse et donc sur l’épanouissement de toutes les forces productives de la terre.  » Ni Rosa Luxemburg, ni #Lénine, ni aucun des dirigeants de la Deuxième Internationale restés marxistes, c’est-à-dire communistes, révolutionnaires et internationalistes, n’ont pu empêcher l’éclatement de la guerre mondiale et la transformation de l’Europe en un gigantesque champ de bataille sanglant. Mais cette guerre a engendré la plus grande vague révolutionnaire de l’histoire au cours de laquelle les soldats, ouvriers et paysans insurgés ont mis un terme à la guerre et menacé sérieusement la domination du capital sur la société. L’issue est de ce côté-là.

    • France. Militaires et industriels doutent d’être suffisamment gavés

      Les « promesses déjà annoncées : une hausse de 5 milliards d’euros pour combler le retard dans les drones, un bond de 60 % des budgets des trois agences de renseignement, une relance des commandes dans la défense sol-air , la reconstitution des stocks de munitions. Il a aussi promis plus de navires et de satellites pour l’Outre-Mer, des avancées dans la cyberdéfense, le spatial, la surveillance des fonds marins, le doublement du budget des forces spéciales, et enfin une progression de 40 % des budgets pour la maintenance des équipements, afin d’en accroître les taux de disponibilité.

      Ajouter à cette liste un doublement de la réserve, une participation potentiellement accrue au service national universel, la promesse de dégager 10 milliards pour l’innovation... « Toutes les lignes budgétaires vont augmenter, sauf la provision pour les opérations extérieures », a déclaré le ministre. Selon lui, les dépenses pour aider l’armée ukrainienne ne seront pas imputées sur le budget des armées. Ce dont beaucoup de militaires doutent. Un partage des frais entre ministères est plus probable.

      (Les Échos)

    • Pour eux, la guerre n’est pas une tragédie, mais une aubaine.

      Entre 2018 et 2022, la France a vu sa part dans les ventes mondiales d’armes passer de 7 à 11 %.

      Actuellement 3e sur le marché de l’armement, elle se rapproche de la 2e place. Un record qui contribue à la surenchère guerrière, en Ukraine et ailleurs, et qui alimente les profits des marchands d’armes.

    • La nouvelle #loi_de_programmation_militaire a été présentée en Conseil des ministres ce mardi 4 avril. Un budget de la défense en hausse de 40 % par rapport à la #LPM 2019-2025. Un montant historique

      D’autant que la LPM 2024-2030 n’inclura pas le montant de l’aide militaire à l’#Ukraine

      La politique de l’actuel président de la République contraste avec celle de ses prédécesseurs. Comme beaucoup de ses voisins, la France a vu ses dépenses de défense diminuer depuis la fin de la #guerre_froide

      Réarmement spectaculaire de la #Pologne par le biais de la Corée du Sud

      « Ce pays est en première ligne et sera potentiellement une grande puissance militaire en 2030 », a affirmé Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique lors de son audition au Sénat. Le 30 janvier dernier, le Premier ministre polonais a ainsi annoncé que le budget de la défense atteindrait 4 % du PIB en 2023.

      #militarisation #budget_de_la_défense

    • On ne prépare une guerre qu’à la condition de pouvoir la gagner. Et en l’état, les occidentaux commencent tout juste à comprendre que ce qu’ils pensaient assuré (première frappe nucléaire et bouclier ABM) de la part des américains, n’est finalement pas du tout si assuré que cela et que même, ma foi, la guerre est peut-être déjà perdue.

    • En l’état, ce n’est pas la guerre. Mais, oui, ils s’y préparent.

      Et cette nouvelle guerre mondiale ne sera pas déclenchée nécessairement quand ils seront certains de « pouvoir la gagner ».

    • L’Union européenne et ses obus : un petit pas de plus vers une économie de guerre
      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/lunion-europeenne-et-ses-obus-un-petit-pas-de-plus-vers-une-

      Mercredi 3 mai, le commissaire européen Thierry Breton a présenté son plan pour produire un million de munitions lourdes par an. Les industries d’armement européennes ne sont plus adaptées au rythme de production nécessaire pour des guerres de « haute intensité », ou même simplement telle que celle en Ukraine.

      Alors que l’armée ukrainienne tire 5 000 obus d’artillerie par jour de combat, la production annuelle du fabricant français Nexter ne permettrait de tenir ce rythme... que huit jours. Thierry Breton a annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros pour stimuler dans ce sens les industriels de l’Union européenne. Elle fait partie d’un plan de deux milliards d’euros annoncé fin mars pour fournir des obus à l’armée de Kiev, sous prétexte « d’aider » l’Ukraine. Il s’agit d’abord de puiser dans les stocks nationaux, puis de passer des commandes, et enfin de remplir les caisses des industriels pour qu’ils produisent plus vite.

      Les sommes déployées par l’UE sont très marginales par rapport aux dépenses faites par chaque puissance impérialiste pour financer son propre armement et enrichir ses capitalistes de l’armement. Ainsi, la programmation militaire française a augmenté de 100 milliards d’euros, tandis que le gouvernement allemand promet, lui, 100 milliards pour moderniser son armée.

      L’annonce européenne vise sans doute surtout à afficher à l’échelle du continent, donc aux yeux d’un demi-milliard d’Européens, que l’on va vers une économie de guerre et qu’il faut s’y adapter dès maintenant. Dans ce qu’a déclaré Thierry Breton, il y a aussi l’idée de s’attaquer à tous les goulots d’étranglement qui bloquent cette marche vers une économie de guerre. Il prévoit des dérogations aux règles européennes, déjà peu contraignantes, sur le temps de travail, c’est-à-dire de donner carte blanche aux patrons pour allonger la journée de travail dans les usines concernées. Le flot d’argent public dépensé en armement, que ce soit au niveau des États ou de l’Union européenne, sera pris sur la population d’une façon ou une autre. Chaque milliard en plus pour les obus signifiera un hôpital en moins demain.

  • De la #démocratie en #Pandémie. #Santé, #recherche, #éducation

    La conviction qui nous anime en prenant aujourd’hui la parole, c’est que plutôt que de se taire par peur d’ajouter des polémiques à la confusion, le devoir des milieux universitaires et académiques est de rendre à nouveau possible la discussion scientifique et de la publier dans l’espace public, seule voie pour retisser un lien de confiance entre le savoir et les citoyens, lui-même indispensable à la survie de nos démocraties. La stratégie de l’omerta n’est pas la bonne. Notre conviction est au contraire que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux qui vont devoir se mener, dans les mois et les années qui viennent, autour de la santé et de l’avenir du vivant.

    https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tracts/De-la-democratie-en-Pandemie

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    Et une citation :

    « La conviction qui nous anime en prenant aujourd’hui la parole, c’est que plutôt que de se taire par peur d’ajouter des #polémiques à la #confusion, le devoir des milieux universitaires et académiques est de rendre à nouveau possible la discussion scientifique et de la publier dans l’espace public, seule voie pour retisser un lien de confiance entre le #savoir et les citoyens, lui-même indispensable à la survie de nos démocraties. La stratégie de l’ _#omerta_ n’est pas la bonne. Notre conviction est au contraire que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux qui vont devoir se mener, dans les mois et les années qui viennent, autour de la santé et de l’avenir du vivant. »

    #syndémie #désert_médical #zoonose #répression #prévention #confinement #covid-19 #coronavirus #inégalités #autonomie #état_d'urgence #état_d'urgence_sanitaire #exception #régime_d'exception #Etat_de_droit #débat_public #science #conflits #discussion_scientifique #résistance #droit #santé #grève #manifestation #déni #rationalité #peur #panique #colère #confinement #enfermement #défiance #infantilisation #indiscipline #essentiel #responsabilité #improvisation #nudge #attestation_dérogatoire_de_déplacement #libéralisme_autoritaire #autoritarisme #néolibéralisme #colloque_Lippmann (1938) #économie_comportementale #Richard_Thaler #Cass_Sunstein #neuroscience #économie #action_publique #dictature_sanitaire #consentement #acceptabilité_sociale #manufacture_du_consentement #médias #nudging #consulting #conseil_scientifique #comité_analyse_recherche_et_expertise (#CARE) #conseil_de_défense #hôpitaux #hôpital_public #système_sanitaire #éducation #destruction #continuité_pédagogique #e-santé #université #portefeuille_de_compétences #capital_formation #civisme #vie_sociale #déconfinement #austérité #distanciation_sociale #héroïsation #rhétorique_martiale #guerre #médaille_à_l'engagement #primes #management #formations_hybrides #France_Université_Numérique (#FUN) #blended_learning #hybride #Loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR ou #LPPR) #innovation #start-up_nation #couvre-feu #humiliation #vaccin #vaccination
    #livre #livret #Barbara_Stiegler

    • secret @jjalmad
      https://twitter.com/jjalmad/status/1557720167248908288

      Alors. Pour Stiegler je veux bien des ref si tu as ça, j’avais un peu écouté des conf en mode méfiance mais il y a un moment, sans creuser, et je me disais que je devais pousser parce qu’en effet grosse ref à gauche

      @tapyplus

      https://twitter.com/tapyplus/status/1557720905828253698

      Check son entretien avec Desbiolles chez les colibris par ex. T’as aussi ses interventions à ASI, son entretien avec Ruffin, etc. C’est une philosophe médiatique, on la voit bcp. Et elle dit bien de la merde depuis qq tps. Aussi un live de la méthode scientifique avec Delfraissy

      Je suis pas sur le PC mais je peux te lister pas mal de sources. D’autant plus pbtk parce que « réf » à gauche. Mais dans le détail elle dit de la merde en mode minimiser le virus + méconnaissance de l’antivaccinisme. Et du « moi je réfléchit » bien claqué élitiste et méprisant.

      Quelques interventions de B Stiegler (en vrac) :
      Alors la première m’avait interpellée vu qu’elle était partie en HS complet à interpeller Delfraissy sur les effets secondaires des vaccins : https://radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-methode-scientifique/et-maintenant-la-science-d-apres-8387446
      (le pauve N Martin se retrouvait sur un débat complètement HS)

      Il y a d’une part la critique politique (rapport à la démocratie en santé publique), mais pour Stiegler outre la position « le gvt en fait trop, c’est des mesures autoritaires inutiles » elle se positionne par ailleurs sur des choix

      Parler des EI des vaccins sans balancer avec les effets de la maladie. Utilisation de la santé mentale des enfants pour critiquer le port du masque à l’école, lecture de la situation où il n’y aurait que gvt vs libertay, et en omettant complètement toutes les positions développées par l’autodéfense sanitaire et les militants antivalidistes et de collectifs de patients (immunodéprimés, covid long, ...) quand ils ne vont pas dans son narratif.

      Elle met de côté toutes les lectures matérialistes de la situation et sort clairement de son champ de compétence sur certains points, tout en ne donnant que très peu de sources et de points de référence pour étayer ses propos.

      Genre elle critique la pharmacovigilance et les EI mais elle ne donne jamais aucune source ni aucune information sur les outils, méthodes et acteurs qui travaillent ces sujets. Pareil quand elle dit découvrir les critiques des vaccination. Il y a de quoi faire avec les travaux historique sur la #santé_publique et la vaccination. A t elle interrogé des spécialiste de ces sujets, notamment les spécialistes qui ne vont pas que dans le sens de son propos. Elle semble manquer cruellement de référence historique sur le sujet alors qu’elle s’en saisit et qu’elle a une aura d’#intellectuelle_de_gauche, donc plein de monde lui accorde une confiance et trouve qu’elle est très pertinente sur certains sujets. Mais sur le traitement des points techniques elle me semble plutôt à la ramasse et ce qui ne va pas dans son sens est renvoyé à la doxa gouvernementale ou technoscientiste liberale, sans apparemment regarder les contenus eux même. Et Desbiolles c’est pareil. Alla je connais moins et je l’ai entendu dire qq trucs pertinents (sur les profils des non vaccines par exemple) mais le fait qu’il cite Desbiolles devant l’opecst, alors que celle ci racontait des trucs bien limites sur les masques et les enfants, ça me met des warnings.

      Je rajouterai 2 points : 1) il y a des sujets super intéressants à traiter de trouver comment on construit une position collective sur des questions de santé publique, ni individualiste ni subissant l’autorité de l’état. Genre comment penser une réflexions sur les vaccinations (en général, pas spécifiquement covid) dans une perspective émancipatrice et libertaire, comment on fait collectif, comment on mutualise des risques, comment on se donne des contraintes individuelles pour soutenir celles et ceux qui en ont plus besoin.

      Stiegler ne fait que critiquer l’autoritarisme d’état, parle de démocratie, mais ne propose aucune piste concrète ni axe de réflexion pour développer cela. D’autres personnes le font et développent cela, et c’est des sujets non triviaux sur lesquels il est important de délibérer.

      2) Un autre point c’est son discours, comme ceux d’autres intellectuels, est surtout axé sur la partie « choix libre » de la phrase « choix libre et éclairé », et n’évoquent pas vraiment la manière dont on construit collectivement la partie « éclairé »

      Il y a des sujets super importants à traiter sur le rapport aux paroles d’expert, de la place des scientifiques dans un débat public, de la dialectique entre connaissance scientifique et choix politiques et éthiques, bref plein d’enjeux d’éducation populaire

      Ah et aussi dernier point que j’ai déjà évoqué par le passé : l’axe « liberté » sur les questions de vaccination, c’est un argument central des discours antivaccinaux, qui axent sur le fait que les individus peuvent choisir librement etc. C’est assez documenté et c’est par exemple un registre argumentaire historique de la Ligue Nationale Pour la Liberté de Vaccination (LNPLV), qui défend le rapport au choix, défendant les personnes qui ont refusé les vaccinations obligatoires. Mais sous couvert de nuance et de démocratie, ce sont des positions antivaccinales assez claires qui sont défendues. Ce truc de la nuance et de la liberté, tu la retrouves par exemple également chez les anthroposophes (j’en parlais récemment dans un thread).

      j’ai enfin compris pourquoi on dit intellectuel de gauche : c’est pour indiquer avec quel pied leur marcher dessus.

  • Comment les militants décoloniaux prennent le pouvoir dans les universités

    Au lieu de lutter contre l’influence grandissante du #décolonialisme dans l’#enseignement_supérieur et la recherche, le gouvernement vient de faire adopter une #loi qui la favorise, s’alarment.

    Le modèle de formation des « #élites » ne passe plus, tant s’en faut, par les universités. Les meilleurs étudiants qui fréquentent les #classes_préparatoires dans des établissements du secondaire ne rencontrent plus les chercheurs de nos laboratoires. Ces établissements sont affranchis des équivalences que pilotait naguère la seule université. Un élève redoublant sa khâgne obtient aujourd’hui sa licence par décision du conseil de classe. Des écoles centrales, des écoles d’ingénieurs, des écoles nationales supérieures et des instituts peuvent désormais délivrer un doctorat en parallèle des universités. Des organismes para-universitaires « partenaires » , les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) contrôlent la formation des enseignants. L’université est donc dorénavant dépouillée de sa prérogative : la certification du diplôme, qu’elle partage avec des institutions concurrentes.

    Affaiblie, l’université a vu de surcroît son mode de gouvernance changer. Le « management par délégation de responsabilité » , une méthode organisationnelle qui fait peser sur les subordonnés les conséquences des orientations de la hiérarchie en laissant l’illusion de partager ses choix, y est désormais implanté « top-down » , des institutions de l’Union européenne au laboratoire universitaire. Ses ravages dans le milieu hospitalier dont tout le monde constate aujourd’hui l’ampleur sont identiques dans l’enseignement supérieur.

    Or la recherche est un enjeu national qui pourrait être planifié par les pouvoirs publics. Ce n’est pourtant pas le cas : les orientations stratégiques sont promues par des incitations financières à répondre à des projets dont les cadres sont préconçus par les institutions de l’Union européenne. Et celles-ci, comme l’a récemment montré notre collègue #Bernard_Rougier dans Le Point , utilisent ce moyen « pour imposer un #modèle_multiculturel » . Les financements s’obtiennent au final en s’inscrivant dans ces cadres qui, en #sciences_humaines, font la part belle à l’#inclusivisme et aux #théories_décoloniales.

    On a assisté, parallèlement, à un démantèlement des filières de validation scientifique classiques au profit de logiques d’évaluation et de « reporting » menées par des comités anonymes. C’était ouvrir la porte à toutes les demandes sociales ou politiques qui deviennent le critère principal des gestionnaires des établissements d’enseignement supérieur cherchant à flatter les responsables publics. On obtient alors à l’université une synthèse du pire de ce que peuvent produire la planification bureaucratique et le management capitaliste.

    Dans ce contexte, nous avons alerté dans une tribune collective sur la montée du #mouvement_décolonial dans les établissements d’enseignement supérieur. À la faveur du délitement de nos missions, des chercheurs militants, confondant #propagande et #recherche, ont investi le monde académique et procèdent à une occupation méthodique des postes-clés : élections de présidents et des conseils universitaires, commission de recrutements pour la cooptation des jeunes maîtres de conférences et recrutements de vacataires ou d’allocataires de bourses de thèses. Ces derniers sont contraints de suivre un mouvement qui leur promet la sortie de la précarité à laquelle ils se croient condamnés.

    La #précarité des postes est une réalité qui pèse lourdement sur les orientations scientifiques puisqu’elle transforme des fonctions indépendantes en missions ponctuelles. Au plan national, dans le supérieur, le taux de contractualisation des emplois administratifs est de 38,8 % du total des postes (filière BIATSS). Ces agents ont une mission capitale : ils sont responsables des aspects financiers du fonctionnement des composantes des universités. C’est le nerf de la guerre. Et une part non négligeable de ces recrutements temporaires est liée aux orientations du cadre européen imposant aux laboratoires universitaires leur mode de fonctionnement et leurs finalités.

    Le domaine de l’enseignement n’est pas épargné. La carrière du chercheur libre au service de l’État-stratège est devenue un Graal inaccessible : songeons que l’âge moyen d’entrée dans la carrière est aujourd’hui de 33 ans ; l’âge de soutenance de thèse est de 29 ans. Conséquence ? La précarisation des emplois va grandissant et la stabilité des équipes de recherche est remise en cause.

    À cette situation financière peu favorable au développement d’une recherche de long terme s’ajoute une mécanique électorale clientéliste : à l’université, que l’on soit précaire ou titulaire, on vote tout le temps. Et on ne vote pas pour un représentant, comme c’est d’ordinaire la règle, mais pour un chef de service susceptible d’accorder emplois, primes et augmentations. Pour ceux qui ne rentrent pas dans cette logique, des phénomènes de censure, d’intimidation, de discrimination politique ont été instaurés, créant ainsi des clivages inédits qui forcent des jeunes doctorants à un alignement idéologique sur des courants politiques légitimés par le nombre d’obligés et de vacataires recrutés, autant dire leur armée.

    C’est dans ce contexte qu’intervient la promotion de la #loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) élaborée par le gouvernement et adoptée par le Parlement fin décembre au terme de la procédure accélérée (ce qui n’est pas anodin). La loi consiste entre autres à supprimer l’étape de « qualifications nationales » pour les professeurs. Aujourd’hui, les recrutements des chercheurs sont conditionnés par l’examen devant le Conseil national des universités (CNU). Bien qu’étant très loin d’être parfait, ce mécanisme assurait le développement national et homogène de l’institution. Ce ne sera désormais plus le cas. L’étape de la vérification de la qualité des travaux des candidats par le Conseil national des universités est supprimée et les recrutements directs des professeurs par les universités sont autorisés.

    Les militants du #décolonialisme et de l’#intersectionnalité seront dorénavant libres de poursuivre leur entreprise d’accaparement de l’université au gré de politiques universitaires locales. Pour répondre à de pseudo-besoins territoriaux - en réalité politiques - ou favoriser l’implantation de filières présumées « innovantes » , les présidences clientélistes de certaines universités pourront, sans rendre aucun compte, favoriser cette orientation.

    Une telle évolution fait peser en outre une menace non négligeable sur le recrutement des professeurs de l’enseignement secondaire de demain. Car n’oublions pas qu’un étudiant de 2021 sera un professeur certifié en 2025. Si son cursus de formation n’est plus harmonisé ou n’est plus composé que d’#études_décoloniales, qu’enseignera-t-il demain en classe à des collégiens et des lycéens ?

    En lançant l’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires, nous appelons à mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs. Dans ce cadre, nous dénonçons la loi de programmation de la recherche (LPR) qui donne des marges de manoeuvre inédites aux ennemis de l’universalisme.

    * Samuel Mayol est maître de conférences en sciences de gestion. Xavier-Laurent Salvador, agrégé de lettres modernes, est maître de conférences en langue et littérature médiévales. L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires dispose d’un site internet : decolonialisme.fr

    Des chercheurs militants, confondant propagande et recherche, ont investi le monde académique et procèdent à une occupation méthodique des postes-clés

    https://www.lefigaro.fr/vox/societe/comment-les-militants-decoloniaux-prennent-le-pouvoir-dans-les-universites-
    #ESR #université #facs #France

    Quelques extraits, de vraies perles...

    Les militants du #décolonialisme et de l’#intersectionnalité seront dorénavant libres de poursuivre leur entreprise d’accaparement de l’université au gré de politiques universitaires locales.

    Si son cursus de formation n’est plus harmonisé ou n’est plus composé que d’#études_décoloniales, qu’enseignera-t-il demain en classe à des collégiens et des lycéens ?

    En lançant l’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires, nous appelons à mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs.

    –—
    ajouté au fil de discussion sur le #séparatisme et autre dérives...
    https://seenthis.net/messages/884291

    ping @isskein @cede @karine4

    • L’#Observatoire_du_décolonialisme_et_des_idéologies_identitaires

      Ce site propose un regard critique, tantôt profond et parfois humoristique, sur l’émergence d’une nouvelle tendance de l’Université et de la Recherche visant à « décoloniser » les sciences qui s’enseignent. Il dénonce la déconstruction revendiquée visant à présenter des Institutions (la langue, l’école, la République, la laïcité) comme les entraves des individus. Le lecteur trouvera outre une série d’analyses et de critiques, une base de données de textes décoloniaux interrogeable en ligne, un générateur de titre de thèses automatique à partir de formes de titres, des liens d’actualités et des données sur la question et un lexique humoristique des notions-clés.

      Cet observatoire n’a pas pour but de militer, ni de prendre des positions politiques. Il a pour but d’observer et d’aider à comprendre, à lire la production littéraire, scientifique et éditoriale des études en sciences humaines ou prétendument scientifiques orientées vers le décolonialisme. Il veut surtout aider à comprendre la limite entre science et propagande.

      L’équipe :


      http://decolonialisme.fr

    • La gauche sans les minorités. Réflexions à partir de S. Beaud et G. Noiriel : « L’article de S. Beaud et G. Noiriel est problématique tant dans l’analyse des phénomènes de racialisation qu’il propose que dans les conséquences stratégiques qu’ils en tirent. La gauche ne se reconstruira pas à partir de diagnostics approximatifs. Les coalitions qu’ont construit les mouvements antiracistes ces dernières années, comme certaines données électorales tracent une autre voie. » https://blogs.mediapart.fr/julien-talpin/blog/080121/la-gauche-sans-les-minorites-reflexions-partir-de-s-beaud-et-g-noiri ...

    • À propos de Beaud et Noiriel : l’enfermement identitaire n’est pas le lot de quelques-uns
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      Beaud et Noiriel n’aiment pas « la racialisation du discours public », dans lequel ils voient un effet de « l’américanisation de notre vie publique ». Elle installerait une frange importante de la population dans un « enfermement identitaire ». Elle contredirait ainsi la construction nécessaire d’alliances politiques autour de la question sociale, seule à même selon eux de rassembler les catégories populaires au lieu de les diviser. Les identités raciales, ajoutent-ils, ne sont qu’une illusion et la marque d’un oubli : « La classe sociale d’appartenance [reste] le facteur déterminant autour duquel s’arriment les autres dimensions de l’identité des personnes ».

      LIRE AUSSI SUR REGARDS.FR
      >> Crise de légitimité, colères sociales et stratégie macronienne de la muleta

      On ne juge pas d’un livre à partir de quelques pages. Celles qui sont proposées semblent toutefois très problématiques, d’autant plus qu’elles ne font que reprendre un vieux débat, celui qui oppose depuis quelques décennies l’attention au « social » et la préoccupation du « sociétal ». Ce débat est tout aussi improductif aujourd’hui qu’il l’était naguère.
      L’imaginaire et le réel

      La réflexion de nos deux auteurs procède d’un syllogisme. La « classe » est du côté de la réalité objective, la « race » est du côté de la représentation, donc de l’imaginaire ou de l’illusion. Or on ne peut fonder une visée politique critique sur une abstraction. S’il faut penser une « identité des personnes », il faut donc l’appuyer sur une identité de classe et non de race.

      Il est vrai que la notion de race s’expose toujours aux belles démonstrations de Claude Lévi-Strauss expliquant naguère que la race humaine n’existait pas au sens biologique du terme. Pourtant, si la race n’existe pas… elle n’en tue pas moins [1]. La race est une idée sans base matérielle biologique ; mais la racialisation qui la met au cœur de son projet est une force matérielle propulsive et pas seulement une idée.

      Or cette racialisation n’est pas le fruit de « l’américanisation ». Elle est une réalité inscrite dans une histoire qui est d’abord nationale. N’avons-nous pas le triste privilège d’avoir enfanté la première Bible du racisme théorique, avec le désolant auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, Arthur de Gobineau (1853) ? Et c’est bien chez nous qu’une longue acculturation nourrie par le fait colonial a produit ce qui n’est pas seulement un impensé, mais une pratique incessante de la discrimination, fonctionnant avant tout au faciès. Les médias possédés par « les entreprises américaines mondialisées » ont bon dos, pour disculper nos propres dominants et ceux qui les soutiennent. Il est tellement facile d’expliquer que c’est la faute aux autres…

      Tout mouvement qui se dresse, en totalité ou en partie, contre l’iniquité, la violence et la discrimination produite par le capitalisme dominant devrait être tenu pour légitime. Mais aucun mouvement n’est à l’abri d’évolutions qui, à l’arrivée, pourraient contredire l’objectif fondamental d’égalité et de liberté. L’enfermement identitaire est alors tout aussi meurtrier que l’indifférenciation, celle qui place tout combat particulier sous l’égide d’une norme présumée majoritaire.

      D’un autre côté, on peut mettre en doute l’idée que la seule réalité sociale est celle de la classe. Beaud et Noiriel savent bien que la classe est un rapport social, donc une construction historique et pas un matériau préexistant. À proprement parler, l’existence des classes ne précède pas celle de la lutte des classes : c’est au contraire la lutte elle-même qui les constituent, les font… et les défont.

      C’est par leur mise en mouvement et l’expérience de leurs conflits que les ouvriers, dispersés par leurs lieux, leurs statuts et leurs sociabilités, ont façonné leur conscience d’eux-mêmes, qu’ils ont ont défini leur rapport à la société qui les enserre et qu’ils se sont institués en classe s’affirmant en tant que telle. « Au début était la classe » : laissons cela à la légende…

      L’identité de la classe « objective » est une abstraction. La classe est un tout historique dans lequel s’entremêlent, de façon mouvante, de l’objectif et du subjectif, des positions sociales – définies par un classement – des pratiques organisées et des représentations qui deviennent des moteurs pour l’action. La classe est une réalité ; elle n’est toutefois pas une « chose », un objet qu’il suffit de catégoriser, de mesurer et de décrire.
      Réunir les catégories populaires dispersée

      Où en est-on aujourd’hui ? Les catégories populaires forment toujours l’ossature des sociétés. Mais l’unification relative qui a marqué l’histoire ouvrière sur deux siècles a laissé la place à une nouvelle dispersion. Le mouvement ouvrier a perdu de son souffle et le peuple n’a plus de groupe central. L’enjeu est, à nouveau, de réunir ce qui ne l’est pas.

      Le kaléidoscope social contemporain est le produit des logiques qui régissent l’organisation sociale. Elles sont connues depuis longtemps : exploitation, domination, aliénation, discrimination forment un tout, réuni par le modèle capitaliste de production et de distribution des ressources, matérielles comme symboliques. Les contours de celles et ceux que l’on peut rassembler en découlent : exploité-e-s, dominé-e-s, dépossédé-e-s, discriminé-e-s constituent l’univers des classes dites « subalternes ».

      Selon les moments, c’est un aspect ou un autre de la position subalterne qui crée le besoin de relever la tête, de se rassembler et d’agir. Quand le groupe ouvrier était en expansion spectaculaire, on pouvait penser que la question sociale du salariat était celle autour de laquelle tout pouvait se penser et se construire. Cette question n’a pas perdu de son acuité ; mais elle n’est plus la source unique ni même principale de l’engagement. Chaque espace de contestation devrait donc être considéré dans son égale dignité. Dans l’univers pluriel du peuple « sociologique », il n’y a pas de groupe central autour duquel tous les autres pourraient se rassembler. Dans le paysage foisonnant des luttes contemporaines, il est hasardeux d’assigner à chacune sa place dans une hiérarchie immuable.

      Traitant des mouvements réputés « identitaires » ou « minoritaires », Beaud et Noiriel évoquent l’importance de la dialectique du « eux » et du « nous » dans leur fonctionnement mental. Ils en perçoivent les limites ; il est dommage qu’ils n’étendent pas la critique à la totalité des champs de la lutte sociale.
      L’enfermement identitaire ne menace pas que les « minoritaires »…

      Il est vrai que l’affirmation de soi par la différence avec autrui est un facteur premier de conscience commune pour un groupe social. Les historiens savent depuis longtemps que la dynamique du « eux » et « nous » est un marqueur symbolique puissant, qui a fonctionné dans l’histoire ouvrière. Mais on sait aussi que le « eux-nous » a ses limites. La désignation de l’adversaire sous la forme indistincte du « eux » pousse à condamner le responsable et pas toujours la logique sociale qui produit la séparation de l’exploiteur et de l’exploité, du dominant et du dominé, du haut et du bas. Quand la complexification de la vie sociale rend plus difficile la désignation des responsables particuliers, la tentation est grande de désigner du doigt le bouc émissaire, que l’on va chercher du côté du plus familier. Ce sont ces raccourcis qui, couplés à la montée du ressentiment, forment aujourd’hui le socle des dérives autoritaires érodant toute dynamique démocratique. De ce point de vue, la survalorisation du « social » n’est pas une garantie : la défense des « petits » n’est-elle pas un cheval de bataille de l’extrême droite ?

      Plus fondamentalement, le « eux-nous » est opérationnel tant qu’il s’agit de penser un groupe dans sa dynamique spécifique : « nous » les ouvriers, par exemple. Mais il perd de sa force, quand l’enjeu n’est plus la reconnaissance du groupe par ses propres membres, mais par la société tout entière. Alors, l’objectif n’est plus seulement d’exalter une différence, mais de montrer en quoi la dignité reconnue d’une catégorie sociale est une chance pour la société elle-même.

      Dans ce moment-là, y a-t-il un risque d’« enfermement identitaire » ? Incontestablement, oui. Mais ce risque n’est pas propre aux mouvements « racialisés » ou minoritaires ; il peut toucher les mouvements « sociaux », quand bien même ils seraient numériquement dominants. Le mouvement ouvrier n’a pas été épargné par sa propre variante identitaire, cet « ouvriérisme » dont, fort heureusement, le socialisme historique et le communisme français du XXème siècle se sont globalement gardés. Et si l’on considère un mouvement récent, comme celui des Gilets jaunes, il serait bien imprudent d’affirmer qu’il n’a pas été atteint, au moins en partie, par les globalisations dangereuses du « eux » et « nous », du « peuple » et de « l’élite », mêlant ainsi l’exigence juste de démocratie citoyenne active et les rideaux de fumée du « tous pourris ».

      Il est décidément trop commode d’opposer le mouvement pur de toute dérive que serait le mouvement basé sur le « social » et celui qui, parce qu’il ne porterait pas sur le rapport d’exploitation, serait voué à l’enfermement identitaire et à l’éternelle minorité. Tout mouvement critique conscient devrait à la fois cultiver sa spécificité, affirmer sa légitimité et se garder du piège de l’identité. Tout individu a besoin de se définir par ses appartenances ; on court grand risque, néanmoins, à faire de l’une d’entre elles, sociale, religieuse, raciale ou ethnique et culturelle, un absolu qui tracerait une frontière indépassable entre les « identités ». Reconnaître le droit à l’identification n’est pas se soumettre au culte des identités.
      Le clivage du « social » et de « l’identitaire » est un piège

      À l’encontre de la primauté supposée du « social », on affirmera ici une autre piste de réflexion.

      1. Les inégalités et les discriminations forment un tout indissociable. Parce que nos sociétés sont plus polarisées que jamais, elles nourrissent la tentation de légitimer la mise à l’écart : le non-civilisé, le barbare, le sauvage, l’autre, l’étranger, l’immigré, le non-national sont alors les boucs émissaires idéaux. L’incertitude extrême du temps et l’instabilité planétaire exacerbent en outre l’obsession de la protection : nos identités menacées devraient être défendues.

      Lutter contre les inégalités et agir contre les discriminations, sans établir une hiérarchie entre elles, sont deux faces d’un même combat. Tout engagement critique a son versant positif : on se bat contre les inégalités et les discriminations, parce que l’on croit nécessaires et possibles l’égalité et la dignité. Le tracé de frontières entre les luttes est en ce sens une impasse. Un mouvement qui se dresse contre la subordination sociale des individus et des groupes n’est ni « social » ni « sociétal » ni « identitaire » en soi. À un moment ou à un autre, son horizon peut conduire le regard vers une société où l’égalité et la dignité sont réunies par une même logique d’émancipation individuelle et collective.

      Abandonnons les lubies du « fondamental » et du « secondaire ». Chaque lutte contre un effet de l’ordre-désordre social participe à sa façon d’un combat de société : contre un modèle dominant de société, pour une autre conception de ce qui fait société…

      2. On ne lira pas les pages nouvelles du combat émancipateur avec les lunettes du passé et la nostalgie est en cela tout aussi dangereuse que les certitudes faciles de l’oubli. Il ne sert à rien de rêver des identités perdues, de la classe ouvrière abandonnée et du mouvement ouvrier à rebâtir. Le point de départ de la réflexion politique alternative devrait être dans l’observation attentive des mouvements critiques tels qu’ils sont. Or, sur ce point, rien ne serait pire que de délégitimer tel ou tel combat, ou à l’inverse de décerner des brevets de légitimité « anti-système ». Les mobilisations autour du climat, contre les violences faites aux femmes, contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, les mouvements des précaires, les défilés contre les projets de réforme des retraites, les manifestations des Gilet jaunes, les courants anti-consuméristes, les essais d’organisation alternative du travail et de la vie sociale…

      En bref, les traces persistantes du mouvement ouvrier et les pousses nouvelles de la contestation participent du grand rêve de l’émancipation humaine. Ce sont ces mouvements – au pluriel – qui sont le terreau de toute construction future. Que le point de départ du combat « anti-systémique » soit la position sociale, le mal-vivre, la mise à l’écart des femmes, l’angoisse de l’implosion climatique, les valeurs humanistes, la passion altermondialiste, le refus des discriminations ou la peur du fascisme : tout cela importe peu. Seule compte la mise en mouvement…

      3. La juxtaposition des mouvements ne suffit pourtant pas à en faire une force agissante. L’idée grandit, sous bien des appellations (convergence, coordination, fédération, intersectionnalité…) qu’il est nécessaire de passer de l’addition simple à la mise en commun. Des formes de rapprochement se sont esquissées, dans la dernière période, il est vrai pour l’instant à la marge. Mais, en dehors du récit libéral-autoritaire de l’extrême centre et du récit autoritaire et excluant de l’extrême droite, il n’y a pas de grand récit unificateur apte à rassembler une majorité populaire portée vers l’émancipation. Dès lors, les classes populaires apparaissent sous la forme d’une multitude qui lutte, séparément ou pas, contre ce qui la meurtrit ; elles ne constituent pas pour autant un peuple en mesure de maîtriser politiquement son destin. La question est donc posée, en termes nouveaux, du « bloc historique », indissociablement social, politique et symbolique, qui portera l’exigence d’autres modèles sociaux et cela jusque dans les institutions.

      Ce récit et ce bloc n’ont aucune chance d’émerger et de s’imposer, si le préalable est de séparer le bon grain et l’ivraie, le mouvement légitime et celui qui ne l’est pas. Tout mouvement qui se dresse, en totalité ou en partie, contre l’iniquité, la violence et la discrimination produite par le capitalisme dominant mérite d’être pris en considération. Mais aucun mouvement n’est à l’abri d’évolutions qui, à l’arrivée, pourraient contredire l’objectif fondamental d’égalité, de liberté et de solidarité. L’enfermement identitaire est alors tout aussi meurtrier que l’indifférenciation, celle qui place tout combat particulier sous l’égide d’une norme présumée majoritaire.

      La légitimité et la part de risque valent pour chaque composante, et pas pour quelques-unes d’entre elles. Nul ne peut être écarté du grand œuvre ; nul ne doit se croire immunisé a priori de tout errement possible."
      Roger Martelli
      http://www.regards.fr/idees-culture/article/a-propos-de-beaud-et-noiriel-l-enfermement-identitaire-n-est-pas-le-lot-de ...

    • À propos d’un texte de S. Beaud et G. Noiriel : critique des impasses ou impasses d’une critique ?

      Un article de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, publié par Le Monde diplomatique de janvier 2021 sous le titre « Impasses des politiques identitaires », a suscité d’intenses controverses et des appropriations intéressées, notamment de la part de médias (Marianne), d’idéologues (par exemple Laurent Bouvet) ou de collectifs (le Printemps républicain) qui se sont spécialisés depuis longtemps dans la disqualification des mouvements antiracistes au nom de la « République » et de sa sauvegarde.

      Discuter la contribution de S. Beaud et G. Noiriel est nécessaire non seulement en raison des enjeux qu’elle soulève, ainsi que de la grande valeur de leurs travaux respectifs antérieurs[1], mais aussi de leur engagement tenace en faveur d’une science sociale critique des rapports de domination. Or, dans le cas présent, force est d’admettre que, comme on dit, le compte n’y est pas. On se bornera ici à se tenir au plus près de l’article publié pour en discuter la démarche et les présupposés, sans omettre que l’article en question est extrait d’un livre qui vient de paraître, plus précisément de son introduction et de sa conclusion1.

      Quelle est, présentée avec nuance, l’idée directrice de ce texte ? Que les revendications de minorités et des mouvements prétendant en défendre les intérêts (revendications et mouvements hâtivement qualifiés d’ « identitaires ») menacent d’enfermer les acteurs qui les défendent, en les rendant prisonniers de prétendues « politiques identitaires », jamais définies en tant que telles et réduites à un dénominateur commun imaginaire.

      Amalgames

      1. Quels sont les acteurs des « politiques » mises en cause ? Faute de les distinguer, l’article amalgame des chercheurs et universitaires (auxquels est réservé le titre d’« intellectuels »[2]), des organisations et mouvements (jamais clairement identifiés alors qu’ils sont très divers[3]), ou encore des mobilisations et des actions (dont ne sont retenus que des « coups de forces ultraminoritaires »[4]). Cet amalgame permet de construire à peu de frais des « politiques identitaires » globalisées, comme si elles prétendaient toutes à la définition de politiques globales et alors même que la quasi-totalité de celles et ceux qui sont (ou semblent) visés se réclament de l’égalité et non d’une quelconque « identité ».

      On voit d’ailleurs à quel point le pari de S. Beaud et G. Noiriel de se tenir sur un plan purement scientifique ne tient pas, puisqu’ils reprennent, là encore sans discussion, une expression – « identitaire » – extrêmement problématique et qui n’est nullement issue du champ scientifique mais de polémiques médiatiques et politiques. Ainsi parlent-ils de « politiques identitaires », ou dans leur livre de « gauche identitaire » (p. 17), sans s’interroger sur la valeur scientifique d’une telle notion, qui tend à amalgamer des courants qui revendiquent la défense d’une « identité » européenne qu’ils jugent menacée (en l’occurrence des mouvements d’extrême droite, bien souvent néofascistes), d’autres qui utilisent la notion d’« identité » pour critiquer les assignations identitaires, et d’autres encore qui usent d’une rhétorique de l’« identité » dans une perspective de revalorisation symbolique de groupes subalternes. Peut-on véritablement se débarrasser de ces différences d’usages en se contentant d’affirmer que tous « parlent le même langage » ?

      Symptomatique de ce schématisme, S. Beaud et G. Noiriel renvoient dos-à-dos la pétition intitulée « Manifeste pour une République française antiraciste et décolonialisée » diffusée par Mediapart le 3 juillet 2020, et l’« Appel contre la racialisation de la question sociale », initialement publié par Marianne le 26 juillet 2020. Avec cette conséquence : attribuer aux signataires de la première pétition l’objectif de « défendre un projet politique focalisé sur les questions raciales et décoloniales occultant les facteurs sociaux ».

      Ce disant, S. Beaud et G. Noiriel leur prêtent un projet politique global alors que les signataires interviennent ici exclusivement contre l’effacement de l’histoire coloniale et esclavagiste dont témoignent notamment les violences policières (dont les victimes sont très souvent issues de l’immigration postcoloniale). Comment peut-on négliger que nombre de ces signataires interviennent de longue date contre les politiques de classe qui accroissent les inégalités socio-économiques et dégradent les conditions de vie des classes populaires ? Et comment peut-on évoquer une prétendue occultation des facteurs sociaux en laissant ainsi entendre que la question raciale ne relèverait pas de mécanismes sociaux[5] ou ne serait pas une composante de la question sociale ?

      En revanche, S. Beaud et G. Noiriel passent ici sous silence l’universalisme abstrait de l’appel publié par Marianne : un universalisme qui, sous couvert de la proclamation d’une universalité de droits égaux, dissimule les oppressions et occulte des discriminations et ségrégations structurelles que sociologues, économistes ou démographes n’ont pourtant aucune peine à mettre en évidence quand on leur en donne les moyens statistiques[6]. Comme si l’universalité concrète n’était pas encore à conquérir et pouvait l’être sans mobilisations menées à partir de ces situations d’oppression.

      Or cette mise en scène polémique permet à nos auteurs de déplorer, en des termes un tantinet méprisants, une supposée guéguerre entre deux « camps » qui menacerait la position de surplomb d’universitaires défendant l’indépendance de la recherche[7] :

      « Ces affrontements identitaires, où chaque camp mobilise sa petite troupe d’intellectuels, placent les chercheurs qui défendent l’autonomie de leur travail dans une position impossible ».

      Sans nier la tension qui peut exister entre la recherche théorique et l’intervention politique, on voit mal en quoi la mobilisation politique de chercheurs menacerait l’indépendance de leurs recherches, ou comment celle-ci serait garantie par le refus d’intervenir directement dans le débat politique[8].

      Et on ne peut s’empêcher de relever cet étrange paradoxe : publier dans un mensuel journalistique un extrait (discutable) est le type même d’intervention politique que S. Beaud et G. Noiriel récusent, alors que le second, dans une note de son blog, attribue un malentendu au titre choisi par Le Monde diplomatique :

      « Même si le titre qu’a choisi la rédaction du Monde Diplomatique (”Impasses des politiques identitaires”) a pu inciter une partie des lecteurs à penser que notre propos était politique, ce que je regrette pour ma part, il suffit de le lire sérieusement pour comprendre que notre but est justement d’échapper à ce genre de polémiques stériles. ».

      Comme si le « propos » de cet extrait n’avait rien de « politique », même en un sens minimal, dans la mesure où il renvoie à des options politiques et critique d’autres options politiques.

      2. Qu’auraient donc en commun les acteurs qui, à des titres divers, rompent avec l’universalisme abstrait ? S. Beaud et G. Noiriel l’affirment : leur sous-estimation ou leur ignorance des déterminations de classe des discriminations et des oppressions subies par des minorités en raison de telle ou telle origine, couleur de peau et/ou religion.

      C’est évidemment inexact s’agissant des universitaires et chercheurs qui, en France, font plus ou moins référence à l’intersectionnalité sans négliger, bien au contraire, les déterminations de classe. C’est totalement réducteur s’agissant de nombre de militant·es, de mouvements et d’organisations en lutte contre le racisme qui n’ignorent pas que l’oppression raciale s’imbrique avec l’exploitation de classe. C’est unilatéral s’agissant des mobilisations de masse les plus récentes. C’est abusivement simplificateur s’agissant des revendications d’appartenance d’habitants des quartiers populaires, souvent parfaitement conscients de l’existence d’inégalités de classe dont ils sont les victimes ; même si cette conscience s’exprime parfois dans un langage davantage territorial (le « quartier ») qu’économique, cela sans doute en raison même du chômage qui sévit si fortement parmi les jeunes de ces quartiers.

      Raccourcis

      1. Mais d’où vient l’importance prise par les affrontements dont S. Beaud et G. Noiriel dénoncent le simplisme ? D’où viennent, en particulier, face à un universalisme proclamé mais largement démenti, l’adhésion d’inégale intensité de minorités opprimées à des appartenances particulières et leur participation à des mobilisations spécifiques ?

      Une évocation du nouveau monde médiatique est mise au service d’une critique de la prétendue « américanisation du débat public ». Cette critique empruntée sans discernement au bavardage médiatique fait office d’explication de la centralité qu’aurait acquise la dénonciation du racisme dans le débat public, imputable de surcroît à des « émotions ». Alors que la contestation et les mobilisations correspondantes sont, en France, généralement minorées, marginalisées, déformées voire traînées dans la boue dans les grands médias audiovisuels et par la presse de droite (qu’on pense à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre 2019 ou des mobilisations contre les violences policières de l’été 2020), S. Beaud et S. Noiriel ne craignent pas d’affirmer :

      « Le racisme étant aujourd’hui l’un des sujets politiques les plus aptes à mobiliser les émotions des citoyens, on comprend pourquoi sa dénonciation occupe une place de plus en plus centrale dans les médias. »

      Quels médias, si l’on excepte la presse indépendante et les « réseaux sociaux » dont l’audience est minoritaire ? Quelle étude empirique, même sommaire, permet à des chercheurs attachés à de telles études d’affirmer cette prétendue centralité de la dénonciation du racisme dans les médias ? Cela d’autant plus que la plupart des travaux scientifiques sur la question des discriminations raciales sont à peu près inconnus de la plupart des journalistes comme des responsables politiques, que les chercheurs·ses travaillant sur ces questions sont rarement sollicité·es par les médias de grande écoute et que cette question est loin d’être au cœur de l’agenda politique.

      Pour ne prendre qu’un exemple, a-t-on jamais vu les inégalités ethno-raciales constituer un point sur lequel on interroge les candidats à l’élection présidentielle au cours des vingt dernières années ? La dimension raciale des violences policières est-elle véritablement discutée dans les médias de grande écoute ? Au contraire, les polémiques médiatisées sont polarisées par une débauche de mots vides ou vidés de tout contenu précis, mais sans cesse ânonnés par lesdits journalistes et responsables politiques : « communautarisme », « séparatisme », « racialisme » ou encore « indigénisme ».

      Ces polémiques médiatisées sont même parvenues à s’emparer de la mobilisation mondiale de l’été 2020 contre les crimes racistes commis par la police et à s’enflammer autour d’un prétendu « racisme anti-blanc ». De même, on a vu un ancien joueur de football, Lilian Thuram, être régulièrement accusé de « racisme anti-blanc » pour avoir pointé des formes de racisme profondément ancrées dans les sociétés européennes. Les associations et les mobilisations les plus incisives sont malmenées, tandis que les « débats vraiment faux » prolifèrent, sans impliquer ni atteindre les premiers concernés.

      C’est pourtant à la médiatisation des « polémiques identitaires dans le débat public » que S. Beaud et G. Noiriel attribuent les revendications d’appartenance d’une partie des jeunes :

      « Étant donné l’importance prise par les polémiques identitaires dans le débat public, il n’est pas surprenant qu’une partie de ces jeunes puissent exprimer leur rejet d’une société qui ne leur fait pas de place en privilégiant les éléments de leur identité personnelle que sont la religion, l’origine ou la race (définie par la couleur de peau). »

      C’est là, à l’évidence, attribuer une importance disproportionnée au « débat public » dans la manière dont les individus se représentent le monde social. Sans doute les catégories produites et diffusées dans l’espace public par ses principaux tenanciers – les porte-voix journalistiques et politiques – ont-elles une influence non-négligeable. La référence aux catégories diffusées dans l’espace public est bien souvent négative et réactive : c’est généralement parce que les musulman·es sont pris·es à partie dans des médias de grande écoute qu’ils ou elles sont amené·es à se revendiquer comme tel·les. Mais, surtout, on peut penser que c’est l’expérience directe des ségrégations ethno-raciales (dans les villes, à l’école ou au travail) par des groupes sociaux qui, généralement, n’ont pas accès aux médias qui est ici déterminante. Elle ne nourrit pas, ou pas seulement, des opinions mal fondées en attente de validation par des chercheurs forts d’une indépendance proclamée.

      2. Cette « explication » par le rôle du débat public est confortée par une autre. S. Beaud et G. Noiriel connaissent fort bien – à la différence des indignés mobilisés par Marianne, Le Point et Valeurs actuelles – les discriminations subies par ces jeunes. Mais quand ils n’affirment pas qu’ils seraient d’autant plus émotifs qu’ils sont livrés à une médiatisation imaginaire, ils attribuent leurs revendications d’appartenance (dont ils présument parfois qu’elles seraient exclusives d’autres appartenances) à des déficits en capital économique et culturel :

      « Malheureusement, les plus démunis d’entre eux sont privés, pour des raisons socio-économiques, des ressources qui leur permettraient de diversifier leurs appartenances et leurs affiliations. ».

      Pourquoi ne pas dire plus clairement que ces « déficits » résultent des discriminations et de multiples mécanismes inégalitaires – où se mêlent une variété de facteurs (de classe, de race, de territoires, de genre, etc.) – qu’ils subissent (et qu’ils connaissent bien souvent) ?

      Les risques d’isolement, voire d’enfermement, existent sans doute, mais ils résultent pour une part essentielle des discriminations elles-mêmes, si bien que lutter contre ces risques passe en premier lieu par une lutte pied à pied contre ces discriminations et contre l’ensemble des mécanismes d’infériorisation sociale subis par celles et ceux qui cumulent le fait d’être issu·es des classes populaires et de l’immigration postcoloniale. Or S. Beaud et G. Noiriel nous offrent, en guise d’analyse de ces risques, une longue citation de Michael Walzer sur des impasses rencontrées par le nationalisme noir des années 1960 aux États-Unis, qu’il étend (sans nuances) au mouvement « Black Lives Matter » pour déplorer l’incapacité à nouer des alliances avec d’autres minorités.

      D’où il résulterait que les risques indéniables d’isolement sont attribués à la minorité concernée, alors que cette longue citation n’évoque même pas l’implacable répression des mouvements noirs par le pouvoir politique états-unien (allant jusqu’au meurtre des principaux dirigeants de ces mouvements) mais aussi les politiques de cooptation des élites noires, notamment au sein du Parti Démocrate. En outre, il est pour le moins audacieux, notamment de la part de chercheurs qui prétendent s’élever au-dessus du sens commun et fonder leurs affirmations sur des enquêtes, de transposer sans plus ample examen l’explication de M. Walzer à la situation française ; d’autant plus que ce dernier ne saurait en aucun cas être considéré comme un spécialiste de ces questions…

      Somme toute, S. Beaud et G. Noiriel inversent les rapports de causes à conséquences, comme si les « politiques identitaires », davantage postulées que constatées (en particulier dans le cas français), résultaient en premier lieu des limites des mobilisations antiracistes elles-mêmes, et non de l’incapacité ou du refus du mouvement syndical et des gauches politiques à s’emparer de revendications et d’aspirations légitimes[9]. Au détour d’une phrase, pourtant, on peut lire :

      « En outre, ces générations sociales ont dû faire face politiquement à l’effondrement des espoirs collectifs portés au XXe siècle par le mouvement ouvrier et communiste. » Quand le fondamental devient surplus…

      Ce qui est décisif en effet, par-delà « l’effondrement des espoirs collectifs », c’est la capacité d’inscrire dans une perspective générale des combats qui menacent de rester morcelés sans que ce morcellement soit imputable aux prétendues « politiques identitaires » : un morcellement qui concerne en réalité toutes les luttes sociales, y compris celles portées par le mouvement ouvrier « traditionnel » et, notamment, par les syndicats. Les appartenances à des minorités opprimées qui se revendiquent et se mobilisent comme telles ne sont pas des substituts ou des dérivatifs par rapport à d’autres appartenances ou mobilisations qui seraient prioritaires. Ce sont les composantes – potentielles et réelles – d’un combat englobant ; mais il ne peut être englobant qu’à condition de les inclure à part entière dans une politique d’émancipation qui reste à inventer.

      *

      (...) http://www.contretemps.eu/beaud-noiriel-race-classe-identite-gauche ....

  • Le cadeau de Noël du gouvernement aux universitaires (26.12.2020)

    https://academia.hypotheses.org/29772

    –-> je pense n’avoir pas donné cette nouvelle le jours où elle est sortie du chapeau du gouvernement... ni les jours suivants...

    La fameuse #LPPR, devenue #LPR entre temps... la #loi_de_programmation_de_la_recherche (qui s’appelait #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche) est sortie dans le #journal_officiel le matin du... #26_décembre_2020... oui oui oui... même pas 24h après #Noël, en pleine vacances universitaires !

    J’en fait donc un 6e fil de discussion, que j’ajoute à la métaliste sur les réformes qui intéressent l’#enseignement_supérieur :
    https://seenthis.net/messages/820330
    Et plus précisément :
    https://seenthis.net/messages/820330#message820388

    #facs #France #réforme

    • L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant : cycle bas.

      Il y a un an exactement, nous étions cinq mille à présenter notre candidature collective à la présidence du #Hcéres. Alors que les avant-projets de ce qui s’appelait encore la LPPR commençaient à transpirer, il s’agissait de poser comme fondamentaux les principes d’#autonomie et de #responsabilité des universitaires et des chercheurs dont il nous revient d’instituer les conditions effectives : la probation d’un travail scientifique doit être le fait de l’ensemble de la communauté des pairs ; le travail scientifique doit disposer de moyens budgétaires, d’une temporalité et de garanties statutaires permettant une recherche inscrite dans le temps long et à même de produire des ruptures intellectuelles significatives, plutôt que de livrer des résultats incrémentaux ; ce travail, enfin, doit s’effectuer en lien avec la transmission, la consolidation mais aussi la critique des savoirs existants telles que l’Université les assure.

      Les douze mois qui se sont écoulés ont à la fois confirmé nos pires craintes et conforté notre conviction que ce programme de refondation de l’#Université et de la recherche (https://rogueesr.fr/retrouver-prise) est une ardente nécessité. Dans les semaines et les mois à venir, RogueESR produira des notes d’analyse partant de ces principes pour articuler des propositions destinées à composer à terme une mosaïque cohérente. Nous vous invitons à contribuer à cette entreprise de réappropriation collective par des notes sur les questions auxquelles vous avez pu réfléchir, et qui pourront être mises en commun.

      Avant de nous lancer dans ce travail de fond, nous refermons un cycle par un commentaire d’actualité qui porte principalement sur la non-ouverture de l’Université et sur le Hcéres.

      Situation des universités

      À nouveau, nos pensées vont aux étudiantes et aux étudiants victimes de l’impéritie gouvernementale et bureaucratique qui s’est encore manifestée cette semaine par diverses déclarations gouvernementales et présidentielles sur la réouverture des universités, dont aucune ne présente la moindre crédibilité, ni le minimum d’ancrage dans la réalité de nos établissements.

      « On est sur le moment où le décret sort, il faut que ce soit au moins la veille du jour où les choses sont mises en place. »

      « Et là, j’ai bien entendu la demande du président : si l’idée, c’est qu’on puisse faire revenir l’ensemble des étudiants sur l’ensemble des niveaux avec des, voilà, des jauges à 20% ou à un cinquième de temps, les universités, ça par contre je vais le leur dire… »

      Frédérique Vidal, le 21 janvier 2021

      Ces phrases sont extraites des discours tenus pendant la visite Potemkine du président de la République à Saclay, à écouter ici : https://rogueesr.fr/vidal_riendepret

      L’annonce de M. Macron[1] a annulé en direct la circulaire prévoyant le retour des étudiants de L1 au profit d’un retour de tous les étudiants, un jour sur cinq, en février, comme initialement prévu. La nouvelle « circulaire », enregistrant le « souhait » du président de la République, contredit dans le même temps le décret du 15 janvier[2] qui est le seul à avoir une valeur réglementaire en vertu de la hiérarchie des normes. En attendant un probable pseudo-confinement, il n’est besoin d’aucun autre commentaire.

      Ces annonces, qui n’ont aucune prise sur le réel, montrent une ignorance totale des conditions d’élaboration des emplois du temps dans les facultés, un mépris de la situation des étudiants éloignés des établissements et un report sur les personnels de la responsabilité morale et professionnelle de la gestion d’une crise sanitaire sans les moyens qui devraient l’accompagner. Car le but de cette entreprise de communication est bien de renvoyer la colère des étudiants vers les universitaires. La gestion calamiteuse de la crise n’en est pas moins directement imputable au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui a obstinément refusé de mettre en œuvre les protocoles sanitaires et les garanties sociales qui auraient permis aux étudiants de rester sur les campus et d’y suivre des cours.

      Rappelons plus que jamais notre double obligation à l’égard de la jeunesse, qui est en train d’être sacrifiée : rouvrir les universités (https://rogueesr.fr/rouvrons-les-universites) le plus tôt possible pour permettre une formation et socialisation académiques de qualité, et garantir que cette réouverture se fasse dans le respect des procédures sanitaires requises (https://rogueesr.fr/rouvrons-les-universites), avec les #investissements que cela nécessite.

      Un mouvement large de destitution du Hcéres

      Le projet de destitution du Hcéres et de réappropriation communautaire des normes qualitatives de notre métier est aujourd’hui partagé par un grand nombre de collectifs, d’instances et de sociétés. L’Assemblée des directions de laboratoire appelle ainsi à un désaveu du Hcéres (https://adl.frama.site/blog/appel-desavouer-le-hceres), tout comme la Commission Permanente du Conseil National des Universités (CP-CNU) qui appelle l’ensemble des enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs à ne pas siéger dans des instances d’évaluation et à refuser de participer aux comités de visite du Hcéres (https://twitter.com/CP_Cnu/status/1338951928550739969).

      Plusieurs structures engagées dans ce projet proposent d’organiser un colloque sur le Hcéres, en terrain neutre, au Sénat ou en plein air, le 19 ou le 26 juin prochain. M. Coulhon a été invité à ce colloque. À ce stade, il n’a pas fermé la porte et a même déclaré sur le réseau social Twitter (!) qu’il était prêt à y participer. De notre côté, nous soutenons cette initiative et y contribuerons vraisemblablement pour autant qu’elle permette d’y poser clairement la question des normes collégiales de probation, ainsi que celle de la temporalité budgétaire et statutaire dans laquelle doit s’inscrire une science de qualité.

      L’enjeu n’est pas de discuter des modalités d’une « bonne » évaluation, mais d’en questionner frontalement le principe et la nécessité, que nous percevons comme un dévoiement de la dispute scientifique entre pairs. La question de l’utilité pratique du Hcéres, pour sa part, ne se pose plus : sa paralysie de fait depuis octobre 2019 s’est révélée sans incidence préjudiciable pour notre travail. Prévenant nos désirs, le Hcéres a ainsi fait lui-même la preuve de son inutilité. Le décalage d’un an des prochaines vagues d’évaluation va dans le même sens : les formations comme les unités de recherche continueront de tourner normalement. Nos travaux devront donc porter sur les modalités de sa destitution.

      Recours en « abus de pouvoir » devant le Conseil d’État

      Une requête en annulation des deux décrets de nomination au Hcéres a été déposée le 4 janvier dernier au greffe du Conseil d’État par 11 enseignants-chercheurs titulaires. La démonstration juridique de 22 pages déposée en appui de ce recours pour « abus de pouvoir » s’appuie sur quelques éléments nouveaux. Il convient en particulier de souligner la chronologie troublante des textes parus au Journal Officiel pour acter ces nominations.

      Si l’on s’en tient à la chronologie des publications du Journal Officiel, il apparaît que les numéros des décrets de nomination du président du collège (texte n°65) et de nomination des membres du Collège (texte n°66), tous deux datés du 30/10/2020 et publiés le même jour (01/11/2020) au Journal Officiel, sont dans un ordre inverse à la logique voulue par la Loi. Cela pose un questionnement juridique fondamental portant sur le non-respect de la procédure voulue par le 5ème alinéa de l’article 13 de la Constitution et sur l’empiètement manifeste du Président de la République sur le domaine de compétences du Premier ministre.

      En outre, un arrêté du 22/12/2020 stipule qu’il est mis fin aux fonctions de M. Coulhon à l’Elysée « à compter du 1er novembre 2020 ». Outre le caractère rétroactif de cette décision, le problème de dates est patent, Thierry Coulhon étant président du Collège du Hcéres depuis le 30 octobre. Cette intrication de dates démontre que l’intéressé a bénéficié de son statut singulier de membre du cabinet du Chef de l’État durant l’intégralité de la procédure ayant abouti à sa nomination et ce, jusqu’à sa prise de fonction effective au Hcéres. Elle jette également le doute sur les déclarations de Thierry Coulhon lors de son audition, le 20 octobre dernier, devant les commissions du Parlement : le candidat avait laissé entendre qu’il n’était plus en fonction à l’Élysée, ce que vient démentir la date mentionnée dans l’arrêté du 22 décembre.

      En se requalifiant en « Président du Hcéres », quand il n’est que Président de son collège, en accélérant par des recrutements, l’inflation bureaucratique de cette institution, M. Coulhon bat en brèche le principe de pluralisme et d’autonomie collective qui devrait prévaloir dans toute institution scientifique. Il s’écarte également de l’intention du législateur qui a voulu, dès la création de l’AERES, puis du Hcéres, inscrire dans la Loi ce principe de collégialité comme le principe de fonctionnement de cette autorité administrative, directement dérivé du modèle fondateur primus inter pares de l’Université.

      Dans ces conditions, il nous semble plus que jamais nécessaire de reprendre le programme collectif d’une évaluation des bureaucraties, y compris celle en charge de l’évaluation, à l’aune de nos propres critères.

      [1] Autre extrait à écouter, ainsi que l’original, entre les minutes 39 et 43.

      [2] Le décret du 15 janvier prévoit que les étudiants de L1 pourront accéder en présence à l’Université « 8° — aux travaux dirigés et travaux pratiques destinés aux étudiants inscrits en première année des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur et en première année du premier des cycles de formation dispensés dans les établissements mentionnés aux titres IV, V et VII du livre VI du code de l’éducation. »

      https://rogueesr.fr/20210125

  • Des #chercheurs sur le #nucléaire s’inquiètent après le #licenciement d’une spécialiste de Fukushima
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/06/nucleaire-des-chercheurs-s-inquietent-apres-le-licenciement-d-une-specialist

    "Spécialiste de la catastrophe de #Fukushima, Christine Fassert a été renvoyée pour faute en juin 2020, au motif d’une « insubordination récurrente » et d’un « comportement inadapté », comme l’a révélé en septembre Le Canard enchaîné. Elle affirme que le conflit avec sa hiérarchie est lié aux résultats de ses travaux de recherche, ce que l’IRSN, l’expert public des risques nucléaires et radiologiques, bras technique de l’Autorité de sûreté nucléaire, conteste fermement.

    Socio-anthropologue, Christine Fassert est embauchée en 2012 par l’IRSN, qui vient alors de créer un #laboratoire des #sciences_humaines_et_sociales. Le projet Shinrai – « confiance », en japonais –, lancé en partenariat avec Sciences Po Paris et l’université japonaise Tokyo Tech, vise à étudier les conséquences sociales et politiques de l’accident de la centrale de Fukushima de mars 2011. En cinq ans, Christine Fassert et Reiko Hasegawa, chercheuse anciennement rattachée à Sciences Po, réalisent près de 130 entretiens au #Japon auprès des évacués rentrés ou non chez eux, de représentants du gouvernement ou d’associations.

    Dès la #publication des premiers articles, Christine Fassert affirme avoir subi des tentatives d’obstruction de sa hiérarchie, qui demande des modifications ou l’empêche de participer à plusieurs colloques. « Quand nos analyses ne correspondaient pas à ce que l’IRSN voulait entendre, ils essayaient de nous imposer des changements, assure Reiko Hasegawa. Ils nous demandaient d’enlever des phrases entières, c’était des pratiques totalement inhabituelles dans le milieu de la recherche. »

    Selon les deux chercheuses, un passage indiquant que la population japonaise a perdu confiance envers les autorités, par exemple, devait être modifié. Impossible également d’écrire que, à la suite de l’accident, les Japonais se sont prononcés lors d’un débat public en faveur de la sortie du nucléaire, et que le résultat est le même à chaque fois que les populations sont consultées à travers le monde. Parmi les sujets sensibles figureraient aussi la question du retour des évacués et celle de la dangerosité de l’exposition à de faibles doses de radioactivité, qui suscite une importante controverse scientifique. Après l’accident de Fukushima, le gouvernement japonais a fait passer la dose limite pour le public de 1 millisievert (mSv) par an au niveau du seuil de référence maximum, soit 20 mSv/an, la politique de retour dans les zones évacuées étant établie sur cette limite.

    En 2019, la publication de deux #articles de Christine Fassert est refusée. L’un porte sur la gouvernance des risques et repose sur des entretiens avec des #experts critiques du nucléaire et sur le rapport dit « Pompili », sur les fragilités du parc nucléaire français ; le second démontre que les citoyens japonais font davantage confiance à l’expertise associative qu’à l’expertise institutionnelle. « Est-ce que, en cas d’#accident en France, les citoyens feront plus confiance à la Commission de #recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (#Criirad) et à l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), ou à l’IRSN ? La question n’est peut-être pas agréable à entendre, mais elle est réelle », assure Christine Fassert."

  • « La déconsidération des universités par le milieu politique est un élément structurel »

    Pour #Mathias_Bernard, président de l’université Clermont Auvergne, la promulgation de la #loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR) est une « #occasion_manquée ». Il revient sur la LPR pour « Libération », mais aussi sur dix ans de politique des universités.

    Ça y est. La si polémique loi de programmation de la recherche a été promulguée le jeudi 24 décembre, et publiée ce samedi au journal officiel. Elle lisse sur dix ans une hausse de 5 milliards d’euros du #budget annuel de la recherche et prévoit une hausse des #primes des personnels scientifiques. Mais plusieurs éléments sont critiqués par la communauté universitaire.

    L’une des mesures les plus contestée, la pénalisation des #mobilisations_étudiantes, a été retoquée par le Conseil constitutionnel le 21 décembre. Les « sages » ont aussi émis des réserves sur la proposition d’une nouvelle voie de #recrutement_dérogatoire pour les #professeurs, les « #chaires_de_professeurs_juniors », qui permettrait aux présidents d’université de s’immiscer dans l’appréciation des mérites des futurs candidats.

    Pour le reste, le texte accentue la #compétition entre les chercheurs et entre les établissements en prolongeant la logique de financement par #appels_à_projets, en vogue depuis plus de dix ans. Président de l’université Clermont Auvergne, Mathias Bernard connaît bien le sujet. Pour Libération, il revient sur ce texte et sur les réformes successives des universités depuis plus de dix ans.

    La loi de programmation de la recherche a été promulguée. Quel est votre sentiment sur ce texte ?

    C’est une occasion manquée. Quand l’annonce d’une loi de programmation a été faite, en février 2019 par le Premier ministre, je me suis réjoui, comme beaucoup de collègues. Notre secteur a besoin de #stabilité pour se projeter dans le temps long. J’espérais que cette loi permette de rééquilibrer la part des #financements_récurrents par rapport à ceux distribués par appels à projets. Ce n’est pas le cas. Les nouveaux #moyens sont en majorité conditionnés.

    C’est problématique. Cette loi n’aborde ni la question des #investissements en #équipements_scientifiques ni celle de l’#emploi. Les seules mesures de #ressources_humaines visent à faciliter le recrutement de #contractuels. C’est une #déception.

    Dans quelle mesure la LPR s’inscrit-elle dans le train de #réformes_universitaires depuis dix, quinze ans ?

    La LPR est clairement dans la ligne de ce qui se fait depuis le milieu des années 2000 avec la création de l’#Agence_nationale_de_la_recherche [chargée d’animer la politique d’appels à projets, ndlr]. Ce qui est prôné, c’est la différenciation des universités. L’Etat nous demande de mettre en avant « la #signature » de l’établissement. Cela passe par la réponse aux appels à projets nationaux, internationaux, territoriaux… Le nombre de guichets s’est multiplié.

    En parallèle de cela, notre #dotation_de_base stagne alors que le nombre d’étudiants augmente. Je ne dis pas qu’il y a quinze ans le système était idéal, mais le point d’équilibre est largement dépassé.

    Quelles sont les conséquences pour les établissements ?

    C’est d’abord un #coût. Nous avons besoin de recruter des équipes pour suivre ces appels et aider nos chercheurs à y répondre. J’ai plusieurs dizaines de personnes qui travaillent à cela.

    Ensuite, c’est un changement dans le #statut des personnes employées. Si ma dotation de base stagne, je ne peux pas recruter de #fonctionnaires. La progression du nombre d’employés des universités augmente uniquement grâce aux contractuels. Là encore, avoir une part de contractuels dans nos personnels n’est pas problématique mais ils sont recrutés pour conduire des missions pérennes.

    C’est notamment le cas pour des #contrats_d’enseignants qui, il faut bien le reconnaître, sont payés au lance-pierre.

    La stagnation des financements récurrents attribués aux universités n’est-elle pas la conséquence d’une défiance du milieu politique vis-à-vis du monde académique ?

    Je dirais une #défiance et une #méconnaissance. Les deux vont de pair. Cela vient d’un système de formation des #élites qui ne les amène jamais à l’université. Ils la connaissent mal et en ont une représentation fantasmée et négative.

    Le secteur a dû aborder beaucoup de lois, en 2007, 2013, 2018 et maintenant 2020, et pourtant, aucune n’a reconnu les universités pour ce qu’elles sont, à savoir les opérateurs principaux en matière d’#enseignement_supérieur et de #recherche. Les arbitrages ne nous sont jamais favorables et ce quelle que soit la législature. Les moyens de l’Etat sont dispersés sur une multitude d’opérateurs. Malheureusement, le fait d’avoir une ministre, #Frédérique_Vidal, issue de nos rangs, n’a rien changé au problème de la #déconsidération des universités par le milieu politique qui est un élément structurel.

    La #loi_LRU de 2007 promettait l’#autonomie des universités…

    Mais cette promesse n’a jamais été tenue. L’autonomie a consisté à déléguer la gestion des mécontentements. S’est installée une forme de #bureaucratisation qui subordonne le conseil d’administration des universités à d’autres instances, comme les jurys des appels à projets ou l’administration du ministère, qui s’est investie dans une forme de #micro-management.
    Vous faites référence à la création par ce gouvernement des #recteurs_académiques_de_région qui sont aux universités ce que le recteur est à l’enseignement scolaire. Comment ce micromanagement s’illustre-t-il ?

    Par exemple, pendant la crise sanitaire, les universités ont le droit d’ouvrir des séances de travaux pratiques. Si je décide d’ouvrir un TP d’optique pour 20 étudiants le mardi de 17 heures à 19 heures, je dois obtenir un arrêté du recteur académique à Lyon. Je lui ai, en tout, transmis plusieurs centaines de demandes d’autorisation. C’est de la #bureaucratisation inutile.

    De même, dans le cadre de ce que nous appelons le « #dialogue_stratégique_de_gestion » que nous menons avec l’Etat, une petite partie du budget est conditionnée à la manière dont l’université met en œuvre les #politiques_publiques.

    Pourquoi n’êtes-vous ni membre de l’#Alliance_des_universités_de_recherche_et_de_formation (#Auref) ni de l’#Udice, qui réunit les dix universités dites « de recherche » de France ?

    Je suis contre l’idée d’un système universitaire à #deux_vitesses. Il me semble donc dangereux de l’institutionnaliser à travers des associations. Je suis très attaché aux dimensions de #formation et de recherche des universités. Nous devons concilier une mission de #service_public et une exigence d’#excellence. Le risque avec l’existence de ces deux associations est d’encourager les pouvoirs publics à acter cette division, et à différencier les moyens budgétaires et les outils législatifs attribués aux établissements en fonction de leur appartenance à une organisation ou à une autre.

    Cette différenciation pourrait passer, par exemple, par des droits d’inscription différenciés ?

    On sent bien que cela va être tenté. Une brèche a été entrouverte par le gouvernement en introduisant un droit d’entrée différencié pour les #étudiants_internationaux. Une mesure qui pourrait profiter économiquement à un petit nombre d’universités, qui ont la notoriété pour justifier des droits plus élevés. Mais elle pourrait vider les autres établissements de leurs étudiants internationaux.

    C’est une première tentative qui pourrait être prolongée par une différenciation des #droits_d’entrée pour les étudiants français. Certains présidents pourraient y voir une ressource supplémentaire. Pour ma part, je suis attaché à notre modèle d’un accès le plus ouvert possible à l’enseignement supérieur.

    Vos étudiants, justement, comment vont-ils ?

    Mal. Si j’en juge par le nombre d’entre eux qui se signalent auprès de notre bureau d’accompagnement psychologique, je dirais qu’il y a beaucoup de souffrances.

    Pourtant, dans le plan de #déconfinement du gouvernement, les universités sont les dernières à rouvrir. Comment expliquez-vous cela ?

    Cette annonce a suscité beaucoup d’émotion au sein de la communauté. C’est révélateur d’une forme de #déconsidération des universités qui ne rouvrent qu’après les lycées, les classes prépa, les églises…

    Le principal problème pour nous, dans cette gestion de crise, c’est le décalage systématique entre les décisions gouvernementales, qui créent de l’attente, et la notification précise de leur application. Cela nous met, nous, présidents, en porte-à-faux. Par exemple, il y a eu des annonces sur le recrutement de tuteurs pour accompagner les étudiants en difficulté en janvier, mais nous n’avons reçu ni les budgets ni les modalités avant les congés de fin d’année. De même, l’Etat s’est engagé à soutenir la prolongation des contrats doctoraux décalés par le Covid-19. Nous avons fait les avances dès septembre, mais les crédits ne sont arrivés qu’en toute fin d’année.

    https://www.liberation.fr/france/2020/12/26/la-deconsideration-des-universites-par-le-milieu-politique-est-un-element

    #université #ESR #France #LPPR

    Métaliste sur la LPPR :
    https://seenthis.net/messages/820330

  • Le jeu de bonneteau du projet de #loi_de_finance #2021

    La lettre de démission du directeur général de la recherche et de l’innovation, B. #Larrouturou (https://seenthis.net/messages/888341), sitôt la loi de programmation de la recherche adoptée, éclaire d’un jour nouveau les #dysfonctionnements chroniques du ministère : les hauts fonctionnaires des administrations centrales n’ont eu aucun contact avec la ministre depuis six mois, cette dernière étant maintenue à l’isolement par le cabinet qui lui a été imposé par l’Elysée. On comprend dans ces conditions que Mme #Vidal ait fait porter les #amendements délétères de son groupe d’influence, la défunte #Curif devenue l’#Udice, par des parlementaires centristes.

    Les universitaires et les chercheurs ont eu la surprise de recevoir un “courrier destiné à l’ensemble des personnels de Madame #Frédérique_Vidal” (sic), truffé de fautes d’orthographe et de syntaxe, rassemblant l’ensemble des éléments de langage budgétaires égrenés par la ministre depuis un an. Leur réfutation, fastidieuse mais nécessaire, a été menée avec sérieux par le rapporteur au Sénat Jean-François Rapin (http://www.senat.fr/rap/l20-138-324/l20-138-3241.pdf), qui a mis à jour l’essentiel des #manipulations_budgétaires. On comprend mal, dans ces conditions, que le groupe Les Républicains ait voté ce #budget, en le conditionnant à l’adoption d’un amendement (http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-993.html) aussi absurde qu’injuste prélevant 20 millions à l’#Université au profit des #organismes_de_recherche.

    La #désinformation ne repose pas tant sur des chiffres erronés que sur un projet de loi confus, une comptabilité illisible et un budget insincère. L’angle d’attaque du sénateur Rapin est le bon : la #Loi_de_Programmation_de_la_Recherche ne programme strictement rien. Son volet budgétaire — qui fixe un #plafond bien plus qu’un #plancher — n’a été là que pour camoufler le plus longtemps possible la visée de la loi : dérégulation statutaire et généralisation des contrats. Relevons ici quelques faits saillants.

    Les #postes statutaires — 242 postes de chargés de recherche #CNRS seront ouverts au #concours en 2021 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042593121) : 51 de moins qu’il y a 3 ans, 117 de moins qu’il y a 10 ans. 60 postes de chargés de recherche à l’#Inserm (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042660370) soit 15 de moins qu’en 2014. Le projet de loi de finance prévoit un plafond d’autorisation d’#emplois de 266 619 soit 11 de moins que l’an dernier. Et pour cause, depuis des années, comme le souligne la Cour des Comptes (https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Recherche-enseignement-superieur.pdf), 20’000 emplois programmés à l’Université ne sont pas créés, faute de moyens. Les 315 emplois supposés être créés dans la #fonction_publique en 2021 (5 200 en 10 ans) par la #LPR sont donc dérisoires et n’existeront probablement même pas, de nouveaux “#gels” de #postes_pérennes compensant les nouveaux #emplois_contractuels (« #tenure_tracks » et doctorants).

    Les #crédits — Dans le projet de loi de finance (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3642_projet-loi.pdf), les crédits de paiement de la #Mission_Recherche_et_Enseignement_Supérieur décroissent de 28 664 milliards € à 28 488 milliards €, soit -0,6%, quand l’#inflation devrait être de 0,75% et le glissement vieillesse technicité de 0,45%. Le budget de l’Université (programme 150) croît de 244 millions € parmi lesquels 164 millions € pour les mesures de la LPR [1]. Or, l’inflation correspond à 105 millions € et le #glissement_vieillesse_technicité à 56 millions soit -161 millions €. Le plan de #revalorisations et de #promotions des #carrières scientifiques n’est donc pas financé, et sera compensé par la suppression de postes statutaires. Le budget de la #recherche_publique (programme 172) croît de 221 millions € [2]. 60 millions € serviront à résorber un trou dans la #masse_salariale du CNRS, qui y a consommé son fond de roulement ces dernières années. Ne restent pour les mesures de la LPR que 79 millions €. L’inflation correspond à 54 millions € et le glissement vieillesse technicité à 48 millions €, soit -101 millions €. Le plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques devra donc prélever dans les #crédits_récurrents. En 2021, les crédits de l’#Agence_Nationale_de_la_Recherche (#ANR) augmenteront de 35 millions €. L’augmentation du taux de succès à l’ANR en 2021 ne sera logiquement financée que dans les budgets ultérieurs [3].

    Le #plan_de_relance — Le budget du projet de loi de finances 2021, médiocre, n’a pu être présenté en hausse qu’en mobilisant des crédits du plan de relance (hors LPR, donc) [4] qui proviennent essentiellement de #crédits_européens encore non votés (https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/6187). Le budget européen pour la recherche est lui même passé de 100 milliards € escomptés à 76 milliards € en juillet puis 80 milliards € en novembre sans que l’on connaisse encore la ventilation entre recherche publique et privée. Impossible, donc, de faire un bilan factuel, prenant en compte les effets budgétaires du Brexit. Dans le plan de relance, 805 millions € sont consacrés à la recherche, qui s’ajoutent aux 1 250 millions d’euros en provenance du #Programme_d’investissements_d’avenir (#PIA). 247 millions € sont dédiés à l’#enseignement_supérieur en 2021, qui s’ajoutent aux 125 millions € du PIA. En 2021, 900 millions € seront consacrés à la #rénovation_énergétique des #bâtiments universitaires, en procédant par appel à projet plutôt que par un recensement des bâtiments vétustes. Cela reste excessivement loin des 6,4 milliards € annoncés par Mme Vidal dans son courrier, dont ni le rapporteur du Sénat, ni nous, n’avons trouvé la trace. Parmi ces sommes, 300 millions € sont supposés être consacrés à la préservation de l’#emploi_privé en #recherche_et_développement (#R&D), qui seront difficilement dépensés, la plupart de ces emplois étant déjà financés par le #Crédit_d’Impôt_Recherche (#CIR). Dernier élément notable, la montée en charge rapide des #prêts_étudiants garantis par l’État annonce l’arrivée du dernier volet de transformation du supérieur : l’augmentation des #frais_d’inscription.

    Reçu via la mailing-list RogueESR, 14.12.2020
    #ESR #université #facs #mensonges #chiffres

  • La Loi sur la Recherche française : le Gouvernement poursuit sa croisade néolibérale
    https://www.les-crises.fr/la-loi-sur-la-recherche-francaise-le-gouvernement-poursuit-sa-croisade-ne

    Le projet de modernisation de la recherche française s’appuie sur le modèle américain. Il favorise les financements privés, une logique commerciale et compétitive, suscitant de vives critiques de la communauté scientifique. par Amelia Veitch Le modèle universitaire américain séduit par son prestige. Est-il transposable en France ? #Frédérique_Vidal, ministre qui a mené la Loi […]

    #Politique #Loi_de_Programmation_de_la_Recherche #LPR #Politique,_Frédérique_Vidal,_Loi_de_Programmation_de_la_Recherche,_LPR

  • Crise au ministère de la Recherche : « Cette #démission a été pour moi une décision douloureuse »

    Le directeur général de la recherche et de l’innovation balance sec contre la ministre, #Frédérique_Vidal, dans sa lettre de départ que « Libé » s’est procurée.
    La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique #Vidal, semble avoir réussi à se mettre un sacré paquet de personnes à dos. Certes, elle est parvenue à faire voter sa #loi_de_programmation_de_la_recherche (#LPR), mais pour le reste… les #critiques fusent de partout : des flopées d’universitaires et de chercheurs sont en #colère. Et désormais, ça tangue aussi à l’intérieur de son ministère, au sein même de son administration.

    #Bernard_Larrouturou, à la tête de la #Direction_générale_de_la_recherche_et_de_l’innovation (#DGRI) que l’on savait sur le départ, a décidé de quitter ses fonctions ce mardi. La décision a été confirmée en Conseil des ministres ce mercredi. Dans une #lettre adressée à son équipe, que Libération s’est procurée, il balance sec sur la ministre, et son cabinet, pour expliquer sa #démission. « Je ne m’y suis résolu que parce que l’#isolement – entretenu par la direction du cabinet – de la ministre, avec laquelle les directeurs généraux n’ont eu aucun échange depuis plus de six mois, et les difficultés aiguës qui persistent depuis un an et demi en matière de relations de travail entre le cabinet et les services ont installé un véritable #empêchement – voire une #impossibilité – pour la conduite d’une partie des actions que la DGRI doit porter. »

    « Avec mépris »

    Il assure avoir demandé « de façon répétée » ces derniers mois que « les services cessent d’être tenus à l’écart de certaines réflexions clés ou de la préparation de certains arbitrages majeurs, et qu’à tout le moins ils aient les informations minimales leur permettant de ne pas être en porte-à-faux vis-à-vis des interlocuteurs externes ». Bonne ambiance.

    Bernard Larrouturou brosse le portrait d’une ministre autoritaire, qui « a traité avec #mépris et humilié des personnes de la DGRI », ou « exigé arbitrairement la mise à pied de tel cadre de nos équipes ». Il avait été nommé à ce poste par Frédérique Vidal en août 2018.

    « De grands #regrets »

    Dans sa lettre, le directeur général de la recherche reconnaît aussi ne pas avoir suffisamment travaillé certains sujets. « J’ai eu de grands regrets depuis l’été 2019 du fait que, n’ayant pas vu d’autre voie pour mener le chantier d’élaboration de la LPR qu’en m’impliquant très fortement, j’ai manqué de disponibilité pour beaucoup d’autres tâches importantes. » Il cite « le #management_interne », « les #conditions_de_travail », le lien avec les rectorats et « plusieurs autres registres de notre action qui ont souffert de mon implication insuffisante ». Est-ce là une façon de souligner, sans le dire, le manque d’anticipation et d’accompagnement des équipes dans la gestion de la crise sanitaire ? En juin, un rapport sénatorial pointait « le manque de stratégie nationale de recherche sur la Covid-19 et l’absence de structure de pilotage unique ».

    https://www.liberation.fr/france/2020/11/25/crise-au-ministere-de-la-recherche-cette-demission-a-ete-pour-moi-une-dec
    #humiliation #MESRI #France #université #facs #recherche #Larrouturou

  • Nantes Révoltée - NOUVELLE « LOI DE PROGRAMMATION » : LES OCCUPATIONS D’UNIVERSITÉ PASSIBLES DE PRISON !
    https://nantes-revoltee.com/nouvelle-loi-de-programmation-les-occupations-duniversite-passibles

    https://www.nantes-revoltee.com/wp-content/uploads/2020/11/FB_IMG_1605010171754.jpg

    Les Assemblées Générales et les occupations d’universités par les étudiants et étudiantes sont les actions incontournables de tout mouvement de jeunesse depuis des décennies. De Mai 68 à la Loi Travail, de la lutte victorieuse contre le CPE aux mobilisations des années 1980 jusqu’aux protestations étudiantes de 2018. Bientôt, ce sera fini. Le gouvernement veut faire passer une nouvelle « loi de programmation de la recherche » : une batterie de mesures ignobles pour l’enseignement supérieur, qui va encore précariser et libéraliser d’avantage les universités.

    Cette loi comporte un passage encore plus grave. L’occupation d’une fac devient un délit pénal. Voici l’article : « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité […] ou y avoir été autorisé […], dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement » sera condamné.

    Trois ans de prison et 45 000€ d’amendes sont prévus pour punir les étudiants qui voudraient se mobiliser sur leur campus. 3 ans de prison !

    #loi_de_programmation
    #covid_putsch

  • Recherche : la majorité adopte une loi rejetée par le monde universitaire

    Les députés ont adopté jeudi la loi de programmation de la recherche voulue par le gouvernement. Le monde universitaire, qui doit organiser une rentrée en pleine pandémie, est très hostile à un projet qui ne répond en rien aux besoins pressants.

    « Scandaleux, difficile, déprimant. » Voilà comment Marie Sonnette, sociologue à l’université d’Angers et membre active du collectif « Facs et labos en lutte », a vécu le vote par les députés de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dite LPPR.

    Présenté en juillet devant le conseil des ministres après plusieurs reports, le texte a en effet été adopté jeudi à l’Assemblée nationale en première lecture. Depuis son annonce jusqu’au début de l’actuelle navette parlementaire, il a suscité de vives oppositions, dont l’expression a notamment été favorisée par la mobilisation plus vaste contre la réforme des retraites.

    Cette dernière semaine, un avis quasi unanime et « au vitriol » du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a conforté l’hostilité au texte d’une large majorité de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont avaient déjà témoigné les prises de position de centaines de directeurs de laboratoires, ou les grèves ayant affecté des dizaines d’universités ainsi que de nombreuses revues académiques. Par contraste, il ne s’est récemment trouvé que cinq professeurs au Collège de France – une des institutions les plus privilégiées – pour défendre explicitement la loi dans une tribune au Monde.

    Pour la maîtresse de conférences contactée par Mediapart, le spectacle est logiquement pénible de voir le même projet adopté « par 68 personnes dans une salle [les députés qui siégeaient – ndlr], en prétendant que la recherche sera géniale sur les dix prochaines années, alors qu’on sait que les financements restent sous-dimensionnés et la précarité toujours aussi massive. Ce dont on a besoin, on le crie depuis longtemps et rien dans la loi n’apporte de réponse. »

    Du côté de la majorité, on reconnaît d’ailleurs la portée limitée du texte. « On ne va pas faire la révolution, mais nous allons quand même lever des blocages », concédait Danièle Hérin, députée LREM et rapporteuse générale du texte cette semaine à l’Assemblée. Une posture sobre en comparaison de l’emphase de Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a évoqué dans l’hémicycle des « moyens massifs », censés rattraper une « décennie perdue ».

    À première vue, les chiffres peuvent effectivement impressionner. Il s’agit d’engager 25 milliards d’euros de crédits supplémentaires au cours des dix prochaines années. Une perspective cependant très incertaine, ce que n’a pas manqué de relever le Conseil d’État dans son examen préalable. « Avec un tel horizon, la portée de la programmation des crédits budgétaires ne peut être que limitée, spécialement en fin de période », écrit le Conseil, avant de souligner le risque d’insincérité d’un tel engagement.

    « Pourquoi 10 ans ?, renchérit la députée communiste Elsa Faucillon. On ne voit pas la couleur de l’investissement à court terme. Les députés de la majorité entretiennent ce leurre entre engagements pérennes et engagements lointains. » Car pour 2021, seuls 400 millions d’euros supplémentaires sont prévus, et 800 millions en 2022, soit 5 % de l’enveloppe globale.

    « J’étais favorable à mettre davantage d’argent dès la première année, répond Danièle Hérin, mais comme le plan de relance va permettre d’investir 2 milliards par an supplémentaires, et que des sources de financement régionales et européennes vont arriver, je pense que cela reste raisonnable. » Mais là encore, l’addition est brouillonne puisque les six milliards sur trois ans du plan de relance ne sont pas uniquement dédiés à la recherche mais aussi à l’innovation, en sachant qu’au sein même de la recherche, le privé est concerné autant que le public.

    « On pilote à vue », s’inquiètent également les parlementaires socialistes, qui regrettent l’absence de « trajectoire budgétaire » dans celui adopté jeudi. L’objectif officiel d’investir 1 % du PIB dans la recherche publique ne serait selon eux pas tenu, en raison de simulations budgétaires trop faibles et calculés hors inflation. « On veut construire une belle maison, mais on prend le risque de se retrouver avec un appartement un peu minable à la fin », résume la présidente du groupe des députés PS, Valérie Rabault.

    La majorité n’en démord pas et vante les augmentations salariales concrètes à venir, pour des professions notoirement sous-payées au regard de leur niveau de diplôme. « Plus aucun chercheur ne pourra démarrer sa carrière à moins de deux fois le Smic, contre 1,4 fois le Smic aujourd’hui, soutient la députée LREM Valérie Gomez-Bassac, également rapporteuse du texte. Nous allons aussi verser des primes, entre 1000 et 1300 euros par an pour les titulaires en poste. Les doctorants verront leur allocation de recherche augmenter de 30 % d’ici 2023. Et nous financerons 20 % de thèses en plus. »

    Des salaires légèrement améliorés, par la voie de primes majoritairement, contre un statut encore un peu plus détricoté ? La méthode n’est pas nouvelle, elle guide la transformation de la fonction publique depuis plusieurs décennies, créant des formes nouvelles d’emploi public à tour de bras. « Ces dispositifs sont facultatifs, précise Danièle Hérin. Chacun des établissements sera libre de choisir les outils qui lui conviennent pour remplir ses objectifs. » Libre, mais dans un cadre budgétaire qui restera contraint...

    De nouvelles voies sont donc au programme pour retenir les talents en France, selon le gouvernement. D’une part les « chaires juniors », sur lesquelles pourront postuler les jeunes chercheurs, sur le modèle des « tenure track » du système anglo-américain. Soit un contrat de six ans maximum, parallèle au processus d’intégration comme maître de conférences, et qui pourra, sans obligation, déboucher sur une titularisation comme professeur d’université. « Une procédure de titularisation dérogatoire au droit de la fonction publique », a estimé le CESE, qui risque de mettre encore plus les chercheurs en concurrence.

    D’autre part, les CDI de mission, qui permettront de recruter un chercheur sur la durée d’un projet de recherche. L’exemple souvent brandi par la majorité est celui des études spatiales, où une équipe pourrait recruter quelqu’un sur les vingt années que pourrait durer la mission… si celle-ci est bien financée. Joli tour de passe-passe rhétorique, ce CDI pouvant s’arrêter à tout moment, a glosé l’opposition. « Vous pouvez continuer à nous expliquer qu’il est sécurisant et qu’il n’est pas précaire, a remarqué la députée France insoumise Muriel Ressiguier lors de l’examen de ce point en commission. Ça ne change pas le sens de ce qu’il est réellement : un contrat précaire dont personne ne veut. »

    Sans bouleverser totalement les équilibres, la loi entérine surtout le principe d’une recherche « par projet », où il faut constamment se saisir de son bâton de pèlerin afin de trouver des ressources financières, auprès de l’Agence nationale de la recherche (ANR), de l’Europe, des régions, ou des contributeurs privés. « Nous augmentons aussi la part du soutien de base aux structures de 10 % », plaident les défenseurs du texte au Parlement, sans démentir le fait que l’ANR ne devienne le principal opérateur de financement de la recherche.
    La difficile résistance au rouleau compresseur managérial

    Cette « logique de mise en concurrence des formations et des chercheurs », explique à Mediapart la sociologue Séverine Chauvel, s’inscrit dans « la grande course aux classements » internationaux qui sert de guide à la politique de recherche française. « Il y a de l’argent annoncé dans le LPPR mais on ne souhaite pas qu’il soit injecté de cette façon, et en négligeant autant la question d’enseignement. Le vrai problème, poursuit la maîtresse de conférences à l’Université Paris-Est-Créteil, c’est que nous sommes déjà sous-dotés alors qu’on anticipe une ascension démographique des étudiants. Ce qui manque, ce sont des postes et des financements pérennes. »

    Or, ces dernières années, les crédits pérennes sont déjà passés de 65 à 61 % des sommes totales allouées. « Dans ce texte, on peut tout à faire imaginer que ce ratio s’inverse, prévient la socialiste Valérie Rabault. C’est très grave quand on veut faire de la recherche de long terme. » À cet égard, le PS a d’ailleurs beaucoup à se faire pardonner.

    Pendant sa campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait en effet relayé les nombreuses critiques contre une gestion managériale de la recherche, débouchant sur une mise en concurrence généralisée au détriment de la stabilité et des libertés académiques. Loin de contrecarrer la tendance, son quinquennat a pourtant été marqué par une forte continuité avec les années Sarkozy déjà mal vécues par les enseignants-chercheurs.

    Physicien et professeur à l’université Paris-Diderot, Bruno Andreotti confirme que le PS a accumulé un « passif énorme » avec ce mandat présidentiel. Dans les années précédentes, rappelle-t-il, la recherche par projets avait pu paraître séduisante à certains proches du milieu socialiste, et être légitimée dans le contexte d’une réaction contre le mandarinat universitaire, cherchant à émanciper les jeunes chercheurs de titulaires au pouvoir excessif. Depuis, la logique managériale (et la précarisation l’accompagnant) s’est étendue à l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    À l’occasion du vote de la loi LPPR, le groupe socialiste animé par Valérie Rabault s’est donc efforcé d’accomplir un travail de fond, consistant non seulement à porter la critique contre la LPPR mais aussi à formuler « 25 propositions pour la recherche, les chercheurs et les universités », dessinant un contre-projet de loi alternatif à celui de la Macronie. Une démarche facilitée par la présence d’Isabelle This Saint-Jean au secrétariat national des études du PS : elle-même universitaire, elle est une ancienne présidente du collectif « Sauvons la recherche » et fut très mobilisée en 2009 contre la politique de la droite en la matière.

    Les collectifs en lutte contre la LPPR ont par ailleurs vu leurs combats relayés par les députés de la France insoumise et du parti communiste, dénonciateurs d’une loi « mortifère ». La discussion du texte a aussi été l’occasion pour eux de formuler des contre-propositions, Muriel Ressiguier ayant par exemple déposé des amendements en faveur d’« un plan d’investissement dans l’enseignement supérieur », du « recrutement de nouveaux enseignants-chercheurs » et d’« une politique de reconnaissance renforcée du doctorat ».

    Les équilibres à l’Assemblée ne laissaient cependant aucun doute sur l’issue du vote et les marges de négociation du texte. « Il n’y avait aucun moyen de passer quoi que ce soit et on le savait, d’où le faible travail de lobbying des universitaires », constate Bruno Andreotti, qui souligne la différence avec les années Hollande, lorsque les élus écologistes, notamment Isabelle Attard, constituaient des relais possible pour corriger la politique socialiste.

    De façon plus générale, souligne-t-il à Mediapart, les parlementaires ayant une véritable connaissance technique du système et du dossier se compteraient sur les doigts d’une seule main. « Le spectacle de la discussion à l’Assemblée était en dessous de tout, notamment lorsque des rapporteurs lisent des notes préparées par le cabinet de la ministre, dont on s’aperçoit qu’ils ne comprennent rien. »

    La critique d’une ignorance de leur métier revient d’ailleurs souvent dans la bouche des universitaires interrogés par Mediapart. Séverine Chauvel estime ainsi que la LPPR a été l’occasion, de la part de la majorité au pouvoir, de « mensonges » mais aussi de « propos attestant une méconnaissance totale de l’enseignement supérieur ». La pilule passe d’autant plus mal dans le contexte chaotique à l’université, en pleine rentrée marquée par la pandémie (lire notre article sur « la grande débrouille »).

    « On bosse comme des fous pour faire fonctionner nos universités dans des conditions catastrophiques, confirme Marie Sonnette. Et dans cette rentrée que nous avons l’impression de vivre un peu comme sur le Titanic, tout continue comme si de rien n’était, sans consultation des enseignants-chercheurs, hormis des responsables d’instance. » Concentrée sur la recherche plutôt que sur les conditions de travail et d’apprentissage des étudiants, la LPPR apparaît ainsi en décalage profond avec le vécu des premiers concernés, sans dessiner le moins du monde un horizon qui les rassure.

    Outre le découragement de celles et ceux qui auraient pu envisager une carrière dans le milieu (lire ce témoignage), les titulaires en viennent à parler entre eux de « démission », chose impensable il y a quelques années à peine, tant les postes d’enseignement et de recherche sont convoités et exigent de sacrifices avant d’être obtenus. Avant qu’une éventuelle vague d’« exit » se matérialise, les mobilisations devraient se poursuivre, en particulier si un répit s’annonce après les errements de la rentrée. Les réflexions sur les modalités d’action se poursuivent et des résistances sont à attendre, veut croire Séverine Chauvel. En dépit des échecs essuyés, Marie Sonnette relève que sans mobilisation, la LPPR aurait été « encore plus violente » et la réforme des retraites serait déjà passée.

    Il reste que l’enseignement supérieur et la recherche sont des secteurs tellement fragmentés et divisés par ses multiples tutelles et formes de contrats, que le rouleau compresseur managérial peut y faire son œuvre avec d’autant plus de facilité.

    « La mobilisation de 2009 avait été la plus importante depuis Mai-68, et elle n’a débouché sur rien, cela a laissé des traces », ajoute Bruno Andreotti, qui estime par ailleurs qu’« on ne se défend ni plus, ni mieux, ni moins mal que les réseaux ferrés, les journalistes du service public, les hôpitaux, qui se font démolir leurs métiers comme nous. Sans innovation politique, il ne peut pas se passer grand-chose. »

    En attendant les futures échéances politiques nationales, la loi de programmation de la recherche doit être discutée à la fin du mois prochain au Sénat.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/260920/recherche-la-majorite-adopte-une-loi-rejetee-par-le-monde-universitaire?on

    #LPPR #recherche #France #université #facs #assemblée_nationale #première_lecture #vote #loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche #adoption #hostilité #financement #budget #salaire #primes #fonction_publique #ESR #enseignement_supérieur #chaires_juniors #tenure_track #titularisation_dérogatoire ##titularisation #concurrence #CDI_de_mission #contrat_précaire #précarisation #recherche_par_projet #ANR #résistance #classements #classements_internationaux #postes #financements_pérennes #libertés_académiques #liberté_académique #logique_managériale #ignorance #mensonges #méconnaissance #conditions_de_travail #découragement #démission

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    • L’Assemblée en marche derrière Vidal : préparons la riposte !

      Aujourd’hui 24 septembre 2020, 48 député·es ont voté en faveur de la « loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 » (LPPR) après trois séances mêlant l’incompétence, le cynisme et la suffisance. Cette loi, dont l’examen se fait en procédure accélérée conformément au souhait du gouvernement, a donc été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Prochaine étape : le Sénat vers la mi-octobre.

      Au fil des prises de parole et des amendements, adoptés ou rejetés par des député·es LREM réduit·es au rôle de pousse-bouton, nous avons vu se clarifier encore l’objectif de destruction de l’université et de la recherche publiques, de casse de notre service public.

      Pour connaître le détail de ces « discussions », vous pouvez notamment vous replonger dans les fils Twitter du Groupe Jean-Pierre Vernant – le 1er jour, le 2ème jour et le 3ème jour – ou lire les publications d’Academia à ce sujet.

      Dans l’ensemble, le texte a peu changé lors de l’examen et les rares modifications ont été pour le pire. Ainsi, un amendement adopté facilite la marchandisation du titre de docteur, au détriment des chercheur·ses qui conduisent réellement des recherches doctorales – il a finalement été neutralisé in extremis. Dans le même temps a été rejeté un amendement qui visait à graver dans le marbre les libertés académiques, afin d’offrir des garanties minimales pour la liberté de recherche des chercheur·ses précaires.
      L’article 13, intégré à la section IV intitulée « renforcer les interactions de la recherche avec l’économie et de la société », permet non seulement de privatiser les fruits de la recherche publique, mais il autorise même les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses à devenir associé·es ou dirigeant·es d’une société valorisant les travaux… d’un·e collègue.
      Bref : c’est bien un projet de loi de précarisation et de privatisation de la recherche.

      Ce projet de LPPR (nous ne voyons aucune raison de changer la dénomination de ce projet de loi dont le contenu ne fait qu’empirer) s’inscrit également dans la lignée xénophobe de « Bienvenue en France ». L’article 7 met ainsi en place des dérogations au droit du travail pour les chercheur·ses étrangèr·es accueilli·es dans le cadre d’un séjour de recherche, que les universités peuvent désormais faire travailler sans leur fournir de contrat de travail, ni payer leurs cotisations sociales. Le projet de loi en fait donc officiellement des travailleur·ses de seconde classe. Dans le même esprit l’amendement 609, adopté, prévoit que des « formules de financement à la carte, telles que des coupons, pourront être définies pour soutenir le développement des missions d’expertise de doctorants auprès de petites et moyennes entreprise ». Par chance, c’est un amendement au rapport annexé, sans grande valeur légale, mais son adoption, conformément aux désirs de la Ministre, est éloquente.

      Pour en savoir plus sur les amendements adoptés, voici une très bonne analyse d’Academia.

      En ce jeudi 24 septembre, nous avons donc des raisons d’être inquièt·es et en colère. Le cœur de ce projet demeure extrêmement dangereux : il promet d’accroître les inégalités dans l’enseignement supérieur, d’aggraver la précarité, de renforcer les inégalités de genre et les autres dominations structurelles, de mettre l’existence même de notre service public en péril et de détruire les conditions dont nous avons besoin pour produire de la science. Tous ces éléments sont notamment documentés dans cette note des économistes atterré·es.

      Toutefois, il nous faut être lucides. Nos combats ont déjà porté des fruits : la LPPR n’est pas aujourd’hui ce qu’elle aurait été sans notre mobilisation. Bien des éléments que nous dénoncions (comme les modulations de service pour les enseignant·es-chercheur·ses) ont été sortis du projet de loi. Les mobilisations des précaires ont imposé l’inscription de la mensualisation des vacataires dans la loi. Certes, ce n’est pas assez : nous voulons la fin des vacations, des créations massives de postes et des moyens pérennes.
      Retenons tout de même cet enseignement : l’organisation collective et la lutte paient !

      Or, les collectifs se reforment partout et les avis très défavorables à la LPPR arrivent de toutes parts. Mardi 22 septembre, le Conseil économique social et environnemental (CESE) a adopté à l’unanimité (de la CGT au Medef !) un avis très défavorable au projet de loi, dont les préconisations principales se rapprochent des nôtres : des postes et des financements pérennes. Le même jour, plus de 800 directions de laboratoires, réunies au sein de l’Assemblée des directions de laboratoires, publiaient une tribune dans Le Monde, défendant un « l’ouverture de postes permanents et une meilleure dotation des laboratoires en moyens stables ».

      Où que nous soyons, quel que soit notre statut ou notre fonction : nous ne sommes pas seul·es !

      Cette rentrée 2020 se déroule dans des conditions catastrophiques, mettant cruellement en lumière la précarité et la pauvreté des étudiant·es, mais aussi le manque de moyens et de titulaires – enseignant·es-chercheur·ses comme BIATSS – dans les universités. Nos collègues, camarades et ami·es sont de plus en plus nombreux·ses à n’en plus pouvoir, à être submergé·es par l’écœurement, à quitter l’ESR.

      Mais lundi 21, malgré ce contexte, nous étions plusieurs centaines devant l’Assemblée !

      Ce vote de l’Assemblée est pour nous tou·tes le signal de la remobilisation. Dans les facs et les labos, des réunions et des assemblées générales s’organisent. Pour les nourrir, vous pouvez retrouver ici une sélection d’informations, d’analyses et d’outils militants autour de la LPPR et des autres attaques que subissent l’université et la recherche.

      Nous allons continuer d’interpeler les parlementaires, de dénoncer les conditions indécentes dans lesquelles nous devons accueillir les étudiant·es, de refuser la généralisation de la compétition de tou·tes contre tou·tes et la précarisation de la majorité au profit de quelques privilégié·es tou·tes puissant·es. Nous nous le devons à nous-mêmes, nous le devons à nos collègues et camarades les plus précaires. Nous le devons à l’ensemble de la société.

      Nous nous organisons, nous renforçons nos liens, nos solidarités. Nous construisons patiemment, minutieusement, le rapport de force qui, seul, pour sauver notre service public.

      Pour organiser la suite de la mobilisation, une rencontre nationale dématérialisée pour l’université et la recherche publiques aura lieu le 1er octobre 2020, de 18h à 20h, ici sur Discord. Ouverte à tou·tes, elle nous permettra de construire la prochaine grande mobilisation, au moment du passage de la loi au Sénat (mi-octobre).

      https://universiteouverte.org/2020/09/24/une-bataille-perdue-a-lassemblee-preparons-les-victoires-contre-l

    • LPpR : 48 voix pour, toute la communauté universitaire contre - 23 septembre 2020

      Il aura suffi de deux jours et demi à une poignée de députés pour voter cette loi.
      Que la communauté universitaire rejette en masse (sauf quelques carrièristes), ainsi que le CESE, le HCE, même le CÉ…

      Mais nous les voyons.

      les Valérie Gomez-Bassac, Pierre-Alain Raphan (qui confond doctorant et jeune chercheur), Danièle Hérin (qui ose « Une nouvelle voie de recrutement s’ouvre pour garder et dénicher des talents » les tocards déjà en poste ont apprécié) … qui votent CONTRE un amendement pourtant bien innocent :

      Les libertés académiques sont le gage de l’excellence de la recherche française. La liberté d’expression doit être garantie, en toutes circonstances, au bénéfice des enseignants chercheurs. Rejeté

      Et dès le lendemain, à la surprise générale :

      Thierry Coulhon doit être proposé par le président de la République pour la présidence du Hcéres le 15/10/2020, selon plusieurs sources proches du dossier contactées par @NewsTankHER, le 23/09


      Allégorie d’un poste à moustaches

      Et nous ??

      Pour contrer la LPPR, il faudrait que nous, universitaires, arrêtions d’en jouer le jeu. On ne candidate plus aux AAP délétères, on laisse l’ANR mourir à petit feu, on ne recrute plus de vacataires, on compte toutes nos heures pour faire les 1608 réglementaires et pas une de plus.
      On ne recrute plus de post-docs. On ne se réjouit plus d’avoir des sous pour financer un précaire 6 mois. On ne candidate pas à des financements doctoraux en faisant rentrer à la hache le projet dans une thématique et un vocabulaire start-up nation.
      On arrête de trouver qu’un jeune docteur qui n’a pas fait X années à l’étranger, n’a pas enseigné 432 heures, n’a pas écrit 4 articles dans des revues à comité de lecture, n’est pas compétent pour être MCF.
      Spoiler : on ne le fera jamais. Et cela m’interroge depuis longtemps. Les lois qui détruisent l’université depuis 15 ans, nous avons protesté contre, puis nous les avons sagement mises en œuvre.
      Nous pointons tous nos efforts pour faire tourner la boutique dans des conditions délétères, mais fort peu le fait que nous faisons aussi cela même que nous dénonçons.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8791
      #LPR

    • L’#université_résiliente : lettre ouverte à Frédérique Vidal

      À l’occasion d’une visite de Frédérique Vidal en Alsace, des personnels « résilients » de l’Université de Strasbourg adressent à la ministre une lettre ouverte dans laquelle ils l’alertent sur des conditions de travail déplorables. « La vraie résilience dans nos facultés et laboratoires, c’est le #démerdentiel permanent », écrivent-ils.

      Madame la Ministre,

      Vous visitez ce 1er octobre les universités alsaciennes, sous le signe de la « résilience », la résilience de notre territoire à la crise sanitaire, la capacité de résistance de notre recherche et de notre économie, à travers un appel à projet qui a pour intitulé ce nouveau mot de la lingua néolibérale : « #Résilience ».

      « Résilience, résilience… », le mot est à la mode, dans toutes les bouches, sous toutes les plumes. Un mot magique, suffisamment souple et désémantisé pour laisser entrevoir un espoir de renaissance et masquer toute la souffrance que les choix politiques de votre gouvernement ont provoquée. Un mot à nous endormir debout, seulement destiné à rendre une politique acceptable et un avenir désirable. Mais cet avenir est celui de l’enfer néolibéral, fait de précarité, de concurrence et de souffrance au travail. Madame la ministre, il en va de votre « résilience » comme de votre « excellence » et de vos « gouvernances », dont vos amis et vous-même avez la bouche pleine : un vernis posé par le libéralisme sur la réalité quotidienne que vivent les personnels de l’université et de la recherche.

      Alors, quelques-uns de ces personnels aimeraient vous dire très concrètement, en ce jour de célébration de l’Universelle Résilience dans les salons feutrés du Cardo et du Nouveau Patio, avec quelques invités triés sur le volet, en quoi consiste la résilience ordinaire de milliers d’agents de l’enseignement supérieur et de la recherche.

      La vraie résilience, c’est d’avoir suppléé aux carences de l’État en organisant pendant le confinement des collectes d’argent pour acheter des ordinateurs aux plus démunis et mis en place des livraisons de repas à des étudiants qui mouraient de faim.

      La vraie résilience, c’est d’avoir dû improviser un protocole sanitaire les premiers jours de la rentrée universitaire parce que votre ministère n’a pas été capable de travailler cet été à une circulaire destinée à protéger la santé des personnels et des étudiants.

      La vraie résilience, c’est de devoir désinfecter un bureau ou des tables avec un kleenex parce qu’il n’y a plus de papier.

      La vraie résilience, c’est de se protéger avec des masques achetés sur nos propres deniers et de les offrir à des étudiants qui n’ont pas les moyens de laver l’unique masque tissu qu’ils possèdent.

      La vraie résilience, c’est de refuser de faire cours dans un amphi bondé ou dans une salle sans fenêtre et de partir seul à la recherche d’une solution qui limite la prise de risque pour nous-mêmes et nos étudiants.

      La vraie résilience pour les composantes et laboratoires, c’est de devoir s’équiper en matériel sanitaire sur leurs propres crédits de fonctionnement et devoir s’organiser seuls parce que les services centraux n’ont plus les moyens d’organiser quoi que ce soit et que les budgets sont à sec.

      La vraie résilience dans nos facultés et laboratoires, c’est le démerdentiel permanent.

      La vraie résilience, c’est aussi, pour tous les chercheurs, de trouver la force de chercher encore un peu, après des journées entières consacrées à accomplir des tâches bureaucratiques aliénantes et inutiles ou à répondre à des appels à projets pour avoir des crédits.

      La vraie résilience, c’est d’emmener tous les soirs du travail chez soi, et pour certains d’accepter de travailler 70 ou 80 heures par semaine pour pallier le manque de postes et de personnels, afin que le système ne s’effondre pas totalement.

      La vraie résilience, c’est d’utiliser au quotidien, dans certains laboratoires, des sorbonnes* non conformes et de mettre ainsi en danger la santé et la vie des doctorants et des personnels.

      La vraie résilience, pour les représentants des personnels, c’est de devoir consacrer de plus en plus de temps à accompagner des personnels en souffrance, souvent victimes de pression au travail, de burn out ou de harcèlement, personnels à peine ou mal soutenus par une institution, qui est devenue elle-même une machine à briser les collectifs de travail et à briser des vies professionnelles et personnelles.

      La vraie résilience, pour les milliers de personnels précaires sans lesquels l’université et la recherche ne pourraient pas fonctionner, c’est d’accepter de travailler pour la moitié du salaire qu’ils devraient avoir, dans des conditions déplorables, et de continuer à se battre pour renouveler ou trouver un contrat qui aura les apparences de la décence.

      Face à l’insupportable que vous cautionnez et alimentez, Madame la ministre, les personnels et étudiants des universités auront bientôt complètement oublié ce que veut dire votre mot de « résilience ». Ils n’utilisent déjà plus votre langage et se souviennent de ce que signifie le mot « résistance » et les actions auxquelles ce mot renvoie.

      Madame la ministre, vous avez abandonné l’université. Comme Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso avant vous, vous avez trahi l’idée même d’Université. Vous la destinez aux intérêts du privé et avec votre LPR vous nous promettez un enfer de précarité, dont nous ne voulons pas.

      Vous comprendrez qu’en ce jour nous ayons quelque difficulté à vous souhaiter la bienvenue. Nous vous prions néanmoins de bien vouloir accepter nos salutations les plus résilientes.

      Quelques personnels résistants de l’université de Strasbourg

      *Une sorbonne est une enceinte ventilée et enveloppante qui aspire les polluants et les rejette à l’extérieur. Elles équipent principalement les laboratoires de chimie. Un nombre considérable de sorbonnes ne sont pas aux normes dans les universités et les organismes de recherche. Les crédits ne sont pas suffisants pour les remplacer.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/011020/l-universite-resiliente-lettre-ouverte-frederique-vidal

      #lettre_ouverte

    • LPPr : menaces sur une science indépendante et plurielle

      L’#innovation est « avant tout un mécanisme économique et non scientifique. Comme pour tout investissement, sa raison d’être demeure la #rentabilité et la conquête d’un #marché solvable ». Ces propos, tenus par Henri Guillaume et Emmanuel Macron en 2007 (1), guident de toute évidence l’inquiétant projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

      https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2020/10/HL191-Actualit%C3%A9-5.-LPPR-menaces-sur-une-science-ind%C3%A9pendante-e

    • #Sondage sur le projet de LPR

      La Conférence de présidents de sections et CID du Comité national (CPCN) réunie le 11 septembre 2020 a décidé de sonder la communauté scientifique sur certains éléments jugés centraux contenus dans le projet de loi de programmation de la recherche. Ce projet de loi est en cours d’examen par le Parlement. La CPCN constate qu’en l’état le projet de loi ne répond pas aux attendus qu’elle avait formulés le 17 janvier 2020, attendus qui s’appuyaient sur un diagnostic et des propositions adoptées le 4 juillet 2019 en session extraordinaire par le Comité national. La CPCN s’interroge sur les actions à entreprendre si la loi est adoptée sans tenir compte des attentes de la communauté scientifique. Le questionnaire vise à sonder l’opinion de la communauté. Pour en savoir plus sur la loi, nous avons listé ici un certain nombre de contributions et de points de vue.

      mercredi 16/09/20 - 16:08 - 0 réponses - lancement du sondage
      mercredi 07/10/20 - 23:59 - 10 321 réponses (parmi 31 134 connexions au questionnaire) - clôture du sondage

      D’après le rapport « L’état de l’Emploi scientifique en France », l’effectif total de R&D du secteur des administration était de 177 199 en 2015. On en déduit que près de 17% des collègues a été informé de ce sondage et y a prêté attention (plus de 30 000 connexions). Parmi ceux-ci, plus d’un tiers à rempli le formulaire (plus de 10 000 réponses).
      Répartition par statuts

      Une question concernait le statut des répondants. Le graphique qui suit permet de constater une diversité de situations. Les enseignants-chercheurs et les chercheurs forment l’effectif le plus important sans que ce soit une surprise étant donné que le questionnaire a été rédigé (et donc pensé) par les présidents du Comité national qui sont sur ces statuts. Pour autant les nombres de doctorants, personnels contractuels, IT et BIATTSS ne sont pas négligeables et montrent que l’intérêt pour une loi de programmation est largement diffusé au sein de la communauté

      Répartition par disciplines

      Une des questions du sondage porte sur le champ disciplinaire dans lequel travaille le répondant. Ce champ disciplinaire est mesuré par le numéro de section du Comité national. Les sections numérotées de 1 à 41 couvrent la totalité des disciplines scientifiques. La répartition des réponses est donnée dans le graphique qui suit. L’enseignement à tirer de ce graphique est que la totalité des disciplines a été sondée. Certaines ont des effectifs (EPST+Universités) plus nombreux que d’autres, ce qui explique pour partie les différences dans le nombre de réponses.

      Taux de réponse des chercheurs CNRS

      2 615 réponses sont faites par des chercheurs du CNRS ce qui représente près de 25% de l’effectif total. Ce taux de réponse est variable d’une section à l’autre comme indiqué sur le graphique suivant. Les couleurs correspondent à la répartition des sections par instituts du CNRS. Tous les grands domaines scientifiques ont participé à plus de 15% des effectifs.

      Attentes de programmation

      Les sondés étaient invités à indiquer quatre priorités de financement. Ils ont classé ces quatre priorités en commençant par (1) la plus importante.

      Sans équivoque, les sujets qui ressortent sont le financement de base des laboratoires, l’emploi de titulaires et les rémunérations de tous les personnels. Un autre sujet d’importance concerne le financement de toutes les thèses et l’augmentation de leur nombre.

      Remarque d’importance : alors même que le nombre d’IT et de BIATSS qui ont répondu au sondage est faible au regard de celui des chercheurs et enseignant-chercheurs, la demande d’augmentation de l’emploi IT et BIATSS exprimée par les sondés est à un haut niveau. 6 608 réponses mettent l’augmentation de l’emploi IT et BIATSS parmi les 4 priorités. La communauté est bien consciente que ces emplois ont fortement baissé ces dernières années et que cela pose des problèmes majeurs dans les laboratoires et les universités.

      On remarque par ailleurs un très faible taux de réponse en faveur de primes individualisées.

      ANR

      On constate sur le tableau précédent que l’augmentation du budget de l’ANR n’est pas une priorité forte. Ce résultat se retrouve dans les réponses indiquées sur le graphique qui suit (réponses à la question "L’augmentation envisagée du budget de l’ANR est"). Dans quasiment tous les cas, les répondants complètent leur appréciation sur l’augmentation du budget de l’ANR prévue dans la LPR en insistant sur l’importance de « mettre la priorité sur les financements de base » ou de ne pas opérer cette augmentation « au détriment des soutiens de base des laboratoires ». L’augmentation du budget de l’ANR est majoritairement (52%) jugée être un aspect négatif du projet de loi. Il manque clairement, aux yeux des répondants, une mesure forte en faveur de l’augmentation des crédits de base des laboratoires.

      Nature des emplois

      L’attente en termes de programmation est dans une très large mesure en faveur de l’augmentation d’emplois de titulaires (tableau précédent). Cela se retrouve dans le graphique qui suit (réponses à la question "Dans le projet de loi, la programmation de l’emploi de titulaires est"). 74% des réponses indiquent que la loi ne répond pas aux attentes sur le sujet. 39% des réponses jugent la programmation insatisfaisante et/ou trop incertaine. 35% la jugent très insatisfaisante.

      Ce résultat est corroboré par les réponses relatives à l’article 3 sur les « agents en voie de titularisation » DR ou PR calqués sur les recrutements appelés « Tenure Tracks » dans le système anglo-saxon. 77% des réponses est critique quant à cette mesure. 34% estime que c’est "Une mauvaise initiative si elle diminue les recrutements en Chargés de recherche et Maitres de conférences. 43% estime que c’est "Une très mauvaise initiative".

      Le même constat se retrouve dans l’opinion au sujet des CDI de mission. Ils recueillent 71% d’opinions négatives, dont pour moitié si c’est au détriment des emplois de titulaires.

      Ampleur de l’effort budgétaire

      Pour finir cette première analyse des résultats nous donnons l’appréciation sur l’effort budgétaire du projet de loi de programmation. Plus de la moitié (54%) des réponses indiquent que la programmation financière est « trop faible » ou « vraiment insiffisante ».

      Conclusion provisoire

      L’analyse du sondage n’est pas terminée. Il est anticipé de tirer des conclusions définitives. Cependant, cette première analyse confirme que pour la communauté scientifique la programmation projetée n’est pas à la hauteur des enjeux. L’augmentation budgétaire prévue n’est pas suffisante et il manque :

      une programmation de la hausse des dotations de bases aux laboratoires (qui rappelons-le ne sont pas des dotations automatiques mais attribuées dans un dialogue avec les établissements de tutelle des laboratoires après évaluation par les pairs),
      une programmation de la hausse de l’emploi de titulaires, dont un fort besoin d’emplois d’ingénieurs et techniciens.

      La réponse du gouvernement, qui sur ce dernier point répond par l’embauche d’agents contractuels et autres contrats précaires (hausse estimée à 15 000 dans l’annexe de la loi, soit 10% de hausse), n’est pas en phase avec les attentes de la communauté. Le Comité national s’est impliqué depuis février 2019 dans l’élaboration collective d’un diagnostic et de propositions pour la recherche. Les principales propositions qu’il a formulées sont à nouveau confirmées par ce sondage.

      https://www.c3n-cn.fr/sondageLPR

    • Note technique sur la programmation budgétaire

      Le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (LPR) –initialement loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) –sera examiné fin octobre au Sénat. Le gouvernement annonce un effort « exceptionnel », « sans précédent », de 25 milliards d’euros, en faveur de la recherche. Le projet de loi LPR s’accompagne d’un protocole d’accord « rémunérations et carrières 2021-2030 » décrit par la ministre F. Vidal comme rien moins que « le plus grand plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques depuis des décennies ».Dans cette note technique, nous exposons la réalité de la programmation budgétaire de ce projet de loi, en examinant successivement : (1) le budget total programmé pour la recherche (programmes 150, 172 et 193 couverts par la LPR), (2) la part prévue pour l’Université (programme 150), (3) l’articulation au niveau budgétaire entre la LPR et la loi de réforme des retraites —telle qu’elle était prévue avant sa suspension temporaire, dans le contexte de sa reprise annoncée.

      http://rogueesr.fr/wp-content/uploads/2020/10/Note_programmation_budgetaire.pdf
      #budget

    • Info du budget LPR :

      Le projet de loi de finances 2021 apporte une preuve supplémentaire de l’insincérité budgétaire de la loi de programmation de la recherche. Du point de vue du ministère, les “crédits de la mission Enseignement Supérieur et Recherche du Projet de Loi de Finance ( #PLF2021) mentionnent une augmentation de 600 millions € sur les crédits du ministère et de 400 millions € pour la première marche de la #LoiRecherche.” Cependant, chacun peut vérifier dans le projet de loi de finance 2021 [] que les crédits de paiement de cette mission décroissent de 28,664 milliards € à 28,488 milliards €, soit -0,6%.

      Le rapport Rapin de la commission des finances du Sénat [*], déplore le jeu de bonneteau budgétaire du ministère, lié à la dette contractée par la France auprès de l’Agence spatiale européenne (ESA). Cette dette prise en compte, l’évolution budgétaire est évaluée à +104 millions € (+0,36%). Une fois l’inflation soustraite (estimée par l’INSEE à 0,7% en 2020), le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche baisse donc de 100 millions €, environ.

      En conséquence, ni le glissement vieillesse technicité (0,45% en moyenne), ni le plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques dont s’enorgueillit le MESRI ne sont financés.

      [] page 211

      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3360_projet-loi.pdf

      [*] page 30 et 31

      http://www.senat.fr/rap/a20-032/a20-0321.pdf

      Reçu via la mailing-list Rogueesr du 26.10.2020

    • Malgré le vote de la loi recherche, ses opposants ne désarment pas

      L’Assemblée a adopté la loi recherche mardi, mais n’a pas éteint la contestation. Depuis la ministre se retrouve face à un front syndical uni, des présidents d’universités étant sommés d’expliquer leur soutien à ce texte.

      Pas de répit pour Frédérique Vidal. Le vote de sa loi de programmation pour la recherche à l’Assemblée hier n’a pas éteint les revendications des chercheurs, bien au contraire.

      Mercredi matin, les organisations syndicales, toutes les organisations syndicales, ont boycotté la réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles « dénoncent la méthode employée par le gouvernement pour faire passer en force le texte de la loi de programmation de la recherche » et elles « demandent l’ouverture de négociations pour une autre loi de programmation et un plan pour l’emploi scientifique titulaire construits avec l’ensemble des acteurs et actrices de l’ESR ». Bref, la ministre est appelée à revoir sa copie.

      Les seuls soutiens de Frédérique Vidal dans l’élaboration de cette loi, les présidents des plus grosses universités sont aussi dans le viseur. La communauté leur demande de se positionner individuellement et publiquement sur le texte de loi. Ainsi, Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, a-t-il reçu un courrier de la part du Doyen de sa faculté de Droit, s’enquerant de son avis sur ce texte et sur la méthode suivie pour son élaboration. « Cette information influencera, à n’en point douter, le choix de nombreux membres de notre communauté universitaire dans la perspective prochaine des élections des conseils centraux », menace la lettre.

      L’Université de Strasbourg est membre de l’Udice, l’association des dix « grandes universités de recherche pluridisciplinaires françaises », qui a défendu la LPR et notamment l’article décrié ouvrant un nouveau mode de recrutement des enseignants-chercheurs dans le but « de recruter les meilleurs candidats aux postes d’enseignants-chercheurs ».

      Tout au long des débats autour de cette LPR le gouvernement et ses maigres soutiens ont joué cette musique. Le but de cette loi serait de permettre de recruter des stars, jettant ainsi le discrédit sur les personnes recrutées actuellement.

      Libération a discuté avec un chercheur français, répondant aux critères d’excellence du gouvernement. Sylvain Deville est lauréat en 2011 de la très réputée bourse du conseil européen de la recherche qui lui a octroyé 1,5 million d’euros sur 5 ans pour ses recherches sur les matériaux. Aujourd’hui directeur de recherche au CNRS, il est pourtant opposé à cette loi.

      « Depuis l’épuisement de mon financement ERC, je fais comme tout le monde, je dépose des demandes de financement partout. En quatre ans, je n’ai pu obtenir que deux bourses de thèses qui touchent à leur fin. Cette loi met l’accent sur les appels à projet comme mode de distribution des moyens. Il n’y a pas d’engagement sur les budgets pérennes ni sur l’emploi. Nous sommes les seuls fonctionnaires à qui on ne donne pas les moyens d’exercer leur métier une fois recruté, déplore-t-il. Pour ce chercheur « Les signaux envoyés par la loi sont très négatifs, nous le paierons à long terme. Il est de plus en plus difficile de convaincre les jeunes de se lancer dans une carrière scientifique. Ce que nous demandons, ce sont des financements pérennes et un horizon pas trop bouché pour ceux qui viennent après nous ».

      Un appel intersyndical est lancé pour le 24 novembre pour que la LPR ne soit pas appliquée.

      https://www.liberation.fr/sciences/2020/11/18/malgre-le-vote-de-la-loi-recherche-ses-opposants-ne-desarment-pas_1805944

  • Le #Haut_Conseil_à_l’Égalité_femmes-hommes recadre la loi

    Le Haut Conseil à l’Égalité femmes-hommes établit une note Vigilance égalité lorsqu’une loi susceptible d’aborder ces problématiques arrive au Parlement. Avec la Loi de programmation pour la Recherche, le Haut Conseil était donc servi. À l’occasion d’une table-ronde qui s’est tenue le jeudi 10 septembre 2020, il a auditionné quatre chercheuses et un chercheur, en présence-absence du conseiller auprès de la ministre, en charge de la recherche, de l’innovation et de l’industrie, Jean-Philippe Bourgouin1.

    La LPPR ayant fait déjà l’objet de virulentes critiques, renouvelées avec l’épidémie, puis au moment des auditions à la Commission des Affaires culturelles, Academia attendait avec impatience l’analyse du Haut Conseil à l’égalité. Nous en publions le texte, ainsi que les liens vers les communications des participant·es à la table ronde.

    L’égalité entre les femmes et les hommes : un #impensé du projet de #loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche ?

    Alors que le projet de loi de programmation pluriannuelle de recherche 2021-2030 est discuté à l’Assemblée nationale, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (#HCE) a organisé une table ronde, le 10 septembre, avec des chercheur et chercheuses spécialistes du genre afin de pouvoir contribuer aux débats tant publics que parlementaires.

    Cette future loi-cadre poursuit l’objectif principal de réinvestir massivement dans la recherche et l’innovation pour juguler le décrochage de la France dans la compétition internationale. Si des retombées positives sont à attendre de cet investissement de 25 milliards d’euros sur 10 ans, pour les hommes comme pour les femmes, tant dans le financement des appels à projets que dans la lutte contre la précarité par l’instauration de nouveaux dispositifs contractuels et une revalorisation indemnitaire, les chercheuses et chercheur consulté.es font un constat unanime : l’impact de ces mesures sur les #femmes n’a pas été analysé que ce soit dans la configuration des carrières, la composition des instances, l’évaluation des dispositifs, ou encore dans l’accès aux financements, ou le contenu de la recherche, dans un contexte très inégalitaire entre les femmes et les hommes,

    Grâce à la contribution enrichissante des spécialistes interrogé·es, le HCE souhaite en publiant cette #Vigilance_égalité :

    - redonner toute leur visibilité aux #inégalités_professionnelles entre les femmes et les hommes dans le monde de la recherche et les incidences de certaines dispositions du texte de loi, apparemment neutres, mais qui risquent de segmenter plus encore le marché du travail et accentuer la #précarité des femmes ;

    – apporter quelques éclairages et pistes de réflexion sur une utilisation plus constructive des #financements_publics pour œuvrer en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ;

    – rappeler l’importance d’une dynamique paritaire des #comités_de_sélection pour les carrières et de distribution pour les financements ;

    – attirer l’attention sur une approche innovante de la recherche : soutenir les études de genre et adopter une approche de genre dans toutes les disciplines.

    Pour le HCE, une loi de programmation pluriannuelle ne peut faire l’économie d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur même de son texte, sans la renvoyer à des protocoles d’accord parallèles. C’est à ce prix que la France pourra retrouver le chemin de l’innovation.

    Le #HCE estime qu’il est urgent, au regard de la #défaillance de l’étude d’impact, que les parlementaires s’emparent de cette question en amont des discussions en séance de ce projet de loi et puissent solliciter l’expertise des chercheurs et chercheuses spécialistes du #genre ainsi que le HCE afin de pouvoir nourrir la rédaction de leurs amendements.

    https://academia.hypotheses.org/25730

    #LPPR #université #égalité #facs #recherche #France #inégalités

    • La LPPR, une loi sans chercheuses. Sur la note Vigilance égalité du #HCEfh

      Pour établir une note Vigilance égalité⁠ au sujet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a auditionné jeudi 10 septembre quatre chercheuses et un chercheur. Academia analyse pour vous le contenu de cette table ronde dont se dégage un message univoque :

      « Ni la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, ni celle d’une approche du genre dans la recherche, ni l’objectif prioritaire d’attirer les jeunes filles vers les sciences ne sont manifestement pris en compte » dans la LLPR⁠.


      *

      En cherchant dans tous les recoins d’un projet de loi où le mot « femme » n’apparait que deux fois et le mot « chercheuse » jamais, les auditionnées n’y trouvent qu’une poignée de mesures qui pourraient être vaguement favorables à l’égalité des sexes, parmi lesquelles :

      la revalorisation de l’entrée dans la carrière, la réforme des primes et la limitation du nombre de direction de thèses (si le lot de tout monde s’améliore un peu sur un point, celui des femmes aussi) ;
      la volonté affichée de renforcer le financement des sciences humaines et sociales, les femmes y étant plus présentes (mais qui peut y croire ?) ;
      la question du congé de maternité, le projet abordant la possible prolongation de certains contrats de travail de pré-titularisation.

      Sur ce dernier point, on ne peut que rejoindre⁠ Catherine Goldstein qui rappelle que « réduire la question de l’égalité à celle de la conciliation entre maternité et carrière (…) est peu réaliste, dépassé et même en soi discriminatoire⁠ ».

      Au bout du compte, les expertes comme le HCE n’ont de cesse de dire l’indigence d’un projet qui « au mieux ne corrigera pas [l]es inégalités ou, au pire, les renforcera » (Alban Jacquemard).

      Au programme de la LPPR au féminin : précarisation, exclusion et discriminations

      Les 5 chercheur·ses auditionné·es sont en effet unanimes sur les risques que la LPPR fait courir aux femmes dans le champ scientifique. Alors que ces dernières s’y trouvent déjà dans une position dominée (précarité, « plafond » et « parois de verre », inégalités de salaires, violences sexistes et sexuelles1 …), deux des mesures les plus controversées de la loi, la mise en en place des tenure tracks et des CDI de projet, leur seraient particulièrement néfastes.
      « Ni la préconisation ni la compétition ne sont favorables à l’excellence des chercheuses⁠ » (C. Goldstein)

      Si les tenure tracks « présentent un danger pour le recrutement des jeunes femmes à haut potentiel⁠ » (S. Rousseau), ce sont tous les personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (BIATSS) – à la fois les plus féminisés et les plus précaires – qui pâtiraient le plus de la loi : « les techniciennes, secrétaires, gestionnaires et ingénieurs (…) seront les grandes perdantes de la croissance des emplois précaires » (Sophie Pochic).

      Ces prédictions alarmistes s’appuient à la fois sur l’analyse d’expérimentations locales des tenure tracks (par exemple à Sciences Po Paris depuis 2009) et sur

      « [d]es exemples étrangers [qui] font craindre la pérennisation d’un continent de précaires, largement féminisé : aux États-Unis, en Allemagne et dans la plupart des pays anglo-saxons, ce modèle a produit un marché à deux étages, avec une main d’œuvre précaire majoritairement féminine au service de chercheuses titulaires principalement masculins⁠ » (A. Jacquemard).

      Autre facteur potentiel d’aggravation des inégalités genrées : la conception de l’excellence et l’accent mis sur la compétition et l’individualisation des carrières. « Toutes les mesures passées établissant des alternatives de prestige (…) ont été défavorables pour les femmes », rappelle C. Goldstein. Avec Fanny Gallot, elle souligne aussi à quel point la conception « darwinienne »⁠ de la recherche fait peu de cas de l’enseignement, des tâches administratives ou encore de la vulgarisation et de la médiation scientifiques – autant de tâches dévalorisées dans lesquelles les femmes s’investissent davantage.

      La place prépondérante que la LPPR accorde à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) est aussi directement visée : « concentrer les moyens supplémentaires sur des appels à projet compétitifs (…) signifie de facto alimenter le moteur de la fabrique des inégalités⁠ » (S. Pochic).
      Les violences sexistes et sexuelles à l’université ont de beaux jours devant elles

      Un accroissement conjoint la précarité féminine et la compétition dans le monde académique ne pourra que renforcer le pouvoir hiérarchique des chef·fes d’équipe ou coordinateurices de projets, et, avec lui, les risques de harcèlement moral. Pourtant, « la LPPR ne prévoit aucun dispositif pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la recherche. Au contraire, en valorisant les comportements compétitifs et individualistes, elle exacerbe les dominations systémiques, sexistes comme racistes⁠ » (F. Gallot).

      L’actualité récente⁠ nous ayant rappelé à quel point l’université est déjà le lieu d’un harcèlement sexuel et moral systémique, surtout en temps de crise⁠, la perspective d’une aggravation des rapports de pouvoir en défaveur des femmes fait froid dans le dos.
      Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? Des postes, de l’argent, du savoir et des quotas.

      Loin de se contenter d’identifier les aspects de la loi qui aggraveront les discriminations, la table ronde organisée par le HCE identifie aussi les actions qui, au contraire, favoriseraient l’égalité. Là aussi, les préconisations des expert·es se rejoignent.

      Tous souscrivent aux deux grandes revendications du monde universitaire en demandant la création de postes pérennes et des financements récurrents pour les équipes de recherche. Ils déplorent également l’insuffisante connaissance des mécanismes inégalitaires actuels et appellent à soutenir, financer et mener des études d’impact et évaluatives sérieuses. Les auditionnées rappellent par ailleurs l’importance des études de genre, qui doivent elles-aussi être financées et soutenues, notamment par des recrutements statutaires.

      Aux recommandations très précises concernant le fonctionnement de l’ANR ou du Crédit Impôt Recherche (S. Pochic) s’ajoutent la préconisation d’imposer de façon contraignante la parité ou la proportionnalité dans les comités d’évaluation, de sélection et de distribution de financement, mais aussi dans les équipes et les portages de projet grâce à la mise en place de critères de suivi et de sanctions en cas de non-respect des objectifs égalitaires.

      Le projet de loi prévoit que les établissements présentent chaque année au conseil d’administration un « rapport sur l’état de la situation comparée en matière d’égalité entre les femmes et les hommes », mais sans obligation de moyens ni de résultats. Au moins seront-ils aux premières loges pour constater le désastre annoncé.

      https://academia.hypotheses.org/25789

  • La virologie est un sport de combat

    Je suis #Bruno_Canard, directeur de recherche CNRS à l’université d’Aix-Marseille. Mon équipe travaille sur les #virus_à_ARN (#acide_ribonucléique), dont font partie les #coronavirus.

    Mme la Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation m’ayant cité, et mentionné mes travaux dans son intervention sur les Matins de France Culture le 22 juin 2020 (https://www.franceculture.fr/emissions/les-matins/les-matins-de-france-culture-emission-du-lundi-22-juin-2020

    ), il m’a semblé important de préciser les #conditions_de_travail de mon équipe de #recherche sur le #SARS-CoV-2 et sa projection dans la future #Loi_de_Programmation_de_la_Recherche (dite #LPPR), qui est en cours d’examen à l’Assemblée Nationale.
    Cela permet d’illustrer, à partir d’un cas concret, et peut-être de faire comprendre au grand public le #sous-financement récurrent de la #recherche_publique en #France en général dans les 20 dernières années ; la #précarité grandissante des #personnels de ces laboratoires ; le #sous-équipement dramatique en grands #instruments_scientifiques essentiels aux développements de thérapies antivirales ; le faible niveau des #salaires des chercheur·ses, très éloignés de ceux des haut·es fonctionnaires ; et finalement, le peu de #considération dont ils font l’objet par les femmes et les hommes politiques français. Elles et ils prétendent parler au nom de la #science, souvent confondue avec la #technologie, mais sans écouter les scientifiques.

    Chère Mme la Ministre, chère Frédérique, je me permets de vous appeler par votre prénom en souvenir des cafés et bavardages créatifs que nous avons partagés lorsque, en 1992, j’étais fraîchement recruté comme chercheur au #CNRS à Nice dans le laboratoire dirigé par Patrick Gaudray, et vous, doctorante dans le laboratoire de François Cuzin à l’Université de Nice. C’était une époque formidable, j’y ai fait mes plus belles ascensions dans ces extraordinaires Alpes-Maritimes, pendant que la France commençait sa dégringolade dans le classement scientifique, dans une remarquable trajectoire parallèle au nombre de postes statutaires de chercheur·ses et de manière plus générale, à la performance de la recherche française.

    Nous nous retrouvons donc environ 25 ans plus tard.

    Chère Frédérique, vous êtes désormais Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et soutenez que cette loi permettra un réarmement de la #recherche_française inégalé depuis 1945. Je suis un chercheur « de base » et je me suis exprimé à titre personnel, comme la majorité de mes collègues, pour formuler mes craintes d’un #budget concentré sur des projets à court terme, synthétisées dans la tribune « La science ne marche pas dans l’urgence » (https://universiteouverte.org/2020/03/04/coronavirus-la-science-ne-marche-pas-dans-lurgence/;%20Le%20Monde,%2029%20f%C3%A9vrier%202020;%20https:/lejournal.cnrs.fr/articles/la-science-fondamentale-est-notre-meilleure-assurance-contre-les-). Dans un entretien à France Culture en juillet (https://www.franceculture.fr/emissions/les-matins/les-matins-de-france-culture-emission-du-lundi-22-juin-2020

    ), vous avez déclaré à mon sujet : « Mr Canard a obtenu plusieurs financements sur projets… Je connais par cœur les financements qu’a eu ce laboratoire ».

    Justifier les « plusieurs financements sur projets » pour mon laboratoire sous-doté

    Je m’étais étonné de recevoir en juin la demande urgente de la part mon employeur (le CNRS), de fournir le montant de tous les contrats dont mon équipe a bénéficié, de l’#Agence_National_de_Recherche (#ANR) en particulier. Malheureusement, force a été de constater que le ministère et ses contrats ANR n’y a pas occupé une place proéminente. Encore moins sur les coronavirus (2 projets ANR coordonnés en 18 ans), sur lesquels aucun soutien financier spécifique n’a été accordé depuis plusieurs années, sauf en 2019 par la #Fondation_de_la_Recherche_Médicale, dont la vision scientifique tient heureusement peu cas des modes. Nous nous échinions, en effet depuis 2003, mes collègues d’équipe et moi, à étudier la réplication des coronavirus et comment ces derniers mutent, ce qui est d’une importance capitale pour la conception de #vaccins ou de #médicaments. Tous les dossiers de projet ANR inlassablement déposés depuis 2015 ont été jugés indignes d’être financés et/ou inintéressants. Cinq fois, pour être précis. Dans la dernière édition (dépôt du projet en octobre 2019 – réponse pas encore arrivée à ce jour, 19 septembre 2020), j’ai failli renoncer à apporter encore des résultats expérimentaux préliminaires, pour ne pas les divulguer gratuitement à mes concurrent·es : l’évaluation des projets ANR se faisant par des expert·es internationaux forcément pris parmi les spécialistes qui connaissent le sujet, donc presque tout le temps, des concurrent·es… J’ai fourni le même dossier, mais amputé de la recherche sur le virus #Ebola. Oui, Ebola produit actuellement une épidémie en République Démocratique du Congo, mais la loi mort-kilomètre nous dit que le sujet est défavorable pour éveiller un quelconque intérêt en ce moment. La recherche sur Ebola n’intéresse que quand le virus sonne à notre porte, comme en 2014.

    Le SARS-CoV-2 aura donc eu un effet magique : ma recherche inintéressante sur la #variabilité_génétique de ce virus a subitement reçu, en juin 2020, les commentaires les plus positifs, dithyrambiques, qu’il m’a été possible de recevoir en 30 ans de carrière1. Ni mon projet ni ma recherche n’ont pourtant changé : seule leur perception a changé dans le contexte COVID19, renforçant cette constatation que j’ai maintes fois faite : la science ne marche pas dans l’#urgence 2 et la virologie, ce n’est pas que les coronavirus.

    Pour les « plusieurs financements sur projets », vous voulez donc probablement parler des deux projets européens dont mon équipe a récemment bénéficié. La France étant une grosse contributrice financière à l’espace européen de la recherche, il me semblait donc presque « patriotique », en quelque sorte, de me lancer corps-et-âme dans la lutte anti-COVID19 en rapatriant des fonds européens pour pouvoir employer des personnes motivées, et continuer à décrypter comment ces fichues bestioles virales arrivent à se reproduire au prix d’un tel bazar dans une cellule, un organisme, une société. Le premier projet européen appelé #SCORE, a été écrit en 10 jours (et nuits) en février 2020 grâce au réseau de collaborateur·trices corona-virologistes que la disette financière des années précédentes n’a pas réussi à effilocher. L’autre appelé #IMI-CARE a été écrit immédiatement après en mars 2020, en 3 semaines au lieu des plutôt 6 mois habituels, avec un consortium international de 36 laboratoires, dont 12 industriels majeurs. Peut-être auriez-vous préféré que je m’abstienne dans cette quête inlassable de financements ? Impossible, car c’est la condition sine qua non pour pouvoir avancer dans nos recherches, répondre à l’urgence de la situation et recruter immédiatement quelques personnes en CDD.

    S’appuyer sur des contractuel·les pour assurer la survie de notre laboratoire

    Je me suis posé la question lorsque j’ai embauché Camille, Adrien, et Pierre : trois jeunes diplômés d’un Master en quête de leur première expérience professionnelle, qui n’ont pas hésité en plein confinement à s’entasser dans une voiture depuis Toulouse pour venir s’installer à Marseille, avec comme horizon un #CDD de 15 mois, un statut inexistant et une paie royale de 1600 euros mensuels. Je ne pense pas qu’elle et ils espèrent quoi que ce soit de la LPPR, qui ne propose aucune amélioration pour les contractuel·les de la recherche. On leur a trouvé un appartement, sinon, iels seraient encore peut être à la rue : avec un CDD, il n’est pas facile de convaincre un·e bailleur·se.

    Je me suis également posé la question quand il a fallu que j’embauche un #lab_manager (en CDD, évidemment) pour que Véronique, Barbara et Cécilia, trois ingénieures de recherche totalement saturées de travail dans l’équipe #COVIDemment désorganisée, soient déchargées des corvées administratives routinières qui les empêchent de faire leur métier, c’est-à-dire de la recherche. La fonction principale de ce lab manager ? Nous aider à gérer les stupides « #feuilles_de_temps-projet » qui compartimentent notre cerveau pour les bureaucrates européens. Car dans un projet européen, le CNRS « loue » contre facture le temps de cerveau disponible de ses chercheur·ses (9h-18h, nous ne réfléchissons que les jours ouvrables) et il nous faut donc déclarer, heure par heure, comment nous nous occupons.

    Je me suis encore posé la question quand les équipes de notre laboratoire, entité conjointe entre le CNRS et l’Université Aix Marseille, ont dû mutualiser leurs ressources pour pouvoir embaucher un autre CDD, technicien·ne qui prépare les réactifs dont nous avons besoin, lance la vaisselle et les autoclaves, et tout cela pour environ 1200 nets par mois. C’est un poste nécessaire au laboratoire, mais que nous devons auto-financer, malgré les 26 % du montant de nos contrats qui partent en frais de gestion et provision pour la maintenance des appareillages du laboratoire.

    Je me suis posé ces questions car ces efforts financiers et ces CDD étaient, il n’y a pas si longtemps, assurés par un soutien de base au laboratoire de la part de nos deux tutelles, le CNRS et l’#université. Et surtout par des postes statutaires, essentiels pour la survie de nos laboratoires, qui ne sont mentionnés dans aucun article de la LPPR et dont le nombre s’est effondré depuis 2008. Vous dites donc sur France Culture que mon « laboratoire (est) financé tous les ans de manière récurrente ». Quel humour par omission ! Vous savez très bien que le #financement_récurrent ne permet pas de financer nos programmes de recherche. Dans tous les laboratoires de sciences expérimentales, les chercheur·ses ponctionnent elleux-mêmes leur projet d’une contribution « volontaire » qu’iels mutualisent pour assurer les carences des employeur·ses publics. Chez nous, on fait la plonge du labo à tour de rôle pour laver nos éprouvettes, et le soutien récurrent constitue moins de 5% du budget de fonctionnement : pas assez pour acheter suffisamment de mouchoirs pour pleurer.

    Votre petite phrase prononcée sur le ton « je dis ça, je dis rien » n’avait donc certainement aucunement l’intention de décrédibiliser votre administré que je suis. La grande majorité de la communauté scientifique vous a exprimé depuis des mois ses craintes envers la LPPR : entre autres, le ras-le-bol des titulaires d’être transformé·es en bureaucrates expert·es dans la gestion du personnel précaire, et la crainte des contractuel·les de le rester « à vie », ou après avoir fait leurs preuves pendant des années d’être considéré·es comme dignes d’être titularisé·es (pour les « professeur·es junior »). Pour mémoire, les quelques 200 premièr·es signataires de la pétition (qui a fait pschitt) de soutien à la LPPR, sont à la retraite et ont bénéficié de ce statut de fonctionnaire pendant toute leur carrière. Il est vrai que la connivence augmentée que vous préconisez dans la LPPR avec le secteur privé n’a pas besoin de s’encombrer de chercheur·ses indépendant·es et libres de penser. Ainsi, il n’y aura plus de scandale type Mediator, SDHI, glyphosate, perturbateurs endocriniens, … puisque personne ne mord la main qui nourrit.

    Espérer arriver au niveau de 2ème division en biologie structurale

    Pourtant, cette « abondance » que la LPPR nous promet pourrait trouver une meilleure destination. Je me suis alors rappelé le plan « #France_Cryo-EM », un #Equipex (Equipement d’excellence), qui nécessite 36 millions d’euros pour pouvoir observer le SARS-CoV-2 et ses protéines avec des #cryo-microscopes_électroniques (#Cryo-EM) à haute résolution et concevoir intelligemment les vaccins et #traitements requis. Créé officiellement en 2016, il reste pourtant aux biologistes structuraux Français 16 millions d’euros à trouver pour pouvoir pour amener la France au niveau de 2ème division en #biologie_structurale 3. Ayant déploré l’absence de ce grand équipement, vous m’avez proposé de venir collecter des données sur le microscope de Nice, je ne reviendrai pas sur cette confusion microscopique. Au 23 juillet 2020, des laboratoires Chinois et Allemands ont publié dans les journaux internationaux les plus réputés, Nature, Science, Cell, pas moins de 9 structures de l’ARN polymerase de ce virus, en utilisant une information clé de nos travaux réalisés en 2014. En l’absence de Cryo-EM haute résolution, nous avons regardé passer les balles au-dessus de nos têtes… Ironie du sort et humiliation supplémentaire, ces #revues_scientifiques m’ont souvent sollicité pour évaluer ces publications que j’aurais dû faire. A titre de comparaison, l’Allemagne, notre voisin européen que l’on peut considérer être en première division, avait 25 Cryo-EM en 2018.

    Ces 16 millions manquants pour que les chercheur·ses puissent exercer leur métier dans des conditions décentes sont à mettre en perspective avec le milliard d’euros accordé en moins d’un an au groupe français #Sanofi sur un pari vaccinal, certes en majorité via leurs ami·es du #BARDA américain, qui seront les premièr·es servi·es. Enfin, qui devraient : ce sont les mêmes qui ont donné 43 millions à Sanofi en août 2016 pour un vaccin contre le virus #Zika, mais tous deux ont jeté l’éponge en septembre 2017. Cela ressemble beaucoup à 2003 et l’émergence du SARS pour laquelle Sanofi a été copieusement financée pour un vaccin, lui aussi abandonné.

    Ces 16 millions manquants sont également à mettre en perspective avec le #Crédit_Impôt_Recherche 5, passé de 2,5 milliards en 2008 à 6 milliards aujourd’hui. Avantage fiscal généreux destiné à renforcer l’attractivité de Sanofi, pour prendre un exemple concernant directement la COVID19… Ou bien est-ce plutôt pour éviter que ce groupe continue à réduire ses activités de #R&D en France ? Cette générosité est si bien remerciée qu’elle s’est immédiatement traduite, pour l’instant, par 4 milliards à reverser aux actionnaires en 2020, et par le licenciement de 1 700 personnes dans le monde, dont 1 000 en France. En tant que chercheur rompu à la complexité des demandes de financement ANR, j’ai regardé avec émotion et envie le mini-dossier à rapporter dans le formulaire Cerfa 2069-A-SD pour que cette entreprise s’exonère de 130 millions d’euros annuels…

    Arrêter la sensation de chute libre pour la recherche publique française

    Dans Le Monde du 24 juillet, je lis entre les lignes une synthèse indirecte de cette sensation de chute libre : la France est passée en 20 ans de la 5e à la 8e place des contributeurs aux #publications_scientifiques, ce qui est à mettre en relation avec un financement insuffisant de la recherche équivalent à 2,2 % du PIB (0,8 % recherche publique, 1,4 % privée). Vous visez à porter l’effort de recherche de la nation à 3% du PIB (1% public, 2% privé) d’ici 2030. Je constate que l’effort de financement de la #recherche_privée est donc plus du double de celui de la recherche publique. Il me semble hasardeux de compter sur la recherche privée pour rattraper l’écart de publications, ou bien peut-être faudra-t-il que l’utilisation de l’argent public investi dans cette dernière subisse des évaluations aussi invasives, constantes et publiquement disponibles que celle que nous subissons dans les laboratoires académiques ?

    Finalement, chère Frédérique, depuis une dizaine d’année, trois présidents de la république Nicolas Sarkozy, François Hollande, et Emmanuel Macron n’ont-ils pas eu raison de prendre les chercheur·ses et les universitaires pour des imbéciles ? Pourquoi en serait-il autrement ? Cela fait plusieurs décennies qu’elles et ils sont les seuls haut·es fonctionnaires de catégorie A+ à qui on demande de trouver les moyens financiers de faire leur travail et les derniers en termes de niveau de #rémunération, gagnant en moyenne 3200 euros nets par mois – pour celles et ceux qui ont la « chance » d’être titulaires.

    Je note d’ailleurs que l’oreille d’Angela Merkel, titulaire d’un doctorat en chimie, semble plus réceptive au financement de la science en Allemagne, pays où la crise due au coronavirus semble avoir été mieux gérée que chez nous. Est-ce aussi à mettre en rapport avec la constatation que, par exemple, la ville d’Heidelberg à elle seule a autant de Cryo-EM que la France entière ?

    Peut-être, alors, après avoir travaillé comme des forcené·es pendant cette période difficile avec mes collègues fonctionnaires Etienne, François, Karine, Jean-Claude Nadia, et tou·tes les précaires dont je vous épargnerai la liste7, nous devrions, en prélevant encore sur nos contrats, constituer une cagnotte supplémentaire. Car la LPPR ne prévoit pas grand-chose dans ses premières années tandis qu’elle nous promet « l’abondance » au nom de vos successeur·ses. Mais surtout, nous pourrions ainsi soulager votre budget ministériel, économiser 16 millions d’euros et pouvoir trouver cette goutte d’eau microscopique qui nous permettrait, outre de ne pas se sentir humilié·es face à une concurrence internationale féroce, de travailler à rattraper le temps perdu.

    J’espère avoir correctement éclairé votre petite phrase, dans le respect de votre fonction ministérielle, respect qui finira bien un jour par être réciproque, et que in fine, mes « plusieurs financements sur projets » que vous « connaissez par cœur » continueront à soutenir nos efforts intenses contre le SARS-CoV-2 et le COVID19.

    Références et notes

    1J’ai établi un résumé de ces demandes, à la demande de l’ANR, du CNRS, et de plusieurs journalistes. Pour la dernière demande (la même faite depuis 2016), devenue subitement intéressante après le déclenchement de la pandémie COVID19, voici la première phrase de l’avis général de chacun des trois évaluateurs internationaux :Reviewer n°1 : « The project is a must fund project. The highly multi-disciplinary research project very nicely combines cutting edge techniques ». Reviewer n°2 : « This is an excellent proposal that is recommended to be considered for funding with highest priority ». Reviewer n°3 : « This is a very interesting research proposal. The project is highly relevant for two reasons. First the obvious pandemic outbreak and second the role of epi-transcriptomics and RNA biology in health and disease. »

    2Le Monde, 29 février 2020

    3La France dispose de 3 Cryo-Electro-Microscopes à haute résolution (type Titan Krios) nécessaires pour les études sur les virus et les conceptions de vaccins et médicaments. L’Angleterre et l’Allemagne (que l’on peut considérer être en première division, j’en passe au sujet de la Chine ou des USA) en avaient 22 et 25, en 2018, respectivement. Le plan « France Cryo-EM EquipeX » prévoit d’en acquérir 3 de plus, mais beaucoup de régions (Paris-Sud, Paris-Centre, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Rennes, Montpellier ont dû abandonner tout projet de ce type de microscope pour se rabattre sur des microscopes moins puissants, et mutualisés pour que l’ensemble des chercheur·ses d’une régions puisse travailler.

    4L’ARN polymérase, moteur de la réplication du SARS-CoV-2, devient active lorsque qu’elle est associée à deux autres protéines virales, ce qui ouvre la voie à son étude structurale et fonctionnelle. Subissi L, et al. Proc Natl Acad Sci U S A. 2014 Sep 16 ;111(37):E3900-9.

    5Cette mesure fiscale (art. L244 Quater B du CGI) permet de financer des activités de Recherche et Développement (R&D), sous forme de remboursement ou de réduction d’impôt sur les sociétés. Malgré la possibilité évidente d’évasion fiscale, elle n’a jamais été évaluée de manière transparente.

    6La demande de CIR se fait par le formulaire cerfa 2069-A-SD disponible ici On notera : 1) la simplicité de la description demandée du programme de R&D, à comparer avec l’extrême détail qui est demandé aux chercheur·ses pour leur demande de projet ANR ; 2) l’absence du descriptif du processus de revue ou d’évaluation de ces demandes. Je me porte candidat avec enthousiasme pour évaluer ces dossiers de demande CIR dans le domaine des virus émergents ; 3) l’absence de données publiques sur le taux de réussite de ces demandes.

    7L’ensemble de l’équipe et de ses membres est consultable là.

    Remerciements : Je remercie Thomas Boulin, Samuel Hayat et Sophie Pochic pour la relecture critique et les suggestions.

    https://universiteouverte.org/2020/09/19/la-virologie-est-un-sport-de-combat

    #Frédérique_Vidal #MESRI

    • #Avant-projet de LPPR : une gigantesque machine à précariser et à privatiser
      L’avant-projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche — 220 pages indigestes mêlant #novlangue, vernis idéologique pseudo-républicain et dispositions qulequefois très techniques — a enfin été diffusé, à cinq jours de la consultation obligatoire du #CNESER, et ce, alors que le texte est largement écrit depuis des mois. Le message à l’endroit du CNESER est clair : aucune considération n’est accordée à l’instance collégiale chargée de représenter la diversité des intérêts dans l’ESR. À ce niveau, on peut même parler de #mépris.

      Rappelons quelques points préalables, qui sont dénoncés depuis longtemps :

      - L’appellation de l’avant-projet de loi « de programmation pluriannuelle de la recherche » est trompeuse, car la question de la #programmation_budgétaire, si elle est cruciale, ne représente jamais que deux articles d’un projet de lui qui en compte 24.
      – Les engagements de programmation budgétaire (article 2) n’engagent en réalité à rien sur le plan juridique : le législateur des années suivantes en fera ce qu’il voudra. Qui plus est seuls 104 millions d’euros sont abondés pour cette année — la seule qui compte vraiment — soit un quart de ce que la Ministre annonce partout depuis plusieurs mois. La poudre de perlimpinpin a magiquement disparu, sauf dans les dépêches médiatiques qui continuent l’incantation de 25 Mds sur 10 ans1
      – Le texte qui circule depuis ce matin n’est pas encore celui qui sera examiné par le Parlement. Il est peu probable que son contenu bouge substantiellement à la suite de son examen par le CNESER (le 12 juin) et le comité technique ministériel (le 17 juin), à moins bien sûr que la communauté de l’ESR se mobilise massivement, ce à quoi nous appelons dès le 12 juin. Il est très probable, en revanche, que les échanges interministériels, sans doute encore en cours, et le Conseil d’État – obligatoirement consulté avant l’examen du projet en conseil des ministres (annoncé pour le 8 juillet) – conduiront à quelques évolutions du texte.

      Les quelques lignes qui suivent ne sont pas destinées à commenter la partie budgétaire du projet (titre I), mais tout le reste, autrement dit tout ce qui, normalement, ne devrait rien avoir à faire dans une loi de programmation budgétaire (titres I à V). Car ce « reste » a eu la main lourde : il contient des évolutions majeures du #droit_de_l’enseignement_supérieur, qu’il va nous falloir analyser en détails en cinq jours.

      1. Le #tenure-track ou la transformation des #statuts des enseignant·es-chercheur·ses

      Signalons un premier point majeur, qui, à lui seul, devrait justifier une très vive mobilisation de la communauté universitaire : l’article 3, qui met en place un système de « tenure-track » conforme à ce que l’on annonçait et craignait. Une « track » vers la « tenure » est créée, c’est-à-dire une procédure dérogatoire de #titularisation dans le corps des directeurs de recherche et de professeur des universités, qui se traduit par la reconnaissance d’un #privilège d’accès à ces corps au bénéfice d’individus ayant d’abord été recrutés par voie contractuelle par un établissement. Le schéma, plus précisément, est le suivant : un établissement (une université, par exemple) recrute par contrat un individu pour une période de trois à six ans, puis se voit reconnaître le droit de procéder à sa titularisation dans le corps des DR ou des PU (selon l’établissement), l’individu signant alors « un #engagement_à_servir » dont la durée n’est pas précisée.

      C’est évidemment une évolution très grave, pour de multiples raisons dont les principales sont les suivantes :

      - on court-circuite toute procédure de #qualification_nationale ;
      - les contrats préalables à l’éventuelle titularisation ne font l’objet d’aucun #encadrement_légal, si ce n’est un très vague renvoi à un décret en Conseil d’État dans lequel le ministère pourra mettre ce qu’il veut, ce qui ouvre grand la porte à une #modulation_des_tâches (et en particulier des services d’enseignements) ou encore à la variation des #rémunérations ;
      - aucun mécanisme de protection des #libertés_académiques n’est mentionné durant la période contractuelle ; au contraire, durant le contrat, l’aspiration DR ou PU se voit imposer des « objectifs à atteindre », forme sans précédent d’atteinte à la liberté de la recherche.

      En contrepoint, les « garanties » qui sont mises en place autour des tenure-tracks sont très légères : le recrutement doit se faire « à l’issue d’une sélection par commission constituée de personnes de rang égal à celui de l’emploi à pourvoir et comportant des universitaires ou des chercheurs extérieurs à l’établissement dans lequel le recrutement est ouvert, et notamment étrangers ». C’est très vague, et laisse sans réponse des questions de première importance : quelle proportion d’EC exactement ? Quelle proportion de personnalités extérieures ? Qu’est-ce que signifie exactement la formule « à l’issue de » ? Est-ce une simple obligation de procédure ou signifie-t-elle que la commission décide seule de la personne sélectionnée ?…

      Pour le dire simplement, ce qui est établi ici est bien plus grave encore que les « contrats LRU », qui étaient déjà une ignominie. Avec les tenure tracks, en effet, ce n’est pas un mécanisme contractuel qui est établi à côté du statut ; c’est le statut lui-même qui est détricoté, dans une proportion potentiellement très importante : jusqu’à 25 % des recrutements de DR et PU pourront passer par cette voie. Un sur quatre !

      Tout cela, on l’aura compris, n’a rien à voir avec une programmation budgétaire pluriannuelle. Tout le projet de loi est du même acabit, et appelle une lecture très attentive. Citons quelques autres points très problématiques concernant les emplois :

      2. #Emploi dans l’ESR : la privatisation pour religion

      – Un « #contrat_doctoral » de #droit_privé (article 4, I) est créé, qui rompt avec la logique tripartite de la convention #CIFRE qui associe une entreprise, un doctorant et un laboratoire, au bénéfice d’une logique bilatérale dont le laboratoire est exclu. Un seuil est donc franchi, et nous voilà arrivés à une recherche doctorale totalement privatisée.
      – Dans la même veine, des #post-docs de droit privé sont créés (article 4, IV), sans aucun encadrement légal autre qu’un très vague renvoi à un décret en Conseil d’État et l’exigence que « l’activité de recherche proposée doit fournir au salarié une expérience professionnelle complémentaire au doctorat ». Pire encore, les quelques mesures d’encadrement des CDD prévus par le #code_du_travail sont rendues inapplicables à ces post-docs (« Les dispositions des articles L. 1243-13 et L. 1243-13-1 du code du travail ne sont pas applicables au contrat de travail »). Ne serait-ce que sur ce point, la LPPR s’annonce comme une gigantesque machine à précariser.

      - Le « CDI de #mission_scientifique », qui était annoncé, est bien mis en place (article 5), avec pour objet de contourner la règle de la transformation obligatoire en CDI des relations contractuelles d’une durée supérieure à six ans – une règle qui, il faut le rappeler, n’a été introduite en France en 2005 que parce qu’il s’agissait d’une obligation européenne (directive du 28 juin 1999). Dans la lignée du « CDI de chantier ou d’opération » d’ores et déjà applicable « dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la #recherche_publique » depuis la #loi_PACTE du 22 mai 2019 (cf. art. L. 431-4 du code de la recherche et décret du 4 octobre 2019 fixant la liste des établissements et fondations concernés : CEA, IFREMER, CNES, Institut Pasteur, Institut Curie, ), l’objectif n’est rien d’autre, autrement dit, que de créer un CDI – un CDI aux conditions de rupture particulièrement souples – permettant d’éviter d’avoir à cédéiser.

      3. Le #darwinisme vidalo-coulhonien en acte

      Par ailleurs, il est important de noter que la logique de #compétition et de #mise_en_concurrence ne se situe pas seulement au niveau des dispositifs d’emplois : elle est le fil-conducteur de tout le projet de loi, et transpire de chaque article. En voici quelques exemples :

      – Le principe d’#évaluation des établissements est encore accentué (article 9, avec une extension de l’évaluation à la totalité des missions des établissements), tout comme l’engagement des personnels de la recherche dans les #entreprises, au nom de « l’ouverture du monde académique vers les entreprises » (article 12 et 13, 17, …). Cela se traduit, en particulier, par une ouverture très large des possibilités de #cumul_d’activités à temps partiel entre les établissements de l’ESR et les entreprises.
      – Le système des #primes et des dispositifs d’intéressement est renforcé, en particulier entre les mains des chefs d’établissement (article 14).
      - De même, une part croissante du financement des établissement passera désormais par les #appels_à_projets de l’#Agence_nationale_de_la_recherche (article 11), qui devient une source importante de financement de besoins jusqu’ici considérés comme pérennes, et non soumis à la logique compétitive des appels à projets.
      – Sommet de ce dispositif, l’#HCERES dont la présidence est vacante depuis plus de six mois a sans douté trouvé preneur, puisqu’on prévoit « la présence dans le collège du HCERES d’une personne ayant participé à la création d’une entreprise » (article 9)

      4. Pot-pourri pourri

      On trouve à côté de cela tout un pot-pourri de mesures dont il va falloir faire dans les prochains jours une analyse serrée, afin de démasquer tous les loups éventuels. On remarque, par exemple, à l’article 18 une ouverture forte du recours à l’#enseignement_à_distance dont on peine encore à comprendre les implications exactes, à l’article 19 une simplification des modalités de changement des statuts des établissements dits « composantes » des #établissements_expérimentaux, à l’article 20 une mesure destinée à limiter les recours contentieux en matière de recrutements des personnels #enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, à l’article 21 une liste importante d’habilitations à légiférer par voie d’#ordonnances, en particulier s’agissant des établissements d’enseignement supérieur privés.

      Bref, c’est un nombre considérable de fronts qui se trouvent ainsi ouverts. La communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont le CNESER est censé représenter les différentes composantes, a donc cinq jours pour en débattre, se faire une opinion, débusquer les loups, faire des contre-propositions, trouver des compromis. Cinq jours. CINQ JOURS. Devant un tel mépris, y-a-t-il vraiment quelque chose à débattre ?

      Liens – Documents touchant à l’avant-projet de loi LPPR

      – LPPR EXPOSE DES MOTIFS : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-EXPOSE-DES-MOTIFS.pdf
      - LPPR PROJET DE LOI-1 : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-PROJET-DE-LOI-1.pdf
      – LPPR RAPPORT ANNEXE : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-RAPPORT-ANNEXE.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE II-1 : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-II-1.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE III : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-III.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE IV : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-IV.pdf
      – LPPR TABLEAU 3 COLONNES TITRE V : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/793/files/2020/06/LPPR-TABLEAU-3-COLONNES-TITRE-V.pdf

      https://academia.hypotheses.org/24364
      #précarisation #privatisation #liberté_académique #ANR

    • LPPR : Le projet de loi

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPPR) se balade désormais dans les réseaux. Il sera présenté et éventuellement discuté en CNESER le 12 juin, CTMESRI le 17 juin et CTU le 22 juin, donc dans un temps trop court pour permettre une discussion collégiale. Contenant 23 articles sur 26 pages, de nombreux détails nécessiteront une analyse approfondie. Cependant, il confirme désormais ce que Mme. #Vidal qualifiait de « rumeurs » (https://twitter.com/VidalFrederique/status/1227250557535969280) et qui a suscité un nombre impressionnant de tribunes à charge au début de l’année : les tenure-tracks à la française, les #CDI_de_mission, le renforcement des #primes et de l’évaluation.

      Il s’agit ainsi simplement d’une pleine confirmation des nombreuses critiques adressées au ministère et dirigeants de l’ESR français, critiques qui n’ont donc absolument pas été écoutées.

      Analyse sur les #réformes_statutaires
      Chaires de #professeur_junior / Tenure-tracks à la française
      ARTICLE 3 : #Chaires_de_professeur_junior (#CPJ)

      « Un arrêté ministériel peut autoriser un établissement à recruter, afin de répondre à un besoin spécifique lié à sa stratégie scientifique ou à son #attractivité_internationale, dans des domaines de recherche qu’il justifie, des personnes titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent, en qualité d’#agent_contractuel_de_droit_public en vue d’une titularisation dans un corps de directeurs de recherche. » ou de « professeur »

      « dans la limite de 25% des recrutements autorisés dans le corps concerné. »

      « La durée de ces contrats ne peut être inférieure à trois ans et ne peut être supérieure à six ans. »

      « Ce recrutement est réalisé, après appel public à candidature, à l’issue d’une sélection par une commission »

      « Au terme de son contrat, l’intéressé est titularisé / sous réserve de la vérification par une commission de sa valeur scientifique et de son aptitude à exercer les missions mentionnées à l’article L. 441-1. »

      Les chaires de professeur juniors sont donc bien des tenure-tracks à la française. Elles sont situées exactement au même niveau que les Chargés de recherche (CR) et Maîtres de conférences actuels (MCF), mais pour un temps très limité (3 à 6 ans) et dans un cadre extrêmement dérégulées tant au niveau de la définition des postes que du recrutement et de titularisation.

      Seule précision nouvelle, la limite de 25% des recrutements (supérieure à l’annonce initiale de 10%). C’est cette limite qui place le curseur de la concurrence entre CR/MCF et CPJ pour l’accès à la #promotion. En effet, à l’heure actuelle, environ un tiers des MCF deviennent PR. Or, si un quart de ces MCF deviennent des CPJ bénéficiant d’un pré-recrutement PR, il ne restera pratiquement plus de postes PR pour les autres.

      Ainsi, MCF -et ses lourdeurs universitaires de recrutement- pourrait bien devenir une voie de garage, dont seuls certain.e.s se sortiront au prix d’immenses efforts et sacrifices. Il sera naturel de réserver cette voie à l’enseignement : les « excellents » ayant de toutes façons choisi une CPJ, dont le service n’est pas régulé et sera sans doute plus agréable. Si absolument rien ne prouve que les CPJ permettront d’« améliorer attractivité des métiers scientifiques », ils risquent fortement de diminuer l’attractivité des #MCF.

      CDI de mission
      ARTICLE 5 : CDI de mission scientifique

      « un agent peut être recruté, pour mener à bien des projets ou opérations de recherche, par un contrat de droit public dont l’échéance est la réalisation du projet ou de l’opération. » / « Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée. »

      « Le contrat prend fin avec la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d’Etat. Il peut être également rompu lorsque le projet ou l’opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser. »

      Il s’agit là encore d’un contrat extrêmement dérégulé, pouvant être rompu unilatéralement : potentiellement, le projet « ne peut pas se réaliser » pour des raisons budgétaires. Le financeur contrôle donc unilatéralement la durée du contrat, et pourra abandonner l’agent dès lors qu’il aura servi ou ne pourra plus servir, sans justification particulière.

      Evaluation

      L’évaluation est au cœur des chaires de professeur junior, pour le recrutement et la titularisation, et des CDI de mission, pouvant être arrêtés à tout moment en cas de bons ou mauvais résultats. Mais l’évaluation s’étend aussi sur les établissements :
      ARTICLE 9 : Évaluation et contractualisation

      « Evaluation et contrôle de la recherche et du développement technologique » devient « Evaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » / « procédures d’évaluation périodique, qui portent sur l’ensemble des objectifs et missions ».

      L’évaluation est étendue à toutes les missions, et non plus seulement la recherche et du développement technologique.

      #Primes
      ARTICLE 14 : Intéressement des personnels

      « Les chefs d’établissement des établissements publics à caractère scientifique et technologique sont responsables de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés à leur établissement »

      « Le conseil d’administration peut créer des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la #rémunération des personnels. »

      Il devient possible pour chaque établissement de développer son propre #régime_indemnitaire, spécifique, fortement dérégulé, et contrôlé par la présidence.

      Conclusion

      Au niveau statutaire, le projet de loi est en tout point conforme aux recommandations des groupes de travail sur la LPPR, contre lesquelles la communauté s’est fortement engagée en ce début d’année.

      La #dérégulation adossée à l’évaluation est présentée comme seule et unique solution aux problèmes de l’ESR français. Premièrement, il convient de noter que les dérégulations renforcent mécaniquement les pouvoirs de ceux qui en ont déjà, dont font partie les membres des groupes de travail à l’origine de cette loi. C’est ce que l’on désigne traditionnellement par le « #Mandarinat ».

      Secondement, ce projet de loi confirme l’hypothèse formulée dans ce billet : en renforçant la pression sur des chercheurs dont la situation précaire dépend des résultats scientifiques, on augmente les #performances mais au prix d’une augmentation mécanique des #inconduites_scientifiques :

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/01/18/lppr-une-loi-de-programmation-de-linconduite-scientifique

      Un mot sur les #contrats_doctoraux et post-doctoraux
      ARTICLE 4 : Fixer un cadre juridique spécifique pour le #contrat_doctoral et le contrat post-doctoral

      Les contrats doctoraux devraient être désormais ouverts aux entreprises, au delà des CIFRES. Peut-être que cela permettra d’enrayer la chute des effectifs de doctorants sans pour autant augmenter les effets des universités.

      « Par dérogation à l’article L. 1221-2 du code du travail, un contrat de travail de droit privé à durée déterminée, dénommé « contrat doctoral », peut être conclu lorsque l’employeur : Confie des activités de recherche à un salarié inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur français en vue d’obtenir la délivrance d’un diplôme de doctorat »

      « La durée totale du contrat ne peut excéder cinq ans »

      Les contrats post-doctoraux est vaguement régulé.

      « Les établissements publics / dont les statuts prévoient une mission de recherche peuvent recruter des chercheurs, titulaires du diplôme de doctorat tel que prévu à l’article L. 612-7 du code de l’éducation, par un contrat de droit public dénommé « contrat post-doctoral ». »

      Le contrat post-doctoral doit être conclu au plus tard trois ans après l’obtention du diplôme de doctorat, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable une fois. »

      Un mot sur la « #démocratie_universitaire »

      Le projet de loi comporte de nombreux renforcement du pouvoir des présidences et mandarins.
      ARTICLE 16 : Mesures de simplification en matière d’organisation et de fonctionnement interne des établissements

      « Dans le cas où le / chef d’établissement /, pour quelque cause que ce soit, / les titulaires d’une délégation donnée par le chef d’établissement restent compétents pour agir dans le cadre de cette délégation »

      16-IV : Redéfinir le rôle de la commission de la recherche du conseil académique

      « Elle fixe les règles de fonctionnement des laboratoires et elle est consultée sur les conventions avec les organismes de recherche » devient « Elle est consultée sur les règles de fonctionnement des laboratoires. »

      16 -V Limitation des élections partielles en cas de vacance tardive

      « sauf si la vacance intervient moins de six mois avant le terme du mandat. »
      « sauf si la vacance intervient moins de huit mois avant le terme du mandat. »

      ARTICLE 19 Ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux

      Extension des dérogations des établissements expérimentaux au livre VI du code de l’éducation « L’organisation des enseignements supérieurs » (en plus du livre VII « Les établissements d’enseignement supérieur »).
      ARTICLE 8

      « Lorsqu’ils sont, préalablement à la date à laquelle ils atteignent la limite d’âge, lauréats d’un appel à projets inscrit dans une liste fixée par décret, les professeurs / peuvent être autorisés à rester en fonctions au-delà de la limite d’âge jusqu’à l’achèvement du projet de recherche »

      Un mot sur les #fondations

      Le projet de loi comporte aussi de nombreux assouplissements pour la collecte de #fonds en hors de la dotation d’état.
      16-X Simplifier le régime des #fondations_partenariales

      « Par dérogation à l’article 19-7 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 précitée, les sommes que chaque membre fondateur, personne publique, s’engage à verser ne sont pas garanties par une caution bancaire. »

      « Par dérogation à l’article 19-3 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 précitée, la fondation peut acquérir ou posséder d’autres #immeubles que ceux nécessaires au but qu’elle se propose. »

      ARTICLE 16-XI

      « Les #dons et #legs avec charges dont bénéficient l’Institut ou les académies sont autorisés par décret en Conseil d’État. » -> « L’institut et les académies peuvent recevoir des dons et legs. Un décret fixe le montant au-delà duquel les dons et legs avec charges sont autorisés par décret en Conseil d’État. »

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/07/lppr-le-projet-de-loi

    • Sur le #financement de la LPPR : l’obole à Charon

      Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine, et membre de la Commission Culture du Sénat, a proposé sur Twitter (https://twitter.com/OuzouliasP/status/1269659992711475202) une analyse du volet budgétaire de la LPPR, en complément de notre billet d’analyse initiale de l’avant-projet. Nous la reprenons ici.


      Espérons qu’à la suite de Pierre Ouzoulias et de Gérard Larcher, son président, le Sénat défendra avec vigueur l’université française contre la fragilisation de l’emploi et contre l’affaiblissement continu de ses crédits.

      https://academia.hypotheses.org/24380

    • LPPR : lettre de 25 #sociétés_savantes à la Ministre

      Le gouvernement prépare une « Loi pour la programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR), qui sera présentée au Parlement dès juillet prochain.
      Le Président de la République et le gouvernement se sont récemment exprimés pour souligner l’importance de la recherche face à des crises comme celle du Covid-19 et se sont engagés à augmenter les budgets qui y sont consacrés, à la fois pour la recherche spécifiquement dédiée à la lutte contre le Covid-19 et pour la recherche en général.
      Dans ce contexte, plus de 25 sociétés savantes ont cosigné la lettre ci-dessous en vue d’alerter Madame la Ministre de L’Enseignement Supérieur et de la Recherche et de l’Innovation sur un certain nombre de points nous paraissant critiques

      Paris, le vendredi 5 juin 2020

      À l’attention de Madame la Ministre
      de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
      Madame la Ministre,
      Les sociétés savantes signataires prennent acte des annonces du Président de la République et de vous-même insistant sur l’importance de la recherche pour la société en ces temps difficiles et des annonces budgétaires s’y référant. Nous avons par ailleurs noté notre engagement à régler la question de laprolongation des contrats doctoraux et autres contrats courts du fait de l’épidémie. Nous souhaitons à ce sujet que l’Étatdéclare de la façon la plus claire son engagement à financer ce surcoût pour tous les contrats relevante sa compétence.
      Nous espérons quececi seramis en pratique au niveaudes personnes intéressées le plus rapidement possible.Nous souhaiterions attirer ici votre attention sur le fait qu’il serait extrêmement dommageable pour la recherche française que le budget supplémentaire envisagé vienne mettre en danger le nécessaire équilibre entre la recherche de base au long cours, principalement financée par les organismes nationaux et les Universités, et la recherche sur projets, principalement financée par l’ANR. La crise actuelle a encore une fois démontré la nécessité absolue d’un spectre le plus large possible de recherches au long terme, non seulement essentiellespour l’avancée générale des connaissances, mais également indispensablespour pouvoir être à même de répondre du mieux possible aux crises du futur dont nous ignorons tout encore et pour lesquelles la recherche sur projets ne pourra jamais fournir des réponses en temps utile.
      Cette indispensable recherche de base ne pourra se développer sans un accroissement significatif desmoyens humains et financiers des organismes nationaux et des Universités. Une augmentation du budget de l’ANR n’aura aucun effet sur les trois problèmes essentiels dont souffrent les laboratoires aujourd’hui ainsi que leurs directeurs et directrices viennent de vous l’écrire : le manque de personnel permanent, le manque de crédits récurrents et le manque de visibilité à moyen et long terme de leur stratégie de recherche. Ces problèmes sont liés car sans personnel permanent en nombre suffisant, sans perspectives attrayantes pour leur carrière, sans recrutement plus important de jeunes chercheuses et chercheurs, de jeunes enseignantes-chercheuses et de jeunes enseignants-chercheurs, sans attention particulière à la place des femmes dans l’ensemble du système, il n’y aura pas la possibilité de mettre en pratique une stratégie nationale de recherche à long terme. L’objectif d’augmenter le taux de succès des appels d’offres ANR est louable mais il ne doit pas être atteint par la seule augmentation mécanique du budget de l’ANR qui par nature ne poursuit pas une politique scientifique sur le long terme, à dix ans ou plus. Une répartition plus stratégique des ressources supplémentaires permettrait d’augmenter ce taux de succès en baissant le nombre de projets soumis, puisque nombre d’entre eux s’inscriraient alors dans les politiques scientifiques financées par les grands organismes nationauxet les universités.Ceci permettraiten outre de diminuer le temps beaucoup trop important passé aujourd’hui par les chercheuses et les chercheurs pour le montage, la gestion ou l’évaluation de projets à court termeau lieu de se consacrer à la recherche proprement dite.

      Dans le cadre de l’impulsion que le gouvernement a déclaré vouloir donner en faveur de la recherche, il nous paraît indispensable que ces remarquessoient prises en compte et nous serions heureux de pouvoir les développer directement avec vous.

      Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération distinguée.

      Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie
      Association des Historiens contemporanéistes de l’ESR
      Association des Professeurs d’Archéologie et d’Histoire de l’Art des Universités
      Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
      Association Femmes et Sciences
      Association Française de Mécanique
      Association Française de Sociologie
      Comité d’Information et de Liaison pour l’Archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel
      Comité National Français de Géographie
      Société Botanique de France
      Société Chimique de France
      Société d’Etudes Anglo-Américaines des XVIIeet XVIIIesiècles
      Société Française d’Astronomie et d’Astrophysique
      Société Française de Biologie du Développement
      Société Française de Biophysique
      Société Française d’Écologie et d’Évolution
      Société Française de Génétique
      Société Française de Microscopie
      Société Française de la Neutronique
      Société Française d’Optique
      Société Française de Physique
      Société Française de Psychologie
      Société desHistoriens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
      Société Mathématique de France
      Société des Professeurs d’Histoire ancienne de l’Université
      Société Informatique de France
      Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
      Société de Sociologie du Sport de Langue Française

      .Cette lettre a été envoyée en copie aux principaux acteurs de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ainsi qu’aux conseillers de l’Élysée et de Matignon:Philippe Baptiste (Conseiller Premier Ministre) Gilles Bloch (INSERM) Thierry Coulhon (Conseiller Président République) Frédéric Dardel (MESRI) François Jacq (CEA) Gérard Longuet (OPECST) Philippe Mauguin (INRA) AntoinePetit (CNRS) Gilles Roussel (CPU) Ali Saib (MESRI) Bruno Sportisse(INRIA) Cédric Villani (OPECST)AEF–CNESE

      https://academia.hypotheses.org/24390

    • Recherche : le gouvernement persiste sur sa ligne

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle (LPPR) est enfin dévoilé. Le gouvernement n’a pas pris en compte les critiques émises avant le confinement.

      Les affaires reprennent. Le gouvernement reprend sa réforme de la recherche là où elle s’est arrêtée avant la crise du Covid-19.

      Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) a enfin été envoyé aux représentants siégeant au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). Ils doivent l’étudier en séance le 12 juin et la présentation au Conseil des ministres est prévue pour le 8 juillet, mais « aucune date d’inscription à l’agenda parlementaire n’est prévue pour les prochaines semaines », précise la ministre Frédérique Vidal dans son courrier au Cneser. « Le temps de concertation est réduit au minimum, ce qui est inacceptable pour une loi de cette importance », s’indigne Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT. L’exposé des motifs est ci-dessous, le texte de loi derrière ce lien.

      Ce projet de loi comprend un volet ressources humaines contenant des propositions dont l’évocation avait mis une partie de la communauté des chercheurs dans la rue cet hiver. Le Covid n’a pas rendu le gouvernement plus à l’écoute. « Les éléments qui faisaient un large consensus contre eux sont encore présents dans le projet. Alors que ce n’est pas ce qu’attendent nos collègues et encore moins ce dont a besoin la recherche française », regrette Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT.

      La première est la possibilité d’une nouvelle voie de recrutement de directeur de recherche ou professeur des universités. Le gouvernement veut proposer des contrats de trois à six ans à l’issue desquels la titularisation est possible sans passer par la case maître de conférences ou chargé de recherche.
      « Une gigantesque machine à précariser et privatiser »

      La deuxième proposition controversée est la création d’un CDI de mission scientifique. L’idée ici est de remplacer les CDD par un CDI qui prend fin à l’issue d’un projet. Une idée qui ne satisfait pas les jeunes chercheurs qui préféreraient voir une hausse des titularisations. Le site militant Université ouverte, animé par des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, résume sa lecture du projet de loi ainsi : « une gigantesque machine à précariser et privatiser ».

      Le dernier point, qui devait permettre à la communauté d’avaler ces pilules, est la fameuse programmation pluriannuelle de la loi. L’objectif, fixé par le président de la République par tweet mi-mars en pleine épidémie, est d’augmenter la dépense de recherche annuelle de l’Etat de 5 milliards d’euros en 2030. Elle est estimée à 17,9 milliards d’euros en 2017. Une promesse osée pour un gouvernement à moins de deux ans du terme de son mandat. Par ailleurs, selon le service statistique du ministère, cet effort de recherche publique a diminué de 2,21% à 2,20% du PIB en 2018, première année pleine de ce gouvernement…

      https://www.liberation.fr/france/2020/06/07/recherche-le-gouvernement-persiste-sur-sa-ligne_1790555

    • du Groupe JP Vernant (c’est moi qui graisse) :

      Selon l’adage bien connu, il ne faut jamais laisser se perdre une bonne crise.

      Le projet de loi pour la Recherche, qui sera présenté en conseil des ministres le 8 juillet, est enfin connu. On y trouve quelques changements par rapport à la version que nous nous étions procurée, mais le texte, dans son volet « Ressources Humaines » est conforme à nos analyses les plus pessimistes. Si nos analyses sur le volet budgétaire s’avèrent exactes, les premiers ballons d’essai pour un retour de la loi sur les retraites s’apprêtent à être lancés.

    • Emmanuel Macron veut bâtir du nouveau sur ce qui a été fait, sans renier ses réformes, y compris celle des retraites qu’il voudrait reprendre en partie, et sans renoncer à ses priorités économiques que sont l’amélioration de la compétitivité et la politique de l’offre.

      Tout cela s’annonce en effet, y compris sur la #réforme_de-L'État, selon un article « exclusif » des Échos (sans paywall , pas réservé aux patrons etc.)
      https://seenthis.net/messages/858823
      #précarisation #restructuration_permanente #économie #travail #État

    • Retour de la LPPR, rentrée universitaire : quelles priorités pour l’ESR ? - Communiqué de SLU, 7 juin 2020

      1. Quelles sont les priorités ?

      Les dernières semaines ont clairement montré que la hiérarchie des questions importantes n’est pas la même au ministère ou chez ses indéfectibles soutiens et dans la communauté universitaire. Alors qu’une réflexion s’imposerait sur les effets délétères des cours à distance, on entérine leur normalisation en lançant d’inquiétants appels à projet sur « l’hybridation des formations ». Alors que le premier des impératifs de l’ESR devrait être de ne laisser personne de côté dans ces temps d’urgence sanitaire, certains se préoccupent de pratiquer des coupes franches ou des renvois à une date indéterminée dans les paiements des heures complémentaires ; certain doyen à Reims entend vérifier systématiquement les horaires de cours de ses collègues en temps de confinement ; d’autres à Nanterre ou Paris 1, mettent toute leur énergie à imposer des formes de validation irréalistes et surtout structurellement inégalitaires ; certains CROUS enfin semblent avoir comme objectif premier de collecter les loyers d’étudiants qui ont quitté leur chambre (alors que, dans plusieurs université, ont dû être créées des caisses de solidarité pour tenter d’aider les étudiants qui ne pouvaient plus se nourrir [1]). Le souci d’une ministre qui se respecte et qui nous respecte, devrait être d’obtenir des moyens pour le service public de l’ESR, mais madame Vidal préfère soutenir une minorité de professeurs de Paris 1, commentant des décisions de justice à grand renfort de communiqués et de tweets sur la validation des examens. Un cadrage national serait utile pour une rentrée universitaire qui sera nécessairement différente des autres, mais la ministre reste silencieuse et même une part de ses habituels soutiens, les présidents d’université, commence à s’en inquiéter.

      2. Madame Vidal ressort du bois !

      C’est au point qu’on l’avait cru endormie, uniquement intéressée par la contestation des décisions de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU) de l’Université Paris I, tout occupée à avouer de façon répétée son incapacité à intervenir dans des communiqués lénifiants qui s’en remettent à l’inventivité de la communauté universitaire et à son sens du bien public. Et voilà qu’au débotté, et sans en avoir apparemment parlé à grand monde, la ministre de l’ESR décide de relancer en plein mois de juin (donc en un moment crucial pour la gestion des sessions d’examen et la préparation de la rentrée) l’examen du projet de LPPR. La proposition de passage devant les différentes instances consultatives dans le courant du mois de juin (un CNESER est fixé dans 5 jours !) puis dès le 8 juillet en conseil des ministres relève d’une accélération du processus parfaitement injustifiée à un triple titre. [2]
      D’abord parce qu’aucun élément nouveau sur le plan budgétaire ne le justifie : le gouvernement n’a pas l’intention d’aller au-delà des 400 millions annuels déjà promis (et pour l’instant se contente d’ailleurs d’un peu plus de 200 millions…), lesquels ne suffisent même pas à couvrir les effets budgétaires négatifs de la pandémie, sans parler de répondre aux nécessités de refinancement de l’ESR reconnues unanimement depuis des années (et évaluées entre 1,5 et 2 milliards par an).
      Ensuite, parce qu’on ne voit pas pourquoi la LPPR échapperait à la décision prise en mars par le président de la République de suspension et renvoi de toutes les réformes structurelles en cours.
      Enfin parce que cette précipitation vient empêcher toute discussion sur un texte de loi dont les éléments préparatoires ont été fortement contestés par la communauté universitaire et par l’ensemble de ses instances représentatives. Qu’en sera-t-il de la discussion parlementaire dont le calendrier est déjà très chargé ?
      En tout cas, malgré les bonnes paroles et certains rappels sur la situation matérielle dramatique de la science française (baisse du nombre de doctorants, niveau de salaire scandaleusement bas, conditions de travail délétères, budgets notoirement insuffisants et ne respectant aucune des promesses et des annonces faites depuis quinze ans), le #sous-financement chronique et la dégradation de l’emploi scientifique ne seront pas réglés par ce qu’annonce la LPPR.

      3. La loi et la rentrée

      Notre ministre de tutelle semble ainsi considérer que l’urgence du moment doit consister à soutenir les plus aveugles des présidences d’université et à relancer un débat législatif clos de fait depuis la mi-mars et qui avait suscité des réactions de rejet claires de la part de la communauté de l’ESR dans les mois précédents. Au lieu de tenter de penser les effets de la pandémie et de dégager de nouveaux moyens – ces fameux « arbitrages nécessaires à l’obtention des moyens financiers indispensables pour assurer cette rentrée » selon les présidents de l’AUREF –, la ministre s’en remet à « l’autonomie » des universités, tout en tentant d’imposer des évolutions structurelles par le haut, sans aucun débat préalable avec la communauté universitaire et en réduisant à quelques jours l’examen de son texte de loi par les instances paritaires.
      Le texte dévoilé ce week-end conforte la plupart des craintes que nous avions exprimées en janvier dernier [3] :
      – sous prétexte de développement de « l’#attractivité » de notre métier, le projet de loi ouvre de nouvelles voies pour effectuer sa carrière dans l’ESR – Chaires de professeur junior, les fameuses « tenure tracks » à la française, et CDI de mission – au détriment de l’existence de l’#HDR, du statut de fonctionnaire et de l’égalité au sein des corps ;
      – une multiplication de mesures exaltant « l’#innovation » permettent le contrôle par les entreprises de pans conséquents de la recherche, au détriment de la distinction entre #service_public de l’ESR et intérêts privés ;
      – le projet de loi accentue le règne des appels à projets sur le financement notamment par le rôle renforcé pour l’#ANR et par la concentration de l’essentiel des moyens sur un nombre restreint d’établissements ;
      – il étend l’#évaluation à toutes les missions des établissements universitaires, et non plus seulement à la recherche et au développement technologique ;
      – enfin, cette prétendue loi sur la recherche ne parle quasiment pas des universités et surtout pas de l’enseignement et de ses liens avec la recherche, comme si l’ESR se ramenait aux laboratoires, aux entreprises, aux cabinets présidentiels et aux grands organismes.

      Tout ce que la ministre avait présenté comme des rumeurs infondées se trouve donc présent dans ce projet de loi. Aucune largesse budgétaire ne fera passer la pilule de tels bouleversements : l’effort présenté (25 milliards sur une dizaine d’années) peut sembler important mais comme l’indique le tableau très utile de projection des dépenses annuelles sur dix ans, les engagements pour les trois prochaines années sont limités. Les vraies décisions en la matière dépendront d’autres gouvernements que celui de madame Vidal, les promesses n’engageant en l’occurrence que celles et ceux qui auraient la faiblesse d’y croire. Les universitaires vont-ils se laisser acheter par quelques délégations au CNRS et quelques CRCT de plus, puisque ce sont bien les seuls engagements à court terme qui soient pris ?

      Au bout de trois mois où l’on peut dire que le #MESRI a été un des ministères les plus passifs et les moins attentifs à aider celles et ceux sur lesquels sa tutelle est censée s’exercer – les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les membres du personnel administratif et les étudiant.e.s –, Madame Vidal tente non sans un certain #cynisme d’exister politiquement en rouvrant le dossier d’un projet qui porte atteinte à plusieurs piliers du service public de l’ESR. On a vu durant la crise sanitaire ce qu’une telle politique avait fait à l’hôpital public. On a vu l’affaiblissement de la #recherche_fondamentale et les errements de la recherche financée par des intérêts privés. Que ne voit-on la déliquescence de l’université version LRU que ce projet de loi prolonge ?

      Sauvons l’Université !
      7 juin 2020

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8739

    • 19 organisations syndicales refusent le fait accompli de la LPPR

      Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)
      Nous refusons d’être mis devant le fait accompli

      Les organisations soussignées découvrent avec surprise que, alors que nous sommes à peine sortis du confinement, le gouvernement veut faire passer les projets de texte LPPR dans les instances au mois de juin : le 12 juin au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), le 17 au Comité Technique ministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche (CT-MESR) et le 22 au Comité Technique des personnels de statut universitaire (CT-U). Malgré des demandes répétées, les organisations syndicales n’ont eu le projet de texte que ce dimanche 7 juin.

      La crise sanitaire due à la COVID-19 a montré que la recherche et l’enseignement publics doivent être une priorité, mais un tel projet de loi ne peut être examiné dans la précipitation et tant que l’état d’urgence sanitaire entrave le droit à se rassembler et à manifester sur la voie publique. Une large partie du personnel et des étudiant·e·s de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), relayée par les organisations syndicales signataires et au travers de nombreuses motions, s’est déjà élevée contre les premières annonces orales qui avaient été faites avant le début du confinement. Le projet de loi diffusé ce dimanche, confirme ces annonces et conforte les inquiétudes exprimées. Alors que les universités et centres de recherche sont encore largement fermés, le Ministère entend passer en force et empêcher le personnel de l’ESR et les étudiant·e·s de prendre pleinement connaissance du projet de loi qui modifierait pourtant durablement leurs conditions de travail. De fait, d’autres choix sont possibles pour une programmation de la recherche qui soit à la hauteur des enjeux et des enseignements à tirer de la crise sanitaire.

      Par conséquent, les organisations soussignées refusent ce calendrier inacceptable et, demandent que la consultation de toutes les instances sur le sujet soit a minima reportée à la rentrée universitaire.

      Elles appellent d’ores et déjà le personnel et les étudiant·e·s à débattre et à se mobiliser pour refuser ce passage en force.

      Signataires : SNTRS-CGT, CGT FERC SUP, CGT-INRAE, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNEP-FSU, SNASUB-FSU, FO-ESR, SUD RECHERCHE EPST-SOLIDAIRES, SUD EDUCATION, SOLIDAIRES ETUDIANT-E-S, UNEF, L’ALTERNATIVE, SNPTES, ANCMSP, A&I, ITRF-BiO, Sup’Recherche UNSA, fédération UNSA éducation, SGEN-CFDT RechercheEPST

      https://academia.hypotheses.org/24449

    • LPPR : Loi budgétaire peu ambitieuse pour un darwinisme social inégalitaire

      Le texte du projet de loi Recherche (ou LPPR, loi de programmation pluriannuelle pour la recherche) est disponible depuis dimanche. Il sera présenté par Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) en fin de semaine pour passer ensuite au conseil des ministres début juillet.
      Le temps long comme prétexte à un financement lent

      Édouard Philippe justifiait, lors de son annonce il y a un an et demi, le caractère pluriannuelle de ce projet de loi par le besoin de temps long de la science :

      « Parce que la science s’inscrit dans le temps long, le Gouvernement a souhaité inscrire l’effort de soutien à la recherche dans le cadre pluriannuel d’une loi de programmation ».

      Finalement, le temps long, c’est à lui même que le gouvernement le donne pour augmenter péniblement le budget de la recherche plutôt qu’aux chercheur·euses.

      Contrairement à ce qu’on aurait pu penser en écoutant le Premier ministre, l’idée du gouvernement n’est pas de financer de façon massive la recherche dès maintenant pour aider la recherche française à obtenir des résultats dans le long terme.

      Contrairement aux annonces faites en début d’année et au printemps, ce n’est pas le budget de la seule Recherche qui devrait augmenter de 5,8 milliards d’euros dans 10 ans mais le budget global du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et de l’innnovation (MESRI). En somme, le gouvernement prévoit une augmentation annuelle moyenne du budget du MESRI équivalente à celle de l’année 2020.
      Une ambition revendiquée… mais pour les quinquennats suivants

      Pire, comme vous pouvez le voir sur le graphique suivant, le projet de loi LPPR prévoit pour l’année 2021 une augmentation du budget total du ministère de 104 millions d’euros, c’est à dire cinq fois moins que pour l’année 2020 selon le Ministère lui-même.1

      Frédérique Vidal planifie de rattraper son retard à l’allumage en 2022, année électorale, avec une augmentation de 692 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Au final, la loi ferait peser les efforts budgétaires annoncés essentiellement sur les gouvernements suivants.

      Frédérique Vidal affirmait en février dernier :

      « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de programmation budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche »

      En prévoyant une trajectoire financière si lente à l’allumage et en faisant peser sa programmation budgétaire sur ses successeuses et successeurs, le projet de loi pluriannuelle risque de perdre en crédibilité pour les quinquennats suivant. D’autant plus qu’une loi budgétaire pluriannuelle n’est pas légalement contraignante face aux lois de finance annuelles.
      Une ANR de plus en plus puissante

      Le projet de loi prévoient que les financements arrivent petit à petit mais aussi que les chercheur·euse·s devront se battre pour les obtenir.

      Car le gouvernement souhaite donner encore plus de place à l’Agence Nationale pour la Recherche dans la politique de la recherche française. Cette agence, qui sert à distribuer des financements selon des appels à projets, verrait son budget augmenter de 150 millions d’euros par an dès l’année prochaine. L’Agence va pouvoir enfin afficher des taux de succès à ses appels à projets un peu plus élevés que les 15% de 2018 et peut être rattraper les 30% de son homologue allemande.

      Mais cela signifie aussi que plus de la totalité de l’augmentation du budget 2021 du ministère passerait dans les mains de l’ANR si ce projet de loi était voté 2. Pour que leurs recherches profitent de ces financements, les chercheur·euse·s devraient alors prendre du temps pour remplir des dossiers et croiser les doigts pour espérer faire parties des projets sélectionnés par l’Agence et ne pas compter sur un budget inscrit dans le temps long.
      L’organisation d’un darwinisme social sans pitié

      Mais c’est finalement de façon structurelle que le monde français de la recherche risque d’être le plus affecté par cette loi, contrairement à la déclaration de la ministre.

      Comme annoncé ces derniers mois, la création de nouveaux types de contrats des tenure tracks à la française (rebaptisées Chaires de professeur junior) et des CDI-chantier (rebaptisés « CDI de mission scientifique ») est au programme.
      Tenure tracks à la française

      En parallèle des classiques postes de Maître·esse de conférence et de Chargé·e de recherche accessibles par concours, les tenure tracks à la française (rebaptisées Chaires de professeur junior) seraient des contrats à durée déterminée de 3 à 6 ans « en vue d’une titularisation dans un corps de directeurs de recherche [ou de professeurs] ».

      Le projet de loi prévoit que la création de Chaires de professeur junior pourrait aller jusqu’à 25% des créations de postes de directeur·trice·s de recherche et de professeur·e·s.
      CDI de mission scientifique

      Le projet de LPPR prévoit de généraliser l’utilisation des CDI-chantiers (rebaptisés « CDI de mission scientifique ») dans le monde de la recherche publique. Les institutions de recherche pourraient proposer des contrats sans en préciser la durée. Ces contrats prendraient fin avec la réalisation du projet mais pourraient être rompus si l’employeur considère que le projet n’est plus réalisable. Depuis février, certains établissements de recherche peuvent déjà utiliser ce genre de contrat.
      Un contrat doctoral dans le privé

      Alors que la plupart des changements engendrés par la LPPR avait été annoncée, l’article 4, qui crée un nouveau contrat doctoral à durée déterminée de droit privé, est une surprise. L’employeur devra confier des activités de recherche au salarié et participer à la formation à la recherche de son employé. Le projet de loi prévoit que ce contrat ne puisse pas dépasser cinq années.

      D’autres dispositions comme la participation des personnels de la recherche en qualité d’associé ou de dirigeant à une entreprise existante, des « mesures de simplifications » ou la création de « séjours de recherche » pour les chercheur·euse·s et doctorant·e·s étranger·ère·s sont prévu dans le projet de loi.
      Des revalorisations essentiellement pour les chercheurs

      Sur les rémunérations, il faut aller lire le rapport annexe qui devra être approuvé par l’article 1 du projet de loi pour comprendre quelle politique de revalorisation le ministère entend mener. Si le rapport indique que ces revalorisations toucheront tous les personnels, il précise que « le gain sera plus élevé pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs dont le niveau de rémunération est aujourd’hui loin des standards internationaux que pour les personnels ingénieurs, techniciens administratifs et bibliothécaires, dont la situation actuelle est proportionnellement moins favorable ».

      Ces différentes mesures de gestion des ressources humaines de la recherche publique française organisent encore un peu plus la compétition et la précarité des jeunes chercheur·euse·s qui devront attendre encore un peu plus longtemps pour avoir un poste stable.

      Le président du CNRS Antoine Petit avait imploré le gouvernement en novembre dernier dans les Echos :

      Cette loi doit être à la hauteur des enjeux pour notre pays. Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies.

      Pour ce qui est de l’inégalitaire et du « darwinisme social » (ou plutôt spencerisme puisque c’est Herbert Spencer qui a porté l’hypothèse du « darwinisme social » évoqué par Antoine Petit), ce projet de loi devrait satisfaire le président du CNRS.

      On peut avoir plus de doutes sur son côté vertueux et son ambition qui se reporte plus sur les gouvernements prochains que sur celui actuellement en place.

      Enfin, pour ce qui est de la mobilisation des énergies des chercheur·euse·s, pour l’instant, le projet de loi a l’air de résigner les quelques jeunes chercheur·euse·s qui espéraient une stabilité économique et sociale tout en mobilisant majoritairement contre lui.

      Sur Twitter, quelques jeunes chercheur·euse·s en postdoctocat expriment leur désarroi :

      https://twitter.com/SavannahSBay/status/1269925377599778816?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://twitter.com/Animula_tenera/status/1269879580749434880?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://twitter.com/alexandra_gros/status/1270098637918437377?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      L’année dernière déjà, les Conseils scientifiques du CNRS s’opposaient au « Darwinisme social » prôné par leur PDG.

      A rebours de la direction de ce projet de loi, des chercheurs et chercheuses comme la mathématicienne Claire Mathieu, médaille d’argent du CNRS 2019, partagent leurs préoccupations sur le manque de personnel et de crédits permanents de la recherche française :

      https://twitter.com/clairemmathieu/status/1269683541601853441?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Et la publication du projet de loi relance la mobilisation. Le collectif Université Ouverte, qui avait mis en place une première coordination nationale en début d’année, appelle à une nouvelle mobilisation en proposant des rassemblements partout en France les 12 et 17 juin.

      https://www.soundofscience.fr/2383

    • L’université allemande comme horizon de la LPPR ?

      En tant qu’universitaires inscrits dans des carrières entre France et Allemagne, nous exprimons notre vive inquiétude vis-à-vis du projet de loi LPPR. Nous sommes d’autant plus inquiets que cette réforme s’inscrit dans l’horizon des transformations mises en œuvre depuis plus de vingt ans en Allemagne et qui ont profondément dégradé le fonctionnement de l’université à l’Est du Rhin.

      Mis de côté pendant la pandémie, le projet de réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, dit « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) », très fortement contesté au sein de la communauté universitaire, fait son retour au pas de charge mais par la petite porte. La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a en effet décidé d’accélérer l’examen du projet de loi LPPR en annonçant début juin la discussion du texte devant les instances consultatives (le passage devant le CNESER est fixé au 12 juin) avant un passage en conseil des ministres le 8 juillet. Alors que le fonctionnement de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR), dont l’énergie a été consacrée à la « continuité pédagogique » et à la préparation de la prochaine rentrée universitaire, est encore très fortement perturbé par la pandémie, la ministre semble donc décidée à jouer le calendrier pour contourner la contestation.

      En tant qu’universitaires inscrits dans des carrières entre France et Allemagne ou dans des institutions académiques franco-allemandes, nous tenons à exprimer notre vive inquiétude vis-à-vis du projet de loi LPPR en cours de discussion en France. Nous doutons en effet profondément de la pertinence, jamais démontrée, des mesures proposées et contestons en particulier la remise en cause des emplois durables, le pilotage politique de l’évaluation, la mise en concurrence budgétaire des unités de recherche, l’assèchement des crédits récurrents des laboratoires et des universités, tout comme la généralisation des financements sur projets fléchés et les logiques managériales d’allocation des ressources. Nous sommes d’autant plus inquiets que cette réforme s’inscrit dans l’horizon des transformations mises en œuvre depuis plus de vingt ans en Allemagne et qui ont profondément dégradé le fonctionnement de l’ESR à l’Est du Rhin.

      Nous proposons dans ce qui suit un aperçu de la situation dans le monde académique allemand telle que nous la percevons à partir de notre expérience partagée entre les deux systèmes de recherche en sciences humaines et sociales. Les analyses critiques sur les évolutions du monde académique allemand (voir par exemple l’article de Kolja Lindner « Le modèle allemand : précarité et résistances dans l’enseignement supérieur et la recherche d’outre-Rhin » : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02496377), ainsi que les mobilisations qui s’y déroulent actuellement, sont en effet particulièrement instructives du point de vue français. Il en va de même pour nos collègues allemand.e.s qui regardent la situation française avec beaucoup d’intérêt. Des ressources sont disponibles sur le blog « Réflexions sur les politiques de recherche en France et en Allemagne » (https://cmb-wispo.hypotheses.org/category/france) qui propose un espace de traduction, d’échange d’informations, et d’analyses sur les politiques de l’enseignement supérieur et de la recherche en France et en Allemagne, ainsi que la plateforme Mittelbau.net).

      Les mesures contenues dans la LPPR reflètent en effet celles qui ont été mises en œuvre depuis une vingtaine d’années en Allemagne. La question des statuts, notamment, laisse augurer une situation à l’allemande : la LPPR multiplie les nouveaux statuts dérogatoires, et crée notamment les chaires de « professeur.e.s junior » (tenure track) comme cela a été fait dans les universités allemandes dans le cadre de « Tenure-Track-Programme » que les Länderont développé à partir de 2002, notamment suite aux recommandations du ministère fédéral de la recherche en 2000, ainsi que les contrats de recherches, cyniquement nommés « CDI de mission scientifique » dans le projet de la LPPR. En 2007, la loi Wissenschaftszeitvertragsgesetz a réduit les possibilités d’embauche en CDD tout en favorisant des modes de financement encore plus précaires telles que les bourses ou les vacations. En Allemagne, trois conventions entre l’Etat fédéral et les Länder – le « #Pacte_pour_l’université_de_2020 », le « #Pacte_pour_la_recherche_et_l’innovation » et la « #Stratégie_d’excellence » -, structurent la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche privilégiant les « #investissements_spéciaux » destinés aux « #établissements_innovants » qui sont censés renforcer « la #recherche_de_pointe » et démontrer la « #compétitivité de l’Allemagne comme site scientifique » (#Wettbewerbsfähigkeit_des_Wissenschaftsstandorts_Deutschland). La libéralisation du marché de l’#emploi_académique s’est donc accompagnée de la mise en #concurrence_budgétaire des universités et des unités de recherche et de l’asséchement des #financements_pérennes au profit de la généralisation des #financements_sur_projet.

      A première vue, les performances scientifiques du système de recherche allemand pourraient avoir des raisons de séduire. Mesurée à l’aune des indicateurs quantitatifs qui pilotent désormais les politiques publiques de recherche, la qualité de la recherche en Allemagne est parvenue à se maintenir à un très haut niveau de #rayonnement_scientifique. En dépit d’une concurrence exacerbée entre les États sur les volumes d’articles publiés et de citations, et en dépit de l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Chine, l’Allemagne maintient son rang. Et c’est sans doute ce qui motive la politique française à vouloir lui emboîter le pas. Ce succès, rappelons-le, est pourtant d’abord porté par une politique d’investissement important dans la #recherche_publique : même au plus fort des restrictions budgétaires des années 2000, le Ministère de la formation et de la recherche n’avait pas vu son budget baisser ; depuis les effectifs dans la recherche ont constamment augmenté. Mais cet accroissement repose avant tout sur des bataillons de « jeunes » chercheur.e.s précarisé.e.s. et ce choix est motivé par l’option idéologique selon laquelle la #concurrence_généralisée et un fort #turn-over chez les jeunes chercheur.e.s amélioreraient la « #performance » du système. On a pourtant de nombreuses raisons de penser que le même investissement dans des emplois stables donnerait de meilleurs résultats. En effet, ce que nous observons au quotidien dans l’ESR en Allemagne ressemble davantage à un grand #gâchis des compétences dans un contexte de profonde dégradation des #conditions_de_travail.

      Nous éprouvons et constatons en effet que les transformations de l’université depuis vingt ans ont été profondément préjudiciables aux conditions réelles de productions des savoirs. Si l’entrée dans les carrières de recherche est relativement aisée, grâce à une offre abondante de financements #post-doc, leur poursuite s’avère ensuite souvent un #piège à un âge où il devient difficile de changer de voie et de se reconvertir. A bien des égards, la situation actuelle de l’ESR en Allemagne, fruit de réformes engagées dès les années 1990, peut être considérée comme une forme radicale de #précarisation du #marché_du_travail_académique : généralisation de contrats en #CDD, enseignements délivrés gratuitement, part écrasante des « financements sur projet », fortes #inégalités dans l’attribution des fonds publics etc. Cette #néolibéralisation de l’université allemande repose en effet sur trois dynamiques conjointes : la concurrence généralisée, l’extension du #précariat et la gestion néomanagériale des ressources.

      Cette néolibéralisation de l’ESR allemand a considérablement aggravé les #inégalités d’emploi et de #statuts. Le clivage oppose les professeur.e.s qui, dans le système académique allemand, sont pratiquement les seul.e.s à être titulaires de leurs postes (les grades de MCF et PRAG n’existent pas en Allemagne), au personnel académique non titulaire, regroupé sous le terme de « #Mittelbau ». Dans l’université allemande en effet, on estime à plus de 85% la part du personnel scientifique employée sous contrat à durée déterminée (rappelons à titre de comparaison que dans le secteur privé, les CDD ne représentent en Allemagne que 7% des emplois). Parmi les non-professeur.e.s de moins de 45 ans, la part des emplois en CDD est évaluée à 93%, et pour la moitié d’entre eux pour des durées inférieures à un an.

      Dans une tribune publiée en 2018 dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung (https://www.faz.net/aktuell/feuilleton/akademischer-mittelbau-flexible-dienstleister-der-wissenschaft-15502492-p3.html), la chercheure Ariane Leendertz dresse le bilan sans appel de cette évolution de l’emploi académique : entre 2005 et 2015, la hausse déjà spectaculaire du nombre d’emplois en CDD qui avait été engagée au cours de la décennie précédente, s’est encore poursuivie en augmentant encore de 59,2% (de 91046 à 144928) alors que, sur la même période, le nombre des professeur.e.s a connu une hausse de seulement 17,7% (de 18649 à 21153). Le prestige persistant du statut professoral motive encore les vocations mais les chances réelles de pouvoir y accéder un jour ont diminué de manière drastique.

      La « jeune génération » est donc fortement dépendante d’un petit nombre de chaires de professeurs qui sont à la fois supérieurs hiérarchiques, superviseurs, évaluateurs et chefs de projet, gérant des budgets parfois considérables, et accaparés par leurs responsabilités managériales. Dans ce contexte, l’enseignement au sein de l’université allemande repose en grande partie sur des heures non rémunérées, ce #travail_gratuit étant la condition pour espérer un jour accéder au graal professoral. Du côté de la recherche, les « #collaborateurs_scientifiques » (#wissenschaftliche_Mitarbeiter) enchaînent les contrats courts au sein de projets de recherche. Cette obsédante quête d’emploi réduit évidemment drastiquement l’#autonomie des chercheur.e.s qui doivent se couler dans des projets conçus par d’autres ou se conformer aux modes thématiques pour répondre aux #appels_à_projets des agences et des fondations, pourvoyeurs des financements. À peine un financement est-il obtenu qu’il faut penser au suivant. On déménage au gré des postes ou des contrats décrochés ici ou là. Sur le moyen terme, ce fonctionnement a pour conséquence la multiplication des carrières sans issue pour un très grand nombre de « post-doctorant.e.s » habilités et précarisés (l’âge limite d’entrée dans le professorat étant fixé à 52 ans). Dans ce contexte d’absence de prévisibilité des carrières académiques, les inégalités de #genre se creusent puisque, comme le précise le rapport 2017 du Ministère fédéral de l’éducation et de la recherche (Bundesministerium für Bildung und Forschung), 49% des femmes engagées dans ces carrières renoncent à avoir des enfants, contre 35% des hommes. D’après une enquête sur la situation du « Mittelbau » conduite par l’hebdomadaire Die Zeit en 2015, 81% des répondant.e.s disaient regretter leur choix de carrière et chercher le moyen d’en sortir. Enfin, ces évolutions ont des conséquences préjudiciables sur la nature, la pérennité et la qualité des recherches menées – au détriment de la #recherche_fondamentale. La situation est d’autant plus paradoxale que la mise en concurrence suppose un appareil bureaucratique en charge de l’organiser : en pleine expansion au cours de ces dernières décennies, cette #bureaucratie de la recherche a absorbé une partie des chercheurs, et surtout d’ailleurs des chercheuses, qui finissent par préférer les emplois stables qu’elle propose. L’argent public finance ainsi des milliers d’ancien.e.s chercheur.e.s, retiré.e.s de la production scientifique.

      Détricotage des statuts, généralisation des CDD, mise en concurrence budgétaire des universités et des unités de recherche, assèchement des crédits récurrents au profit des financements sur projets fléchés, logiques managériales d’allocation des ressources et détérioration des conditions de vie des enseignant.e.s-chercheur.e.s : la situation de l’ESR en Allemagne préfigure à bien des égards le monde académique que promet la LPPR en France. Enfin, et comme le révèle notamment la crise provoquée par l’épidémie du Covid-19, la qualité du travail de recherche repose aussi sur le dépassement des cadres nationaux. Pourtant, à bien des égards, les orientations contenues dans les conventions entre l’État fédéral et les Länder en Allemagne, ainsi que dans la LPPR en France, privilégient la #compétition entre les pays plutôt qu’elles ne stimulent la #collaboration_internationale.

      https://blogs.mediapart.fr/jeremie-g/blog/120620/l-universite-allemande-comme-horizon-de-la-lppr
      #Allemagne #modèle_allemand

    • LPPR : l’#étude_d’impact et les conditions de son examen

      Un élu a fait connaître sa position au Ministère à propos de la LPPR examinée ce jour au #CNESER. Parmi les documents arrivés tardivement, le pompon revient à l’étude d’impact de 100 pages, datée et transmise le 11 juin, pour une réunion le 12. Nous reproduisons le courrier qu’il a adressé au secrétariat général du gouvernement.

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      « Compte tenu de l’impossibilité pratique de tenir compte de cette étude d’impact pour la séance du CNESER prévu ce jour, je souhaite donc de manière expresse et non équivoque son report pour pouvoir tenir compte de cette étude d’impact. Je ne prendrai(s) donc part à la séance de ce jour que si le quorum était réuni en dépit de ma volonté qu’il ne le soit pas pour la raison évoquée ci-dessus.
      Et si je devais être conduit à prendre part à cette séance, c’est-à-dire si le quorum était réuni, mon intervention orale contrairement à ce que j’avais prévu, se limiterait à stigmatiser la tardiveté relative à cette étude d’impact et à l’évocation de quelques aspects absents du projet de loi LPPR et qui devraient y figurer (il faut que les autres membres du CNESER qui n’en sont pas encore informés découvrent la désinvolture dont le CNESER fait l’objet, de la part d’un intervenant dont l’indépendance et la liberté d’expression sont garanties légalement), réservant la plénitude de nos analyses et contre propositions à une intervention ultérieure, après avoir pu y intégrer ce qui figure dans l’étude d’impact.
      Je suis très déçu de cette #parodie_de-consultation du CNESER totalement indigne, et je considère que cette #indignité s’attache plus à ses auteurs qu’à ceux qu’ils traitent ainsi.
      Merci de transmettre à qui de droit. »
      #Denis_Roynard

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      L’étude d’impact, document d’anthologie, a été analysée hier par Julien Gossa sur Twitter (https://twitter.com/JulienGossa/status/1271010159528153088?s=20) : un document entre fraude et bêtise intersidérale.

      L’ensemble des documents se trouvent désormais ici (https://academia.hypotheses.org/24502), pour le projet de loi consolidée et l’étude d’impact, et là (https://academia.hypotheses.org/24364), pour l’ensemble des documents et l’avant projet.

      https://academia.hypotheses.org/24552

    • Falsifier la #démocratie : l’étude d’impact de la LPPR

      L’étude d’impact du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 a donc été divulguée jeudi 11 juin. 187 pages de texte, que les membres du CNESER – devant lequel le projet était présenté le lendemain, vendredi après-midi – étaient censés avoir lu, soupesé et critiqué en quelques heures à peine.

      Julien Gossa en a déjà proposé une lecture serrée, à la fois sur Twitter et sur son blog, qui met désormais en regard le projet de loi et l’étude d’impact Il faut saluer son courage, tant l’analyse de ce document suppose un travail de titan. C’est bien simple, en effet : à chaque phrase de chacune de ces 187 pages de néoparler, il y aurait à redire. Les efforts conjugués de toute la rédaction d’Academia n’y suffiraient pas pour remettre à l’endroit le sens renversé des mots et le contenu inversé des démonstrations qui y sont à l’oeuvre.
      Détournement de l’étude d’impact

      Nous ne sommes pas sûr·es, cependant, que la communauté de l’ESR ait tout à fait pris conscience de la gravité de ce que le ministère vient d’accomplir avec cette étude d’impact. Une étude d’impact — qui est une obligation d’origine constitutionnelle depuis 2008 — n’est pas un dossier de presse vantant les mérites d’une réforme : falsifier une étude d’impact, que ce soit avec des manipulations de chiffres ou des biais argumentaires, comme Julien Gossa a pu en identifier un certain nombre, c’est falsifier tout le processus démocratique d’adoption d’une loi.

      Comme le rappelle le très officiel Guide de légistique du Conseil d’État et du Secrétariat général du gouvernement, en effet, l’étude d’impact

      « s’attache a fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée, aussi complète, objective et factuelle que possible », « destinée a éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au Parlement les éléments d’appréciation pertinents » (p. 14). Elle « ne doit être ni un exercice formel de justification a posteriori d’une solution prédéterminée, ni une appréciation technocratique de l’opportunité d’une réforme qui viendrait se substituer a la décision politique ».

      Une étude d’impact, autrement dit, ce n’est pas un discours de propagande : si elle est biaisée, c’est tout le processus de discussion de la loi qui se trouve détourné. Et c’est cela que le ministère vient de faire.

      Avec l’étude d’impact du projet de LPPR, nous voilà tout simplement revenu.e.s six mois en arrière, au moment du désastreux épisode de l’avis du Conseil d’État sur la réforme des retraites. Souvenons-nous que dans cet avis des 16 et 23 janvier 2020, le Conseil d’État avait dénoncé, dans des termes d’une rare vigueur chez lui, les documents de l’étude d’impact, rappelant qu’ils ne répondaient pas « aux exigences générales d’objectivité et de sincérité des travaux procédant à leur élaboration » (p. 1). Rappelons aussi, au passage, que dans ce même avis, le Conseil d’État s’inquiétait des délais très restreints dans lesquels les consultations obligatoires avaient été faites, signalant avec euphémisme que

      « si la brièveté des délais impartis peut être sans incidence sur les avis recueillis lorsqu’ils portent sur un nombre limité de dispositions, il n’en va pas de même lorsque la consultation porte sur l’ensemble du projet de loi, tout particulièrement lorsque le projet de loi, comme c’est le cas en l’espèce, vise à réaliser une réforme de grande ampleur » (p. 2).

      De ce point de vue, la LPPR présente donc un air de déjà-vu, en forme de confirmation des pires pratiques de fabrication de la loi.
      La réduction des inégalités hommes-femmes selon l’étude d’impact

      Un seul paragraphe concerne un objet majeur des politiques de recherche aujourd’hui : l’égalité hommes-femmes

      Rions un peu : le MESRI qui traîne déjà la patte à établir des données correctes sur les inégalités hommes-femmes, les inégalités salariales, de promotion, d’écarts de rémunération à la retraite, d’inégal accès aux financements de la recherche et aux responsabilités de l’ESR. Dans un accès de bêtise crasse, le Ministère réduit donc celles-ci aux différences de capacités reproductives et de nourrissage ; bien pire, il concocte une politique à l’endroit des seules femmes, en aggravant leur précarisation en début de carrière. Academia lui tire son chapeau.

      Ce que nous apprend l’étude d’impact : l’exemple des tenure tracks

      Que l’étude d’impact soit un vaste tissu de mensonges et d’omissions, c’est une chose, et il faut en prendre acte tout en le dénonçant. Mais cela ne signifie pas, pour autant, que l’on n’apprend rien à sa lecture, et c’est à ce travail qu’il faut s’atteler pour préparer le débat parlementaire à venir. Prenons un seul exemple, à ce stade — en attendant que nous nous organisions collectivement pour produire enfin un contre-discours à la LPPR, qui se traduise lui-même dans un vrai projet législatif. Cet exemple, ce sont les tenure tracks (article 3 du projet de loi).

      Pour mémoire, le mécanisme envisagé est le suivant : une procédure dérogatoire de titularisation dans les corps de directeurs de recherche et de professeurs des universités est créée, qui se traduit par la reconnaissance d’un privilège d’accès à ces corps au bénéfice d’individus ayant d’abord été recrutés par voie contractuelle par un établissement, ce que l’étude d’impact nomme des « pré-recrutements conditionnels dans un cadre contractuel » ou « pré-titularisations ». Le schéma, plus précisément, est le suivant : un établissement (une université, par exemple) recrute par contrat un individu pour une période de trois à six ans, puis se voit reconnaître le droit de procéder à sa titularisation dans le corps des DR ou des PU, l’individu signant alors « un engagement à servir » dont la durée n’est pas précisée. Comme Academia a déjà pu l’expliquer, ce qui est établi ici est bien plus grave encore que les « contrats LRU », qui étaient déjà une ignominie : avec les tenure tracks, en effet, ce n’est pas un mécanisme contractuel qui est établi à côté du statut ; c’est le statut lui-même qui est détricoté, dans une proportion potentiellement très importante, puisqu’un recrutement de DR et PU sur quatre pourra passer par cette voie.

      Qu’apprend-on de plus à propos des tenure tracks après lecture de l’étude d’impact ?

      1° Un premier point d’ordre technique doit être signalé, qui n’a pas forcément été encore suffisamment aperçu : l’étude d’impact produit tout un argumentaire destiné à justifier la principale conséquence des tenure tracks, à savoir le contournement des concours pour le recrutement et la titularisation de DR et de PU. Ce souci argumentaire s’explique de manière simple : les tenure tracks ne posent pas seulement problème au regard de l’ESR ; elles sont un coin enfoncé dans le droit de la fonction publique en général, faisant de l’ESR un poste particulièrement avancé de remise en cause du statut général des fonctionnaires.

      Quelques explications s’imposent à ce sujet : seules deux hypothèses de « pré-recrutements » par contrat suivis (ou non) d’une titularisation de l’agent dans la fonction publique existent à ce jour en droit français, pour deux hypothèses très particulières, toutes deux présentées comme exceptionnelles et non-généralisables lorsqu’elles avaient été instituées en 2005 :

      d’une part, les contrats dits « PACTE » (comme Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et de l’État), réservés à des jeunes de moins de 29 ans, qui n’ont ni diplôme, ni qualification professionnelle reconnue ;
      d’autre part, les contrats spéciaux de recrutement de certaines personnes en situation de handicap.

      Les tenure tracks seraient donc la troisième de ces hypothèses.

      Si ces hypothèses étaient jusqu’ici si contenues, c’est parce que c’est rien moins que le principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics, tel que proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui se trouve mis en jeu. Réserver un poste de fonctionnaire à un individu en particulier, c’est porter atteinte au principe selon lequel

      « tous les Citoyens […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

      Et c’est précisément pour lever ce risque d’inconstitutionnalité que l’étude d’impact produit une série d’arguments destinée à démontrer que les tenure tracks sont, au contraire, l’outil idoine pour respecter l’article 6 de la Déclaration : non seulement elles permettent de « sortir des logiques disciplinaires » et de mieux prendre en compte « la variété des mérites des jeunes chercheurs » ; mais aussi elles ont pour conséquence de mieux tenir compte des « besoins du service public de la recherche ».

      Ce débat, on l’a peu entendu jusqu’ici, et c’est vrai que le ministère a tout intérêt à ce que les tenure tracks soient conçues comme une question propre à l’ESR. Il faut lutter contre cet enfermement : il est important, au contraire, de rappeler que les tenures tracks feraient de l’ESR une des avant-gardes de la nouvelle étape de la remise en cause du modèle de la fonction publique en général, celle qui consiste non plus à contourner le statut par le recours à la voie contractuelle, mais à contractualiser le statut même. C’est pourquoi, sur ce point particulièrement, un argumentaire structuré doit émerger, qui établisse qu’au contraire, les tenure tracks, par la fragilisation considérable de la position des jeunes chercheurs et plus encore des jeunes chercheuses qu’entraîne la précarisation, ouvrent grand la porte aux passe-droits et autres privilèges, attentent au respect des principes de neutralité et d’impartialité, et portent donc une atteinte grave au principe du recrutement « sans autre distinction que celle [des] vertus et [des] talents ».

      2° De manière plus discrète, l’étude d’impact tente d’apporter des réponses à une autre immense question juridique. Cette question, nous pouvons d’ores et déjà l’annoncer, montera en puissance dans les prochaines semaines, à mesure que le débat sur la LPPR se déplacera toujours plus sur le terrain de la technique juridique – ce qui est un effet mécanique subi par tout projet de loi qui entre dans sa dernière phase, du fait de l’intervention du Conseil d’État — en amont de l’examen du projet de loi en Conseil des ministres — puis du Conseil constitutionnel (en aval de son adoption par le Parlement). Cette immense « autre » question juridique, c’est celle qui consiste à savoir si les tenure tracks sont contraires au principe constitutionnel d’indépendance des enseignant·es-chercheur·ses et des chercheur.·ses.
      Or, si ce point sera central dans le débat au Conseil d’État, au Parlement et au Conseil constitutionnel, la très grande médiocrité de la réponse qu’y apporte l’étude d’impact surprend. Elle se résume à une courte phrase, sous forme de rappel : « tout professeur recruté dans le cadre d’un pré-recrutement conditionnel bénéficiera dès sa titularisation dans son corps d’accueil des garanties d’indépendance des enseignants-chercheurs […] » (p. 39). On se frotte les yeux pour y croire, tant c’est maladroit et contre-productif de la part du ministère : qu’un.e PU ou un.e DR bénéficie des garanties constitutionnelles d’indépendance, c’est une évidence, puisque le bloc de constitutionnalité l’impose ; mais c’est dire, dans le même temps, qu’avant sa titularisation, un individu recruté contractuellement dans le cadre d’une tenure track n’en bénéficiera pas, à la différence, rappelons-le, des maître.sse.s de conférences, auxquelles les garanties d’indépendance des PU et DR ont été étendues par le Conseil constitutionnel.

      La question du respect de l’indépendance des personnes recrutées sous tenure track est donc traitée avec une grande désinvolture dans l’étude d’impact. Elle est pourtant l’une des plus importantes du projet de loi, dans la mesure où les personnes concernées seront dans une situation structurelle d’immense vulnérabilité, sur tous les plans : vulnérabilité du fait de l’incertitude quant à leur titularisation ; vulnérabilité du fait de l’imposition d’« objectifs à atteindre », auxquels le renouvellement des contrats est subordonné ; vulnérabilité du fait des contenus très variables des tenures tracks, aussi bien en termes de rémunération, d’obligations d’enseignement, ou de responsabilités administratives ; vulnérabilité du fait des cofinancements par les entreprises des « dotations de démarrage » dont les tenure tracks bénéficieront ; vulnérabilité du fait des passages dans le secteur privé, qui sont encouragés (p. 45) ; etc.

      Que le ministère ait ressenti le besoin de recourir à la métaphore virile du « chasseur » (p. 42) en dit d’ailleurs long sur la psychologie qui domine les rédacteurs de l’étude d’impact : les jeunes enseignant·es et chercheur.e.s sont donc conçu·es comme des proies. Une proie, ça se domine ; c’est l’antithèse du pair, dont on respecte et défend l’indépendance.

      3° L’étude d’impact, par ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas, permet donc d’avancer dans l’anticipation des débats juridiques qui se développeront devant le Conseil d’État, le Parlement et le Conseil constitutionnel – tâche indispensable qu’il nous faut à présent engager, quand bien même elle ne doit pas se substituer aux manifestations de rue et autres actions qui restent les manières les plus efficaces d’agir à notre échelle.

      À côté des deux points de principe précités, l’analyse serrée de l’étude d’impact permet d’avoir une vision plus précise des tenure tracks envisagées. Citons trois points à cet égard, qui n’ont pas encore suffisamment été dénoncés, et qui, tous trois, ont pour point commun de nous ramener à la loi de la jungle :

      Contrairement à ce qui a parfois été annoncé, les individus recrutés sous tenure tracks ne seront pas mieux rémunérés : « la rémunération sera sensiblement la même que celle des enseignants-chercheurs sous statut » (p. 45). Si « le contrat propose une rémunération globale compétitive au plan internationale » (p. 43), ce n’est donc pas du fait du salaire de la personne recrutée, mais de la « dotation de démarrage » (estimée à 250 000€ par personne, pour trois ans) dont cette personne bénéficiera. L’esprit des tenure tracks s’exprime crûment ici, sous ses deux facettes : d’une part, l’explosion des inégalités entre les collègues en début de carrière, dont le critère sera d’abord et avant tout le thème de recherche imposé par les « objectifs » fixés dans le contrat de recrutement ; d’autre part, la démultiplication des situations de précarité et de domination, dans la mesure où la dotation de démarrage permettra à la personne recrutée, sous forte pression des objectifs à atteindre pour sa titularisation, de recruter elle-même un ou deux précaires de la recherche, qu’elle mettra au service de son propre objectif de titularisation…
      Le nombre de recrutement ouvert chaque année en tenure tracks est limité à 25 % des recrutements de PU et de DR. Une précision importante doit être signalée à cet égard : il s’agit de 25 % des recrutements par « corps concerné », et non 25 % des recrutements par établissement recruteur, à la différence, par exemple, de la limitation légale qui était prévue pour les contrats LRU dans la loi de 2007 (pourcentage maximum de la masse salariale qu’un établissement peut consacrer au recrutement par la voie des contrats LRU). La différence est radicale : une université vertueuse qui n’ouvrirait aucun recrutement sous la forme de tenure tracks libérera des « places » pour des recrutements de ce genre par d’autres universités, qui, elles, pourront alors recruter massivement, voire exclusivement, sous cette forme. Il est assez simple d’imaginer quelles sont les présidences d’université qui, en bonnes « chasseuses », se lèchent d’ores et déjà les babines.
      On observe que l’étude d’impact, fort bavarde sur certains points, se garde bien de donner la moindre précision sur les conditions du passage de la phase contractuelle à la phase de titularisation. C’est pourtant la charnière du système : si ce point de passage est peu balisé (qui exactement en décide et à quelles conditions ?), et s’il est complexe à franchir (quels sont les mécanismes qui offrent des garanties contre les non-titularisations abusives ?), alors toutes les craintes d’explosion de la précarité et de résurgence des formes de mandarinat se réaliseront. Que le ministère n’ait pas ressenti le besoin d’apporter le moindre éclaircissement sur ce point dans l’étude d’impact en dit très long sur le peu de cas qu’il fait de la titularisation de ces nouveaux personnels précaires.

      Nous n’insisterons pas davantage : pour chacun des articles du projet de LPPR, il est désormais urgent d’opérer une lecture serrée des quelques documents dont nous disposons, à l’instar des quelques lignes qui précèdent s’agissant des tenure tracks. C’est la condition pour anticiper au mieux les combats à venir qui, en plus des indispensables mobilisations de rue, vont très rapidement se déplacer sur le terrain de la technique juridique. Et ce déplacement, à en croire le calendrier qui se dessine, risque de s’exécuter à un moment bien particulier : dans la torpeur de l’été.

      https://academia.hypotheses.org/24589

    • Passage en force soudain de la loi de programmation de la recherche

      De décembre à mars, le projet de loi sur la recherche avait suscité un mouvement massif de forte contestation dans la communauté des chercheur.e.s, largement repris dans les médias. Alors que nous ne sommes même pas sortis ni de la crise sanitaire ni de ses lourds effets sur les universités, le gouvernement relance en urgence son projet de loi... sans y avoir rien changé.

      Vendredi 6 juin, les organisations représentatives des personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), et les élues aux instances nationales de l’ESR, ont reçu une convocation inattendue pour examiner le Projet de Loi Pluriannuel pour la Recherche (LPPR) : le 12 juin pour le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER), 17 juin pour le Conseil Technique Ministériel l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CTMESR), le 22 au Comité Technique des Personnels Universitaires (CTU), le 24 au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) et au plus tard le 2 juillet au Conseil d’État. Le tout pour un passage du texte au Conseil des Ministres le 8 juillet et un vote parlementaire dans la foulée dont la date n’est pas encore précisée.

      Le samedi soir 7 juin et le dimanche 7 juin, le texte du projet de loi, accompagné de documents de présentation pour un total d’environ 1560 pages, a été diffusé. Pour un examen 5 jours plus tard, dimanche inclus.

      Que la recherche soit enfin devenue une priorité nationale, soit, mais pourquoi une telle précipitation, alors même que le texte du projet était réclamé à cors et à cris, et en vain, avant le confinement et qu’il n’était connu que par des fuites et des déclarations ponctuelles de la ministre ? Les universités sont encore semi-fermées, les instances (y compris CNESER, etc.) ne se tiennent qu’en mode dégradé par visioconférence. Personne n’aura le temps d’examiner le texte, d’en débattre, d’élaborer d’éventuelles propositions, voire de se mobiliser pour s’y opposer. On peut d’ailleurs légitimement se demander si ce n’est pas pour profiter de la situation de quasi-paralysie de la vie scientifique, syndicale, démocratique que ce texte si controversé est présenté dans ces conditions inacceptables. Ce à quoi s’ajoute peut-être une urgence pour la ministre qu’on dit partante au très prochain remaniement du gouvernement... Une loi présentée comme si importante présentée de façon aussi précipitée, c’est forcément troublant.

      Le 9 juin, c’est plus de vingt organisations syndicales réunies, dont toutes les grandes organisations de la CGT et SUD au SGEN-CFDT et à l’UNSA en passant par la FSU et le SNPTES, qui publie un communiqué lapidaire intitulé « Nous refusons d’être mis devant le fait accompli » :

      « (...) Le Ministère entend passer en force et empêcher le personnel de l’ESR et les étudiant·e·s de prendre pleinement connaissance du projet de loi qui modifierait pourtant durablement leurs conditions de travail. De fait, d’autres choix sont possibles pour une programmation de la recherche qui soit à la hauteur des enjeux et des enseignements à tirer de la crise sanitaire. Par conséquent, les organisations soussignées refusent ce calendrier inacceptable et, demandent que la consultation de toutes les instances sur le sujet soit a minima reportée à la rentrée universitaire. Elles appellent d’ores et déjà̀ le personnel et les étudiant·e·s à débattre et à se mobiliser pour refuser ce passage en force »

      Le projet final reste identique au projet très contesté du départ

      On s’en souvient : le projet en préparation était su si choquant pour la communauté scientifique qu’il n’a jamais été ouvertement présenté, et ceci jusqu’au 7 juin 2020. C’est uniquement à partir des rapports préparatoires publiés fin septembre 2019, des déclarations publiques du directeur du CNRS Antoine Petit, des déclarations (contradictoires) de la ministre, puis par des fuites (organisées ?) le 9 janvier et le 11 mars, qu’on a pu se faire une idée, de plus en plus précise, des grands tendances et des mesures concrètes de cette loi.

      Pour dire les choses simplement, car elles ont été abondamment analysées et médiatisées entre octobre 2019 et mars 2020, ce projet de loi est accusé d’accélérer les mesures néolibérales de ces vingt dernières années qui détruisent l’université et la recherche scientifique publiques. Une comparaison avec l’hôpital public, qui aussi souvent universitaire, a été plusieurs fois affirmée. On allait droit dans le mur ou vers le précipice, cette loi nous y fait aller à grande vitesse, telles sont les expressions couramment employées à ce sujet.

      Effectivement, le projet de loi diffusé en juin est très proche de ce que l’on en supposait. Les cinq titres sont presque identiques. Il maintient la totalité des dispositions qui avaient fuité et provoqué un rejet massif du projet. Il ajoute même la ratification de l’ordonnance de décembre 2018 relative à la création d’établissements expérimentaux dérogeant aux garanties statutaires légales : or cette ordonnance avait fait l’objet d’un rejet unanime par les instances représentatives. De plus, il autorise, au passage, le gouvernement à prendre toute une série de mesures très variées par ordonnance.

      Bref, comme l’a aussitôt déclaré Franck Loureiro, secrétaire général adjoint du Sgen-CFDT, syndicat pourtant réputé proche du gouvernement, « les éléments qui faisaient un large consensus contre eux sont encore présents dans le projet. Alors que ce n’est pas ce qu’attendent nos collègues et encore moins ce dont a besoin la recherche française » (https://www.liberation.fr/france/2020/06/07/une-gigantesque-machine-a-precariser-et-privatiser_1790573).

      De mauvaises réponses aux besoins et une transformation structurelle qui poursuit la destruction de la recherche publique en France

      Que propose donc cette loi ? Il n’est pas possible de reprendre ici toutes les dispositions, y compris des dispositions techniques très ponctuelles, de ce texte de 26 pages. Il contient peut-être quelques dispositions éventuellement positives quoique pas claires du tout dans leur mise en œuvre concrète : création de postes (mais lesquels ?) et augmentation (mais laquelle ?) des salaires des titulaires débutant.e.s, libération de temps universitaire pour la recherche dans certains cas (pas généralisée), certaines simplifications administratives (parfois au bénéfice du privé), objectif d’égalité femme-homme. Il contient aussi et surtout des mauvaises réponses aux besoins et des transformations structurelles profondes et graves.

      Institutionnalisation de la précarisation des chercheur.e.s et du contournement du statut protecteur de fonctionnaire et du statut particulier d’enseignant.e—chercheur.e

      La loi institue des postes de « pré-titularisation conditionnelle » (traduction de « tenure track ») sur des contrats de 3 à 6 ans et jusqu’à 25% du nombre de postes à pourvoir de professeur.e des universités ou de directeur/-trice de recherche (rang A) dans les organismes de recherche (CNRS, INSERM, etc.). La titularisation finale (ou non) de ces chercheur.e.s, directement au plus haut grade et sans passer par le grade précédent (maitre de conférences ou chargé.e de recherche, rang B) se ferait par une commission ad hoc, sans avis du Conseil National des Université (CNU). Outre le caractère précaire de ces emplois, et l’absence des protections statutaires dont bénéficient les titulaires, ils posent un problème d’égalité de traitement puisqu’ils échappent à la fois aux modalités très strictes du recrutement national des titulaires et permettent de « doubler » les "rang B" titulaires dont les promotions deviendraient encore plus difficiles pour l’accès au "rang A".

      La loi crée également des « contrats à durée indéterminée » (CDI) dits « de mission scientifique » dont la durée coïncide avec celle du projet de recherche pour lequel les personnes sont recrutées, c’est-à-dire en fait un contrat à durée déterminéedépassant les durées légales maximales actuelles et sans obligation de reconduction ni de titularisation au bout de 6 ans.

      Elle crée, enfin, des « contrats post-doctoraux », de 4 ans maximum (c’est beaucoup) dont les modalités et les garanties sont très floues, qui pourraient présenter des aspects positifs, mais qui, pour le moins, participe à la multiplication des emplois précaires au détriment de l’entrée dans une carrière de titulaire. D’autant que ces emplois dérogent explicitement au Code du travail.

      Privatisation progressive de la recherche

      La loi met en place une facilitation incitative des mobilités du public vers le privé, avec possibilité de mise à disposition de chercheur.e.s du public auprès d’entreprises privées (maintien du déroulement de carrière dans le public pendant les périodes dans le privé, valorisation de l’engagement des universitaires auprès d’entreprises privées pour accéder à l’Institut Universitaire de France, etc.) et facilité pour les chercheur.e.s du public de créer des entreprises privées. Elle crée un contrat doctoral en entreprise. Elle développe enfin les financements privés de la recherche en facilitant les conventions avec le privé et les apports du privé via des fondations.

      Maintien de la suprématie de la course aux financements

      Pour toute réponse à la demande pressante du corps professionnel de rééquilibrer la place des financements stables de la recherche afin de soutenir de la recherche fondamentale et à long terme et de libérer du temps de chercheur.e.s en réduisant le montage de dossiers, la LPPR renforce... les financements sur projets. Ainsi, les établissements obtiendront des financements complémentaires à hauteur de 40%, destinés à être répartis (à leur bon vouloir) entre leurs unités de recherche, mais uniquement comme compléments à des financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) obtenus sur projets (ce « prélèvement » porte le nom barbare de « préciput »). Tout continue donc à passer par la compétition sur projets déposés auprès de l’ANR, en créant une compétition délétère supplémentaire à la fois entre les unités d’un même établissement pour la répartition de ces moyens complémentaires et entre celles qui « rapporteront » de l’argent aux autres qui leur seront redevables, voire assujetties.

      En ce qui concerne les personnels, le rattrapage de leurs salaires, reconnus très inférieurs à la moyenne et à ceux de pays comparables, si l’on excepte les "rang B" débutant.e.s, se fera par une revalorisation des primes (pas nécessairement attribuées à tous et à toutes) et par un « intéressement financier » pour valoriser les personnels qui s’impliquent dans des missions de recherche partenariale avec des entreprises, le tout selon la volonté des établissements. Il ne s’agit ni de revaloriser le point d’indice, gelé depuis 12 ans, qui sert de base au calcul des salaires, ni d’augmentation généralisée des salaires des personnels de la recherche, dont les personnels administratifs et techniques.

      Bref, comme l’a déclaré le FERC-SUP-CGT dans son communiqué suite à la diffusion de ce projet : « La loi de programmation pluriannuelle de la recherche va à l’encontre des besoins de l’enseignement supérieur et la recherche ! ».

      Pourtant, des propositions claires et simples ont été faites à la ministre par une large majorité des chercheur.e.s

      Les demandes très convergentes faites par une grande partie de la communauté des chercheur.e.s peuvent être résumées en quatre grands axes :

      des moyens stables et suffisants en budgets et en personnels pour garantir à tous et à toutes de travailler sereinement sur la durée en se projetant dans l’avenir, chacun.e sur son champ de compétences (et arrêter les financements rares à court terme obtenus par compétition, concentrés sur les secteurs déjà les plus dotés, dont la « performance » est cotée par une évaluation bureaucratique permanente[1]— et qui laissent la majorité se débattre sans moyens entre des surcharges de tâches multiples, au détriment de la recherche) ;
      l’indépendance statutaire de la recherche[2], donc l’indépendance des établissements, autogérés par des universitaires et autres chercheur.e.s indépendant.e.s, car la recherche doit suivre sa propre logique scientifique de façon libre et diversifiée (et non pas dépendre de pressions ou d’intérêts politiques, idéologiques ou économiques), y compris pour favoriser les découvertes inattendues hors des sentiers battus ;
      la mission de service public désintéressé d’élaboration, d’enseignement et de diffusion de connaissances scientifiques actualisées et éventuellement critiques, dans tous les domaines, y compris quand cela dérange les systèmes et les pouvoirs en place — on pense aux questions écologiques ou sociales par exemple (et non l’assujettissement à des intérêts privés ou l’étranglement de certaines disciplines gênantes y compris par le jeu des financements) ;
      le respect des personnels de l’ESR et la confiance méritée par leurs (trop) difficiles parcours de formation, de recrutement, de carrière, d’engagement au service du bien commun (et non pas la suspicion par l’évaluation permanente et l’imposition de décisions politiques non concertées voire massivement refusées).

      Il ne suffit pas d’annoncer des financements augmentés à coups de millards dans les dix ans à venir, que rien ne permet d’assurer aujourd’hui. Ni de promettre une façon d’appliquer la loi que rien ne garantit surtout sous d’autres ministres à venir. Il faut utiliser cet argent pour répondre à ces quatre grandes attentes et inscrire dans la loi des mesures sures, stables et précises.

      Mais le gouvernement n’écoute pas, n’entend pas, ne comprend pas...

      Aussi sidérant que cela puisse paraitre ou ne pas paraitre selon l’idée que l’on se fait aujourd’hui de ce gouvernement, l’ensemble des propositions portées par la vaste mobilisation de l’ensemble du monde de la recherche n’a été ni entendu, ni repris. Pire, le projet va clairement à l’encontre des besoins, des attentes et des propositions qui ont été exprimés.

      La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et avec elle son cabinet, réussissent une fois de plus à dresser contre ses projets la grande majorité de la profession et des étudiant.e.s qui y sont lié.e.s. On a l’impression que ce ministère n’a dans la tête que quelques mots-clés devenus des dogmes (compétition, privatisation, management...) dont ils ne sont pas en mesure de se libérer et qui les rendent imperméables à d’autres mots-clés (égalité, service public, libertés académiques...). Ils et elles feront sans doute cette fois-ci comme les autres fois : passeront outre les avis très majoritairement voire unanimement négatifs des instances consultatives comme le CNESER ou les CT, des instances ou organismes représentatifs (CNU, syndicats, sociétés savantes, associations professionnelles, conseils et composantes des établissements, etc.), et des personnes directement concernées. Au mieux ils et elles feront passer des projets mal votés, grâce aux abstentions ou aux absences, si fréquentes en période de crise sanitaire d’ailleurs. Mais il est probable qu’ils et elles s’en fichent éperdument, tellement ils et elles sont sur.e.s d’avoir raison.

      Le CNESER a d’ailleurs appris le 10 juin qu’il pourrait se tenir le 12 en mode hybride : mi-présenciel mi-distanciel et qu’il fallait s’inscrire à l’avance pour un tour de parole. Curieuse conception des débats...

      Le SGEN-CFDT et la FAGE ont demandé au ministère de ne pas présenter la loi pour vote au CNESER du 12 juin, vu les délais, mais seulement de la présenter et de la soumettre au vote d’un avis les 18 et 19 juin. Le ministère a accepté. On ne voit vraiment pas, hélas, ce qu’une semaine de plus va changer quand il est clair que ce n’est pas d’amendements dont ce texte à besoin, mais d’un retrait et de la rédaction d’un tout autre projet de loi, indispensable et urgent, inspiré par de tout autres principes.

      [1] Ce système est régulièrement accusé de favoriser le conformisme des projets (pour obtenir les financements selon les critères imposés ou valorisés) et la tricherie dans les publications (pour augmenter artificiellement son nombre de publications, dans les disciplines qui ont recours à la bibliométrie et au classement des revues, surtout en sciences naturelles et formelles, moins en SHS).

      [2] Cette indépendance est un principe très ancien et général de protection de la recherche scientifique. Voir mon texte « Le projet de LPPR poursuit les attaques contre le statut particulier des universitaires pour s’emparer de l’Université » en ligne sur https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2020-1-page-III.htm

      https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/110620/passage-en-force-soudain-de-la-loi-de-programmation-de-la-recherche

    • Message reçu par mail de la rédaction du blog « Academia » (https://academia.hypotheses.org), le 15.06.2020 :

      Vous étiez nombreux et nombreuses à souscrire à notre appel solennel (https://academia.hypotheses.org/22438) remis le 21 avril à la Ministre et lui demandant de ne pas prendre de mesures non-urgentes pendant le confinement. Si le confinement obligatoire est terminé, pour autant l’état d’urgence continue, avec des mesures anti-rassemblement, et la fermeture des universités à ses étudiant∙es. C’est cette période que le gouvernement a choisi pour présenter son projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche devant les instances nationales, en vue de sa présentation en Conseil des ministres le 8 juillet et vraisemblablement de son vote au cours de l’été. Parallèlement, la Commission Culture du Sénat rendait un rapport accablant (https://academia.hypotheses.org/24538) sur le système de recherche pendant la pandémie.

      Après la saisine du Conseil économique, social et environnemental le 5 juin, la diffusion de l’avant-projet de loi par le SGEN dimanche 7 juin 2020, Academia a rapidement fourni des éléments sur l’avant-projet de loi (https://academia.hypotheses.org/24364), mais aussi sur le projet de loi (https://academia.hypotheses.org/24502) transmis au Conseil d’État — texte prêt « depuis le mois de mars » selon la Ministre (https://academia.hypotheses.org/24568), rattrapée par une affaire de fraude scientifique (https://academia.hypotheses.org/24479) — et son étude d’impact.

      Disons-le simplement : ce projet de loi détruit méthodiquement le cadre légal de l’Université, approfondit les dérogations créées par la loi PACT (https://academia.hypotheses.org/7164), et impute les maigres augmentations de budget (https://academia.hypotheses.org/24380) à la seule Agence nationale de la Recherche. Les jeunes collègues ne s’y sont pas trompé·es : cette loi ne vise nullement à améliorer le sort des jeunes chercheurs et chercheuses, mais à précariser davantage leur situation ; elle met au jour le simple fait que la transmission des savoirs — auprès de celles et de ceux qui feront l’élite de demain — n’intéresse aucunement le Ministère de l’Enseignement supérieur. La pilule est très amère (https://academia.hypotheses.org/24413).

      La parution de l’étude d’impact de près de 200 pages, la veille de la réunion du CNESER, est un modèle du genre : manipulation de chiffres, biais argumentaires, et autres paragraphes en novlangue. Explicitant le rôle législatif de l’étude d’impact, Academia en a analysé deux dispositions (https://academia.hypotheses.org/24589) :

      - la lutte contre les inégalités hommes-femmes ;
      – l’adoption des tenure tracks, nouvelle voie d’accès hors concours aux statuts de professeures des universités et des directions de recherche.

      Compte tenu du mépris dans lequel le Ministère tient les élu∙es∙des instances, plusieurs organisations syndicales ont boycotté la séance du CNESER du 12 juin 2020 (https://academia.hypotheses.org/24573) à l’exception notable de la CPU qui s’est félicitée du texte. La communauté universitaire s’est mobilisée (https://academia.hypotheses.org/24556), syndicats, Facs et labo en lutte, Revues en lutte en tête (https://academia.hypotheses.org/24465), relayée dans la presse (https://academia.hypotheses.org/24577). Le vote n’aura lieu que jeudi 18, précédant celui du CTMESR le vendredi 19 juin. L’examen du texte en Conseil des ministres est prévu le 8 juillet 2020. Nous entrons dans la dernière phase du processus législatif, avec un projet qui n’est pas encore inscrit au calendrier parlementaire, mais qui pourrait être passé après l’été, vraisemblablement à la fin de l’année 2020 ou au tout début 2021.

      Il nous faut désormais nous interroger sur les moyens dont nous disposons pour que ce projet ne devienne pas loi. Un chercheur a suggéré qu’il ne fallait désormais prendre la parole auprès des médias que pour dénoncer la future loi (https://academia.hypotheses.org/24427). Un élu CNESER a esquissé quelques pistes de moyens juridiques pour le contrer (https://academia.hypotheses.org/24552). Plusieurs manifestations sont prévues : unitaire avec les soignantes le 16, puis le 18 et le 19. Il y a aussi l’envoi en masse de propositions de « dérégulation » auprès du MESRI (https://academia.hypotheses.org/24300), sans oublier d’interpeler les présidences d’université sur le contenu inique de la LPPR.

      Alors que nous vivons depuis plusieurs semaines un magnifique mouvement en faveur des droits civiques (https://academia.hypotheses.org/24472) et de la justice, notons que le droit constitutionnel de manifester vient d’être sérieusement entravé (https://academia.hypotheses.org/24609) dans un régime de plus en plus nauséabond.

      Contre la LPPR, il nous faut toutes les forces sur le pont et beaucoup d’imagination : nous comptons sur vous !

    • LPPR : le ministère change les règles du jeu, deux jours avant la tenue d’un CNESER qui n’aurait par ailleurs jamais dû être convoqué !

      En plein état d’urgence sanitaire, alors que le gouvernement a été désavoué par le Conseil d’État sur l’interdiction des rassemblements, que les universités demeurent fermées aux usager·es et leur accès très limité aux personnels, le CNESER, le CTMESR et le CTU sont convoqué·es pour débattre et soumettre des avis sur le projet de LPPR très largement contesté. Ces convocations, dans le contexte actuel, constituent une provocation et manifestent le mépris du ministère pour les personnels de l’enseignement supérieur.

      Sur le fond, en renforçant le financement sur projet via l’agence nationale de la recherche, le projet de loi ne tire aucun enseignement de la crise sanitaire. En ne permettant pas à la recherche publique d’atteindre 1 % du PIB en 2030, il poursuit le sous-financement de l’enseignement supérieur et de la recherche. La loi envisagée contourne et casse les statuts des chercheur·es et des enseignant·es-chercheur·es en accélérant les recrutements contractuel·les du secteur déjà le plus précaire de toute la fonction publique d’État. En favorisant les passages du public au privé et réciproquement, elle organise les conflits d’intérêt et la subordination de la recherche publique aux intérêts privés. Le projet de LPPR remet également en cause fortement l’indépendance des personnels de la recherche, à travers la concurrence généralisée, l’extension du précariat et la gestion néo-managériale des ressources, il conduit au rétrécissement des domaines de la recherche et des bénéficiaires de moyens alloués.

      Alors que les universitaires sont submergé·es et mobilisé·es au delà du maximum pour conduire à leur terme deux semestres particulièrement pénibles, alors qu’ils/elles sont en pleine incertitude quant aux conditions de la rentrée, le ministère a d’abord imposé à ses membres élu·es au CNESER une séance consacrée au projet de LPPR le 12 juin, avec envoi des documents le dimanche 4 juin, après que la presse les ait déjà diffusés.

      Cette séance du 12 juin s’est déroulée sans la FSU, dans des conditions d’obtention du quorum particulièrement douteuses sur le plan juridique : confirmation de la présence obtenue par téléphone, aucune vérification d’identité, procurations possibles à distance par simple envoi des codes à qui le demandait… l’étude de la loi LPPR par les instances mérite davantage de respect et de rigueur.

      Et puis, alors que la deuxième partie du CNESER avait été annoncée en modalité “hybride” le 10 juin, soudain, lundi 15 juin en fin d’après-midi, à deux jours de l’échéance devant déboucher sur un vote, nous apprenons que la séance se tiendra finalement en présentiel le jeudi 18 juin ! En l’absence de quorum elle aura lieu le lendemain cette fois-ci sans condition de quorum. Dans les conditions de transports et d’hébergement que l’on connaît, sans parler des questions d’agenda des personnels pleinement mobilisé·es, il s’agit d’une véritable provocation ! Le MESRI continue d’humilier la communauté universitaire et scientifique et n’hésite pas à envisager la discussion sur une loi de programmation, dont on connaît l’importance pour l’avenir, sur des bases largement discutables juridiquement.

      Le SNESUP-FSU, le SNASUB-FSU, le SNCS-FSU le SNEP-FSU qui ont déjà demandé le report à la rentrée de la consultation en présence de toutes et tous, dans des conditions permettant véritablement les échanges, réitèrent leur demande. Il en va de la démocratie et de notre avenir commun. Les conditions dans lesquelles sont organisés les débats sont indignes et inacceptables. Nous ne cautionnerons pas cette mascarade.

      Reçu par email, le 16.06.2020

    • La loi Recherche à la lumière de la crise sanitaire

      Emmanuel Macron et Frédérique Vidal ont décidé de concurrencer les Shadoks. Quant un truc ne marche pas, il faut persévérer dans l’erreur car c’est en essayant longtemps de se tromper que l’on pourra réussir, se disent-ils manifestement… Donc, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche, telle que conçue et préparée avant la COVID-19, est remise en selle avec le maximum de précipitation possible (convocation en urgence absolue des instances de discussion avec les personnels, passage en conseil des ministres prévu le 8 juillet) afin d’être bien certains de ne pas tenir compte des enseignements de cette crise sanitaire pour la politique de recherche du pays.

      Quelles sont, en réalité, ses principales dispositions ?

      1- Des sous, il n’y en aura pas plus.

      Frédérique Vidal a beau abuser, comme Valérie Pécresse et Généviève Fioraso, des formules publicitaires et des affichages en trompe-l’œil, le volet programmation financière de la LPPR promet… de compenser l’inflation future. Cette décision politique fondamentale poursuit la politique budgétaire menée par Hollande, puis par Macron depuis trois ans. Les moyens des laboratoires publics sont au mieux stagnants, avec des perdants ici, des gagnants là, mais au total une enveloppe qui ne décolle pas. Autrement dit, après avoir promis, depuis l’adoption de la Stratégie de Lisbonne en 2000, d’augmenter sensiblement l’effort de recherche, aucun gouvernement français n’a tenu cette promesse. Et Emmanuel Macron se propose de continuer. Avec une trajectoire budgétaire de plus 500 millions d’euros par an – dont il laisse le soin à ses successeurs de la réaliser après avoir mis les laboratoires au régime sec depuis son élection – la LPPR est très loin de simplement parvenir à l’objectif fixé en 2000 – soit 1% du PIB pour la recherche publique – … sauf à compter sur la récession brutale provoquée par la crise sanitaire.

      Bref : la crise sanitaire a montré que nous avions besoin de plus de connaissances scientifiques pour affronter les défis du siècle – sanitaires, climatiques, énergétiques, sociaux… – on va compter sur la chance pour les construire et non sur des moyens supplémentaires.

      Information précieuse pour comprendre le sens des « annonces » mirifiques : toutes celles concernant les « millions » mis sur la table pour les recherches sur le coronavirus Sars-Cov-2 se sont réalisées avec… 0€ de plus versés aux laboratoires, mais un déshabillage de Pierre au profit de Paul, par redéploiement de crédits déjà votés à l’Assemblée Nationale et déjà ou pas encore affectés. Quant aux prolongations de contrats pour les thèses ou les post-doctorats interrompus par le confinement… ils doivent se faire à budget constant, donc en diminuant le nombre des nouveaux contrats.

      2- Les sous, tu les distribuera par appels d’offre en mettant les scientifiques en compétition entre eux.

      Parmi les leçons de la crise sanitaire, on peut relever ce propos d’un tout récent rapport de la Commission des Affaires culturelles du Sénat, et donc pas vraiment écrit par des syndicalistes sortis en colère de leur laboratoire (1) :

      Ce rapport, à la suite des trois Académies concernées (des Sciences, de Médecine et de Pharmacie) déplore lui aussi le manque de coordination des recherches thérapeutiques contre la Covid-19, provoquée notamment par un mode de financement par appels d’offre et non par une concertation organisée entre les véritables acteurs de la recherche.

      Bref : puisqu’on a la preuve – une nouvelle preuve après tant d’autres – que l’allocation des ressources prioritairement par des appels d’offres compétitifs, où les taux de succès sont si bas que l’écrasante majorité des demandes des scientifiques sont rejetées, ne fonctionne pas… continuons dans cette voie suivant le principe shadokien.

      3 La précarisation des personnels tu accentueras.

      Ces dernières années, les effectifs des personnels de la recherche ont subi un double mouvement. Moins de personnels scientifiques sur des emplois stables – par exemple moins 10% pour le principal établissement, le CNRS – et des milliers d’emplois précaires, y compris pour des fonctions pérennes au services d’équipements techniques. Des emplois précaires censés servir de tremplins à des jeunes très qualifiés… mais qui aboutissent beaucoup trop souvent à l’éviction finale de la recherche par manque de postes.

      Ce système très efficace pour gâcher les talents, éloigner les meilleurs et désorganiser l’activité des laboratoires a montré son caractère néfastes ? Accentuons-le donc, en décrétant que jusqu’à 25% des postes pérennes des organismes de recherche et des universités, y compris pour des seniors (directeurs de recherche, professeurs) pourront se transformer en contrats à durée déterminée dits « de missions » et en « tenure tracks » de 3 à 6 ans pour l’Université.

      4 Pour la promesse de Lisbonne, tu pratiqueras l’enfumage.

      Il n’est pas très compliqué de mesurer l’écart abyssal entre la LPPR et la simple mise en oeuvre de la promesse faite il y a 20 ans à Lisbonne, fondée sur une analyse jamais remise en cause sur l’importance de la recherche scientifique pour l’avenir des pays européens. Pour parvenir à 1% du PIB de la France consacré à la recherche publique, contre 0,76% en 2019, (un niveau historiquement bas puisqu’il faut remonter à avant les augmentations de 1981 pour le retrouver), il manquait près de 5 milliards d’euros en 2019. Pour combler l’écart, progressivement en dix ans soyons réalistes, il faudrait créer 60 000 postes pérennes dans l’Enseignement supérieur et la recherche dans les dix ans à venir, augmenter à 20.000 par an le nombre de docteurs formés et augmenter d’un milliard par an les dotations de recherche aux établissements (universités et organismes de recherche).

      Là encore, nul besoin d’aller chercher un scientifique en colère, le rapport du Sénat y suffit :

      Le graphique ci-dessous permet de mesurer l’enfumage qui consiste à annoncer des « milliards en plus » sans tenir compte de l’inflation sur la durée envisagée, en réalité, la LPPR ne prévoit aucune augmentation sérieuse de l’effort de recherche public.

      Juste avant le confinement, la contestation de la LPPR avait vue le jour. Plusieurs organisations syndicales ont démarré des mobilisations pour alerter les citoyens et infléchir la politique gouvernementale. Le calendrier de la LPPR n’est pas encore complètement connu puisque aucune date d’examen parlementaire n’est encore décidée. Il pourrait avoir lieu à l’automne.

      Sylvestre Huet

      https://www.lemonde.fr/blog/huet/2020/06/15/la-loi-recherche-a-la-lumiere-de-la-crise-sanitaire

    • L’appel du 18 juin contre la LPPR !

      Ce jeudi 18 juin l’avant-projet de LPPR était examiné par le CNESER, dans un calendrier de pseudo-concertation menée à marche forcée par Frédérique Vidal.

      Les Facs et Labos en Lutte étaient là, pour dire une fois encore leur refus de la LPPR, leur refus de la précarisation et de la privatisation des services publics de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons besoin de postes et de financements, maintenant !

      Retour en images sur les interventions.

      https://www.youtube.com/watch?v=vkuS6kBp1pI&feature=emb_logo

      Ce jeudi 18 juin l’avant-projet de LPPR était examiné par le CNESER, dans un calendrier de pseudo-concertation menée à marche forcée par Frédérique Vidal.

      Les Facs et Labos en Lutte étaient là, pour dire une fois encore leur refus de la LPPR, leur refus de la précarisation et de la privatisation des services publics de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons besoin de postes et de financements, maintenant !

      Retour en images sur les interventions.
      Que faut-il de plus pour que nous soyons entendu·es ?

      Début mars, contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites, on dénombrait plus de 108 établissements universitaires et 268 labos mobilisés ; 35 collectifs de précaires ; 134 revues ; 16 sociétés savantes ; 46 séminaires ; 35 sections du CNU et une cinquantaine d’évaluateur·trices de l’HCERES. Plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont exprimé leur opposition au projet de loi LPPR. Le 5 mars nous étions des milliers de manifestant·es partout en France, dont 25 000 personnes à Paris.
      Cette mobilisation est tout simplement historique ! Comment le Ministère ose-t-il accélérer le calendrier et passer en force, alors même qu’il n’y a pas la place à l’agenda parlementaire pendant l’été ?

      Que faut-il de plus pour que nous soyons entendu·es ?

      Pour les rares personnes de ma génération qui sont entrées en poste ces dernières années, nous nous considérons comme des miraculées. La quasi-totalité de nos camarades, de nos collègues, avec qui nous avons envie de travailler pour proposer les meilleures formations possibles aux étudiant·es, sont au chômage, au RSA, donnent des charges de cours pour lesquelles ielles sont payé·es au bout de six mois au mieux et en dessous du SMIC horaire, et entre deux post-docs, ils passent leur temps à faire des candidatures et des auditions dans la plus totale incertitude sur leur avenir.

      Ceux et celles qui ont des postes sont épuisé·es, surchargé·es et n’ont parfois pas les moyens de faire leur métier correctement. L’ESR est un secteur qui a tout simplement institutionnalisé le travail gratuit, avec la raréfaction des postes.
      Et face au constat de cette précarité de l’emploi, la réponse serait donc cette LPPR qui promet plus de compétition, plus de précarité, des CDI de chantiers ou des CDD d’enseignant·e-chercheur·se !

      Depuis trois ans donc que je suis en poste à la fac, il y a eu d’abord au ParcourSup puis la hausse des frais d’inscription pour les étrangèr·es qu’ils ont osé appelée « Bienvenue en France ». Une sélection à l’entrée de l’université et une augmentation des frais d’inscriptions sur des critères de nationalité, ce qui constitue une rupture d’égalité contraire à la constitution. Et maintenant cette LPPR, encore une nouvelle étape vers la marchandisation et la précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche publique.

      Nous sommes épuisées par la brutalité et l’aveuglement de ce gouvernement.

      Nous ne devrions pas avoir à exiger une énième fois le retrait de cette loi, après tout ce qui s’est passé, et quatre semaines seulement après le déconfinement. Nous devrions être en train de réfléchir collectivement et sur le long terme à un monde plus solidaire et plus juste face à la crise sanitaire, sociale et écologique.

      Pour commencer, quand est-ce que nous ferons objectivement le bilan désastreux de l’impact de cette crise dans les universités ?
      Mme la Ministre se félicite que des aides d’urgence aient été distribuées ? Nous, nous ne nous remettons pas d’avoir vu les étudiant·es tomber dans les pommes en venant chercher des colis alimentaires, parce qu’ielles n’avaient pas mangé depuis trois jours. La Ministre se félicite de la « continuité pédagogique » ? Le décrochage n’a jamais été aussi fort et l’acharnement évaluatif a mené à des situations insupportables.
      Le Ministère s’est empressé de faire un appel à projets ANR pour penser des enseignements à distance ! Personne ne demande cela Mme la Ministre, personne ne veut étudier ou enseigner derrière un écran. Les universités sont des lieux d’échanges, de vie, d’émancipation et de construction.

      Aujourd’hui si les universités craquent, c’est parce qu’elles souffrent d’un sous-emploi structurel et parce qu’elles sont paupérisées par des politiques de marchandisation successives, et par ce gouvernement qui fait le choix délibéré d’en restreindre l’accès et de sous-financer l’enseignement supérieur.

      Alors Mme Vidal, non seulement nous exigeons le retrait de cette loi, mais on ne s’arrêtera pas là !

      Nous refusons une fois encore toute forme de discrimination sociale, raciale et sur des critères de nationalité à l’entrée à l’université.
      Nous exigeons que les conditions de vie et d’études soient garanties par un salaire étudiant.
      Nous exigeons au moins 60 000 postes de titulaires pour que nos collègues précarisé·es arrêtent de travailler gratuitement pour la recherche française et d’enseigner dans des conditions qui relèvent de l’exploitation.
      Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas plus de collègues titulaires, des enseignant·es et des agent·es administratif·ves, car il y a bien du travail dans les universités et dans les laboratoires !

      Alors M. Macron, cessez votre destruction des services publics, cessez vos attaques de l’enseignement supérieur et de la recherche.

      Ce ne sont pas les universitaires qui cassent la République en deux, ce sont vos politiques inégalitaires qui brutalisent, qui précarisent et qui compromettent l’avenir de la jeunesse.

      La LPPR et la #précarité aggravent les #inégalités_de_genre !

      https://www.youtube.com/watch?v=APTlUrAhi2M&feature=emb_logo

      Cette analyse féministe de la LPPR, qui met KO le patriarcat abject que le gouvernement veut perpétuer au sein de l’ESR, a été publié sur le Academia. En voici un extrait :

      Dès lors, ce ne sont pas seulement sept petites lignes rapidement rédigées qui soldent la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les 187 pages du texte de l’Étude d’impact de la LPPR, c’est bien un positionnement sur la condition féminine dans l’ESR et au-delà qui est révélé. La question de la place des femmes dans la recherche est abordée en considérant leur maternité potentielle, c’est tout. Les disparités salariales à grade égal, la diminution du nombre de femmes dès l’inscription en thèse alors qu’elles sont majoritaires auparavant, les freins à la carrière qui conduisent à une très moindre proportion de femmes parmi les professeurs des universités ou les directeurs de recherche, le moindre nombre de femmes déposantes et lauréates, logiquement mais pas seulement, aux appels à recherche ANR ou H2020 ne sont pas même évoqués.

      Comment ne pas lire dans ces lignes un propos réactionnaire sur les femmes et les moyens mis en œuvre pour atteindre l’égalité entre femmes et hommes ?

      L’émancipation est incompatible avec la précarité subie.

      La LPPR est injuste pour tous et toutes mais avec ces sept petites lignes, on a bien compris qu’elle se préoccupait encore moins de l’être avec toutes qu’avec tous. Alors on va le dire calmement mais fermement : on n’écrit pas une thèse avec son utérus, nos recherches ne sont pas plus dépendantes de notre désir de procréer ou non que celles des hommes, il n’existe aucune justification aux inégalités entre femmes et hommes dans l’ESR si ce n’est les résidus rances d’un patriarcat qui ne l’est pas moins. La précarité subie fragilise, pour l’heure la place des femmes dans l’ESR doit être renforcée. Ce texte est plein d’effluves irrespirables d’une conception hors d’âge de l’emploi des femmes, rejoignons alors Virginie Despentes : c’est terminé. On se lève. On gueule.
      On prend notre place.

      LPPR : Loi de Précarisation et de Privatisation de la Recherche

      https://www.youtube.com/watch?v=bHLuW-URllY&feature=emb_logo

      Une intervention conclusive, qui revient sur les principaux éléments de la LPPR. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter nos articles qui lui sont consacrés !
      TWEETStorm

      Pendant que nos camarades criaient leur indignation devant le ministère, de nombreux·ses autres exprimaient leur refus de la LPPR sur Twitter, plaçant nos hashtags #StopLPPR #StopPrécarité et #FacsEtLabosEnLutte parmi les plus utilisés en France aujourd’hui !

      Voici quelques unes des images créées et partagées à cette occasion.

      https://universiteouverte.org/2020/06/18/lappel-du-18-juin-contre-la-lppr

    • LPPR : le flowchart

      Le rapport annexe comme l’étude d’impact étant particulièrement nébuleux, il est très difficile de comprendre les raisonnements qui supportent les mesures envisagées dans la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Heureusement, Frédérique Vidal donne plus de précisions sur la logique qui sous-tend cette loi dans un entretien. Une modélisation de cette logique sous forme de flowchart permet d’identifier certaines décisions critiques, conduisant à l’étonnante mise à l’écart des solutions les plus simples, et le développement de solutions complexes et imparfaites.

      https://twitter.com/VidalFrederique/status/1273985042637783040?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      L’argumentaire de la Ministre dans cet entretien part de quatre constats : l’augmentation des #rémunérations, le besoin de #réinvestissement massif, le #temps_long de la recherche, et la perte de #compétences. A partir de là, plusieurs choix conduisent aux mesures de la LPPR : augmentation des primes, chaires de professeur junior, CDI de mission, augmentation de l’ANR et de son préciput, et développement du dialogue stratégique.

      On observe d’abord que les mesures proposées sont des solutions partielles, globalement insatisfaisantes puisque chacune renforce au moins un des constats d’origine. Ensuite, on observe que des solutions beaucoup plus globales sont déjà disponibles sans besoin de légiférer : améliorer l’#indiciaire, ouvrir des #postes au concours, et augmenter les #subventions pour charge de service public.

      La Ministre développe un argumentaire étonnant quant à l’exclusion de ces trois #mesures.

      Exclusion des trois mesures les plus évidentes
      Améliorer l’indiciaire

      L’indiciaire est la manière traditionnelle de fixer les rémunérations des fonctionnaires. C’est la manière la plus simple, puisqu’il s’agit d’une simple multiplication d’un point par un indice se trouvant dans une grille. C’est aussi la manière la plus égalitaire puisqu’elle ne dépend que de l’ancienneté, et la plus collective puisque point et grilles sont communs aux fonctionnaires et aux corps/classe.

      C’est donc un système de #rémunération particulièrement bien adapté aux missions d’enseignement et de recherche, pour lesquelles il est difficile d’évaluer la performance, imprédictible par nature, surtout de façon individuelle puisque ces missions sont collectives par nature.

      Pour exclure cette possibilité, Frédérique Vidal déclare « Je ne fixe pas les grilles indiciaires de la fonction publique ». Cet argument est particulièrement étonnant : personne ne demande à la Ministre elle-même de fixer ces grilles. D’ailleurs, l’Etat est justement engagé depuis 2017 dans un protocole de revalorisation des grilles indiciaires, le PPCR, notoirement peu abouti pour les Enseignants-chercheurs, ce qui démontre que c’est parfaitement possible. Cet argument doit être écarté.

      Très étonnamment aussi, l’Etude d’impact de la loi ignore totalement cette possibilité dans les « options possibles », qu’elle doit pourtant présenter de façon « aussi complète, objective et factuelle que possible ».

      En se dispensant ainsi de considérer le moyen le plus évident, les rédacteurs limitent leur champ des possibles à des solutions forcément plus compliquées, plus coûteuses, plus individuelles et plus inégalitaires.
      Ouvrir des postes au concours

      Là encore, il s’agit de la manière la plus simple de conserver les compétences : ouvrir des postes au concours avec les statuts existants, très attractifs compte tenu des taux de pression actuels (1 poste pour 7 candidats : 85% n’auront rien).

      Frédérique Vidal commence par justifier la baisse de ces postes ainsi : « Le problème, c’est qu’on a vu le nombre de postes mis au concours diminuer parce que l’augmentation mécanique du coût de la masse salariale absorbait une partie des moyens disponibles. ». Mme Vidal oublie de rappeler que cette situation résulte notamment d’une de ses propres décisions politiques : ne plus compenser du tout cette augmentation mécanique.

      Elle indique ensuite que « Le réinvestissement prévu a vocation à inverser la tendance. On aura une augmentation du nombre de postes mis au concours ». Mais cette affirmation est explicitement contredite par l’Etude d’impact : « Compte tenu de l’évolution des départs à la retraite sur les prochaines années, il serait possible de maintenir en flux le nombre actuel de postes mis aux concours et de consacrer tout ou partie du solde à cette nouvelle voie d’accès aux corps de professeurs et de directeurs de recherche ».

      D’après l’étude d’impact, l’investissement n’est donc pas pour ouvrir postes au concours, et les effectifs devraient baisser puisque la hausse des départs à la retraites devra servir à financer les nouveaux statuts. La hausse des concours avec les statuts actuels est de plus absente des « options possibles ».

      Encore une fois, les rédacteurs se dispensant de considérer le moyen le plus évident pour atteindre leur objectif.
      Augmenter les subventions pour charge de service public

      L’amélioration de l’indiciaire et l’ouverture des postes nécessitent évidemment une augmentation des subventions pour charge de service public (SPCSP), qui est la source principale et normale de financement pour les laboratoires et universités.

      Autre avantage des SPCSP : elles sont naturellement inscrites dans le temps long, abondent presque automatiquement les dotations de base, et sont surtout extrêmement simples à augmenter.

      Pour exclure cette possibilité, Frédérique Vidal affirme « La subvention pour charge de service public a été définie il y a plus de dix ans en fonction de comment les universités se présentaient elles-mêmes. Certaines ont mal estimé leur masse salariale à l’époque et se trouvent aujourd’hui en difficulté. Si je continuais dans ce système, alors je donnerais en effet plus à celles qui sont déjà mieux dotées. ». On ne pourra que s’en étonner : les SPCSP sont réévaluées chaque année, 10 ans semble un délais raisonnable pour corriger d’éventuelles erreurs d’appréciation, et rien n’empêche la ministre d’arbitrer en faveur d’un rééquilibrage avec le système actuel. L’argument doit être écarté.

      Là encore, l’étude d’impact, ainsi que tous les documents relatifs à la LPPR, traitent les questions de financement en ignorant purement et simplement le moyen principal de financement. En conséquence, la suite est un argumentaire en cascade, imparfait et peu convainquant.
      Conséquence : un argumentaire en cascade peu convainquant

      Le refus d’augmenter les SPCSP déclenche de nombreux problèmes subsidiaires. La Ministre note par exemple que « les établissements ne peuvent pas titulariser », or « il faut pouvoir proposer quelque chose d’attractif aux chercheurs ».

      La ministre propose donc de créer des Chaires de professeurs junior, mais qui représentent une augmentation des coûts, et renforce donc le besoin d’investissement, et par ricochet diminuent le nombre de postes, donc font perdre in fine des compétences.

      Elle propose également d’augmenter les budgets de l’ANR. Mais ceux-ci sont par nature temporaires, et ne permettent donc que des « CDD très courts ». La Ministre propose donc un nouveau « contrat qui correspond à la durée du financement », ce qui est contraire à l’inscription de la recherche dans le temps long, et ne résout pas le problème de la perte de compétences.

      De plus, l’ANR est par nature distincte des dotations de base. C’est pourquoi la Ministre propose d’augmenter le préciput. Mais cette augmentation déséquilibre les financements entre établissements, allant plus à ceux qui décrochent le plus d’ANR. Pour « rééquilibrer les financements », la Ministre propose alors d’user du « dialogue stratégique », mais ce dialogue dépend de la performance et non des charges de service public. Il faudra donc le dénaturer pour répondre au problème posé.
      Conclusion

      Cette analyse de l’argumentaire de la Ministre aboutit à la conclusion qu’en se privant des mesures les plus évidentes (indiciaire, ouverture de postes au concours et augmentation des subventions pour charge de service public), la loi est amenée à déployer des mesures beaucoup plus complexes et coûteuses. Surtout, ces mesures ne répondent qu’imparfaitement aux problèmes posés, et en renforcent même certains.

      La Ministre refusant de fournir des réponses raisonnables à propos de cette mise à l’écart des solutions les plus simples, nous n’avons d’autres choix que dresser une hypothèse. Le point commun de ces trois mesures est qu’elles renforcent l’autonomie académique : les SPCSP représentent la liberté maximale pour les établissements, et les postes titulaires accompagnés de dotations de base représentent la liberté maximale pour les enseignants et/ou chercheurs.

      Ces solutions vont donc objectivement à l’encontre des intérêts d’un ministère qui souhaiterait renforcer son contrôle sur l’appareil d’enseignement supérieur et de recherche. Cette hypothèse est au moins cohérente avec le constat dressé par le Sénat à propos de la mise en œuvre de la loi LRU : il y a « une part de responsabilité évidente de l’État dans l’incapacité des universités à assumer leurs nouvelles responsabilités dans des conditions optimales ».
      Un mot sur l’Etude d’impact

      Comme le pointent les confrères d’Académia :

      une étude d’impact « s’attache a fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée, aussi complète, objective et factuelle que possible », « destinée a éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au Parlement les éléments d’appréciation pertinents ». Elle « ne doit être ni un exercice formel de justification a posteriori d’une solution prédéterminée, ni une appréciation technocratique de l’opportunité d’une réforme qui viendrait se substituer a la décision politique ».

      En ignorant purement et simplement les solutions les plus simples et les plus utilisées pour résoudre les problèmes qu’il se pose, le document accompagnant la LPPR et signé par Marie-Anne Lévêque ne peut être considéré comme une étude d’impact.

      Plus généralement, ce document impressionne par le nombre des imprécisions et incohérences, conduisant à se demander s’il est simplement bâclé, s’il relève d’une manipulation consciente, ou si défendre les mesures de la LPPR est une tâche en réalité impossible.

      Pour seuls exemples, en plus de l’ignorance des solutions existantes aux problèmes présentés :

      L’argumentaire des Chaires professeur junior s’appuie essentiellement sur l’exemple des carrières allemandes, sans décrire la réalité de ces carrières : « 81% des répondant.e.s disaient regretter leur choix de carrière et chercher le moyen d’en sortir ».
      L’argumentaire pour les CDI de mission scientifique tient sur un seul argument : « il est plus facile lorsqu’on dispose d’un CDI de contracter un bail locatif ou un emprunt immobilier que lorsqu’on relève d’un contrat à durée déterminée ». Ce n’est pourtant pas ce qu’on constate.
      De façon plus éclatante encore : les valeurs cibles ne sont même pas des valeurs, mais des images collées sans aucun soin.

      Pour d’autres détails, vous pouvez vous référer à ce (très long) thread :
      https://twitter.com/JulienGossa/status/1271010159528153088

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/21/lppr-le-flowchart

      –----

      Commentaire de Marc Aymes, reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 22.06.2020 :

      Merci à Julien Gossa pour cette synthèse si utile.

      L’hypothèse d’une LPPR visant à confiner l’autonomie académique, en limitant au maximum les libertés des établissements comme des enseignants et/ou chercheurs, est forte.

      Toutefois, en réécoutant les propos du candidat Macron en 2017, on pourrait également être tenté d’envisager une seconde lecture possible.

      Il faut, disait-il :
      – réduire la part du MESRI en central,
      – mener une vraie réforme voire une suppression de l’organisation du recrutement des professeurs d’université,
      – développer de vraies filières sélectives.

      On pourrait lire à l’aune de ce triple projet les trois non-mesures aujourd’hui sous-jacentes au projet de LPPR :
      1/ Ne pas améliorer l’indiciaire, privilégier l’indemnitaire et l’intéressement : on confie les décisions de revalorisation aux bons soins des accords d’entreprise... pardon, d’établissement.
      2/ Ne pas ouvrir des postes au concours : avec les chaires de prof junior commence aujourd’hui la grande « réforme voire suppression » du recrutement de demain.
      3/ Ne pas augmenter les subventions pour charges de service public : car qui dit filière sélective (et « performante ») dit financement sur fonds propres.

      Sources :
      https://t.co/bcsCWu8fHj?amp=1
      https://twitter.com/adirlabos/status/1270111667750404099

    • D’une LPPR à l’autre : 14 ans de promesses inchangées

      En 2004, le gouvernement Jean-Pierre Raffarin de Jacques Chirac préparait la Loi programme pour la recherche (LPPR) de 2006, avec Luc Ferry pour ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche.

      En 2020, le gouvernement Edouard Philipe d’Emmanuel Macron prépare la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) de 2021, avec Frédérique Vidal pour ministre lʼEnseignement supérieur, de la recherche et de lʼinnovation.

      En 2004, « nous voulons tenir les #objectifs_de_Lisbonne / Je crois que c’est possible ; les 3 % en 2010, il faut que ce soit possible ». En 2020, la LPPR « prévoit, avant toutes choses / d’aller vers l’objectif d’un effort national de recherche atteignant 3 % du PIB ».

      En 2004, c’est « 70 milliards d’euros consacré à l’intelligence, Education et recherche. 70 milliards ! ». En 2020, c’est « un effort budgétaire supplémentaire de 25 milliards d’euros pendant les dix prochaines années, ce qui est sans précédent depuis plusieurs décennies ».

      En 2006 « Le futur projet de loi prévoit une très forte augmentation des crédits de cette agence qui pourraient atteindre 1,5 Md€ en 2010 ». En 2018, l’ANR a consacré 518M€ aux appels à projets de recherche. En 2020, Il faut « Accroître de 1 Md€ les financements compétitifs de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour être au niveau des standards internationaux »… Pour atteindre donc 1,5 Md€.

      En 2004, « il ne sert à rien d’opposer les différents types de recherche, notamment la recherche publique et la recherche privée ». En 2020, il y a « La nécessité de financer la recherche publique et de soutenir la recherche privée ».

      En 2004, il faut « mettre en place un dispositif pour clarifier la responsabilité des différentes institutions publiques de recherche ». En 2020, il faut « clarifier et d’unifier la place de ces unités dans l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche »

      En 2004, il faut « renforcer l’évaluation de leurs formations, de leur recherche ». En 2020, faut « une évaluation de façon harmonisée sur la totalité de leurs missions ».

      En 2004, il faut « pouvoir mener des politiques qui leur soient propres, avec leurs partenaires territoriaux ». En 2020, il faut « renforcer les politiques de site de l’ESRI et l’ancrage de chaque site dans son territoire ».

      En 2004, on discute de « La création d’un contrat de mission, intermédiaire entre contrat à durée indéterminée (CDI) et déterminée (CDD) ». En 2020, il faut un « un contrat à durée indéterminée de mission scientifique sera créé qui permettra d’allonger les contrats actuels ».

      En 2004, on voit « le pays douter de la recherche, ou douter des capacités qu’a la société à résoudre les problèmes qui lui sont actuellement posés ». En 2020, « la société française est traversée par des courants d’irrationalité et de doutes sur les progrès et les connaissances ».

      En 2004, « ce qui est préoccupant dans le développement de la Chine, c’est le développement des centres de recherche qui s’y développent ». Mais « Entre 2000 et 2016, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, l’UE-28 et le Royaume-Uni ont augmenté leur DIRDA significativement plus que la France ». En 2020, donc, « il est évident que, sur de nombreux sujets, c’est uniquement à l’échelle de l’Europe que nous pouvons espérer rivaliser avec les géants de la recherche que sont les Etats-Unis et la Chine ».

      En 2004, Bernard Larrouturou était PDG du CNRS. En 2020, l’auteur du rapport annexe de la LPPR est « blarrout ».

      En 2004, le gouvernement était « dans l’impasse des retraites ». En 2020 aussi.

      En 2004, le gouvernement annonçait « des réformes qui, dès cet été, seront en place pour les 20 ans qui viennent ».

      En 2020, « Une loi de programmation est nécessaire » car « La dernière loi de programmation de la recherche est la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006. L’absence de loi de programmation de la recherche depuis cette date est sans doute un des facteurs ayant conduit à l’état des lieux détaillé ci-dessus. »

      En 2004, peut-être pouvait-on y croire. En 2020, le peut-on encore ?

      http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/18/dune-lppr-a-lautre-14-ans-de-promesses-inchangees

    • Depuis le #CNESER, point de vue sur les négociations

      par Nicolas Holszchuch, directeur de recherche INRIA, élu SGEN

      Je suis nouvellement élu au CNESER ; je n’ai pas encore terminé la première année de mon premier mandat. Je ne suis encore qu’un débutant sur cette instance,malgré mon âge avancé.

      Je me rappelle encore mon enthousiasme en étant élu ; je pensais pouvoir avoir une influence à l’échelle nationale sur la recherche française. J’étais bien naïf…
      Une instance purement consultative

      Le CNESER n’est qu’une instance consultative. Et purement consultative : même si l’ensemble du CNESER vote, unanimement, contre un texte, le ministère peut toujours passer outre. Dans les Comités Techniques, en cas de vote unanime contre (et sans abstention), la direction est obligée de revenir une semaine plus tard avec un projet différent. Cette possibilité n’existe pas pour le CNESER.

      Une autre caractéristique du CNESER est sa composition : il y a des représentants des syndicats des chercheurs et enseignants-chercheurs, des représentatns des syndicats d’étudiants (UNEF, FAGE, ANDÈS,…), mais aussi des représentants du MEDEF ou des présidents d’université (CPU). Et, ce qui est important pour le fonctionnement de l’institution, personne n’a la majorité absolue. Non seulement aucun syndicat n’a la majorité absolue, mais en plus, même si vous regroupez tous les syndicats d’opposition (disons, par exemple, une alliance Sud + CGT + SNESUP), vous n’arrivez pas à la majorité absolue. C’est pareil si on regroupe tous les syndicats de négociation (une alliance, par exemple, CFDT + UNSA + FO), il n’y a pas la majorité. Pour faire adopter un texte ou une motion, il faut nécessairement rassembler au delà de son propre camp, ce qui implique une certaine capacité de négociation et de savoir tenir compte des avis des autres. Je ne porte pas de jugement sur ce fonctionnement, mais en conséquence c’est une instance où on est souvent dans la recherche de compromis.

      Les grands centrales syndicales nationales sont bien entendu représentées (CFDT, CGT, FO, Sud…). Et pour elles, il faut aussi prendre en compte l’impact du vote sur l’ensemble des travailleurs. Un vote au CNESER, c’est une position publique du syndicat, il faut que ça soit cohérent avec la politique nationale, ou au minimum explicable au conseil fédéral. Un amendement qui propose de supprimer toute la métallurgie française et de redonner les crédits à la recherche, ça serait probablement populaire auprès de la base, mais ça passerait moyen ensuite en conseil fédéral avec le représentant des syndicats métallurgistes. C’est pareil avec un amendement qui réforme le code du travail : il faut avoir une position cohérente au niveau national. Là encore, sans porter de jugement, ça a une influence sur le fonctionnement de l’instance : il faut non seulement rassembler au delà de son propre camp, mais aussi avoir une proposition acceptable pour une large part de la société.

      Même si le ministère peut passer outre un vote négatif du CNESER, le poids médiatique d’un vote « pour » est important (comme on le voit bien depuis vendredi dernier). Pour l’obtenir, le ministère négocie aussi en amont de la réunion avec les représentants des syndicats. C’est en partie là que se joue l’importance des élections professionnelles : les syndicats sont écoutés aussi en fonction de leur poids aux élections (et les listes non-syndicales ne sont souvent pas écoutées du tout).

      Racontons maintenant le CNESER sur la LPPR…

      Une session peu ordinaire

      J’essaie de faire abstraction de l’organisation matérielle du CNESER, mais disons que ça a duré 21h, de 10h du matin à 7h du matin le lendemain et que ça n’est pas raisonnable. Je ne vais pas vous faire un : « moi conseiller du ministre, ça ne se passera pas comme ça » (d’abord parce que je ne suis pas candidat), mais quand même…

      Une fois le projet de loi dévoilé, les organisations syndicales avaient jusqu’à mardi soir pour déposer des amendements. Il y en avait au total 300, et 225 après regroupement des amendements identiques, si je me souviens bien (dont 185 déposés par la seule UNEF).

      Le CNESER étant un organe consultatif, le fonctionnement général était : d’abord on vote un amendement, et ensuite (si vote favorable), la ministre nous dit si elle compte le retenir. Si le vote est défavorable, la question ne se pose bien sûr pas. Pour ne pas influencer les débats, la ministre n’est pas censée nous dire avant le vote si elle compte retenir ou pas un amendement, même si on se doute souvent de son avis.

      Sur tous les points controversés du projet de loi : chaires de professeur junior, CDI de mission, contrats de post-doc long… les syndicats avaient déposé des amendements de suppression, c’est à dire que si l’amendement est adopté, l’article du projet de loi est supprimé. Tous ces amendements ont été adoptés à une large majorité. Mais, sans surprise, la ministre nous a informé qu’elle ne comptait pas retenir ces amendements.

      Tous les syndicats avaient préparé à l’avance des amendements de repli. L’idéal serait qu’il n’y ait pas de CDI de mission, on est d’accord. Mais comme la ministre a le ministère et la majorité pour elle à l’assemblée, il y en aura. Donc, qu’est-ce qu’on peut faire pour que ça ne soit pas insupportable pour les personnes concernées ? On a voté et accepté des amendements sur la durée minimum du contrat (3 ans), sur une durée minimum de préavis avant la fin du contrat (3 mois), sur l’obligation de justifier la fin du CDI de mission, sur l’impossibilité de ré-embaucher quelqu’un d’autre tout de suite après la fin du CDI de mission pour faire le même travail… Tous ces amendements ont été proposés, souvent par plusieurs syndicats, votés et acceptés. Et — ce qui est important — la ministre s’est engagée à les retenir dans le projet de loi.

      On peut voir le verre à moitié vide : ce sont des choses tellement évidentes qu’elles auraient dû être dans le projet initial. On peut voir le verre à moitié plein : elles seront dans le projet de loi final. Le CDI de mission commence à ressembler à un CDI.

      C’est pareil avec les autres points controversés (mais je n’étais plus dans la salle au moment du vote) : amendement de suppression voté mais rejeté par la ministre, amendements de modification votés et acceptés.

      À la fin de la nuit, le CNESER a voté sur l’ensemble du projet de loi. Si j’ai bien compris, le vote porte sur le projet de loi « en supposant qu’il intègre tous les amendements que la ministre s’est engagée à retenir », pas le projet de loi initial ni (hélas) le projet de loi avec tous les amendements adoptés par le CNESER (en même temps, il ne resterait plus grand chose, dans cette hypothèse)1.

      Sur la négociation, on peut se poser la question : « est-ce qu’on a obtenu tout ce qu’on voulait ? ». La réponse est évidemment non. Mais on n’a pas non plus rien obtenu. On a obtenu pas mal de points positifs, qui auront un impact concret sur des personnes concrètes.
      Est-ce qu’on a obtenu assez pour justifier un vote pour ? Je ne le pense pas, mais je n’étais pas présent à 6h du matin au moment du vote crucial. Un négociateur se demande aussi : « est-ce qu’on a obtenu tout ce qu’on pouvait obtenir ? », et sur ce point là je penche vers l’affirmative.

      https://academia.hypotheses.org/24791

    • LPPR : 25 Md€ d’ici 2030 dont 104 M€ pour 2021 ; détail des trois programmes de la Mires impactés

      Une hausse des moyens alloués à la recherche de 23,776 Md€ sur la période 2021-2030, dont +104 M€ pour l’année 2021. Tels sont les deux principaux chiffres à retenir du titre 1er du « Projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 » qui sera présenté par le gouvernement aux membres élus et personnalités qualifiées membres du Cneser le 12/06/2020 et dont News Tank a obtenu copie le 07/06.

      Dans le détail, l’évolution cumulée des crédits de paiements, entre la loi de finances initiale 2020 et celle de 2030, des trois programmes de la #Mires concernés par l’article 2 du projet de loi doit être de :

      • +16,555 Md€ pour le programme 172 « #Recherches_scientifiques_et_technologiques_pluridisciplinaires »,
      • -1,038 Md€ pour le 193 « #Recherche_spatiale », une baisse liée à « un effort particulier et conjoncturel en 2019 et encore plus en 2020, pour rembourser la dette que [la France] avait contractée au cours des années précédentes vis-à-vis de l’#ESA » ;
      • +8,259 Md€ pour le 150 « #Formations_supérieures_et_recherche_universitaire » (hors contribution du titre 2 au compte d’affectation spéciale « pensions »).

      L’objectif est de prévoir un « #réinvestissement massif dans la #recherche_publique, dont l’effet de levier doit permettre d’aller vers l’objectif d’un #effort_national_de_recherche atteignant 3 % du PIB » et « vient consolider les outils actuels de #financement et de #pilotage de la recherche avec un #effort_budgétaire supplémentaire de 25 Md€ pendant les dix prochaines années, ce qui est sans précédent depuis plusieurs décennies ».

      La somme des crédits supplémentaires par année pour chaque programme tels qu’annoncés par le texte, et calculée par News Tank, montre toutefois une différence de 1,33 Md€ par rapport aux 25 Md€ annoncés. Interrogée sur ce point le 08/06, Frédérique Vidal indique : « les marches qui sont prévues aboutissent bien à 25 Md€, mais de la même façon qu’il va y avoir extinction de la dette de l’ESA cette année, il y a aura extinction d’autres dettes au fur et à mesure de la programmation budgétaire telle qu’elle a été faite ».

      « Le président de la République a fixé un cap, qui porterait enfin l’effort de recherche de la nation à 3 % de notre PIB », indique le rapport annexé au projet de loi, ajoutant que : « les difficultés économiques que nous traversons à la suite de la crise sanitaire rendent d’autant plus important un réinvestissement massif dans la recherche pour éviter qu’elles ne se traduisent par une forte baisse des budgets de #R&D qui obérerait durablement notre avenir ».

      L’analyse des budgets alloués à l’ANR et des mesures liées à son fonctionnement feront l’objet d’un prochain article de News Tank dédié à ce sujet.

      La #ventilation globale sur 2021-2030

      Selon l’article 2 du projet de loi, les #crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale 2020 pour les programmes « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (P172), « Recherche spatiale » (P193) et « Formations supérieures et recherche universitaire » (P150 hors contribution du titre 2 au compte d’affectation spéciale « pensions ») évolueront entre 2021 et 2030, à périmètre constant, comme suit (les colonnes 2023 à 2026 sont masquées par défaut) :

      « #Revalorisation de tous les métiers »

      « L’ensemble des moyens ainsi programmés doit permettre une revalorisation significative de tous les métiers scientifiques, qu’il s’agisse des enseignants-chercheurs, des chercheurs, des ingénieurs, des administratifs, des bibliothécaires ou des techniciens », indique l’exposé des motifs du projet de loi.

      « Cette revalorisation a vocation à porter de façon prioritaire sur les débuts de carrières des enseignants-chercheurs et des chercheurs, où apparaît le différentiel le plus net, tant avec les salaires de chercheurs observés dans d’autres grands pays scientifiques qu’avec les autres métiers publics ou privés auxquels peuvent aspirer les jeunes docteurs ».

      Évolution des #effectifs

      Selon le rapport annexé au PdL, l’incidence de la LPPR sur les effectifs sous plafond de l’État et des opérateurs des trois programmes budgétaires 150,172 et 193 est le suivant :

      92 M€ de revalorisation indemnitaire dès 2021 confirmés

      Pour faciliter les mobilités entre universités et organismes, l’objectif sera de faire converger les montants moyens de primes entre les différents types de personnels « afin de remédier à [d]es disparités historiques, mais peu justifiées aujourd’hui », indique le rapport annexe. « À cette fin, dès l’année 2021, 92 M€ supplémentaires y seront consacrés ainsi que des montants analogues les années suivantes dans le cadre de la programmation pluriannuelle de la recherche. »

      Dotation de démarrage de 10 k€

      Toujours selon le rapport annexé au projet de loi « tous les nouveaux recrutés comme chargés de recherche et maîtres de conférences se verront allouer une #dotation_de_démarrage pour lancer leurs travaux ».

      « Nous maintenons les modes de recrutement traditionnels des maîtres de conférences, chargés de recherche, concours d’agrégation et l’on y ajoute la possibilité pour tous les jeunes recrutés de bénéficier d’une #prime à l’entrée de 10 k€ pour démarrer leurs recherches, sans avoir à chercher de financements », précise Frédérique Vidal, ministre de l’Esri, le 08/06/2020.

      Trajectoire des crédits de paiement des programmes 172 (+16,555 Md€ sur dix ans)

      Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est donc le principal bénéficiaire de l’effort budgétaire inscrit dans l’article 2 de la loi de programmation :

      Selon le rapport annexé au PdL, cette augmentation des crédits du programme 172 bénéficiera non seulement aux organismes nationaux, dont les subventions pour charges de service public sont intégrées dans ce programme, mais aussi aux universités et aux écoles « puisque la hausse des crédits de ce programme inclut notamment le fort accroissement du budget d’intervention de l’#ANR et l’augmentation des financements en faveur de l’#innovation, qui concernent l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ».

      Trajectoire des CP du programme 150 (+8,259 Md€ sur dix ans)

      Si la programmation budgétaire inscrite à l’article 2 de la LPPR inclut la totalité des crédits inscrits aux programmes 172 et 193, « elle ne concerne, pour le programme 150 “Formations supérieures et recherche universitaire”, que les incidences budgétaires des mesures de la présente loi sur ce programme ».

      Il s’agit des crédits qui financeront, dans les établissements d’enseignement supérieur sous tutelle du Mesri :

      - les #revalorisations_indemnitaires destinées aux personnels des établissements d’enseignement supérieur financés par le programme 150 ;
      – les divers dispositifs relatifs à la valorisation ou au recrutement d’#enseignants-chercheurs : revalorisation de la rémunération des #maîtres_de_conférences nouvellement recrutés, revalorisation du montant et accroissement du nombre des #contrats_doctoraux, environnement des « chaires de #professeur_junior », etc. ;
      – l’attribution de moyens aux établissements d’enseignement supérieur dans le cadre du dialogue contractuel et du dialogue stratégique et de gestion.

      « Ceci signifie notamment que les mesures budgétaires inscrites à l’article 2 de la LPPR n’incluent pas les moyens des universités dont les évolutions sont affectées par la démographie étudiante : ces moyens ne sont pas programmés dans le cadre de la LPPR, et leur évolution sera examinée chaque année dans le cadre du projet de #loi_de_finances ».

      Trajectoire des CP du programme 193 (-1,038 Md€ sur dix ans)

      Si sur le programme 193 « Recherche spatiale », la programmation budgétaire inscrite à l’article 2, en écart à la loi de finances 2020, « peut apparaître en retrait, la réalité est bien celle d’un accroissement structurel de l’investissement dans ce domaine », indique le rapport annexé au PdL.

      « La France a réalisé un effort particulier et conjoncturel en 2019 et encore plus en 2020, pour rembourser la dette qu’elle avait contractée au cours des années précédentes vis-à-vis de l’#Agence_spatiale_européenne, si bien que le montant budgétaire 2020 des crédits de ce programme est un point historiquement haut qui n’est pas réellement significatif.

      Le graphique suivant montre que, si l’on met à part les années 2019 et 2020, les crédits de ce programme sont en croissance régulière sur la période 2017-2030 ce qui témoigne de l’effort structurel de l’État pour la recherche spatiale dans la durée ».

      Des moyens complémanetaires pour les #laboratoires

      En complément des moyens budgétaires dont les évolutions sont fixées à l’article 2 de la LPPR, « les laboratoires bénéficieront également d’autres accroissements de leurs ressources », indique encore le rapport annexé au PdL :

      « En particulier, les programmes d’investissement d’avenir continueront d’apporter un soutien aux écosystèmes de l’Esri. Le gouvernement prévoit que les prochains #PIA permettent de maintenir le niveau de financements additionnels attribués aux établissements de l’Esri. Ce nouveau PIA permettra notamment de financer des #programmes_prioritaires_de_recherche et de soutenir des actions ciblées de #formation, de #recherche et d’innovation liées aux axes prioritaires qui seront retenus pour répondre aux enjeux de #transition de notre économie et de notre société.
      Les laboratoires publics bénéficieront aussi d’une augmentation sensible des #financements_européens, notamment dans le cadre du programme #Horizon_Europe et du fait des efforts de mobilisation accrus de l’ensemble des établissements de l’Esri pour accroître leur participation.
      Enfin, il est attendu que, outre l’accroissement important des financements attribués par l’ANR, les établissements publics de l’Esri continueront à augmenter leurs autres #ressources_propres mobilisées pour financer des travaux de recherche, provenant notamment des #entreprises, des #collectivités_territoriales, ou de tout autre financeur français ou étranger ».

      Concernant ce dernier point, le projet de LPPR prévoit un effort budgétaire cumulé de 7,03 Md€ sur 2021-2030, dont 149 M€ en 2021 et 293 M€ en 2022. L’analyse détaillée de l’évolution du budget alloué à l’ANR via le projet de LPPR fera l’objet d’un article de News Tank dédié.

      Atteindre 3 % du PIB pour la recherche

      À l’article 1 du PdL est approuvé « le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de recherche et les moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2021-2030 en prenant en compte l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à 3 % du produit intérieur brut au cours de la décennie suivante ».

      Selon le rapport annexé au projet de loi, « les grands espoirs que nous plaçons en la recherche et notre volonté de porter une loi ambitieuse s’inscrivent dans un contexte où l’effort de recherche global — public et privé — mesuré par le ratio entre les dépenses intérieures de R&D et le PIB :

      - avoisine 2,2 % en France ;
      – et régresse légèrement depuis plusieurs années : 2,28 % en 2014, 2,23 % en 2015, 2,22 % en 2016, 2,19 % estimés en 2017.

      Cette trajectoire éloigne la France de « l’#objectif_de_Lisbonne », fixé à 3 %. En valeur relative, la Dird française est supérieure à la moyenne de l’UE28, mais inférieure à la moyenne de l’OCDE (2,37 %).

      « L’écart entre la France et les pays les plus ambitieux en matière de R&D s’accroît : en Allemagne, l’objectif de 3 % est désormais atteint et le gouvernement a fixé une nouvelle cible à 3,5 %. Au Japon, le niveau actuel est à 3,2 % et la cible à 4,0 % ; en Corée du Sud, la Dird représente 4,5 % du PIB et la cible est à 5,0 % ».

      Un « #déficit_chronique d’investissement »

      Selon l’exposé des motifs du PdL, ce « déficit chronique d’investissement fragilise l’ensemble de notre système de recherche et a des répercussions immédiates sur les chercheurs et les enseignants-chercheurs en France : la rémunération en début de carrière des scientifiques, recrutés à partir de 1,4 Smic à l’âge moyen de 33 ou 34 ans, est inférieure de 37 % à la moyenne des pays de l’OCDE.

      Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les #carrières_scientifiques attirent de moins en moins les étudiants de sorte qu’en un peu moins de 20 ans, le nombre d’admissions en cycle doctoral est passé de près de 20 000 à 17 000 aujourd’hui ».

      Impact sur la #Dirde

      Selon le rapport annexé au PdL, la LPPR « entraînera cependant une hausse de la Dirde, car elle fait du développement de l’innovation et de l’accroissement des relations des laboratoires publics avec les entreprises une priorité majeure, et porte de nombreuses actions en ce sens.

      Qu’il s’agisse de :

      – celles qui concernent les #doctorants — notamment ceux qui préparent leurs #thèses dans le cadre d’une entreprise — et leur insertion dans les entreprises ;
      - des mesures en faveur de la création et de la croissance des #start-up, notamment les start-up de haute technologie ;
      – de l’amélioration du #transfert vers les entreprises des connaissances et des technologies ;
      – du renforcement de la #recherche_partenariale et de la mobilité entre la recherche publique et la #R&D_privée ;
      – de la mobilisation des acteurs français, publics et privés, dans les programmes de recherche et d’innovation européens ;
      – ou, sur le moyen et long terme, indirectement, de l’accroissement de l’#attractivité et du #rayonnement de la recherche publique française : toutes ces actions, articulées avec celles qui seront menées dans le cadre du #Pacte_productif, des #programmes_d’investissement_d’avenir et par #Bpifrance, contribueront à l’accroissement de la Dirde ».

      CIR : un outil « central »

      Selon le rapport annexé au PdL, « cet effort est particulièrement bienvenu dans le contexte actuel de sortie progressive de crise sanitaire. En effet, la mauvaise conjoncture économique à venir dans les prochains mois pourrait se traduire par une baisse significative du financement privé de la R&D ce qui fragiliserait pour les prochaines années notre potentiel de croissance économique.

      Au-delà des mesures déjà citées, le #CIR (#crédit_impôt_recherche) constituera pendant cette période un outil central de soutien à la Dirde. La dépense fiscale sera amenée à croître afin d’accompagner le réinvestissement des entreprises dans la recherche aussi bien que l’emploi des jeunes chercheurs dans le secteur marchand afin de contribuer à la reprise de l’activité économique ».

      https://education.newstank.fr/fr/tour/news/185191/lppr-25-md-ici-2030-104-2021-detail-trois-programmes-mires-impact
      #budget

    • La loi de programmation de la recherche (LPPR) est tout le contraire de ce que nous voulons

      « Les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses sont devenus des chercheur·ses d’argent », déplorent trois représentants syndicaux. Face à la précarisation des chercheurs et à la généralisation des recherches de court terme, elles et ils refusent l’austérité imposée par la LPPR et formulent un ensemble de propositions pour le financement de la recherche, « un choix de société ».

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) est tout le contraire de ce que nous voulons : un enseignement supérieur et une recherche au service de toutes et tous avec des moyens humains et matériels garantis et pérennes.

      La violence de la crise sanitaire et l’impact économique et social du confinement révèlent la vulnérabilité de sociétés qui reposent sur un capitalisme mondialisé, mis en œuvre par des politiques néolibérales. Depuis maintenant bien trop longtemps, ces politiques se sont employées à soutenir les marchés et la rentabilité des entreprises sans se soucier de l’impact de leur production sur l’emploi et les besoins des populations. Elles conduisent au désengagement de l’État en matière d’orientation de l’économie, de cohésion sociale et de protection des populations. La crise sans précédent que nous traversons montre à quel point un service public fort est indispensable pour maintenir le cap dans la tempête. L’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) n’échappe pas à ce constat. L’ESR a besoin d’un vrai service public national avec des actrices et des acteurs ayant les moyens de travailler sur le long terme en toute indépendance des pouvoirs politiques et économiques. Nous avons vu les limites d’une recherche sur appel à projet, des chercheur·es ayant dû arrêter par le passé leurs recherches sur les coronavirus faute de moyens. Des conflits d’intérêts entre chercheur·ses et des grandes entreprises dans les domaines pharmaceutiques sont apparus à la faveur des recherches thérapeutiques contre la COVID-19. La période que nous traversons souligne l’importance des Comités d’Hygiène, de Sécurité et de Conditions de travail (CHSCT). Leur intervention a permis dans beaucoup d’établissements de protéger les travailleur·ses, que ce soit en améliorant sensiblement l’évaluation des risques et l’organisation du travail, ou à défaut en empêchant les sites de ré-ouvrir dans des conditions dangereuses... Ce sont pourtant ces instances précieuses que la loi Dussopt sur la Fonction Publique entend supprimer.

      Dans ce contexte, nous aurions pu espérer un sursaut de prise de conscience de l’impasse où nous conduisent ces politiques de la part du pouvoir en place, donnant aux personnels du service public de l’ESR des moyens permettant d’assurer leur travail et aux étudiant.es, des conditions de vie et d’études satisfaisantes. Mais la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) annoncée par Mme Vidal accélère au contraire la destruction de ce service public. Dénoncée par les personnels et les étudiant·es mobilisés contre ce projet de loi, la LPPR ne répond non seulement à aucun des enjeux faute de moyens suffisants, mais pire elle accentuerait les défauts du système actuel, notamment en renforçant la précarité des personnels comme du financement des unités et des établissements. Cette loi ne revient pas non plus sur la limitation d’accès aux études supérieures (ParcourSup et hausse des droits d’inscription), la réduction de l’offre de formation, qui accélèrent la marchandisation des savoirs.

      La recherche et l’enseignement supérieur sont malades de l’austérité que subit la Fonction Publique depuis des décennies, mais aussi malades de la succession des lois de démantèlement, marchandisation et désengagement de l’état (Pacte pour la recherche, lois LRU 1& 2, RCE, loi ORE…) ; malades également du management néolibéral, qui promeut toujours plus de compétition avec comme corollaire toujours plus de bureaucratie.

      Les chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses de la Fonction Publique sont devenus des chercheur·ses d’argent, contraints à travailler toujours davantage sur des recherches de court terme financées par appel à projets générateur d’embauches de précaires sous-payés et largement exploités en lieu et place de recrutement sur postes pérennes. Le travail des personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs et techniques (BIATSS et IT) se réduit trop souvent à former ces jeunes précaires qui se succèdent rapidement faute de perspectives, sans plus aucune implication intellectuelle dans les projets développés. À la perte d’avancées scientifiques faute de financement à long terme, à la déstabilisation des équipes liée à un turn-over accru du personnel et à la mise à mal de l’indépendance de la recherche publique, s’ajoutent une perte de sens et une généralisation de la souffrance au travail. À bien des égards, le diagnostic est proche de celui fait par nos collègues des hôpitaux. Le néolibéralisme tue le service public à petit feu.

      Pour la FERC CGT, il s’agit d’abord de rompre avec l’austérité en donnant enfin des moyens, matériels, financiers et en personnels, au système. Mais, il faut aussi un changement complet de paradigme pour une production de connaissance scientifique et un partage du savoir qui soient à la hauteur des enjeux sociaux et écologiques auxquels nous devrons répondre dans les années qui viennent. La FERC CGT met sur la table un certain nombre de propositions pour exiger la mise en place d’une autre politique :

      Le statut de fonctionnaire est la garantie de l’indépendance des personnels de l’ESR, vis-à-vis des pouvoirs économiques, mais aussi du pouvoir politique. Nous revendiquons que l’emploi statutaire passe par l’embauche de fonctionnaires. La FERC CGT est donc opposée à la généralisation de la précarité, avec notamment les CDI de mission ou des CDD « tenure track » prévus dans la LPPR. Pour cette même raison, la loi de la Transformation de la Fonction Publique qui organise le démantèlement du statut de fonctionnaire et des droits des salariés avec la suppression des CHSCT et des CAP doit être abrogée.

      Les personnels de l’ESR sont très largement sous-payés par rapport à ceux des autres pays de l’OCDE, mais aussi en deçà du reste de la Fonction Publique d’État à niveau de qualification équivalente. Le ministère propose des primes au mérite pour rattraper ce retard. Ces primes ne sont pas la solution, car distribuées de manière différenciée, elles augmenteraient la compétition entre les agent·es et génèreraient un climat délétère sans régler le problème de fond. Pour la FERC CGT, il faut revaloriser les salaires et les carrières, cette revalorisation doit s’accompagner d’une augmentation de 18 % du point d’indice, ce qui correspond à la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires depuis 2000. Les salaires des fonctionnaires sont devenus miséreux à cause du gel du point d’indice ! Nous le répétons, la FERC CGT est contre le morcellement des 3 Fonctions publiques et n’acceptera pas des différences dans la valeur du point d’indice, selon qu’il s’agisse de la Fonction publique d’État, de la Fonction publique territoriale, de la Fonction publique hospitalière.

      L’emploi statutaire s’érode depuis des années avec une explosion concomitante de la précarité. Après l’échec de la loi Sauvadet dans l’ESR, nous revendiquons un vaste plan de titularisation de tous les précaires actuellement employés sur emplois pérennes. En 2017, la France comptait 23.618 enseignant·es-chercheur·ses (EC), 5116 chercheur·ses, et 31.675 BIATSS ou IT contractuel·les précaires employés sur missions permanentes. Ce plan de titularisation ne suffira pas à lui seul à compenser les suppressions d’emplois dans la recherche et le retour d’un taux d’encadrement des étudiant·es acceptable. De la même façon, les personnels des CROUS, maillon essentiel à l’accueil et accompagnement des populations étudiantes doivent relever du statut de fonctionnaire et il est donc essentiel de lancer une campagne de concours de titularisation conforme aux engagements pris par l’État. La FERC CGT propose un plan de titularisation des personnels précaires et la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de création d’emplois de fonctionnaires dans tous les corps. Il faut au moins l’équivalent de 70.000 emplois titulaires à temps plein supplémentaires sur 4 ans.

      La recherche contractualisée en mode projet nous conduit droit dans le mur. Fondée sur le court terme (projets à 3-4 ans) et des « livrables » prédéfinis, elle limite le développement d’une libre recherche, suivant sur du long terme toutes les pistes possibles. Elle est aussi un véritable gaspillage de temps et d’argent. Si l’on tient compte du temps passé pour monter les projets, les évaluer et en assurer le suivi organisationnel, les frais de gestion du projet s’élèvent à près de 50% de son montant total : 2,3 Mds € sont ainsi perdus en pure perte, au prétexte de ne donner des moyens qu’à des soi-disant « excellents », et en ayant créé de toutes pièces un mille-feuille administratif et bureaucratique. La FERC CGT revendique la suppression de l’ANR, des initiatives d’excellence, ainsi que du Crédit Impôt Recherche (CIR) et propose à l’inverse la redistribution des moyens aux unités et établissements sous forme de dotations pérennes. Les budgets d’État des CROUS doivent être augmentés et pérennes, et les CROUS doivent disposer d’une rallonge financière d’urgence de 230 M€ de crédits d’État au moins.

      Les personnels souffrent de logiques managériales. Ces logiques libérales usent les personnels, provoquent une perte du sens du travail et empêchent la réalisation des missions de service public. La FERC CGT est pour la suppression de l’HCERES et demande le retour des prérogatives du CoNRS et de la CNU. Elle s’oppose à l’évaluation individuelle des EC dont le renforcement est prévu dans la LPPR. Nous sommes aussi pour mettre un terme aux fusions et autres ré-organisations d’universités qui ne font qu’accentuer les inégalités sur le territoire et préparent la marchandisation de grandes « universités de recherche ». La FERC-CGT demande le renforcement des organismes nationaux de recherche et des universités dans leurs missions de développement des connaissances dans toutes les disciplines.

      Nous devons reconstruire un service public de la publication scientifique. L’édition scientifique a été préemptée par des grands groupes privés qui génèrent des profits importants (plus de 20% de marge) sur le dos des scientifiques et de nos impôts. Ce système alimenté par le management selon le « publish or perish » a fait exploser le nombre de publications, mais aussi le nombre de fraudes scientifiques. Nos publications et données doivent redevenir gratuites et accessibles à toutes et tous.

      L’enseignement à l’université doit être repensé, pour lui restituer ce qui en fait un système riche et original de « formation à et par la recherche », de formation à l’esprit critique et à la citoyenneté. Le statut des enseignant·es du supérieur doit rester un statut d’enseignant·e-chercheur·se et la formation dispensée doit rester adossée à la recherche à tous les niveaux ou cycles de formation. Elle doit également contribuer au développement et à la diffusion des connaissances pour l’ensemble de la société. Des moyens pérennes (financiers et humains) sont nécessaires pour cela. La FERC CGT dénonce aussi la tentative de généralisation de l’enseignement à distance, avec l’université « dématérialisée », sans contact humain et sans expérience du collectif, que Mme Vidal voudrait mettre en place pour la rentrée 2020. Le Lien pédagogique assuré durant le confinement grâce à l’implication exceptionnelle des personnels est forcément un pis-aller qui ne permet pas les interactions directes étudiant·es-enseignant·es qui sont irremplaçables. Les classes virtuelles ne sauraient en effet remplacer l’indispensable socialisation estudiantine qui se noue sur les bancs des universités (amphithéâtre, groupes de travaux dirigés…). Comment former des étudiant·es qu’on ne connait pas ? Comment savoir leur degré d’implication ? Comment éviter la sélection sociale, que ce soit par l’accès privilégié aux ressources numériques, l’accès au logement étudiant décent ? Quelle va être la situation pour les enseignant·es et les étudiant·es qui se retrouvent isolés et dépassés par cette « nouvelle » pédagogie ? Comment faire face à un métier qui exige et se nourrit du contact direct et des échanges avec pour objectif l’acquisition de l’autonomie, de la méthodologie et de l’esprit critique dans l’acquisition des savoirs. Le télé-enseignement et plus généralement le travail à domicile doivent demeurer l’exception et non la règle.

      Les étudiants doivent avoir les moyens d’étudier dans de bonnes conditions. La FERC CGT est pour la création d’un véritable service public du logement étudiant, de restauration universitaire et du service social pour la vie étudiante, avec des moyens renforcés pour les CROUS. Vivement opposés à toute hausse des frais d’inscription, nous proposons aussi la suppression des frais d’inscription, qui ne représentent qu’une part infime du budget des universités. L’université publique comme l’école doit être gratuite et accessible à toutes et tous.

      Toutes ces mesures ont un coût, mais les moyens existent. C’est un choix de société. Avec la mise en œuvre de ce plan alternatif ambitieux, l’investissement dans la recherche publique dépasserait à peine les 1% du PIB et l’investissement global dans la recherche serait encore très loin des 3% préconisés par l’Union Européenne. Par ailleurs, la remise à plat de tout le millefeuille bureaucratique de la recherche sur appels à projets (ANR : 672 M€, PIA3, 1 Mds € en 2019) et la suppression du CIR (6 Mds €) qui a démontré son inefficacité, ainsi que le redéploiement des crédits du Service National Universel permettraient de débloquer des moyens.

      Ces propositions sont largement incompatibles avec le projet de loi actuel. Nous demandons l’abandon du projet de LPPR, l’allocation de moyens à la hauteur des besoins du service public d’ESR, et l’ouverture de vraies négociations avec les organisations syndicales sur la base des revendications largement partagées par les personnels de l’ESR. Les propositions que nous faisons sont de nature à libérer les acteurs de l’ESR des contraintes bureaucratiques dans lequel le néolibéralisme les a enfermés, pour produire plus de connaissances scientifiques à travers une recherche de qualité et les partager le plus sereinement possible au plus grand nombre d’étudiants au sein de l’université et participer à l’essor et l’avenir de la société.

      En conclusion, le courrier de Madame Vidal aux membres de la communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ne dit en réalité qu’une chose : malgré le rejet massif de la communauté scientifique, le gouvernement entend continuer et même aggraver la politique mise en œuvre depuis des années à l’encontre du service public national de l’ESR.

      Pour faire face aux enjeux sociaux et environnementaux, nous avons plus que jamais besoin d’une recherche de qualité et de citoyens formés par un enseignement supérieur public correctement financé. C’est le sens de nos propositions, que nous mettons en débat.

      Signataires :

      Cendrine Berger (Secrétaire de la CGT FERC Sup) ;
      Hendrik Davi (Secrétaire de la CGT INRAE) ;
      Josiane Tack (Secrétaire du SNTRS-CGT).

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/240620/la-loi-de-programmation-de-la-recherche-lppr-est-tout-le-contraire-d

    • Une université ouverte, combien ça coûte ?

      Après des mois de refus de mettre en discussion le contenu de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), la Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche (ESR) entend la faire voter à marche forcée. Nous présentons ici les revendications chiffrées des Facs et Labos en Lutte. Elles correspondent largement à l’avis du Coneil Economique, Social et Environnemental, très défavorable à la LPPR.

      Le projet de loi présenté aux élu·es du Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER, le 18 juin 2020) confirme son manque d’ambition budgétaire et, surtout, poursuit une logique néolibérale de l’ESR fondée sur la précarisation des ressources financières (recherche en mode projet) et des personnels (Chaires de professeur junior, CDD Tenure Track, CDI de mission).

      La future loi prévoit ainsi une augmentation du budget de l’ANR (Agence nationale de la recherche) et le maintien des dispositifs renforçant la concentration des moyens sur une minorité d’unités et de chercheur·ses, comme les initiatives d’excellence, alors même que la crise sanitaire a montré les graves limites de ce modèle, qui a empêché la poursuite de recherches sur les coronavirus en coupant les financements récurrents.
      Ensuite, la création de CDI de mission et de CDD de type Tenure Track en lieu et place du recrutement de fonctionnaires ne feront qu’accroître la précarité. La possibilité de recruter jusqu’à 25% du flux annuel de directeur·trices de recherche et de professeur·es sous cette forme menace à terme l’existence même des statuts de maitre·sses de conférence et de chargé·es de Recherche.
      Par ailleurs, les annonces budgétaires prévues dans la loi sont très en deçà des promesses faites par le président de la République, et encore plus des besoins réels, si l’on prend en compte l’augmentation du nombre d’étudiant·es (+30 000/an) et le volume de recherche nécessaire pour répondre aux enjeux sociaux, de santé et de connaissance. Au mieux, le gouvernement propose une croissance équivalente à celles des années précédentes, et l’essentiel des promesses budgétaires porte sur les gouvernements futurs, qui ne seront nullement engagés par la loi.

      Une augmentation massive des effectifs de fonctionnaires est nécessaire dès à présent du fait de l’accroissement du nombre d’étudiant·es, pour une meilleure qualité d’enseignement et pour mettre en oeuvre les mesures de distanciation physique, tout en maintenant les activités de recherche.

      Contre la marchandisation des savoirs et face aux crises écologiques, sociales et sanitaires, nous exigeons toujours le retrait de ce projet de loi. Par ailleurs, nous proposons un contre-projet défendant les ressources collectives de la production des connaissances qui consiste en un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires, et qui assure un revenu garanti pour les étudiant·es et une redistribution plus égalitaire des moyens fondé·es sur deux principes :

      l’emploi de fonctionnaires pour résorber la précarité et assurer l’indépendance des chercheur·ses dans la poursuite de leurs travaux sur le temps long ;
      des dotations pérennes aux unités de recherche, à la hauteur des enjeux.

      Sur la base de ces revendications portées par les organisations syndicales et les travaux d’une commission du comité de mobilisation, qui s’est réunie lors des coordinations nationales de la recherche de février et mars 2020, voici les différents éléments de chiffrage à même de constituer la base d’un véritable projet alternatif.
      Une hausse des budgets

      En France, l’ensemble des activités de recherche et développement (R&D), dans les domaines public et privé, atteint 2,19 % du PIB en 2017. C’est en-deçà de l’objectif de l’UE, fixé à 3% dans le cadre de la stratégie « Europe 2020 », ainsi que de l’objectif français établi par la stratégie nationale de la recherche (SNR). Ce chiffre place la France à la 5ème et avant-dernière place des six pays de l’OCDE les plus importants en termes de volume de dépense intérieure de recherche et développement (DIRD). Dans le projet de loi de Finance 2020, le budget du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) était de 25,5 Milliards d’euros. De nombreuses estimations basées sur le PIB ont souvent été mises en avant par les organisations syndicales : 1% pour la recherche publique civile, 2% pour l’enseignement supérieur par exemple. Cependant, si ces estimations sont intéressantes pour donner des ordres de grandeur, elles ont plusieurs défauts : elles ne prennent pas en compte la nécessaire décroissance de la production de certains biens ou services pour réduire notre impact écologique – ce qui peut aller de pair avec une réduction du PIB ; elles ne se sont pas révélées robustes ni dans le contexte de crise économique de 2008, ni dans celui de la crise sanitaire d’aujourd’hui. Ici, nous préférons donc mettre en avant une autre démarche qui parte des besoins dans la recherche et l’enseignement supérieur. Nous listons donc une série de propositions qui doivent être mises en place dans les 5 ans à venir avec les budgets correspondants. Certaines de ces revendications ne concernent pas directement le MESRI (comme le revenu étudiant), mais toute la politique gouvernementale.

      Titularisation de tou·tes les précaires sur fonctions pérennes

      Les personnels au statut précaire occupant des fonctions pérennes représentent une ressource considérable et permanente étant donné les besoins non satisfaits de l’ESR ; cela a encore été démontré lors de la crise sanitaire de la COVID-19. En 2017, la France comptait 23 618 enseignant·es-chercheur·ses non permanent·es, 19 901 agents contractuel·les hors enseignant·es employé·es sur missions permanentes. Il y avait 5 116 chercheur·ses non permanent·es et 11 774 Ingénieur·es et personnel·les Techniques de Recherche et de Formation (ITRF) contractuel·les sur missions permanentes. Tou·tes ces agents sont déjà payé·es en grande partie par des crédits publics, souvent dans le cadre de projets financés par l’ANR, les régions, l’Europe ou les initiatives d’excellence. La titularisation de tou·tes ces précaires ne correspond pas à une augmentation budgétaire nette, mais, à terme, elle présente un coût, car ces précaires sont évidemment moins bien payé·es que les titulaires. Pour estimer le différentiel, il suffit d’utiliser les coûts salariaux donnés pour les appels à projet. Nous avons pris en première approximation pour les enseignant·es-chercheur·ses et les chargé·es de recherche (CR), le coût des CDD CR et pour les Ingénieur·es et technicien·nes qui peuvent avoir des rémunérations très variées, celui des CDD IE2. Notons que ce plan de titularisation ne tient pas totalement compte des heures supplémentaires des maître·sses de conférences et du travail des 130 000 vacataires.
      Mise en place d’un plan pluriannuel de création d’emplois pérennes

      Le SNESUP revendique le recrutement de 6 000 enseignant·es-chercheur·ses par an, pendant 5 ans. Sachant que selon les projections, il y aura 350 000 étudiant·es de plus en 2025, le ratio enseignant·es/étudiant·es passerait ainsi de 35 à 41/ 1000 étudiant·es. En 2019, le Comité National de la Recherche Scientifique déclarait qu’il fallait recruter, en plus de la compensation des départs, 3 000 chercheur·ses et 2 000 BIATOSS (personnel·les de bibliothèque, ingénieur·es, administratif·ves, techniques, ouvrier·es de service, sociaux·les et de santé) par an au CNRS. Lors de son congrès de 2019 la CGT INRAE estimait qu’il fallait un recrutement de 300 chercheur·ses- ingénieur·es et 600 technicien·nes. Pour les autres EPST (Etablissements publics à caractère scientifique et technologique), nous avons extrapolé les chiffres du CNRS.
      Augmenter le financement de l’université par étudiant·e et garantir un revenu étudiant

      Notre projet inclut aussi un plan de lutte contre la précarité étudiante. Nous demandons l’annulation des baisses de budget des CROUS et autres coupes budgétaires nuisant à l’activité d’enseignement ou d’étude. Notre plan est motivé par une exigence d’égalité entre tou·tes les étudiant·es. En 2017, la dépense moyenne par étudiant·e était de 12 820 euros, alors qu’elle est de 15 760 euros pour un·e élève de CPGE. Si l’on veut atteindre une dépense moyenne par étudiant·e équivalente pour la totalité des 2,6 millions d’étudiant·es, 7,6 Mds € sont nécessaires, auxquels il faut retrancher les mesures précédentes qui augmentent déjà cette dépense (revalorisation salariale, résorption de la précarité et plan pluriannuel d’emplois). Ces moyens supplémentaires doivent être fléchés essentiellement vers la licence et vers les universités laissées pour compte des politiques dites d’excellence, alors qu’elles accueillent des publics moins bien dotés économiquement que les classes préparatoires, les grandes écoles et les universités lauréates d’une Idex (Initiative d’excellence). Par ailleurs, il est urgent de garantir le droit au logement en augmentant le nombre de places dans les Cités Universitaires, en baissant les loyers et en revalorisant les bourses et en mettant en place un revenu étudiant. C’est l’ensemble de ces mesures qui garantira la réussite de tou·tes ! Il est aussi nécessaire de supprimer tous les frais afférents aux démarches administratives demandées aux étudiant·es étranger·es.
      Une meilleure répartition des moyens

      Les chercheur·ses doivent cesser d’être chercheur·ses de moyens et doivent pouvoir se concentrer sur la recherche scientifique. Pour cela, il faut remettre à plat tout le millefeuille indigeste et bureaucratique de la recherche sur appels à Projets (AAP) : suppression de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR : 672 M€), des Initiatives d’excellence (PIA3, 1 Md € en 2019) et du Crédit Impôt Recherche (CIR : 6 Mds €). Si l’on tient compte du temps passé pour monter les projets, les évaluer et assurer le suivi organisationnel de ces projets, le coût réel d’un projet (montage et mise en œuvre) équivaut à près de 150% du montant alloué pour ce projet. La recherche sur contrat étant financée à hauteur de 4,6 Mds €, ce sont donc 2,3 Mds € dépensés en pure perte pour des raisons bureaucratiques, au prétexte de ne donner des moyens qu’aux prétendument excellent·es.

      Si l’on raisonne sur les frais de fonctionnement (hors salaires et immeubles), les dotations de fonctionnement des tutelles (universités + EPST) représenteraient actuellement environ 21% du financement total contre 79% pour les AAP. Il faut donc revenir à des dotations pérennes. Une bonne estimation consiste à diviser le budget actuel de fonctionnement des unités par le nombre d’agents présent·es. Un travail de ce type fait dans un grand nombre d’unités serait utile pour estimer les dotations pérennes requises par discipline. À titre d’exemple, pour l’INRAE, une première estimation était de 14 000 euros par an et par agent présent·e dans l’unité. Ce nouveau mode de redistribution des crédits permettrait un rééquilibrage entre les crédits récurrents et les ressources sur contrat, qui devraient être limitées à l’acquisition de grands équipements ou de nouveaux projets d’ampleur décidés collectivement. Cette revendication va de pair avec la suppression de l’ANR et des primes au mérite, les EPST et les universités pouvant recouvrer toutes leurs prérogatives quant à l’usage des ressources sur projets. Mais pour éviter un retour au mandarinat, cette revendication doit s’accompagner d’un fonctionnement plus démocratique des unités avec plus de transparence dans la répartition des budgets dans les équipes (avec une AG financière annuelle avec bilans et projets, des comptes rendus mensuels pour toute l’équipe de la répartition budgétaire, vote en AG des règles de répartition budgétaire, etc.).

      La Loi de Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR), rendue publique la semaine dernière, est aussi destructrice pour le service public de l’ESR que nous ne le craignions depuis le début de notre mobilisation en décembre 2019. Nous continuerons autant que nécessaire à nous mobiliser pour que le gouvernement retire ce projet qui va totalement à l’encontre des nécessités que la crise sanitaire a largement révélées, à savoir un service public de l’enseignement et de la recherche, gratuit et ouvert, des recherches bénéficiant de financement d’État pérennes, sur le long terme, et menées avec des personnels titulaires et correctement rémunérés.

      https://universiteouverte.org/2020/06/25/une-universite-ouverte-combien-ca-coute
      #coût #prix #budget #titularisation

    • Message de la CGT Université de Grenoble du 01.07.2020 :

      Après la séance du CNESER qui s’est tenue dans des conditions déplorables (séance nocturne 20 heures durant, refus de l’administration de le reporter, vote à 6h45 du matin), après le rejet par le Conseil supérieur de la Fonction publique d’État (CSFPE : contre : CGT, FO, FSU, pour : UNSA, abstention : CFDT), et après le vote de l’avis au Conseil économique et social environnemental (CESE : 92 votant·es, 81 pour l’avis et 11 abstentions) , très critique contre le projet de loi, après le boycott du premier CT-MESR, le Comité technique du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (CT-MESR) du 25 juin 2020 vote contre le projet de « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) : 7 contre (CGT, FSU, FO, SUD), 5 pour (SNPTES, UNSA) et 3 abstentions (CFDT).

    • L’Université à bout de souffle

      Après la loi ORE en 2018, le décret « Bienvenue en France » et l’augmentation des frais d’inscription pour une partie des étudiants étrangers hors-UE en 2019, l’année universitaire qui vient de s’achever a vu une nouvelle réforme menacer les principes fondateurs de l’Université française. Le projet de loi LPPR, ou Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, est un texte qui propose, en principe, une évolution du budget de la recherche jusqu’en 2030. Dans les faits, la LPPR s’accompagne également de plusieurs mesures vivement contestées par la communauté scientifique : des « CDI de mission » (contrats appelés à se terminer à la fin d’un projet de recherche), des tenures tracks (recrutement accru de professeurs assistants temporaires), ou encore le renforcement d’un système de financement de la recherche basé sur des appels à projets et des évaluations prospectives.

      Maître de conférence, chercheur en Études cinématographiques à l’Université Paris Sorbonne Nouvelle depuis 2006 et codirecteur du Master Cinéma et Audiovisuel depuis 2019, Antoine Gaudin est en première ligne face à cette nouvelle mesure qui menace le monde, déjà fragile, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous avons voulu nous entretenir longuement avec lui pour faire le point sur les conséquences de la LPPR sur son travail, sur les dernières réformes du quinquennat Macron à l’encontre de l’Université, mais aussi sur les formes possibles de contestation.

      Avant d’entrer dans le vif du sujet, il serait intéressant de commencer par évoquer les différents statuts que l’on peut trouver dans l’enseignement supérieur : Professeur, Maître de conférences, chargé de cours, BIATSS, etc. Tout ceci n’est pas forcément évident pour qui n’aurait pas un pied à l’université. Comment s’organise et se répartit le travail dans l’enseignement supérieur ?

      C’est bien de commencer par là, car le problème avec les réformes de l’Université, c’est que personne, à l’extérieur, ne semble les comprendre. Le fonctionnement des universités n’est pourtant pas si opaque, mais les médias grand public s’en désintéressent, parce qu’ils jugent cela trop compliqué pour leur public, pour lequel ils n’ont pas une grande considération. Pour résumer, derrière le terme générique de « profs », se cache un certain nombre de statuts. Il y a d’abord les titulaires, c’est-à-dire ceux qui occupent un emploi statutaire : Professeurs et Maîtres de conférences. Maître de conférences est le premier grade d’enseignant-chercheur titulaire. On y accède au niveau bac+8, après avoir rédigé et soutenu avec succès une thèse de doctorat de plusieurs centaines de pages, être devenu expert dans un ou plusieurs champs, et avoir obtenu une qualification de la part du CNU (Conseil National des Universités) sur la base d’une production conséquente et régulière d’articles et de conférences scientifiques ; le tout, en donnant plusieurs centaines d’heures de cours sous des contrats précaires et mal payés, et en s’impliquant, souvent à titre gratuit, dans des tâches d’organisation de la recherche, sur un grand nombre d’années pendant et après la thèse.

      Cela suffit-il pour être recruté ?

      Loin de là. Si l’on a fait tout cela et si on a un talent reconnu, une grosse force de travail, un bon réseau et de la chance, on sera peut-être recruté un jour, à un âge compris entre trente et quarante ans, et parfois même plus tard, sur un des rares postes mis au concours, face à une centaine de candidats d’un niveau comparable. Une fois en poste, on continuera à travailler au moins 50 heures par semaine toute l’année (même hors des périodes de cours), souvent soirs et week-ends compris, pour mener de front activités de recherche, activités d’enseignement et activités administratives – ces dernières étant de plus en plus nombreuses et chronophages au fur et à mesure que la situation des universités se détériore. La fonction de Professeur est assez similaire à celle de Maître de Conférences, c’est simplement le grade au-dessus, avec la différence qu’à ce niveau on dirige des thèses de doctorat. On y accède en moyenne au bout de 10 ou 20 ans de Maîtrise de conférences, après avoir passé un nouveau diplôme, l’HDR (Habilitation à Diriger des Recherches) et un nouveau concours de recrutement.

      Ça, c’est pour les titulaires, mais la majeure partie des enseignants-chercheurs de l’Université française sont en réalité des précaires…

      En effet, les universités ne pourraient aujourd’hui pas fonctionner sans la vaste cohorte des enseignants non-titulaires : contractuels en CDD (ATER, PRAG, PAST, PRCE), et surtout chargés de cours payés à l’heure, pour la plupart des doctorants ou docteurs bac+8 qui sont engagés au petit bonheur la chance selon les besoins des formations, sans garantie de reconduction d’une année à l’autre ou d’un semestre à l’autre, qui ne bénéficient d’aucun contrat digne de ce nom et d’aucune couverture sociale, qui sont payés en dessous du SMIC horaire si on prend en compte le total de leurs heures de travail, et qui ne touchent leur argent que plusieurs mois après la fin de leurs prestations. Du fait de l’asphyxie budgétaire des universités, la plupart des cours dispensés aux étudiants de Licence le sont ainsi aujourd’hui par des personnes fragilisées socialement, dépensant parfois en billets de train pour rejoindre une université lointaine tout ce qu’elles y gagnent en y donnant cours, obligées de recourir à des petits boulots alimentaires pour survivre, et même pour avoir simplement le droit d’enseigner, car l’Université ne paie pas de charges sociales sur leurs contrats et exige qu’ils soient employés ailleurs. Je connais ainsi des gens qui sont bac+8 et qui, pour avoir le droit d’enseigner à l’Université, sont agents d’entretiens, caissiers, travaillent dans des pressings, etc. Des métiers éminemment utiles et respectables, mais qui ne correspondent pas à leurs compétences et à leurs qualifications. Rappelons qu’en parallèle de cet investissement passionnel, voire sacrificiel, dans l’enseignement, un grand nombre de chargés de cours contribuent gratuitement à la recherche française, en assurant tant bien que mal une production scientifique, par intérêt pour cette activité, mais aussi afin de continuer à exister dans le milieu universitaire, et ainsi nourrir l’espoir de faire un jour parti des rares heureux élus qui décrocheront un poste de Maître de conférences. Du fait de la rareté des postes de MCF mis au concours, ce dernier statut est aujourd’hui vu comme le Graal, c’est-à-dire comme un privilège, alors qu’il devrait simplement être une norme pour les travailleurs de l’Université.

      La réalité de l’Université française aujourd’hui, c’est cela : un système d’exploitation généralisé, qui s’étend également à la situation des personnels techniques et administratifs, les BIATSS, dont les missions sont tout aussi essentielles au bon fonctionnement logistique des établissements. Eux aussi sont en sous-effectif et en surcharge quasiment partout. Faute de budget suffisant pour des CDI pérennes, ils sont le plus souvent recrutés sur des postes temporaires et sous-payés. Cela les empêche de s’inscrire dans la durée sur lesdits postes, ce qui entraîne un important turn-over, avec tout le gâchis de compétences et tous les dysfonctionnements qui accompagnent chaque transition, et qui, évidemment, impactent négativement les étudiants. À tous les niveaux de ce système, on retrouve donc surcharge, pénurie, sous-rémunération et souffrance au travail. Même les plus « privilégiés » en apparence, les Maîtres de conférences et les Professeurs, en pâtissent. Le nombre de postes de MCF mis au concours a chuté de 40 % ces quinze dernières années, alors que le nombre d’étudiants accueillis par l’Université ne cesse d’augmenter. Leur rémunération est de 40 % inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE, ce qui veut dire que la France est, parmi les pays développés, un de ceux qui traitent le plus mal ses enseignants-chercheurs. Comme ces derniers sont les seuls à pouvoir occuper certaines fonctions d’encadrement administratif, qu’ils sont de moins en moins nombreux pour les assurer, et que lesdites tâches sont de plus en plus chronophages tout en étant assorties de décharges horaires absolument ridicules, les enseignants-chercheurs titulaires se retrouvent souvent dans l’impossibilité matérielle de remplir à bien toutes leurs missions, notamment celles pour lesquelles ils sont recrutés, à savoir l’accompagnement pédagogique des étudiants et la production de recherche.

      Justement, la spécificité des enseignants du supérieur, par rapport à ceux du primaire et du secondaire, c’est d’être aussi des chercheurs. Quelle est la situation du côté de la recherche française ?

      Il faut en effet rappeler que les universités ne sont pas seulement des lieux d’enseignement, mais également des lieux de recherche, les deux activités se nourrissant mutuellement. C’est pourquoi nos cours, notamment, changent continuellement, car ils sont en permanence nourris ou réactualisés d’éléments nouveaux issus de nos activités de chercheurs. Cette relation d’enrichissement mutuel entre l’enseignement et la recherche est au cœur du principe de l’Université, elle définit sa fonction première dans une société développée. Or aujourd’hui, quel que soit notre statut, la recherche est devenue un luxe, une activité pour laquelle il faut apprendre à « voler du temps », sur la charge pédagogico-administrative devenue de plus en plus lourde, ou bien, le plus souvent, sur la vie privée et les congés. Beaucoup de collègues n’arrivent même plus à assurer convenablement leur veille scientifique, c’est-à-dire le fait de lire les publications qui paraissent dans un champ donné dont ils sont experts, alors qu’il s’agit de l’activité de base d’un chercheur pour rester à niveau dans son champ. La recherche est également devenue une activité plus difficile à exercer parce qu’elle coûte souvent de l’argent – par exemple quand il s’agit de mener une expérience, d’utiliser du matériel coûteux, d’organiser ou de se rendre à des colloques scientifiques dans d’autres villes ou d’autres pays, etc. Or les financements récurrents ont fondu comme neige au soleil, l’État français étant très loin de tenir ses engagements internationaux de 1 % du PIB alloués à la recherche publique. Cela n’empêche pas les gouvernements successifs de clamer l’importance que la recherche aurait pour eux. Il est vrai que ces déclarations ne leur coûtent pas cher, puisqu’elles ne sont jamais suivies des actes. Au contraire, la recherche n’a jamais été aussi abandonnée par les pouvoirs publics. Les seuls laboratoires qui parviennent aujourd’hui à faire convenablement de la recherche sont ceux qui ont obtenu des financements supplémentaires en passant par des appels à projet, qui sont des procédures très coûteuses en temps, et très sélectives : moins de 20 % des projets présentés à l’ANR, l’Agence Nationale de la Recherche, débouchent sur un financement. Cela veut dire qu’une partie importante des chercheurs français, au lieu d’effectuer leurs recherches et d’en faire profiter la société, passent leurs temps à chercher… de l’argent, et à n’en pas trouver – donc, tout s’arrête là.

      Au-delà de sa sélectivité, le financement de la recherche par les appels à projets est également critiqué pour ses effets sur la recherche elle-même…

      En effet, cette concentration des ressources sur les quelques laboratoires ayant triomphé dans les appels à projets est à l’origine de plusieurs problèmes. D’abord, une logique de concurrence entre les labos qui, au lieu de coopérer pour avancer ensemble sur un sujet, se font la guerre pour devenir les « meilleurs » et obtenir les subsides. Ensuite, une logique d’opportunisme, puisque la prime va souvent aux projets « dans l’air du temps », au détriment de la recherche fondamentale au long cours. Enfin une intensification du népotisme, puisque dans l’examen des projets et la sélection de ceux qui auront le droit de se développer, les relations interpersonnelles et la réputation des différentes équipes prennent souvent le pas sur l’expertise objective. Tout cela est complètement contraire à ce qu’il faudrait pour le développement d’une recherche française forte et innovante. Or, en ne se basant que sur les financements récurrents, un laboratoire ne peut plus fournir à ses chercheurs les moyens nécessaires pour assurer convenablement leurs missions et produire leurs résultats.

      Je prends brièvement mon exemple personnel, pour que ce soit plus parlant. Pour un des derniers colloques internationaux auxquels je me suis rendu, en tant que spécialiste du domaine traité, j’ai dû financer en partie mon voyage et, sur place, dormir sur le canapé d’une amie, car mon labo m’avait déjà payé un autre déplacement international la même année, j’avais donc épuisé mon « crédit ». Mon prochain livre, sur mon autre champ de spécialité, si je veux le publier chez un éditeur universitaire, il va falloir que j’y aille de ma poche à hauteur de 1000 ou 2000 euros, parce que mon labo n’a pas les ressources pour m’aider. Du coup, il est possible que j’y renonce, et que je passe par un éditeur commercial, qui va sans doute m’imposer certaines contraintes de vulgarisation, allant dans le sens de l’atténuation d’une recherche avancée par définition moins accessible au grand public. Dans les deux cas, on parle de champs dans lesquels mon expertise est attestée, ce que je me permets de préciser pour dire que je n’y débarque pas de façon intempestive, au petit bonheur la chance. Quand je vais à l’étranger pour un colloque, c’est pour faire connaître mes travaux et connaître ceux des chercheurs venus d’autres pays, ce qui m’est essentiel ; ce n’est pas pour faire du tourisme, comme si c’était un luxe ou un privilège dont il ne faudrait pas abuser. Dans quel autre métier doit-on ainsi assumer soi-même, sur son argent personnel, ses frais de mission et de fonctionnement ? Difficile, dans ces conditions, pour un chercheur français, de « rayonner » internationalement, comme nos dirigeants ne cessent pourtant de nous enjoindre à le faire.

      Cette situation de pénurie des ressources résulte directement des différentes réformes ayant eu lieu ces quinze dernières années. Et après, nos gouvernants s’étonnent que la recherche française soit en décrochage au niveau international, alors qu’ils ont créé et maintenu toutes les conditions pour qu’elle le soit. Le plus absurde, c’est lorsqu’ils proposent, comme aujourd’hui, d’y remédier en appliquant les mêmes recettes qui ont conduit à ce décrochage. Comme s’ils pensaient qu’en intensifiant leurs logiques managériales nocives, cela finira un jour, magiquement, par fonctionner. C’est ce qui se passe actuellement avec le projet de loi LPPR.

      Cette réforme arrive donc à un moment où l’Université publique ne semble pas dans un très bon état.

      Elle se trouve dans un état catastrophique. Il s’agit d’un service public sinistré, où les conditions de vie et de travail se sont considérablement dégradées : classes de TD surchargées dans lesquelles les étudiants s’entassent, parfois sans y trouver assez de chaises, et au mépris des consignes de sécurité incendie, faute de locaux et de recrutements d’enseignants suffisants (les classes à 50 étudiants dans des salles où il est en théorie interdit d’être à plus de 40 sont aujourd’hui notre lot quotidien) ; matériel de cours défectueux et impossible à remplacer, faute de budget suffisant (en cinéma-audiovisuel, si le vidéoprojecteur de la salle donne une image verdâtre au premier cours, on sait qu’on l’aura tout le semestre, sauf si l’on amène en cours son propre matériel de projection) ; nombreux dysfonctionnements techniques, pédagogiques et administratifs, dont les étudiants se plaignent quotidiennement, et dont ils nous rendent responsables, alors qu’ils sont directement dus au sous-effectif et au sous-équipement ; insalubrité et pénurie dans les lieux de vie, faute de recrutements suffisants de personnel qualifié pour les maintenir (par exemple, des toilettes sans papier et sans savon, même en plein Covid) ; etc.

      Pourquoi cette dégradation en particulier sur les quinze dernières années ? Quelle était l’inspiration des précédentes réformes ?

      Depuis une quinzaine d’années, l’Université a connu une épuisante avalanche de réformes (lois LRU / Pécresse, Fioraso, ORE / Parcoursup, etc.), qui ont lessivé les personnels, lesquels ont dû à chaque fois réadapter toutes leurs procédures, et qui sont toutes allées dans le même sens : celui d’un new public management d’inspiration néolibérale, qui entend assécher les budgets des services publics, et leur imposer les critères de fonctionnement d’une entreprise privée : « flexibilité », c’est-à-dire précarisation maximale des salariés ; concurrence, c’est-à-dire que les financements normaux ou les conditions de travail normales ne sont plus qu’un privilège accordé aux « meilleurs » (ou jugés comme tels) ; et « rentabilité » économique, c’est-à-dire principe des économies de bout-de-ficelle à tous les étages érigé en loi générale de fonctionnement. Car lorsqu’on dit que l’idée, c’est d’aller de plus en plus vers la logique de fonctionnement d’une entreprise privée, il faudrait ajouter, pour être plus exact : d’une entreprise « privée » de moyens. Car les budgets des établissements ont gravement chuté, en conséquence directe de ces réformes, notamment celles de la fin des années 2000, qui ont instauré « l’autonomie » des Universités.

      En quoi consistait cette « autonomie » des Universités ?

      Cette question permet de souligner un autre point commun entre toutes les récentes réformes que je viens d’évoquer. C’est le fait qu’elles ont systématiquement été accompagnées d’une novlangue ronflante qui dissimulait aux non-avertis leur caractère punitif. Qui ne voudrait pas être autonome ? Mais le mot-magique « autonomie » signifiait en fait : asphyxie budgétaire, désengagement continu de l’État, universités livrées pieds et poings liés, sans moyens, à une logique de marché. D’où le gel des postes mis au concours et des rémunérations, d’où le sous-encadrement humain et matériel érigé en principe de fonctionnement, par des établissements qui ont quasiment tous des comptes dans le rouge. Aujourd’hui, en France, les universités ne cherchent plus à assurer un bon niveau de service public, elles cherchent seulement à éviter la faillite en faisant des économies par tous les moyens.

      On arriverait donc à un point de confrontation aigu entre les principes fondamentaux des services publics et l’agenda d’un pouvoir néolibéral.

      À défaut de pouvoir complètement détruire un service public, l’idéologie néolibérale commande en effet de toujours atteindre le point le plus dégradé où il « fonctionne quand même à peu près », c’est-à-dire où il ne coule pas complètement, avec le moins de budget possible. Le but n’est donc plus d’assurer une bonne mission de service public, mais de faire faire des économies à un État qui, lui, peut ainsi distribuer ses faveurs aux grandes fortunes et aux grandes entreprises du pays. Ces dernières sont de leur côté fantasmées comme des modèles de développement harmonieux et efficace, dont les principes devraient valoir dans tous les secteurs, et comme les garants de la prospérité nationale, selon la fameuse théorie du « ruissellement », qui promet que l’enrichissement des plus riches bénéficiera in fine à tous. Évidemment, cette théorie ne fonctionne pas du tout, puisqu’elle n’a eu qu’un seul effet visible sur les quarante dernières années, celui de renforcer les inégalités sociales. Les milliardaires français ont vu leurs revenus et leurs patrimoines exploser, tandis que de l’autre côté de l’échelle sociale, le sentiment de précarité et d’insécurité a augmenté pour une large partie des Français.

      Mais cela va au-delà des privilèges toujours plus grands accordés à une petite catégorie de possédants au détriment de l’ensemble de la population. Dans les attaques continues dont ils sont l’objet, ce qui est perdu, c’est la nature même de ce que sont les services publics, c’est-à-dire des biens communs, une richesse collective, dont tout le monde devrait pouvoir profiter dans une société. L’erreur fondamentale du discours des néolibéraux sur le caractère coûteux des services publics, c’est d’occulter tout ce que ces derniers peuvent faire gagner au pays, dès lors qu’ils sont dignement financés et fonctionnent correctement. Et cela, non seulement en vertu d’idéaux humanistes de partage, de solidarité, de lien social, de savoir et de connaissance, dont on sait que les dirigeants néolibéraux n’ont que faire. Non, même au niveau économique, on peut y gagner, car une population sécurisée, ayant accès quasi-gratuitement à des biens publics fondamentaux qui fournissent des prestations satisfaisantes en termes de santé, d’éducation, c’est aussi une population qui a plus de latitude pour consommer et pour investir, et donc pour faire tourner l’économie. Mais pour s’en rendre compte, il faudrait sortir du paradigme néolibéral érigé en incarnation de la raison et de la « nécessité », et se rendre compte, collectivement, que d’autres solutions sont possibles pour arbitrer les dépenses et les recettes d’un État et pour réguler le fonctionnement du marché capitaliste – dans la perspective keynésienne que je viens de décrire à gros traits, par exemple.

      Tu parlais à l’instant d’une « novlangue » enrobant les réformes anti-sociales, j’imagine que le récent décret « Bienvenue en France », une des dernières réformes tombées ces dernières années, en constitue un exemple saillant.

      Je n’en vois pas de plus révélateur, à vrai dire. À partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui nomment « Bienvenue en France » une mesure ouvertement xénophobe, une mesure qui multiplie par quinze (!) les frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union Européenne, sans que cette hausse, délirante, ne soit assortie d’aucun avantage par rapport à leurs camarades étudiants français ou européens (ce qui constitue d’ailleurs un cas de discrimination de l’accès à un service public basée sur l’origine géographique), à partir du moment où vous avez au pouvoir des gens qui tordent le langage pour lui faire signifier tout simplement l’inverse ce qui est, vous n’êtes pas simplement face à la pratique de l’enrobage flatteur constituant le support traditionnel de la communication politique. À ce niveau-là, vous avez basculé dans un au-delà de la raison, que l’on appelle parfois post-vérité, que des responsables politiques de haut rang devraient s’interdire d’utiliser, et que des médias critiques et indépendants devraient dénoncer, étant donné le danger qu’il représente pour la démocratie.

      Abordons à présent frontalement la question de la LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche). Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur cette réforme en cours ? En quoi consiste-t-elle précisément ?

      Il s’agit d’abord d’une attaque en règle contre l’enseignement universitaire. Le projet prévoit la suppression d’un quart environ des postes de Maître de conférences titulaire, déjà beaucoup trop rares, pour y substituer de nouveaux contrats précaires à durée déterminée : « CDI (sic) de mission » et tenure tracks. « À l’américaine », puisque les dirigeants français ont une certaine propension à importer ce qui se fait de pire dans les autres pays : au moment même où nous allons l’adopter, le système des tenure tracks est ainsi dénoncé massivement dans les pays qui l’ont expérimenté avant nous. Certes, certains de ces contrats précaires présenteront des caractéristiques qui peuvent passer pour des avantages pour leurs bénéficiaires – comme le fait de pouvoir être recruté sans qualification par le CNU (Conseil National des Universités) et de pouvoir diriger des recherches de thèses sans passer par l’habilitation qui l’autorise –, mais ils iront alors, sur ces points, à l’encontre des fondements de la vie universitaire, et notamment du principe des procédures d’évaluation et de recrutement par les pairs. Il s’agit donc d’une attaque énorme contre le statut des enseignants-chercheurs, qui est leur protection et la garantie de leur indépendance. Mais surtout, ce qui va découler de ces nouveaux contrats temporaires venant se substituer aux postes permanents, c’est une nouvelle augmentation de la proportion déjà proéminente des précaires, aux situations sociales souvent alarmantes, parmi les enseignants et les chercheurs. Cela va dans le sens d’une contractualisation toujours plus grande à l’intérieur de la fonction publique, signe d’une politique globale d’importation des méthodes de management du privé. Pour les personnes compétentes en attente de poste, l’âge moyen d’une éventuelle titularisation passerait de 35 ans à 42 ou 43 ans. Sans parler de tous ceux qui sortiront du système sans poste à cet âge-là… Quant aux titulaires, étant toujours moins nombreux, ils seront encore plus accablés par les heures supplémentaires d’enseignement et par les incontournables tâches d’encadrement administratif qui deviennent déjà, pour certains d’entre eux, l’essentiel de leur métier, au détriment de leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Justement, il y a aussi un volet recherche dans la LPPR. Qu’en est-il de ce côté ?

      En effet, la LPPR est également une attaque en règle contre la recherche, par le fait qu’elle prévoit l’intensification de la logique du financement sur projets. Au lieu de garantir à toutes les équipes de recherche un financement régulier leur permettant de mener leurs projets et de produire des résultats, l’idée est de développer encore plus le système dans lequel on n’obtient un financement qu’après y avoir candidaté, dans un processus coûteux en temps et en énergie, où la plupart des projets sont rejetés. Encore plus qu’avant, les recherches seront évaluées et financièrement récompensées, non sur leurs résultats effectifs, mais sur leurs promesses de résultats. Encore plus qu’avant, les chercheurs passeront une grande partie de leur temps et de leur énergie à monter des projets qui, finalement, ne seront pas financés, et ne donneront donc lieu à aucun résultat. Encore plus qu’avant, à cause du développement des postes précaires, on va priver les chercheurs du temps long nécessaire à une recherche de qualité. Encore plus qu’avant, on privilégiera les projets que l’on estime immédiatement « rentables » à court-terme, dans des directions industrielles que l’État va en partie fixer lui-même, au détriment de la recherche fondamentale menée de façon indépendante par les chercheurs. Pourtant, l’histoire de nos sociétés nous a montré que la recherche fondamentale était celle qui aboutissait aux travaux les plus solides, aux découvertes les plus significatives, et in fine à la contribution la plus importante à la richesse économique et culturelle d’une nation. Bref, le projet LPPR va à l’encontre des principes de base de la recherche, qui se développe par collégialité et non par concurrence, sur le temps long et non dans la courte-vue, de façon indépendante et non pilotée par des intérêts extérieurs.

      Rappelons que l’on aurait sans doute beaucoup mieux maîtrisé l’émergence du virus Covid si les laboratoires qui travaillaient dessus avant l’épidémie avaient pu poursuivre leurs travaux, jugés « non-rentables » à l’époque, au lieu de les interrompre faute de crédits. Ce seul exemple devrait, dans le contexte actuel, suffire à mettre en lumière l’absurdité de cette idéologie de la rentabilité à court terme, fondée sur la course au profit et sur la précarité matérielle et intellectuelle érigées en principes. La recherche n’est pas une compétition sportive « darwinienne » dans laquelle il faut s’éliminer les uns les autres. La recherche, c’est une aventure collective, qui se nourrit avant tout de coopération : si un labo A progresse sur tel sujet de recherche, c’est à partir des travaux d’un labo B, qui lui-même a amélioré ses résultats grâce aux contre-études d’un labo C, etc. Ainsi, à la fin, tout le monde y gagne : les labos, et au-delà, l’ensemble de la société, bénéficient de ces travaux. À l’inverse, une mise en concurrence des labos pour obtenir les moyens de travailler, cela revient à ne permettre qu’à un seul des trois labos, A, B ou C, d’avancer significativement, et tout seul, sans l’apport de ce qu’auraient pu produire les deux autres qui restent à quai. Cela permet de souligner que les chercheurs ne sont pas opposés, par principe, à la concurrence et à l’évaluation. Ces dernières font partie du métier, mais il faut savoir où les placer. La concurrence, ce doit être de l’émulation entre labos qui ont des moyens comparables et suffisants, et qui vont chercher à s’illustrer en produisant les meilleurs travaux possibles, afin de compter dans leurs champs respectifs. On pourrait parler d’une compétition symbolique, ou de prestige, prenant en compte les travaux finis. Mais une « concurrence » pour obtenir les moyens de fonctionner normalement sur la base d’esquisses des travaux futurs est délétère et éminemment improductive. Nous ne sommes pas non plus, par principe, contre l’évaluation : un chercheur passe sa vie professionnelle à être évalué par ses pairs, avec un impact direct sur le déroulement de sa carrière. Mais l’évaluation-sanction avant travaux pour décider quelles recherches vont avoir le droit ou non d’exister, cela ne doit jamais devenir la base d’un système de financement.

      Ajoutons que la logique du financement sur projets, qui consiste à évaluer les recherches avant qu’elles ne se fassent sur la base de leurs « promesses » de résultats rapides, établies sur des « priorités » qui sont souvent fixées par l’ingérence du politique et de l’industriel, fait peser un certain risque sur les libertés académiques. L’idée de renforcer l’intervention stratégique de l’État dans ce domaine, et d’augmenter la recherche sur fonds privés vont dans ce sens, et promettent une concentration sur la recherche appliquée, ce qui fait peser une lourde menace sur l’ensemble des sciences humaines et sociales en particulier, dont les productions n’ont pas vocation à fournir des débouchés immédiatement rentables pour l’industrie.

      Recherche, enseignement… Ce que l’on comprend de ces explications, c’est que la LPPR ne semble pas être promulguée pour le bien de l’Université ?

      Si les promoteurs de cette réforme prétendent faire le bien de l’Université, c’est soit de la stupidité, soit de la malhonnêteté. Cela traduit dans tous les cas une absence d’écoute envers ce que leur disent aujourd’hui la quasi-totalité des gens qui y travaillent, et une absence de considération pour le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sont très préoccupantes de la part de responsables politiques. Pourtant, ces derniers feraient mieux d’écouter les acteurs de terrain, car ce qu’ils veulent imposer par la LPPR ne va tout simplement pas fonctionner : les étudiants seront encore moins bien accueillis et encadrés, tandis que la recherche française va encore plus décrocher. La bêtise de nos dirigeants néolibéraux, ici, éclate au grand jour, car même si l’on s’accordait sur la vision réactionnaire qu’ils ont de l’Université-entreprise, les mesures qu’ils entendent imposer sans concertation aboutiront automatiquement à un échec, y compris sur leurs propres critères de « réussite », comme le redressement de la production quantitative de la recherche française, ou l’attractivité de la France pour les chercheurs et les étudiants étrangers. En somme, ils sont « contre-performants » non seulement du point de vue d’une vision humaniste et digne de l’Université, mais également sur leurs propres critères, strictement « économistes », de réussite et d’efficacité.

      N’y a-t-il pas certains aspects positifs, comme le plan d’investissement annoncé par le gouvernement en accompagnement de la LPPR ?

      En réalité, « l’investissement massif » dont on entend parler est dérisoire, bien en-dessous des engagements européens de la France, et de loin inférieur au minimum vital qui permettrait d’assurer un fonctionnement digne au service public de l’Université. Si on prend en compte l’inflation, on peut même dire que cette réforme ne s’accompagne en fait d’aucune amélioration au niveau budgétaire. Au niveau des moyens, ce sera au mieux le statu quo, au pire une nouvelle régression. Il en va de même des promesses de revalorisation salariale pour les titulaires. D’une part, parce que les revalorisations indiciaires, c’est-à-dire intégrées au traitement de base, ne doivent s’appliquer qu’aux débuts de carrière, ce qui a été jugé anticonstitutionnel par le Conseil d’Etat. D’autre part, parce que les revalorisations, lorsqu’elles ne se présentent que sous forme de primes, comme cela est prévu, nourrissent la course à la surcharge et au surmenage, que nous ne cessons de dénoncer, au détriment de la qualité de vie et de travail des personnels. De toute façon, l’enveloppe budgétaire annoncée pour ces « revalorisations » est inférieure à 100 millions, alors qu’il faudrait 2 milliards pour simplement remettre la France au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE… Donc, je crois qu’il faut vraiment relativiser cet effet d’annonce, d’autant plus qu’il n’est, pour l’essentiel, qu’une promesse n’ayant aucun aspect contraignant sur les prochains budgets de l’État, ce qui signifie qu’on n’en verra probablement jamais la couleur.

      Au-delà de son contenu, la LPPR crée actuellement la controverse à cause de sa procédure d’adoption. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet ? Pouvait-on s’attendre à ce que le projet de loi revienne aussi vite, juste après le déconfinement et alors que les les universités sont encore fermées au public ?

      Pendant les trois premiers mois de 2020 s’est mise en place une contestation massive de la LPPR, au niveau des enseignants/chercheurs, des personnels et des étudiants, couplée à la contestation de la réforme des retraites, puisque les deux projets relevaient de la même visée idéologique et impactaient aussi violemment qu’injustement toute la communauté. Durant ces trois mois, le mécontentement de la part du monde universitaire a pu prendre d’innombrables formes : manifestations, assemblées générales, tribunes, pétitions, motions, interventions médiatiques, vidéos explicatives, etc. Ce mouvement, qui battait son plein, a été bien sûr interrompu par la pandémie de Covid-19 et par le confinement général de la population. Par esprit de solidarité, les enseignants-chercheurs se sont alors concentrés sur le fonctionnement à distance des cours, des évaluations, des activités de recherche et d’administration. Ils ont notamment renoncé aux actions les plus offensives qu’ils préparaient pour lutter contre la LPPR, comme la rétention des notes du semestre et la démission des fonctions administratives qu’ils assurent quasi-bénévolement, auxquelles ils s’étaient résolus de recourir à cause de la surdité totale du ministère. Et alors que le semestre se boucle, que tout le monde est épuisé par une gestion à distance de la fin d’année très coûteuse en énergie, alors que les notes du semestre viennent d’être enregistrées, nous privant d’un de nos principaux moyens d’action, voici que le gouvernement ressort du chapeau sa LPPR, assortie d’un calendrier d’adoption à marche forcée au moment des vacances d’été, alors même que les principaux concernés, les enseignants et les étudiants, sont toujours privés du droit de se réunir sur leurs lieux d’activité afin de coordonner leur mouvement de contestation.

      Dans ce processus, tout est arraché par la violence. D’abord, l’étude d’impact fournie en précipitation par le ministère a été grossièrement manipulée afin de promouvoir le projet de loi. Ensuite, lors de la réunion du CNESER qui devait examiner le texte de loi avant son passage en Conseil des ministres, le ministère a imposé une séance marathon de vingt heures, au bout de laquelle le texte a été voté de justesse, en l’absence d’un grand nombre de responsables syndicaux qui avaient dû quitter l’assemblée pour attraper leurs trains de retour. Le ministère a misé sur un douteux système de procurations afin d’avoir quand même le quorum permettant le vote, et a refusé une nouvelle séance qui aurait permis d’étudier l’intégralité des amendements, dont un tiers seulement a pu être examiné avant que l’ensemble du texte ne soit voté en faisant fi des réserves exprimées sur plusieurs de ses aspects-clés. Bref, cela s’appelle un passage en force, comme au temps de la réforme qui a installé Parcoursup, et qui s’est faite en toute illégalité, les différentes étapes étant mises en place avant même le vote de la loi au Parlement, de sorte qu’il était ensuite impossible de revenir en arrière. Bref, nos dirigeants n’hésitent pas à recourir à tous les moyens, même les plus irréguliers, pour arracher l’adoption de cette loi de programmation de la recherche, à un moment où la pandémie n’est pas terminée et où les Français ont bien d’autres chats à fouetter.

      Peux-tu nous donner des nouvelles du front ? Comment s’organise actuellement la contestation contre cette réforme, avec l’impossibilité de se réunir ? Que va-t-il se passer à la rentrée, avec le risque que les universités demeurent encore fermées à l’automne à cause d’un éventuel regain de la pandémie de Covid-19 ?

      L’accablement et la colère sont à leur comble aujourd’hui dans la communauté universitaire. Les derniers sceptiques, qui avaient encore l’illusion que l’actuel gouvernement pouvait œuvrer pour le bien de cette dernière, comprennent désormais que nous avons en lui, non un allié, mais un adversaire, et que la LPPR n’est pas une réforme pour l’Université, mais une réforme contre elle. La confiance est donc totalement rompue. Sur le fond de la réforme, à part une infime minorité de ravis de la crèche qui, par naïveté, prennent pour argent comptant les déclarations mensongères de la ministre Mme Vidal, ou qui s’imaginent qu’ils pourraient tirer les marrons du feu dans le nouveau système, tout le monde est d’accord pour dire qu’il s’agit d’une catastrophe. Actuellement, les débats chez les enseignants-chercheurs ne portent pas sur le fait de savoir si oui ou non la LPPR est une bonne chose, mais bien plutôt sur les modalités de la mobilisation contre elle. Et c’est là que se situe l’enjeu pour la rentrée, car si tout le monde est d’accord pour dire que la LPPR est un désastre, tout le monde n’est pas prêt à aller dans le sens d’une mobilisation musclée contre elle. Cela, malgré le constat que toutes les formes de mobilisation douces employées durant l’hiver n’ont eu absolument aucun résultat, du fait de l’absence totale de considération et de concertation avec laquelle le gouvernement fonce, tête baissée, dans son projet absurde et contraire à l’intérêt général. Or, face à un pouvoir irresponsable qui ne comprend rien, n’apprend rien, n’écoute pas et ne négocie pas, la mobilisation musclée devient le dernier recours.

      Comment expliquer ces hésitations par rapport aux formes plus offensives de mobilisation ? De quoi s’agirait-il, d’ailleurs ?

      Si l’épidémie ne reprend pas et qu’un nouveau confinement n’est pas à l’ordre du jour, il faudrait d’abord refuser en bloc la rentrée autrement qu’en présentiel. Les cours donnés par écran interposé sont un pis-aller insupportable et inefficace, qui impacte très durement les enseignants comme les étudiants, il n’est pas normal d’y avoir recours alors que toutes les autres activités sociales reprennent. On peut supposer que le gouvernement souhaite couper l’herbe sous le pied du mouvement de contestation universitaire : lorsque tout le monde est cantonné chez soi, c’est tout de même bien plus facile d’atteindre cet objectif. Mais si on considère que tout rouvre, jusqu’aux transports urbains et aux boîtes de nuit, le « traitement de faveur » reçu par l’Université n’est plus tenable politiquement.

      Dans tous les cas, il s’agirait de dire : pas de retrait, pas de rentrée. Et d’interrompre toutes les activités de l’Université, tous les cours notamment, mais également nos charges administratives et nos activités de recherche, tant que nous n’aurons pas obtenu l’ouverture d’un dialogue digne de ce nom avec nos responsables politiques. Avec l’idée d’aller vers des facs mortes et un semestre blanc, sans délivrance de notes, si le gouvernement s’obstine dans sa voie autoritaire et butée. Ce serait évidemment une décision difficile à prendre, car nous aimons tous notre métier, et la prise en charge des étudiants est notre première préoccupation. Nous nous mettrions alors dans une situation où nous souffririons nous-mêmes considérablement. Hélas, les signaux envoyés par le pouvoir sont assez clairs : ce dernier n’est plus dans la rationalité, mais dans l’idéologie. Nous avons épuisé toutes les ressources du dialogue argumenté et sommes désormais contraints, acculés, à durcir le ton. Provoquer collectivement une perturbation majeure de notre service public, qui impacte provisoirement ses missions et ses usagers, sera sans doute le seul moyen d’être entendus, convenablement couverts par les médias, et d’avoir une chance d’éviter, pour les prochaines années, la nouvelle dégradation générale des universités qui suivra automatiquement la LPPR si elle est adoptée. Car on peut considérer que c’est cela, agir politiquement en tant que citoyens responsables : instaurer un rapport de force en relation avec l’attaque subie, afin de préserver les intérêts fondamentaux d’un service public ou d’une société. Être un citoyen responsable, c’est prendre la responsabilité de devenir le contre-pouvoir quand tous les autres ont lâché. Ce n’est pas laisser un pouvoir politique autoritaire et en roue libre faire n’importe quoi sous prétexte qu’il a été élu.

      Pour résister, la mobilisation devra donc être musclée et largement partagée. Mais cela n’est pas gagné, car chez les enseignants-chercheurs, beaucoup de personnes ont des résistances mentales vis-à-vis de cela : certains ont en horreur l’idée même de mobilisation ou de perturbation temporaire du service, d’autres pensent que ce n’est pas leur rôle d’intervenir politiquement pour aller contre un gouvernement élu, etc. Quelle Université veut-on, et jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour la défendre ? Est-il plus important d’assurer « normalement » le semestre, ou bien d’envoyer un message clair de résistance face à la nouvelle avanie qui se profile et qui nous impactera des années durant ? Les prochains mois nous le diront.

      On comprend bien l’impact qu’aurait la LPPR sur les conditions de travail des enseignants et des personnels administratifs, ainsi que sur la recherche. Et on comprend aussi que les étudiants étrangers hors-UE vont être priés de passer à la caisse à cause de « Bienvenue en France ! ». Mais les étudiants français pourraient se dire que tout cela les concerne assez peu. Quel sera l’impact de la LPPR pour eux spécifiquement ?

      Si la LPPR va en effet impacter au premier chef les travailleurs de l’Université, les étudiants en seront les victimes indirectes immédiates. Ils bénéficieront d’un encadrement encore plus dégradé, opéré par des enseignants surchargés, pour la plupart précaires, c’est-à-dire empêchés de s’inscrire dans la durée. Le turn-over toujours plus important des enseignants et des personnels administratifs entraînera un facteur supplémentaire affectant la cohérence et la continuité dans les offres de formation. Les étudiants en difficulté seront encore plus largués qu’avant, car il sera encore moins possible pour les enseignants de les accompagner convenablement durant leurs parcours. Quant à l’avenir, les universités seront tellement exsangues au niveau budgétaire que cela ouvre la voie à plusieurs évolutions. Faisons ici un peu d’anticipation. La première évolution possible serait la diminution des effectifs étudiants, qui permettrait aux universités de fonctionner malgré la pénurie de personnels. On en a déjà un peu pris le chemin avec la loi ORE de 2018, aussi nommée Parcoursup, qui a instauré le principe de la sélection à l’entrée de l’Université. Avec la fin d’un accès de droit à l’Université pour tous les bacheliers, on laisse un certain nombre de jeunes gens sur le carreau, en les empêchant d’accéder à un niveau d’études dans lequel ils auraient pu éventuellement se révéler. L’autre solution, pour pouvoir continuer à accueillir l’essentiel d’une classe d’âge chaque année, ce serait l’augmentation du coût des études, c’est-à-dire des frais d’inscription, afin de permettre aux universités devenues « autonomes » d’opérer les recrutements indispensables à un fonctionnement à peu près normal. On sait d’ailleurs, grâce aux MacronLeaks, que c’est globalement cela, le projet à terme, et que la multiplication par quinze des frais d’inscription des étudiants étrangers n’est qu’une façon d’amener ce qui sera sans doute la prochaine grande réforme de l’Université, si jamais la LPPR passe, c’est-à-dire la même hausse des frais d’inscription pour l’ensemble des étudiants. La plupart devront donc souscrire des emprunts bancaires pour faire face au coût de leurs études, ce qui signifie qu’ils passeront plusieurs années, au début de leur vie professionnelle, à rembourser un crédit.

      Bref, l’enseignement supérieur va sans doute à terme se transformer complètement en marché, et les étudiants en entrepreneurs d’eux-mêmes, dans un univers concurrentiel qui les forcera à rationaliser leurs parcours (adieu l’idée de se réorienter, de chercher sa voie, de se cultiver avant tout), afin d’être immédiatement « employables » dans la grande machine économique, et donc de ne pas trop pâtir de leur dette à rembourser. L’idée de l’Université, non seulement comme espace d’apprentissage et d’insertion professionnelle, mais surtout comme espace pour former des citoyens conscients, critiques et émancipés, prendrait alors un nouveau plomb dans l’aile. Quand bien même ce très probable scénario-catastrophe serait finalement abandonné au profit d’une plus grande sélection à l’entrée des facs, ou bien au profit d’une dégradation continue des conditions d’accueil et d’accompagnement, la LPPR nous fait foncer tête baissée vers une nouvelle remise en cause de l’accès à tous à des études gratuites de qualité. Si j’étais étudiant, je m’en inquiéterais et je refuserais cette perspective qui, associée aux réformes des retraites et de l’assurance-chômage, notamment, prépare un avenir bien sombre, où l’autonomie vis-à-vis des mécanismes tout-puissants du marché sera fortement réduite. Ce monde que nos dirigeants politiques sont en train de mettre en place pour eux, il faut que les étudiants disent maintenant, nettement et massivement, s’ils l’acceptent ou le refusent. Après, ce sera trop tard, car hélas on ne revient quasiment jamais sur des réformes de régression sociale une fois qu’elles ont été adoptées.

      Pour revenir sur la mission de formation des esprits qu’assure l’Université, très récemment, Emmanuel Macron jugeait les chercheurs coupables d’avoir « cassé la République en deux » à partir du moment où ils se sont mis à souligner les inégalités et les systèmes de domination qui sévissent dans nos sociétés. Des disciplines telles que la sociologie et les cultural studies sont pointées du doigt comme étant coupables des problèmes qu’elles soulèvent dans leurs recherches. Serait-il donc aussi question d’affaiblir les champs universitaires dont les recherches ne flatteraient pas l’unité et l’orgueil de la « République » ?

      Cette déclaration lunaire n’est peut-être qu’une petite phrase échappée au détour d’une interview. Mais elle est inquiétante par ce qu’elle révèle : d’une part de la méconnaissance totale du sujet abordé, c’est-à-dire de la réalité des fractures sociales et culturelles et de leur traitement par les enseignants-chercheurs spécialisés sur ces questions, d’autre part de la vision d’une Université qui serait dépendante du pouvoir politique et qui devrait œuvrer à consolider l’illusoire contrat social instauré par un gouvernement en place. Par ailleurs, l’idée que des chercheurs engagés en cultural studies auraient fait main basse sur l’Université française est un fantasme, surtout quand on compare avec d’autres pays. Le fait que certains de ces chercheurs produisent une recherche militante, ce qui leur est souvent reproché, n’est un problème en soi que si ladite recherche témoigne d’un irrespect des procédures intellectuelles et scientifiques qui assurent la viabilité du discours. On rappelle au passage à ceux qui trouveraient étrange le concept de recherche militante qu’il n’existe de toute façon pas de recherche totalement neutre et objective : le simple fait d’étudier un phénomène implique des choix, d’instruments de mesure, de méthodes, de corpus, de problématique, d’hypothèses, qui sont toujours des choix qui engagent et portent une position dans l’espace public. Enfin, contrairement au fantasme exprimé par notre président, les productions des enseignants-chercheurs qu’il met en cause sont loin d’être des dogmes intangibles que l’Université se serait mise à transmettre massivement et unilatéralement à ses publics. Ce sont au contraire des productions nouvelles qui posent des problèmes, qui sont discutées sur de nombreux points, parfois même contestées aux niveaux intellectuel et théorique, comme c’est l’usage au sein de cet espace critique de recherche et de confrontation d’idées qu’on appelle l’Université. Le fait que certains sujets, comme l’impact social de la couleur de peau, soit davantage étudiés qu’auparavant, devrait plutôt interpeller M. Macron sur sa gestion de la population multiculturelle qu’il administre, car si ces sujets n’étaient pas vécus comme de vrais enjeux sociaux et politiques aujourd’hui, la modeste vogue universitaire qui ambitionne de les examiner d’un point de vue critique et engagé n’existerait même pas. Dans tous les cas, il semble surestimer grandement leur impact, en reprenant une rhétorique paranoïaque que l’on a plutôt tendance à retrouver à l’extrême-droite du spectre politique.

      Côté étudiant, quand on envisage de s’orienter vers les métiers de l’enseignement et de la recherche, la perspective peut sembler décourageante. On a l’impression que ces différentes réformes ne servent qu’à transformer notre parcours en terrain miné. Qu’aurais-tu envie de dire actuellement à celles et ceux attiré(e)s par ces métiers ?

      Lorsque je suis face à un bon étudiant de Master qui est motivé pour poursuivre en thèse et viser le métier d’enseignant-chercheur, je commence par lui dire que je le comprends, car cela reste, malgré tout, un magnifique métier-passion, globalement encore autonome et libre, à l’accomplissement duquel on éprouve régulièrement de grandes joies, tout en ayant le sentiment, à mon avis assez juste, d’accomplir des missions d’une utilité sociale et culturelle indiscutable – à condition de ne pas ménager son énergie et de ne pas compter ses heures pour cela, évidemment. Ensuite, je lui parle de l’extrême difficulté du parcours, des sacrifices immenses auxquels il faut être prêt à consentir tout du long (y compris une fois en poste), de l’absence totale de garantie d’avoir un jour un poste, de la rémunération, très incertaine avant la titularisation, et qui, une fois cette dernière acquise, compensera très mal le niveau d’excellence atteint et l’importance des responsabilités occupées.

      En général, ce discours, qu’il serait malhonnête et même un peu criminel de ne pas tenir à quelqu’un de 25 ans avant qu’il ne s’engage pour un parcours d’une dizaine d’années avant une éventuelle titularisation, en décourage environ un sur deux. Il faut pourtant le tenir, afin de ne pas envoyer des gens au casse-pipe. Aujourd’hui, il y a facilement plus de 100 candidats sur chaque poste de Maître de conférences mis au concours, et parmi eux une trentaine d’excellents dossiers, de gens qui devraient déjà être en poste étant donné tout ce qu’ils ont déjà apporté à l’enseignement et à la recherche. Un type de trajectoire est désormais devenu la norme plutôt que l’exception : être recruté, quand on a la chance de l’être, sept ou huit ans après la fin de thèse, à l’âge de 40 ans après avoir sorti deux livres personnels, plusieurs autres en codirection, publié une trentaine d’articles scientifiques et organisé une demi-douzaine de colloques ou de journées d’études, parfois même après avoir assuré illégalement, à cause de sous-effectif, des missions dévolues aux titulaires comme la direction de mémoires de Master ou la responsabilité administrative d’une année de Licence. Et on évoque encore ici des personnes qui ont la chance d’obtenir un poste ! Le destin de celles, beaucoup plus nombreuses, qui n’y parviennent jamais (alors qu’elles avaient toutes les compétences pour), est encore plus tragique, et constitue un gâchis d’intelligence collective, qui serre le cœur quand on l’observe concrètement, et qui constitue une perte très dommageable de compétences de haut niveau pour notre pays.

      Quel serait ton souhait pour le futur de l’Université ?

      Idéalement, peut-être même illusoirement, on pourrait souhaiter avoir affaire à un personnel politique capable de gouverner, c’est-à-dire capable, non pas d’imposer brutalement, mais de prendre le temps de convaincre, et si cela ne marche pas, de prendre la mesure d’une contestation, d’écouter et de négocier, de lâcher du lest s’il le faut. Gouverner, ce n’est pas : « on est élus, on fait ce qu’on veut. » L’élection au suffrage universel n’est pas un blanc-seing. Gouverner, c’est aussi être capable de contrebalancer, d’équilibrer entre le bien collectif et les intérêts privés, et de ne pas systématiquement sacrifier le premier au profit des seconds. C’est respecter les règles fondamentales de la démocratie, ne pas recourir aux méthodes les plus violentes permises par une Constitution de nature monarchique pour balayer d’un revers de main tous les contre-pouvoirs. Quant à l’Université, il faudrait que les gouvernements français des années 2000 comprennent qu’elle n’est pas leur joujou. Il s’agit d’une institution millénaire et d’un bien public inaliénable. C’est à son service que nous sommes, et pas à celui de quelques politiciens de passage. Et c’est pour cela que nous allons tenter, collectivement, d’envoyer un grand « Non » à ce gouvernement irresponsable, qui, par son aveuglement idéologique, ses discours hypocrites et ses méthodes brutales, est en train de faire un mal considérable, non seulement à l’Université publique, mais également à notre pays et à notre démocratie.

      https://www.critikat.com/panorama/entretien/luniversite-a-bout-de-souffle

    • « Un #débat_public au sujet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche nous semble plus que jamais nécessaire »

      Plus de 180 chercheurs en sciences de gestion dénoncent, dans une tribune au « Monde », l’obsession « gestionnaire » du projet de LPPR, qui ignore la réalité de son mode de gouvernance collective par les pairs.

      Tribune. Le 13 mai, la « communauté de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation » a reçu une lettre de la part de sa ministre de tutelle, Frédérique Vidal. Elle nous y remercie pour notre engagement tout au long de la crise sanitaire et se tourne également vers l’avenir, mentionnant la société « post-crise » que le monde universitaire va devoir contribuer à « penser ». Pour cela, elle compte sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), considérant ainsi comme acté un projet de réforme qui avait pourtant été suspendu à la veille du confinement, dans un contexte de mobilisation quasi unanime de la communauté universitaire contre lui.

      De fait, alors que les universités n’ont pas encore le droit d’ouvrir leurs portes aux étudiants, qu’il faut parvenir à boucler l’année universitaire tout en préparant, dans l’incertitude, la rentrée de septembre, le calendrier s’est brusquement accéléré. Comme si cette réforme, issue du monde d’avant, était urgente au point de devoir renoncer au débat public.

      A l’heure où l’on commence à reconnaître que les réformes conduites au cours des deux dernières décennies dans les services publics au nom d’une « meilleure gestion » ont échoué, un débat public au sujet de la LPPR nous semble au contraire plus que jamais nécessaire. Il nous semble également essentiel que nous, enseignants et chercheurs en sciences de gestion et en management, prenions la parole. Une fois de plus, notre discipline apparaît guider la réforme en cours, à travers, notamment, les notions d’« optimisation », de « performance », d’« efficience », de « changement » et de « compétition ». Pourtant, les orientations de cette réforme empruntent davantage à l’idéologie qu’aux sciences de gestion.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/03/un-debat-public-au-sujet-de-la-loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-rech
      #paywall

    • Communiqué du #Comité_d’éthique_du_CNRS (#COMETS) portant sur les textes du projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, rendus publics en juin 2020.

      Le 24 février 2020, le COMETS avait publié une contribution aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche. En juin 2020, le gouvernement a présenté aux organes consultatifs le projet de loi et les documents associés (exposé des motifs, annexe, étude d’impact).

      Le COMETS prend acte de l’accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacré à la recherche à l’horizon 2030 figurant dans le projet de loi.

      Il prend aussi note que l’annexe au projet de loi adhère au préambule de la contribution du COMETS du 24 février en affirmant « La science est un des socles de notre modèle républicain et cette fonction lui confère les plus grandes responsabilités : elle suppose de porter la plus grande attention à l’exemplarité́ et l’impartialité́ de la communauté́ scientifique, ainsi qu’aux questions d’intégrité́ scientifique et de déontologie, sur lesquelles se noue le pacte de confiance entre la recherche et la société́. »

      Toutefois, le COMETS s’étonne que l’étude d’impact n’examine que de manière restreinte le projet de loi à la lumière de l’intégrité scientifique et de l’éthique. L’effet-loupe de la crise sanitaire actuelle met en évidence des risques de dérives tant dans les pratiques que dans la communication des résultats de la recherche, alors que le grand public et les décideurs politiques sont en attente de résultats fiables. Au-delà du contexte particulier d’urgence, ces dérives interrogent le fonctionnement de la recherche française hérité des précédentes lois la structurant. Ainsi, nous constatons que la crise stimule un foisonnement de réflexions au sein de la communauté scientifique dont la richesse plaide pour un projet de loi ambitieux qui laisse le temps à une large concertation s’inscrivant pleinement dans le « monde d’après ».

      Cependant, dans la perspective du maintien d’un calendrier accéléré, le COMETS renouvelle dès à présent ses inquiétudes et complète ses recommandations exprimées le 24 février 2020 découlant de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre compétences et moyens récurrents et contractuels est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      De plus, la précarité programmée des personnels de la recherche, touchant notamment les femmes et les jeunes, n’est favorable ni à la recherche de base, qui nécessite le temps long, ni au travail dans une ambiance sereine, coopérative et productive.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de conduites inappropriées, telles la falsification des résultats ou l’obscurcissement des données et des sources. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement. Là-aussi, la précarité des personnels n’est pas sans conséquence en risquant de favoriser de tels manquements à l’intégrité et à la déontologie. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères. Le projet de loi permet une substitution jusqu’à un quart des recrutements comme maitre de conférence ou chargé de recherche par des postes contractuels de 3 à 6 ans avant une éventuelle titularisation. Or, la réduction des postes de fonctionnaires titulaires amplifiera le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier le manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques. Or, dans sa rédaction actuelle, la loi ne garantit pas que les employeurs publics auront les moyens d’un contrôle et d’un conseil efficaces en matière de déontologie.

      Pour répondre à ces nouveaux enjeux, le COMETS considère que la loi de programmation, dans son ensemble, doit faire sienne la promotion de l’intégrité et de la responsabilité scientifique de tous les acteurs de la recherche.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/1932-2

    • Le Conseil d’État étrille la LPPR

      Jeudi 23 juillet, le #Conseil_d’État a rendu son avis sur la LPPR (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_avis-conseil-etat.pdf), et ce n’est pas brillant. Comme le souligne Libération (https://www.liberation.fr/direct/element/le-conseil-detat-aussi-est-reserve-sur-le-projet-de-loi-budgetaire-pour-l), les promesses budgétaires – qui sont supposément la raison d’être de cette loi – sont particulièrement peu crédibles. Comment en effet croire un gouvernement qui, à moins de deux ans de la fin de son mandat, promet que des fonds seront débloqués sur dix ans…et surtout après la fin dudit mandat ?

      Derrière cet écran de fumée budgétaire, qui ne trompe décidément plus personne, le Conseil d’État déplore le côté « bric-à-brac » de la loi, véritable cheval de Troie difforme, cadeau trop évidemment empoisonné pour que quelqu’un·e en veuille. Il faut donc, selon le Conseil d’État, renommer la loi : « Projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur » ce qui donne #LPRA2021A2030PDDRRES ou #LPRA2130PDDRRES en version simplifiée.

      Le Conseil d’État souligne à nouveau la médiocrité de l’étude d’impact, qui a dû être remaniée après saisine afin de sembler remplir a minima les prescriptions de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009. Il relève également des incohérences : « par exemple en ce qui concerne les financements sur appels à projets de l’#Agence_nationale_de_la_recherche (#ANR), critiqués pour la lourdeur de leurs modalités et leurs coûts, mais regardés comme un outil décisif et à privilégier pour la politique publique de la recherche. » On en revient toujours à cette grande idée présente dès les rapports préparatoires : soigner le service public de la recherche avec les outils de sa destruction.

      Pour le reste, le Conseil d’État tacle le texte sur la forme, tout en acceptant le pire. A propos des tenure track, il est est bien obligé de noter qu’il s’agit d’une attaque portée au statut des chercheur·es et enseignant·es-chercheur·ses et d’une forme de sortie du #fonctionnariat, mais il considère que « ça va, ça passe », puisque ce dispositif sera limité à « 25 % au plus des recrutements autorisés annuels dans chaque corps et, sur la suggestion du Conseil d’État, 50 % au plus des recrutements annuels de chaque établissement ». On retrouve là la rigueur si particulière du Conseil d’État, qui considérait au début du mois que des frais d’inscription s’élevant à 2770 ou 3770 euros sont « modiques » et de nature à garantir un libre accès à l’enseignement supérieur à tou·tes (https://universiteouverte.org/2020/07/03/le-conseil-detat-permet-au-gouvernement-de-fermer-luniversite).

      Bref : le Conseil d’État laisse une fois de plus passer une loi de casse du service public, mais la LPPR est si mal fichue qu’il est bien obligé de faire la moue.

      Pour retrouver tous les avis (tous plus ou moins négatifs) émis sur la LPPR par différentes institutions, vous pouvez consultez ce billet (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) régulièrement mis à jour par le Groupe Jean-Pierre Vernant. C’est aussi l’occasion d’écouter les prises de paroles d’acteurs et d’actrices de l’université et de la recherche le 8 juillet dernier (https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte).

      Pour en savoir plus sur cet avis du Conseil d’État, un excellent fil de Julien Gossa, mais aussi un dossier complet consacré à la LPPR (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/06/07/lppr-le-projet-de-loi).

      https://twitter.com/JulienGossa/status/1286217438393180161?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      https://universiteouverte.org/2020/07/24/le-conseil-detat-etrille-la-lppr
      #conseil_d'Etat

    • Scientists disappointed by plan to boost France’s research prowess

      National strategy will add €26 billion to the public research budget over 10 years — but many say it isn’t enough for the country to regain its place as a scientific leader.

      Scientists in France are divided over the creation of the nation’s first ever long-term strategy for research — a multibillion-euro plan designed to help the country to stand out in an increasingly competitive global research landscape. The strategy, which was detailed in a bill that was approved by the cabinet on 22 July and is expected to be passed into law by the end of the year, promises to boost the research budget, create thousands of research jobs, raise salaries and foster innovation. But many scientists agree that the initiative has failed to live up to expectations.

      “It marks the end of 20 years of research-budget stagnation and raises salaries at last, but it doesn’t go nearly far enough,” says Patrick Lemaire, a biologist at the University of Montpellier and president of the French Society of Developmental Biology.

      France’s leading scientists were optimistic about the plan when it was proposed in 2019, because it promised to address long-standing problems in research, by, for example, protecting budgets from politically driven fluctuations and raising the salaries of early-career scientists, who in France are paid 37% below the average for nations in the Organisation for Economic Co-operation and Development.

      The plan approved by the cabinet delivers on many of these commitments, and makes an unprecedented investment in science, says the government. It adds €26 billion (US$30 billion) to the public research budget over 10 years, raising annual public funding for research by €5 billion, from €16 billion in 2020 to €21 billion in 2030. Of the new funding, about €7 billion will go to the National Research Agency, France’s competitive funding organization, to raise the grant success rate from 11% in 2014 to 30% by 2027. Another €4.5 billion will go to improving wages, and most of the rest will pay for blue-skies research grants, new equipment, operating expenses and technology-transfer projects.

      But several scientists and research organizations say the plan lacks clarity and ambition, and complain that they weren’t given enough time to consult and feed back on the details, which were released only last month. The French Academy of Sciences in Paris acknowledges that the strategy will improve career prospects and pay. But it says that the €5-billion rise in the annual research budget is lower than the extra €7 billion needed to reach the European Union target of spending 3% of gross domestic product on research.

      Antoine Petit, head of the French National Centre for Scientific Research (CNRS), Europe’s largest basic-science agency, welcomes the plan overall. “It is an absolute necessity if France is to continue playing an international role in research,” he says. He points to a 13% drop in the CNRS’s investment and operating budget, from €288 million in 2010 to €266 million in 2020, as a key reason why greater investment is needed. “But all of us regret that the increases are greater at the end of the ten-year period than at the beginning. And although €25 billion is significant, we also would have liked to have [had] more,” he adds.

      Salaries for early-career scientists will rise from 1.3 or 1.4 times the minimum wage to double the minimum, adding 10%, or €2,600–2,800, to gross annual earnings. “It is still not much for scientists with ten or more years of higher education behind them,” notes Petit. “But it is a first step.”

      Lemaire adds that the appointment of another 5,200 long-term research staff at research agencies and universities, on top of the existing 170,000 staff, is only half of what is needed. He says that the way the funding will be disbursed will reinforce the research ministry’s grip on scientific strategy. “This is because the ministry will have to validate research agencies’ and universities’ research strategies before it allocates them funding. This is unusual for France,” he says. “It also means that research organizations will concentrate on their strengths, and minority disciplines in the humanities could well disappear.”

      This bill is the result of more than a year of consultations with the scientific community, French research minister Frédérique Vidal told Nature in a statement. “It is vital today to give fresh impetus to research to bolster the economic recovery and to face the challenges ahead, while enabling France to remain one of the world’s major scientific nations. For this, we need to make scientific careers attractive.”

      https://www.nature.com/articles/d41586-020-02217-4

    • Comment la LPPR entend financer la recherche par la baisse de nos cotisations #retraite, et autres questions

      La loi de programmation de la recherche repose sur un dispositif ternaire :

      L’article 18 de la loi sur les retraites prévoit la baisse des cotisations retraite payées par l’Etat comme part socialisée de nos salaires.
      Cet argent, prélevé de nos salaires socialisés, est reversé pour partie en “revalorisation” indemnitaire, pour partie en budget de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR), et pour partie en Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
      La narration faisant de ce financement de la recherche par nos cotisations retraite un investissement “historique” permet d’acheter l’adhésion nécessaire à faire passer l’accroissement de la précarité par le système de chaires de professeur junior (Tenure Track) et de CDI de mission, qui procèdent d’une dérégulation des statuts et des modalités de recrutement.

      Nous détaillons ici ce dispositif, sous forme de questions et de réponses.

      Billet ci-dessous à retrouver paginé ici :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR

      Bon été à toutes et à tous.

      En guise de cadeau estival, cet article à lire sur la plage :
      Egocentric studies : a new paradigmin medical research

      I Quel est le calendrier prévisionnel de la LPpR ?

      Dès la mi-janvier, indépendamment de l’alerte épidémique donnée par la Chine, nous avons su que le calendrier parlementaire ne permettrait pas l’examen de la LPpR avant l’automne. Le projet de loi a été présenté en Conseil des Ministres le 22 juillet 2020. Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée ce qui signifie qu’il n’y aura qu’une lecture par chambre du Parlement. Le projet de loi devrait être examiné à l’Assemblée Nationale la semaine du 14 septembre, en commission, et la semaine du 21 septembre, en séance publique.

      Ce créneau a été choisi afin que l’examen de la loi par le Parlement ait lieu avant le vote du budget 2021. En effet, ce budget fera apparaître explicitement l’absence de création de postes et d’augmentation du budget de l’Université et de la recherche pour la troisième année du quinquennat. Le mécanisme de vases communicants entre cotisations retraite et “revalorisations” sera alors apparent sans avoir à faire d’effort de compréhension. Rappelons qu’en 2019 et 2020, le nombre de postes pérennes mis au concours a fortement baissé et le budget n’a été augmenté que du montant de l’inflation (-150 millions € par an, en moyenne sur trois ans), ne permettant pas la compensation du Glissement Vieillesse Technicité.

      L’encombrement du calendrier parlementaire ne laisse guère de possibilité d’examen au Sénat avant janvier 2021. Le faible poids politique de Frédérique Vidal permet de supposer que l’examen de la loi donnera lieu à un travail d’amendement et de lobbying conséquent. D’après nos informations, le cabinet ministériel anticipe un possible redécoupage de la loi entre l’examen par les deux chambres, en séparant le volet “Ressources Humaines” du volet budgétaire. En effet, le Conseil d’Etat a prévenu qu’il pouvait s’avérer anticonstitutionnel de reporter les compensations de rémunération liées à la loi sur les retraites à une loi de programmation.

      II Quels sont les documents du projet de loi de programmation de la recherche 2021-2030 ?

      Le projet de loi :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_projet-loi.pdf

      L’étude d’impact de la loi :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_etude-impact.pdf

      L’avis du Conseil économique, social et environnemental :
      "Peut-on soigner un système avec les outils qui l’ont rendu malade ?"
      https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2020/2020_13_programmation_pluriannuelle_recherche.pdf

      L’avis du Conseil d’Etat :
      http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3234_avis-conseil-etat.pdf

      Les mesures indemnitaires :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/LPPR_Mesures_indemnitaires.pdf

      III Quel est le budget exceptionnel alloué à la recherche et à l’Université suite à la crise du coronavirus ?

      Le plan de relance européen a conduit à baisser le budget européen de la recherche (HorizonEU, planifié pour 7 ans) de 94,4 milliards € à 81 milliards €. Le rapport Lamy de 2017 recommandait une somme supérieure à 120 milliards €.

      Dans le projet de loi de finance rectificative de 2020, le Sénat a voté par amendement le transfert de 150 millions € à la recherche (programme 172). L’amendement a été supprimé en commission mixte paritaire. Il n’y a donc aucun budget exceptionnel alloué, ni à la recherche, ni à l’Université.

      IV Comment les crédits de la loi de programmation de la recherche seront-ils prélevés sur nos cotisations de retraite ?

      L’essentiel des sommes que la loi de programmation de la recherche prévoit de redistribuer proviennent de la baisse programmée de la part patronale dans les cotisations de retraite. Les crédits de recherche et la revalorisation des salaires promis proviennent donc de prélèvement dans notre salaire socialisé, sans augmentation budgétaire réelle.

      Le budget brut salarial pour l’Université et la recherche s’élève à 10,38 milliards € par an. La baisse de cotisation patronale de l’État de 74,3% à 16,9% sur 15 ans permettra à terme de redistribuer les 6 milliards € par an prélevés sur notre salaire socialisé — c’est le nom qu’il convient d’utiliser pour les “charges patronales”. Pour la période 2021-2030 couverte par la LPpR, l’article 18 conduira en cumulé à 21,8 milliards € de prélèvement dans nos cotisations de retraite [1].

      V Comment les crédits de la loi de programmation de la recherche seront-ils ventilés ?

      Les annonces budgétaires qui n’ont pas été tenues en temps normal, de l’aveu même de Frédérique Vidal (“Il y a de la défiance car de nombreuses promesses n’ont pas été tenues par le passé.”) ont des chances infimes d’être tenues pendant une crise économique. De fait, la crise de 2007-2008 nous a montré que les budgets des services publics servaient de variable d’ajustement pour sauvegarder la “confiance des marchés”.

      La LPpR porte essentiellement sur le programme 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) auquel est rattaché le Crédit d’Impôt Recherche. La recherche spatiale (programme 193), passée sous la tutelle de Bercy pour accélérer les programmes de privatisation, est également mentionnée mais les chiffres ont été “retraités” (sic) pour escamoter le remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne. Enfin, “l’incidence” (sic) sur le budget de l’Université (programme 150) est mentionnée, qui couvrira les “revalorisations indemnitaires” et les chaires de professeur junior (tenure track) : 150 millions € par an sur les trois dernières années.

      Selon le communiqué de presse [2], la loi était supposée augmenter les crédits du programme 172 par paliers de 400 millions € pendant le fin du quinquennat, puis plus vite pour atteindre 5 milliards € de plus par an en 2030. Le projet de loi propose une augmentation plus modeste, de 320 millions € par an, sauf… en 2021, où l’augmentation n’est que de 224 millions €. Or, le seul budget qui engage l’exécutif est justement celui de 2021. Par la suite, rien n’oblige le parlement à suivre les recommandations du plan de programmation lors des votes annuels des budgets. Du reste, le mot “pluriannuel” a disparu du titre de la loi. L’augmentation de 224 millions € sur le programme 172 en 2021 doit être comparée à celle réalisée pendant les premières années du quinquennat : +200 millions € par an, ce qui correspond à la croissance moyenne des dépenses fiscales en Crédit d’Impôts Recherche sur les cinq dernières années.

      Résumons nous. Sur dix ans, une fois l’inflation soustraite, l’effort consenti par Bercy dans le programme 172 (CIR, ANR, grands organismes) est de 10,5 milliards € (euros de 2020), à comparer au 17,63 milliards € (euros de 2020) prélevés sur nos cotisations de retraite. Une moitié, environ de ce transfert budgétaire se fera au profit l’ANR [3], soit un petit tiers des économies faites sur le salaire socialisé. Une large partie du reste devrait donc être destinée à augmenter l’aide directe aux entreprises par la niche fiscale du Crédit d’Impôt Recherche.

      VI Combien de postes statutaires sont planifiés dans la LPpR ?

      Les annonces budgétaires qui n’ont pas été tenues en temps normal, de l’aveu même de Frédérique Vidal (“Il y a de la défiance car de nombreuses promesses n’ont pas été tenues par le passé.”) ont des chances infimes d’être tenues pendant une crise économique. De fait, la crise de 2007-2008 nous a montré que les budgets des services publics servaient de variable d’ajustement pour sauvegarder la “confiance des marchés”.

      Aucun article du projet de loi n’est consacré à l’emploi statutaire. L’augmentation des moyens de l’ANR, la création (article 3) d’un système de chaires de professeur junior (tenure track) et la création (article 6) des CDI de mission participent d’un développement de l’emploi contractuel et d’un renforcement du contrôle bureaucratique de la recherche.

      VII Quel sera le montant des revalorisations compensant partiellement la baisse des cotisations retraite ?

      Que fera l’Etat de ce prélèvement sur le salaire socialisé, qui va croître pendant 15 ans ? En 2021, 77,7 millions € seront consacrés à aligner la cotisation salariale et à compenser la disparition de la retraite additionnelle de la fonction publique. La “revalorisation indemnitaire” sous forme de primes n’est donc rien d’autre qu’une compensation de baisses des revenus liés aux systèmes de solidarité nationale. En fait de revalorisation, il s’agit d’un alignement graduel de la partition entre salaire net et salaire socialisé sur le régime du privé, le salaire total baissant. De même, les mesures de “renforcement de l’attractivité” des postes précaires ne sont rien d’autre qu’un transfert entre salaire socialisé et salaire brut, rapprochant la partition de celle en usage dans les pays anglo-saxons.

      Le choix de “revalorisations” indemnitaires (primes) plutôt que de “revalorisations” salariales (augmentation du point d’indice) permet à l’Etat de ne pas payer de salaire socialisé (de “charges”) et d’accroître l’adhésion de la technostructure managériale. Le montant des enveloppes budgétaires, en million € (m€), pour chaque filière en 2021 est le suivant :

      EC : 45 m€ pour 48 793 bénéficiaires soit 77€ en moyenne/mois
      Chercheurs : 17,5 m€ pour 17 188 bénéficiaires soit 85€ en moyenne/mois
      ESAS : 3,6 m€ pour 12 755 bénéficiaires soit 24€ en moyenne/mois
      BIB : 0,3 m€ pour 4 237 bénéficiaires soit 6€25 en moyenne/mois
      ITRF : 1,8 m€ pour 39 129 bénéficiaires soit 3€80 en moyenne/mois
      ITA : 7,5 m€ pour 24 391 bénéficiaires soit 26€ en moyenne/mois
      Contractuels : 7,2 m€ (nombre de bénéficiaire non précisé ; probablement 19 000).

      La rémunération des 128 000 vacataires ne semble pas faire l’objet d’une “revalorisation” dans le cadre de la LPpR.

      Les autres questions à retrouver en ligne :

      VIII Qui soutient ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      IX Qui est à l’origine de ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      X Le “Pacte productif” de Bercy empiète-t-il sur le pilotage et le budget de la recherche ?

      XI Quelle est le montant des crédits exceptionnels annoncés par Emmanuel Macron à l’Institut Pasteur ?

      "Le vrai courage c’est, au-dedans de soi, de ne pas céder, ne pas plier, ne pas renoncer."

      Groupe Jean-Pierre Vernant

      Message reçu via la mailing-list ESR, le 24.07.2020
      #cotisations_retraite

    • Le Comité National Français de Géographie et 37 autres sociétés savantes, couvrant la majorité des domaines de la recherche publique, ont réalisé une analyse du projet de loi assortie de pistes d’amendements, dans l’espoir au moins d’améliorer le projet, à défaut d’obtenir plus de résultats après tant de tentatives de faire porter la voix du monde de la recherche. Vous trouverez ce document ici :
      https://societes-savantes.fr/wp-content/uploads/2020/08/Societes-savantes_Analyses-et-propositions-LPR_Assemblee_nationale

      Ce document a été envoyé officiellement aux rapporteur.e.s du projet de loi, aux présidents des commissions parlementaires concernées et à l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST).

      Message reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte

    • L’Arnaque

      Un #piège monumental est en train de se refermer sur les universitaires et le monde de la recherche. Alors que la LPPR passe au parlement en procédure accélérée, Frédérique Vidal conditionne un protocole d’accord sur la revalorisation des salaires et des primes à l’adoption de la LPPR, une loi de précarisation et de privatisation de la recherche qui est rejetée par la communauté universitaire.

      Ce billet de rentrée sur la LLPR est encadré par un coup de gueule et une vidéo. Le coup de gueule est le suivant, à triple détente :

      1. Alors que Frédérique Vidal disposait de tout l’été pour préparer une rentrée universitaire sous le signe de la prévention des risques, elle n’a pas été capable de proposer aux établissements d’enseignement supérieur un protocole sanitaire solide dans un calendrier décent. La rentrée avait déjà eu lieu dans de nombreuses universités quand la circulaire Covid est arrivée. Trop tard ! Résultat : 10 clusters.

      2. Alors que Frédérique Vidal fait reposer la gestion de la crise sanitaire sur la liberté et l’autonomie des établissements - et donc de leurs directions -, les présidents d’université se défaussent quant à eux sur les composantes et labos en leur refilant le bébé encombrant de la responsabilité. Dans le contexte d’insécurité juridique de la crise sanitaire, les présidences tentent évidemment de reporter sur les composantes et laboratoires la charge morale, administrative et financière de la gestion de la crise. Une fois de plus ce qui apparait dans le discours comme une proclamation de liberté et d’autonomie pour les composantes et les unités constitue dans les faits une stratégie de déresponsabilisation et une sournoise délégation. Résultats : 10 clusters supplémentaires, soit une vingtaine (situation actuelle au 14-09, selon des informations fiables. À Strasbourg 3 composantes au moins viennent de fermer leur accès aux étudiants).

      3. Alors que Frédérique Vidal promet à la Recherche des milliards - dont on ne verra jamais la couleur -, elle n’est pas fichue de dégager quelques dizaines de millions pour payer des masques aux étudiants, du gel aux établissements, des FFP2 aux personnels fragiles, des fenêtres qui s’ouvrent et quelques ventilations performantes pour les amphis bondés. Madame la Ministre, comme vos présidents d’université, vous vous défaussez, vous déléguez, vous proclamez notre autonomie, mais vous ne nous donnez jamais d’argent. Faudra-t-il que nous traversions la rue pour aller le chercher ? En attendant, vous ne compensez pas les dépenses faites par les établissements lors du confinement et vous ignorez les besoins urgents de la rentrée, alors que les présidents disent à leur composantes et labos : vous devez financer votre propre sécurité et celle de vos étudiants. Aujourd’hui les crédits de fonctionnement des facs et labos étant ce qu’ils sont, il n’y a pas assez de spray et de papier pour nettoyer les tables et bureaux. Résultat assuré : 50 clusters supplémentaires avant la fin de la semaine !

      Merci Frédérique Vidal ! Avec de tels choix, vous aurez bientôt plus de Covid sur les mains que votre collègue Buzyn. Passons à la LPPR, par laquelle vous nous promettez un siècle de précarité.

      –-------------.

      L’État macronien est en passe de devenir le plus grand Arnaqueur des fonctionnaires. Les néolibéraux de droite et de gauche ont fait très fort ces 20 dernières années, mais Macron les surpasse en rapidité et en efficacité. Ses ministres excellent en tromperies en tous genres, en mensonges savamment distillés et en enfumages discrets ou massifs qui leur permettent de progresser rapidement dans leur entreprise de « défonctionnarisation » et de privatisation des services encore un peu « publics ». Mensonges et enfumages n’ont pas non plus manqué dans la gestion calamiteuse de la crise sanitaire. Mais l’une des tromperies les plus manifestes se déroule en ce moment-même, sous nos yeux, sans qu’elle soit dénoncée avec la vigueur qui s’impose : Frédérique Vidal tente d’utiliser le miroir aux alouettes d’un protocole d’accord sur la revalorisation des primes des agents de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) pour faire des organisations syndicales les plus grands dindons de l’histoire des négociations dans la fonction publique. Le SGEN-CFDT, l’UNSA et le SNPTES négocient. Sud, la CGT et FO ne mettent pas le doigt dans l’engrenage et demandent le retrait du protocole. La FSU est retenue d’y aller par le SNESUP - majoritaire chez les enseignants-chercheurs et premier syndicat de la FSU dans l’ESR- qui « s’oppose à la signature d’un accord qui pose comme préalable l’acceptation de la LPPR ». Je rappelle les enjeux de la LPPR pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi les mésaventures de cette loi et je procède à la description de l’arnaque.

      Après l’adoption en août 2019 de la Loi de transformation de la Fonction publique (voir ici pour une critique des principales dispositions), le terrain était préparé pour le passage rapide d’une loi de transformation de la recherche, ce que le gouvernement a lancé dès l’automne 2019 avec la réunion de groupes de travail, en vue de préparer la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dite LPPR. Parmi les nombreuses sources documentaires sur la LPPR, on pourra consulter le dossier conçu par Julien Gossa ou les textes rassemblés sur le site du SNESUP. Dénoncée depuis l’automne 2019, dévoilée partiellement en janvier 2020 (voir les premières analyses de Rogue-ESR ici et là le travail de « Désenfumage » du Groupe Jean-Pierre Vernant), fortement critiquée par la majorité des organisations syndicales, mise au placard pendant le confinement mais relancée par Frédérique Vidal dès la sortie du confinement, rejetée par les instances nationales consultatives en juin, étrillée en juillet par le Conseil d’État (voir ici), faisant l’objet d’une étude d’impact tout à la fois ubuesque et instructive, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche est, avec la réforme des retraites, le projet gouvernemental qui a provoqué la contestation la plus forte dans l’ESR depuis une dizaine d’années. Nous n’oublions pas que le 5 mars 2020 l’Université française s’est arrêtée (voir ici ou là), que la crise sanitaire n’a pas réduit les opposants au silence (« La LPPR est de retour ? Eh bien nous aussi, et plus déterminés que jamais ! »), et que, tout au contraire, cette crise a mis cruellement en évidence l’urgence à Refonder l’Université et la recherche, un appel signé par plus de 7000 personnes, dont une très grande majorité de chercheurs.

      C’est que la LPPR contient tous les éléments nécessaires au parachèvement de la grande entreprise de privatisation de l’ESR entamée en 2007 par Pécresse et Sarkozy avec la loi LRU : aggravation de la part des financements de la recherche sur appels à projet au détriment des crédits récurrents, renforcement et généralisation des pratiques bureaucratiques de l’évaluation, contrats doctoraux de droit privé, CDI de mission calqués sur les CDI de chantier du privé, tenure tracks à la française créant une voix d’accès au corps de Directeur de recherche et des Professeur d’université par la contractualisation et conduisant ainsi au contournement du CNU, à l’affaiblissement du cadre national des concours, à l’avivement de la concurrence entre collègues au détriment de la collégialité, et surtout - pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore compris - à la remise en cause la plus grave qui soit du statut général des fonctionnaires et de l’égalité des Citoyens devant l’accès à l’emploi public. Voir sur ce point la démonstration implacable dee la rédaction d’Academia. Il n’est donc pas étonnant que 81 % des 2500 collègues qui ont répondu à l’enquête de Rogue-ESR rejettent expressément "le volet managérial et statutaire de la LPPR".

      Afin de faire passer cette loi continument et massivement contestée, Frédérique Vidal et ses conseillers ont mis en place un dispositif ingénieux. D’autres diraient qu’ils ont ourdi un plan retors qui est en passe de produire les résultats escomptés. En fait, la recette est assez simple : emboitez un protocole de revalorisation des carrières et des primes dans la loi, et vous aurez plus de chances de faire passez la loi. C’est écrit noir sur blanc à la page 12 du protocole : « Les engagements pris dans le présent protocole d’accord nécessitent pour leur mise en oeuvre l’adoption des mesures budgétaires et des dispositions législatives qui figurent dans le projet de loi de programmation pour la recherche pour les années 2021 à 2030. » Un message clair est envoyé aux parlementaires : si vous ne votez pas la loi vous refusez aux personnels de l’ESR la revalorisation de leur carrière et de leurs primes.

      En amont il convient de s’assurer que des organisations syndicales seront bien signataires. Vidal et ses petits diables ont mis le paquet, au moyen d’un triple chantage : transmis le 31 août le protocole devait être signé par les syndicats avant le 8 septembre, une date tellement scandaleuse que le ministère a dû accepter un peu de souplesse : le 15 septembre pour amender une version N°2. Par ailleurs l’accord sera validé sans majorité. Vidal l’a écrit. Enfin, le sommet de la pression, dont il faudra tirer toutes les conséquences : seules les organisations syndicales signataires du protocole feront partie du comité de suivi dont le rôle est présenté comme déterminant. En effet, c’est lui qui actera bien des choses et suivra la progression du dispositif jusqu’en 2027. Plus précisément, plusieurs étages du protocole seront définis après la signature de celui-ci. Deux exemples :

      « S’agissant des enseignants-chercheurs et des chercheurs, dont les régimes indemnitaires sont disparates et parfois particulièrement anciens, le comité de suivi réunissant les organisations syndicales signataires du présent accord sera réuni avant la fin 2020 pour définir une nouvelle architecture des primes des enseignants-chercheurs et des chercheurs. »

      « L’objectif est de définir en concertation avec les organisations signataires ce nouveau régime indemnitaire au premier semestre 2021 afin qu’il soit juridiquement adopté au plan interministériel a` l’été 2021 pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2022. »

      La logique est la suivante : vous signez d’abord et vous aurez le droit de négocier après. Autrement dit le gouvernement entend acter par cet accord la fin des règles de base du paritarisme et du dialogue social : la négociation et l’établissement de l’accord précèdent la signature. Par un jeu pervers de distribution des décisions avant et après la signature, Vidal entend gagner sur toute la ligne. Les organisations qui signent – lesquelles auront l’honneur insigne de présider en continu à l’amélioration des carrières et jouiront du privilège de communiquer régulièrement à leurs adhérents la quantité de biftons supplémentaires - seront bien sûr affaiblies quand la bise sera venue : augmenter les primes de 300 euros par an n’engage aucun gouvernement à venir. Celles qui ne signent pas seront exclues du cercle des négociations infinies. Mais elles auront un peu sauvé l’honneur de la recherche en refusant des primes - par nature inégalitaires - pour les seuls titulaires, en refusant l’inflation d’emplois contractuels au détriment des postes de fonctionnaire, en refusant l’évaluation permanente qui est destructrice des collectifs de travail, et en refusant de refermer le piège de la LPPR sur les générations de chercheurs à venir et sur plusieurs génération de précaires.

      –-----------

      Ce scénario d’imposition de la LPPR ressemble étrangement aux quatre étapes décrites dans le trailer du film de 1973 de George Roy Hill, L’Arnaque (The Sting) : « D’abord on monte le coup (la LPPR) , … ensuite on met l’appât (le protocole), … puis on fait un court-circuit (division des syndicats par les chantages multiples), … enfin l’arnaque est prête (la signature d’un faux protocole ouvrant le droit à négocier) ».

      https://www.youtube.com/watch?v=QUhAwqvHZnk&feature=emb_logo

      La LPPR comme le protocole d’accord constituent une seule et même escroquerie, exemplaire d’un néolibéralisme cynique qui a remplacé la carotte et le bâton par le masque et les fumigènes. Mais les masques tombent et la fumée se dissipe.

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/140920/l-arnaque
      #arnaque

  • Misère des universités et universités de la misère.

    https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/200520/misere-des-universites-et-universites-de-la-misere-suite

    Si Macron s’obstine à ne pas faire droit aux revendications des enseignant-e-s, chercheur-e-s et étudiant-e-s qui n’ont eu de cesse de multiplier appels, tribunes et actions diverses, l’action collective deviendra une nécessité impérieuse et nombre des personnes concernées, comme les personnels des hôpitaux hier et aujourd’hui, s’estimeront en situation de légitime défense.

    #université

    • 23 janvier 2004. Le journal Le Monde titrait : « La grande #misère des #universités_françaises » dans un contexte de mobilisations des étudiant-e-s, du personnel administratif et enseignant. S’y ajoutaient celles de nombreux conseils d’administration qui menaçaient de ne pas voter leur budget pour protester contre l’insuffisance des moyens alloués par l’Etat. Déjà, on apprenait que les universités étaient condamnées à « faire des économies de bout de chandelle » en réduisant les dépenses de chauffage (sic), les déplacements professionnels des enseignants-chercheurs et, faute de recrutement suffisant, en multipliant les #heures_complémentaires au risque de grever plus encore leurs finances. Perverse dynamique de la politique d’#austérité imposée aux établissements d’enseignement supérieur. En lieu et place du « gagnant-gagnant », seriné par les défenseurs de la modernisation prétendue, triomphaient « le perdant-perdant » et la #paupérisation de tous consciencieusement organisés par la majorité.

      Dans l’entourage de l’oublié #Luc_Ferry, alors ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche, seuls les spécialistes se souviennent qu’il a exercé pareilles responsabilités, on reconnaissait que la « France a favorisé le premier degré et les lycées. Les collèges et l’enseignement supérieur ont été sous-financés. »

      Très juste. En effet, dans ce beau pays dont les dirigeants successifs, de droite comme de gauche, ont pour habitude d’enfiler les perles rhétoriques sur l’importance des universités et de la #recherche en vantant l’ancienneté, l’excellence et le prestige de « nos établissements » dont témoigne la glorieuse Sorbonne, la dépense par étudiant était alors inférieure de 11% à la moyenne des pays de l’OCDE. Misère et #inégalités remarquables aussi puisque l’Etat accordait 6840 euros par étudiant inscrit à l’université et 11450 euros aux élèves des #classes_préparatoires. « Elitisme républicain » ? Ce dernier adjectif, employé par celles et ceux qui justifient ces orientations en prétendant être fidèles aux principes de la République, est ici parfaitement superfétatoire. Après beaucoup d’autres possibles, ces chiffres mettent au jour une politique, qui a défaut d’être publiquement assumée, est cependant fort claire : donner plus à ceux qui sont déjà les mieux dotés sur le plan social, culturel et académique.

      15 octobre 2015. Mitan du quinquennat de François Hollande, cet extraordinaire dirigeant qui a réussi deux exploits qui resteront dans les annales de la Cinquième République et dans celles de la formation socialiste qui l’a soutenu : être obligé de renoncer à se représenter à l’élection présidentielle et transformer un parti de gouvernement en un groupuscule marginal qui tente aujourd’hui de survivre. Admirable. Au ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la docile #Najat_Vallaud-Belkacem qui a servi tous les gouvernements de cette période glorieuse en apportant ainsi sa contribution réitérée au désastre que l’on sait. Elle est alors flanquée d’un transparent et dispensable secrétaire d’Etat chargé du monde universitaire, #Thierry_Mandon. Par charité, on n’évoquera pas ici ses exploits ultérieurs en tant que directeur de publication de L’Ebdo ; cette formidable aventure intellectuelle et éditoriale qui devait révolutionner la presse. La longue et triomphale marche promise s’est transformée en une pitoyable déambulation qui, débutée en janvier 2018, s’est achevée trois mois plus tard. Quel talent !

      Le 15 mars 2015, donc, Le Monde publie un article : « Les universités dans la rue pour crier misère. » Ce titre et les éléments d’information apportés prouvent ceci : la politique mise en œuvre s’inscrit dans la continuité de celle appliquée par la droite antérieurement. En attestent les faits suivants : 44% des établissements universitaires sont vétustes, 13% sont très dégradés, selon un rapport établi par la #Cour_des_comptes, et les #dépenses_publiques et privées pour l’#enseignement_supérieur – 1,5% du PIB – sont toujours inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE et plus encore à celle des pays d’Europe du Nord – 2 % -. Quant aux inégalités précitées, elles demeurent. En 2015, le coût d’un élève en classe préparatoire aux grandes écoles (#CPGE) s’élève à 14850 euros soit 40% de plus que son “homologue” des premiers cycles universitaires (10850 euros). Les mieux dotés sont les élèves des #écoles_d’ingénieur (16 000 euros). Entre 2008 et 2018, la hausse des #budgets des universités a été inférieure à 10%, le #recrutement des enseignants-chercheurs a baissé de 40% alors que dans le même temps le nombre d’étudiant-e-s a augmenté de 20% à 26%.

      « Liberté, Egalité, Fraternité » ? « Destin, Inégalité et Lutte des places », telle est en réalité la devise de celles et ceux qui, depuis des années, s’obstinent à traiter l’enseignement supérieur en chien crevé au nom de ce qu’ils nomment « #sérieux_budgétaire » et « adaptation indispensable à la #compétition_internationale ». Crise des universités ? Assurément à condition d’ajouter qu’elle est structurelle et qu’elle est la conséquence directe des #politiques_publiques mises en œuvre par les majorités de droite comme de gauche qui se sont succédé au pouvoir. Nombreux sont les concepteurs et les agents d’exécution de ces orientations qui se gaussent des analyses de Pierre Bourdieu – voir Les Héritiers (avec J.-C. Passeron, 1964) et La Reproduction (avec J. C. Passeron, 1970) – alors qu’ils les valident pour l’essentiel en favorisant les pires mécanismes de #sélection et de #ségrégation_sociales qui frappent les plus démunis. Quant aux mieux dotés, ils jouissent de conditions privilégiées – cf. les classes préparatoires, entre autres -, et/ou parviennent à déjouer les pièges nombreux de la #sélection_universitaire en accédant aux formations et aux diplômes valorisés et valorisant de leur choix. Ceux-là mêmes qui leur permettront de maximiser leur chance de trouver un emploi bien rémunéré. Organisation, permanence et triomphe du #darwinisme_social cher au président-directeur général du CNRS, #Antoine_Petit (26 novembre 2019).

      Mai 2020. Un spectre fort dangereux hante toujours les universités : celui de la ministre #Frédérique_Vidal qui est à son domaine de “compétences” ce que Franck Riester est à la culture : une catastrophe. Non en raison de ses initiatives, il est difficile d’en trouver de significatives, mais de sa soumission absolue à celui qui s’est cru Jupiter. Il y a peu, ânonnant les éléments de langage sans doute fournis par son service de communication, cette ministre saluait « la mobilisation exceptionnelle de toute la communauté de l’enseignement supérieur (…) qui a permis que de nombreux étudiants puissent bénéficier, en plus des mesures prises, de nombreuses initiatives de solidarité sur tout le territoire. » Au-delà de ces formules creuses, parfaitement interchangeables et qui n’engagent à rien, se cachent des réalités sociales qui en disent long sur la situation d’un nombre très important d’étudiant-e-s. 10% d’entre eux ont perdu leur emploi à la suite du confinement et 20% sont désormais en situation de grande précarité[2].

      Quand on sait que plus de la moitié des inscrits à l’université a une activité rémunérée pendant l’année et qu’un quart d’entre eux travaille pendant l’été, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour estimer que les conséquences financières du #confinement et de la #crise_économique qui vient vont être catastrophiques pour les personnes concernées. Plus encore pour les étrangers. En effet, pour bénéficier d’aides, ils doivent fournir au Crous 15 pièces justificatives dont les avis fiscaux de leurs parents restés au pays. Avis qui soit n’existent pas, soit sont très difficiles à obtenir. Conséquence pratiques de ces exigences exorbitantes, pour échapper à la faim, ces étudiant-e-s ont recours aux colis du Secours populaire et des Restos du cœur (Le Monde, 15 avril 2020). Solidarité comme le prétend Frédérique Vidal ? Impéritie scandaleuse et réitérée de la puissance publique qui s’en remet aux initiatives des associations pour pallier le manque chronique de moyens alloués à la #vie_étudiante.

      Au lieu de se livrer à des visites Potemkine, soigneusement mises en scène pour alimenter la propagande gouvernementale, la ministre devrait, par exemple, se rendre dans les cités universitaires de Villeneuve-d’Ascq où, pour 169 euros par mois, des étudiant-e-s logent dans des chambres de 9 m2, cafards et punaises de lit compris. Quant aux douches et sanitaires communs, ils sont eux aussi dans un état lamentable ; pas ou peu d’eau chaude (Le Monde, 21 avril 2020). Rappelons-lui également qu’en 2013, selon un rapport de la Cour des comptes, seulement 7% des étudiant-e-s habitaient des #résidences gérées par les #Crous. Ils étaient 35% en 1960 ! Formidable régression qui oblige ces nouvelles générations à demeurer chez leurs parents ou à louer leur #logement sur le marché à des prix pour eux exorbitants. Plus précisément, et comme cela est bien documenté [3], elle pourrait aussi découvrir le confort de certaines #bibliothèques_universitaires obligées de réduire leurs horaires en hiver faute de chauffage suffisant, les toilettes nauséabondes et de facto infréquentables de nombreux établissements, des #salles_de_cours et des amphis pour partie inondés en cas de fortes pluies, des installations électriques parfois à ce point défectueuses qu’elles ne respectent aucune norme de sécurité, et des locaux souvent aussi surchargés que dégradés. Anecdotes ? Vérités établies. A preuve le rapport précité de la Cour des comptes sur la piètre situation et qualité du #parc_immobilier de l’enseignement supérieur.

      Il y a peu la même ministre annonçait fièrement que les universités allaient offrir des « cours magistraux (…) à distance » lors de la rentrée 2020-2021 afin de tenir compte des impératifs sanitaires. Poursuivant, elle livrait aux journalistes la substantifique moelle de son extraordinaire découverte qui, à n’en pas douter, va révolutionner les sciences de l’éducation : « on n’apprend pas uniquement dans les livres ou sur un ordinateur. Il faut des interactions avec les enseignants. » Bouleversant, en effet. Dans l’immédiat, nul ne sait quels sont les moyens matériels, financiers et humains qui permettront aux universités d’accueillir les nouveaux étudiants. Si gouverner, c’est prévoir, Frédérique Vidal fait preuve d’une incapacité stupéfiante qui n’est pas sans rappeler celle de son maître quelques jours avant le confinement décidé en catastrophe. A l’heure où cet article est rédigé, « aucune #consigne claire du ministère » n’existe, note Aurore Chaigneau, doyenne de la faculté de droit de Nanterre où plus de 1000 étudiants sont attendus.

      Proposer aux nouveaux bacheliers, qui ont été contraints d’interrompre leur scolarité pendant plusieurs semaines à cause de la pandémie, de suivre des cours à l’université en visio-conférence, c’est sacrifier les plus fragiles sur l’autel de l’#impréparation et de l’austérité. C’est aussi créer les conditions qui ajouteront l’#échec à l’échec dans des premiers cycles déjà surchargés en droit, sciences sociales et humaines, et poursuivre inlassablement l’entreprise de #paupérisation - #destruction des universités alors que près de 60 000 postes d’enseignants-chercheurs titulaires manquent à l’appel et que le nombre de #vacataires – 20 % - croît d’année en année. A l’adresse des idéologues qui affirment que ceux qui exercent leur activité professionnelle à l’université jouissent de #privilèges indus, précisons qu’au 1er janvier 2020, la #rémunération des travaux dirigés était de 9,86 euros, inférieur donc au #Smic horaire brut – 10,15 euros – alors que les personnes qui les assurent sont pour la plupart des thésard-e-s, des docteur-e-s ou des professionnel-le-s très qualifiés. De plus, cette #précarisation affecte également le #personnel_administratif indispensable au bon fonctionnement des établissements. Enfin, d’après des prévisions gouvernementales, le nombre d’inscrit-e-s devraient augmenter de 20 000 en 2020 et continuer de progresser dans les prochaines années.

      Depuis des mois, le chef de l’Etat et la ministre Frédérique Vidal sont régulièrement informés et alertés de la situation toujours plus catastrophique de l’enseignement supérieur et de la recherche - en 10 ans le CNRS a perdu 50% de ses effectifs -. Enseignant-e-s, chercheur-e-s et étudiant-e-s ont en effet multiplié appels, tribunes et actions diverses. Dernièrement encore[4]. En vain car Jupiter n’est sensible qu’aux rapports de force et plus encore à la peur du rejet que sa personne et sa politique suscitent. Qu’il sache que s’il s’obstine dans cette voie en ne faisant pas droit rapidement aux revendications des uns et des autres, l’action collective deviendra une nécessité impérieuse et nombre des personnes concernées, comme les personnels des hôpitaux hier et aujourd’hui, s’estimeront en situation de #légitime_défense. Non pour préserver des avantages mais pour sauver les universités et les institutions de recherche du désastre, et pour offrir au plus grand nombre des conditions optimales d’études et de formation.

      #facs #histoire #destruction #France #financement #sous-financement #ESR #grandes_écoles #élitisme #précarité_étudiante #résistance

    • La première partie, janvier 2020...

      Misère des universités et universités de la misère

      La #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen·ne·s et les étudiant·e·s.

      Novembre 1997. L’Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche (ARESER) publie un ouvrage auquel de nombreux universitaires et chercheur-e-s-ont participé[1]. Parmi eux, Pierre Bourdieu qui, avec l’historien Christophe Charle et le sociologue Bernard Lacroix, a coordonné cette publication. Les diagnostics établis sont graves et, déjà, révélateurs de la situation alarmante des universités Sous-investissement chronique de la puissance publique, manque d’encadrement des étudiant-e-s en particulier en sciences humaines et en droit ce qui a notamment pour conséquence un taux d’échec élevé en premier cycle dont sont victimes les personnes socialement et culturellement les plus fragiles, démoralisation des enseignants toujours plus absorbés par des tâches administratives multiples[2] et incapables d’accomplir dans de bonnes conditions les missions d’enseignement et de recherche qui sont les leurs, opacité des mécanismes de recrutement des enseignants-chercheurs et « poids croissant du localisme » auxquels s’ajoute une « concurrence » exacerbée « pour des postes raréfiés » en raison de restrictions budgétaires et d’une politique malthusienne qui ne s’est jamais démentie.

      Et les auteurs de rappeler ce paradoxe singulier. Alors que l’éducation et la scolarité des enfants sont des préoccupations majeures des familles dans un contexte de chômage de masse et de longue durée, de même la poursuite des études supérieures après l’obtention du baccalauréat, les responsables politiques ne s’inquiètent de l’état des universités, de la situation des étudiant-e-s, de celle des personnel-le-s administratifs et des enseignant-e-s qu’à l’occasion de mobilisations significatives et/ou de difficultés financières d’une particulière gravité en alternant mesurettes élaborées dans la précipitation pour rétablir le calme et poursuite des politiques de « rigueur. »

      Vingt-trois ans plus tard, la situation n’a cessé d’empirer et ce quels que soient les majorités à l’Assemblée nationale, les gouvernements en place et les présidents. Le quinquennat de François Hollande l’a confirmé. Qui se souvient des diaphanes secrétaires d’Etat à l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso d’abord, Thierry Mandon ensuite, et de leurs actions significatives en faveur des universités ? Après avoir servi avec docilité le fossoyeur en chef de la majorité présidentielle et du Parti socialiste, ils ont, comme beaucoup d’autres, disparu corps et bien avec la débâcle politique que l’on sait. A droite comme au sein de la défunte gauche gouvernementale, nonobstant de menues oppositions rhétoriques sans grandes conséquences pratiques, le budget de l’enseignement supérieur est depuis longtemps une variable d’ajustement toujours conçue comme une dépense, jamais comme un investissement à long terme exigeant une constance certaine dans l’allocation des ressources financières et humaines afin de bâtir des universités capables d’assurer de façon optimale leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Aujourd’hui, les communicants affairés ont trouvé d’autres termes que celui de rigueur pour qualifier les orientations mises en œuvre. « Modernisation », « rationalisation » et désormais « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) présentée par le Premier ministre, Édouard Philippe pour, dixit les éléments de langage utilisés, « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens. » A charge pour Frédérique Vidal, la transparente ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de mettre en place « une vaste consultation de la communauté scientifique française » qui, selon elle, a déjà « imprimé en partie sa marque » sur ce projet. Après le soi-disant « Grand débat national » et la préparation de la loi sur les retraites, on sait ce qu’il en est des consultations présidentielles et gouvernementales : de grossières et bruyantes machineries prétendument démocratiques au service de l’imposition autoritaire des orientations décidées en haut lieu. Faire diversion, alimenter les medias et les bavards radiophoniques et télévisuels qui se pressent sur les plateaux, diviser autant qu’il est possible les forces en présence, tels sont les ressorts principaux de ces coûteuses mises en scène.

      Merci au président-directeur général du CNRS, Antoine Petit, d’avoir révélé ce que cache le ronflement sonore des formules précitées, et ce que trament Matignon et de Bercy, en se prononçant haut et fort en faveur d’une « loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » (26 novembre 2019). Lumineux mais très inquiétant. De tels propos permettent de comprendre ceci : pour les néo-libéraux engagés dans la destruction des services publics en général et dans celle de l’enseignement supérieur en particulier, la liberté signifie lutte de tous contre tous pour obtenir des fonds publics et privés afin de financer la recherche, et renforcement des liens universités/entreprises pour les établissements qui le pourront et qui bénéficieront ainsi de sommes très substantielles. En témoigne l’implantation souhaitée du groupe pétrolier Total sur le campus de l’Ecole polytechnique où il finance déjà, à hauteur de 3,8 millions d’euros, une chaire d’enseignement intitulée : « Défis technologiques pour une énergie responsable. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ceux qui tiennent les cordons de la bourse déterminent également le contenu des recherches et les usages qui en seront fait. Les ministres et les béni-oui-oui de la majorité présidentielle chantent les louanges de la « modernisation » et de la liberté retrouvée, il faut comprendre vassalisation et privatisation rampantes des activités de recherches, et paupérisation pour le plus grand nombre.

      Indignations subjectives ? Vérités objectives. A preuve. Combien de temps encore allons-nous tolérer la dégradation continue des universités de ce pays qui se trouve en huitième position pour les sommes consacrées à l’enseignement supérieur ? Rappelons que « la dépense intérieure d’éducation rapportée à la richesse a baissé de 7,7% à 6,7% entre 1996 et 2016. Cela veut dire que chaque année », la France « consacre une part moindre de sa richesse à la formation de la jeunesse. » (Sources Observatoire des inégalités et OCDE) Combien de temps encore allons-nous tolérer que 20 % les étudiant-e-s- et des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté soit 3,6% de plus qu’en 2002 ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que de 30 000 étudiant-e-s fréquentent les Restos du cœur faute de moyens financiers suffisants ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 13,5% des étudiant-e-s renoncent à des soins médicaux pour ne pas grever davantage leur budget ? Combien de temps encore allons-nous tolérer les ravages de la sélection sociale dans les établissements d’enseignements supérieurs auxquels accèdent seulement 11% des enfants d’ouvriers alors qu’ils représentent 30% des jeunes âgés de 18 à 23 ans ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 46% des étudiant-e-s travaillent pendant l’année universitaire au risque de compromettre sérieusement leurs études [3] ? Combien de temps encore allons-nous tolérer des amphithéâtres surchargés et des taux d’encadrement des étudiant-e-s qui découragent les plus faibles et sont les causes des nombreux échecs en premier cycle ?

      Combien de temps encore allons-nous tolérer l’obscénité ajoutée à l’horreur lorsque la ministre Frédérique Vidal, à la suite de l’immolation d’un étudiant de 22 ans devant le Centre régional des œuvres universitaires (Crous) de Lyon le 8 novembre 2019, propose comme solution, pour celles et ceux qui sont confrontés à de graves difficultés financières, la mise en place d’un numéro d’appel, payant qui plus est ? L’auteur du présent article a donc téléphoné pour savoir ce qu’il en était et il a découvert ceci : les étudiant-e-s concernés sont renvoyés aux services sociaux déjà existants et simplement informés de leurs droits. Telle est donc la réponse de ce gouvernement au 130 000 étudiants en situation de grande précarité. Combien de temps encore allons-nous tolérer l’augmentation constante des précaires parmi le personnel administratif et enseignant, et la baisse continue du nombre de postes de titulaires pour les seconds (3650 postes ont ainsi été perdus entre 2012 et 2018) ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que des doctorants, au terme de leur contrat, utilisent leur allocation chômage pour achever leur thèse dans des conditions toujours plus difficiles ?

      Chacun-e- est libre de compléter cette liste qui n’est pas exhaustive, tant s’en faut. Derrière ces chiffres, il y a des dizaines de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes dont les espérances sont ruinées par cette politique qui transforme en destin social l’existence de ceux qui sont les moins préparés à affronter la massification et à la paupérisation de l’enseignement supérieur. Sordide et insupportable violence sociale et symbolique infligée aux plus démunis.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s. Ce sont de vos aspirations personnelles, universitaires et professionnelles dont il est question. La coordination des universités et des laboratoires en lutte a décidé de faire du 5 mars 2020 une journée de mobilisation nationale. Il est urgent de faire reculer ce gouvernement et le chef de l’Etat.

      O. Le Cour Grandmaison, université Paris-Saclay-Evry-Val-d’Essonne.

      [1]. ARESER, Quelques diagnostics et remèdes urgents pour une université en péril, Paris, Liber-Raisons d’Agir, 1997. Furent également associés F. Balibar (Paris-VII), C. Baudelot (ENS Ulm) et D. Roche ( Paris-I), notamment.

      [2]. En 1964, déjà, Paul Ricœur écrivait : « Il faut mettre fin à l’écrasement stupide des universitaires sous les tâches administratives, sinon ancillaires, à la monumentale bêtise du gaspillage d’énergie que le manque de moyens entraîne. » « Faire l’université. » In Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 375. Le chef de l’Etat, qui a réussi à faire croire qu’il est un disciple de ce philosophe, serait bien inspiré de le lire au plus vite.

      [3]. « S’ils ne travaillaient pas les étudiants salariés auraient une probabilité plus élevée de 43 points de réussir leur année. » Enquête Insee du 19 novembre 2009. « L’impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires. » M. Beffy, D. Fougère et A. Maurel. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi554241rf

      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/040220/misere-des-universites-et-universites-de-la-misere
      #LPPR

      –—

      Sur la LPPR, voir cette métaliste :
      https://seenthis.net/messages/820330#message820388

    • Message reçu via la mailing-list de lutte contre les réformes dans l’ESR... autour du #rapport :
      Le pilotage et la maîtrise de la masse salarialedes universités


      https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le #MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « #universités_entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de #budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du #GVT.

      –----------

      Quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. Remarques de Pierre Ouzoulias (signalées avec —>) :

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités sont à ce jour globalement correctement dotées par le #budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des #finances_publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels.

      –-> Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20 %, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16 %, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13 % depuis 2011.

      –-> La solution : les ressources propres, les mauvais élèves : les #SHS

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (#ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6 % de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22 % ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71 % de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78 % de ce qu’ils étaient en 2010.

      –-> Un constat partagé : la #masse_salariale augmente grâce à la #précarisation

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.
      Les unités de formation et de recherche (#UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important.
      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable.

      –-> Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des #ressources_humaines

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :
      -- Une partie des universités a recours à une #régulation, plus qu’à une #optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs #ressources_propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      -- D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’#efficience.
      -- Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques.

      –-> Le modèle : les « #universités_entrepreneuriales »

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une #gestion_prévisionnelle_des_emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des #emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement.

      –-> Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Les prévisions de #départs_en_retraite des #titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de #gel, d’annulation ou/et de #redéploiements d’emplois par statut et catégorie.
      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de #BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76 M€ et 41 M€.
      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de #repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.

      –-> Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux #PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université.

      –-> Éviter la titularisation des contractuels financés par les PIA

      Par ailleurs, le recours aux #contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du #code_de_l’éducation qui offre des possibilités plus souples de #recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat #LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.
      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure #adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants – chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.
      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’#emplois_contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son #GVT.
      Ensuite, la transformation des #CDD en #CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de #consolidation_des_contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels.

      –-> Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de #charge_d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La #responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2.

      –-> Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’#opérateurs_autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la #déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (#PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des #PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de #promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      –-> Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la #trajectoire_LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs.

      –-> La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Proposition n° 9 : connecter la #modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la #performance universitaires ;

      –-> Où l’on retrouve l’#évaluation !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux #RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.
      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de #pilotage à moyen et long terme compte tenu de la #faible_plasticité_naturelle_des_effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’#effectifs_cibles à trois ou quatre ans.
      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une #refonte du système actuel de #répartition_des_crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une #contractualisation État/université dans le cadre de #contrats_de_performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein.

      –-> Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      #flexibilité #plasticité #performance

    • #Frédérique_Vidal arrive aux journées sciences humaines et sociales de L’Agence nationale de la recherche. Mais que va-t-il donc pouvoir se passer ?


      Intervention des facs et labos en lutte

      « Nous nous rallions à la revendication votée par la coordination des facs et labos en lutte, et demandons la suppression de l’ANR et l’affectation de la totalité de ses crédits et de son personnel là où ils sont nécessaires : dans les universités et établissements de recherche »
      Elle annonce ce qu’il y aura dans la LPPR : programmer budgétairement, sécuriser l’investissement, en arrêtant d’avoir l’objectif incantatoire de 3% du PIB. Favoriser l’#attractivité (c’est vrai qu’avec 100+ candidat.e.s par poste, l’attractivité est un vrai problème)
      #Vidal veut renforcer l’#ANR pour la mettre au niveau des agences des autres pays. Pour ça, réaffectation des crédits des labos pour soutenir les #projets (hop, moins de financements récurrents).
      L’idée est lâchée, Vidal annonce la modulation des services : les porteurs de projets ANR pourront enseigner moins, il y aura + de places à l’#IUF, + de #congés_de_recherche, pour arriver à une année #sabbatique tous les 7 ans (ce qui est un droit depuis le décret de 1984)
      Et allez, c’est parti : pour Vidal, il faut surtout augmenter les #investissements_privés dans la recherche, pour arriver à 2/3 du financement de la recherche sur #fonds_privés. Bye bye le service public de la recherche !
      Elle est cash : la grande majorité des transformations sera faite par #circulaires, de toute façon. La LPPR visera juste à faire sauter les #verrous_législatifs.
      Questions dans la salle : « Vous voulez donner des #décharges d’enseignement aux personnes qui ont des projets ANR, mais on est en #sous-encadrement massif dans les laboratoires ? La seule solution est une création massive d’emplois titulaires d’enseignant.e.s chercheur.e.s »
      (Non)-réponse : les communautés doivent s’organiser. Toutes les missions des EC doivent être prises en compte pour l’avancement. Quand un.e chercheur.e gagne un projet, tout le labo en bénéficie. Bref, rien sur la question de l’emploi titulaire.
      Une autre question revient dessus : que prévoyez-vous pour l’#emploi_titulaire ? La moitié des cours, dans certains départements, sont donné.e.s par des vacataires. Et encore une autre : le nombre de postes permanents ne cesse de baisser, comment on fait ?
      La solution de Vidal : refinancer la recherche avec des #contrats_d'objectifs-moyens, pour donner de la #visibilité aux établissements, mais c’est ensuite à chaque établissement de définir sa politique d’emploi. « Les emplois, ce n’est pas mon travail », dit la ministre.
      La loi va fixer un plancher de #recrutements, mais je ne vais pas annoncer des postes, dit la ministre. Elle rappelle que le précédent gouvernement a annoncé 5000 postes, et aucun n’a été créé. La solution : des contrats avec les établissements, et plus de #post-docs plus longs.
      Les doctorant.e.s financé.e.s ne sont pas des #précaires, pour Vidal. « Quand on est doctorant, on est étudiant ». La seule chose que fait le contrat doctoral, c’est de permettre à des étudiant.e.s « de ne pas travailler à côté de ses études »
      Enfin, Vidal réitère que la solution face à la #précarité, ce n’est pas l’emploi titulaire, mais des #CDI financés projet après projet, qui, à la différence des #fonctionnaires, pourront se faire virer si nécessaire (pardon, elle parle de « #rupture_de_contrat »)
      Un collègue demande comment il fait pour bosser alors qu’il n’a même pas de bureau. Air surpris de la ministre, qui répond directement « non mais je vais pas m’occuper d’attribuer des bureaux » et « Vous n’avez qu’à aller au campus Condorcet ». Le mépris.

      https://twitter.com/SamuelHayat/status/1232223691750113285

      Vous pourrez trouver ici la vidéo de l’interpellation de la ministre, le récit plus complet de l’action et des annonces faites, ainsi que la lettre qui a été lue et distribuée :
      https://universiteouverte.org/2020/02/25/interpellee-par-les-facs-et-labos-en-lutte-vidal-precise-les-orie
      https://www.youtube.com/watch?v=P-6dZghVhS0&feature=emb_logo

    • Comme dit un collègue :

      Le gouvernement va vite, très vite ...
      Le décret relatif au « #contrat_de_projet » dans la fonction publique est paru au Journal officiel (27.02.2020) :

      https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041654207&categorieLien=id

      A mettre en lien avec ces paroles de la ministre #Vidal :

      "La grande majorité des transformations sera faite par #circulaires, de toute façon. La LPPR visera juste à faire sauter les #verrous_législatifs.

      https://seenthis.net/messages/827430#message827565

      Ils ne sont pas #en_marche, ils sont #au_galop !

    • L’Assemblée adopte le vrai - faux engagement de #revalorisation des enseignants

      Peut-on imaginer des députés adopter un article en sachant qu’il est inconstitutionnel ? Peut-on imaginer une majorité promettre solennellement une mesure sociale à travers un texte sans valeur juridique ? Non. C’est pourtant ce que la majorité a fait à l’Assemblée nationale le 24 février en adoptant deux amendements qui inscrivent dans un nouvel article de la loi retraite l’engagement de faire une loi de programmation sur la revalorisation des enseignants. Or, depuis l’avis du Conseil d’Etat sur cette loi, on sait que cette disposition est anticonstitutionnelle. Les députés de la majorité ont adopté un article en sachant qu’il viole la constitution. Et ils s’engagent solennellement vis à vis des enseignants à rien.

      Que faire de la promesse de loi de programmation ?

      On le sait. Les alinéas 14 et 15 de l’article 1er de la loi sur les retraites mentionnaient un engagement gouvernemental pour la revalorisation des enseignants. « Le Gouvernement s’est engagé à ce que la mise en place du système universel s’accompagne d’une revalorisation salariale permettant de garantir un même niveau de retraite pour les enseignants et chercheurs que pour des corps équivalents de même catégorie de la fonction publique... Cet engagement sera rempli dans le cadre d’une loi de programmation dans le domaine de l’éducation nationale et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche ». Or l’avis du Conseil d’Etat sur ce projet de loi estime que cette disposition est anticonstitutionnelle, une loi ne pouvant contraindre le gouvernement à déposer un autre projet de loi.

      Face à ce constat, la majorité a déposé plusieurs amendements. Ainsi, M Naegelen et des députés UDI ont pris au mot le gouvernement et proposé de retirer les alinéas 14 et 15 pour les remplacer par une mention garantissant le maintien des pensions au niveau d’avant la loi. Mme Rilhac proposait de remplacer les alinéas par une formule bien vague demandant au gouvernement de « mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à la réussite de cet engagement ».

      Deux amendements LREM réparent l’article 1 et créent un nouvel article

      Finalement c’est la formule proposée par le rapporteur LREM, M. Gouffier-Cha qui a été retenue. Un premier amendement (9998) propose de supprimer les deux alinéas. Un second (10 000) crée un article venant après l’article 1 reprenant le texte initial de la loi. « La mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire et relevant des titres II, III et VI du livre IX du code de l’éducation une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État. Les personnels enseignants, enseignants chercheurs et chercheurs ayant la qualité de fonctionnaire et relevant du titre V du livre IX du code de l’éducation ou du titre II du livre IV du code de la recherche bénéficient également, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes de revalorisation permettant d’atteindre le même objectif que celui mentionné au premier alinéa du présent article. »

      « N’avez vous pas honte ? »

      Le ministre L. Pietraszewski parle « d’un engagement clair du gouvernement » et rappelle les « 500 millions pour 2021 » annoncés par JM Blanquer. La député Mme Rilhac (LREM) dit que « demain on veut atteindre 2000 euros par mois dès les 5 premières années d’enseignement ». La députée LREM Sylvie Charrière dit « qu’on peut pinailler sur l’histoire de la constitutionnalité, mais en attendant le geste est important, fort, c’est une loi de programmation et c’est 10 milliards qui seront sur la table ».

      En réalité, par ce moyen, la majorité sauve l’article 1 de son projet de loi. Mais il ne fait aucun doute que le Conseil constitutionnel n’annule le nouvel article créé par cet amendement. Les députés de la majorité ont en toute connaissance de cause adopté un article de loi anticonstitutionnel. Ils ont en même temps pris un engagement solennel envers les enseignants en sachant pertinemment que le Conseil constitutionnel les délivrerait de cet engagement.

      « Vous pourriez aussi bien marquer vos promesses aux enseignants de bottes de 7 lieues que ça aurait la même valeur », ironise JL Mélenchon devant l’Assemblée. « N’avez vous pas honte de dire aux français que vous allez adopter un amendement dont vous avez la certitude qu’il n’a pas le début d’une portée juridique... de dire aux enseignants que vous leur promettez une augmentation alors que dans la réforme vous voterez des paramètres diminuant leur pension », s’indigne Guillaume Larrivé (LR).

      Une journée historique

      « Nous serions heureux que M. Blanquer, ministre de l’éducation nationale, vienne s’expliquer sur ce point devant la représentation nationale », a déclaré M Juanico (PS). « Sachez cependant que, pour compenser la baisse de pension des enseignants, il faudrait non une prime mensuelle de quatre-vingt-dix à cent euros, mais une augmentation de traitement de 1000 à 1500 euros, en salaire et en revalorisation du point de la fonction publique – soit 10 à 12 milliards de masse salariale en plus. Puisque vous prévoyez d’ajouter seulement 500 millions en 2021 au budget de l’enseignement, notamment de l’enseignement supérieur et la recherche, nous sommes loin du compte. Nous souhaitons obtenir des explications, car beaucoup d’enseignants nous interrogent sur la revalorisation de leur traitement et la compensation de la diminution de leur pension ».

      « Durant le précédent quinquennat, le régime de prime des enseignants du premier degré a été aligné sur celui des enseignants du second degré ; en outre, le protocole PPCR – parcours professionnels, carrières et rémunérations – a été adopté, après deux ans de négociation avec les partenaires sociaux. Or vous n’avez eu de cesse de repousser son application, en 2018. Ainsi, avec ces projets de lois de programmation, vous rendrez aux enseignants en 2021 ce que vous leur devez depuis cette date », explique B Vallaud (PS).

      « Cela fait trois discussions budgétaires que, systématiquement, les députés de la gauche de l’hémicycle vous demandent de créer davantage de postes d’enseignants, et d’augmenter leurs rémunérations. À chaque fois, vous nous avez expliqué que ce n’était pas possible. À chaque fois, vous avez convenu qu’ils étaient peut-être moins bien payés que dans les autres pays européens, tout en refusant d’y voir un vrai problème. Or aujourd’hui vous prenez des airs de sauveur en annonçant que vous augmenterez leurs salaires. Vous prétendez en plus que la mesure n’a rien à voir avec la réforme des retraites ! Cela ressemble à une supercherie », dit Ugo Bernalicis (LFI). « Des promesses comme celles-ci figurent aux alinéas 14 et 15 de l’article 1er ou à l’article 1er bis, cela ne change rien : c’est une manœuvre pour inciter les enseignants à ne plus manifester et à cesser de se mobiliser contre votre projet pourri. »

      La journée du 24 février est historique. Le premier article de la loi retraite est adopté. Surtout on aura vu des députés voter un texte contraire à la constitution et inscrire dans une loi un engagement qui sera détruit dans quelques mois par le Conseil constitutionnel. Quel adjectif pour cette pratique politique ?

      http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2020/02/18022020Article637176555371040344.aspx
      #constitutionnalité

    • La LPPR, sa communication et la politique de la recherche. À propos d’une tribune, d’un communiqué et d’une interview

      Voilà plusieurs semaines que l’ensemble les directions de laboratoires, des instances scientifiques du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du sont vent debout contre les annonces des groupes de travail qui ont préparé la future Loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), plusieurs d’entre nous avons été surpris·es de découvrir que le CNRS utilisait son compte Twitter non pas pour communiquer sur l’ensemble des prises de position publiques de ses instances, pourtant remarquables par leur unanimité, mais pour faire connaître une pétition en faveur de la LPPR. C’est l’occasion de revenir sur ce contrefeu (1) et reproduire l’entretien que le président du Comité national de la recherche scientifique Olivier Coutard (2), a offert au journal d’entreprise CNRS info.
      1. Contrefeu : les émérites au secours des directions des EPST

      Le 20 février 2020, le compte Twitter du CNRS informe la communauté de la parution d’une tribune dans un quotidien sous péage. Le texte, très court — 1440 caractères — peut être intégralement lu sans payer.
      « La communauté scientifique attend un engagement financier
      fort et durable pour la recherche »

      –---

      Monsieur le Président de la République,

      vous avez annoncé, le 26 novembre 2019, votre intention de porter la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) à 3 % de notre produit intérieur brut. Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros qui, dans le contexte actuel que nous connaissons tous, est une somme très importante. Mais le besoin est là, et l’urgence est manifeste. Plusieurs pays ont fait de la science une priorité. Vous l’avez affirmé vous-même pour la France : « Tous nos défis ont besoin de science et de technologie pour les relever ».

      C’est une question de souveraineté et, en cela, la France doit se donner les moyens de garder sa place sur la scène internationale. Nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face et correspondant à nos attentes et nos besoins. Comme vous le savez, il existe une inquiétude dans la communauté scientifique face à des informations qui sont encore fragmentaires.

      Sans présumer de la rédaction finale de la loi, nous tenons à vous affirmer que la communauté scientifique soutient l’idée d’une loi de programmation et attend un engagement financier fort et durable pour la recherche. Elle saura répondre aux enjeux pour notre pays. Cette loi marquera votre engagement et celui de la France sur la durée. Elle doit avoir des effets tangibles dès 2021.

      –---

      En substance, les 180 signataires demandent plus d’argent pour la recherche. Soit. Si possible de un financement pluriannuel. Re-soit.

      De là à vouloir la loi de programmation pluriannuelle de la recherche telle que les rapports des groupes de travail préparatoires la préfigurent, il y a un pas qu’on ne peut .franchir sans examiner le dispositif de signatures et l’environnement éditorial1

      Mettons de côté d’emblée la pétition associée à la tribune du Monde : les quelques 200 signataires, quatre jours après le lancement de la pétition fait peine à voir, d’autant qu’elle mêle aussi bien des citoyen-nes, des industriels et des scientifiques qui, tels cet Arnaud Pothier.

      180 signataires de la tribune, répartis par âge et par sexe (Crédit : PGE)

      La pétition émane-t-elle bien des « premiers signataires », comme il est courant dans un cas de péitionnement ? On peut s’interroger sur le profil des premiers signataires, bien hiérarchisés entre « Prix Nobel, Médaille Fields, Médaille d’or du CNRS » ; « Responsables d’institutions, organismes et universités » : et « Membres de l’Academié des sciences ». Le premier groupe a une moyenne d’âge de 75 ; le second, 66, le troisième 72. Le membre le plus jeune est Cédric Villani, qui n’est plus mathématicien, même s’il est bien médaillé Fields ; le plus âgé, Claude Lévi, professeur honoraire au Muséum national d’histoire naturelle, a 98 ans. Parmi ces signataires du troisième âge avancé, seules 15% de femmes. Le moins que nous puissions dire, c’est qu’à l’exception du groupe des Responsables, il s’agit de personnes qui ont quitté depuis longtemps, en moyenne plus de 5 ans le monde professionnel de l’enseignement supérieur et de la recherche et qu’ils ou elles en perçoivent difficilement les raisons de l’« inquiétude » de personnel à l’emploi très dégradé.

      À tout le moins peuvent-ils ou elle s’accorder sur le besoin de financement de la recherche à hauteur de 3% du Produit intérieur brut, soit un engagement financier durable dans la recherche, sans s’intéresser aux à-côtés dont les groupes de travail nous ont proposé, en particulier en matière d’emploi précarisé.

      Du côté des Responsables, en dépit d’une meilleure homogénéité de classe d’âge (entre 55 et 65 ans), c’est pourtant l’hétérogénéité qui questionne. Au sein des membres de la CURIF,qu’y a-t-il de commun entre un président d’université fraîchement élu par ses pairs, comme Éric Berton (Aix-Marseille Université) ou Yassine Lakhnech (Université de Grenoble Alpes) — dont les positions sont rapportées comme peu éloignées de celles de leurs collègues unanimes, et les présidents à la manoeuvre dans la conduite d’une olitique inégalitaire d’université de recherche vs. université de 2e ordre, comme Jean Chambaz, Sorbonne Université, récemment invité sur France culture, et Manuel Tunon de Lara, Université de Bordeaux, co-auteur du rapport du 2e groupe de travail sur l’attractivité de l’emploi scientifique ?

      Ces derniers ont sans doute plus de proximité avec les apparatchiks du MESRI, qui se déplacent d’un poste de direction à l’autre depuis dix ans, comme Philippe Mauguin, président de l’INRA depuis 2015, qui accompagnait Frédérique Vidal lors de son discours à la cérémonie des vœux du 21 janvier 2020, Alain Fuchs, ancien Pdg du CNRS (2010-2017), qui a mis en œuvre la dégradation consciete de l’emploi pérenne d’abord che les ITA, Antoine Petit, connu pour ses prises de positions élégantes en faveur d’une loi « darwinienne », contre le « bois mort » de la recherche ou encore ses amateurs incapables de jouer la « Champion’s League », L’attelage de ces Responsables, plus ou moins complètement déconnectés des activités d’enseignement supérieur et de recherche, laisse songeur.

      Fallait-il sauver le soldat LPPR par une tribune signée par des figures reconnues mais retraitées ? Ou par un communiquépublié le 24 février 2020, La CPU en phase avec les orientations du projet de loi sur la recherche vide de contenu, ne reposant sur rien, puisque le texte n’est pas connu ? On peut se le demander. Ce texte a continué à froisser la communauté, qui demande de façon constante et publique depuis plus d’un an des financements à la hauteur d’un pays comme la France et une vaste campagne de recrutement. Et surtout, comme l’écrit Olivier Coutard, le président du Comité national de la recherche scientifique — non plus sur Le Monde et le compte Twitter du CNRS, mais dans le Journal du CNRS, non plus en 1500 signes, mais en 15 000 signes — une concertation sincère sur la politique de recherche du MESRI est devenue absolument indispensable.

      2. Olivier Coutard – « Pour une concertation sincère sur la LPPR »

      –---

      Le président de la Conférence des présidents du Comité national (CPCN) revient sur son action à la tête de cette instance de représentation de la communauté scientifique. Face aux inquiétudes exprimées dans les laboratoires, Olivier Coutard plaide pour “une concertation sincère” sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Quel bilan tirez-vous du fonctionnement de la Conférence des présidents du Comité national (CPCN) après trois années d’exercice de sa présidence ?

      Olivier Coutard : Presque trois ans et demi même… Le premier aspect que j’aimerais souligner, c’est l’engagement remarquable des présidentes et présidents de sections et de commissions interdisciplinaires depuis le début de la mandature. Lors de notre dernière réunion mi-janvier par exemple, les trois quarts des membres de la CPCN étaient présents et la plupart des autres étaient représentés.

      Je ne doute pas que cet engagement perdurera jusqu’à la fin de la mandature. Mais j’en profite pour souligner que ces mandats, qui sont passés de quatre à cinq ans, sont des mandats lourds, même si cette durée de cinq ans a été pensée pour permettre aux sections, au gré des cinq vagues de contractualisation, d’évaluer l’ensemble des unités de recherche relevant de leur périmètre.

      Sur un plan général, il me semble que la CPCN remplit et remplit bien, ses trois grandes missions, à savoir, en premier lieu, l’échange entre les sections et les commissions interdisciplinaires (CID), qui facilite l’adaptation coordonnée de nos instances à un contexte réglementaire et institutionnel en constante évolution, tout en préservant la diversité des pratiques propres à chaque discipline ou champ de recherche. Le dialogue avec la direction du CNRS, qui constitue la deuxième mission, fonctionne bien à mon sens. Enfin, la CPCN s’acquitte d’une fonction non statutaire mais précieuse de représentation de la communauté scientifique nationale.

      Sur ce dernier point, j’avais indiqué dès ma prise de fonction que, selon moi, les positions publiques de la CPCN seraient d’autant plus fortes qu’elles reposeraient sur un consensus très large entre ses membres. C’est ainsi que toutes les motions adoptées par la CPCN depuis le début de la mandature l’ont été à l’unanimité, ce qui tend à prouver que les positions ou les préoccupations qu’elle exprime sont très largement partagées.

      Vous faites référence à vos motions sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ?

      C. : Pas seulement.

      Notre première prise de position notable a été de faire paraître dans Le Monde début décembre 2018, une tribune dans laquelle nous nous inquiétions de la baisse, décidée par la direction du CNRS, du nombre de postes ouverts au concours chercheurs : 250 au lieu de 300 les années précédentes et même 400 à la fin des années 2000 ! Nous étions et nous restons très préoccupés par cet étiolement programmé, pour reprendre les termes que nous avons employés dans cette tribune.

      Suite à l’annonce par le Premier ministre, en février 2019, de la mise en chantier d’une loi de programmation pluriannuelle de recherche (LPPR), la CPCN, les Conseils scientifiques d’instituts (CSI) et le Conseil scientifique (soit plus de 1100 collègues au total) ont établi ensemble un diagnostic de la situation de la recherche publique en France, assorti de propositions prioritaires. Ces éléments ont été consignés dans un document solennellement approuvé lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet dernier.

      J’ajoute qu’une tribune publiée il y a quelques jours dans Le Monde et appelant à mettre en œuvre les propositions du Comité national, a déjà reçu le soutien de plus de 700 directrices et directeurs d’unités, dont plus du tiers des directrices et directeurs d’unités mixtes de recherche (UMR).

      Quant aux groupes de travail mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), leur diagnostic et leurs propositions recoupent les nôtres sur un certain nombre de points, mais en diffèrent sur des aspects majeurs. La question qui se pose est donc de savoir quelles propositions seront retenues dans la loi.

      Soutenez-vous la demande qui a été exprimée en faveur d’un « moratoire » de la loi et de la tenue d’états généraux ?

      C. : Nous subissons aujourd’hui une sorte de moratoire de fait. En effet, alors que les réflexions et travaux préparatoires à la loi ont été initiés il y a un an, nous ne disposons toujours pas d’une première version du projet de loi et la date de présentation de ce texte a été déjà reportée plusieurs fois. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose, car cela nourrit les inquiétudes de la communauté scientifique. À titre personnel, je ne suis donc pas favorable à un moratoire prolongé. Je plaide plutôt pour une concertation sincère, aussi rapidement que possible, autour des principales dispositions du projet de loi. J’insiste sur le terme « sincère » car il est essentiel que les attentes très largement exprimées par la communauté scientifique soient véritablement prises en compte.

      Évidemment, les chercheurs ne sont pas les seuls à avoir leur mot à dire sur la politique de recherche de la nation. Mais pour réaliser les ambitions fortes exprimées par le président de la République — et l’on ne peut que se réjouir que l’État ait des ambitions en matière de recherche ! —, une large et profonde adhésion de la communauté scientifique est indispensable. Or force est de constater que cette adhésion n’est pas acquise pour l’instant. Au contraire, une vive inquiétude s’installe parmi les personnels de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), toutes disciplines confondues.

      Comment comprendre cette fronde montante contre un projet qui n’est pas encore écrit ?

      C. : Quelle que soit la manière dont les groupes de travail du MESRI ont travaillé, certaines de leurs propositions apparaissent en décalage important par rapport aux principales attentes exprimées par la communauté et ne semblent pas à-même de résoudre les difficultés identifiées. De surcroît, les déclarations du président de la République et les premières annonces de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ont mis en avant des dispositifs comme les tenure tracks ou les « CDI de mission scientifique » qui sont largement rejetés par les chercheurs et unanimement considérés comme secondaires, compte tenu du besoin de création de postes permanents. Si quelques mesures fortes et d’application immédiate ne viennent pas rassurer la communauté scientifique, la contestation se renforcera. Beaucoup craignent une loi qui « détricoterait » dès maintenant le statut des personnels de recherche et ce qui reste de fonctionnement collectif et collégial et qui annoncerait des moyens financiers pour plus tard peut-être, alors même que le gouvernement aurait pu amorcer le refinancement de la recherche sans attendre le passage de la LPPR.

      Or, quelles sont les attentes de la communauté scientifique ? De l’argent, d’abord, dans les laboratoires, des postes de personnels permanents, de la confiance permettant une simplification forte des procédures administratives. Certaines déclarations générales du président de la République et de membres du gouvernement semblent aller dans le sens de ces attentes, notamment en termes de financement et de simplification. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que pour l’instant les rares mesures concrètes qui ont été évoquées sont très décevantes. Le redéveloppement de l’emploi statutaire n’est pas évoqué, tout au plus sa stabilisation – à un niveau toutefois historiquement bas et dramatiquement insuffisant, toutes catégories de personnels confondues : chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels d’appui. Rien n’est dit non plus sur le refinancement des laboratoires et des établissements hors réponses à appels à projets. Les montants financiers évoqués pour la revalorisation des rémunérations sont d’un ordre de grandeur dérisoire par rapport à ce qui, de l’avis général, serait nécessaire. Ainsi, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation évoque dans une tribune parue dans Le Monde le 10 février « une première enveloppe de 92 millions d’euros pour engager la remise à niveau salariale de l’ensemble des métiers de la recherche », alors même que le groupe de travail qu’elle a mis en place estime les sommes nécessaires entre 2 et 2,4 milliards d’euros supplémentaires par an (hors compensations, le cas échéant, des effets de la réforme engagée des retraites). Enfin, le discours sur l’évaluation, très ferme dans ses intentions et très vague dans ses modalités, hormis l’apparente « reprise en main » du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), suscite une vive inquiétude, aggravée par le contexte.

      Le 26 novembre dernier, le président de la République a évoqué la nécessité de revoir l’évaluation de la recherche et des chercheurs. Qu’en pensez-vous ?

      C. : En indiquant qu’il entendait « assumer une politique d’évaluation qui ait des conséquences », le président de la République a suggéré que les évaluations existantes sont sans effet. Ce n’est pas le cas. S’agissant des personnes, l’évaluation de l’activité professionnelle, tous métiers confondus, détermine la progression de carrière. Je voudrais souligner au passage que pour les chercheurs et les chercheuses du CNRS, les évaluations effectuées par le Comité national s’attachent à prendre en compte l’ensemble des activités des collègues et s’inscrivent ainsi pleinement dans les recommandations du nouveau Contrat d’objectifs et de performance (COP) du CNRS en la matière.

      S’agissant des collectifs (équipes, laboratoires), l’évaluation quinquennale des unités est, il est vrai, un processus lourd qui mobilise les membres de ces unités et dont le « retour sur investissement » si j’ose dire, peut être décevant. Les rapports d’auto-évaluation pourraient sans doute présenter plus explicitement qu’ils ne le font la plupart du temps, les principaux apports à la connaissance scientifique de l’unité pendant la période évaluée, en entrant davantage dans le contenu de la science produite. Cela permettrait en retour aux comités d’évaluation du HCERES et aux sections du Comité national, de centrer davantage leur évaluation sur ces apports.

      Cependant, même dans l’hypothèse où l’évaluation serait systématiquement centrée sur un examen approfondi des apports scientifiques de l’équipe évaluée, le lien mécanique parfois suggéré entre évaluation et attribution de moyens pour les années qui suivent, comporterait davantage d’effets pervers que de bénéfices. Cette vision repose en particulier sur l’idée erronée que les innovations scientifiques futures proviendront essentiellement, voire exclusivement, des équipes (et des personnes) ayant déjà innové dans le passé. L’histoire des sciences montre que ce n’est pas le cas. Les percées sont souvent le fait d’équipes composées de professionnels de haut niveau, très bien formés et très engagés dans leur métier, mais qui ne se sont pas nécessairement distingués auparavant.

      Les craintes suscitées par les déclarations du président de la République, mais aussi par celles de son conseiller recherche, Thierry Coulhon, candidat à la présidence du HCERES, ont amené plusieurs sections du Comité national — dont celle que je préside — à annoncer la rétention de leurs propres rapports d’évaluation et à encourager celle des rapports produits par les comités d’experts du HCERES. Il ne s’agit pas d’exprimer une défiance vis-à-vis du fonctionnement actuel du HCERES, qui représente une amélioration considérable par rapport à celui de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) qui l’a précédé, mais encore une fois, de signaler une inquiétude par rapport aux orientations envisagées ou évoquées en matière d’évolution de l’évaluation scientifique et de ses usages.

      Le Comité national produit au cours de chaque mandature un rapport de conjoncture. Quel est la tonalité du prochain rapport ?

      C. : Le débat sur la LPPR et l’élaboration des contributions du comité national dont nous avons parlé, ont quelque peu ralenti le processus d’élaboration du rapport de conjoncture, mais celui-ci est en cours d’achèvement. Il confirme largement et précise le diagnostic posé par le Comité national au printemps. À titre d’exemple, je voudrais évoquer ici les conséquences du déclin démographique du personnel statutaire. Avec une baisse de 40 % en dix ans des postes de chercheurs ouverts au concours, la diversité des recrutements opérés est de plus en plus limitée. La capacité à recruter des profils originaux et donc plus risqués, est obérée au bénéfice de profils également très solides mais plus « rassurants » parce que situés davantage au cœur des disciplines ou des domaines de recherche des sections. C’est par construction moins vrai pour les commissions interdisciplinaires, mais là encore la diversité des recrutements est amoindrie.

      Or, la recherche a besoin de profils divers, certains au cœur et d’autres à la marge des domaines de recherche établis. En outre, des champs nouveaux émergent. Je pense en particulier à tout ce qui a trait aux données massives, leur collecte, leur stockage, leur exploitation et leur analyse. Des besoins de compétences dans ce domaine s’expriment dans toutes les disciplines scientifiques, tant en matière de recherche que d’appui à la recherche. Il est profondément regrettable qu’un opérateur majeur comme le CNRS n’ait pas les moyens (en termes de recrutement, d’équipement et de financement) d’y répondre de manière adéquate.

      Par ailleurs, le rapport de conjoncture comprendra une réflexion et des propositions sur les biais de genre dans les recrutements et les carrières et sur la science ouverte, deux sujets auxquels la direction du CNRS nous a demandé de porter une attention particulière. Sur le premier thème, le Comité national partage pleinement la préoccupation de la direction sur les biais de genre qui perpétuent des différences entre les carrières professionnelles des femmes et celles des hommes. Nous nous interrogeons sur l’ensemble des leviers sur lesquels les sections et CID peuvent jouer, y compris en amont de l’évaluation des demandes de promotion, pour contribuer à réduire ces inégalités. Il conviendrait aussi de s’interroger sur les raisons qui font qu’au CNRS la proportion de chercheuses (tous grades confondus) stagne à environ un tiers. En 10 ans, entre 2007 et 2016, elle est passée de 32 à 34 % ; à ce rythme-là, s’il se maintient, la parité entre chercheuses et chercheurs sera atteinte vers 2100.

      Certains constats issus du rapport de conjoncture vous ont-ils surpris ?

      C. : Oui. Je citerai deux exemples. J’ai été surpris, tout d’abord, de constater que très peu de rapports de sections évoquent le rôle de la Mission pour les initiatives transverses et interdisciplinaires (MITI) du CNRS, alors que tous soulignent l’importance grandissante de l’interdisciplinarité dans les pratiques à l’œuvre dans leurs champs de recherche. Cette faible visibilité est étonnante et constitue d’une certaine manière une énigme que nous allons nous attacher à élucider.

      Autre surprise, les sciences citoyennes sont également peu évoquées. Or nous savons que des formes très diverses de collaboration entre chercheurs professionnels et membres de la société civile se développent, de même d’ailleurs que les pratiques scientifiques amatrices. Ces évolutions sont porteuses d’enjeux considérables sur la place de la connaissance scientifique et des chercheurs dans la décision publique, dans l’action collective et plus largement dans la société. Ce sujet mérite donc également d’être examiné de plus près.

      –—

      Pour conclure cette briève analyse des stratégies de communication, on peut remarquer que la communication du MESRI et de ses partenaires responsables d’EPST, des universités « de recherche »n’est pas optimale : en retard, avec une couverture presse ridicule — comparée, par exemple, à l’opération « Pages blanches » des Revues en lutte — avec des éléments de langage sans contenu ou si pauvres qu’ils n’intéressent plus personne, au point où même l’équipe de communication du CNRS se tourne vers celles et ceux qui peuvent proposer une réflexion approfondie, comme Olivier Coutard, Isabelle Saint-This ou Marie-Sonnette.

      Sans trop se tromper, on peut dire que les responsables de l’ESR ont déjà perdu la bataille de la communication. C’est un début.❞

      https://academia.hypotheses.org/16986

    • La Ministre confirme : la LPPR a déjà eu lieu

      Dans le cadre des journées Sciences humaines et sociales (SHS) organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février, des chercheur.es et enseignant.es-chercheur.es en lutte sont intervenu.es pour interpeller la ministre sur la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le financement de la recherche et la politique de l’emploi scientifique. Nous avons suivi la chronique de cette rencontre fort instructive sur le fil Twitter de Samuel Hayat, qu’il a complété avec un compte rendu. Nous l’en remercions.

      https://www.youtube.com/watch?v=P-6dZghVhS0&feature=emb_logo

      Les orateurs et oratrices ont distribués le texte de leur « Lettre ouverte de lauréat.e.s de projets ANR, lue à l’occasion des journées SHS de l’ANR des 25 et 26 février 2020 » destinée à la Ministre. Les lauréat·es ont souligné la nécessité de financements récurrents, l’ampleur croissante du nombre et des catégories de travailleuses et de travailleurs précaires, avec son cortège de post-docs limités sur projet, de contrats courts et de stagiaires de recherche, et souligné combien cette politique dégradant l’emploi pérenne, venait à l’encontre des besoins impérieux de nos universités et centres de recherche. Augmenter la compétition, accroître la précarité, multiplier les évaluations, comme promet de le faire le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nuit considérablement à la qualité de la recherche faite en France.

      À la suite de cette intervention, Frédérique Vidal a précisé le contenu de la LPPR, confirmant ainsi les pires craintes des personnel.le.s et usager·es de l’ESR mobilisé.e.s. Selon la ministre, il faut renoncer à l’objectif, qualifié d’« incantatoire », de 3% du PIB pour la recherche, au profit d’une démarche de « refinancement », de « sécurisation de l’investissement » et de contractualisation. Pour favoriser « l’attractivité » (qui est pourtant un faux problème si l’on considère le nombre de candidat.e.s par poste, parfois plus de 100), Frédérique Vidal a réaffirmé qu’elle donnerait quelques miettes aux nouveaux/lles recruté.e.s : une minuscule augmentation de la rémunération à l’entrée en fonction.

      Quant à la part la plus importante de l’investissement pour la recherche, elle viendra en réalité clairement de deux sources. D’un côté, la ministre souhaite renforcer l’ANR pour la mettre au niveau des agences de financement des autres pays (évidemment présentés comme des modèles de performance). Pour cela, elle entend réaffecter les crédits des laboratoires pour soutenir les dépôts de projets – en échange de quoi une partie de l’argent bénéficierait aux laboratoires dans leur ensemble. Cela ne fait que confirmer la logique de financement conditionnel des unités de recherche, qui accentuera encore les inégalités entre laboratoires riches et pauvres, contre la nécessité d’un financement public, égalitaire, récurrent et inconditionnel. D’un autre côté, il s’agit pour Frédérique Vidal de favoriser les investissements privés, pour arriver à deux tiers du financement de la recherche sur fonds privés. Elle feint ainsi d’ignorer le poids déjà démesuré du Crédit d’impôt recherche, qui ponctionne 6 milliards d’euros par an au budget public, alors qu’on connaît la quasi-nullité de ses effets sur la production scientifique.

      Enfin, Frédérique Vidal a réintroduit, sous une forme euphémisée, la modulation des services. Sans officiellement mettre en question la règle des 192h équivalent TD de cours pour les enseignant.e.s chercheur.e.s titulaires, elle a annoncé vouloir multiplier les opportunités de réduction du service d’enseignement des plus “productifs.ves” : augmentation des places à l’Institut universitaire de France (IUF), du nombre de délégations au CNRS et de congés de recherche et conversion thématique (CRCT), des décharges de cours pour les porteurs/ses de projets ANR. Ces éléments pèseront davantage sur les personnels BIATSS et les collectifs enseignants (les heureux.ses lauréat.e.s de projets pourront ainsi se décharger auprès de leurs collègues non lauréat.e.s car moins chanceux.ses ou précaires, déjà à la limite du burn out), puisque la création d’emplois titulaires ne figure pas dans la LPPR. Quant aux CRCT, la ministre parle d’un « idéal » : une année sabbatique tous les sept ans. Si cela peut se présenter comme le rêve de tout.e enseignant.e chercheur.e, ce n’est pas un “idéal”, c’est un droit, pour tou.te.s les EC titulaires depuis le décret de 1984 fixant les dispositions statutaires du métier ! Même si effectivement ce droit est resté lettre morte jusqu’à présent, faute de moyens garantissant son exercice.

      Ces annonces illustrent et manifestent pleinement la logique profondément inégalitaire de la LPPR à venir. Pire encore, Frédérique Vidal a bien mis en avant que l’essentiel des transformations seraient faites par circulaires et décrets, sans examen par la représentation nationale ni débat public. Comme elle l’annonce tranquillement, la LPPR visera à « faire sauter les verrous législatifs », c’est-à-dire les quelques dispositions qui protègent encore les travailleurs/ses et usager.e.s de l’ESR de l’arbitraire total au sein des établissements et des inégalités entre établissements.

      Autant dire que la ministre n’a pas convaincu les présent.e.s. Dans la séance de questions-réponses qui a suivi son intervention, peu de questions ont porté sur les partenariats publics-privés, sur lesquelles F. Vidal est pourtant intarissable. En revanche, plusieurs collègues ont mis en avant le problème du manque d’emplois titulaires, qui menace l’existence même de certaines filières, et que la LPPR va encore aggraver. D’autres aspects de cette situation catastrophique ont été pointés, comme la part d’enseignements donnés par des non-titulaires, dont une bonne partie par des vacataires payé.e.s sous le SMIC horaire. La réponse de la ministre a été étonnante : ce n’est pas son problème ! Le ministère donne des crédits, mais c’est aux établissements de mener leur politique de recrutement. Elle rappelle à juste titre que le précédent gouvernement a annoncé 5000 postes, et qu’aucun n’a été créé. Dès lors, plutôt que de demander aux établissements d’honorer ces promesses d’emploi, la ministre préfère simplement ne plus en faire ! Plutôt qu’une véritable politique d’emploi, la ministre envisage des contrats d’objectifs et de moyens avec les établissements, pour leur donner une « visibilité ». « Les emplois, ce n’est pas mon travail », conclut la ministre. En tout cas, pas les emplois titulaires. En revanche, elle ne tarit pas d’éloges sur les post-doctorant.e.s, les CDI de projet, financé.e.s par contrats successifs, lesquel.le.s, à la différence des fonctionnaires, pourront être licenciés si nécessaire (la ministre préfère parler de « rupture de contrat »). De la précarité ? Clairement, Frédérique Vidal n’aime pas ce mot, surtout quand il s’agit des doctorant.e.s financé.e.s, qui ne sont pas des précaires, selon elle. « Quand on est doctorant, on est étudiant ». Le contrat doctoral – qui, rappelons-le, concerne une part seulement des doctorant.e.s et dont la durée n’excède pas trois annéess -, est de permettre à des étudiant.e.s « de ne pas travailler à côté de ses études » (sauf bien sûr lorsqu’il s’agit de faire des vacations pour combler le manque de titulaires).

      Bref, la ministre est apparue complètement hors-sol, qu’il s’agisse de prendre la mesure de la précarité, du manque d’emplois titulaires ou des conditions réelles de travail et d’étude. À un collègue demandant comment faire pour travailler alors qu’il n’a même pas de bureau, la ministre, décontenancée, a répondu : « Non mais je vais pas m’occuper d’attribuer des bureaux » et « Vous n’avez qu’à aller au campus Condorcet ». Qu’attendre d’autre d’une ancienne trésorière de la très sélective Coordination des universités de recherche intensive françaises (CURIF), un lobby composé des président.e.s d’université les plus « excellentes », qui pousse depuis sa création en 2008 à plus d’autonomie pour les établissements tout en accroissant la compétition entre eux (comprendre, plus de pouvoir pour les petit.e.s chef.fe.s locaux.les).

      Cet échange a eu le mérite de faire tomber les masques. La LPPR va encore aggraver le processus de transformation néolibérale des universités et des établissements de recherche et accélérer la destruction du service public. Contre la précarité, contre la réforme des retraites, contre la LPPR, il n’est pas d’autre choix que de lutter ! Alors, à partir du 5 mars, l’Université et la recherche s’arrêtent !

      https://academia.hypotheses.org/17566

    • L’#obscurantisme de l’excellence

      La loi sur la recherche risque de favoriser les « meilleurs » laboratoires en créant des grosses structures. Or des études prouvent qu’il est plus efficace de diversifier les financements.

      Tribune. Dans les mois qui viennent va être discutée la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Une loi ambitieuse, dont l’essence a été résumée par Antoine Petit, PDG du CNRS : il s’agira d’une loi « darwinienne ». Seuls les excellents doivent survivre : car il vaut mieux financer la recherche excellente que la mauvaise ! Il est paradoxal qu’alors que l’essence de la science est de douter des idées reçues et d’arbitrer des rationalités contradictoires par l’argumentation et la confrontation au réel, la politique de la recherche scientifique semble s’asseoir presque exclusivement sur des préjugés ou des sophismes.

      Depuis quinze ans a été engagée une transformation de la politique de la recherche pour remplacer les financements récurrents des laboratoires par des financements compétitifs sur projets. De ce point de vue-là, c’est une réussite : les chercheurs français consacrent désormais une bonne partie de leur temps autrefois consacré à leur métier à monter et à évaluer des projets dont environ un sur dix voit le jour. Alors même que l’un des buts revendiqués était de lutter contre le mandarinat, cette politique d’« excellence » a abouti à une concentration des ressources dans les mains des « excellents » car les mandarins ne sont-ils pas par définition « excellents » ? Mais ne soyons pas dogmatiques : peut-être est-ce une bonne chose ? On pourrait adopter une démarche scientifique et vérifier empiriquement si concentrer les ressources sur « les meilleurs » est un mode de gestion efficace. Or il existe des études sur ce sujet, qui concluent que la recherche suit une loi des rendements décroissants : il est plus efficace de diversifier les financements que de les concentrer en créant de grosses structures (https://arxiv.org/abs/1602.07396).

      On pourrait aussi se demander s’il est possible d’anticiper les découvertes scientifiques, qui par définition portent sur des choses préalablement inconnues, en évaluant des projets. Là encore, des études (https://elifesciences.org/articles/13323v1) se sont penchées sur la question. Elles concluent que, après une sélection grossière, l’évaluation n’est pas meilleure qu’une loterie, et en fait pire puisqu’elle introduit des biais conservateurs (contre l’interdisciplinarité, puisque l’évaluation se fait par comité disciplinaire ; contre l’originalité et le risque, puisque l’évaluation doit être consensuelle).

      Est-ce bien étonnant ? Il suffit de se pencher sur l’exemple récent de l’intelligence artificielle (IA) pour comprendre que l’idée de préfinancer la recherche « innovante » est une contradiction dans les termes. Les algorithmes qui défraient la chronique sont des variantes des réseaux de neurones artificiels conçus dans les années 80. Dans les années 90, ils ont été supplantés par des algorithmes statistiques beaucoup plus puissants (l’IA s’appelait alors plus modestement « apprentissage statistique »). Certains se sont malgré tout obstinés à travailler sur les réseaux de neurones, pourtant obsolètes, un attachement qui semblait davantage romantique que rationnel pour le reste de la communauté. Il se trouve que quelques améliorations incrémentales ont augmenté les performances de ces réseaux, pour des raisons encore incomprises. Manifestement, avant d’aboutir, cette recherche était tout sauf « innovante ». Car ce sont les conséquences des découvertes qui sont « disruptives », et non les projets eux-mêmes.

      S’il y avait une manière simple d’identifier les projets qui vont mener à de grandes découvertes, il n’y aurait pas besoin de recherche publique : ceux-ci seraient financés directement par des investisseurs privés. C’est ce qui se passe pour l’IA avec les investissements de Facebook ou Google, une fois que la recherche publique a fait émerger ces nouvelles idées. Financer l’innovation scientifique par projet, c’est une contradiction dans les termes. Ce que montrent les études académiques sur le sujet ainsi que l’histoire des sciences, c’est que la créativité est favorisée par un financement peu compétitif sur une base diversifiée, qui seul autorise l’originalité, le travail collaboratif et le temps long.

      En réalité, la compétition a toujours existé en sciences, puisque obtenir un poste académique est de tout temps difficile. Or cette compétition est fondée sur les compétences et non sur les « résultats ». Est-il bien raisonnable d’y ajouter artificiellement des compétitions supplémentaires de façon à ne donner qu’à un scientifique sur dix les moyens de travailler convenablement, lorsque l’on sait que cette sélection est arbitraire et coûteuse ? Ou de créer par appel à projets des structures bureaucratiques d’excellence dont le rôle principal est de créer de nouveaux appels à projets sur un périmètre plus réduit ? Enfin est-il bien raisonnable de remplacer les postes permanents par des postes précaires, c’est-à-dire remplacer des chercheurs expérimentés par de jeunes chercheurs inexpérimentés voués pour la plupart à changer de métier, avec pour seule justification les vertus fantasmées de la compétition ?

      Le moins que l’on puisse dire, c’est que la doctrine de l’excellence scientifique ne suit pas une démarche scientifique.

      https://www.liberation.fr/amphtml/debats/2020/02/26/l-obscurantisme-de-l-excellence_1779726

    • #Concentration of research funding leads to decreasing marginal returns

      In most countries, basic research is supported by research councils that select, after peer review, the individuals or teams that are to receive funding. Unfortunately, the number of grants these research councils can allocate is not infinite and, in most cases, a minority of the researchers receive the majority of the funds. However, evidence as to whether this is an optimal way of distributing available funds is mixed. The purpose of this study is to measure the relation between the amount of funding provided to 12,720 researchers in Quebec over a fifteen year period (1998-2012) and their scientific output and impact from 2000 to 2013. Our results show that both in terms of the quantity of papers produced and of their scientific impact, the concentration of research funding in the hands of a so-called “elite” of researchers generally produces diminishing marginal returns. Also, we find that the most funded researchers do not stand out in terms of output and scientific impact.

      https://arxiv.org/abs/1602.07396

    • « La moitié des enseignants-chercheurs ont des contrats précaires »

      « Le 5 mars, l’université et la recherche s’arrêtent ». (1) L’appel, lancé par la coordination nationale des facs et labos en lutte met en lumière le nouvel axe de mobilisation dans l’enseignement supérieur et la recherche, qui englobe aussi bien les combats contre la réforme des retraites que la précarité étudiante et le projet de loi LPPR. Cette proposition de loi vise à fixer des objectifs d’investissements dans le domaine de la recherche publique et améliorer la carrière des jeunes enseignants-chercheurs. Le JSD a rencontré Hélène Nicolas, maîtresse de conférence en anthropologie et études de genre à Paris 8, en grève reconductible depuis le 5 décembre. Interview.

      Hélène Nicolas : La LPPR, ce sont trois rapports qui en effet inquiète le milieu scientifique et universitaire. Ces trois rapports que disent-ils ? Ils constatent que la recherche et l’enseignement supérieur français décrochent, qu’il y a une précarité grandissante, un manque de démocratie… Nous, enseignants chercheurs, nous sommes d’accord avec ces constats. Ce sont les préconisations de ces rapports qui posent problème. Elles vont aggraver ces états de fait en multipliant les contrats précaires, en concentrant les moyens sur quelques universités ou laboratoires dits d’excellence et en cassant les quelques instances démocratiques qui gèrent l’université, c’est à dire qu’elle sera transformée en quelque chose de plus en plus managériale.On est là-dedans en permanence. Le PDG du CNRS, Antoine Petit a dit qu’il fallait pour la recherche une loi darwiniste et inégalitaire donc ça montre bien l’objectif de cette loi. Mais le décrochage dans le milieu n’est pas nouveau. Il est présent depuis dix ans, plus précisément depuis la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) qui a amené un tournant néolibéral à la recherche. En gros, la LPPR veut accélérer dans la direction de la loi LRU.

      Le JSD : Quel est l’impact de la LPPR sur les enseignants-chercheurs et les étudiants ?

      Hélène Nicolas : Selon moi, l’impact le plus grave c’est qu’aujourd’hui, la moitié des enseignants-chercheurs qui travaillent dans les universités et les laboratoires sont des gens précaires. Ils sont rémunérés en dessous du smic horaire, sont payés tous les six mois et n’ont aucune garantie de trouver du travail à la fin de leur contrat. Les emplois titulaires se sont réduits ces dernières années alors qu’il y a de plus en plus d’étudiants et d’urgence pour les recherches de type climatique et inégalités sociales. On a de grands enjeux sociaux sur lesquels les chercheurs pourraient s’investir mais on voit que les financements pérennes disparaissent. Le problème que cela pose c’est qu’il est impossible de travailler dans de bonnes conditions avec des gens qui sont sous-payés voire qui travaillent gratuitement et qui changent de poste tous les 2, 3, ou 6 mois.

      Autre enjeu : quand on est enseignant-chercheur, on doit faire 192h d’enseignement par an, c’est le référentiel horaire. La moitié de notre temps de travail est pour l’enseignement, l’autre pour la recherche. La LPPR prévoit la suppression de ces 192h. On va donc potentiellement faire beaucoup plus d’heures en étant payé de la même manière. Plus, on va devoir réduire notre temps de recherche. Or, pour être de bons enseignants à l’université, il faut être à la pointe de ce qui se fait en recherche. Si on supprime cela, nous allons nous retrouver avec des enseignants-chercheurs qui ne seront plus que des enseignants, donc d’assez mauvaise qualité. On en arrive à l’impact sur les étudiants : avec la LPPR, il va y avoir une minorité d’enseignants-chercheurs qui auront des primes, qui pourront répondre à des projets financés ou qui vont avoir le temps de faire de la recherche et d’enseigner dans quelques pôles d’excellence. Les autres universités vont être des facultés où les cours et la recherche (si elle existe encore) vont être de seconde zone. A Paris 8, nous serons les premiers touchés car on accueille un public populaire.

      Le JSD : Plusieurs universitaires dénoncent aussi la logique « d’augmentation de la compétition » et d’inégalités qu’annonce ce projet de loi.

      HN : Avec la LPPR, il y aura en effet une petite minorité de chercheurs qui aura certainement le plus de financements. Ce seront les plus connus mais aussi ceux qui gravitent dans les réseaux de pouvoir ou dans les institutions les plus prestigieuses. Mais procéder ainsi, c’est cumuler les inégalités. Toute personne qui se trouve être extrêmement brillante sans être compétitive et qui n’accepte pas de marcher sur les autres pour mener son projet de recherche à bien va être écartée de la compétition. Ces inégalités sont valables pour les femmes. Elles pourront être compétitives si elles peuvent mettre l’ensemble de leur temps libre au service d’un projet de recherche. Or, les appels à projets demandent à travailler le soir et dans nos sociétés, ce sont les femmes qui gardent majoritairement les enfants. Le problème de la concentration des moyens, c’est qu’il est dans les mains de quelques-uns, pas quelques-unes. C’est souvent des hommes. Des hommes blancs, il faut le dire. Moins on a de procédures démocratiques, plus le pouvoir est concentré dans quelques mains et plus la capacité à exploiter les autres, à demander du travail gratuit, à faire du harcèlement moral et du harcèlement sexuel explosent. Et d’ailleurs, dans ce projet de loi, il n’y a aucun mot sur ce qui pourrait être fait pour endiguer ces phénomènes de harcèlement sexuels mais aussi ces problèmes de discriminations présents à l’université en général. On n’a aucun quota, rien qui est pensé. Aujourd’hui, on est quand même dans une société française qui a eu beaucoup de migrations. Or, il y a extrêmement peu d’enseignants-chercheurs qui ne soient pas blancs. Cela ne pose aucun problème à nos instances. Ce projet de loi ne questionne rien.

      Et puis, qui décidera des projets de recherche pouvant être financés ? Avec la LPPR, ce n’est pas un comité d’expert scientifique qui va juger de la qualité scientifique d’un projet. Ce seront des membres nommés par le gouvernement, des gens de grandes entreprises. Et bien sûr, tous les projets qui contestent la politique sociale, économique ou même écologique du gouvernement vont être en difficulté pour trouver des financements. On est vraiment dans cette idée de mettre la recherche au service du privé, au service d’un projet politique.

      Le JSD : Pour les enseignants chercheurs, la lutte contre la réforme des retraites suscite aussi pas mal d’inquiétudes… LPPR et réforme de retraites sont-elles des revendications indépendantes ?

      HN : A Paris 8, on doit être une trentaine à être en grève reconductible depuis le 5 décembre. On ne lutte pas seulement contre la LPPR mais aussi contre la réforme des retraites. Par ailleurs, à l’université, il existe deux types de personnels : les enseignants-chercheurs et les BIATOS, tous ces gens qui font tourner l’université et qui représentent en gros un peu moins de la moitié des employés. Si la réforme des retraites passe telle qu’elle est prévue, enseignants-chercheurs et BIATOS auront moins 30% sur leur pension. Chez les enseignants-chercheurs, la moyenne d’âge de recrutement est de 35 ans. Si le calcul de la retraite se fait sur l’ensemble de la carrière, il est évident que ce sera en notre défaveur. On a passé une grande partie de notre carrière à faire des études et à avoir des contrats précaires avant de trouver un emploi sérieux. On entend des gens dire « Oui, mais vous, vous allez pouvoir travailler jusqu’à 65, 70 ans. Mais à l’université, on a des maladies du travail extrêmement importantes comme le burn out qui se développent depuis dix ans. Cela est dû à toute ces injonctions contradictoires et le fait que régulièrement on nous demande de faire un temps de travail qui ne rentre pas dans la semaine.

      Le JSD : Aujourd’hui, quelles sont vos revendications et attentes pour la recherche ?

      HN : La première revendication de la coordination nationale des facs et labos en lutte, c’est un recrutement massif et pérenne de tous les précaires qui sont chez nous. Pas seulement les enseignements-chercheurs mais aussi le personnel administratif. Il y a un manque de personnel qui est frappant. Il faut absolument recruter et ce dans des conditions de travail dignes. La deuxième chose, c’est l’instauration de financements structurels. La plupart des facs comme Paris 8 ou la Sorbonne manquent de moyens : les fenêtres s’écroulent, régulièrement on n’a pas de lumière, pas internet. Il faudrait aussi construire 2 ou 3 universités en plus pour pouvoir accueillir un public étudiant qui a augmenté de façon exponentielle.
      Pour les laboratoires de recherches, nous avons également besoin de financements sur le long terme. Aujourd’hui, on passe un tiers de notre temps de travail à chercher des financements que une fois sur quatre, on n’obtient pas. C’est ridicule ! On a fait plus de dix ans d’études, on a des compétences extrêmement élevées dans nos domaines sauf que notre temps de travail scientifique est extrêmement réduit en raison de cette quête aux financements pour nos projets. La coordination des facs et labos en lutte est pour une université financée, ouverte, gratuite pour tout le monde. C’est-à-dire qu’il faut supprimer les frais d’inscriptions « exceptionnelle » pour les étudiants extra-communautaires car c’est anticonstitutionnel. L’éducation en France doit être gratuite et accessible à toutes et tous. Dans ce pays, on peut faire une recherche autonome et contradictoire. Si nos financements sont soumis aux pouvoirs politiques ou aux entreprises, c’est catastrophique non seulement en terme démocratique mais aussi scientifique. Si on n’a plus la liberté d’inventer, on ne fait plus de recherche fondamentale.

      Propos recueillis par Yslande Bossé

      https://lejsd.com/content/%C2%AB-la-moiti%C3%A9-des-enseignants-chercheurs-ont-des-contrats-pr%C3%A9cai

    • Un projet de loi contre l’avis de la recherche

      Multiplication des appels à projet, généralisation des CDD d’usage… les pistes de réforme envisagées par l’exécutif inquiètent la communauté scientifique. Les chercheurs déplorent l’absence d’engagement sur des postes pérennes.

      C’est le point névralgique du conflit social entre les enseignants-chercheurs et le gouvernement. Attendu début février, reporté fin mars voire début avril, le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (dit LPPR) est devenu l’horizon indépassable des craintes du milieu universitaire français. Pourtant, « le texte de loi est toujours en cours d’élaboration », affirmait-on mercredi au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à Libération.

      Le projet de loi avait été annoncé dès février 2019 par le Premier ministre, Edouard Philippe, avec comme objectif de « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens ». Mais l’attente autour du texte, dont l’entrée en vigueur est prévue en 2021, nourrit les inquiétudes du milieu. D’autant que, depuis la publication de trois rapports préparatoires en septembre jusqu’aux récentes prises de paroles du gouvernement, des premières orientations ont filtré.

      Le 25 février, à l’occasion des journées des sciences humaines et sociales (SHS), la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, a déclaré que l’objectif de porter le budget de la recherche à 3 % du PIB, contre environ 2,2 % aujourd’hui, était « incantatoire ». Ce qui a jeté le doute au sein de la communauté scientifique sur les réelles ambitions budgétaires. « Atteindre les 3 % reste un objectif du gouvernement », a cependant voulu rassurer le cabinet de la ministre auprès de Libération. Il faut dire que cette promesse, vieille de vingt ans, est la seule à mettre tout le monde d’accord, tant il est urgent de répondre au sous-financement chronique du secteur.
      Complexité administrative

      La ministre en a profité pour réaffirmer sa volonté de généraliser le financement du secteur par l’appel à projets, ce qui pourrait accroître les investissements par l’intermédiaire de fonds privés. « Cette logique valorise les effets d’annonce, explique la sociologue au CNRS Isabelle Clair. Elle contraint les chercheurs à orienter leurs projets en fonction des priorités définies par les organismes de financement. Au final, la recherche s’uniformise et s’appauvrit. Ce qu’on demande, ce sont des financements publics, inconditionnels et récurrents. » La mesure est aussi décriée car source de complexité administrative supplémentaire pour des chercheurs noyés sous la bureaucratie. Ce que conteste le cabinet de la ministre, qui précise que « l’un des buts de cette loi est de dégager du temps en plus pour que les scientifiques se consacrent pleinement à leurs objets de recherche ».

      Une autre crainte porte sur une innovation attendue : le recrutement par des contrats courts mais mieux rémunérés, une pratique partiellement en vigueur. D’une durée de cinq ou six ans, ces CDD d’usage appelés tenure tracks aux Etats-Unis, dont la rupture est motivée par le seul achèvement du projet en question, sont proposés à des post-doctorants en quête du graal, un emploi titulaire. « On accroît la période de précarité des jeunes chercheurs qui devront subir des évaluations tout au long du contrat sans avoir la certitude d’obtenir un poste, regrette Isabelle Clair. En dérégulant le système de recrutement, le processus de titularisation s’opacifie. C’est le statut de fonctionnaire qu’on attaque. »

      La création de postes pérennes reste le nerf de la guerre, alors que le nombre d’étudiants est en constante augmentation dans les facs. Premier mouvement social d’ampleur depuis la loi sur les libertés et les responsabilités des universités de 2007, la mobilisation intervient après des années de baisses d’effectifs des enseignants-chercheurs et des personnels techniques et administratifs, que ce soit à l’université ou dans les organismes de recherche comme le CNRS. « Les emplois, ce n’est pas mon travail », a balayé la ministre lors des journées des SHS.
      Recherche « à deux vitesses »

      Plus globalement, le milieu scientifique s’alarme de la philosophie du projet de loi qui érige la « performance » et la compétition en principes ultimes d’efficacité. La publication en novembre dans les Echos d’une tribune par le PDG du CNRS, Antoine Petit, appelant à « une loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » n’en finit plus de mettre le feu aux poudres. Lors des 80 ans du CNRS, Emmanuel Macron enfonçait le clou en plaidant pour une évaluation qui différencie les « mauvais » chercheurs des meilleurs. Or, derrière l’accent mis sur la sélection, le milieu redoute une concentration des crédits vers les pôles dits d’« excellence », faisant courir le risque d’une recherche « à deux vitesses ». Aux chercheurs et laboratoires jugés les plus prometteurs et rentables, les gros budgets ; aux autres, les contrats courts et la précarité longue durée.

      Sur la forme, les chercheurs critiquent une conduite « blessante » de la réforme. Le ministère a confirmé à Libé qu’il s’agirait d’un « texte court, ne comportant qu’une vingtaine d’articles ». Ce qui laisse supposer que les transformations seraient faites, pour l’essentiel, par circulaires et décrets, sans concertation publique. « Le procédé est méprisant et antidémocratique, juge Isabelle Clair. La confusion entretenue autour du contenu du texte renforce notre colère. On en vient à se demander si c’est une stratégie de la part du gouvernement ou tout simplement de l’incompétence. »

      https://www.liberation.fr/france/2020/03/04/un-projet-de-loi-contre-l-avis-de-la-recherche_1780608

      Mise en avant ce ce passage :
      –-> "Le ministère a confirmé à Libé qu’il s’agirait d’un « texte court, ne comportant qu’une vingtaine d’articles ». Ce qui laisse supposer que les transformations seraient faites, pour l’essentiel, par #circulaires et #décrets, sans #concertation_publique."

    • Point sur la LPPR. Où en sommes-nous ? Que prévoient les rapports ? Dans quelle histoire de l’ESR s’inscrit cette loi ? - #Elie_Haddad, historien (CNRS), membre de SLU, 3 mars 2020

      Ce texte a fait l’objet d’une présentation publique lors d’une demi-journée banalisée à l’université de Paris Sorbonne Nouvelle le 3 mars après-midi.

      Faire le point sur la LPPR aujourd’hui, c’est prendre la mesure des évolutions depuis deux mois, ce qui nous place dans le temps très court de l’action politique et de la mobilisation. C’est en même temps resituer les enjeux de cette réforme dans un temps un peu plus long (une vingtaine d’années) de transformations de l’ESR. Retrouver la logique générale de ces transformations permet de ne pas tomber dans les pièges de la communication gouvernementale ni dans ceux des accrocs de la mise en place pratique des réformes successives, qui peuvent parfois laisser penser que celles-ci ne sont qu’improvisation et court-termisme. C’est, enfin, essayer de dégager les rapports de force au sein du pouvoir pour envisager ce qui va probablement se passer dans les prochains temps.
      Nous disposons désormais d’un peu plus d’éléments qu’il y a deux mois pour analyser la séquence dans laquelle nous nous trouvons. Outre les trois rapports préparatoires à la LPPR remis à la ministre Frédérique Vidal en septembre dernier, plusieurs déclarations faites par celles-ci sont révélatrices des enjeux actuels de la réforme. Des éléments du projet de loi dans son état de janvier ont fuité courant février. De même ont fuité certains éléments d’un rapport de l’IGF concernant l’ESR, tandis que des collègues ont à juste titre insisté surle Pacte productif lancé par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, qui a son propre agenda pour la recherche publique en France. Enfin, plusieurs décrets ont été promulgués qui touchent directement l’ESR.
      Mise en perspective rapide de la LPPR dans l’histoire récente de l’ESR

      Pour comprendre la LPPR, il faut repartir du rapport « Education et croissance » rédigé en 2004 par Philippe Aghion et Elie Cohen pour le Conseil d’Analyse Economique, rapport qui a été très bien analysé par le Groupe Jean-Pierre Vernant [1]]. Proposant une « stratégie des petits pas » visant explicitement à contourner les oppositions de la communauté universitaire à un changement radical de modèle qui mettrait l’université et la recherche au service de l’économie, oppositions qui s’étaient manifestées à plusieurs reprises et notamment lors des Etats Généraux de la recherche qui venaient d’avoir lieu, ce rapport expliquait comment parvenir à introduire les logiques du marché, de la concurrence et de la privatisation dans l’ESR sans jamais le dire clairement et en amenant les acteurs à y participer eux-mêmes. Ce rapport a constitué la feuille de route de tous les gouvernements depuis, dont ils n’ont pas dévié, quoi qu’ils aient dû faire face à nombre d’oppositions qui ont amené à transiger sur certains points, retarder certaines dispositions, compliquer les dispositifs existants pour parvenir à leurs fins.
      Ce rapport prévoyait quatre volets visant à la dérégulation et à la mise en concurrence au sein de l’ESR.
      – L’autonomie administrative des universités. La loi LRU de 2007 en a été la déclinaison renforcée par le régime des compétences élargies, qu’elle prévoyait, mises en place progressivement dans les établissements à partir de 2009. L’autonomie de gestion et le transfert de la masse salariale aux universités ont placés celles-ci dans la situation de gérer la pénurie due aux coupes dans les budgets alloués par l’Etat, lequel par ailleurs a mis en place des dispositifs d’allocations de ressources fondés sur la concurrence (Labex, Idex, Equipex…). Les structures se sont ainsi retrouvées mises en concurrence les unes avec les autres et ont en outre été amenées à conduire un vaste plan social qui ne disait pas son nom, avec tout le développement de la précarité, particulièrement dans les personnels administratifs et techniques, que nous connaissons.
      – L’autonomie pédagogique, qui consiste 1/ à mettre les universités en concurrence cette fois pour attirer les étudiants, ces derniers étant eux-mêmes en concurrence pour l’obtention des places dans les universités les mieux cotées, et 2/ à déréguler les diplômes en cassant le référentiel national qui sous-tendait toute l’architecture de ceux-ci auparavant. La loi ORE dite Parcoursup entrée en vigueur il y a deux ans, qui permet aux universités de sélectionner leurs étudiants, est un des aspects de ce dispositif, dont l’amorce avait été la multiplication des diplômes « d’excellence » au sein de certaines universités.
      – L’autonomie de recrutement, d’évaluation et de gestion des personnels, avec pour objectif de déréguler en grande partie les statuts, notamment celui des enseignants-chercheurs et des chercheurs, de développer la contractualisation comme mode de recrutement au détriment des postes de fonctionnaires, avec pour conséquence la liquidation des libertés académiques et de toute forme de collégialité. Des dispositifs comme la modulation de service ou l’AERES devenue HCERES avaient pour but d’amorcer ce processus mais ils ont été en partie contrés en raison des oppositions fortes en 2009-2012. La modulation de service a été assortie d’une clause obligatoire de consentement de l’intéressé et l’AERES a été privée de ses pouvoirs de sanction. C’est précisément cette « autonomie » qui est au cœur de la LPPR.
      – Le dernier volet du rapport Aghion/Cohen concerne l’autonomie financière. Plusieurs éléments sont déjà en place, les rapports préparatoires à la LPPR préconisant d’ailleurs de les renforcer. Mais l’objectif principal, le noyau dur, concerne la dérégulation des frais d’inscription, en partie en place par la multiplication des diplômes d’université. L’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants hors UE instaurée l’année dernière est une autre étape. Il n’y a aucun doute que ce sera le dernier chantier auxquels s’attaqueront les gouvernants (dans les cinq ans à venir ?).
      La LPPR : inégalité, management et autoritarisme

      La ministre l’a dit et redit, les trois rapports qui lui ont été remis ne sont pas la loi qui sera promulguée. Certes. Mais les conceptions générales sur lesquelles ils se fondent se retrouvent dans les propos tenus par Frédérique Vidal à différentes reprises et plusieurs dispositions prévues n’ont pas besoin d’une loi spécifique pour entrer en application [2].
      – C’est le cas des CDI de chantier dont la déclinaison sous forme de contrats de projet existe désormais dans la fonction publique grâce au décret du 27 février qui met en application un article de la loi PACTE d’août 2019. C’était une disposition demandée dans les rapports.
      – Par la Loi pour un État au service d’une société de confiance votée en août 2018, complétée par une ordonnance de décembre de la même année, les établissements du supérieur peuvent se regrouper en établissements expérimentaux, ce qui les autorise à déroger à la règle de la majorité du CA et, de façon dérogatoire, à exercer des prestations de service, à prendre des participations, à créer des services d’activités industrielles et commerciales, à participer à des groupements et à créer des filiales. Autrement dit, à intégrer des entreprises privées. Il y a un transfert de compétences entre les composantes du regroupement d’universités ou d’entités partie prenantes de l’Etablissement expérimental, lesquelles composantes doivent soumettre aux « instances collégiales » de cet établissement « tout ou partie des recrutements ». Ces établissements définissent eux-mêmes les modalités de désignation de leur dirigeant. Autrement dit, les dispositions permettent à ces établissements de contourner par des statuts ad hoc une bonne partie des règles publiques de leurs composantes en se rapprochant des règles d’une entreprise privée.
      – La suppression du plafond de 50% des emplois contractuels dans les établissements publics, elle aussi prévue par la loi PACTE, est entrée en application par un décret du 1er janvier 2020.
      – Le même jour, le décret d’application de l’article instaurant la rupture conventionnelle dans la fonction publique était également promulgué.
      – L’arrêté du 27 janvier 2020 relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master prévoit que « Les grades universitaires peuvent également être accordés à des diplômes d’établissements privés ». Autre mesure dont le terrain a déjà été préparé par la multiplication des stages dits professionnalisant, « Pour répondre aux exigences du marché du travail en matière d’insertion mais aussi, le cas échéant, aux besoins émergents de nouvelles filières et de nouveaux métiers, la présence de représentants du monde socio-économique au sein de l’équipe pédagogique comme l’existence de relations formalisées avec le monde professionnel concerné par la formation sont nécessaires. La mise en œuvre d’une approche par compétences, la qualité des partenariats avec le monde professionnel, la présence de modules de professionnalisation et de périodes d’expérience en milieu professionnel, ainsi que la production de projets de fiches RNCP de qualité et la construction de blocs de compétences seront prises en compte, tout particulièrement pour les formations visant spécifiquement à garantir une insertion professionnelle. »
      – Enfin les possibilités de chaires d’excellence existent déjà depuis 2009, même s’il est vrai qu’elles n’ont pas la souplesse des tenure-tracks réclamées par les rapports.

      Tous les instruments sont donc en place pour un contournement massif des statuts, une contractualisation poussée de l’emploi et un renforcement de la présence des intérêts privés au sein de l’ESR. Lors de la journée SHS de l’ANR, Frédérique Vidal a clairement affirmé que la loi à venir devrait faire sauter un certain nombre de verrous législatifs et que ce serait aux universités de décider de leur politique d’emploi. Le ministère s’en lave les mains.
      Les autres mesures annoncées consistent à accorder d’avantage d’argent à l’ANR, les projets étant l’outil pour mieux doter les laboratoires par l’intermédiaire du préciput qu’ils prélèveront sur les contrats qu’ils obtiendront. Renforcement du financement inégalitaire fondé sur la compétition pour l’obtention des crédits, donc. Enfin, Frédérique Vidal a réintroduit, sous une forme euphémisée, la modulation des services. Sans officiellement mettre en question la règle des 192h équivalent TD de cours pour les enseignant·es-chercheur·ses titulaires, elle a annoncé vouloir multiplier les opportunités de réduction du service d’enseignement des plus « productif·ves ».
      La loi telle qu’elle a fuité va un peu plus loin que ces déclarations. Les tenure-tracks y apparaissent bien, de même qu’un ensemble de dispositifs visant à simplifier les cumuls d’activité et l’introduction d’éléments du privé dans les établissements publics, de même que la ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux, l’élargissement des mobilités public-privé, l’orientation des thèmes de recherches par l’ANR.
      Ces dispositifs sont néanmoins un peu en retrait par rapport à ceux prévus dans les rapports (un effet de la mobilisation ?). On ne sait pas ce qu’il en sera de la verticalité prévue dans la décision en matière de politique de recherche scientifique. Mais l’ANR est amenée à jouer un rôle crucial en la matière, en lien direct avec une recherche à visée industrielle.
      Rien n’est dit non plus du HCERES alors qu’il s’agit du cœur du système voulu dans les rapports et que l’on sait toute l’importance qu’accorde Thierry Coulhon, pressenti à la présidence du HCERES, à l’instauration d’une évaluation managériale déterminant l’allocation des ressources à tous les niveaux de l’ESR. Le HCERES deviendrait ainsi la clé de voûte de l’ensemble de l’architecture de l’ESR, l’organe central qui jouerait le rôle de bras exécutant des décisions en matière de politique de recherche et d’enseignement supérieur qui se décideraient dans l’entourage du Premier Ministre. Moyennant quoi le Comité national de la recherche scientifique et le Comité national des universités, dernières instances collégiales réelles dans l’ESR, seraient supprimées ou vidées de leur substance.
      Je ne pense pas que le gouvernement ait l’intention de revenir là-dessus, mais il peut se passer d’intégrer ces éléments dans la loi et les faire passer, comme l’a expressément dit la ministre, par décrets et circulaires.
      De la « loi budgétaire » à la « loi des personnes »

      Pour déminer les oppositions, la ministre a d’abord affirmé que la LPPR ne serait pas une loi structurelle mais une loi de moyens, puis qu’elle ne serait pas une loi structurelle mais une loi de personnes. Ce changement de discours révèle crûment son échec : les derniers arbitrages budgétaires du quinquennat ont été faits contre elle. On peut en être certain puisque, lors des journées SHS de l’ANR, elle déclaré qu’il fallait renoncer à l’objectif, qualifié d’« incantatoire », de 3% du PIB pour la recherche, au profit d’une démarche de « refinancement », de « sécurisation de l’investissement » et de contractualisation. Cet objectif était pourtant affirmé comme essentiel par les trois rapports préparatoires et clamé partout dans l’entourage du ministère.
      Les couches dirigeantes partagent toutes les mêmes objectifs décrits plus haut ainsi que les normes devenues la doxa dans les « élites » concernant la bonne gestion (managériale, comme il se doit). Parmi les fers de lance de la réforme, on trouve la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF), association de présidents et d’anciens présidents d’université, qui représente au sein de la CPU les universités qui se pensent comme le haut du panier et croient avoir tout à gagner à ces réformes. Mais la CURIF comme les technocrates de l’ESR qui ont rédigé les rapports préparatoires avaient un combat : en échange de tant de bonne volonté en matière de réforme, il s’agissait de leur rendre la monnaie de la pièce en espèces sonnantes et trébuchantes.
      Las, à la fin, c’est Bercy qui gagne. Un autre rapport, passé inaperçu pour la bonne raison qu’il n’a pas été rendu public, rédigé principalement par l’IGF à l’automne dernier, pouvait mettre la puce à l’oreille. Bercy a sa propre idée sur l’ESR. Selon ses inspecteurs, les universités ne sont pas mal dotées mais mal gérées. La bonne gestion consiste à accroître leurs revenus propres et la contractualisation de leur masse salariale : « Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants – chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maitrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables. Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT. » Plus encore, pour inciter les universités à mieux se comporter (selon ses normes), Bercy demande à ce que le GVT ne leur soit plus versé, à accroître le temps d’enseignement des enseignants-chercheurs et à coupler évaluation et allocation de ressources pour distinguer les bons et les mauvais élèves. Nous y revoilà.
      En outre, par le Pacte productif, Bruno Le Maire et les hauts fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances se chargent eux-mêmes du volet « innovation » de la recherche. Le Maire l’a dit expressément : « la loi de programmation de la recherche devrait être l’occasion de réfléchir à une augmentation des moyens consacrés à des programmes de recherche publique en contrepartie de leur orientation vers un développement industriel précis. »
      Il peut être confiant : son ministère a toujours été suivi par le chef de l’État et le premier ministre lorsqu’il s’agissait de trancher sur la politique à mener.

      Je voudrais finir sur une note positive. Il y a un point faible dans le système qui doit être mis en place. Il nécessite notre coopération. C’est particulièrement vrai pour le HCERES. Se retirer de toute coopération avec cette instance est une nécessité vitale tant que ne seront pas clarifiées les implications des évaluations à venir. C’est aussi vrai pour toutes les instances administratives. L’université et la recherche ne tiennent que parce que nous acceptons un investissement énorme et chronophage dans ces multiples tâches administratives que parfois nous réprouvons. Nous avons donc la possibilité de paralyser la machine à nous broyer qui est en marche.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article7407

    • Quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la loi pluriannuelle pour la recherche (LPPR)

      Nous avons reçu un courrier abondant après la publication de notre billet de désenfumage, nous posant des questions à propos du projet de loi pluriannuelle pour la recherche (LPPR), de ses initiateurs, de son calendrier ou encore des sommes en jeu. Dans ce complément au billet, nous répondons à ces questions à partir des informations dont nous disposons.

      I Quel est le calendrier prévisionnel de la LPPR ?

      Le calendrier parlementaire ne permet pas l’examen de la LPPR avant l’automne. La date avancée par la ministre, Frédérique Vidal, pour rendre public le projet de loi (fin mars-début avril) correspond à la date du probable du remaniement ministériel.

      Un examen de la loi par le Parlement à l’automne pose cependant un problème de communication à l’exécutif, puisqu’il coïnciderait avec la phase préparatoire du budget 2021, faisant apparaître explicitement l’absence de création de postes et d’augmentation du budget de l’Université et de la recherche publiques pour la troisième année du quinquennat. Rappelons qu’en 2019 et 2020, le nombre de postes pérennes mis au concours a fortement baissé et le budget n’a été augmenté que du montant de l’inflation, ne permettant pas la compensation du Glissement Vieillesse Technicité.

      II Qui soutient ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      Alors que la communauté académique s’alarme du contenu des rapports préparatoires à la “grande loi darwinienne” pour la recherche et l’Université, les initiateurs et rapporteurs de la LPPR (Gilles Bloch, Jean Chambaz, Christine Clerici, Michel Deneken, Alain Fuchs, Philippe Mauguin, Antoine Petit, Cédric Villani et Manuel Tunon de Lara) ont fait paraître une pétition dans le Monde daté du 20 février 2020 :
      LA COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE a lancé cette pétition adressée à Emmanuel Macron.

      Se sont associés à leur texte une centaine de chercheurs retraités qui ont tous bénéficié au cours de leur carrière des conditions (postes pérennes, liberté de recherche et moyens récurrents) dont les réformes à venir vont achever de priver les jeunes générations de chercheurs [1]. Les plus connus d’entre eux avaient déjà signé une tribune à la veille du premier tour de la présidentielle pour faire connaître leur attachement au mille-feuille d’institutions bureaucratiques créées depuis quinze ans (ANR, HCERES, etc).

      Est-ce dû à leurs convictions d’un autre temps les conduisant à prétendre parler au nom de “la communauté scientifique” — c’est le nom d’administration de la pétition — communauté à laquelle ils n’appartiennent de facto plus ? Leur pétition de soutien à la LPPR a rassemblé deux cents signatures en quatre jours.

      III Qui est à l’origine de ce train de réformes de l’Université et de la recherche ?

      La majorité des mesures de précarisation et de dérégulation qui accompagneront la loi de programmation budgétaire ont été conçues par la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF), association de présidents et d’anciens présidents d’universités qui travaillent depuis quinze ans à la suppression progressive des libertés académiques et à la dépossession des universitaires. La CURIF comprend dix-sept membres, dont huit, indiqués en gras, véritablement actifs : Philippe Augé, David Alis, Jean-Francois Balaudé, Yvon Berland, Jean-Christophe Camart, Jean Chambaz, Christine Clerici, Frédéric Dardel, Michel Deneken, Barthélémy Jobert, Frédéric Fleury, Alain Fuchs, Corinne Mascala, Sylvie Retailleau, Manuel Tunon De Lara, Fabrice Vallée, Frédérique Vidal, Jean-Pierre Vinel. La CURIF a déclaré son allégeance à la candidature de M. Macron lors d’une réunion avec Jean Pisani-Ferry, le 28 avril 2017. Le programme de la CURIF est simple : différencier les statuts et les financements des établissements, supprimer le CNRS, et accorder les pleins pouvoirs aux présidents d’université. Les apports de la CURIF au programme présidentiel de M. Macron figurent dans les deux documents suivants :
      http://groupejeanpierrevernant.info/CURIF_EM.pdf
      http://groupejeanpierrevernant.info/positions_CURIF_avril_2017.pdf
      La place des courtisans de la techno-bureaucratie universitaire dans la structure en cercles concentriques d’En Marche est discutée dans ce billet :
      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#LuttePlaces3

      Amélie de Montchalin revendique avoir obtenu la LPPR grâce à sa proximité avec Édouard Philippe. Elle ambitionne de devenir ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et donc de porter elle-même cette loi devant le Parlement à l’issue du remaniement qui devrait suivre les élections municipales.

      S’il importe de nommer les managers à l’origine de la loi, il ne faut pas ignorer ce qu’elle doit aux normes de “bonnes pratiques” gestionnaires rappelées par l’Inspection Générale des Finances dans son rapport récent sur le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des établissements :
      https://www.education.gouv.fr/cid149541/le-pilotage-et-la-maitrise-de-la-masse-salariale-des-universites.html

      IV Le “Pacte productif” de Bercy empiète-t-il sur le pilotage et le budget de la recherche ?

      Frédérique Vidal n’a emporté aucun arbitrage budgétaire depuis le début du quinquennat. Ni Bruno Le Maire ni les hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie et des Finances n’ont été convaincus de la nécessité de financer l’Université et la recherche. Mieux, ils se chargent eux-mêmes du volet “innovation” du Pacte productif :
      https://www.economie.gouv.fr/pacte-productif

      Ce financement par l’impôt du secteur privé est pris sur la même enveloppe globale que le budget de la recherche publique. Il est hélas probable qu’un programme pour “l’innovation” serve davantage les intérêts politiques de M. Macron que le financement de la recherche et de l’Université publiques, pourtant vitales pour répondre aux trois crises, climatique, démocratique et économique, qui minent nos sociétés.

      Mais l’emprise de Bercy sur la politique de recherche ne s’arrête pas à la ponction de nos cotisations retraites pour financer des programmes d’“innovation” et la niche fiscale du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) plutôt que de financer la recherche. Comme l’a précisé Bruno Le Maire, “la loi de programmation de la recherche devrait être l’occasion de réfléchir à une augmentation des moyens consacrés à des programmes de recherche publique en contrepartie de leur orientation vers un développement industriel précis.” [2] Tout est dit.

      La LPPR est le volet de la réforme de la recherche porté par la CURIF, organisant la dérégulation des statuts et le contournement du recrutement par les pairs, en renforçant le pouvoir démesuré de la technostructure managériale des établissements. Le “pacte productif” apparaît comme le volet de cette même réforme portée par Bercy, instaurant des outils de pilotage qui lui permettent de contrôler cette même technostructure.

      V Quelles sont les sommes dégagées par l’article 18 de la loi retraite ?

      Le budget brut salarial pour l’Université et la recherche s’élève à 10,38 milliards € par an. La baisse de cotisation patronale de l’État de 74,3% à 16,9% sur 15 ans permettra à terme de redistribuer les 6 milliards € par an prélevés sur notre salaire socialisé. Pour la période 2021-2027 couverte par la LPPR, l’article 18 conduira en cumulé à 11 milliards € de prélèvement dans nos cotisations de retraite [3]. Il convient donc de comparer les annonces de “revalorisation” du salaire des jeunes chercheurs et d’augmentation du budget de l’ANR (120 millions € par an) à ces sommes.

      VI Que contient le projet de loi relatif à la programmation pluriannuelle de la recherche 2021-2027 ?

      La version stabilisée de la LPPR se compose de 20 articles.

      Titre Ier : Dispositions relatives aux orientations stratégiques de la recherche et à la programmation budgétaire.
      Art 1 : Approbation du rapport annexé.
      Art 2 : Programmation budgétaire 2021-2027, financements ANR, trajectoires de l’emploi scientifique.

      Titre II : Attirer les meilleurs scientifiques
      Art 3 : Chaires de professeur junior (tenure tracks)
      Art 4 : Fixer un cadre juridique spécifique pour le contrat doctoral. Développer les contrats post-doctoraux.
      Art 5 : Développer des CDI de mission scientifique.
      Art 6 : Faciliter avancements et promotions en cours de détachement ou de mise à disposition.

      Titre III : Piloter la recherche et encourager la performance
      Art 7 : Lier évaluation et allocation des moyens par une rénovation de la contractualisation.
      Art 8 : Unités de recherche.
      Art 9 : Orienter les thèmes de recherche par l’Agence Nationale de la Recherche.

      Titre IV : Diffuser la recherche dans l’économie et la société
      Art 10 : Elargissement des dispositions de la « loi Allègre ».
      Art 11 : Elargissement des mobilités public-privé par les dispositifs de cumul d’activités à temps partiel.
      Art 12 : Elargissement des mobilités public-privé par les dispositifs d’intéressement des personnels.
      Art 13 : Droit de courte citation des images.

      Titre V : Mesures de simplifications et autres mesures
      Art 14 : Mesures de simplification en matière d’organisation et de fonctionnement interne des établissements. Délégations de signature. Rapport sur l’égalité femmes-hommes. Suppression de la mention des composantes dans le contrat d’établissement. Limitation des élections partielles en cas de vacance tardive. Approbation des conventions de valorisation des EPST. Mesure de simplification du régime des dons et legs à l’Institut de France ou aux académies.
      Art 15 : Mesures de simplification en matière de cumul d’activités.
      Art 16 : Mesures de simplification en matière de formation. Prolongation de l’expérimentation bac pro BTS. Possibilité de stage dans les périodes de césure.
      Art 17 : Ratification de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux
      Art 18 : Simplification du contentieux relatif au recrutement des enseignants-chercheurs et chercheurs.
      Art 19 : Habilitations à légiférer par ordonnance.
      Art 20 : Entrée en vigueur de la loi.

      Titre VI : Rapport annexé

      [1] La sociologie de ce groupe, composé à 93% d’hommes, sans chercheur en SHS, et la hiérarchie des statuts qu’ils affichent, témoignent du fait que le temps où ils ont été pleinement productifs (la moyenne d’âge est de 72 ans et demi) ne saurait être considéré comme un âge d’or de la recherche.

      [2] Le pacte productif. Discours de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances à Bercy, le mardi 15 octobre 2019.
      https://www.economie.gouv.fr/pacte-productif/discours-de-bruno-le-maire-ministre-de-leconomie-et-des-finances

      [3] Le calcul affiné, séparant primes et salaires, conduit à -4,98 milliards € au lieu de -6 milliards € et à -9,12 milliards € pour la période 2021-2027, et non -11 milliards €. Nous avons gardé le calcul approximatif pour permettre à chacun de vérifier le calcul.

      Message du Groupe Jean-Pierre Vernant reçu par email, le 23.02.2020

    • #Temps_de_travail dans l’ESR (2) : essai d’analyse pour un·e enseignant·e-chercheur·se

      Résumé

      Le temps de travail des enseignants-chercheurs, cadré par le décret de 1984, est en général sous-évalué et sous-estimé, faisant l’object de représentations erronées. La contribution cherche à objectiver le temps professionnel. Plusieurs contributions récentes ont mis en évidence le degré de fragmentation des tâches, la contrainte accrue des tâches gestionnaires, une multiplication des tâches invisibles et extrêmement chronophages, dans le contexte de la diversification des missions de l’université et à leur autonomie. La démarche est personnelle et comporte une dimension réflexive sur ma propre relation aux fonctions que j’exerce de professeur des universités dans un département de géographie.

      Il s’agit d’analyser les pratiques, notamment dans un cadre d’injonctions contradictoires, de contraintes, concurrences et complémentarités entre les tâches d’enseignement et de recherche. L’objectif de cette contribution est de livrer les résultats d’une analyse du temps de travail sur une année entière, à travers quelques méthodes statistiques simples destinées à mettre en forme un agenda électronique (Google) dont le contenu s’apparente à des textes et informations non structurées (fouille de données et analyse textuelle), Les résultats de l’analyse montre un temps de travail de 2321 h annuelles (soit 290 jours pleins), dont 42 jours le week-end, débordant largement sur la soirée et la nuit. L’activité est décomposée en fonction des principales tâches : l’enseignement, la recherche, l’encadrement doctoral, l’évaluation, et les tâches administratives, courriels et réunions.

      Contexte

      La profession d’enseignant-chercheur (E.C.) fait l’objet d’idées reçues et d’une image fortement dégradée tant dans son investissement professionnel que dans son rapport au temps de travail. Cette représentation du temps de travail est d’ailleurs souvent moquée, voire caricaturée, depuis les assauts méprisants d’un président de la République N. Sarkozy en 2009 (“je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé”1 ).

      Depuis quelques semaines, le mouvement lié à la préparation de la LPRR a relancé le débat sur le temps de travail des enseignants-chercheurs, et de la légitimité de l’ajustement éventuel de celui-ci en dehors du cadre dit des “#192_heures” (la modulation de service). Celui-ci est cadré autour du seuil de 192h Eq. TD d’enseignement, organisé en théorie comme un équilibre entre le temps d’enseignement et le temps de recherche, fixé par le décret de 1984, modifié par l’arrêté de 2009, qui se base sur un ratio de 4,2h travaillées pour 192h d’enseignement (préparation, corrections, activités annexes de l’enseignement, mise en ligne, formation, lectures afférantes…), soit #1607_heures de travail effectif théorique :

      “Le temps de travail pris en compte pour déterminer des équivalences horaires est le temps de travail applicable dans la fonction publique d’Etat, soit 1 607 heures de travail effectif. Il est composé pour moitié d’une activité d’enseignement correspondant à 128 heures de cours magistral ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques et pour moitié d’une activité de recherche”2.

      Métiers, #fragmentation, #invisibilité du temps de travail

      Dans l’activité quoditienne, ces deux activités, recherche et enseignement, ne sont pas nécessairement en compétition l’une avec l’autre, l’enseignement faisant partie des moments de constrution de la pensée et de production de savoirs nouveaux (Bodin 2018). Ce référentiel sert de base à des compensations horaires (décharges) pour une série d’activité annexes et administratives : ce sont ces dernières qui mettent sous contraintes les missions premières des E.C.

      Dans une certaine mesure, on peut considérer comme impossible voire absurde de mesurer le temps de travail d’un E.C., en tout cas le temps d’enseignement et de recherche du fait de la nature intellectuelle du métier et du caractère non mesurable et non objectivable de sa production3. Mais nos établissements surveillent très précisémment chaque heure de TD faite, seul référentiel objectivable en l’état, alors que personne ne maîtrise ce temps de travail, dépendant de nombreux interlocteurs, institutions, injonctions, sans aucune vision générale de la charge de travail. Au prix de remarques lorsque l’on demande à rectifier une erreur de quelques heures dans notre service d’enseignement, comme s’il était incongru ou illégitime de prêter attention à son temps de travail effectif. En balance, la vocation d’une part (“vous êtes privilégiés de faire ce métier”) ; l’obligation faite aux employeurs d’autre part que la charge de travail d’un salarié demeure dans les limites de l’acceptable.

      Depuis 2009 et le mouvement social massif de notre profession contre la réforme des statuts dans le cadre de la loi LRU (loi sur l’autonomie des universités de 2007), contre la réforme de la formation des enseignants, et contre le démantèlement de la recherche publique, le diagnostic est connu : temps professionnel trop contraint par les tâches gestionnaires, une tendance à la parcellisation et la fragmentation des tâches, une multiplication des tâches invisibles et extrêmement chronophages. Cette évolution a partie liée avec la diversification des missions de l’université et à leur autonomie, se traduisant par des pressions temporelles, un éclatement des fonctions, et une évolution des métiers des enseignants-chercheurs dans un cadre institutionnel de plus en plus complexe. Le rapport entre temps officiel et disponibilité (Lanciano-Morandat 2013) est très variable selon les institutions, les stades et stratégies de carrière, l’engagement professionnel, mais globalement, comme l’indiquent Gastaldi (2017), les principaux facteurs de pression trouvent leur origine dans les dispositifs d’évaluation constants (publications, HCERES, ANR, suivi de carrière, promotions, etc…) ; la mise sous tension des moyens dans la systématisation des financements sur projets et pour certains leur individualisation (Labex, ANR, ERC, IUF…) ; la managérialisation de l’ESR, avec une forte bureaucratisation (budgets, équipes, “reporting”, contrôle par les outils informations tels qu’Apogée) (Gastaldi 2017). Une enquête de Bodin (2018) mettait en évidence que les fonctions d’enseignement, de recherche et les charges administratives sont à la fois complémentaires et en concurrence, sans qu’aucune ne puisse être qualifiée de marginale dans l’activité. Selon cette enquête, les E.C. exercent trois métiers : 55% des EC enquêtés consacrent 2 jours et plus à l’enseignement, 38% à la recherche, 43% à l’administration. Un temps qui déborde très largement sur le soir et le week-end : 79% des EC travaillent après 22h, 97% le week-end et les jours de congés (Bodin 2018). Dans le cadre de la LPPR (loi de programmation pluri-annuelle de la recherche), une partie du débat s’oriente sur le temps de recherche. Ce diagnostic est clairement établi par la Concertation individuelle sur la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche conduite par un collectif de 23 sociétés savantes (France 2019), qui précise notamment la priorité d’une action globale destinée à restaurer du temps de recherche :

      Redonner du temps de recherche aux chercheurs et enseignant.e.s-chercheurs.

      Abaisser le service annuel d’enseignement statutaire des EC de 192h à 150h équivalent Travaux Dirigés, le service actuel étant très largement supérieur aux pratiques internationales. Alléger les services d’enseignement des EC nouvellement recrutés (au-delà des 32 heures de décharge actuelles) et recruter un nombre plus élevé de chercheurs et EC permanent.e.s pour assurer aux étudiants un taux d’encadrement supérieur tout en limitant le recours excessif aux vacataires.
      Augmenter le nombre de congés sabbatiques réguliers, comme cela se pratique dans les autres pays, et les possibilités de délégation temporaire des EC vers les grands organismes.
      Limiter le gaspillage de ressources et le temps de recherche perdu à écrire des projets finalement non financés en renforçant conjointement le financement sur dotation des laboratoires et le taux de succès des appels à projets.
      Renforcer le soutien technique et administratif aux chercheurs par recrutement d’ITAs/BIATSS4

      Pour autant, cette dimension du temps de travail est peu présente dans le débat qui se structure autour de la LPPR. Ainsi, le volet emploi et carrières du rapport préliminaire à la LPPR (Berta 2019) focalise le diagnostic sur les questions de la rémunération, de l’érosion de l’emploi scientifique pérenne et les incidences sur la précarisation des statuts, et des conditions défavorables d’entrée dans la carrière. La faiblesse en terme de gestion des ressources humaines semble être pointée, les recommandations visant à faciliter la mobilité et renforcer l’évaluation. Sur le rapport à l’organisation du temps de travail, les recommandations y font implicitement référence, en particulier sur les questions de rémunération, la revalorisation étant envisagée via des régimes indemnitaires “tenant compte notamment de leur engagement dans leurs différentes missions”. En filigrane donc, les travaux en vue de la LPRR recommandent de mettre la pression sur deux secteurs qui actuellement contribuent très largement à la fragmentation des tâches et des missions : l’évaluation et la “course aux primes”, tels que cela s’opère par exemple dans le cadre de la PEDR. Dans ce contexte, le silence demeure assourdissant sur l’ensemble des tâches administratives et quotidiennes complètement invisibilisées (Lecuppre-Desjardin 2020).
      Comment construire une position réflexive ?

      L’objectif de cette contribution est de livrer les résultats d’une analyse du temps de travail sur une année entière, à travers quelques méthodes statistiques simples destinées à mettre en forme un agenda dont le contenu s’apparente à des textes et informations non structurées (fouille de données et analyse textuelle), en suivant deux motivations principales.

      D’une part, il s’agit de documenter. Lors du dernier mandat passé au CNU, Conseil National des Universités5, l’augmentation de la charge d’évaluation des dossiers individuels, en particulier pour les promotions, PEDR et suivi de carrière, donnait très largement à voir des dossiers de collègues dont les situations d’implication, de dévouement, mais aussi de sur-travail chronique voire de surmenage étaient évidentes. De ces travaux d’évaluation individuelle des carrières, je retiens la multiplicité, la fragmentation des tâches, mais aussi l’invisibilisation d’une partie du travail administratif ou d’évaluation (non ou peu reconnu), quand ce n’est pas évidemment la course après les injonctions contradictoires d’excellence, d’augmentation des effectifs, et la lutte quotidienne contre des moyens humains pérennes en contraction, dans tous les départements de géographie. Les parcours sont d’une grande diversité, très contingents aux ancrages locaux pour certains, aux dimensions internationales pour d’autres, subissent des évolutions de carrières très inégales selon les statuts, les conditions d’entrée dans la carrière, et évidemment le genre. Dans ce cadre, l’exercice est frappant du nombre de collègues qui cherchent soutien et attention auprès du CNU, témoignant de leur situation. Ainsi, confronté à des dossiers d’évaluation où l’on est invité à présenter ses réussites, où l’on devine aussi les échecs et les situations de détresse, je souhaite présenter une situation de rapport au travail qui me paraît sinon insatisfaisante, assurément dangereuse à terme.

      D’autre part, il s’agit d’analyser les pratiques, notamment dans un cadre d’injonctions contradictoires, de contraintes, concurrences et complémentarités entre les tâches d’enseignement et de recherche (Gastaldi 2017 ; Bodin 2018 ; Le Blanc 2019). Alors que je me portais candidat pour moi-même bénéficier du privilège d’une décharge dans le cadre d’un dispositif individuel, l’IUF, il m’a semblé nécessaire d’objectiver cette situation relative au temps de travail. D’une part pour tenir bon dans les débats sur la nature des tâches que nous avons à exécuter, sur la bureaucratisation de l’université soumise aux normes du new public management, sur les effets de la multiplications des structures au sein desquelles nous évoluons (UFR, UMR, Ecole doctorale, Labex, IDEX…). D’autre part, j’ai fait cet exercice pour ma propre information, après avoir subi, déjà, deux situations dites de burn out, dont une suivie d’une hospitalisation. Ce point me paraît important, car l’exercice auquel je me suis attelé visait, avant tout, à m’aider à définir les seuils, les priorités, et ce à quoi il faudrait renoncer dans une tentative d’un retour progressif à une situation tenable. Je fais cet exercice, totalement idiosyncratique, et donc très contingent, non seulement à des fins de discussion, mais comme un point réflexif sur mes propres pratiques d’implication dans le métier. L’absence de référent sur ce point dans mon établissement, du désintérêt des services RH sur ces questions, sans même parler de médecine du travail, inexistante (je ne l’ai jamais rencontrée depuis mon recrutement en 2004), sont des facteurs aggravants : tous ces éléments ont contribué à ma motivation pour l’expérience que j’ai tenté de mener à bien de mesure de mon temps de travail.
      Données et méthodologie

      La méthode adoptée vise à dresser un bilan, sur une année, du 1/11/2018 jusqu’au 31/10/2019 : j’ai noté dans mon agenda Google tout ce que je faisais : cours, écriture d’article, conférence, tâches administratives, courriels, jurys, évaluations, précisant au maximum avec des mots clés, tatonnant aussi un peu dans l’exercice de description, tentant d’être le plus rigoureux chaque jour dans les horaires, et les contenus des tâches. Ces données, exportées au format CSV, décrivent 1430 tâches uniques, leurs jours, horaires et durée. Elles ont été rassemblées dans une base de données que j’ai exploitée ensuite, en procédant à des analyses de nombre d’occurrences des mots-clés, en limitant l’analyse aux 100 mots-clés les plus fréquents. Les tâches correspondant à des erreurs de codage, les colloques ou déplacement notés sur plusieurs jours, ainsi que d’éventuelles traces d’activités non professionnelles ont été éliminées, grace à l’analyse textuelle sur les mots clés et leurs occurrences. Les outils utilisés, sous R, relèvent de l’analyse textuelle (package quanteda) et de l’analyse multivariée (FactoMineR) afin de classifier les principales catégories d’activité en fonction des corrélations entre les occurrences d’activités et de tâches. Je ne livre ici que quelques analyses descriptives.
      Résultats

      En fonction des tâches quotidiennes, notées systématiquement pendant un an dans mon agenda électronique, le temps de travail annuel est estimé à 2321.5 heures, soit 290 jours temps plein à 8h/jour. Ce total est à comparer au référentiel de 1607h réglementaires, qui n’a évidemment qu’une valeur indicative. Rappelons dans ce décompte qu’une année est composée de 261 jours de semaines, et de 104 jours de week-end. Les périodes sans activités et congés sont permises par un report des activités sur les nuits, et elle débordent évidemment très largement sur les week-ends, de l’ordre de 335 h/an, soit 42 jours pleins (il y a 52 week-ends dans l’année, peu ne sont donc pas travaillés), au détriment de l’équilibre personnel et familial, et évidemment de la santé. Sans compensation, ni heures complémentaires.
      Les grandes catégories de l’activité

      A l’issue d’une analyse factorielle et d’une classification (Figure 1), l’analyse des tâches, triées par mots-clés (analyses lexicales sur l’agenda électronique) met en évidence plusieurs pôles très clairement identifiables dans les activités quotidiennes, synthétisées dans le Tableau 1 :

      D’une part l’activité d’enseignement (les 192h équiv. TD) représente avec l’ensemble des tâches afférantes de préparation, de suivi des étudiants, de l’ordre de 387 heures. C’est une activité comprimée par les autres tâches, dans un cadre où de nombreux cours font l’objet d’une préparation relativement rapide. Une décharge d’enseignement vient comme un soulagement, alors que cela n’affecte qu’une partie déjà bien réduite de l’ensemble des activités. Cette actitivé était légèrement réduite par rapport aux années précédentes : pas de nouveaux cours, et surtout pas de préparation de CAPES en 2018-19, des enseignements lourds nécessitant la préparation de nouveaux cours sur programme auxquels j’ai participé systématiquement depuis le début de ma carrière.
      Cette activité d’enseignement est complétée par celle de corrections de copies, très nettement séparée dans le temps (soirées, week-ends, vacances), et dans l’espace, puisqu’elle se fait rarement sur le lieu principal de travail : de l’ordre de 95h au total en 2018-19. L’enseignement et les corrections représentent 21% du temps de travail total, loin des 50% théoriques.
      D’autre part, l’activité de recherche correspond à environ 644h, soit 27% du temps, comportant la réponse aux appels d’offre pour chercher des financements (en l’occurrence auprès de l’ANR et du programme européen ESPON), la direction et coordination de projet, les analyses de données, le recueil de sources, l’écriture, les publications, le suivi des conventions. Cette activité constitue une priorité, que j’ai pu maintenir et protéger, sur les soirées, les week-ends, les périodes d’interruption de cours, grâce notamment à la sanctuarisation des périodes de terrain aménagées pendant les “vacances” de printemps.
      Séparé du précédent, l’encadrement et le suivi des thèses, comportant de nombreux rendez-vous, suivi de rédaction, préparation des soutenances, coachings variés (stratégie de publications, préparation du CNU et de la campagne de recrutement, soutien moral, etc.), rédaction des lettres de recommandation quand arrive la période des recrutements CDD pour les jeunes docteurs. Ces éléments constistuent un champ fondamental de l’activité de directeur de recherche, qui représente de l’ordre de 377h (16%). Un champ particulièrement intense avec trois soutenances, donc relectures et corrections de thèses, dans l’année 2019.
      Un temps considérable correspond aux activités d’évaluation, à plusieurs niveaux : évaluations individuelles (CNU, qualifications, promotions, primes, suivi de carrière), évaluations d’articles et de projets de recherche pour diverses agences en France et à l’étranger, évaluations HCERES, et par ailleurs la préparation des soutenances, la préparation des pré-rapports ou rapports, la participation à des jurys de thèse et HDR (environ 3 à 5 par ans). Ce sont pour l’essentiel des heures de travail invisibles, le plus souvent dans des commissions ou des jurys qui nécessitent des déplacements en dehors de l’établissement, et soumises à des délais courts et une forte pression temporelle. La plupart de ces actes sont exercés à titre gratuit, pas ou peu indemnisées, ou en dessous du SMIC horaire quand elles le sont (CNU et HCERES en particulier), alors qu’il s’agit très clairement d’activités qui débordent du temps de travail légal et de l’activité principale : 307 h (13%) en 2018-19.
      Les heures liées aux tâches ancillaires, relatives à l’administration, les mails, les réunions (diverses) et de présence dans les instances et conseils (conseil scientifique d’UFR, conseil facultaire, etc…). Une partie de cette activité est liée, de fait, à la direction d’unité CNRS ou aux fonctions de direction (master), et représentent 509h (22%). L’essentiel de ces tâches administratives reposant sur des échanges de mails et de documents, voire sur des “applications métiers” ou sites intranet dédiés, quand il s’agit d’opérer le recrutement des ATER, lors des comités de sélection pour le recrutement des collègues, ou dans le suivi des actes de gestion d’une unité CNRS (promotion et suivi de carrière de personnels de l’unité, par exemple).. A noter que la décharge de direction d’unité, compensant ces fonctions, est de 24h annuelle, celle de directeur de master 16h. Sans autre commentaire. Si le traitement statistique regroupe les tâches admnistrative, les courriels et les réunions, c’est que celles-ci sont bien souvent associées dans les temps et les lieux : de nombreux tableaux Excel à remplir, de reporting sur les horaires et maquettes, de tableaux de soutenabilité de master, de rapports annuel d’une unité, d’analyse des dossiers de candidatures pour les master. Et puis, il revient à l’honnêteté intellectuelle de dire que compte-tenu du caractère débordant du temps de travail, de nombreux mails sont faits pendant les réunions, même s’il est évident que cela nuit à l’efficacité d’ensemble.

      Le profil de l’activité

      La Figure 2 fait une synthèse de la distribution quotidienne et horaire de l’activité. Parmi les faits saillants, cette figure met en évidence la fragmentation temporelle, et le débordement systématique des horaires de travail sur le début de matinée (dès 6h30…), la soirée (après 22h), parfois la nuit, avec de très longues journées. Les deadlines à respecter, notamment pour le financement, imposant évidemment de pouvoir dégager du temps continu d’investissement (par exemple, la nuit mi-mars correspond au dépôt d’une ANR). Les congés, à l’exception d’une période relative de vacances l’été, sont systématiquement occupés, en particulier par les corrections et la recherche, dont on voit qu’elle s’intercale en fait dans des périodes intenses, mais finalement ponctuelles, notamment autour de la Toussaint et après le 15 mai. Si l’activité ralentit bien après le 15/7, la trêve reste interrompue par de l’administratif, des mails, et surtout du suivi doctoral, afin de préparer les dépôts de thèse de début septembre.

      Conclusion

      Cet exercice individuel montre des tendances bien identifiées et bien connues sur l’amplitude horaire, le débordement généralisé, et la fragmentation du temps de travail. Ce “temps de travail” ne décompte par ailleurs que les tâches balisées : pas de pause, pas de discussion ici sur les sandwiches pris devant l’ordinateur le midi, pas de discussions de couloir avec les collègues, pas de “réunion debout”. Ces éléments sont dans les blancs de la Figure , tout comme le temps de repos. De même, alors que l’activité se déploie sur trois sites à Paris en fonction des lieux d’enseignement et de recherche (dans les 5e et 13e arrondissements, ainsi que depuis septembre à Aubervilliers, nouveau campus Condorcet), de nombreux déplacements en transports en commun ponctuent les journées, de même que plusieurs déplacements à l’étranger, pour lesquels le temps de déplacement n’est pas vraiment pris en compte ici.

      Au-delà de ces constats, il faut insister sur la diversité des interlocuteurs et des institutions que chacune de ces tâches implique, chacune avec ses temporalités propres. Si l’enseignement relève essentiellement de l’université, c’est-à-dire l’employeur principal, il s’agit de la seule activité que voient et constatent effectivement les services de mon établissement et mon UFR. L’activité de recherche répond à de multiples institutions, de multiples contraintes réglementaires et contractuelles : le CNRS en premier lieu (tutelle de l’unité), un Labex (Investissements d’Avenir), un Idex, des grands projets (Campus Condorcet), des agences de financement (ANR), des commanditaires (Société du Grand Paris, ESPON, par exemple). S’agissant de l’encadrement doctoral, il s’agit d’une Ecole doctorale, relevant de l’établissement. L’activité d’évaluation est probablement celle qui s’opère dans le cadre insitutionnel le plus fragmenté : HCERES, ANR, revues, éditeurs, écoles doctorales de chaque établissement pour lesquels on établit des rapports, et des acteurs étrangers (revues et agences de recherche) qui nous sollicitent également pour l’évaluation de projets et travaux. Chacun de ces acteurs impose ses temporalités, ses normes, ses contraintes. L’activité administrative, de courriel et de réunion chapeaute le tout, et dans une certaine mesure fait tenir l’échaffaudage : il s’agit à la fois d’une activité subie au sein de chacun de ces périmètres institutionnels (réunions, réponses à des injonctions), mais également un temps important consacré à la coordination et la mise en cohérence dans un temps contraint des requêtes de ces acteurs variés.

      En espérant que cet exercice, de l’ordre de 3 minutes par jour de saisie de l’information, puisse engager d’autres collègues à tenter de suivre leur activité, afin que collectivement nous puissions mieux objectiver le travail invisibilisé (évaluations, commissions variées, travail administratif, interactions électroniques), qui représente au final une partie essentielle d’un temps professionnel très fragmenté et étalé (il faut bien manger, dormir, sortir encore un peu, voir ses enfants, dans les interstices), au détriment évidemment des missions de service public d’enseignement et de recherche.

      https://academia.hypotheses.org/20672

    • À quoi servira la LPPR ? L’exemple des recrutements

      Texte de la conférence donnée à l’occasion de la réunion d’information « La LPPR, vrai problème ou fausse alerte ? » 6 mars 2020, Paris, centre Panthéon, UMR8103, salle 6 Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne,

      -- I.—

      Il existe aujourd’hui une certaine confusion quant au rôle exact que jouera la LPPR dans le phénomène de précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette confusion est d’abord et avant tout la conséquence du refus de la ministre de l’ESRI de dévoiler l’avant-projet de loi – un refus désastreux pour le ministère et problématique pour la mobilisation :

      désastreux pour le ministère, d’abord, car il témoigne de façon particulièrement spectaculaire de la dégradation générale des relations entretenues avec la communauté universitaire ;
      problématique pour la mobilisation, ensuite, en ce qu’il entraîne une focalisation excessive des critiques sur les trois rapports dits « des groupes de travail » (les rapports remis au Premier ministre le 23 sept. 2019), faute d’autre texte à discuter.

      Bien sûr, la lecture des trois rapports est éclairante, ne serait-ce que parce qu’ils dévoilent le décalage considérable qui existe aujourd’hui entre, d’un côté, les orientations que veulent donner à l’ESR quelques individus occupant des fonctions de premier ordre dans ce secteur et, de l’autre côté, les aspirations d’une part importante de la communauté universitaire.

      Pour autant, il faut bien reconnaître que la ministre a raison de rappeler, comme elle l’a fait à maintes reprises, que ces rapports, indiscutablement, « ce ne sont que des rapports » (Frédérique Vidal, séminaire des nouveaux directeurs et directrices d’unité, CNRS / CPU, 4 février 2020). D’une certaine façon, se concentrer sur ces documents pour critiquer la LPPR, c’est alimenter encore davantage le discours – très prégnant chez toute une partie des collègues, et en particulier dans les facultés de droit – selon lequel il est inutile de se mobiliser contre un projet de loi qui nous est encore inconnu. Or, précisément, s’il faudrait sans doute moins se focaliser sur les trois rapports, c’est parce qu’on en sait aujourd’hui davantage sur le contenu de l’avant-projet de LPPR, en particulier parce que la ministre en a distillé plusieurs éléments lors de sorties récentes.

      On sait désormais, par exemple, que, quand bien même cette loi ne serait qu’une loi « de budget et non une loi « de structure » (pour reprendre l’opposition employée par la ministre), une telle distinction est trompeuse : la mise en place des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens — un outil bien connu des juristes de droit public — et le jeu sur le montant forfaitaire du préciput de l’ANR — pour citer deux instruments que la ministre a présentés devant la Conférence des présidents d’université comme figurant dans la réforme — auront des conséquences structurelles tout à fait considérables sur le service public de l’ESR.

      Je ne m’attarde pas sur ce premier point, qui, s’il est crucial, n’est pas l’objet de mon propos. Ce sur quoi j’aimerais m’attarder, en revanche, c’est sur la question des recrutements (le fameux « assouplissement des modes de recrutement » évoqué par le président de la République lors de la cérémonie des 80 ans du CNRS, le 26 novembre 2019). C’est peut-être en ce domaine, en effet, que l’on observe le décalage le plus important entre ce que l’on sait désormais plus ou moins du contenu de l’avant-projet de loi et les critiques qui lui sont adressées dans le cadre des mobilisations. Le discours un peu fantasmé qui accompagne, chez certains collègues mobilisés, la publication du décret du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique, une des mesures d’application de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, est à cet égard caractéristique : s’il est presque certain que les contrats de projet seront massivement employés dans les universités à l’avenir, si, donc, il est très important de s’intéresser à ces nouveaux contrats, il est faux, en revanche, de répandre l’idée qu’avec ce décret, le gouvernement utiliserait la voie réglementaire pour faire discrètement passer certaines des mesures prévues dans la LPPR.

      Prétendre cela, c’est ramener à nos seules préoccupations d’universitaires un débat qui, malheureusement, va très au-delà — il concerne aussi bien la fonction publique d’État que la FP territoriale et la FP hospitalière — et à propos duquel les syndicats se sont battus becs et ongles pendant des mois, avant comme après l’adoption de la loi du 6 août 2019. Bien sûr, il faut être prudent lorsque l’on tient ce genre de discours, car un angle mort gigantesque persiste dans tous les cas : on ne sait pas ce qui, dans la LPPR, fera l’objet d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance1.

      Ceci dit, s’agissant des recrutements, on a tout de même eu la confirmation de deux choses à présent, parce que la ministre les a évoqués à plusieurs reprises ces dernières semaines, dans ses prises de parole publiques : deux contrats nouveaux au moins2 devraient bien être créés par la voie de la LPPR : les « CDI de mission scientifique », d’une part ; les contrats de « professeurs junior », d’autre part. Ces deux contrats sont éminemment problématiques pour différentes raisons. Et, à première vue, on a du mal comprendre comment, avec de telles mesures, la ministre s’autorise à présenter la LPPR comme une simple loi « de budget ». Une première interprétation pourrait être de soutenir qu’il s’agit, de sa part, d’un mensonge éhonté. Une autre interprétation — qui est celle vers laquelle je tends — consiste à considérer que la ministre a une connaissance si précise du cadre juridique des recrutements dans l’ESR qu’à ses yeux, il est tout à fait évident que ces deux contrats ne sont pas le cheval de Troie de la précarité dans l’ESR, mais de simples mesures de technique juridique, destinées à régler deux points de droit bien spécifiques, pour lesquels, effectivement, il n’est pas possible d’en passer par autre chose qu’une loi.

      Il faut prendre au sérieux, à cet égard, les propos tenus par la ministre lors des journées SHS organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février 2020, lorsqu’elle expliqua que, s’agissant des règles juridiques de recrutement, la LPPR n’interviendrait qu’à la marge, c’est-à-dire exclusivement pour « faire sauter les verrous législatifs » – au sens de « verrous » que seule une loi, précisément, a la compétence de faire sauter3. Autrement dit, c’est d’une vraie tournure d’esprit dont il faut s’imprégner si l’on veut que nos critiques de la LPPR fassent mouche : la ministre sait mieux que quiconque que le cadre juridique actuel permet d’ores et déjà de mener à bien la plupart des orientations préconisées par les rapports des groupes de travail en matière d’emplois, comme je vais essayer de le montrer plus loin.

      De ce fait, la présence, dans la LPPR, des CDI de mission scientifique et des contrats de professeurs junior ne marque pas tant la réorientation profonde du cadre juridique du recrutement dans l’ESR qu’elle ne témoigne, malheureusement, de ce que l’on en est déjà aux ultimes mesures d’adaptation — ce qui, je le précise pour qu’il n’y ait aucune confusion sur ce point, rend encore plus cruciale la mobilisation actuelle, en forme d’ultime-bataille-jusqu’à-la-prochaine… Si les CDI de mission scientifique et les contrats de professeurs junior figurent dans la LPPR, donc, c’est parce que deux contraintes législatives bien spécifiques doivent être levées :

      Le « CDI de mission scientifique » a pour objet de contourner la règle de la transformation obligatoire en CDI des relations contractuelles d’une durée supérieure à six ans – une règle qui, il faut le rappeler, n’a été introduite en France en 2005 que parce qu’il s’agissait d’une obligation européenne (directive du 28 juin 1999). Dans la lignée du « CDI de chantier ou d’opération » d’ores et déjà applicable « dans les établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial et les fondations reconnues d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche publique » depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 (cf. art. L. 431-4 du code de la recherche et décret du 4 octobre 2019 fixant la liste des établissements et fondations concernés : CEA, IFREMER, CNES, Institut Pasteur, Institut Curie, etc.), l’objectif n’est rien d’autre, autrement dit, que de créer un CDI — un CDI aux conditions de rupture particulièrement souples — permettant d’éviter d’avoir à cédéiser.
      Le « contrat de professeur junior », quant à lui, n’a pas seulement pour objet, comme le dit la ministre (séminaire des nouveaux directeurs et directrices d’unité, CNRS / CPU, 4 février 2020), de permettre le « recrutement de scientifiques sur une première période de 5 à 6 ans, en prévoyant des moyens d’environnement spécifiques », car s’il ne s’agissait que de cela, la LPPR serait parfaitement inutile (ce genre de contrat est déjà possible en droit public français). Si la LPPR intègre ces nouveaux contrats, c’est très précisément parce que l’objectif est de créer une « track » vers la « tenure », c’est-à-dire une procédure dérogatoire de titularisation en droit de la fonction publique, par la reconnaissance d’un privilège d’accès aux corps de maître de conférences et de professeur dans un établissement déterminé, et ce hors des voies d’accès normal à ces corps. Et cela, seule une loi, techniquement, peut le faire.

      J’en arrive donc au point principal de mon intervention : en dehors de ces deux « adaptations » qui nécessitent une loi — en l’occurrence : la LPPR — le cadre juridique de l’enseignement supérieur permet d’ores et déjà de recruter massivement par la voie contractuelle — et, grâce à cette voie, d’organiser, pour ce qui concerne spécifiquement les enseignants-chercheurs qui nous succéderont, le contournement de la procédure de qualification nationale, la modulation des tâches et en particulier des services d’enseignements, ou encore la variation des rémunérations. Autant de points qui sont précisément ceux contre lesquels nous nous mobilisons actuellement, mais qui — il est important d’en avoir conscience — ne seront donc pas introduits par la LPPR, puisqu’ils sont déjà là. C’est cela que je voudrais essayer de rappeler à présent.

      -- II.—

      Premier rappel : le recrutement contractuel illimité organisé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

      La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a ouvert la possibilité d’un recrutement illimité (c’est-à-dire non plafonné) par la voie contractuelle dans les établissements publics de l’État, y compris dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP : les universités). De ce point de vue, cette loi franchit un seuil juridique : dans les établissements publics de l’État, le recours à des agents contractuels ou à des fonctionnaires devient indifférent, alors que jusqu’ici, l’occupation des emplois répondant à des besoins permanents par des fonctionnaires était le principe, et le recours aux agents contractuels, l’exception (et ce, quand bien même, depuis une vingtaine d’années, le champ de cette exception avait progressivement été étendu). Un point n’a pas suffisamment été signalé, à cet égard : le projet de loi de transformation de la fonction publique excluait initialement de la nouvelle règle « les emplois pourvus par les personnels de la recherche »4.

      Le champ exact d’une telle exclusion n’était pas tout à fait évident, mais on pouvait raisonnablement défendre que cette exclusion avait vocation à maintenir le principe du recours aux fonctionnaires pour les recrutements au CNRS ou à l’IRD, par exemple, mais aussi pour le recrutement des enseignants-chercheurs dans les universités. Aux derniers instants des débats du projet de loi5, cependant, l’exclusion des « emplois pourvus par les personnels de la recherche » fut reformulée in extremis : avec cette reformulation, la loi ne dit plus que les « emplois pourvus par les personnels de la recherche » sont exclus de la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires dans les établissements publics de l’État, mais que la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires s’applique « sous réserve des dispositions du code de la recherche pour les agents publics qui y sont soumis ».

      Cette reformulation apparemment anodine — sur l’origine de laquelle le rapport de la commission mixte paritaire ne s’explique pas, et à propos de laquelle on ne sait rien, si ce n’est qu’à l’évidence, elle a été initiée par un parlementaire bien informé des problématiques de l’enseignement supérieur et de la recherche — a deux conséquences importantes, qui, en réalité, ruinent le principe même de l’exclusion :

      La première conséquence est que les enseignants-chercheurs se trouvent exclus de l’exclusion (ils se trouvent, par voie de conséquence, inclus dans la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires), dans la mesure où, s’ils pouvaient éventuellement être considérés comme entrant dans le champ de la qualification de « personnel de recherche » (du fait de leur obligation statutaire de recherche), il est incontestable qu’ils sont soumis aux dispositions du code de l’éducation, et non à celles du code de la recherche.
      La seconde conséquence, plus sournoise, est que les agents des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST – différents des universités, qui sont des EPSCP), et en particulier les agents du CNRS, ne peuvent vraisemblablement plus, eux non plus, être considérés comme exclus de la règle du recours indifférencié aux agents contractuels ou aux fonctionnaires.
      La nouvelle formule (« sous réserve des dispositions du code de la recherche pour les agents publics qui y sont soumis ») permet en effet de renvoyer à un article bien spécifique du code de la recherche, l’article L. 431-2-1, qui autorise, lui, le recours illimité à des agents contractuels dans les EPST « pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A, B ou C » et « pour assurer des fonctions de recherche ». Sur le fondement de la loi du 6 août 2019, les universités qui le souhaitent peuvent donc recruter massivement par la voie contractuelle, quelles que soient les fonctions exercées.

      Dès lors que le recrutement de fonctionnaires n’est plus le principe et le recrutement de contractuels, l’exception, le choix a été fait de n’instituer aucun garde-fou juridique — et en particulier aucun plafonnement — de sorte qu’en réalité, les seules limites au recours aux contrats qui demeurent sont, premièrement, le nombre minimal de fonctionnaires dont la présence est obligatoire pour faire fonctionner les organes statutaires des établissements et, deuxièmement, la bonne volonté des universités et du ministère. Ce qui, chacun en conviendra, est bien peu.

      Il est, de ce fait, très vraisemblable que l’augmentation du nombre de personnels des universités soumis au régime contractuel va s’accentuer, et c’est la raison pour laquelle il est crucial de porter une attention soutenue aux conditions juridiques dans lesquelles ces contrats vont être mis en place : cf. les nouvelles règles du décret du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels, qui entre en vigueur au 1er janvier 2020, et celles du décret du 27 février 2020 relatif au contrat de projet dans la fonction publique, qui entre en vigueur au 29 février 2020. Il n’est pas anodin, à ce propos, que les huit présidents d’université auteurs de la tribune « La France a besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche », publiée dans Le Monde le 4 mars 2020, évoquent d’ores et déjà le contrat de projet, en vigueur depuis quatre jours seulement, à la date de la tribune… et suggèrent une utilisation très large de celui-ci

      « Assurer par les contrats de projet le financement de doctorants, de post-doctorants, de techniciens ou d’ingénieurs sur la durée d’un contrat de recherche » (Le Monde, 4 mars 2020).

      -- III.—

      Deuxième rappel : le recrutement contractuel illimité organisé par la loi du 10 août 2017 relative aux libertés et responsabilités des universités

      Il convient, par ailleurs, de ne pas perdre de vue qu’indépendamment des modifications introduites par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, la libéralisation des recrutements par voie contractuelle a d’ores et déjà été rendue possible dans les universités il y a une douzaine d’années, par l’entremise d’un texte spécifique aux universités, la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités

      « La possibilité offerte aux universités de recruter des contractuels est l’un des points les plus importants de ce texte », Benoît Apparu, rapporteur du projet de loi, Assemblée nationale, séance du 25 juillet 2007).

      L’article L. 954-3 du Code de l’Éducation autorise, en effet, les présidents d’universités à

      « recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels : 1° Pour occuper des fonctions techniques ou administratives correspondant à des emplois de catégorie A ; 2° Pour assurer […] des fonctions d’enseignement, de recherche ou d’enseignement et de recherche […] ».

      La question de ces CDI/CDD dits « contrats LRU » est bien connue : si, durant les débats parlementaires de 2007, ces contrats avaient été présentés comme destinés à contourner « par le haut » la grille des rémunérations de la fonction publique (et, par suite, à faire concurrence aux universités étrangères pour « attirer les talents »), chacun sait qu’ils ont, en réalité, constitué le support juridique grâce auquel les universités court-circuitent l’ouverture de postes de fonctionnaires titulaires, au profit de recrutements contractuels aux conditions économiques et sociales très dégradées.

      L’encadrement juridique de ces contrats est presque inexistant, en effet6 — tout au plus existe-t-il une obligation de recueillir l’avis d’un comité de sélection pour recruter des enseignants-chercheurs, des enseignants ou des chercheurs (art. L. 954-3, 2°), mais une très grande liberté a été laissée sur ce point7. À cet égard, un épisode un peu perdu de vue — mais particulièrement significatif du rôle très actif joué par le ministère de l’Enseignement supérieur dans la contractualisation des recrutements — mérite d’être rappelé.

      Lors des débats parlementaires consacrés aux « contrats LRU », en 2007, il avait été décidé que la proportion de ces contrats par université serait plafonnée, et c’est très exactement la raison pour laquelle, depuis lors, l’article L. 712-9 du Code de l’Éducation prévoit que le contrat pluriannuel d’établissement conclu par chaque université avec l’État doit

      « fixer le pourcentage maximum de cette masse salariale que l’établissement peut consacrer au recrutement des agents contractuels mentionnés à l’article L. 954-3 »8.

      Or, il apparaît que le ministère de l’Enseignement supérieur a fait en sorte de « déréguler » dans toute la mesure du possible ces contrats.

      Premièrement, la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) a fait le choix de ne jamais appliquer ce plafonnement pourtant prévu par la loi : aucun pourcentage maximum de la masse salariale consacrée au recrutement par la voie de « contrats LRU » n’a été fixé dans les contrats successivement conclus entre les universités et l’État depuis la fin des années 2000, au risque de l’illégalité et au point de susciter l’étonnement de la — pourtant timide — Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche9.
      Deuxièmement, comme le révèle ce même rapport de l’IGAENR (n°2016-036), la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère a fait le choix de soutenir l’interprétation la plus « dure », socialement parlant, de l’article L.954-3 du code de l’éducation, au point de s’opposer, sur ce point, à la direction générale des finances publiques du ministère en charge du budget : alors que la DGFP soutenait, d’une part, que l’introduction des « contrats LRU » par la loi de 2007 ne remettait pas en cause le principe, applicable jusqu’à la loi du 6 août 201910 selon lequel les besoins permanents des universités devaient être pourvus par les fonctionnaires titulaires, et d’autre part, que l’éventuel recours à des « contrats LRU » ne signifiait pas, pour autant, que les conditions contractuelles pouvaient être librement fixées par les universités11, la DGRH décida que les « contrats LRU » seraient des outils parfaitement autonomes par rapport aux autres textes de droit de la fonction publique, et en déduisit que les conseils d’administration des établissements et, à défaut, les présidents d’université seraient seuls compétents pour fixer les règles applicables aux agents recrutés par cette voie contractuelle.

      -- IV.—

      Conséquences en l’état actuel du droit, indépendamment de l’adoption ou non de la LPPR
      Il résulte donc de la loi du 10 août 2007 et de la loi du 6 août 2019 que les universités peuvent, s’agissant des postes répondant, pourtant, à des besoins permanents, recruter par la voie contractuelle sans aucun plafonnement. À ce stade, la seule limite juridique à ces recrutements — qui a déjà été évoquée plus haut — est le nombre minimal de fonctionnaires dont la présence est rendue obligatoire par le Code de l’Éducation pour faire fonctionner les organes statutaires des établissements12. C’est la raison pour laquelle il importe d’être aujourd’hui beaucoup plus précis dans la critique de la LPPR : le recours aux différents contrats existants offre d’immenses libertés de recrutement pour les besoins permanents des universités, permettant d’ores et déjà d’organiser, pour ce qui concerne les enseignants-chercheurs, le contournement de la procédure de qualification nationale, la modulation des services d’enseignement et les variations de rémunérations.

      En ce qui concerne les procédures de recrutement, d’abord : la procédure de qualification nationale peut aujourd’hui être largement contournée pour les recrutements dans les universités (de même, d’ailleurs, que les simples conditions de diplômes). Tout au plus faut-il respecter les conditions minimales des « contrats LRU » (loi de 2007), évoquées plus haut, et, dans les autres cas (loi de 2019), les nouvelles règles, elles aussi légères, du décret du 19 décembre 2019 relatif à la procédure de recrutement pour pourvoir les emplois permanents de la fonction publique ouverts aux agents contractuels (procédure identique pour les candidats à un même emploi permanent, publication préalable des modalités de la procédure de recrutement, entretien de recrutement d’au moins deux personnes, etc.).
      En ce qui concerne la nature des missions, ensuite : la fixation des missions relève du champ contractuel, de sorte que des tâches administratives diverses, et en nombre illimité, peuvent être confiées à un enseignant-chercheur recruté par voie contractuelle, tout comme les services d’enseignement peuvent faire l’objet de modulations à la hausse ou à la baisse5 (c’est déjà le cas, comme chacun sait, avec les « contrats LRU »°).
      En ce qui concerne les rémunérations, enfin : la fixation des rémunérations est marquée par une très grande souplesse, aussi bien pour les « contrats LRU » (loi de 2007) que pour les autres contrats (décret du 17 janvier 1986 qui pose la règle générale selon laquelle « le montant de la rémunération est fixé par l’autorité administrative, en prenant en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par l’agent ainsi que son expérience »).

      Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, dans leur récent rapport conjoint (« Le pilotage et la maîtrise de la masse salariale des universités », avril 2019) s’étonnent des scrupules des universités à recourir aux recrutements contractuels, et en particulier s’inquiètent du fait que « les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L. 954-3 du Code de l’Éducation » (contrats LRU). Dans ce rapport, la position est énoncée sans fard :

      « dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT [glissement-vieillesse-technicité] » (p. 27).

      Manière on ne peut plus claire de dire une conviction profondément ancrée dans l’esprit des inspecteurs : le recours aux recrutements contractuels devrait être une évidence pour les universités si celles-ci étaient de bonnes gestionnaires des deniers publics. Et c’est ce raisonnement très particulier qui permet aux inspecteurs d’affirmer sans rougir – car le plus rationnellement du monde — que

      « bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques », p. 3.)

      Ceci est, me semble-t-il, un point très important à garder en tête dans la mobilisation actuelle : les présidences d’universités recourent beaucoup moins qu’elles ne le pourraient aux recrutements contractuels, pour des raisons qui sont très variables selon les établissements. Autrement dit, si le cadre juridique est à peu près en place pour un recrutement massif par la voie contractuelle, c’est donc que tout se joue désormais au niveau des choix de chaque établissement dans les recrutements — à moins, bien sûr, de parvenir à changer le droit, ce qui devrait d’ailleurs être l’un de nos objectifs : proposer une autre loi sur la recherche.

      C’est très exactement la raison pour laquelle la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a estimé, lors des journées SHS organisées par l’Agence nationale de la recherche les 25 et 26 février 2020, que « Les emplois, ce n’est pas mon travail » : les emplois, c’est le travail des universités — toute l’hypocrisie résidant dans le fait que le ministère s’évertue, en revanche, à orienter ce « travail », en contraignant les établissements à recruter bien davantage par la voie contractuelle. C’est la principale raison du chantage actuel à la non-compensation du « Glissement vieillesse technicité » par le ministère13. Et ce sera la principale conséquence des nouvelles voies d’allocation des moyens prévues par la LPPR, et c’est pour cette raison que, quand bien même elle ne ferait que distribuer de l’argent, cette loi réorientera structurellement l’ESR.

      -- V.—

      Face à ce phénomène de précarisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, il me semble que nous avons en tant qu’enseignants-chercheurs en droit, eu égard à notre objet de recherche, un rôle particulier à jouer : un rôle dans l’analyse des évolutions en cours et, donc, un rôle dans la contradiction à apporter à ce qui n’est jamais que le travail d’autres juristes14. Je ne pense pas, ici, aux réflexions qu’il nous faudrait avoir quant aux actions juridiques à mener pour contester ces évolutions — il est très clair, à cet égard, qu’il existe quelques faiblesses juridiques dans la mise en oeuvre des outils précédemment décrits, qui pourraient être exploitées —, mais simplement, déjà, à ce qui constitue le coeur de notre métier, à savoir la recherche en droit.

      De ce point de vue, une tâche importante à engager, me semble-t-il, serait de montrer que la contractualisation croissante des différentes fonctions dans les universités n’est pas seulement un problème de précarisation. C’est aussi un problème de précarisation — et quand bien même ce ne serait que cela, ce serait amplement suffisant pour se mobiliser — mais ce n’est pas que cela.

      J’enfonce une porte ouverte, mais il nous faut défendre fermement le point suivant : même si l’on ne proposait que des CDI à l’avenir dans les universités, le problème resterait entier, en ce sens que la contractualisation, même garantie dans sa stabilité par le recours exclusif au CDI, est un recul considérable par rapport à la situation statutaire. Non pas seulement un recul en termes de protection sociale, mais une perte en termes de liberté de la recherche. L’on ne rappelle pas suffisamment, en effet, que le problème des libertés universitaires ne se joue pas seulement au travers de l’affirmation de grands principes opposables devant les tribunaux, mais se joue d’abord et avant tout, et même principalement, au travers du statut. Le statut, autrement dit, est le premier des garde-fous des libertés universitaires, car il est celui grâce auquel on endigue en premier lieu la question hiérarchique et toutes les formes d’emprise.

      https://academia.hypotheses.org/20878

    • Quelques réponses aux questions fréquemment posées sur la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

      Dans ce complément à notre billet sur le lien entre LPPR et réforme des retraites (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#Desenfumage), nous répondons aux questions qui nous ont été posées sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), ses initiateurs, son calendrier et les sommes en jeu à partir des informations dont nous disposons.

      http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR

  • 2e Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)

    Suite du 1e fil sur le même sujet : https://seenthis.net/messages/820393

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    –------
    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • #Sciences-Po, modèle illusoire de l’Université de demain

      Un collectif de cet établissement s’inquiète du démantèlement de l’Etat social. Souvent cité en exemple pour défendre la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sciences-Po Paris bénéficie de financements qui n’empêchent pas la précarité de certains étudiants ou de jeunes chercheurs.

      Nous sommes, chercheu·rs·ses, personnels administratifs, technicien·ne·s, enseignant·e·s, doctorant·e·s, étudiant·e·s de Sciences-Po Paris, et nous nous opposons aux réformes de l’assurance chômage, des retraites et de la recherche portées par le gouvernement. Celles-ci accentuent la polarisation d’une société à deux vitesses et renforcent les incertitudes quant au futur de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Travailleu·rs·ses privilégié·e·s de ce secteur, nous partageons l’angoisse et la colère de nos collègues, desquel·le·s nous sommes solidaires.

      Le démantèlement de l’Etat social en cours depuis des années s’est accéléré avec la réforme de l’assurance chômage mise en œuvre le 1er novembre 2019. Celle-ci durcit les conditions d’accès au chômage en allongeant le temps travaillé requis pour l’ouverture de droits.

      Encore en débat, la réforme des retraites dessine quant à elle un horizon inquiétant tant par son contenu que par les incertitudes qu’elle soulève - calcul de la valeur du point, introduction ou non d’un âge pivot, évolution de l’âge d’équilibre. Elle augure une baisse généralisée des pensions, un allongement du temps de travail pour les personnes aux plus bas revenus, et un renforcement des inégalités existantes avant et après le départ à la retraite. Les enseignant·e·s de la maternelle à l’université, dont nous faisons partie, risquent notamment d’importantes baisses de leur pension (plus d’un tiers pour un·e professeur·e certifié·e).

      Au-delà de la destruction des mécanismes de solidarité et de la protection sociale, c’est également l’ambition de notre société à se penser et à former les générations futures qui est remise en cause. Nous partageons, avec les membres de l’ESR, le constat d’une université dégradée et d’un potentiel décrochage de la recherche française, mise à mal par plusieurs années de sous-financement et de réformes néolibérales au nom de l’internationalisation et de l’excellence. Au lieu de créations massives de postes de titulaires, les rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) prévoient la généralisation de contrats non statutaires qui retarderont inévitablement l’accès à un emploi stable pour les jeunes chercheu·rs·ses. Comment garantir la qualité de la recherche lorsque l’on dégrade les conditions de travail de celles et ceux qui la portent ?

      En outre, les rapports prévoient d’accentuer la place de l’évaluation dans le financement des institutions de recherche et l’évolution des carrières en faisant fi du jugement scientifique porté par les pairs. Ces évaluations bureaucratisées interfèrent avec le temps long nécessaire à la recherche et avec les impératifs de qualité et de probité de nos professions, en réduisant la recherche à une « performance » quantifiée à court terme. De telles mesures vont accentuer les logiques de compétition entre universités, laboratoires et travailleu·rs·ses de l’ESR, ainsi que la concentration des moyens dans quelques établissements privilégiés. Les orientations de la LPPR ne sont donc pas seulement inquiétantes pour les conditions de travail dans l’enseignement supérieur, mais pour l’existence même d’une recherche libre et critique. Celle-ci dépend de la coopération et de l’échange, de financements stables et pérennes, et d’une véritable indépendance scientifique. Les étudiant·s·es en seront parmi les premières victimes, en raison de la dévalorisation des tâches d’enseignement et de la faiblesse persistante des moyens qui leur sont consacrés.

      Aujourd’hui, notre établissement est cité en exemple par les chantres de la performance, de l’excellence et de la compétitivité. Vanter ce modèle, c’est oublier que l’« excellence » de Sciences-Po repose sur une concentration exceptionnelle de moyens, privés comme publics. Or, ces largesses de financement ne sont en aucun cas promises à l’ensemble de l’ESR dans les projets de réforme actuels. Du reste, en dépit d’un environnement privilégié, tou·s·tes les membres de notre institution ne bénéficient pas de conditions de travail pérennes et sereines. Certain·e·s étudiant·e·s et doctorant·e·s affrontent une grande précarité au quotidien, tandis que nos jeunes chercheu·rs·ses font l’expérience du parcours sinueux de la fin et de l’après-thèse - longues périodes de chômage, enchaînement de post-doc, vacations rémunérées en différé… Parmi nos enseignant·e·s, les professeur·e·s de langues vivantes et les jeunes docteur·e·s sans postes, vacataires en contrats courts, sont à la merci du non-renouvellement de leur engagement et connaissent une grande incertitude professionnelle. C’est également par solidarité avec ces membres de notre communauté académique que nous dénonçons les projets de réforme en cours, qui les affectent durement.

      Nous appelons donc à un retrait des réformes de l’assurance chômage et des retraites. Nous demandons un plan de création massif de postes permanents dans l’ESR, une revalorisation des salaires et des carrières, une amélioration des contrats doctoraux, et un investissement à la hauteur des engagements de la France en matière de recherche (3 % du PIB). Nous exigeons à ce titre la réorientation des sommes affectées au crédit d’impôt recherche (CIR), dispositif non évalué à l’efficacité plus que douteuse, vers la recherche scientifique. Des conditions de travail dignes dans l’ESR sont indispensables à l’existence d’une université accessible à tou·s·tes. La recherche fondamentale doit être libre et indépendante pour servir une société plus juste et capable de faire face aux enjeux contemporains.

      https://www.liberation.fr/debats/2020/02/24/sciences-po-modele-illusoire-de-l-universite-de-demain_1779461
      #sciences_po

    • Lettre des doctorant•e•s et jeunes docteur•e•s des #ENSA

      Monsieur Franck Riester, Ministre de la Culture

      Madame Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation

      Monsieur Philippe Barbat, Directeur Général du Patrimoine

      Madame Aurélie Cousi, la Directrice de l’Architecture

      La communauté des doctorant·e·s et docteur•e•s des Écoles Nationales Supérieures d’#Architecture et de Paysage (ENSA) souhaite exprimer ses inquiétudes à propos d’un ensemble d’évolutions majeures que subissent nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche depuis près de deux ans, et qui affecte fortement le parcours doctoral dispensé dans l’ensemble des ENSA de France.

      Depuis 2018, l’application du décret relatif aux ENSA1 a eu pour conséquence une augmentation de la #charge_de_travail des équipes (enseignant·e·s, chercheur·e·s, administratif·s) alors même qu’elles ont subi une baisse de #moyens significative. Ces changements se traduisent par de trop faibles efforts en termes de déprécarisation / conservation / création de postes et par une baisse des capacités d’encadrement dénoncées par les enseignant·e·s chercheur·e·s et les étudiant·e·s. Plus globalement, nous pointons avec l’ensemble des acteurs des ENSA une faiblesse structurelle historique de nos établissements d’enseignement supérieur ainsi, qu’un épuisement extrêmement problématique des équipes, comme l’a signalé dernièrement le collège des président·e·s des Conseils d’Administration des ENSA2. Cela menace également la communauté des doctorant·e·s actuelle et future des ENSA, ainsi que le parcours des docteur·e·s formé·e·s dans ces établissements. Sans exhaustivité, nous observons déjà les premières conséquences :

      Manque cruel de moyens au regard du fonctionnement des ENSA3 ;
      Dégradation et #précarisation des conditions de recherche et d’enseignement4 ;
      Nouvelles procédures de recrutement aux conditions floues, inégales et tardives5.

      Par ailleurs, une crainte grandissante existe quant aux perspectives dessinées dans les rapports préparatoires de la future Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), dont l’impact sur les ENSA a été confirmé au cours de la réunion du 4 février avec les présidents des instances des ENSA au Ministère de la Culture. Si nous partageons les nombreux constats évoqués sur le cycle doctorat dans ces rapports6, nous restons vigilants sur les solutions qui seront apportées au doctorat au sein des ENSA. Nous tenons à rappeler la nécessité :

      D’#investissements humains, matériels et financiers nécessaires à un enseignement et une recherche de qualité ;
      De respecter et soutenir l’#indépendance et les spécificités des productions scientifiques et pédagogiques ;
      De permettre un #service_public équitable, transparent et inventif pour l’ensemble de la communauté de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

      Pour aller plus loin, nous constatons que les différences de considérations des #statuts, notamment pour ceux les plus précaires, entraînent une #compétition inégalitaire et délétère, alors même que le monde de l’Enseignement Supérieure et la Recherche (#ESR) réclame toujours plus de #transdisciplinarité et devrait pour cela favoriser l’#échange et la #coopération 7. Cette #précarité, qui découle directement des #différences_de_traitement entre les acteurs de l’ESR, a des conséquences dramatiques et insidieuses pour les équipes des ENSA : elle ruine la confiance de ceux qui sont les plus dépendants (finances, évolution de carrière, etc.). À plus long terme, elle provoque une #crise_des_vocations qui est en complète contradiction avec les ambitions de la dernière réforme des ENSA en termes de #recrutement et de #recherche.

      Le cycle doctorat dans les ENSA, et plus particulièrement le doctorat en Architecture depuis sa création en 2005, n’a jamais réuni les conditions pour se dérouler dans de bonnes conditions. L’approche néolibérale et technocratique des politiques actuelles menées par notre double tutelle du Ministère de la Culture (MC) et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), notamment au travers des textes sus-cités, n’a de cesse de dessiner un avenir déplorable pour la bonne formation “à et par la recherche”8. Dans l’absence d’une vision prospective pour notre communauté, les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA se joignent aux demandes portées collectivement par les étudiant·e·s, enseignant·e·s-chercheur·e·s, administratifs et professionnel·le·s des métiers de l’architecture9, de l’urbain et du paysage, mais aussi plus largement de l’enseignement et de la recherche10, et tiennent à ce que les revendications suivantes soient également entendues par nos ministères de tutelle :

      Sur la reconnaissance du #doctorat

      Reconnaître la #thèse comme une expérience professionnelle à part entière, et traiter les doctorants en conséquence malgré un statut administratif d’étudiant en 3e cycle11 (particulièrement lors du processus de qualification aux fonctions de maître·sse de conférences ou de professeur·e du CNECEA) ;
      Ne pas tolérer que les doctorant·e·s tout comme l’ensemble des enseignant·e·s contractuel·le·s des ENSA n’effectuent des heures d’enseignement ou de recherche sans contrat dûment signé et sans une officialisation administrative via le portail Taïga des heures valant expérience professionnelle auprès du ministère. Le travail réalisé en parallèle de la thèse doit correspondre à un contrat signé et à un salaire perçu, et la promesse d’expérience peu reconnue n’est pas une gratification suffisante pour se mettre en difficulté sur sa thèse.

      Sur l’accès au 3ème cycle

      Développer la formation à et par la recherche en amont du doctorat12 dans les ENSA, en accordant les moyens nécessaires à sa mise en œuvre (niveau Master et/ou expérience professionnelle) ;
      Résorber radicalement les situations de #thèses_non_financées. Une recherche de qualité en architecture ne peut en aucun cas émerger de situations de précarité de ses jeunes chercheur·e·s. Très communes dans certaines ENSA, elles génèrent inévitablement une grande #instabilité_financière pendant la thèse, des #parcours_morcelés, non reconnus par le Ministère de la Culture, et des #discriminations d’accès à l’emploi après la thèse13 ;
      Augmenter le nombre de contrats doctoraux du Ministère de la Culture qui à l’heure actuelle ne permet ni d’atteindre les objectifs de recrutement de maître·sse·s de conférences des ENSA14, ni de valoriser la recherche en architecture, urbanisme et paysage au sein de nos établissements et ainsi permettre l’émergence d’une recherche académique de qualité qui soit au niveau des autres disciplines universitaires.
      Expliciter le processus et les critères de sélection des contrats doctoraux du Ministère de la Culture, qui sont aujourd’hui opaques, et dont les comités de sélection ne comprennent aucun chercheur capable d’évaluer la qualité scientifique des dossiers ;
      Officialiser les résultats des contrats doctoraux avant la rentrée universitaire pour respecter le calendrier d’inscription, le rythme universitaire et ne pas générer de situations de doctorant·e·s inscrit·e·s mais non financé·e·s.

      Sur le déroulement du parcours doctoral

      Exonérer tout·e·s les doctorant·e·s des frais d’inscription universitaires qui leur sont demandés alors qu’ils sont travailleur·e·s des établissements d’enseignement et de recherche, particulièrement précarisant au-delà de la période de financement15 ;
      Reconnaître l’ensemble des engagements assumé au cours de la période de doctorat : représentation dans les instances, enseignement, participation à des recherches, publications, etc. ;
      Prévenir les dérives du contrat #CIFRE pour les doctorant·e·s (et du #Crédit_Impôt_Recherche (#CIR) pour les docteur·e·s) : plébiscités par le ministère de la culture pour “développer les relations de recherche entre écoles, universités et agences d’architecture”16, les qualités du doctorat doivent être reconnues pour la recherche, le développement et l’innovation des entreprises tout en garantissant les conditions d’une thèse et d’une expérience professionnelle de recherche de qualité.
      Donner les moyens aux ENSA de proposer des #formations_doctorales notamment au sein des Écoles Doctorales17 afin de favoriser le rayonnement de leurs recherches et pédagogies ;

      Sur les conditions d’#employabilité doctorale et post-doctorale

      Respecter les engagements de création et de déprécarisation associés à la réforme des ENSA afin de garantir la réussite de sa mise en oeuvre ;
      Reconnaître toute heure travaillée en recherche comme en enseignement, et dans tout établissement d’enseignement supérieur pour les campagnes nationales de qualification ;
      Mise en place de contrats d’Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (#ATER) à mi-temps afin d’accompagner si nécessaire les doctorant·e·s avec un salaire suffisant et une expérience significative au-delà des financements de 3 ans ;
      Développer les contrats post-doctoraux dans et/ou en collaboration avec les différents laboratoires des ENSA ;
      Prioriser des postes de maître de conférences associé·e à temps plein pour les profils académiques afin de leur donner la possibilité d’un début de carrière dans des conditions décentes après l’obtention du doctorat.
      Valoriser les postes de maître de conférences associé·e à mi-temps afin de reconnaître les profils hybrides indispensables aux ENSA mêlant enseignement, recherche et/ou pratique. Nous remettons en cause sur ce point la nécessité d’une activité principale pour accéder à ces contrats, quasi inatteignable pour les jeunes docteur·e·s et praticien·ne·s, d’autant que ce critère administratif est obsolète et déconnecté des compétences pédagogiques et scientifique ;
      Mettre en oeuvre une politique d’#insertion_professionnelle suivie et ambitieuse pour accompagner les jeunes docteur·e·s vers la diversité d’emplois capables d’opérer à une diffusion de la recherche des ENSA vers la société (exercice de la maîtrise d’oeuvre, enseignement et recherche en ENSA et en université, chargé de recherche CNRS, politiques publiques, organisations territoriales, etc.) ;

      La communauté des doctorant•e•s et docteur·e·s des ENSA restera évidemment attentive quant à l’issue que vous donnerez à ces revendications. Par ailleurs nous resterons mobilisés avec l’ensemble des acteurs des ENSA tant que des solutions acceptables et pérennes ne seront pas apportées à la précarisation de nos établissements.

      Monsieur le Ministre de la Culture, Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation, Monsieur le Directeur Général du Patrimoine, Madame la Directrice de l’Architecture, veuillez croire à notre engagement pour un service public d’enseignement supérieur et de recherche ouverts, créatif et respectueux de l’avenir de l’architecture, de l’urbain et du paysage.

      Les doctorant·e·s et jeunes docteur·e·s des ENSA

      https://framaforms.org/lettre-des-doctorantes-et-jeunes-docteures-des-ensa-1581606512

    • #Jean-Marc_Jancovici... Si vous étiez le ministre de la recherche... quels seraient les meilleurs investissements pour sortir de cette galère ?"

      « Je pense que quand vous êtes en économie de guerre ou en logique trash-programme, vous supprimez toutes les forces de frottement qui font que les gens passent leur temps à faire de la paperasse plutôt qu’à utiliser leur cervelle. Dans le domaine de la recherche je supprime l’ANR, je supprime les appels à projets... Je prends des gens intelligents, motivés, je leur fait un chèque en blanc et je les laisse chercher avec des éléments de cadrage en nombre limité. Quand vous regardez la recherche qui a eu lieu pendant la dernière guerre mondiale, il y avait un cahier des charges très simple : trouvez-moi tout ce qui permet à notre armée d’être supérieure à celle d’en face. Vous emmerdez pas les gens à leur demander de remplir des dossiers en 45 exemplaires et à justifier à l’avance ce qu’ils vont trouver et vous leur bottez le cul pour qu’ils aillent le plus vite possible. C’est cela qu’il faut faire »

      https://www.youtube.com/watch?v=8uRuO_91fYA&feature=youtu.be&t=10250

    • Strasbourg : “nous sommes l’université et pas une entreprise”, une tribune interpelle #Michel_Deneken

      Une tribune de 100 universitaires publiée le 21 février chez Médiapart interpelle Michel #Deneken, le président de l’université de #Strasbourg (Bas-Rhin). Ces universitaires dénoncent « la destruction méthodiques de leur service public ».

      L’#Unistra, l’université de Strasbourg, est-elle une entreprise ? Les 100 universitaires à l’origine d’une pétition publiée chez Médiapart le vendredi 21 février 2020 ont leur avis sur la question. Et il est tranché : "Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal..."

      La centaine de signataires rappelle certaines valeurs qui fondent leur mission : « égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique ». Et dénonce « l’entravement de leur activité, la réduction du nombre de personnels permanents, et les financements aléatoires ».

      Une « #métaphore »

      Ce cri du coeur fait suite à une interview de Michel Deneken, le président de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), publiée dans les Dernières nouvelles d’Alsace (DNA, accès soumis à abonnement) le jeudi 13 février 2020. Il y déclarait : « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. » C’est cette phrase qui a suscité la polémique. In extenso, Michel Deneken ajoutait : « Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m², pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. ». Il concluait : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      Interrogé par France 3 Alsace (voir l’interview intégrale dans la vidéo ci-dessous), Michel Deneken se dit « pris à parti » et explique notamment : « On m’a demandé comment nous gérions le fait que nous soyions passés de 43.000 à 55.000 étudiants en 10 ans, sans moyens supplémentaires. Et j’ai dit, c’est une métaphore, que nous sommes comme une entreprise qui ne se réjouit pas d’avoir plus de clients. Évidemment, si on sort une métaphore de son contexte, on peut en faire dire ce qu’on veut... »

      « Je ne suis pas dupe : il y a derrière cette tribune des attaques très lourdes. Ce qui est admis dans la lutte politique ne l’est pas humainement. Ce texte prétend que je trahis et que je déshonore l’université et ses valeurs. Ce qui est une calomnie. »

      La réponse des signataires

      L’initiateur de la tribune, Jean-Philippe Heurtin, est enseignant à l’institut d’études politiques de Strasbourg. Il a commenté la réponse du président de l’université le mardi 25 février : « Nous maintenons la réponse qui lui a été adressée en tant que président de l’université, et pas en tant qu’individu. Nous réfutons cette métaphore, cette analogie avec l’entreprise. Le financement de l’université est actuellement dramatique, la loi programmatique va dans le mauvais sens. »

      « Le fait que le président n’a pas cité une seule fois la notion de service public dans sa réponse est révélateur. Évidemment, poursuit-il, l’économie peut bénéficier de l’université, mais à long terme. L’université enseigne à tous : elle est au service direct de la société, et non de l’économie. » Un discours que l’on retrouve dans une réponse collective des signataires à Michel Deneken (voir document ci-dessous). Elle dénonce des courriers individuels de menaces que ce dernier aurait envoyé à plusieurs des personnels signataires de la tribune.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/video-strasbourg-nous-sommes-universite-pas-entreprise-

      –-> article qui fait suite à cela :
      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de #laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s
      #laboratoires_de_recherche

      Le texte complet :
      https://academia.hypotheses.org/15250#more-15250

    • Une loi ne fait pas loi

      Le 18 février, une lettre ouverte (https://www.change.org/p/emmanuel-macron-les-scientifiques-r%C3%A9affirment-l-absolue-n%C3%A9cessit%C disant notamment que « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) a été adressée à E. Macron par un panel de scientifiques. Et quel panel ! De très grand.e.s chercheur.se.s reconnu.e.s par leur pairs, médaillé.e.s Nobel et d’or du CNRS, membres de l’académie des sciences, ou des président.e.s actuel.le.s ou passé.e.s du CNRS et de nombreuses universités, c’est semble-t-il, l’élite de la recherche française qui signe cette tribune sous le terme de « la communauté scientifique ».

      Alors vous ne comprenez plus, que vous soyez personnel de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (#ESR), étudiant, ou citoyen intéressé par ces questions et qui suivez ce feuilleton LPPR. Voilà des semaines que s’enchainent tribunes, pétitions et autres textes protestant contre cette loi, que les actions se multiplient et s’intensifient partout dans le pays et vous découvrez que la « communauté scientifique », par la voix de ses plus illustres représentants, semble réclamer cette fameuse loi tant décriée. Quelle contradiction, qui semble faire des opposants à cette loi des Cassandres minoritaires porteurs de procès d’intention infondés et refusant de voir un avenir qui ne pourra qu’être radieux grâce à cette loi.

      Il n’y a, bien sûr, aucune contradiction si l’on prend le temps de bien lire cette lettre (et aussi de bien savoir qui la signe) et de bien comprendre les arguments de la protestation. La lettre ouverte ne comporte en fait qu’un seul point : « une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins », avec en clair sous-entendu, la question centrale des #moyens, clairement exposée dans le premier paragraphe : « Pour la seule partie publique, cela représente une augmentation de plus de six milliards d’euros », en référence à l’intention déclarée par E. Macron, le 26 novembre dernier, de porter la dépense intérieure de recherche et développement à 3% de notre PIB. Nous reviendrons plus loin sur ce point essentiel des moyens. Pour le reste, qui pourrait ne pas vouloir d’une loi correspondant à nos attentes et nos besoins ? Certainement pas les personnels actuellement engagés dans les mouvements de contestation qui, justement, craignent que ce ne soit pas le cas, et pour partie, ont déjà des arguments pour le savoir. Ces éléments, déjà évoqués, sont de trois types :

      – Des déclarations officielles de Mme Vidal sur les CDI ou les chaires de professeur junior qui dessinent clairement la trajectoire d’une accentuation de la remise en cause du statut de fonctionnaire des personnels de l’ESR et de l’accroissement de la précarisation et des inégalités
      - Des propos d’E. Macron ou A. Petit, qui ne sont certes pas des extraits de la LPPR mais légitiment a minima une inquiétude considérable
      – La politique générale de ce gouvernement vis-à-vis des services publics et qui, sans qu’il s’agisse d’un procès d’intention, permet d’avoir les plus grands doutes sur l’hypothèse que dans le champ de la recherche, il pratiquerait une politique aux antipodes de celle qu’il mène par ailleurs, ou même, de celle qu’il a menée pour la recherche depuis une trentaine de mois.

      Il y a donc de fort bonnes raisons pour envisager qu’une partie au moins de la loi ne correspondra pas aux attentes et aux besoins de tout un pan des personnels de l’ESR.

      Mais est-ce si grave puisque cette loi va permettre, enfin !, d’accorder à l’ESR les moyens qu’elle attend en vain ? Or il n’en est rien. #Henri_Sterdyniak, économiste à l’observatoire français des conjonctures économiques et membre des économistes atterrés, a eu la gentillesse de m’éclairer à ce sujet et je l’en remercie vivement. Comme je ne saurais faire mieux que ses propos limpides, je me permets, avec son accord, de présenter sa réponse :

      "Le principe de l’#annualité_budgétaire implique que le Parlement vote chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses. Le Parlement ne peut donc voter de dispositif qui obligerait le gouvernement à respecter telle ou telle norme de dépenses ou de recettes. Et le Conseil d’Etat comme le Conseil Constitutionnel y veillent. Ainsi, le Conseil d’Etat refuse la disposition de la loi de réforme des retraites qui obligerait l’Etat à augmenter les salaires des enseignants. Ainsi le Conseil Constitutionnel a censuré un dispositif voté en Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2018 qui désindexait les retraites pour 2020.

      Le gouvernement peut faire voter des lois de programmation, qui selon l’article 34 de la Constitution « déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ». Celles-ci marquent un #engagement_politique, mais n’ont aucune valeur juridique."

      Donc, en résumé, en matière de #budget, une loi ne fait pas loi. Quand Mme Vidal dit au séminaire d’accompagnement des nouveaux directeurs et directrices d’unité : « Cette loi n’est pas une loi de programmation thématique ou une loi de structures. C’est une loi de #programmation_budgétaire, avec une trajectoire financière spécifiquement dédiée à l’investissement dans la recherche », elle omet de préciser que pour autant cette loi ne peut en rien contraindre les prochains budgets que l’Etat consacrera à l’ESR. Pour les mêmes raisons, elle ne peut malheureusement donner aucune garantie à ses engagements de dédier 26 et 92 millions d’euros pour respectivement les revalorisations des chercheurs recrutés en 2021 et celles de l’ensemble des personnels de l’ESR (voir aussi ici à ce sujet). Ceux qui attendent toujours de voir arriver dans les caisses de leur université les engagements financiers qui étaient contenus dans la LRU comprennent sans doute pourquoi ils ne les ont jamais vu arriver. Et tous ceux qui espèrent en la LPPR en croyant qu’elle va permettre d’accroitre le budget de l’ESR se trompent gravement. Il risque de se passer avec la LPPR ce qui s’est passé avec la LRU. Tous les points négatifs pointés par une large communauté de l’ESR seront menés à bien d’une façon ou d’une autre alors que l’augmentation significative du budget alloué à la #recherche_publique, sera quant à elle soumise chaque année au vote du budget, comme il est normal, constitutionnel, de le faire. Et le budget alloué à la recherche, nous savons ce qu’il a été depuis que ce gouvernement est au pouvoir.

      Alors oui, comme le disent les auteurs auto-qualifiés de « communauté scientifique », « nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, définie par rapport aux défis qui nous font face, et correspondant à nos attentes et nos besoins ». Or, les attentes et les besoins de la communauté scientifique sont connus. Comme le rappelle O. Coutard, le président de la CPCN (Conférence des Présidents du Comité National), ils correspondent aux recommandations approuvées lors de la session extraordinaire du Comité national le 4 juillet 2019, et rappelées par une tribune publiée dans le Monde demandant la mise en œuvre de ces propositions. Le #CoNRS, c’est environ 1100 personnels de l’ESR représentant toutes les disciplines scientifiques, tous les établissements de recherche et universités, toutes les opinions politiques ou syndicales. Il est parfois appelé le « parlement de la recherche ». Les propositions qu’il a faites correspondent donc véritablement aux attentes et aux besoins de la #communauté_scientifique, comme en atteste leur très forte cohérence avec les propositions faites par les sociétés savantes, elles-aussi très représentatives de l’immense variété de la communauté scientifique . La pétition de soutien à la LPPR lancée le 18 février n’a rassemblé que 200 signatures en quatre jours. Celle qui s’était insurgée contre les propos d’A. Petit sur une loi « inégalitaire et darwinienne » en avait recueilli 8000 en deux jours, pour finir à environ 15000 signatures. La tribune rappelant les recommandations du CoNRS a été soutenue par plus de 700 directrices et directeurs d’unités. Elle est véritablement là, la communauté scientifique, et ses attentes ont été clairement exprimées par le CoNRS. C’est donc sur cette base que la LPPR doit être construite. Plus elle sera éloignée de ces recommandations, plus la contestation sera forte, sans commune mesure avec ce qu’elle est déjà aujourd’hui.

      https://blogs.mediapart.fr/marchalfrancois/blog/250220/une-loi-ne-fait-pas-loi

    • « Lettre ouverte à mes enseignant.e.s de l’Université Rennes 2 »

      Mona, étudiante à Rennes 2, appelle dans cette lettre ses enseignant.e.s à se mobiliser en vue de la grève reconductible du 5 mars : "parce que vous m’avez tant apporté et que nous nous sommes tant aimés, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces comportements crépusculaires à défendre une identité et des préséances professionnelles qui ne correspondent à aucune des nécessités portées par les luttes actuelles."

      Mon nom est Mona. J’ai 22 ans. Je suis étudiante. Avant de venir faire mes études à Rennes, j’étais scolarisée en Centre-Bretagne, en milieu rural, War Ar Maez. Mon père est ouvrier. Il travaille comme cariste dans l’industrie agroalimentaire. Après plus de vingt ans dans le même groupe, il gagne, à quelques euros près, 1700 euros brut par mois, auxquels s’ajoute une prime de Noël. La « prime des dindes » comme il dit. Une farce. Quelques centaines d’euros dont ma mère se sert pour acheter nos cadeaux et nous organiser un repas de fête qu’elle tient chaque année à arroser de mauvais champagne : « Nous aussi on y a droit ! ». Ma mère, elle, est employée. Employée de maison pour être précise. Une manière bien aimable pour dire qu’elle fait partie de ce salariat subalternisé, essentiellement féminin, qui travaille à temps partiel au service de personnes âgées ou de riches familles, pour pas grand-chose. Une grande partie de son salaire passe d’ailleurs dans les frais d’essence de ses trajets professionnels. Chez nous, les fins de mois sont difficiles, cela va de soi. D’autant que mes deux frères aînés sont au chômage et restent à la charge de mes parents. Maël sort d’un BTS et n’a le droit à aucune indemnité. Gurvan, un CAP de boulanger en poche, ne travaille qu’en intérim... quand il travaille. Il a vu ses allocations chômage fondrent comme neige au soleil ces derniers temps. Moi, je suis boursière, je vis en cité U à Villejean. Mais j’ai aussi des petits boulots à côté : du baby sitting, des inventaires ; caissière ou vendeuse, c’est selon. Nous sommes une famille de #Gilets_jaunes. Mes frères ont longtemps squatté les ronds-points avant de se faire déloger et sont de toutes les manifs. Ce week-end, c’était l’acte 66. Ils sont montés à Rennes pour dire qu’« ils étaient là », pour gueuler leur colère de n’être rien et se prendre au passage quelques mauvais coups de matraque. Forcément, se faire taper dessus, ça agace et ils ne se sont pas laissés faire. Je suis fière d’eux, de leur détermination à rester debout et à se battre. Ne pas se laisser faire, ne pas se laisser aller à la résignation, ne pas se laisser détruire, reprendre ne serait-ce qu’un peu la main sur son existence. Comme de plus en plus d’individus, mes frères sont déterminés à ne plus se laisser prendre au jeu de la cadence et de l’ordre. C’était chouette cette manif. Des femmes et des hommes qui se battent pour leur #dignité, pour ne pas s’abîmer davantage, pour ne pas crever.
      En fin de manifestation, avant de repartir, ils m’ont payé une bière en terrasse. Il faisait froid, mais nous étions bien. Je les trouvais beaux tous les deux. Beaux comme la lutte. J’aurais aimé vous les présenter mais vous n’étiez pas là. Quelques heures avant, quand nous avons réussi à « prendre le centre ville », je vous ai pourtant aperçu. Vous flâniez après un retour du marché des Lices, vous vous baladiez en famille, à vélo, vous sortiez d’une librairie avec quelques bouquins en poche, vous rentriez dans un cinéma. La vie peut être douce. J’ai envie d’y croire. Cette #douceur est néanmoins réservée à quelques-un.e.s. Ni mes parents, ni mes frères, ni moi n’y avons franchement droit. Dans quelques mois, je décrocherai un bac+5. Ma mère ouvrira une de ces mauvaises bouteilles de champagne. Pourtant, j’irai certainement grossir les rangs des dominé.e.s aux études longues (j’ai lu ça dans un livre passionnant d’Olivier Schwartz). L’inflation-dévaluation des #titres_scolaires me fera rejoindre #Pôle_emploi, ou bien je trouverai un #job_sous-payé pour sur-qualifié.e, à moins que ça ne soit juste un énième #stage croupion. Alors peut-être devrais-je plutôt continuer à étudier ; faire une thèse. Ma directrice de mémoire me l’a proposé à demi-mots, mais seulement si j’ai un financement. On ne prête qu’aux riches répète souvent mon père.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) contre laquelle vous devriez être logiquement tou.te.s vent debout ne m’y invite pas. Pourquoi me lancer dans un doctorat ? Pour gonfler les rangs du précariat de l’ESR ? Pour assurer vos TD, corriger des tombereaux de copies et faire la petite main sur vos projets de recherche, sous pression – surtout ne pas décevoir –, en étant payée moins que le SMIC horaire, plusieurs mois après avoir effectué avec zèle ces missions ? Et puis ça ne sera évidemment pas suffisant pour assurer ma survie matérielle. Alors il faudra que je continue un « #travail_à_côté ». Condamnée à prendre le premier #bullshit_job ? Surveillante de musée me permettrait de pouvoir lire pendant le temps de travail, ou bien me lancer dans le #travail_du_sexe, nettement plus rémunérateur. Mais quel temps me resterait-il pour mes propres recherches ? À la #précarité s’ajouterait sans doute le #surmenage, voire le #mépris_de_soi. On y passe tou.te.s paraît-il. Et en admettant que je m’en sorte, ce serait quoi la suite ? L’Université à la sauce LPPR ne donne pas très envie : précarisation accrue, mise en #concurrence généralisée, course à l’#excellence, #marchandisation_des_savoirs, recul des solidarités, #bureaucratisation mortifère. Devenir une sorte d’intello camériste allant de #tenure_tracks en CDI-chantiers pour espérer peut-être, à près de 40 ans et après avoir porté nombre de vos valises, devenir #titulaire d’une institution à la main du #néolibéralisme ? C’est ça la promesse ? Et puis c’est sans compter la réforme des retraites : bouffer de l’amphi jusqu’à 67, 68, 69 ans... pour finir épuisée et être finalement pensionnée au lance-pierre ? Ça existe la #pénibilité pour #port_de_charge_cognitive_lourde ?

      Si parmi les 37 % d’enseignant.e.s-chercheur.e.s qui ont voté Macron dès le premier tour, il en est sans aucun doute qui se repaissent de la sélection, de l’augmentation des #frais_d’inscription et de ce que cela permettra de politiques discrétionnaires dont ils.elles s’imaginent tirer idiotement quelque bénéfice, je sais aussi, pour vous avoir fréquentés, que la plupart d’entre vous voyez dans le #macronisme pas autre chose que ce qu’il est : une #saloperie qui signe la fin de la #citoyenneté_sociale, de l’#État_redistributeur et de tous les #services_publics (ESR, santé, justice, énergie, etc.). Je me doute que vous n’êtes pas d’accord pour que la pension des femmes soit inférieure à celles des hommes, que vous êtes contre la prolifération des #emplois_précaires, contre la #compétition_généralisée, les logiques d’#exclusion et les #discriminations. Vous pensez que l’Université doit être ouverte à tou.te.s, fondée sur la #coopération, qu’elle doit produire des #connaissances_critiques et transmettre des #savoirs_émancipateurs. Alors pourquoi êtes-vous si peu solidaires du #mouvement_social ? Pourquoi restez-vous si timoré.e.s à vous engager pleinement dans cette #grève dont nous avons tant besoin ? Ma colère est grande de vous voir englué.e.s dans des #réflexes_corporatistes, dans le #narcissisme de vos petites différences, dans vos postures d’intellos embourgeoisé.e.s défendant votre tout petit #pouvoir_symbolique (faire cours, nous dispenser vos lumières, nous évaluer). Comment pouvez-vous imaginer qu’un engagement de gréviste puisse ne pas être au moins aussi formateur que vos enseignements ? Dans la grève, on apprend à travailler collectivement, à #argumenter, #débattre, à élaborer du #commun_politique. Autant de choses auxquelles vous avez, en temps normal – reconnaissez-le –, bien du mal à nous éduquer. J’en rage de vous voir accroché.e.s à vos si insignifiantes prérogatives, alors que nous nous trouvons à un #tournant_historique. Notre #avenir, celui de vos enfants et petits-enfants, mais aussi le vôtre, celui de mes parents et de mes frères se joue maintenant. Il nous faut mener la #lutte aux côtés des autres secteurs mobilisés pour qu’ensemble nous obligions le gouvernement à retirer l’ensemble de ses #contre-réformes. Nous n’avons pas le #choix. Contre la #marchandisation de nos existences, contre les #violences_policières et la fascisation rampante de la société, contre les #inégalités et les #injustices_sociales, contre une université à la main du néolibéralisme nous avons le devoir de faire gronder encore plus fort notre colère. Vous avez le devoir d’y prendre votre part. Le #5_mars prochain débutera une autre phase du mouvement universitaire, à l’appel de la Coordination des facs et des labos en lutte : une #grève_sectorielle_illimitée qui pourrait bien prendre des allures de grève majoritaire et générale. Parce que vous m’avez tant apportée et que nous nous sommes tant aimés – comme titre le film –, je n’ose croire que vous resterez figé.e.s dans ces #comportements_crépusculaires à défendre une identité et des #préséances_professionnelles qui ne correspondent à aucune des #nécessités portées par les luttes actuelles. Le monde universitaire est en #crise. Non parce qu’il va mal (bien que ce soit le cas), mais parce qu’il bouge, que ses structures sont fragilisées par les coups de boutoir d’un macronisme pour qui le travail n’est devenu qu’une variable d’ajustement. Nous n’avons d’autres choix que de faire le pari que nous pourrons profiter de cette crise pour imposer pratiquement une autre vision de l’avenir. Si nous devions en rester là et donner, par inertie, avantage au probable sur le possible, nous le payerions au prix fort. Je sais que vous savez. Et si je vous écris cette lettre, c’est que je nourris l’espoir de vous voir pleinement engagé.e.s à nos côtés et, ensemble, de participer à ce mouvement général de construction d’un #monde_meilleur. J’aimerais, enfin, donner une bonne raison à ma mère d’ouvrir une bouteille de champagne digne de ce nom.

      Rennes, le 17 février 2020.
      Mona R.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Lettre-ouverte-a-mes-enseignant-e-s-de-l-Universite-Rennes-2

    • « Les universités n’utilisent pas encore assez de contractuels » : une lecture du dernier rapport des inspections générales sur l’emploi universitaire

      Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) (https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2019/58/6/IGAENR-IGF_Pliotage_maitrise_masse_salariale_universitespdf_1245586.pdf), rendu en avril, 2019, vient enfin d’être publié. Academia, en espérant pouvoir en faire rapidement sa propre lecture, propose celle que vient de lui faire parvenir Pierre Ouzoulias, archéologue et sénateur communiste des Hauts-de-Seine, en vous invitant à prendre connaissance du rapport lui-même, mis en ligne à une date inconnue, postérieure au 14 février 2020.

      Le plan de « modernisation » de l’université est déjà en place !

      Voici, ci-dessous, quelques citations choisies du rapport rendu par les deux inspections, il y a presque un an. J’ai ajouté des rapides commentaires en italique.

      Dans le contexte actuel de mobilisation, le MESRI va nous expliquer que c’est un rapport qui ne l’engage absolument pas et que tout peut être discuté. À sa lecture, on comprend bien que le Gouvernement, qui écoute plutôt Bercy que le MESRI, n’a pas besoin de la LPPR. Tout est déjà en place pour poursuivre la transformation des établissements en « universités entrepreneuriales » qui trouveront, sous la contrainte, des marges de gestion. Les universités ne manquent pas de moyens, elles sont seulement mal gérées.

      Le projet de budget pour l’année 2021 mettra en place l’étape décisive demandée par Bercy : la non compensation du GVT.

      Pierre Ouzoulias
      24 février 2020
      Le budget de l’ESR est suffisant au regard de la réduction de la dépense publique

      Bien que se situant, tout financement confondu, juste au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE les universités

      sont à ce jour globalement correctement dotées par le budget de l’État pour couvrir leur masse salariale au regard de la situation des finances publiques. Les situations peuvent toutefois varier selon les établissements en raison soit des défaillances du mode d’allocation des ressources, soit de choix de gestion individuels. [p. 3]

      La solution : les ressources propres ; les mauvais élèves : les SHS

      La part des ressources propres dans les recettes des universités, toutes universités confondues, n’a pas évolué entre 2011 et 2017. Les universités fusionnées, les universités scientifiques ou médicales (USM) et les universités de droit, économie, gestion DEG ont un taux de ressources propres 2017 proche de 20%, en augmentation d’un point depuis 2012. Les universités pluridisciplinaires, avec ou sans santé, connaissent un taux de ressources propres supérieur à 16%, stable depuis 2013. Les universités de lettres et de sciences humaines (LSH) ont le plus faible taux de ressources propres, proche de 13% depuis 2011. [p. 16]

      Un constat partagé : la masse salariale augmente grâce à la précarisation

      Le nombre d’équivalent temps plein travaillé (ETPT) de l’enseignement supérieur a augmenté de + 3,6% de 2010 à 2017. En retranchant le « hors plafond », l’évolution est de – 3,22% ; jusqu’en 2013 la réduction est significative (les effectifs représentant à cette date 95,71% de ce qu’ils étaient en 2010), puis l’augmentation est constante, les effectifs revenant en 2017 à 96,78% de ce qu’ils étaient en 2010. [p. 18]

      Les élu-e-s : un obstacle à une gestion efficiente des ressources humaines

      Un principe participatif est au fondement du fonctionnement des universités. Les élus qui représentent le corps enseignant, les personnels et les étudiants participent à la gestion et à l’organisation des activités des établissements. Le conseil d’administration ne compte que huit personnalités extérieures à l’établissement pour 24 à 36 membres. Il détermine la politique de l’établissement, approuve le contrat d’établissement, vote le budget et fixe la répartition des emplois.

      Les unités de formation et de recherche (UFR) sont dirigées par un directeur élu par un conseil de gestion, lui-même élu, dans lequel le poids des personnels reste important. [p. 6]

      Dès lors, les mesures correctives en matière de gestion de masse salariale, qui conduisent nécessairement à remettre en cause des situations acquises sont difficiles à prendre pour un élu et interviennent trop souvent tardivement. La mission a constaté qu’elles s’imposent plus facilement en situation de crise que dans le cadre d’une gestion prévisionnelle visant à construire un modèle économique stable. [p. 20]

      Le modèle : les « universités entrepreneuriales »

      Trois comportements universitaires types en matière de maîtrise de la masse salariale :

      Une partie des universités a recours à une régulation, plus qu’à une optimisation, de la masse salariale. […] Elles mobilisent leurs ressources propres afin de ne pas avoir à engager des actions de recherche d’efficience jugées déstabilisantes.
      D’autres établissements se caractérisent par une volonté d’optimiser la masse salariale, condition nécessaire au déploiement du projet d’établissement. […] Les universités associées à ce deuxième comportement type sont en constante recherche d’efficience.
      Enfin, certaines universités privilégient une recherche de la structure d’emploi conforme aux modèles économiques choisis. […] Ce troisième comportement type est celui d’universités que l’on peut qualifier « d’entrepreneuriales » avec des taux d’encadrement relativement élevés et des modèles économiques atypiques. [p. 21]

      Le recours aux précaires : un instrument de gestion efficace

      Le lien entre masse salariale et stratégie doit passer par une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences se traduisant dans un schéma directeur pluriannuel des emplois. Celui-ci requiert de s’adosser à une réflexion interne pour établir une doctrine en matière de choix des statuts adaptés aux activités et à leurs évolutions anticipées, compatibles avec la situation financière et sociale d’ensemble de l’établissement et cohérents avec le projet d’établissement. [p. 10]

      Le non remplacement des retraités : un moyen efficace d’augmenter la part des non-statutaires

      Les prévisions de départs en retraite des titulaires montrent que les universités ne sont pas dépourvues de possibilités en termes de gel, d’annulation ou/et de redéploiements d’emplois par statut et catégorie. [3.1, p. 11]

      Pour conserver un rapport raisonnable, il faudrait combiner l’absence de remplacement d’un poste pour trois départs d’enseignants et d’un poste pour quatre départs de BIATSS. Cela reviendrait à la suppression de 2 497 emplois de BIATSS et 992 emplois d’enseignants pour un impact de masse salariale hors charges patronales respectivement de 76M€ et 41M€.

      Ces chiffres ne sauraient constituer une cible ; ils n’ont d’autre objet que de montrer que les départs en retraite offrent des possibilités de redéploiement et de repyramidage sous réserve de conserver une structure d’emploi cohérente et de ne pas affaiblir les activités de formation et de recherche qui constituent les points forts de chaque établissement.[p. 11]

      Éviter la titularisation des contractuels financés par les Programme des Investissements d’Avenir (PIA)

      Les universités ne pilotent cependant pas toujours de manière suffisamment précise cette évolution de structure. En effet, les emplois sous plafond et hors plafond sont suivis de manière distincte. Ils relèvent d’une logique différente pour les seconds qui sont rapportés aux ressources propres et non à l’équilibre économique d’ensemble de l’université. Le nombre d’enseignants contractuels lié aux PIA s’inscrit notamment dans une logique particulière et augmente de manière significative. À terme, une partie de ces emplois sera inévitablement pérennisée dans la masse salariale de l’université. [p. 26]

      Les universités n’utilisent pas encore assez les contractuels

      Par ailleurs, le recours aux contractuels reste pour l’essentiel fondé sur les articles 4 et suivants de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les universités n’ont que marginalement utilisé l’article L-954 du code de l’éducation qui offre des possibilités plus souples de recrutement de contractuels (contrat dits « LRU »). En 2016, la moitié des universités comptait moins de trois ETP en contrat LRU, au moins une sur quatre n’en employant aucun.

      Le recours aux contractuels peut permettre une meilleure adaptation des effectifs aux besoins. Les personnels recrutés peuvent en effet être permanents ou temporaires, être enseignants-chercheurs, chercheurs ou enseignants ; ou bien cadres administratifs ou techniques. En outre, les universités ont une plus grande maîtrise de leurs situations salariales et de carrière que pour les titulaires dans la mesure où c’est le conseil d’administration qui statue sur les dispositions qui leur sont applicables.

      Dès lors que la plupart des besoins peuvent être indifféremment couverts par des contractuels ou des titulaires, compte tenu de la similitude de leurs profils, l’augmentation de la proportion d’emplois contractuels dans les effectifs d’une université a pour conséquence de lui donner davantage de leviers pour piloter ses ressources humaines, sa masse salariale et son GVT.

      Ensuite, la transformation des CDD en CDI doit être maîtrisée pour ne pas résulter uniquement de la règle de consolidation des contrats au bout de six ans. Par exemple, dans certaines universités rencontrées par la mission, la transformation d’un contrat temporaire en CDI est réalisée après examen par une commission vérifiant notamment que le contrat permanent correspond à des besoins structurels. [p. 27]

      Un autre levier : le temps de travail des enseignants

      Ces chiffres montrent que les choix des établissements en matière de charge d’enseignement ont un impact significatif sur les effectifs enseignants et donc sur la masse salariale et justifient un pilotage du temps de travail des enseignants. La responsabilité doit en être partagée entre les composantes de l’université en charge de l’organisation des enseignements et l’échelon central responsable du pilotage économique et de la conformité des choix aux projets de l’établissement. Le pilotage trouve naturellement sa place dans le cadre du dialogue de gestion interne dont la nécessité a été décrite ci-dessus au paragraphe 2. [p. 19]

      Le non compensation du GVT : un outil efficace pour obliger les universités à s’adapter

      Compte tenu de ses effets contre-productifs, la mission considère que la compensation du GVT n’a plus lieu d’être s’agissant d’opérateurs autonomes, qui sont libres de leurs choix de structure d’emploi ; qu’il revient aux pouvoirs publics de limiter la compensation sur l’impact de la déformation de la masse salariale des titulaires à la seule compensation des mesures fonction publique relatives au point d’indice ou se traduisant par une déformation des grilles (PPCR par exemple), et, pour les universités disposant d’un secteur santé, à la compensation des PUPH en surnombre ; que la maîtrise des universités en matière de recrutement, de promotion et de gestion individuelle des carrières devrait être renforcée ; que le dialogue de gestion doit permettre à chaque établissement de faire valoir sa trajectoire de masse salariale.

      La loi de programmation des finances publiques est la seule référence

      Il serait préférable d’en revenir au respect de la trajectoire LPFP, et de ne s’en écarter, en plus ou moins, qu’au vu de variations significatives constatées (et non anticipées) sur les dépenses ou les recettes des établissements. Cela semble une condition de la pluri annualité et de l’autonomie des opérateurs. [p. 37]

      Où l’on retrouve l’évaluation !

      Proposition n° 9 : connecter la modulation des moyens à l’évaluation de l’activité et de la performance universitaires ; [p. 42]

      Conclusion : c’est mieux, mais il faut accélérer !

      La mission constate également que les universités visitées ont fait des progrès dans leurs modalités de gestion depuis le passage aux RCE et qu’une marche supplémentaire peut désormais être franchie sous réserve que les outils, notamment informatiques, à disposition soient améliorés.

      Elles disposent de réelles marges de manœuvre leur permettant de gérer leurs effectifs de manière plus efficiente. Ces marges de manœuvre s’inscrivent cependant dans des logiques de pilotage à moyen et long terme compte tenu de la faible plasticité naturelle des effectifs. Pour pouvoir être mises en œuvre, elles supposent une capacité à construire des schémas d’effectifs cibles à trois ou quatre ans.

      En conséquence, la mission préconise, d’une part d’entamer une refonte du système actuel de répartition des crédits largement fondé sur la reconduction des enveloppes acquises lors du passage aux RCE, d’autre part, de mettre en place une contractualisation État/université dans le cadre de contrats de performance, d’objectifs et de moyens pluriannuels, enfin, de développer une architecture d’information permettant d’instaurer une véritable transparence entre les acteurs et en leur sein. [p. 45]

      https://academia.hypotheses.org/17154

    • Docteur·e·s sans poste : de la vocation à la vacation

      Le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche organise la « précarisation galopante » des universitaires et « menace la qualité de nos recherches » fustigent des collectifs de docteur·e·s sans poste mobilisés contre la loi. « Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement, de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ? »

      Depuis décembre 2019, les personnels de l’Université se mobilisent contre les réformes des retraites et de l’assurance-chômage, mais aussi contre le projet de loi réformant nos universités publiques (Loi de programmation pluriannuelle de la Recherche– LPPR). Si nous – docteur·e·s sans poste –, nous nous engageons dans la grève et multiplions les actions symboliques, c’est aussi pour dénoncer la précarisation galopante de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR), qui menace la qualité de nos recherches ainsi que la transmission des savoirs aux étudiant·e·s, toujours plus nombreux·ses à l’Université.

      De nos jours, le plus haut des diplômes universitaires ne protège ni du mal-emploi, ni du chômage, bien au contraire. Cinq ans après leur doctorat, 14 % des docteur·e·s sont au chômage, contre 13 % pour les titulaires d’un master, et moins de 10 % pour les diplômé·e·s des écoles d’ingénieurs et de commerce. Pour celles et ceux qui ont trouvé un emploi, il s’agit d’un contrat à durée déterminée dans 45 % des cas, et même dans 55 % des cas pour les docteur·e·s travaillant au sein de l’ESR.

      Une mise en concurrence permanente

      Une fois docteur·e·s, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, jalonné de multiples procédures de sélection encore trop souvent opaques, et parfois discriminatoires !

      Depuis la fin des années 1990, le nombre de postes de maîtres de conférences (MCF) publiés chaque année par les universités a chuté de manière drastique (- 65%) alors que le nombre d’étudiant·e·s a augmenté de 15 %. Les perspectives dans les organismes publics de recherche ne sont guère plus réjouissantes. Ainsi, le CNRS, qui proposait plus de 550 postes de chargé·e·s de recherche au concours en 2000, n’en publiait plus que 240 en 2020, soit une diminution de 56 % en 20 ans !

      La réduction des postes renforce mécaniquement une mise en concurrence exacerbée. Pour étoffer notre dossier, nous devons multiplier les tâches à l’infini : communiquer dans des colloques et journées d’études ; s’intégrer à des réseaux de recherche ; organiser des événements académiques ; publier nos recherches ; et enseigner. En décembre dernier, le PDG du CNRS, Antoine Petit, se félicitait du caractère « darwinien » de la future LPPR, mais pour nous, docteur·e·s sans poste et enseignant·e·s-chercheur·e·s précaires, ce darwinisme scientifique est déjà à l’œuvre dans notre quotidien.

      Une précarité qui s’immisce dans nos vies

      À défaut de postes pérennes, nos possibilités d’obtenir des contrats à durée déterminée sont rares. Quand nous ne l’avons pas déjà été pendant nos thèses, nous pouvons candidater à des postes d’Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche(ATER), mais ces CDD d’un an ne sont renouvelables qu’entre une et trois fois selon nos statuts et tendent eux aussi à diminuer (-27 % entre 2005 et 2013). Nous candidatons également à des post-doctorats, c’est-à-dire des contrats de recherche qui durent généralement de six mois à un an et demi. Mais ces derniers sont rares, et très inégalement distribués, souvent au gré de procédures opaques. Faute de mieux, beaucoup continuent donc à faire de la recherche dans des conditions indignes (travail bénévole, missions courtes, parfois sans contrat, rémunération en nature ou en maigres indemnités journalières…).

      Pour continuer à enseigner, la difficulté est tout aussi grande. Le ministère estime que l’Université emploie plus de 20 000 enseignant·e·s non-permanent·e·s, auxquels il faut ajouter plus de 130 000 chargés d’enseignement vacataires. Ces vacataires sont des enseignant·e·s qui travaillent dans des conditions révoltantes : non accès aux congés payés, aux allocations chômage et à l’assurance maladie ; « contrats » - qui s’avèrent être de simples fiches de renseignements - souvent signés après les heures de cours effectuées ; absence de mensualisation des paiements ; non-prise en charge des frais de transports, etc. Payé·e·s 41,41 euros bruts de l’heure de cours, ces vacations sont en réalité rémunéré·e·s... 26 centimes en dessous du SMIC horaire, si l’on considère le temps de travail réel (réunions pédagogiques, préparation des cours, correction des copies, etc.). Si ces situations indignent, elles deviennent pourtant la norme : les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent aujourd’hui en moyenne plus du quart des personnels enseignants.

      Dans ces conditions, il nous faut parfois recourir à des emplois alimentaires, transformer nos allocations chômage en mode de financement routinier de nos recherches et, pour ne pas prendre de retard dans cette compétition constante, travailler sans arrêt. Ce sur-travail, généralement invisible, souvent gratuit ou mal rémunéré, entraîne des maux physiques et mentaux importants - trop souvent occultés - et impacte directement nos vies. Selon les disciplines, l’âge moyen d’obtention du doctorat varie entre 30 et 34 ans, et le temps écoulé entre la soutenance et le recrutement (quand il a lieu !) s’accroît inexorablement, à des âges de la vie supposés être ceux de la stabilisation professionnelle, résidentielle et familiale.

      Dans cet océan de précarité, certain·e·s sont en première ligne. Face à un système universitaire qui ne prête qu’aux riches, les femmes, les étranger·e·s, les diplomé·e·s issu·e·s des classes populaires et les docteur·e·s des universités non-franciliennes sont déjà les grand·e·s perdant·e·s de cette précarisation croissante.

      La précarité pour seul horizon ?

      Ainsi, pour les docteur·e·s sans poste, les réformes actuelles ne font qu’aggraver une situation déjà catastrophique. La réforme de l’assurance-chômage réduit nos droits aux allocations alors que Pôle Emploi est souvent notre principale ressource. Ensuite, nos cotisations en pointillés induites par l’enchaînement des contrats précaires ne nous donneront droit qu’à une retraite dérisoire avec la mise en œuvre de cette retraite par points. Enfin, la casse de l’Université publique de qualité se fait toujours plus impitoyable avec le projet de la LPPR qui institutionnalise la précarité. En créant des « contrats de projet », calqués sur les « CDI de mission » du secteur du BTP, la LPPR proposera des contrats de 5 à 6 ans, le temps d’une recherche, sans certitude sur leur prolongation. La construction d’une Université privatisée, qui ne finance que « l’excellence » - non plus définie par la communauté scientifique mais par les décideurs politiques et les financeurs privés - et qui délaisse les savoirs jugés improductifs, va de fait précariser ses personnels, et fragiliser toutes et tous les étudiant·e·s !

      Nous, docteur·e·s sans poste, nous demandons au Gouvernement, au-delà du retrait et de l’abandon de ces réformes en cours :

      la titularisation de celles et ceux qui font fonction d’enseignant·e·s-chercheur·e·s au quotidien, mais sans jouir de conditions de travail décentes, et qui travaillent même souvent dans une illégalité entretenue par l’institution universitaire.
      la création massive de postes d’enseignant·e·s-chercheur·e·s pour pouvoir proposer une formation de qualité et encadrer décemment les étudiant·e·s toujours plus nombreux·ses à s’inscrire à l’Université.

      Les racines de cette précarité sont structurelles ; elles dépendent de choix politiques, et non de notre hypothétique illégitimité ! L’excellence que les ministres successifs appellent de leurs vœux, nous la mettons en œuvre à chaque instant. Et pourtant, ils nous privent des moyens d’une excellence pérenne et sereine ! Certes, les connaissances sont produites, les savoirs sont transmis, les diplômes sont obtenus. Mais au prix de quels sacrifices ? Et si nous cessions de faire vivre vos établissements au prix de notre exploitation, qu’en serait-il aujourd’hui, Madame la ministre, de l’excellence de l’enseignement et de l’attractivité de la recherche française que vous vantez tant ?

      Une version longue de la tribune est accessible ici.

      Signataires :

      Tribune des docteur·e·s sans poste, membres des collectifs universitaires suivants :

      Précaires de l’ESR de Rouen ;
      Collectif Marcel Mauss – Association des doctorant.e.s en sciences sociales de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université de Caen Normandie ;
      Doctorant-es et non titulaires de Lyon 2 ;
      Précaires de l’Université de Picardie Jules Verne à Amiens ;
      Précaires de l’ESR de Bordeaux ;
      Précaires de l’Université Paris 13 (Seine Saint Denis) ;
      Précaires de l’enseignement de la recherche Ile-de-France ;
      Mobdoc/Les Doctorant.e.s Mobilisé.e.s pour l’Université Paris 1 ;
      Groupe de Défense et d’Information des Chercheurs et Enseignants Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg (Dicensus) ;
      Non-Titulaires de Paris 3 en lutte ;
      Précaires du Mirail-Université Toulouse Jean Jaurès ;
      Précaires mobilisé-e-s de Paris 8 ;
      Précaires de l’Université de Poitiers ;
      Collectif Docteur.e.s sans poste ;
      A’Doc - Association des Jeunes Chercheur·es de Franche Comté ;
      Travailleur·e·s précaires de l’ESR d’Aix-Marseille ;
      Précaires de l’ESR d’Évry.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/020320/docteur-e-s-sans-poste-de-la-vocation-la-vacation

    • Strasbourg : pour “gagner 13 millions d’euros” et financer la recherche, des universitaires jouent au #loto

      Ce vendredi 6 mars, des universitaires de Strasbourg vont acheter collectivement des tickets de loto. Pour, éventuellement, gagner de quoi payer leurs travaux de recherches. Et surtout, dénoncer de manière symbolique le nouveau modèle du financement de la recherche par appel à projets.

      « Contre l’autonomie des universités, vive la ’lotonomie’ de la recherche ! » "Au tant vanté autofinancement des universités, nous répondons par le ’lotofinancement’." Les jeux de mots sont peut-être faciles, mais explicites. Et dans le communiqué publié ce mercredi 4 mars, les membres du collectif d’enseignants et de chercheurs de l’Université de Strasbourg (Unistra) à l’origine de cette initiative ’lotofinancement’ s’en donnent à cœur joie. Car quoi de mieux que l’humour pour dénoncer ce qui fâche ?

      Au cœur des griefs, le projet au nom barbare de LPPR (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche), qui vise « à développer et renforcer le financement de la recherche par appels à projet. »

      Ces appels à projet sont très chronophages, et avec beaucoup de perdants. Le loto, c’est pareil, mais il est beaucoup moins chronophage."
      - Arthur, l’un des instigateurs de l’initiative Lotofinancement

      Selon Arthur (nom d’emprunt), l’un des universitaires à l’origine de l’initiative, monter des dossiers en vue d’obtenir d’hypothétiques financements « est une double perte de temps : pour ceux qui les montent et ceux qui les évaluent. » Et au final, il y a peu de gagnants. Alors, en tant qu’universitaires, « on préfère prendre ce temps pour faire notre métier, c’est-à-dire de l’enseignement et de la recherche », explique-t-il.

      Dans son communiqué, le collectif d’universitaires détaille ses craintes quant à ce type de financement par projet, qui risque de concentrer « les moyens sur quelques équipes au détriment de la diversité des travaux » et détourner « les scientifiques de leur cœur de métier – l’enseignement et la recherche. »

      Nous nous en remettons à la loi d’une véritable loterie, plus égalitaire et finalement bien plus efficace que ce que l’on nous propose.
      - communiqué du collectif Lotofinancement

      Le collectif revendique « une vraie politique de financement pérenne », seule garante selon lui d’une « recherche de qualité et indépendante », et dénonce ce qu’il appelle un risque de « marchandisation de l’université ». Pour bien se faire entendre, il a donc décidé de prendre le taureau par les cornes : « s’en remettre aux jeux de hasard pour financer (ses) travaux ». Une décision annoncée pompeusement comme une grande première « de l’histoire de l’Université française ».

      L’action, symbolique, « satirique », et bien sûr ouverte au grand public, aura lieu ce vendredi 6 mars à 14h30, au tabac de la Musau, 1 rue de Rathsamhausen à Strasbourg. Le collectif s’y rendra pour convertir 1000 euros en tickets de loto. Cette somme a été récoltée depuis quatre semaines auprès de 200 donateurs, collègues, étudiants et autres, dont… un ancien président d’université.

      « On espère fortement gagner 13 millions d’euros, afin de pouvoir créer une grande fondation qui permettra de financer la recherche », sourit Arthur. En cas de gain plus modeste – hypothèse peut-être plus réaliste, mais qui sait ? - le collectif a très sérieusement réfléchi à la manière de se partager le gâteau : 49% seront attribués aux missions d’enseignement et de recherche. 49% serviront à renflouer des caisses de la grève des universités (une grève reconductible, débutée à l’Unistra ce jeudi 5 mars pour demander, entre autres, le retrait de la fameuse LPPR et dénoncer la précarisation des étudiants).

      Et les 2% restants ? Ils serviront à mener quelques « actions de convivialité, car la mobilisation doit être festive » précise Arthur.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/insolite-strasbourg-gagner-13-millions-euros-financer-r
      #lotofinancement #lotonomie

    • Je copie-colle ici un commentaire que j’ai fait à ce message :
      https://seenthis.net/messages/829489

      –----

      Voir aussi ces autres #témoignages très parlant, plutôt en lien avec l’enseignement et moins avec la recherche, mais vu qu’il y a grand nombre de fonctionnaires de l’#ESR qui sont à la fois chercheur·es et enseignant·es... ça touche souvent les mêmes personnes et des questions proches.
      Cela explique très bien la situation dans laquelle se trouve les facs françaises en ce moment (avec ou sans LPPR (https://seenthis.net/messages/820330#message820388) :

      Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à #Nantes
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-ertzscheid/blog/150220/pourquoi-je-demissionne-de-toutes-mes-fonctions-administratives-nant
      #démissions

      La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain
      https://seenthis.net/messages/820393#message827354
      –-> Et une interview de #Pablo_Rauzy qui enseigne en #informatique à #Paris-8 :
      https://podtail.com/podcast/podcast-libre-a-vous/interview-de-pablo-rauzy-maitre-de-conferences-a-l
      #Paris_8

    • La LPPR s’invite aux 10 ans de l’ICM !

      Le 10 mars 2020, La Part Précaire de la Recherche (LPPR) s’est invitée à inauguration de l’exposition des 10 ans de l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière).
      Nous reproduisons ici le texte qui a été lu à cette occasion et mettons à disposition une vidéo et des photos.

      https://www.youtube.com/watch?v=xvjhFvIYQ-Q&feature=emb_logo

      Mesdames, Messieurs, et les autres, bonjour !

      C’est la LPPR qui vient ici vous saluer !
      Oui nous sommes la LPPR ! Pas celle chère à Chimérique Vidal et Antoine Le Tout Petit, non.
      Nous sommes La Part Précaire de la Recherche, les petites mains et les cerveaux qui font tourner la boutique, et que les médiocres manageur·ses du public et du privé voudraient voire corvéables et exploitables à merci.

      Vous vous demandez pourquoi nous nous invitons à cette petite sauterie faite de discours pompeux et creux, de petits fours et de bulles.
      C’est un peu le fruit du hasard : nous voulions d’abord apporter notre soutien aux membres du personnel hospitalier de la Pitié Salpêtrière : ces femmes et ces hommes qui, malgré un sous-financement chronique de l’hôpital public, accomplissent leur métier avec professionnalisme et épuisement.

      Mais ielles nous ont dit que malheureusement ce n’était pas le bon moment, au seuil d’une épidémie virale. Ielles nous ont suggéré d’aller jeter un coup d’œil sur ce beau et jeune bâtiment.

      En bons chercheurs et chercheuses précaires, c’est ce que nous avons fait. Et ce n’est pas l’espoir que nous avons découvert, comme nous le faisait miroiter votre récente campagne de pub, mais un mélange d’effroi, de sidération – mais aussi beaucoup de ridicule.
      L’ICM, l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière, pardon “sans moelle à partir d’aujourd’hui” est une idée magnifique, créée par des Hommes Magnifiques, oui des Hommes, seulement des Hommes !

      Comme :
      – Jean Todt : Président de la Fédération Internationale de l’Automobile, ami intime de l’Industrie du Tabac
      – Maurice Lévy : Ancien PDG de Publicis, que nous remercions pour la beauté et la pertinence de publicités en oubliant sa fortune et la manière dont l’entreprise traite ses salarié·es.
      – Jean Glavany : politicien de renom, ami intime de Mitterrand et du déchu Cahuzac.
      – Luc Besson : grand cinéaste français, avec quelques casseroles au cul pour accusation de viol et harcèlement sexuel.

      J’en passe et des meilleurs !

      Nous n’allons pas jouer les coupeur·ses de cheveux en quatre et analyser les intérêts financiers d’une telle initiative, nous sourions de l’intérêt de ces Messieurs pour la recherche de remèdes aux maladies neurodégénératives qui pourraient les affecter et les empêcher d’exercer leur nuisance de manière lucide.

      Ce que nous dirons c’est que le modèle de partenariat public/privé de l’ICM est à nos yeux un cauchemar :

      Que vienne l’argent des riches pour la recherche publique, mais sous forme de l’impôt, pas de donations et legs auxquels il faudrait même dire “merci”. Nous ne voulons pas de votre philanthropie, car nous ne voulons pas que les domaines de recherche soient orientés en fonction du bon vouloir des plus fortuné·es. Si vous êtes soucieux d’aider la recherche fondamentale : payez vos impôts, exigez que vos ami·es payent leurs impôts, exigez la fin du Crédit Impôt Recherche (CIR) qui coûtent à la recherche publique 6 milliards d’euros par an !
      6 milliards soit 2 fois le budget du CNRS !

      Qu’on arrête de tout mélanger sous couvert d’efficacité et de cohérence pour se retrouver avec les mêmes dirigeant·es à la tête de la Fondation privée ICM et de L’Unité de Recherche Publique.

      Qu’on arrête de nous faire miroiter les bienfaits de la Start-Up Nation, et des incubateurs où la recherche publique se met au service de la rentabilité et du “faire du fric” avec des conflits d’intérêt qui n’offusquent plus personne.

      Qu’on arrête de nous parler d’excellence et de flexibilité, qui sont souvent des cache-sexes de Lobbying Éditorial et Souffrance au Travail.

      Au ruissellement on y croit pas, aux premiers de cordée non plus :

      Nous sommes convaincu·es que, parmi vous, travailleuses et travailleurs de ce beau Monolithe “Bling Bling”, il y en a qui ne se retrouvent pas dans ce que les dirigeant·es veulent faire de la recherche publique. Leur modèle est perdant tant pour les conditions de travail imposées, mais aussi pour la qualité de la recherche. Le sous-financement de la recherche publique, le pilotage par appels d’offre, les ANRs, les ERCs, vous pourrissent la vie et vous empêchent d’exercer votre métier.

      Ce modèle c’est celui qui a fait que les collègues travaillant sur les coronavirus, parce que cela n’était plus jugé assez sexy et tendance, se sont vu sucrer leurs financements. La science ne marche pas dans l’urgence et la réponse immédiate. Elle ne doit pas marcher non plus selon le flair des investisseurs privés.

      Nous vous invitons à lever les yeux de vos expériences,
      à vous organiser,
      à débattre,
      à lutter !

      Après le succès de la manifestation du 5 mars, où l’université et la recherche se sont arrêtées, nous réitérons nos revendications :

      Nous exigeons que soit mis en œuvre dès 2020 un plan d’urgence pour l’université et la recherche.

      Nous exigeons des titularisations et des recrutements massifs, à la hauteur des besoins ; des financements pérennes pour assurer à tou·tes de bonnes conditions de travail, d’étude et de vie ; des garanties sur la sécurité juridique des étrangèr·es.

      Ainsi seulement nous pourrons créer une université démocratique, gratuite, antisexiste, antiraciste, émancipatrice et ouverte à toutes et tous.
      L’université doit être un service public, qui ne doit ni sélectionner, ni accroître ou légitimer les inégalités.
      La recherche doit être un service public, en capacité de produire des savoirs d’intérêt général.
      Nous allons les refonder, avec vous !

      Après cette dernière envolée, je vous souhaite, au noms de La Part Précaire de la Recherche un bon cocktail !

      Nous : on se lève et on se casse !

      A bientôt dans la lutte.


      https://universiteouverte.org/2020/03/10/la-lppr-sinvite-aux-10-ans-de-licm

    • Pourquoi l’université s’arrête ? Billet participatif

      En ce 5 mars 2020 les facs et labos en lutte contre la Loi de précarisation et de privatisation de la recherche (LPPR) ont décidé de s’arrêter. Proposition d’un billet participatif pour en expliquer les raisons.

      Le présent billet formule une série de 10 premières propositions sur le modèle syntaxique de l’opposition entre un « Ils » et un « Nous » :

      L’Université s’arrête parce qu’ils…… . Nous

      J’invite chaque membre de la communauté d’enseignement et de recherche qui se sentirait impliqué dans ce « Nous » à formuler dans les commentaires de nouvelles propositions. Je les remonterai progressivement dans le billet. Je rappelle sous l’affiche d’Olivier Long deux extraits du discours de Simon Leys.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fermé les portes de l’enseignement supérieur aux enfants des classes sociales les plus pauvres. Nous sommes l’Université Ouverte et nous demandons la suppression du dispositif Parcoursup.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont créé 30% d’emplois précaires dans le supérieur et que la LPPR va encore les multiplier. Nous exigeons des postes de fonctionnaires titulaires et un plan de titularisation de tous les précaires.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont fait de l’excellence un concept vide. Nous travaillons à inventer et définir les concepts.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ont tué la démocratie universitaire. Nous demandons l’abrogation de la loi LRU de 2007 et de la loi Fioraso de 2013 et une nouvelle loi électorale qui assure une représentation effective des personnels et des étudiants, sans membres extérieurs à la botte des présidents.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent financer les laboratoires uniquement sur appels à projets alors que 85% de nos dossiers sont refusés. Nous exigeons des crédits récurrents pour les laboratoires et nous refusons de passer plus de temps à chercher de l’argent qu’à faire de la recherche.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils ne cessent de nous mettre en concurrence et de nous évaluer. Nous refusons la compétition permanente dont toutes les études démontrent qu’elle ne favorise pas la recherche et qu’elle brise les équipes et la collégialité.

      – L’Université s’arrête parce le management autoritaire dans tous les établissements a provoqué burn-out, harcèlements et suicides. Nous ne sommes pas des robots, ni des « ressources humaines », nous sommes des individus et exigeons le respect et les conditions de travail décentes qui sont dus à tous les salariés.

      – L’Université s’arrête parce que la planète brûle. Nous demandons une liberté totale de recherche et tous les moyens nécessaires pour inventer les solutions scientifiques et techniques afin de lutter contre la crise écologique et le réchauffement climatique.

      – L’Université s’arrête parce qu’ils veulent faire de l’université une entreprise comme les autres. Nous sommes un Service public qui œuvre pour le bien commun.

      - L’université s’arrête parce qu’ils ne sont pas l’université. Nous sommes l’université.

      –------

      Contributions formulées dans les commentaires (sans sélection aucune). Elles n’engagent pas le blogueur. Elles peuvent être débattues dans le fil des commentaires.

      De Blaz :

      L’université s’arrête puisque les facultés de sciences sociales entassent les publics populaires qui récolteront - s’ils vont jusqu’au bout du cursus- des diplômes dévalorisés. Nous voulons que les facultés dites à "pouvoir" (y compris les grandes écoles) soient plus représentatives de la diversité, quitte à passer par des politiques de "discrimination positive".

      L’université s’arrête lorsque des séminaires doctoraux regroupent des chercheurs calculateurs, parcimonieux, disposés à entendre les idées des autres mais jamais à partager leur réflexion. Nous voulons des chercheurs universitaires qui nous grandissent, qui grandissent avec nous lors d’’échanges réflexifs

      L’université s’arrête parce qu’une horde d’étudiants étrangers s’inscrivent en troisième cycle, contribuent par leurs efforts à développer des savoirs (dont certains seront commercialisés) avant de se retrouver sur le tarmac. Nous voulons des universités qui ne profitent pas de la misère du monde (prolongation du titre de séjour) pour exploiter la matière grise des pays dits "sous-développés"

      L’université s’arrête puisque la réflexion intellectuelle a été substituée par "une économie du savoir" contraignant le chercheur à multiplier des publications pour exister. Résultat des courses : y’a rien à lire ! Nous voulons des chercheurs au service de la « clarté ».

      L’université s’arrête dès lors qu’elle exerce volontiers la censure à l’endroit de savoirs non consacrés. Nous voulons une université moins conformiste, ouverte aux études postcoloniales.

      De NOID :

      L’université s’arrête parce qu’ils croient que nous n’avons pas le temps pour l’éthique, que l’art ne se vit pas mais se consomme, que le temps de la philosophie est perdu. Nous savons qu’il est dangereux d’enrichir "ils" par de nouvelles connaissances, de nouvelles technologies, de nouveaux savoirs qui renforceraient encore leurs pouvoirs.

      L’université s’arrête parce qu’ils croient qu’on peut amender les lois de la physique. Nous ne voulons plus donner de confiture aux cochons.

      De LAURENTGOLON :

      L’Université s’arrête parce qu’ils pensent qu’elle est inutile. Nous savons qu’elle donne à penser et nous exigeons du temps pour le faire.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent la piloter et la museler par la multiplication des appels à projet. Nous sommes l’université libre qui cherche là où elle pressent qu’une question se pose et nous exigeons les moyens et le temps de mettre en œuvre notre liberté académique.

      L’université s’arrête parce qu’ils souhaitent orienter nos projets vers la rentabilité. Nous sommes la recherche pour et avec tou·te·s et nous exigeons que le statut d’auditeur libre ne fasse plus l’objet d’aucune restriction.

      De Bertrand Rouziès :

      L’université s’arrête aussi parce que de nouveaux mandarins, cumulards de hautes responsabilités administratives, en doctes excroissances de la servilité politique, du trafic d’influence et de la police de la pensée, profitent de la paupérisation croissante des chercheurs pour en vampiriser les travaux et les vassaliser.

      Quand l’université ne s’arrête pas d’elle-même pour reprendre ses esprits, se redonner du souffle et du coffre, elle offre le spectacle, dans son (dys)fonctionnement ordinaire, d’un idéal à l’arrêt.

      L’université s’arrête quand la cooptation et les clauses tacites biaisent le recrutement et fabriquent un « nous » de corps de garde ou de corps de ferme.

      L’université s’arrête quand les maîtres n’apprennent plus à leurs disciples à se passer d’un maître.

      L’université s’arrête où l’universalité se contraint.

      L’université s’arrête où l’entreprise commence.

      Deux extraits du discours prononcé par Simon Leys le 18 novembre 2005 à l’Université catholique de Louvain lors de la remise du doctorat honoris causa

      UNE IDÉE DE L’UNIVERSITÉ

      « Il y a quelques années, en Angleterre, un brillant et fringant jeune ministre de l’Éducation était venu visiter une grande et ancienne université ; il prononça un discours adressé à l’ensemble du corps professoral, pour leur exposer de nouvelles mesures gouvernementales en matière d’éducation, et commença par ces mots : « Messieurs, comme vous êtes tous ici des employés de l’université… », mais un universitaire l’interrompit aussitôt : « Excusez-moi, Monsieur le Ministre, nous ne sommes pas les employés de l’université, nous sommes l’université. » On ne saurait mieux dire. Les seuls employés de l’université sont les administrateurs professionnels, et ceux-ci ne « dirigent » pas les universitaires – ils sont à leur service. »

      « Un recteur d’université nous a engagés un jour à considérer nos étudiants non comme des étudiants, mais bien comme des clients. J’ai compris ce jour-là qu’il était temps de s’en aller. »

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/050320/pourquoi-l-universite-s-arrete-billet-participatif

    • Avis du COMETS : « Contribution du Comité d’Ethique du CNRS (COMETS) aux discussions préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche »

      Séance plénière du COMETS du 24/02/2020.

      Le gouvernement promet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui devrait s’accompagner d’un accroissement substantiel de la part du budget de l’État consacrée à la recherche. Le COMETS considère cette annonce comme très encourageante. Toutefois, au vu des rapports de préfiguration à la loi et des premières déclarations de décideurs ou responsables, le COMETS tient à les examiner à la lumière de l’intégrité et de l’éthique. Ces dimensions lui paraissent essentielles à la fois pour conduire la science et pour assurer la confiance que les citoyens accordent aux chercheurs. Dans la perspective de la rédaction finale du projet de loi, le COMETS exprime ici ses inquiétudes et formule quelques recommandations qui découlent de ses précédents avis (voir https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-publies).

      Un équilibre entre ressources récurrentes et contractuelles est nécessaire pour garantir l’indépendance des chercheurs, stimuler la découverte de nouveaux objets d’étude et favoriser la recherche fondamentale sur le long terme.

      La domination de priorités thématiques dans le financement de la recherche a des conséquences négatives sur la diversité et la créativité de la production scientifique.

      L’instauration de la compétition comme dynamique de la recherche est propice au développement de méconduites et fraudes telles que le plagiat et la falsification des résultats. Par ailleurs, la pression s’exerçant sur le chercheur peut générer diverses formes de harcèlement.

      De tels manquements à l’intégrité et à la déontologie risquent d’être favorisés par la précarité programmée des personnels de la recherche touchant notamment les femmes. Une vigilance est requise pour accompagner l’ensemble du personnel et le former à une recherche intègre et responsable.

      L’incitation au recrutement et à l’évaluation des personnels principalement selon des critères bibliométriques ne garantit pas le développement d’une recherche de qualité, pas plus que l’embauche de « stars » selon ces mêmes critères.

      L’extension annoncée des effectifs de professeurs associés et la création de directeurs de recherche associés exerçant une activité en dehors de l’organisme peut être source de conflits d’intérêts. Des procédures claires de déclaration de liens d’intérêts devront donc être mises en place.

      La réduction des postes de fonctionnaires ne peut qu’amplifier le manque d’attractivité des filières des métiers de la recherche, menaçant ainsi les viviers tant pour la recherche publique que pour la recherche privée françaises.

      L’incitation à des activités contractuelles directes ou via des institutions, si elle peut aider à pallier au manque d’attractivité des métiers de la recherche et répondre à un objectif économique, génèrera une multiplication des liens d’intérêts qui pourrait exposer les chercheurs à des conflits d’intérêts. Elle devrait s’accompagner d’un renforcement de la sensibilisation des personnels à ces risques.

      https://comite-ethique.cnrs.fr/avis-comets-lppr

    • Contre la pandémie : des moyens durables pour nos services publics !

      Communiqué du 14 mars 2020 du comité de mobilisation des facs et labos en lutte.

      Depuis le 5 décembre, travailleur·ses et étudiant·es de tous statuts luttent dans les facs et les labos – et auprès des travailleur·ses de tous les secteurs – contre la destruction du système de retraite par répartition. Depuis le 5 mars, nous avons appelé à la mise à l’arrêt des universités et de la recherche pour protester contre les conditions de travail et d’étude désastreuses, et la pénurie de postes statutaires et de moyens pérennes, que viendrait aggraver la future Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) : système universitaire à deux vitesses, compétition accrue pour les crédits de recherche, précarité de l’emploi intensifiée, conditions d’étude détériorées. Depuis des années, nous sommes nombreux·ses à alerter sur les conséquences dramatiques de la destruction des services publics et des politiques d’austérité.

      Jeudi 12 mars, dans une allocution présidentielle suscitée par la crise sanitaire majeure à laquelle est confronté le pays, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture aux usagèr·es, jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des écoles, des collèges, des lycées et des universités. Cette décision est nécessaire mais tardive, car des cas étaient déjà comptabilisés notamment dans les universités et que la fermeture proactive des écoles dès l’arrivée des premiers cas sauve des vies en cas de pandémie. Et bien d’autres lieux de travail ne devraient-ils pas être fermés, si nos vies comptaient plus que le CAC 40 ?
      Santé et recherche publiques au rabais

      Macron a prétendu porter « la reconnaissance de la nation » aux « héros en blouse blanche ». Pour mieux ignorer ces mêmes héros, lorsqu’ils sonnent l’alerte sur les effets catastrophiques des années de politiques d’austérité dans la santé et la recherche publiques ? Face à la crise hospitalière, le gouvernement ne propose que des heures supplémentaires et une inquiétante réforme de la formation des internes. Comme le rappellent les soignant·es en lutte, les hôpitaux ne disposent pas aujourd’hui des moyens humains et matériels suffisants pour faire face à une crise sanitaire majeure. Protéger la santé de tou·tes autrement que dans l’urgence implique un vrai plan de financement public et de recrutement de fonctionnaires à l’hôpital, la suppression du jour de carence et de tout frein à l’accès aux soins, y compris pour tou·tes les étrangèr·es, ou encore l’attribution de postes pérennes et de moyens suffisants pour la propreté, l’hygiène et la sécurité de tous les lieux de travail.

      De la même façon, Macron affirme sa confiance dans la recherche française pour trouver en urgence des issues à la crise sanitaire, quand notre recherche publique a pris du retard du fait d’un manque structurel de crédits à long terme pour les laboratoires, soumis à l’idéologie de la compétition sur projets : plus de dix années perdues pour la recherche fondamentale sur le coronavirus ! Des mesures immédiates doivent être prises pour inverser cette tendance. L’État doit par exemple cesser d’offrir aux grandes entreprises l’équivalent de deux fois le budget du CNRS (sous la forme du « Crédit Impôt Recherche »), et redistribuer cet argent aux laboratoires de recherche publics. Notre pays a plus que jamais besoin de rétablir une recherche diversifiée et fondamentale, une université et des services publics dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des défis écologiques, sanitaires et sociaux que nous devons relever, à l’opposé de politiques « d’innovation » de court-terme, partielles et marchandes.
      Qui paiera la crise sanitaire et sociale ?

      Des « plans de continuité de l’activité » sont en cours d’élaboration précipitée dans les universités. Comme à l’hôpital, les circonstances exceptionnelles exacerbent les tensions dans des universités déjà au bord du burn-out collectif. Le gouvernement doit se rendre à l’évidence : la fermeture des facs aux étudiant·es et à une large part des travailleur·ses est incompatible avec la poursuite des cours et des évaluations. Prétendre le contraire est un nouveau signe de mépris des bonnes conditions de travail, d’études et de vie. Le service public de l’enseignement nécessite l’accès à de vrais cours, mais aussi à des bibliothèques et autres lieux et outils de travail, actuellement impossible. Les BIAT·O·SS ne sont pas des variables d’ajustement ni des pions à déplacer de force : face au risque sanitaire, il ne saurait être question de les obliger à être présent·es sur leur lieu de travail, ni à travailler à distance. Les enseignant·es doivent garder le contrôle de leur travail et de ses fruits, y compris sur le plan de la propriété intellectuelle. La protection des données personnelles doit être préservée. Quant aux considérables obstacles techniques à l’enseignement à distance, ils sont autant d’obstacles sociaux, qui aggraveraient les inégalités déjà en forte augmentation avec les politiques universitaires actuelles. Et quid des étudiant·es et membres du personnel qui devront s’occuper toute la journée de leurs enfants scolarisés en temps normal ? La généralisation des cours en ligne n’est une solution ni pour les enseignant·es, ni pour le personnel BIAT·O·SS, ni pour les étudiant·es.

      Nous refusons de payer le prix des fermetures. Toutes les heures de travail prévues doivent être payées normalement, y compris les vacations empêchées par les fermetures, quels que soient les statuts et les situations sanitaires ou familiales des travailleur·ses. La poursuite des études doit être envisagée en assumant qu’il y a rupture avec les conditions normales et que ni les membres du personnel ni les étudiant·es ne doivent en faire les frais. Nous demandons à notre ministre d’accéder enfin à nos revendications, et de titulariser les vacataires auxquel·les l’université a massivement recours et qui assurent des fonctions pérennes, pour une rémunération différée et très souvent en-dessous du SMIC horaire. Nous demandons pour la rentrée 2020 et les suivantes, les milliers de postes statutaires qui manquent et le dégel total des postes existants. Nous demandons une université gratuite, non sélective et dotée de moyens financiers, humains et techniques à la hauteur des besoins de formation, et des revenus étudiants sans lesquels il n’y a pas d’égalité d’accès aux études.

      Macron prétend vouloir « protéger » les salarié·es et la population d’une crise sanitaire, économique et sociale. Chômage technique partiel indemnisé par l’État ? Rien de rassurant pour grand nombre de précaires parmi nos collègues et étudiant·es, et dans l’ensemble de la société, qui risquent tout simplement de perdre emplois et revenus. La réforme de l’indemnité chômage censée s’appliquer aux personnes ouvrant des droits à partir du mois prochain ne doit pas être aménagée, mais annulée. Et comment les vagues mesures « protectrices » seraient-elles financées ? Les seules mesures concrètes annoncées sur le plan économique et social concernent les cotisations patronales reportées, et la préparation d’un « plan de relance ». Pour les grandes entreprises privées, Macron redécouvre que « l’argent magique » existe, ce même argent qu’il refuse aux services publics et au financement de nos solidarités.
      Pour la solidarité, nous restons mobilisé·es !

      Enfin, combien de postes… de télévision ont manqué d’être fracassés lorsque Macron a prononcé les mots de « solidarité entre générations » ? Comme la majorité de la population, nous savons ce que vaut sa novlangue. C’est le même Macron qui tente depuis des mois de détruire un système de retraites qui est le meilleur exemple de cette solidarité, fondé sur la cotisation des actif·ves reversée aux retraité·es. Le retrait de la contre-réforme « par points » demeure une nécessité absolue.

      Depuis des décennies, c’est l’ensemble des dispositifs de solidarité sociale qui sont fragilisés par des mesures gouvernementales. Dans le domaine universitaire, le projet de LPPR prolonge les lois LRU, ORE (« ParcourSup ») et de la hausse des frais d’inscription pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »), menaçant de briser toute solidarité dans les facs et labos.

      Nous ne nous laisserons pas abuser par un discours qui glorifie en façade la « mobilisation générale de la recherche » et la « solidarité », mais ne débloque de l’argent public que pour rassurer les grandes entreprises. Notre défiance reste entière envers un gouvernement qui s’est mis à dos la majorité de la population par la violence de ses politiques inégalitaires. Nous appelons à l’amplification des mesures exceptionnelles de santé publique tant qu’il le faudra, mais aussi au rétablissement durable du système public de santé et de recherche. Travailleur·ses et étudiant·es refusent de payer la crise sanitaire, économique, sociale.

      Et nous ne laisserons pas le gouvernement en profiter pour accélérer ses réformes impopulaires. La crise sanitaire révèle les conséquences dramatiques de ces réformes, autant que l’absolue nécessité de se battre pour nos services publics et nos solidarités.
      Les universités ferment, nos luttes continuent !

      https://universiteouverte.org/2020/03/14/contre-la-pandemie-des-moyens-durables-pour-nos-services-publics

    • 5 mars : des salarié·e·s de #Mediapart soutiennent enseignant·e·s, chercheur·e·s et étudiant·e·s

      Salarié·e·s de Mediapart, nous soutenons la mobilisation de l’Université du 5 mars. La réforme qui menace les chercheurs, vouée à accélérer leur précarisation et à détériorer leurs conditions de travail, met en péril l’élaboration de savoirs si précieux pour un journal numérique et participatif comme le nôtre. Pour défendre le débat public, il est indispensable que les travailleur·e·s du numérique, du journalisme et de la recherche soient solidaires.

      Ce 5 mars, « l’Université et la recherche s’arrêtent ». De nombreux personnels, laboratoires, unités et revues cessent le travail, en réaction au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et contre la réforme des retraites qui les concerne au même titre que les autres actifs.

      La mobilisation, qui couve depuis de nombreux mois, s’exprime de manière plus spectaculaire aujourd’hui. Elle est le fruit d’au moins une décennie de frustrations accumulées par les agents titulaires comme par les travailleurs précaires, ceux-ci constituant une véritable armée de réserve de l’enseignement supérieur. À des degrés divers, toutes et tous souffrent du sous-financement chronique du secteur, et de son basculement dans un modèle centralisateur, managérial et concurrentiel, en décalage avec ses missions initiales de formation et de recherche indépendante.

      Nous, salarié·e·s de Mediapart, exprimons notre solidarité à l’égard de tous les personnels engagés contre une loi qui aggravera leur précarité et leurs conditions de travail (déjà dégradées). Si leur situation sociale suffirait à légitimer la contestation, la portée de celle-ci se révèle bien plus large. Travaillant pour un média d’information générale, mobilisant régulièrement les savoirs acquis sur la marche de nos sociétés, nous mesurons l’importance cruciale des chercheurs, chercheuses, enseignantes et enseignants pour la qualité du débat public.

      Dans notre pratique professionnelle, nous avons en effet recours à leur regard et leur savoir pour donner du sens aux faits dont nous rendons compte. Afin de s’y retrouver dans le chaos des informations brutes dont nous sommes inondés chaque jour, citoyens comme journalistes, il est nécessaire d’avoir de la mémoire et de se doter de grilles de lecture multiples. Pour qui se préoccupe des comportements et décisions qui déterminent notre destin collectif, cet éclairage se révèle indispensable, y compris lorsqu’il est polémique.

      À côté des acteurs partisans, syndicaux et associatifs, les enseignants et les chercheurs, qui sont aussi des citoyens, assument parfois un rôle d’intervention qui contribue à la conversation nationale. Nous en faisons régulièrement l’expérience grâce aux contributeurs du Club — l’espace participatif de Mediapart. Les affinités entre la recherche, et le journalisme comme producteur d’informations et animateur du débat public, sont donc évidentes.

      Or, en dehors de quelques think tanks aux effectifs réduits, l’université publique est un lieu privilégié, quasi-unique, pour accomplir un travail intellectuel de fond. Celui-ci exige du temps et de la méthode pour collecter des données, les interpréter, les mettre en perspective avec les connaissances déjà accumulées, et enfin les discuter avec des pairs. Si l’université continue à se paupériser et à violenter ses personnels, ceux-ci risquent d’être à la fois moins nombreux et moins disposés à remplir cette fonction d’« #intellectuel_public » qui est pourtant l’une des dimensions possibles, et nécessaires, de leur métier.

      Cela ne veut pas dire que ce travail ne peut se faire et ne se fera pas ailleurs — mais à court et moyen terme, aucune autre institution que celles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne peut s’y substituer. Au-delà de l’enjeu social, il y a donc un enjeu démocratique à empêcher la casse de l’université.

      Alors que de nombreux salariés de Mediapart se sont mobilisés depuis le 5 décembre contre la réforme des retraites, l’expérience de la grève nous a aussi appris les nombreux points communs de nos métiers avec ceux de l’enseignement et de la recherche, notamment parmi les travailleurs·ses du numérique. Nous éditons des sites de revues, de médias, des applications et des plateformes en ligne, nous animons quotidiennement des réseaux sociaux, nous gérons le développement et la maintenance des infrastructures web.

      Depuis le mois de décembre, nous nous sommes même coordonnés pour mettre en place des actions collectives originales, rédiger des textes communs et bien sûr manifester ensemble, notamment avec le collectif onestla.tech. Parmi ces actions, les salariés de OpenEditions ont joué un rôle pionnier de la lutte en bloquant de façon inédite l’accès à leur plateforme de publications scientifiques (qui compte 6 millions de visiteurs uniques mensuels) ; les community managers de Mediapart ont à plusieurs reprises occupé leurs réseaux sociaux, une grande partie des salariés s’est mise en grève le 24 janvier et a décidé d’occuper la Une du journal. L’ensemble de ces acteurs a rejoint de nombreux travailleurs du numérique ainsi que le collectif des « revues en luttes » pour réaliser une opération coordonnée de blocage ce même jour (24 janvier).

      Cette grève n’aurait pas eu le même poids sans cette convergence et coordination des acteurs du numérique. Aujourd’hui, dans la continuité de la mobilisation contre la loi LPPR, cette journée du 5 mars s’inscrit comme une étape supérieure de la lutte.

      Le numérique, le web, le digital doivent être des vecteurs du savoir, du partage de connaissance et de l’émancipation humaine. Il ne doit pas être cantonné à un rôle de simple espace abandonné aux règles du marché, à l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, ni d’exploitation des travailleurs, souvent invisibles, qui portent les infrastructures à bout de bras. Ce constat vaut pour la recherche, puissant carburant de nos médias et de notre débat public, dont les agents doivent pouvoir rester indépendants et bénéficier d’un cadre de travail protecteur.

      Un collectif de salarié·e·s de Mediapart

      Guillaume Chaudet-Foglia
      Joseph Confavreux
      Chrystelle Coupat
      Renaud Creus
      Géraldine Delacroix
      Lucie Delaporte
      Claire Denis
      Cécile Dony
      Fabien Escalona
      Ana Ferrer
      Maria Frih
      Livia Garrigue
      Mathilde Goanec
      Romaric Godin
      Dan Israel
      Manuel Jardinaud
      Sabrina Kassa
      Karl Laske
      Jade Lindgaard
      Maxime Lefébure
      Gaëtan Le Feuvre
      Mathieu Magnaudeix
      Laurent Mauduit
      Lorraine Melin
      Edwy Plenel
      Alexandre Raguet
      Ellen Salvi
      Laura Seigneur

      https://blogs.mediapart.fr/en-soutien-aux-chercheurs-en-lutte/blog/050320/5-mars-des-salarie-e-s-de-mediapart-soutiennent-enseignants-chercheu

    • "Allô Précaires ?" Écoutez le premier #podcast

      ALLO PRECAIRES ? Ecoutez le premier recueil de témoignages de #précaires de l’ESR ! On est encore tout.e.s ému.e.s…

      Ces témoignages racontent les conditions concrètes de travail à l’Université, mais aussi et surtout leurs répercussions sur le quotidien et la vie familiale et affective. Le #répondeur permet visiblement l’expression des #émotions : parole libre et anonyme, absence de regard extérieur direct.

      En raison du nombre important de demandes de relectures, nous avons choisi de modifier les voix pour garantir l’anonymat (la relecture aurait demandé un lourd travail de retranscription). De plus, il nous a semblé important de conserver l’émotion qui se dégage des différents témoignages.

      Merci d’avoir partagé votre expérience. Tenez bon, le panda reste à votre écoute !
      >> 07.49.07.15.34 << NB : Toutes les voix ont été modifiées pour garantir l’anonymat des témoignages

      https://precairesesrrouen.wordpress.com/2020/03/10/allo-precaires-ecoutez-le-premier-podcast

      Et sur soundcloud :
      https://soundcloud.com/user-10605953-422618281/allo-precaires-podcast1

      #témoignage #témoignages #audio #précarité

    • University community in France mobilizes against proposed research law

      The new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government calls for converting permanent researcher posts to contract vacancies based on the tenure of research projects.

      Researchers in France have initiated a massive protest against the new multi-annual research programming law (LPPR) proposed by the French government. The national coordination of “faculties and labs in struggle” started a research strike from March 9, Monday. More than 100 universities and schools, nearly 300 laboratories and 145 scientific journals in the humanities and social sciences have expressed support for the protests called by the national coordination committee of researchers.

      LPPR calls for the conversion of research vacancies in the country into limited period posts based on the tenure of projects carried out by research institutions. Such a move is likely to affect those who work in regular posts and has also created widespread discontent among tens of thousands of researchers and students who currently work in contract/ temporary vacancies, for whom there will be no possibility of regular/permanent jobs in the future.

      On March 5, tens of thousands of researchers had joined the mobilization against the LPPR across the country, with over 20,000 people participating in the protest in Paris alone.

      The ministerial consultations for the new law, announced by French prime minister Édouard Philippe last year, have reportedly concluded and the draft is expected to be introduced by government soon.

      Secretary of the Union of the Communist Students (UEC) Anais Fley told Peoples Dispatch, “The LPPR (Multi-annual research programming law) is a bill that aims to reform the university in the same neoliberal approach. If this bill is adopted, it will deepen inequalities at university, increase competition between researchers and degrade the working conditions of the teacher-researchers as well as the students.”

      “One of the main pivots of this law is to transform research contracts on the basis of projects, without further funding public research, or allowing these projects to be structured over the long term. The consequence of this bill is to make public research even more precarious,” she added.

      Fley also said that faced with this social and scientific regression, the French university community is mobilizing, with university staff, doctoral students and professors on the front line. “Of course, this mobilization resonates with the strikes against the pension reform,” she further stated.

      https://peoplesdispatch.org/2020/03/09/university-community-in-france-mobilizes-against-proposed-research-

    • Le 5 mars l’Université et la recherche s’arrêtent. #10_chiffres pour comprendre

      Grâce au mouvement contre la réforme des retraites, initié par les travailleurs·ses de la RATP et de la SNCF, les facs et les labos sont entrés en lutte dès le mois de décembre 2019, sur cette bataille interprofessionnelle mais aussi sur deux sujets propres au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), nouvelle attaque néolibérale (https://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations), et la précarité massive qui touche d’ores et déjà les universités et la recherche, étudiant·e·s et personnels.

      L’économiste #Hugo_Harari-Kermadec, spécialiste de l’enseignement supérieur (https://www.contretemps.eu/universite-marchandisee-entretien-harari-kermadec), rappelle en dix chiffres – et quelques autres – pourquoi l’Université et la recherche s’arrêteront le 5 mars, et pourquoi la lutte va continuer ensuite. Cette liste a été constituée à partir de l’intervention de Marie Sonnette sur France Culture, que l’on pourra (ré)écouter ici (https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

      ).

      On pourra également consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (https://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

      *

      108 facs et 268 labos en lutte (https://universiteouverte.org/2020/01/14/liste-des-facs-et-labos-en-lutte).

      130 000 vacataires (https://ancmsp.com/lppr-2-smic-pour-les-titulaires-des-cacahuetes-pour) assurent ensemble plus du tiers des cours à l’université, payé·e·s 26 centimes d’euro sous le SMIC.

      300 000 étudiant·e·s supplémentaires en dix ans mais 0€ en plus pour les accueillir. Plus de 40% travaillent en parallèle de leurs études.

      Parcoursup a introduit la sélection en L1 pour au moins 30% des étudiant·e·s (http://blog.educpros.fr/julien-gossa/2020/02/27/parcoursup-fin-du-game-cour-des-comptes), et 99% de l’algorithme est opaque selon la cour des comptes.

      1 600% d’augmentation des frais d’inscription (https://universiteouverte.org/2019/04/28/officialisation-de-la-hausse-des-frais-que-retenir-des-decrets) pour les étudiant·es non européen·ne·s en Licence (à 2 770 € /an) et Master (à 3 770 € /an) depuis le décret « Bienvenue en France » (sic) en 2019.

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·es-chercheu·ses.

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnel·les BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes et que promet le gouvernement dans la LPPR.

      57 milliards versés à 10 facs d’élite (#Programme_Investissement_d’Avenir) (https://www.gouvernement.fr/le-programme-d-investissements-d-avenir), c’est la politique « d’excellence » qui produit une université à deux vitesses.

      5 milliards (http://www.groupejeanpierrevernant.info/#FAQLPPR) de moins en cotisations retraites de l’État pour les personnel·les de l’enseignement supérieur et la recherche, c’est ce que la réforme des retraites nous prend sur notre salaire socialisé.

      60 000 postes de titulaires (https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf) et 18 milliards d’euros manquants pour l’université et la recherche.

      *
      Lutte généralisée

      108 facs et 268 labos, 30 collectifs de précaires, 134 revues, 16 sociétés savantes, 46 séminaires, 35 sections CNU, 54 évaluateur·trices de l’HCERES, etc., mobilisé·es (décompte du 1er mars) contre la précarité, contre la LPPR et contre la casse des retraites au 22 février. Une lettre contre la LPPR a été signée par plus de 700 directeurs et directrices de laboratoire ont signé une lettre commune.

      Cet argent qui manque

      70 milliards d’euros, c’est-à-dire 3% du PIB, c’est l’engagement des gouvernements successifs pour l’enseignement supérieur et la recherche (2/3 pour l’enseignement supérieur, 1/3 pour la recherche). Mais la dépense publique réelle est loin de cette annonce : au compte au mieux 32 milliards pour l’enseignement supérieur et 20 milliards pour la recherche publique. Il manque donc au moins 18 milliards d’euros par an pour les facs et les labos. Les syndicats demandent une hausse cumulative de 3 milliards par an pendant 10 ans.

      Des moyens concentrés pour les facs d’élite

      Et encore, en 2019, un milliard d’euros de l’ESR relève du Programme Investissements d’Avenir (PIA) qui a attribué en tout 57 milliards d’euros depuis son lancement par Sarkozy en 2010, c’est-à-dire certaines années presque autant que tout le budget de l’ESR, de façon extrêmement inégalitaire en concentrant les moyens dans les établissements déjà les mieux dotés financièrement, les plus réputés et avec la population étudiante la plus favorisée socialement, souvent passée par les classes préparatoires.

      Moins d’une dizaine de regroupements (rassemblant une ou deux universités et des très grandes écoles) ont remporté un Idex dans le cadre de ces investissements d’avenir, soit 800 millions d’euros pour chacun de ces regroupements.

      Une dégradation des conditions d’étude

      A l’autre bout de la hiérarchie universitaire, la majorité des universités, situées en banlieue ou dans des villes moyennes, ont vu leur moyen au mieux stagner depuis une dizaine d’années, alors qu’elles ont pris en charge l’essentiel de la massification du supérieur, le nombre d’étudiant·es augmentant de 300 000, dont 220 000 dans les universités.

      On a donc une baisse du budget par étudiant·e d’au moins 10% dans ces universités[1], alors qu’avec les Sections de techniciens supérieurs (STS) elles prennent en charge l’essentiel de l’accès des classes populaires au supérieur : bacheliers professionnels et surtout technologiques, enfants d’ouvriers ou d’immigrés accèdent plus nombreux au supérieur depuis les années 2000, mais pour une bonne partie d’entre eux·elles dans ces universités qui ne bénéficient pas des politiques d’excellence, et presqu’exclusivement en cycle licence.

      Pour financer une allocation d’autonomie ou un salaire étudiant pour toutes et tous, à 1 000 € par mois et 12 mois par an, 21 milliards d’euros seraient nécessaires. Cela pourrait se traduire par la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale ou par l’intégration de son financement à l’une des branches actuelles. Par exemple, au sein de la branche famille, le financement des 21 milliards d’euros représenterait une hausse d’un peu plus de 3 points des cotisations patronales (voir le dernier chapitre du livre Arrêtons les frais).

      Précarité

      Les facs d’élite comme celles de la massification font face à leur nouvelle mission avec la même stratégie, à savoir la précarisation des personnels : dans les facs d’élite, parce que les financements d’excellence sont des financements à court ou moyens termes, qui ne permettent de recruter qu’en CDD ; dans les autres facs, pour faire face à la hausse du nombre d’étudiant·e·s, donc des besoins d’enseignement, et au manque de moyens, les présidences remplacent les postes de titulaires par des contractuels et surtout des vacataires, payés à l’heure, pour qui reviennent

      130 000 vacataires assurent ainsi ensemble plus du tiers des cours à l’université. Au moins 17 000 d’entre elles et eux font plus de 96 heures équivalent TD, c’est-à-dire un mi-temps d’enseignant·e-chercheu·se, et c’est donc sans doute leur emploi principal. 26 centimes d’euro sous le SMIC, c’est le salaire horaire des vacataires : 9,89 euros brut l’heure de travail effectif.

      Un assèchement de l’emploi public

      4 millions d’heures complémentaires sont assurées par les enseignant·e·s et/ou chercheurs·ses titulaires, soit l’équivalent de 20 000 postes.

      Au CNRS, par exemple, les effectifs de personnels permanents ont diminué de 1 350 en 10 ans, entre 2007 et 2016 ! Dont une majorité de perte d’ingénieur·es et technicien·nes (-900), les emplois de chercheurs·ses reculant de 450 environ. 20% des personnels de la recherche sont précaires (un peu plus chez les IT que chez les chercheu·ses), en particulier employé·e·s sur des CDD liés à des contrats ANR.

      Les effectifs d’enseignant·e·s-chercheurs·ses sont identiques en 2017 (56 700 PR et MCF titulaires) à ce qu’ils étaient en 2012 (56 500), en dépit des 5000 « emplois Fioraso » (Source : MESRI-DGRH, 2018). Sur la même période, les effectifs étudiants dans les universités publiques ont augmenté de 16 %, passant de 1, 41 à 1,64 millions (source : MESRI-SIES, 2018).

      34 ans en moyenne, c’est l’âge de recrutement des enseignant·e·s-chercheurs·ses. Davantage de précaires, moins de postes de titulaires (alors qu’il y avait 2 600 MCF et CR recruté·e·s en 2009, il n’y en avait plus que 1 700 en 2016, et les choses ont empiré depuis), il y a embouteillage dans les concours de maître·sse·s de conférences et de chargé·e·s de recherche et l’âge de recrutement sur un poste permanent ne fait que reculer.

      60 000 postes de titulaires, c’est donc ce qui permettrait de résorber la précarité et de rétablir des conditions de travail et d’étude de qualité pour toutes et tous à l’université.

      730 millions d’euros, c’est ce qui manque pour financer les thèses de doctorant·e·s en LSHS (estimation de la CJC). En effet, dans ces disciplines, c’est 60% de thèses qui débutent sans financement. Elles terminent également très souvent grâce aux allocations chômage. Avec 730 millions, on pourrait financer les 3875 contrats manquants en LSHS. Il en manque sans doute aussi un peu en sciences fondamentales et expérimentales.

      Genre

      Seulement 5% des présidents de regroupement d’établissements, 17% des présidents d’université, 25% des professeurs, 34% des chercheurs sont des femmes. Tous les mécanismes concurrentiels, type appels à projets ou prime, de même que la précarité, renforcent les inégalités de genre.

      LPPR

      3 heures par semaine, soit 9% d’augmentation en moyenne du temps de travail des personnels BIATSS des universités, c’est ce qu’exige la Cour des comptes. Elle regrette d’ailleurs qu’à l’occasion de fusion entre établissements, ce soit parfois le meilleur accord sur le temps de travail qui se généralise ! Le gouvernement a promis de profiter de la LPPR pour réaligner tout le monde vers plus de temps de travail (mais pas vers plus de salaire).

      6 milliards, c’est le coût de préparation et de rédaction des 130 000 projets soumis en pure perte à la Commission européenne dans l’espoir, déçu, d’obtenir un financement européen de la recherche (ERC). Il faudrait ajouter le coût des projets rejetés au niveau national, comme l’ANR français mais aussi les appels à projets d’excellence (IDEX, Equipex, LABEX, etc), et au niveau local avec tous les appels internes aux nombreuses structures universitaires et scientifiques.

      6 milliards c’est aussi le coût du Crédit Impôt Recherche que le gouvernement offre chaque année aux entreprises sans presque aucun contrôle et sans effet notable sur l’emploi scientifique ou l’effort de recherche des entreprises privées).

      Retraites

      42 milliards, c’est ce que l’Etat compte économiser à terme sur le salaire socialisé des fonctionnaires en passant le niveau de cotisation retraite, actuellement à 74,3% dans la fonction publique, à 16,9% dans le futur système « universel » de Macron. Rien que dans l’enseignement supérieur et la recherche, cela représente à terme 5 milliards d’euros de cotisation retraite en moins à verser pour l’Etat, une économie évidement sans commune mesure avec les faibles hausses de revenus promises (essentiellement sous forme de prime, donc inégalitaires).

      Notes

      [1] En euros constant, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est passé de 12,4 milliards en 2008 à 13,4 milliards en 2018, alors que les effectifs étudiants passaient de 2,2 millions à près de 2,7 millions sur la même période. On obtient donc une chute du financement par étudiant·e de pratiquement 10%. https://www.lemonde.fr/blog/piketty/2017/10/12/budget-2018-la-jeunesse-sacrifiee

      https://www.contretemps.eu/10-chiffres-lutte-universite-recherche

    • La Galère de l’ESR - Numéro 2

      Ce journal est écrit par un collectif de précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il vise à informer nos collègues titulaires et à fournir à tous des éléments factuels pour débattre sereinement des conditions de travail et de l’évolution de la recherche publique française. Ces dix dernières années, d’excellentes initiatives comme Science en Marche ont permis d’établir un diagnostique très complet. C’est à partir de celui-ci, et à l’aide des nombreux rapports gouvernementaux et d’articles de presse, que nous tentons ici, de dresser un constat honnête de nos laboratoires. Cet exposé factuel ne saurait être isolé d’une critique incarnée, tant le rapport au travail pour nos collègues jeunes chercheur(ses) est viscéralement lié à leur vie extra-profesionnelle. Combien aussi le fossé est immense avec certains de nos anciens, qui connurent la titularisation avant même la fin de leur thèse de doctorat. Ceux-là doivent nous entendre, car dans nos murs tout a changé. Cette forme de gazette vise à être facilement diffusée de boîte mail en boîte mail. Mieux, elle se mariera parfaitement aux tâches de cafés de la table de votre salle commune.


      https://seenthis.net/messages/834159

    • Le 8 juillet, tandis que le projet de la LPPR était censé passer devant le conseil des ministres, nous étions à nouveau dans la rue, aux côtés de représentant·es d’autres secteurs en lutte, pour dénoncer une fois de plus la précarisation et la privatisation de l’université et de la recherche publiques.
      Des rassemblements ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes en France, notamment à Lyon, à Nice, à Montpellier, à Angers ou à Nantes. A Paris, nous étions plus de 300 à nous retrouver à l’esplanade Pierre Vidal-Naquet.

      Toutes les vidéos des interventions de cette journée festive et revendicative sont à retrouver ici : https://universiteouverte.org/2020/07/09/le-8-juillet-des-facs-et-labos-en-lutte

      En voici quelques extraits :

      « On se bat depuis des mois contre la précarité étudiante, et on pourrait même dire la pauvreté étudiante. Parce que le confinement nous l’a bien fait voir : ce n’est plus de précarité qu’il s’agit, c’est de pauvreté, c’est de gens qui ne peuvent pas manger. » - Sophie, Solidaires Étudiant·es : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=X0AKNOETmhU&feature=emb_logo



      « Cette LPPR elle est monstrueuse, c’est l’aboutissement d’un projet ultralibéral de privatisation » - Cendrine Berger, CGT FERC Sup : https://www.youtube.com/watch?v=cGpwIn4OfL4&feature=emb_logo


      « Décidons que nous disons ensemble non à cette précarisation de l’enseignement supérieur, non à cette transformation capitaliste de l’enseignement supérieur, non à ce néolibéralisme qui est là pour détruire tous les espoirs que les intellectuel·les français·es et étrangèr·es ont contribué à construire ensemble et à inscrire dans la constitution. Il faut lutter ensemble, pour que demain soit meilleur pour tout le monde. » - Juan Prosper, membre du syndicat des avocats de France : https://www.youtube.com/watch?v=2xlWAZ-tz28&feature=emb_logo


      « On n’a pas d’autre choix actuellement que de lutter, et de lutter ensemble, parce que nos luttes s’articulent toutes, parce que notre problème c’est le même, c’est toujours ce même paradigme qui cherche à gérer tout ça, c’est le néolibéralisme qui est là partout, et la privatisation de tout ce qui a fait le fondement de notre nation » - Cherine Benzouid, cardiopédiatre à l’hôpital Robert-Debré et membre du collectif inter-hôpitaux : https://www.youtube.com/watch?v=EZT_U51rCgc&feature=emb_logo


      « Ce que je vous propose là, c’est que nous soyons uni·es, que nous soyons vraiment des combattant·es pour éclaircir notre avenir. » - Monique Pinçon-Charlot, sociologue, ancienne directrice de recherche au CNRS : https://www.youtube.com/watch?v=iiZ--aR3IiY&feature=emb_logo

      Reçu via la mailing-list Facs et labos en lutte, le 17.07.2020

  • https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/la-recherche-francaise-en-quete-de-modele

    Alors que le gouvernement doit présenter une #loi_de_programmation pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR), de nombreuses voix s’inquiètent de la remise en cause du modèle de la #recherche française.

    « À mes collègues scientifiques, je veux dire que le gouvernement a entendu leur appel à réinvestir massivement dans la recherche » : c’est dans une tribune publiée dans Le Monde que la Ministre de l’ #enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation Frédérique Vidal a tenté de rassurer les acteurs du monde de la recherche scientifique ce lundi.

    Le gouvernement finalise actuellement sa loi de programmation pluriannuelle de la recherche et a déjà annoncé une augmentation du budget pour la recherche à 3% du PIB. Mais de nombreux #enseignants-chercheurs demeurent inquiets : aux conditions de travail, jugées de plus en plus difficiles, s’ajoutent les craintes de l’accroissement de la compétition au détriment de la coopération, de la #précarisation des personnels ou encore d’une atteinte à l’indépendance de la recherche.

    Pour en parler, nous recevons Olivier Coutard, président de la conférence des présidents de sections du comité national de la recherche scientifique et socio-économiste, chercheur au CNRS et Sylvestre Huet, journaliste spécialisé en #sciences depuis 30 ans, actuellement journaliste indépendant, auteur du blog sur le site du Monde “Sciences ²”.

    Ils seront rejoints en seconde partie d’émission par Marie Sonnette, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université d’Angers et membre du comité de mobilisation des facs et des labos en #lutte, et Jean Chambaz, président de Sorbonne Université et de la Ligue européenne des #universités de recherche, professeur de biologie cellulaire.

  • En 10 citations, la destruction néolibérale de l’Université publique

    Si elle est adoptée, la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_pour_la_recherche (#LPPR) devrait assurément accélérer la destruction néolibérale de l’Université et de la recherche publiques, en particulier en accroissant une #précarité déjà endémique (en termes de statuts d’emploi), en accentuant les #inégalités entre établissements universitaires et entre laboratoires, et en rognant toujours un peu plus l’#autonomie (relative) des chercheurs·ses et des enseignant·e·s-chercheur·se·s.

    Mais, comme on le verra à travers les dix citations que nous avons sélectionnées, la LPPR (http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8594) vient de loin et constitue une étape dans le projet stratégique des classes dominantes d’une inféodation toujours plus étroite de l’ensemble du système d’enseignement et de la recherche publique aux intérêts du capital (http://www.contretemps.eu/greve-universite-precaires), qu’il s’agisse de soumettre la production de connaissances aux intérêts immédiats des entreprises, de faire de l’Université un nouveau terrain d’accumulation (notamment via l’instauration de frais d’inscription élevés (https://www.contretemps.eu/a-lire-un-extrait-de-arretons-les-frais-pour-un-enseignement-superieur-g), tendant à une privatisation de son financement) ou de marginaliser tout ce qui pouvait limiter la fabrication scolaire ou universitaire du consentement à l’ordre social.

    Sur tout cela et pour aller plus loin, on pourra consulter notre dossier : « L’Université saisie par le néolibéralisme, entre marchandisation et résistances » (http://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances).

    *

    « L’#éducation et la #formation sont considérés comme des #investissements_stratégiques vitaux pour la réussite future de l’entreprise […]. L’#industrie n’a qu’une très faible influence sur les programmes enseignés. […] Les enseignants n’ont qu’une compréhension insuffisante de l’environnement économique, des #affaires et de la notion de #profit » (La Table-ronde des industriels européens, réunissant les 50 plus grandes firmes européennes, 1989, rapport « Éducation et compétence en Europe »).

    « La #responsabilité de la formation doit, en définitive, être assumée par l’industrie. […] Le monde de l’éducation semble ne pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie. […] L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » (La Table-ronde des industriels européens, 1995).

    « Oubliée l’époque où universités et entreprises se regardaient en chiens de faïence… En quelques années, une nouvelle organisation de la recherche s’est mise en place autour de la figure emblématique du #chercheur-entrepreneur » (tirée de RDTinfo, le « magazine d’information sur la recherche européenne » publié par la Direction générale de la Commission chargée de la recherche, 2002, cité par Isabelle Bruno dans son livre À vos marques®, prêts… cherchez !).

    « Pour éviter de se heurter à un front de #résistance interne et externe qui conduirait à l’échec, la réforme doit être menée pas à pas, sans proclamation tonitruante » (Philippe Aghion et Elie Cohen, économistes auteurs du rapport « Éducation et croissance » dont est tiré cette citation, 2004).

    « À budget comparable, un chercheur français publie de 30 à 50% de moins qu’un chercheur britannique dans certains secteurs. Évidemment, si l’on ne veut pas voir cela – je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé –, on peut continuer, on peut écrire… » (Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, en janvier 2009).

    « Le #CNRS dans son entier doit se placer à l’interface entre la création de valeur par ses scientifiques et le captage de cette valeur par les #entreprises » (Alain Fuchs, alors Président du CNRS, en 2010).

    « La plupart des universités n’ont pas la culture d’un #centre_de_coûts, Or, si on est autonome, si on gère son budget, on est un centre de coûts et un #centre_de_profits. Il faut qu’elles acquièrent cette culture. Il faut savoir formater une offre et faire payer les factures. Et ne pas considérer que, lorsqu’on fait une prestation pour l’#hôpital ou le CNRS, elle doit être gratuite parce qu’on fait partie du #service_public ! » (Geneviève Fioraso, alors ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en janvier 2014).

    « Il faut bannir du vocabulaire les mots de #concurrence et d’#excellence, détestés par les syndicats d’enseignants et d’étudiants. Remplacer ces #mots systématiquement par #ouverture et #diversité. Dans un système ouvert et divers, on répond aux demandes des jeunes et des familles, on permet à chacun d’aller aussi loin que ses capacités le permettent. La #sélection ne signifie pas #exclusion mais plutôt #orientation. En contrepartie les universités devront ouvrir des formations adaptées aux étudiants mal préparés, issus des séries de bac techno ou pro. Il n’y aura aucun #rationnement, aucune exclusion » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

    « On peut imaginer maintenir dans chaque université quelques formations de licence quasi-gratuites dans les grandes disciplines à côté de #formations_payantes. L’ancien système à côté du nouveau. Ces #formations_gratuites seront bientôt désertées, sauf par les militants de l’#UNEF, qui mettent 6 ans à faire une licence » (Robert Gary-Bobo, professeur d’économie à l’ENSAE, conseiller de Macron pour l’enseignement supérieur, note à l’adresse du candidat Macron transmise en novembre 2016).

    *

    « Cette loi [de programmation pluriannuelle de la recherche] doit être à la hauteur des enjeux pour notre pays. Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » (Antoine Petit, PDG du CNRS, décembre 2019).

    http://www.contretemps.eu/neoliberalisme-universite-dix-citations

    #citations #néolibéralisme #université #France #université_publique #gratuité #darwinisme_social #enseignement #enseignement_supérieur #ESR

    –---

    Concernant la dernière citation et le darwinisme social promu par #Antoine_Petit, voir :
    https://seenthis.net/messages/815560

    Sur la LPPR, voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/819491
    –-> et les actions de résistance : https://seenthis.net/messages/820393

    ping @reka @isskein

    • Dossier : l’Université saisie par le néolibéralisme, entre #marchandisation et #résistances

      L’Université est au cœur du processus de #marchandisation_néolibérale, au moins depuis le début des années 2000. Mise en concurrence des équipes de recherche, mise en marché de l’enseignement supérieur, libéralisation ou augmentation des frais d’inscription, développement des établissements privés, introduction de logiques commerciales et d’acteurs capitalistes… la marchandisation prend plusieurs formes et transforme les conditions de travail et d’existence des universitaires, des personnels administratifs et techniques, mais aussi des étudiant·e·s.

      Si les mobilisations ont été nombreuses – en France comme ailleurs (Chili, Québec, etc.) –, avec plus de défaites que de victoires, ces résistances ont contribué à former une jeunesse fortement mobilisée contre le capitalisme néolibéral et ont posé les jalons d’un projet d’Université – libérée des impératifs marchands, gratuite et émancipatrice.

      http://www.contretemps.eu/universite-capitalisme-marchandisation-resistances

  • Fil de discussion sur les actions de résistance (au-delà des simples motions de contestation de la loi, qui affluent tous les jours de partout de France) à la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (#LPPR)...

    #résistance #CEPN #LPPR #réforme #ESR #enseignement_supérieur #recherche #université

    voir aussi la liste de documents sur la réforme de la #Loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche (LPPR) :
    https://seenthis.net/messages/819491

    • Faire tâche d’huile et oeuvre utile chez les chercheurs : dix revues en #grève illimitée

      En trois jours, plus de dix comités de rédaction de revues académiques importantes dans le monde de la recherche en sciences humaines et sociales ont annoncé qu’ils se mettaient en grève pour rejoindre, soutenir et amplifier le mouvement social. Mais que signifie une revue en grève ?

      C’est Genèses qui a tiré en premier. Le 6 janvier, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales annonçait qu’elle était “en grève”. Dans ce message de son comité de rédaction, la publication trimestrielle créée en 1990 par des chercheurs comme Gérard Noiriel ou Michel Offerlé détaillait :

      Le 6 janvier 2020, le mouvement social en France entame son 33e jour de grève. Contrairement à ce que veut faire croire le gouvernement, ce mouvement ne concerne pas la seule conservation de régimes spéciaux ou de privilèges corporatistes spécifiques. Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou.tes aux connaissances. En soutien et en participation aux luttes en cours, le comité de rédaction de Genèses a décidé de se mettre en grève : à partir de maintenant et jusqu’à nouvel ordre, le comité n’examinera aucun article et aucune proposition de dossier.

      Depuis, ce sont au moins neuf autres revues de sciences humaines et sociales qui, de même, on fait savoir qu’elles étaient elles aussi en grève (mais peut-être davantage, n’hésitez pas nous écrire : depuis la publication de cet article, Cultures et conflits et Socio-logos ont par exemple annoncé leur avoir emboîté le pas) :

      Politix
      Politiques de communication
      Critique internationale
      Participations
      Tracés
      Genre, sexualité et société
      La Nouvelle Revue du Travail
      Actes de la recherche en sciences sociales
      Sociétés contemporaines

      La plupart de ces titres ne vous sont peut-être pas familiers. Il ne s’agit pas de fanzines gauchistes produits sur un coin de table, mais de publications reconnues, légitimes et parfois centrales parmi la production académique, et ce depuis près d’un demi-siècle pour certaines : la création de "Actes” remonte à 1975, sous la houlette du sociologue Pierre Bourdieu et avec le soutien de la Maison des sciences de l’homme qui densifiait alors sa vocation de structuration de la recherche.

      Une revue universitaire en grève paraît incongru ? Les temporalités de ces revues semblent a priori bien loin du tempo d’une mobilisation sociale : la plupart voient souvent s’écouler plusieurs trimestres entre une proposition d’article ou l’idée d’un dossier thématique, la réception des papiers, plusieurs passes et repasses en comité de lecture (de plus en plus, sous le sceau de l’anonymat), des allers-retours avec leurs auteurs, pour enfin partir à l’impression et, finalement, rejoindre les bibliothèques universitaires ou voyager via le portail numérique Cairn ou la plateforme en ligne OpenEdition. C’est notamment, couplé à la place qui se fait rare, ce qui explique que bien des recensions académiques d’ouvrages se retrouvent finalement publiées très à distance de la sortie d’un livre - et de son calendrier médiatique.

      Huile de coude et caisses de grève

      Et puis, une revue a certes un comité éditorial (une grosse quinzaine de personnes souvent, parfois un peu plus) et des financements pour continuer à paraître dans un contexte de plus en plus tendu pour la recherche, mais personne n’est strictement payé en tant que salarié de Genèses ou Politix, parmi ceux qui ont rédigé l’annonce de la grève. Quelques mauvais esprits pourraient même siffler qu’annoncer qu’on est en grève en tant que membre d’une revue alors qu’on ne se déclare pas forcément, ou pas toujours ni tout le temps, gréviste sur son lieu de travail, n’est pas sans quelque bénéfice secondaire : la vertu de l’affichage politique sans qu’il en coûte un prix personnel trop faramineux.

      Pour autant, même sans piquet de grève ou retenues sur salaires, la grève des revues se veut un geste fort aussi dans la mesure où il entend faire parler de la mobilisation contre le gouvernement, et lui donner quelques balles neuves. Ainsi, elle vise également à rendre plus visible l’étendue d’un mouvement social dont ces observateurs de la société qualifiés estiment qu’il est en partie négligé, minimisé.

      Ainsi, comme les avocats, les hôpitaux, le port de Marseille ou encore 70% des écoles maternelles et élémentaires en Ile-de-France le 9 janvier, certains départements universitaires se sont mis en grève générale et reconductible sans trouver grand écho (c’est le cas de laboratoires, ou par exemple du département de science politique à Paris 1 Sorbonne depuis une AG du 7 janvier). Idem pour des séminaires de recherche qui déprogramment leurs séances depuis décembre, ou même de cohortes d’étudiants qui votent à la majorité la fin des cours et des examens, et font valoir auprès de leurs directions des études qu’ils veulent pouvoir participer au mouvement social sans pour autant être pénalisés. Le tout s’inscrit dans le cadre d’une motion votée le 14 décembre 2019 par la "coordination nationale des facs et labos en luttes", et articule souvent une action "solidaire de la grève et de la mobilisation nationale contre les réforme des retraites et de l’assurance-chômage" à "la défense du service public de l’enseignement et de la recherche (menacé par la prochaine "Loi de programmation pluriannuelle de la recherche")."

      Au-delà de la profession de foi qui compte, et de l’effet de loupe sur le mouvement, l’engagement n’est pas cosmétique :

      certains appels listent des caisses de grève en ligne que les chercheurs s’engagent à abonder en tant que membre du comité de rédaction
      l’arrêt de l’activité éditoriale est bien réel car, de fait, les papiers ne seront plus examinés (une revue en reçoit beaucoup plus qu’elle n’en publie), et des chercheurs ne seront pas publiés comme prévu (mais plus tard).

      Toutefois, comme souvent en grève, cela ne signifie pas que tous ces chercheurs cessent de travailler tout court, ou qu’ils désertent leur lieu de travail. Plutôt qu’ils entendent faire nombre en se déclarant grévistes, et que le tout puisse féconder autre chose. D’ailleurs, Genèses annonce la préparation d’un numéro spécial “En grève”, qui doit remplacer celui prévu pour ce début d’année 2020, et Politix précise dans son annonce : “Nous nous engageons et appelons à soutenir toutes les actions locales et manifestations nationales, à participer aux assemblées générales interprofessionnelles et à celles du mouvement des "Facs et labos en lutte", à contribuer aux caisses de grève, pour intensifier et élargir la mobilisation, à travailler avec les camarades des autres revues (Genèses, Sociétés contemporaines, Actes de la recherche en sciences sociales, etc.) en vue d’interventions communes.” Quant à Actes de la recherche en sciences sociales, la revue annonçait explicitement "se mettre au service de la grève" à compter du 8 janvier.

      Sur une liste de diffusion dans le monde académique, un chercheur a pris au mot son comité de rédaction. Alors que publier dans la prestigieuse revue de sociologie reste un Graal (et un sésame) pour bien des chercheurs en quête de reconnaissance, il leur a dit "Chiche !" - ou en substance : "Et si vous alliez plus loin et laissiez plutôt faire le sommaire du prochain numéro aux précaires de la recherche et autres chercheurs sans poste ?” Aujourd’hui, l’entrée d’un chercheur dans la carrière académique, puis ensuite sa trajectoire, sont crucialement liées au nombre de ses publications. Et notamment dans ces revues à comité de lecture.

      https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g
      #revues #revues_scientifiques

    • #Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Appel solennel aux enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, chercheuses et chercheurs titulaires de la fonction publique.

      Nous, jeunes chercheuses et chercheurs précaires, docteures et docteurs sans poste, doctorantes et doctorants appelons les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires de la fonction publique à réagir à la situation dramatique de l’emploi dans le service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      On ne compte plus les postes de titulaires gelés, voire supprimés, à l’université et au CNRS, alors que les exigences auxquelles les jeunes chercheuses et chercheurs doivent se soumettre et les cohortes d’étudiant-e-s n’ont jamais été aussi élevées. Nous demander toujours plus, pour nous en donner toujours moins, pour nous priver toujours plus d’emplois stables permettant de nous projeter et nous protéger a minima dans nos vies, mais également dans notre travail : cela n’est plus possible. Cette situation n’engendre pas seulement de la frustration : elle casse, elle humilie, elle détruit trop de personnes.

      Les titulaires en charge des recrutements ne savent plus quoi dire aux candidates et candidats, tellement elles et ils se sentent désemparé·e·s, si ce n’est qu’"il manque des postes", que la « situation est difficile »... Elles et ils ne souhaitent pas nous décourager, tant elles et ils savent les efforts que nous avons dû nécessairement fournir pour ne serait-ce qu’espérer nous faire une place dans ce milieu. Elles et ils voient également que la compétition entre chercheuses et chercheurs s’est substituée, pour le pire, à leur désir de collaboration collégiale.

      Elles et ils savent enfin que le système d’enseignement supérieur et de recherche dépend fondamentalement des précaires pour tenir. Et à effectifs d’étudiantes et étudiants constants, si ce n’est plus élevés (comme cela a déjà été annoncé pour l’année prochaine), nous savons toutes et tous ce que le gel et la suppression de poste systématiques signifient en termes de situation de l’emploi : encore plus de précaires et de précarité qu’auparavant, un manque croissant d’encadrement des étudiantes et étudiants, si ce n’est même un réel abandon de ces dernier·e·s (inscrites et inscrits par ailleurs de plus en plus systématiquement en contrôle terminal, ou même en enseignement à distance, lorsque les capacités d’accueil sont insuffisantes), et des burn outs de plus en plus fréquents chez les enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs titulaires, contraint.e.s d’accepter des sur-services parfois délirants et de gérer elles-mêmes et eux-mêmes administrativement la précarité dans leur université.

      Si toutes et tous les titulaires ne sont pas touché·e·s de manière égale dans leurs conditions de travail personnelles, en revanche, nous ne pouvons croire qu’elles et ils se réjouissent du sort actuel des jeunes chercheuses et chercheurs ou de leurs étudiantes et étudiants.

      Des modes d’action existent pour se faire entendre, réclamer et obtenir ce qui est dû au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      - refuser d’assurer des sur-services
      - refuser de recruter des enseignantes et enseignants vacataires au sein de son unité d’enseignement
      - se prononcer et voter dans les différents conseils d’UFR et centraux contre tout gel ou toute suppression de poste et pour l’embauche de titulaires enseignants et administratifs (les personnels administratifs souffrant également de cette précarisation à tous niveaux)
      - se mettre en grève administrative et retenir les notes

      Les difficultés pour se mobiliser existent, elles ne sont cependant pas insurmontables.

      Nous appelons les syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous soutenir activement, à diffuser cet appel auprès des titulaires de l’ESR, et à organiser dès à présent au sein des universités des réunions pour discuter des modes d’action à entreprendre, et apporter une réponse cohérente et solidaire.

      Les titulaires voulant par ailleurs manifester individuellement leur soutien et leur désir d’agir face à cette situation peuvent également nous contacter directement à l’adresse suivante : appeldesprecaires@gmail.com

      Ils peuvent également contacter les collectifs de jeunes précaires signataires de cet appel :

      Collectifs signataires :
      – CJC (Confédération des Jeunes Chercheurs)
      – ANCMSP (Association Nationale des Candidat·e·s aux métiers de la science politique)
      – Collectif DICENSUS (Défense et Information des Chercheur·es et Enseignant·es Non-Statutaires de l’Université de Strasbourg)
      – Collectif Marcel Mauss (Collectif Marcel Mauss des jeunes chercheurs en sciences sociales de Bordeaux)
      – Collectif Doctoral de Sorbonne Université (Association des doctorants et doctorantes de la Faculté des Lettres)
      – Association MobDoc de Paris 1 - Panthéon Sorbonne (L’Association des Doctorant·e·s Mobilisé·e·s pour l’Université)
      – Collectif vacataires Celsa Paris-Sorbonne
      – Collectif des précaires de l’université de Poitiers
      – Collectif les 68+ de Nanterre
      – Collectif Convacs de l’université de Strasbourg
      – Collectif des Doctorant.e.s et Non Titulaires de l’université Lyon 2

      Premiers syndicats signataires :
      – Section locale du Snesup université Paris Nanterre
      – Section locale du SNESUP-FSU université de Strasbourg
      – Section locale de Sud Éducation de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Section locale du Snesup-FSU de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
      – Le SNESUP-FSU de l’université de Lille

      http://www.sociologuesdusuperieur.org/article/appel-solennel-aux-enseignantes-chercheuses-et-enseignants-c

    • Par ce mail, nous souhaitons récapituler les RDV et les ressources dont vous aurez besoin pour la mobilisation contre la réforme des retraites et contre la LPPR.

      Nous vivons depuis le 5 décembre un mouvement de grève interprofessionnel inédit, le plus long dans les transports depuis Mai 1968. Le gouvernement est pour l’instant déterminé à ne pas lâcher sa contre-réforme, mais les grévistes sont tout aussi déterminés à continuer.

      Depuis la rentrée, les déclarations de grève se multiplient dans notre secteur : les revues (https://www.franceculture.fr/societe/faire-tache-dhuile-et-oeuvre-utile-chez-les-chercheurs-dix-revues-en-g, les labos, les UFR, les séminaires, etc. font savoir qu’ils entrent dans la bataille. Cela est d’autant plus logique que nous sommes directement attaqués : la LPPR qui sera discutée dès fin janvier est annoncé dans le projet de loi sur les retraites, une manière de graver dans le marbre la destruction de l’Université, de la recherche et de nos statuts à venir.

      Depuis le 2 décembre, nous sommes plusieurs centaines de collègues à agir pour la coordination de ce mouvement sur les facs et labos. Nous avons déjà fait deux assemblées générales de coordination de 200 collègues et sur Paris, nous avons construit des cortèges des facs et labos de plus d’un millier de personnes lors des manifestations. Nous avons été interpeller Frederique Vidal (https://universiteouverte.org/2019/12/13/lanr-et-f-vidal-parlent-dinnovation-et-de-notre-avenir-devant-des) mais aussi la Conférence des Président d’Université à l’Assemblée Nationale (https://universiteouverte.org/2019/12/19/les-chercheur%C2%B7ses-a-lassemblee) et nous avons fait une inauguration populaire du Campus Condorcet (https://universiteouverte.org/2019/12/20/inauguration-populaire-du-campus-condorcet.

      Dans le cadre de l’organisation d’Etats-généraux de lutte qui auront lieu en Région Parisienne les 1 et 2 février, nous renforçons ce travail de mise en commun et nous commençons une campagne de rappel des labos/département en grève.

      Pour se mettre en contact :
      – Vous pouvez rejoindre la liste mail https://framalistes.org/sympa/info/mobilisationemploiesr
      – Vous pouvez rejoindre le groupe Telegram en installant l’application sur votre téléphone t.me/mobilisationESR
      – En PJ un document qui dresse un état de la mobilisation, telle que nous avons pu la recenser avec tous les mails envoyé depuis la rentrée. C’est partiel mais ça donne une idée.

      Pour vous informer / trouver des ressources pour vos AG :
      – Nous mettons en ligne du matériel sur le site Université ouverte : notamment des exemples de tracts (https://universiteouverte.org/2019/12/22/materiel-militant), des powerpoint et des arguments (https://universiteouverte.org/loi-pluriannuelle-de-programmation-de-la-recherche), et la motion de la dernière AG du 14 décembre (https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-.
      – Sauvons l’Université a sorti des analyses de la LPPR ici.
      – Les analyses du collectif nos retraites sur la réforme.

      Pour les RDV Nationaux de ce mois-ci // CHAQUE FACS/UFR/LABO EN LUTTE EST INVITÉS A ENVOYER AU MOINS UNE DELEGATION //
      – Une AG nationale de coordination des facs et des labos en lutte ce samedi 18 janvier à l’Université Paris Diderot (https://www.facebook.com/events/1390865447751770).
      – Des Etats-généraux des facs et des labos en lutte le week-end du 1 et du 2 février en région parisienne. Vous trouverez l’appel ici, à présenter dans toutes vos AG (https://universiteouvertedotorg.files.wordpress.com/2020/01/contre-la-casse-du-service-public-de-lesr.pdf) !

      Mail reçu le 13.01.2020

    • 📣 Pas de retraites, pas de rentrée 📣

      Motion de l’assemblée générale de l’IHEAL du 13 janvier 2020 :

      L’assemblée des enseignant·es, des étudiant·es et du personnel administratif de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL) de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 décide de suspendre le début du second semestre de l’année universitaire en cours. Cet arrêt des activités est accompagnée d’une mobilisation active dans l’espace public et d’une réflexion collective dans le cadre d’une université populaire du Campus Condorcet. Cette décision est prise en protestation contre les projets gouvernementaux de réforme des retraites et de réforme universitaire proposée dans la dite Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ces deux projets s’inscrivent en continuité de la destruction du système de protection sociale, du service public et de l’État social que nous défendons comme garanties d’une société intégrée et démocratique. Tout comme la réforme de l’assurance chômage, ces deux initiatives ne feront qu’augmenter la précarité et la souffrance déjà vécues à l’université comme ailleurs. L’IHEAL se rend ainsi solidaire de toutes les luttes syndicales (transports, hôpitaux, éducation, travailleur·ses de l’industrie, des services et du commerce) ainsi que d’autres mouvements sociaux (gilets jaunes, mouvements de quartiers, sans papiers…) mobilisées depuis plusieurs semaines et mois en défense d’un modèle de société plus juste, solidaire et démocratique. L’IHEAL s’inscrit ainsi dans le mouvement de nombreuses instances de l’enseignement et de la recherche, et invite les autres collectifs à se joindre à la mobilisation. Nous demandons le retrait du projet de réforme du système des retraites, nous demandons l’arrêt du projet de LPPR et nous exigeons que l’université demeure considérée comme un service public dont l’accès doit être gratuit, universel et financé par l’État.

      https://www.facebook.com/IHEALCREDA/photos/a.584492084954611/3483709778366146/?type=3&theater

    • Décision département géo : rétention des notes et report de la rentrée

      Face à la gravité des propositions de la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche, le département de géographie de l’#Université_de_Tours, réuni en assemblée extraordinaire le vendredi 10 janvier 2020, s’oppose aux réformes en cours et décide :

      1) - la rétention sine die des notes du premier semestre

      2) - le report de la rentrée d’une semaine a minima, avec accueil des étudiants le lundi 13 janvier à partir de 8h pour expliquer notre position.

      #rétention_des_notes

      Reçu par email via la mailing-list Geotamtam, le 10.01.2020

    • Site temporairement retiré (sic) à l’initiative des organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique »

      Bonjour à toutes et tous,

      Les organisateur.rice.s et animateur.rice.s du site du CEPN et du séminaire « Atelier d’économie politique » soutiennent et participent activement aux mobilisations en cours et invitent l’ensemble du personnel à les rejoindre en se mettant en grève !

      Comme vous le savez la mobilisation contre la réforme des retraites se poursuit et celle contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche commence. Ces deux réformes vont avoir pour conséquences directes la fragilisation et la réduction drastique de nos pensions pour la première et d’institutionnaliser la précarité de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses (la suppression du statut de MCF, disparition progressive des agents administratifs titulaires, etc.) pour la seconde. Ces attaques viennent s’ajouter à une longue série depuis la LRU notamment, à un contexte très dégradé à l’Université Sorbonne (banlieue) Paris Nord par une insuffisance de ses moyens, et par la structuration de nos disciplines (extinction du pluralisme).

      Notre Unité Mixte de Recherche est ainsi particulièrement touchée. La bonne volonté et la motivation des un.e.s et des autres ne peuvent plus pallier les trop nombreuses défaillances et l’absence de soutien de nos instituions. Il nous est impossible de continuer physiquement et psychologiquement comme si de rien n’était. Les précaires et les titulaires précarisé.e.s de l’ESR en ont assez ! Nous ne pouvons plus, nous ne voulons plus !

      Dans ces conditions nous décidons les diverses modalités suivantes : de soutenir financièrement et physiquement la grève en cours (caisses de grève) et de nous mettre en grève totalement ou partiellement.

      Cela se traduit dans le cas présent par la suspension, à l’image de l’initiative d’Open edition, des activités du site du CEPN et de certains des séminaires du CEPN qui nous le rappelons sont assurés de manière bénévole et essentiellement par des précaires alors même que les activités de communications n’ont jamais été aussi sollicitées ou centrales (circulation des savoirs, évaluations, carrières individuelles, changement de nom, etc.).

      Conformément à la motion de l’Assemblée Générale du 14 décembre à Bagnolet de la coordination nationale des facs et labos en lutte, nous appelons l’ensemble de nos collègues notamment titulaires à se mobiliser (puisque leur statut le leur permet amplement, appel) contre ces casses du système de retraite et de l’ESR et pour construire des lendemains qui chantent !

      Restons mobilisés.e.s jusqu’au retrait !

      https://cepn.univ-paris13.fr

    • Une action discrète enfin pour les parents d’élèves que sont certain.e.s. Écrire au premier ministre (par mail : https://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre et/ou par courrier au Cabinet du premier ministre, 57 rue de Varenne, 75700 Paris) une lettre d’honnêtes gens et de belles familles de France.

      Modèle de lettre :

      Objet : pour le retour à la tranquillité dans les écoles

      Monsieur le Premier Ministre,

      À l’évidence, le projet de loi sur les retraites ne rencontre pas le consensus espéré par le gouvernement. Le mouvement de grève dans les écoles complique grandement la vie quotidienne des parents, des enfants et de la communauté éducative, jusqu’à rendre la situation très préoccupante pour nombre de familles sans moyens de garde. C’est pour cela que nous, parents de l’école maternelle (ou primaire, ou autre) XX à YY, en appelons au représentant de l’intérêt général que vous vous devez d’être.

      Afin de restaurer la concorde et la tranquillité, il est désormais temps de retirer le projet de loi sur les retraites.

      Dans l’espoir que nous pourrons être entendus, nous vous assurons, Monsieur le Premier Ministre, de nos sentiments respectueux.

      #lettre

    • #Résistance_féministe à la réforme des retraites

      Le vendredi 10 janvier 2020, à l’appel des étudiant-es, nous nous sommes réuni-es en Assemblée Générale équipe pédagogique et étudiant-es M1 et M2 du Master Genre Egalité et Politiques Sociales, de l’Université de Toulouse II Jean-Jaurès Mirail.
      Dans le contexte d’attaque renouvelée du modèle social, nous avons choisi de renforcer la mobilisation commune contre la réforme des retraites. Nous actons cette urgence.
      Nous ne pouvons continuer d’étudier ou enseigner quotidiennement les systèmes d’oppressions et les effets désastreux des réformes néo libérales, tout en laissant faire le cours normal des choses.
      Nous sommes inspiré-es par l’initiative du Master Nouvelles Économies Sociales.
      Comme beaucoup, nous n’en pouvons plus de constater que les « #minorités », qui sont la majorité des êtres humains ! vivent et finissent leur vie dans la #pauvreté. Nous étudions et analysons au quotidien les mécanismes de ce système qui permet et renforce des #injustices croisées… Au profit et au service de qui, de quoi ?
      Nous avons décidé de prendre part à la mobilisation, de diverses manières : exercer notre droit de grève, diffuser des analyses féministes des impacts de la réforme, produire du matériel militant, organiser des AG, participer aux manifestations unitaires, rédiger une tribune…
      Nous appelons les travailleur-euses, les enseignant-es - chercheur-euses, les étudiant-es, notamment en études genre, en sciences humaines et sociales, en travail social... à renforcer les mobilisations et à médiatiser leur engagement en faveur d’une lutte sociale commune.
      L’équipe étudiante, enseignante et administrative du Master GEPS
      Vous pouvez nous retrouver, en salle GS116 du bâtiment Olympe de Gouges, pour réfléchir, nous organiser et lutter ensemble ! Pour nous contacter : mgeps2020@protonmail.com

      https://www.facebook.com/gepsenlutte
      #féminisme

    • Je suis invitée mardi par le master NES, justement. J’ai pris mes billets mais sans certitude sur la tenue de mon intervention. Je dirais : on la fait quand même, ouvrez les portes pour en faire une #université_populaire ! (Enfin, comme on fait les universités populaires aujourd’hui.)

      Paris 7 Diderot fait ça et merci, le programme n’est pas toujours en ligne que sur
      https://www.facebook.com/univpopdiderot
      https://paris.demosphere.net/rv/76573

    • #Motion de l’Assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet
      –-> en lien avec la nouvelle #LPPR (#loi_de_programmation_pluriannuelle_de_la_recherche)

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte réunie le 14 décembre 2019 à Bagnolet a rassemblé des étudiant·es, des enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels ingénieur·es, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (BIATSS), venu·es de plusieurs établissements.

      L’assemblée générale constate que la réforme des retraites n’est qu’un aspect des politiques néolibérales mises en place par les gouvernements successifs depuis une trentaine d’années. La #violence de ces politiques qui empêchent de travailler sereinement, de se nourrir correctement, de se loger dignement ; la violence de ces politiques qui tuent, appelle une mobilisation plus déterminée. Il est urgent de prendre conscience de la situation actuelle et de sortir de nos routines. La réforme des retraites ne peut être isolée des autres réformes passées ou en cours, celle de l’assurance chômage, celles qui touchent l’éducation nationale et l’enseignement supérieur (loi ORE et #Parcoursup, #Réforme_Blanquer, augmentation des #frais_d’inscription à l’université, notamment pour les étudiant·es étranger·es extra-européen·nes, réforme du recrutement et de la formation des enseignants du second degré, #LPPR…).

      Ces différentes réformes contribuent à la #précarisation croissante de tou·tes, y compris dans l’#ESR : étudiant·es français·es et étrangèr·es surtout, enseignant·es-chercheur·ses, enseignant·es, chercheur·ses, personnels BIATSS.

      La préparation de la Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche, loin d’apporter des éléments pour lutter efficacement contre la précarité et la #surcharge_de_travail des personnels des facs et des labos, annonce une destruction des dernières garanties sur les #conditions_de_travail, en particulier des enseignant·es-chercheur·ses : modulation de service obligatoire, non paiement des heures complémentaires (fin des 192h de service), CDI-chantier, titularisations encore plus rares et tardives (#tenure_track). La LPPR c’est aussi l’aggravation de l’#Université_à_deux_vitesses, pénalisant la plupart des étudiant·es et des personnels : quelques universités d’#excellence très bien financées, avec des statuts dérogatoires et des primes, et des étudiants d’origine favorisée d’un côté ; un système universitaire délaissé, limité au niveau licence pour l’essentiel, avec des personnels toujours plus précaires, sans moyens pour mener de la recherche, pour la majorité des étudiants et étudiantes d’origine sociale populaire ou intermédiaire.

      Notre lutte s’inscrit dans la défense du principe de solidarité et des services publics. Elle vise à défendre l’université comme lieu ouvert à tout·es. Pour une université critique des politiques néolibérales en son sein et dans l’ensemble de la société. Pour une recherche et un enseignement libres et indépendants des intérêts du marché. Créons des lieux et des outils pour produire des savoirs qui nous émancipent ! L’Assemblée Générale appelle à amplifier les luttes localement et au niveau national, pour étendre la mobilisation au sein de l’ESR et pour faire converger tou·tes celles et ceux qui luttent.

      REVENDICATIONS

      Pour un service public de l’enseignement et de la recherche de qualité, l’assemblée générale du 2 décembre proposait les revendications suivantes :

      – Pour une université gratuite et accessible à toutes et tous et une recherche scientifique publique au service de toutes et tous.

      – Pour la titularisation de tout·es les précaires qui remplissent des fonctions pérennes au sein de l’ESR, quel que soit leur statut (doctorant·es, postdoctorant·es, contractuel·les, vacataires…) et pour un plan de recrutement massif de titulaires à la hauteur de l’augmentation du nombre d’étudiant·es et des besoins publics de recherche, en accord avec la plateforme de 2016 des précaires de l’ESR, à laquelle le mouvement souscrit.

      – Pour la contractualisation des vacations, la mensualisation des paiements, le respect de la législation en vigueur et pour une véritable revalorisation des rémunérations.

      – Pour la création massive de postes pérennes à la hauteur de la mission de service public que nous assurons. Contre la casse du statut de fonctionnaire (refus des CDI-chantier, des tenure track qui ouvrent la voie à la remise en cause des statuts de MCF et de CR) ; contre la dérégulation des carrières ; pour la revalorisation du point d’indice ; contre la modulation des services des enseignant·es-chercheur·ses, pour la réduction du temps de travail de l’ensemble des personnels de l’ESR.

      – Pour la suppression de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et des autres outils de management néolibéral de l’université et de la recherche.

      – Contre l’imposition du modèle de l’entreprise privée à l’ESR (et la concurrence généralisée et déloyale qui creuse les inégalités existantes et la précarisation de tous les personnels).

      – Pour la mise en place de moyens effectifs de lutte contre toutes les discriminations.

      – Pour la création de postes pour les candidat·es injustement déclassé·es aux concours CNRS des années précédentes, dont la situation illustre l’étendue de la précarité dans les métiers de la recherche, les tentatives d’imposer un pouvoir gestionnaire discrétionnaire au détriment de l’évaluation par les pairs et l’importance des discriminations subies tout au long des carrières dans l’ESR.

      – Pour une véritable démocratie universitaire, contre l’augmentation du pouvoir gestionnaire des directions des universités et des établissements de recherche (refus du contournement des instances nationales d’évaluation par les pairs – CNU, Comité national du CNRS).

      – Pour des mesures efficaces de lutte contre la précarité étudiante (revalorisation des bourses à court terme, création d’un salaire étudiant à moyen terme, création de logements étudiants salubres et à faible loyer, amélioration de l’accès à la médecine universitaire).

      – Pour la réintégration des services sous-traités au sein de l’ESR (entretien, sécurité, restauration, accueil, services sociaux et de santé).

      L’assemblée générale nationale de coordination des facs et labos en lutte du 14 décembre a voté ces revendications, et ajouté les suivantes :

      – Pour la réouverture des sites universitaires fermés autoritairement depuis le 5 décembre.

      – Pour la suppression du statut d’agent temporaire vacataire.

      – Pour la suppression de la Conférence des présidents d’université (CPU).

      – Contre l’augmentation du temps de travail des BIATSS et ITA.

      – Pour la démission d’Antoine Petit, PDG du CNRS, et de Frédérique Vidal, ministre de l’ESR.

      ACTIONS

      Depuis le début du mois de décembre, des luttes sont en cours partout en France. L’AG appelle à poursuivre les luttes localement et au niveau national, pour amplifier la mobilisation au sein de l’ESR et pour renforcer la solidarité avec tou·tes celles et ceux qui luttent.

      Lors de l’AG, ont été adoptées au consensus les actions suivantes :

      – Rendez-vous universités/recherche à quelques centaines de mètres de la manifestation mardi 17/12, pour se coordonner ensuite avec les collègues de l’Éducation nationale : à Paris, rendez-vous au jardin May Picqueray à 12h30 (94 bd Richard Lenoir, Paris 11e) avant de rejoindre ensuite le cortège commun IdF de la maternelle à la fac.

      – Se joindre aux mobilisations interprofessionnelles et à tous les secteurs en lutte.

      – Occuper des lieux dans les universités pour les ouvrir à toutes les luttes en cours.

      – Demander des comptes aux président·es d’université et mettre en cause la responsabilité de la Conférence des président·es d’université.

      – Reporter ou annuler les évènements scientifiques pendant la durée de la grève.

      – Rejoindre la grève suivant diverses modalités en cette période d’examen (validation universelle/grève des examens/grève des corrections/rétention des notes) qui devront être coordonnées.

      – Suspendre immédiatement le recrutement de vacataires en urgence pour le prochain semestre.

      A été adopté à l’unanimité des présent·es le calendrier suivant :

      – Se joindre à la mobilisation du 11 janvier 2020 « Blanquer Vidal, il faut les sortir ».

      – Organiser un événement propre à l’ESR à la mi-janvier 2020.

      – Organiser des États généraux de l’ESR les 1 et 2 février 2020.

      – Construire un ultimatum pour la mi-février : à cette date, on arrête tout si on n’obtient pas satisfaction.

      Établissements représentés : université d’Angers, université de Bordeaux, université de Bourgogne, Campus Condorcet, Cnam, UPEC, EHESS, ENS Ulm, ENS Jourdan, INSPE Paris, Lille, UPEM, Muséum d’histoire naturelle, université Paris Nanterre, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 3, université Paris-Descartes, université Paris Diderot, université Paris 8, université Paris 13, université Paris-Saclay, université Paris Sud, université de Poitiers, centre CNRS Pouchet, université de Rennes 2, Sorbonne Université, université de Tours, avec la participation de collègues enseignant·es également en BTS.

      Participation de syndicalistes de la FERC CGT, du SNCS-FSU, du SNESUP, du SNTRS, de Sud Éducation, de Sud Recherche EPST et de membres de Sauvons l’Université et Université Ouverte.

      #université #enseignement_supérieur #réforme #recherche #France #résistance #néolibéralisme #service_public #inégalités #concurrence

      Reçu via email le 16.12.2019

      Disponible ici aussi :
      https://universiteouverte.org/2019/12/16/motion-de-lassemblee-generale-nationale-de-coordination-des-facs-

    • #OpenEdition et l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR) en lutte : continuons à « faire tache d’huile » !

      La parole est à la section SUD ESR à Open Édition. Elle revient sur l’action de blocage des sites internet que le laboratoire public « Open Édition » héberge… et qui voient passer 6 millions de visiteurs chaque mois. Excusez du peu !

      OpenEdition (unité de service et de recherche 2004) développe, depuis 1999, des plateformes d’édition et de communication numériques de la recherche en sciences humaines et sociales. Le 17 décembre 2019, dans le cadre du préavis de grève interprofessionnelle demandant le retrait du projet de réforme des retraites, une assemblée générale du personnel a voté, à une très large majorité, le blocage des sites hébergés sur les quatre plateformes OpenEdition Books, OpenEdition Journals, Hypothèses et Calenda, ainsi que de tous ses services. Ce blocage était accompagné d’une redirection automatique vers un texte, traduit en six langues, de soutien aux travailleuses et travailleurs des secteurs privé et public en lutte.

      La conclusion du communiqué était la suivante :

      “Aujourd’hui, 54 assistant·e·s-ingénieur·e·s et ingénieur·e·s travaillent quotidiennement à la mise en ligne et à la diffusion de plus de 530 revues, 9 000 livres, près de 3 200 carnets de recherche, à l’annonce de 43 525 évènements et à la formation de 250 personnes à nos outils chaque année. Ces missions de diffusion et de mise à disposition de la connaissance auprès de toutes et tous viennent en appui au monde de la recherche et sont assurées pour moitié par des personnes contractuelles.

      Ancrées dans une réalité sociale, les plateformes numériques reposent essentiellement sur un travail quotidien d’hommes et de femmes. C’est en ce sens que nous nous inquiétons légitimement du maintien et du développement de nos structures dans de bonnes conditions, tout autant pour ceux qui y travaillent que pour ceux qui les consultent dont étudiants, chercheurs, demandeurs d’emploi, retraités…”

      Voir : Les personnels d’OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites
      sur academia.hypotheses.org

      Suite à cette action de blocage, une partie du personnel d’OpenEdition souhaite rester mobilisée. De nouvelles actions sont à penser avec nos collègues de l’enseignement supérieur et de la recherche mais aussi avec ceux du secteur du numérique et de l’édition. C’est dans cette perspective qu’un blog a été a été ouvert sur Mediapart motivé « par le besoin d’échanger et de partager des expériences et des idées nouvelles avec celles et ceux qui pensent le monde du numérique dans toute sa matérialité et ses rapports aux réalités écologiques, économiques et sociales. C’est en ce sens que nous essayons aujourd’hui d’inventer de nouvelles formes de contestations qui puissent être visibles et justes. Ce blog est aussi un espace pour nous poser la question de comment continuer à nous opposer à cette réforme des retraites en tant que travailleurs du web ».

      Voir : Pourquoi ouvrir un blog sur Mediapart ?
      par les invisibles de l’USR

      Dans un billet plus complet, on peut y lire les raisons du blocage :

      “Les six millions de visiteurs uniques par mois, la dimension internationale et la portée symbolique (auprès du monde de la recherche et au-delà) des plateformes d’OpenEdition, associés à notre invisibilité, nous ont convaincus d’utiliser cet outil numérique (celui que nous développons et maintenons au quotidien) comme une caisse de résonance et un levier pour donner de la visibilité à notre engagement”.

      Voir : Une nouvelle place de grève ? Retour sur un blocage numérique

      Depuis le début de l’année, d’autres initiatives ont été prises ailleurs dans l’ESR, comme la motion de l’AG du 7 janvier de l’UFR 11 de science politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, actant leur entrée dans une grève générale et reconductible jusqu’au retrait de la réforme. Ou encore celle de l’unité mixte de recherche (UMR) CERAPS à Lille. De plus, fait rarissime, une douzaine de revues académiques de sciences sociales, dont certaines diffusées sur OpenEdition ont annoncé se mettre en grève générale. Une partie d’entre elles se sont aussi solidarisées avec le blocage des plateformes d’OpenEdition.

      Voir : Faire tache d’huile et œuvre utile chez les chercheurs : dix revues en grève illimitée
      sur le site de France Culture

      Le 13 janvier, le site du Centre d’Economie de l’Université Parsi 13 (CEPN) a également été rendu inaccessible et affiche un texte se référant à l’action d’OpenEdition du 17 décembre, pour le retrait de la réforme des retraites et contre le projet de loi pluriannuelle de la recherche, voir copie d’écran :

      En tant que syndicalistes, mais aussi employé·e·s d’OpenEdition, nous nous associons pleinement à toutes les initiatives prises par nos collègues. Nous sommes persuadé·e·s que c’est en alliant actions visibles (numériques et physiques), convergence entre enseignant·e·s-chercheurs·euses, « fonctions supports » (personnels BIATSS, ITA), étudiant·e·s, et en généralisant la grève pour tendre vers la grève reconductible partout que nous parviendrons à faire plier le gouvernement ! Convergeons aussi avec les autres secteurs mobilisés de l’Éducation Nationale, de la SNCF, des transports et des raffineries pour créer les conditions d’un réel « tous et toutes ensemble » ! Contre cette réforme inique et pour l’amélioration – par le haut – de notre système de retraite par répartition ainsi que des conditions de travail de toutes et tous, secteur public comme secteur privé !

      Texte de SUD Recherche EPST OpenEdition

      https://www.solidaires13.org/openedition-et-lenseignement-superieur-et-la-recherche-esr-en-lutte-co

    • Aux côtés de laboratoires, départements, UFR chaque jour plus nombreux, 45 #revues scientifiques, principalement en sciences humaines et sociales, rejoignent la mobilisation contre la réforme des retraites et la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR). Le vendredi 17 janvier 2020, 127 membres de comités de rédaction se sont réuni.e.s pour organiser la poursuite du mouvement et l’interruption du cours normal de la production scientifique. Plus d’une dizaine de revues sont déjà en grève. Deux motions ont été votées en soutien à tous les travailleur.se.s qui participent à la fabrication des revues et à la diffusion des articles en ligne. Plusieurs actions auront lieu la semaine prochaine, dont la publication d’une tribune commune et une présence collective visible dans le cortège « Enseignement Supérieur et Recherche » (ESR) du 24 janvier. Elles seront prolongées par d’autres types d’intervention par lesquelles les revues entendent se mettre au service du mouvement social et défendre un véritable service public d’enseignement supérieur et de recherche.

      Reçu via email le 20.01.2020

      Page internet sur le site de Université ouverte - Facs et labos en luttes : https://universiteouverte.org/2020/01/19/revues-en-lutte

    • Facs et labos en lutte : un #concert exceptionnel

      Pas de séminaire “Fight the power” dans le contexte actuel de grève, mais toujours du hip-hop ! Alors que la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) est de plus en plus large, le comité de mobilisation des facs et labos en lutte, l’Université Ouverte et l’Université populaire de Paris Diderot ont organisé un concert exceptionnel vendredi dernier.

      Réuni.es pour mener la lutte en musique, une chorale militante, un Piki Blind Test de Tomas & Pierre, le rappeur Edouard Kissifrott, La Fanfare Invisible… et un plateau exceptionnel de rappeuses : Fanny Polly, Ekloz, Nayra, Loréa et Billie Brelok. Découvertes pour certain.es, artistes confirmées et appréciées pour d’autres, une présentation rapide n’est pas superflue.

      https://surunsonrap.hypotheses.org/4435
      #musique

    • En soutien aux personnels d’#OpenEdition : notre lutte doit être aussi numérique

      Le 16 décembre 2019, les employés·es d’OpenEdition réuni·es en assemblée générale ont voté le blocage pour 24h des plateformes qu’elles et ils maintiennent et animent dans le cadre de la journée interprofessionnelle du 17 décembre 2019 contre la réforme des retraites.

      Nous, travailleur·es de l’enseignement supérieurs et de la recherche, avons découvert cette initiative avec enthousiasme.

      Dans le contexte d’une réforme des retraites qui accroît les inégalités et d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui poursuit le travail de démantèlement des statuts de la recherche publique, mais aussi d’un mouvement plus vaste et plus ancien de précarisation constante des conditions de travail dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) dont Parcoursup et la mise en place de frais d’inscription à l’université publique, la question des modalités de résistances et de lutte des travailleurs de l’ESR se pose avec une acuité croissante.

      L’initiative des personnels d’OpenEdition et leurs prises de position répondent en partie à ces interrogations, tout en représentant une participation de poids à la mobilisation en cours. Il ne s’agit de rien de moins que de la réappropriation d’un outil de travail par les agents qui en sont le plus souvent invisibilisés, derrière une novlangue numérique qui veut nous faire croire à une production immatérielle, hors sol et sans travailleur·es.

      L’économie numérique des savoirs est un lieu privilégié d’appropriation et d’exploitation par le système capitaliste de notre travail de production et de diffusion de connaissances. Les conflits récurrents avec les multinationales marchandes de l’édition scientifique qui s’accaparent des savoirs publics nous le rappellent. Il est donc nécessaire que cette économie numérique devienne aussi un terrain de lutte sociale, tout comme le sont les universités, les transports, etc.

      Nous avons également découvert que l’action légitime des employé·es d’OpenEdition s’est attirée les foudres des tutelles de leur laboratoire, qui sont bien souvent aussi nos propres tutelles. Suite au blocage de 24h des plateformes d’OpenEdition, ces tutelles ont convoqué l’ensemble des responsables de services du laboratoire pour un « recadrage administratif ». De surcroît, les travailleur·es d’OpenEdition se sont vu·es interdire l’usage d’un moyen de communication qu’elles et ils font exister au quotidien (http://leo.hypotheses.org) pour informer les usagers de leur action (finalement rendue publique sur Academia) ! Nous y voyons une entrave à la liberté d’expression salariale et syndicale.

      En tant qu’usagers d’OpenEdition (OpenEdition Journals, Calenda, Hypothèses, Books…), mais aussi en tant que contributrices et contributeurs directs ou indirects à ces outils de travail qui sont aussi les nôtres, en tant que membres des rédactions des revues, gestionnaires de listes d’information, carnetier·es, autrices et auteurs de livres et d’articles scientifiques, organisatrices, organisateurs et participant·es à des événements scientifiques, membres de comités scientifiques…, nous soutenons l’action des travailleuses et travailleurs d’OpenEdition et nous tenons à leurs côtés dans la lutte.

      https://academia.hypotheses.org/8135

    • Lettre des revues aux membres de la section 23 du CNU (2019-2023)

      Le Conseil National des Universités, dans sa section 23, instance collégiale de pairs et, pour une large part, élue par des pairs, s’est renouvelé pour la mandature 2019-2023 à l’occasion d’une élection dont le scrutin s’est tenu entre le 26 août et le 14 octobre 2019. Il se prononce notamment sur des mesures relatives à la qualification et à la carrière des professeurs des universités et des maîtres de conférences avec, de ce fait, un rôle central dans la définition de la valeur académique des travaux et des parcours des enseignants-chercheurs en géographie. Dans le cadre de la campagne pour ces élections, et pour participer à un débat constructif sur le fonctionnement de cette instance importante, des revues de géographie, ou de sciences sociales largement ouvertes aux géographes, souhaitent porter un certain nombre de points à l’attention des membres de la section 23 ainsi que de l’ensemble des collègues.

      Pour accéder à la qualification aux fonctions de maître de conférences, de professeur et bénéficier d’avancements de grade, le fait d’avoir publié dans des revues dites « classées » est devenu un critère central voire décisif. La liste des revues dites « qualifiantes » n’est pour le moment pas totalement stable. Elle dépend largement d’un classement effectué en 2013 par l’AERES (ancêtre de l’HCERES), dont on peut rappeler qu’elle n’est pas une instance collégiale élue par des pairs. Un certain nombre de revues avaient d’ailleurs fait le choix de refuser d’y être classées. C’est pourtant cette liste qui continue à faire foi, alors qu’elle ne rend que partiellement compte de la réalité de la recherche en géographie et qu’elle ne garantit pas la qualité du travail éditorial effectué dans les revues référencées. D’autres listes, comme celles de l’Institute for Scientific Information (ISI) et de Scopus, sont également utilisées : leurs classements n’étant pas équivalents (ils sont souvent confus, incomplets, voire contradictoires), elles brouillent encore davantage le processus d’évaluation.

      Par conséquent, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte demandent que les revues, fonctionnant par évaluation des pairs en double aveugle et possédant un comité de lecture/rédaction, soient considérées comme « qualifiantes » et plus généralement reconnues comme contribuant au sérieux et à la qualité de la production scientifique dans notre discipline. Ce critère doit primer sur celui d’un référencement dans les listes de l’HCERES ou d’autres instances.

      Par ailleurs, le critère de publications « de niveau clairement international » pour la qualification aux fonctions de professeur des universités porte à confusion. Le critère implicite est la publication dans des revues de langue anglaise. Toutefois, de nombreuses revues anglophones sont de mauvaise qualité, certaines pouvant même être qualifiées de prédatrices. De plus, le français reste une langue énormément parlée à travers le monde : les pays de la francophonie permettent ainsi aux revues de langue française d’avoir un rayonnement international. De même, les publications dans des revues étrangères non-anglophones souffrent d’un manque de reconnaissance car ces revues sont mal connues par la communauté scientifique non spécialiste du pays considéré. Il convient également de prendre en considération les articles publiés dans des revues francophones mais traduits en langue étrangère (anglais ou autre) qui permettent d’élargir leur lectorat.

      Il n’y a ici pas de solution simple mais il semble important qu’une réflexion puisse émerger à ce sujet entre les membres de la nouvelle section 23 du CNU. Dans cette perspective, l’ensemble des revues signataires de cette lettre ouverte souhaitent un élargissement des critères de définition des publications « de niveau international » (au-delà de la seule publication dans une revue anglophone) dans l’évaluation des dossiers des enseignants-chercheurs.

      Premiers signataires :

      1) Ambiances

      2) Annales de la Recherche Urbaine

      3) Bulletin de l’Association de géographes français (BAGF)

      4) Belgeo

      5) Bulletin de la Société Géographique de Liège (BSGL)

      6) Cahiers Agricultures

      7) Cahiers balkaniques

      8) Cahiers des Amériques Latines

      9) Les Cahiers d’EMAM – Etudes sur le Monde arabe et la Méditerranée

      10) Cahiers d’études africaines

      11) Cahiers de géographie du Québec

      12) Les Cahiers scientifiques du transport

      13) Carnets de géographes

      14) Confins. Revue franco-brésilienne de géographie

      15) Développement durable et Territoires (économie, géographie, politique, droit, sociologie)

      16) EchoGéo

      17) Espaces et sociétés

      18) Espace, Populations, Sociétés

      19) Etudes rurales

      20) Genre, sexualités et sociétés (GSS)

      21) Géographie Économie Société

      22) Géographie et cultures

      23) L’information géographique

      24) Justice spatiale / Spatial Justice (JSSJ)

      25) Karstologia

      26) Métropoles

      27) Mondes du tourisme. Revue pluridisciplinaire de recherche

      28) Norois. Environnement, aménagement, société

      29) Physio-Géo. Géographie Physique et Environnement

      30) Projets de paysage

      31) Revue d’Economie Régionale et Urbaine (RERU)

      32) Revue d’études comparatives Est-Ouest

      33) Revue Européenne des Migrations Internationales (REMI)

      34) Revue francophone sur la santé et les territoires

      Message reçu par email, le 22.01.2020

    • #Précaires de l’ESR : communiqué de l’AG d’Ile-de-France

      Communiqué de l’Assemblée Générale Ile-de-France des précaires de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du 11 janvier 2020.

      Nous, personnels précaires de divers établissements d’enseignement supérieur de la région parisienne (Paris 1, Paris 3, Paris 7, Paris 8, Paris Nanterre, Paris 13, Université de Marne-la-Vallée, Université d’Evry, EHESS, ENS), réuni⋅es en assemblée générale ce samedi 11 janvier 2020 à Paris, nous déclarons en grève. Nous réaffirmons ainsi notre statut de travailleur⋅euses et rappelons que sans nous et notre travail, trop souvent invisibilisé ou non rémunéré, les facs et les labos ne sont pas en mesure de fonctionner.

      Suite à l’appel solennel des précaires diffusé pour la première fois à l’été 2019 et dans l’urgence de la mobilisation historique en cours pour sauver notre système de retraite, nous nous engageons plus que jamais cette semaine à prendre part à la lutte. Nos collectifs de précaires ESR déjà existants (Mobdoc à Paris 1, CECPN à Nanterre) se joignent aux nouveaux groupes de précaires ESR en cours d’organisation dans les autres universités participantes pour réactiver une AG Île-de-France des précaires de l’ESR.

      Dans ce contexte de destruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, de casse de toutes les protections sociales (retraites, chômage…), nous refusons de participer plus longtemps aux faux-semblants. Nous refusons de continuer à jouer les petites mains faisant tourner un enseignement supérieur au bord de l’effondrement, les petites mains d’un monde académique s’orientant vers une logique de mise en concurrence généralisée et d’évaluation à tout prix, dont l’absurdité s’illustre dans la tenue actuelle d’examens à marche forcée. Nous refusons l’exploitation dont nous sommes victimes aujourd’hui comme nous refuserons demain d’exploiter quiconque. Nous mettrons tout en oeuvre pour rendre notre mobilisation visible et durable. Ainsi nous signifions à nos collègues, à nos étudiant⋅es et au reste de la société, que l’université publique et la recherche émancipées des intérêts privés ne peuvent exister sans nous.

      Nous appelons les personnels titulaires, et les précaires qui le peuvent, de l’enseignement supérieur et de la recherche à se mettre en grève et à participer activement à la généralisation de celle-ci. Les actions symboliques, très suivies lors des précédents mouvements sociaux à l’université, ont démontré leur inefficacité. Être en grève signifie :

      ne plus donner cours,
      refuser d’organiser les partiels ou de noter des évaluations,
      empêcher la remontée des notes si celles-ci sont déjà mises,
      interrompre l’activité des revues scientifiques,
      annuler les événements scientifiques,
      repousser les deadlines des appels à communication ou à contribution et des candidatures à des post-docs,
      annuler les déplacements professionnels.
      refuser de recruter des vacataires et exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme (contrats doctoraux, ATER) pour les doctorant⋅es et des postes de MCF pour les docteur⋅es
      cesser toute activité de recherche (terrain, expériences, traitement de données, écriture…) afin de pouvoir participer activement à la mobilisation.

      Nous soulignons que les personnels titulaires qui ne cessent pas véritablement toute activité, freinent la grève des enseignant·es-chercheur.euses contractuel·les, des BIATSS et des étudiant·es, qui se trouvent obligé⋅es d’effectuer le travail qui leur est donné par les enseignant⋅es et chercheur⋅euses titulaires.

      Nous appelons tous⋅tes les précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche à rejoindre la lutte, qu’iels soient vacataires, doctorant⋅es, contractuel⋅les ou stagiaires, qu’iels soient affecté⋅es à des missions techniques, d’ingénierie, d’administration, des bibliothèques, des services sociaux et de santé universitaires, d’enseignement, de recherche, et quelle que soit leur discipline, qu’iels relèvent des formations dites professionnalisantes comme de recherche, des sciences dites humaines et sociales comme de celles dites expérimentales, qu’iels soient à l’université, en IUT, en Institut de travail social, etc.
      Il y va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’université publique. Soyons à la hauteur de l’enjeu de cette grève !

      https://universiteouverte.org/2020/01/15/precaires-de-lesr-ag-ile-de-france

    • OpenEdition en lutte en appelle à ses contributrices et contributeurs !

      Ce texte est un appel aux revues, éditeurs, carnetiers, organisateurs d’événements scientifiques, contributrices et contributeurs d’OpenEdition à prendre part à la lutte contre la réforme des retraite et la LPPR par le blocage et l’occupation de leurs sites et contenus ! Ce texte est aussi l’histoire d’une action avortée et des moyens de lutte que nous devons inventer ensemble.

      OpenEdition en lutte contre la réforme des retraites et la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)

      Le 20 janvier 2020, l’assemblée des personnels d’OpenEdition a voté la déclaration de l’unité en lutte aux côtés des travailleurs et travailleuses du secteur privé et public mobilisé·es. (30 votes exprimés dont 29 oui et un non)

      Aujourd’hui, nous, les personnels d’OpenEdition en lutte, appelons les comités de rédaction des revues, les éditeurs et éditrices, les carnetier·es et les organisateurs et organisatrices d’événements scientifiques à demander publiquement à OpenEdition la mise en place de pop-up, de bannières,... sur les pages publiant leurs contenus (site de revues, carnets, événements Calenda, livres).

      De même nous enjoignons tous les membres de l’enseignement supérieur, de l’édition scientifique, des humanités numériques, les laboratoires et les universités en lutte à faire circuler cette demande.

      Vous pouvez faire cette demande via twitter (@OpenEditionActu, @hypothesesorg, @calendaSHS) contact@openedition.org, la liste des carnetiers, calenda@openedition.org et les canaux de contacts que vous utilisez habituellement avec les équipes d’OpenEdition.

      Un pop up pour toutes et tous ! Ou l’histoire une action avortée...

      Pourquoi cet appel ?

      Le 22 janvier les personnels d’OpenEdition ont voté la mise en place d’une fenêtre modale (ou pop up) sur l’ensemble des plateformes à compter du 24 janvier. Cette action aurait été une réponse à l’appel au blocage numérique lancé par des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

      L’objectif était – en occupant nos outils de travail – d’afficher notre soutien au mouvement de lutte contre la réforme des retraites, notre opposition à la loi de programmation annuelle de la recherche telle qu’elle se présente aujourd’hui, et plus largement à la précarisation de l’emploi dans tous les secteurs d’activités.

      Cependant, le 23 janvier 2020, la direction d’OpenEdition lors d’une réunion d’information du personnel organisée par ses soins a considéré que le personnel d’OpenEdition ne devait pas faire d’ingérence sur les espaces éditoriaux des carnetiers, des revues et des éditeurs de livres et ne devait pas s’en servir comme moyen de mobilisation. Selon les membres de cette direction un pop-up ne répond pas à ces critères et ne peut donc pas être mise en œuvre à moins d’être explicitement demandé par les revues et éditeurs eux-mêmes.

      Cette position prise par la direction n’a pas pu être discutée durant cette réunion d’information. En effet, dès la première minute, on nous a expliqué que nous pourrions « participer à un temps d’expression, il ne s’agit pas d’une discussion : nous ne répondrons pas aux questions, ce n’est pas le but de cette réunion » et qu’ils et elles prendrons note de nos remarques et que « celles-ci pourront contribuer à nourrir l’ordre du jour et les discussions qui auront lieu lors de la prochaine réunion du conseil d’unité »

      Une partie des personnels, considérant que ce cadre sans débat n’était pas acceptable a alors quitté la salle.

      Producteurs de contenus et diffuseurs ensemble !

      La position de la direction interroge profondément sur l’espace de liberté qu’il est possible de porter au sein du numérique. Les personnels de la plateforme OpenEdition, en tant qu’hébergeurs et diffuseurs, ne peuvent donc porter aucune manifestation collective sur leur outil de travail. Seuls les producteurs de contenus en auraient le droit. À l’image de ce que nous disions lors de notre précédent billet, que signifie alors faire grève dans le numérique ? À nous, tous ensemble, de l’inventer !

      Nous remercions vivement les signataires de la motion « En soutien aux personnels d’OpenEdition : notre lutte doit aussi être numérique ! » et toutes celles et ceux qui nous ont exprimé leur soutien, peu importe la suite du mouvement, cette solidarité ne sera jamais perdue !

      Elles sont en grève ! Rejoignez-les !

      Voici la liste des 36 revues (sur 533) diffusés sur OpenEdition Journals qui ont mis en place ou sont sur le point de mettre en place leur soutien aux mouvements sociaux et/ou aux actions d’OpenEdition.

      La revue Zilzel hébergée sur Cairn a très courageusement suspendu sa commercialisation : https://www.cairn.info/revue-zilsel-2017-2.htm

      https://journals.openedition.org/ahrf

      https://journals.openedition.org/emam

      https://journals.openedition.org/etudesafricaines

      https://journals.openedition.org/chrhc

      https://journals.openedition.org/com

      https://journals.openedition.org/clo

      http://journals.openedition.org/cal

      http://journals.openedition.org/cdg

      http://journals.openedition.org/champpenal

      http://journals.openedition.org/clio

      https://journals.openedition.org/coma

      http://journals.openedition.org/conflits

      https://journals.openedition.org/genrehistoire

      http://journals.openedition.org/gss

      https://journals.openedition.org/geocarrefour

      https://journals.openedition.org/imagesrevues

      https://journals.openedition.org/itineraires

      https://journals.openedition.org/jda

      http://journals.openedition.org/metropoles

      https://journals.openedition.org/netcom

      http://journals.openedition.org/nrt

      http://journals.openedition.org/nuevomundo

      https://journals.openedition.org/paysage/index.html

      https://journals.openedition.org/rdlc

      http://journals.openedition.org/rh19

      https://journals.openedition.org/revss

      http://journals.openedition.org/remi

      https://journals.openedition.org/samaj

      http://journals.openedition.org/socio-logos

      http://journals.openedition.org/sdt

      https://journals.openedition.org/temporalites

      https://journals.openedition.org/terrain

      http://journals.openedition.org/traces

      https://journals.openedition.org/transposition

      https://journals.openedition.org/trema

      http://journals.openedition.org/volume

      https://blogs.mediapart.fr/les-invisibles-de-lusr-2004/blog/240120/openedition-en-lutte-en-appelle-ses-contributrices-et-contributeurs

    • Mobilisation dans les labos : les raisons de la colère

      La prochaine loi de programmation sur la recherche met les facs et les laboratoires de recherche en ébullition. Financement, emploi, innovation : Mediapart balaye les sujets qui fâchent.

      Au moins, chercheurs et gouvernement sont d’accord sur un constat : la recherche française décroche (désormais au 7e rang mondial pour le nombre de publications scientifiques) ; les rémunérations ne sont pas à la hauteur ; il faut donc augmenter le financement de la recherche publique. La ministre Frédérique Vidal vient d’ailleurs d’annoncer une revalorisation des salaires des jeunes chercheurs. Mais cette promesse ne suffira pas à calmer les personnels mobilisés contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), initialement annoncée pour février, toujours en cours de rédaction.

      Des propositions publiées fin septembre, élaborées par trois groupes de travail nommés par le gouvernement (financement, emploi et innovation), ont depuis mis le secteur en ébullition. Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine…

      Si la ministre s’entretient bien avec les syndicats, ces derniers n’ont pas été invités à participer aux groupes de travail, sinon au travers une consultation en ligne ouverte par le ministère en mai dernier. Au total, 679 contributions ont été déposées, bien moins que les 9 000 réponses aux questionnaires lancés en parallèle par les « sociétés savantes », auxquels ont répondu chercheurs (employés par les organismes de recherche) et enseignants-chercheurs (employés par les universités).

      Dans les trois groupes, ce sont plutôt des personnalités scientifiques qui ont siégé, directeurs d’université ou d’organisme de recherche, voire des députés. « La communauté de l’ESR [enseignement supérieur et recherche] n’y est pas représentée, ce ne sont que des gens extrêmement haut placés », regrette Julien Gossa, maître de conférences en informatique à l’université de Strasbourg et auteur du blog sur EducPros Docs en stock.

      Lui déplore que les recommandations des sociétés savantes – dont les sociétés françaises des différentes disciplines – n’aient pas été reprises, telle la nécessité de « redonner du temps », notamment en allégeant le service d’enseignement et en limitant « le gaspillage des ressources et le temps de recherche à écrire des projets ». Côté financement, les sociétés savantes recommandent l’augmentation des dotations de base des laboratoires et aussi du taux de projets financés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’établissement dédié.

      De leur côté, les rapporteurs du groupe de travail sur le financement préconisent, entre autres, de « donner aux organismes et aux universités les moyens de développer une politique scientifique de niveau mondial » avec une subvention abondée « sur la base de leur performance », afin de « de répartir davantage de crédits compétitifs ».

      On retrouve aussi la notion de compétition dans les mots d’Antoine Petit, PDG du CNRS. Dans une tribune publiée fin novembre dans Les Échos, il a souhaité « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne ». Il n’en fallait pas moins pour qu’un collectif de 16 chercheurs lui réponde dans Le Monde que « le darwinisme social appliqué à la recherche est une absurdité ». Parmi eux, Pierre-Henri Gouyon, enseignant-chercheur en génétique, rattaché au Muséum national d’histoire naturelle.

      Ce spécialiste de l’évolution rappelle que « Darwin lui-même était opposé absolument à l’idée de la compétition entre les humains ». Le généticien d’ajouter que « la théorie darwinienne de l’évolution montre à quel point les phénomènes de coopération ont été importants dans l’évolution ».

      Plus récemment, un autre collectif de plus de 500 chercheurs a signé une autre tribune – elles se sont multipliées depuis les propos d’Antoine Petit – contre cette vision compétitive, défendant une recherche publique attachée au collectif.

      Pour doper la compétition, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats, passant par des changements en matière d’évaluation. Cette dernière est déjà très présente dans la recherche et menée en partie par les pairs, dans des instances telles que le Conseil national des universités ou les comités éditoriaux des revues.

      Le groupe de travail « financement » propose en effet de lier l’attribution des moyens aux résultats en fonction de critères définis par l’université et/ou l’organisme de recherche. Cette feuille de route inquiète, notamment en ce qui concerne le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), autorité administrative indépendante créée en 2013 et chargée d’évaluer structures et formations.

      Alors que ses missions devraient être renforcées par la loi de programmation, il n’y a plus personne à la tête du HCERES depuis plus d’un mois. Parce que le nom de Thierry Coulhon circule (c’est l’actuel conseiller ESR d’Emmanuel Macron), plus de 5 000 personnes ont déposé une candidature collective pour protester et « défendre l’autonomie de la recherche et des formations », candidature encadrée par le collectif RogueESR.

      Plutôt composé de chercheurs, celui-ci a déjà été très actif en 2018 face à l’annonce de l’ouverture de seulement 250 postes au concours CNRS en 2019, contre 300 en 2017 et 400 en 2010.

      Pour RogueESR, qui vient de se réactiver, le pilotage de la recherche fait aussi des remous. Contacté par Mediapart, Julien*, physicien au CNRS basé à Toulouse, précise – au nom du collectif –, qu’il n’y a rien de nouveau et que le système est menacé depuis une quinzaine d’années. Le physicien rapproche cette situation de celle de l’hôpital, avec « des gens déconnectés des réalités du terrain qui vont arbitrer en observant un certain nombre de critères », dont la bibliométrie, soit la mesure quantitative et qualitative de la production scientifique.

      Le collectif RogueESR s’oppose aussi au développement du financement par projet. « Ce mode de fonctionnement, avec une mise en compétition des chercheurs, contribue à une forme de perte de liberté et de prise de pouvoir de ces structures de management que sont le HCERES et l’ANR. C’est assez dramatique », juge-t-il.

      Contre le financement par projet et pour l’égalité du financement des unités de recherche, les représentants des syndicats Sud Recherche EPST et Sud Éducation ont évoqué ce point avec Frédérique Vidal, qui les a reçus le 15 janvier. Contacté, le ministère n’a pas donné suite à notre sollicitation.

      Christine Buisson, directrice de recherche au site lyonnais de l’université Gustave-Eiffel, n’est pas satisfaite des réponses de la ministre sur leur revendication de financements récurrents. Tout comme Stéphan Bernard, ingénieur d’études à l’Inrae à Clermont-Ferrand, pour qui « dire que ce sera plus facile de décrocher un projet ANR n’est pas un argument recevable ».

      Les deux syndicalistes ont aussi abordé la question de la précarité et des rémunérations. Frédérique Vidal vient d’annoncer le déblocage de 118 millions d’euros pour la revalorisation des carrières, dont 26 millions pour les jeunes chercheurs. « Tout chargé de recherche et tout maître de conférences sera recruté à au moins 2 Smic, contre 1,3 à 1,4 Smic aujourd’hui », a-t-elle déclaré lors de ces vœux le 21 janvier, perturbés par les opposants à la LPPR. La revalorisation figure dans le projet de réforme des retraites et doit être réalisée dans le cadre de la loi de programmation.

      S’agissant de l’emploi scientifique, les personnels de recherche se mobilisent aussi contre la précarisation des métiers, avec le développement du « contrat à durée indéterminée de mission scientifique », autrement dit, le “CDI de chantier”, déjà permis par la réforme de la fonction publique de 2019. La nouveauté réside dans les tenure tracks, ou chaires d’excellence junior, soit un dispositif de recrutement en CDD de 5 à 7 ans par les universités, sans passer par la case concours, qui pourrait déboucher sur un poste de professeur.
      « Licornes » françaises trop rares

      Interrogé par Mediapart, Philippe Berta, député MoDem, un des rapporteurs du groupe de travail sur l’emploi, précise que l’idée est de détecter le plus tôt possible les jeunes chercheurs, peu de temps après leur thèse, et de leur proposer un contrat. « C’est une façon de garder les jeunes chercheurs, plutôt que de les voir aller grossir les laboratoires à l’étranger, précise l’élu de la majorité, lui-même enseignant-chercheur en génétique. On sait que dans nos métiers, c’est à ce moment-là que les jeunes sont les plus productifs. »

      Le collectif RogueESR s’inquiète, lui, de cette « mise en œuvre de carrières dépareillées ». Julien*, le physicien précité, voit plutôt la création des tenure tracks comme des chemins parallèles, « dans lesquels on embaucherait des gens qui seraient mieux payés, qui feraient moins d’enseignement ».

      Tout comme Eli Haddad, chercheur à l’Ehess, membre de l’association Sauvons l’université, fondée en 2008, qui craint que ce nouveau statut n’entraîne la disparition du corps des maîtres de conférences. À ses yeux, tous ces changements vont à l’encontre du statut des enseignants-chercheurs français, « fonctionnaires d’État avec la liberté de poursuivre la recherche à l’abri des pressions des pouvoirs ».

      Si la fusion des corps des maîtres de conférences et des professeurs est évoquée dans les rapports, Frédérique Vidal a précisé qu’il n’en était pas question. Autre changement pour les jeunes enseignants-chercheurs, l’allègement du service d’enseignement, aujourd’hui fixé à 192 heures par an, pour « améliorer l’entrée dans la carrière ». Elie Haddad, de Sauvons l’université, redoute que ce cadre ne saute et que la répartition des heures d’enseignement ne passe entre les mains des services RH et des présidents d’université.

      Marie, maîtresse de conférences en sociologie dans une université de l’ouest de la France, estime que ces propositions représentent une dérégulation du temps de travail. « Il va falloir avoir de bonnes publications et de bons contrats pour avoir le droit de faire de la recherche », désespère cette membre active de la coordination nationale des Facs et labos en lutte, qui regroupe des personnels d’une cinquantaine d’établissements et se veut représentative de l’ensemble des métiers et statuts de la recherche.

      Marie est très active dans l’organisation des manifestations. « J’ai un poste d’enseignant-chercheur mais on me demande de faire plus d’administratif au détriment de la recherche, dit-elle. On ne sait pas comment on va continuer, nos conditions de travail sont en jeu. » Cette enseignante-chercheuse qui a des responsabilités au sein d’une licence n’oublie pas de mentionner les précaires de l’enseignement à l’université, ces vacataires « payés deux fois par an, qui sont de plus en plus des docteurs sans postes ».

      L’insertion professionnelle des docteurs est aussi évoquée dans le dernier rapport, dédié à la recherche partenariale et à l’innovation. Les auteurs veulent améliorer les débouchés pour les docteurs dans le privé. C’est tout l’objet de PhDTalent, entreprise qui propose des profils aux entreprises et aux institutions. Pour Florian Andrianiazy, son directeur général, « c’est une bonne nouvelle que le gouvernement s’intéresse à la recherche », sans se prononcer davantage en l’absence de texte de loi.

      Une chose est sûre : il perçoit d’un bon œil la valorisation du doctorat auprès des entreprises. « Il y a de moins en moins de postes dans les EPST [établissement public à caractère scientifique et technologique – ndlr] et les universités, alors que 15 000 docteurs sont diplômés chaque année », rappelle Florian Andrianiazy.

      Les rapporteurs illustrent le décrochage rapide de la France en citant le top 100 du classement Forbes Global 2000 (trois entreprises françaises en 2018, contre dix en 2006) et aussi les six licornes françaises – startups dont la valorisation est supérieure au milliard, telles Blablacar ou Doctolib – parmi les 375 dans le monde.
      Leur solution ? « Créer des leaders mondiaux d’origine française fondés sur des découvertes issues de la recherche publique » en renforçant notamment la mobilité entre les secteurs public et privé. « On sent bien une vocation à adosser la recherche scientifique à une certaine forme d’objectif, de rentabilité, en termes de transfert vers le monde économique, estime Julien, de RogueESR. C’est de plus en plus prégnant. »

      Pour lui, les allers-retours entre le public et le privé ne sont pas forcément une mauvaise chose, mais il ne faut pas que le monde privé dicte au public quels sont les objectifs de recherche. Le physicien insiste : « C’est absolument fondamental que cette autonomie persiste et qu’on puisse ainsi vraiment explorer le monde, qu’il soit historique, social, scientifique, dans sa totalité. En tout cas, qu’il n’y ait pas de frontières à s’attaquer à des problèmes profonds […], sans savoir où l’on va, ce que ça va nous rapporter, ou si on va pouvoir publier. »

      Tous les collectifs interrogés attendent le texte avec impatience. Ils pointent du doigt le calendrier flou de cette loi promise au départ pour février et s’inquiètent du passage par ordonnances. Tous déplorent également que les rapporteurs n’analysent pas la situation au regard des réformes structurelles de la recherche de ces 15 dernières années.

      Pour Bruno Andreotti, enseignant-chercheur en physique à l’université de Paris, « tout ce qui arrive est dans le rapport Éducation et croissance d’Aghion et Cohen » remis en 2004. On y retrouve l’idée qu’il faut se rapprocher du système américain, qui concentre les moyens sur quelques établissements, et procéder à une politique d’excellence. Pour cet enseignant-chercheur membre du groupe Jean-Pierre Vernant, qui réunit « 59 universitaires proches de la gauche de gouvernement », la dérégulation des statuts et le recrutement sous tutelle bureaucratique sont en train d’assécher la biodiversité de la recherche.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/mobilisation-dans-les-labos-les-raisons-de-la-colere?onglet=full

    • Petits cœurs, flash mob, candidatures multiples, grève des revues... la recherche trouve de nouveaux modes d’action

      En lutte à la fois contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle, le monde de la recherche s’efforce de se faire entendre.

      Le chercheur Samuel Hayat a ajouté des petits cœurs sur l’enveloppe destinée à porter sa candidature au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). Histoire de se distinguer de la masse mais aussi de souligner avec autodérision le caractère symbolique de cette entreprise de conquête. Car tous les candidats savent qu’ils n’ont absolument aucune chance de remporter ce siège.

      Malgré tout, le 21 janvier, une centaine de chercheurs se sont rendus au ministère de l’enseignement supérieur, coiffés de leur toque, pour déposer les courriers dans lesquels ils se proposent de présider le HCERES, sans chef depuis un mois. Près de 5 000 universitaires les ont imités, dans l’espoir de « faire dérailler la machine bureaucratique » et de montrer leur opposition à la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Si elle était votée, le HCERES, en tant qu’autorité administrative, aurait un pouvoir décuplé d’évaluation des laboratoires de recherche, craignent les chercheurs mobilisés. Cet organisme revêt une importance particulière, car le conseiller enseignement supérieur et recherche d’Emmanuel Macron, Thierry Coulhon, serait en pole position pour en décrocher la présidence. « Cette candidature collective dénonce ce nouveau pouvoir de contrôle », explique Samuel Hayat, chercheur au CNRS et membre du comité de mobilisation.

      Le monde de la recherche est en ébullition. Comme le raconte ce billet de blog du journaliste Sylvestre Huet, une tribune dans Les Échos le 26 novembre d’Antoine Petit, le président du CNRS, a inquiété : il y défend « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies ». Les chercheurs ont donc une double raison de se mobiliser. La réforme des retraites a été le premier catalyseur de la colère. Puis la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), et les inquiétudes qu’elle génère, s’est greffée à la protestation initiale.

      Depuis plusieurs semaines, un mouvement social traverse la France. Les grévistes, tous corps de métiers confondus, mobilisés contre la réforme des retraites multiplient les happenings, les danses et chants symboliques pour protester dans la joie et se donner du courage. Des cérémonies de vœux, des déplacements ministériels ou des sorties présidentielles ont été perturbés. Il devient de plus en plus difficile aux membres de la majorité d’échapper à ces comités d’accueil d’un nouveau genre. Ces séquences sont capturées pour être reprises par la presse et devenir virales sur les réseaux sociaux. On ne compte plus les professions qui dansent le Lac des cygnes, tutus inclus, comme ces enseignants du lycée Joliot-Curie de Nanterre, ou qui se lancent dans un haka protestataire, comme les avocats du barreau de la Seine-Saint-Denis. D’autres préfèrent lancer leur robe d’avocat, leur blouse ou leur code du travail (lire l’article de Mathilde Goanec sur le sujet).

      Pour le monde de la recherche, l’équation est complexe. Quel outil de travail peut-il brandir pour en faire le symbole de sa lutte ? Comment être efficace et audible dans le bruit ambiant ? Certains ont organisé des universités populaires, des déambulations dans le Quartier latin à Paris, quartier symbolique s’il en est. Des motions sont votées dans différents départements et universités (voir le décompte sur le site Sauvons l’université). Reste alors à trouver un moyen de matérialiser la grève et d’attirer, si possible, l’attention pour faire exister le mouvement. La perturbation des vœux de Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, a été relayée sur BFMTV, souligne Samuel Hayat : « Ce n’est pas rien pour nous. »

      Mais cela ne suffit pas. Les chercheurs mobilisés espèrent parvenir à casser les habitudes trop ancrées. Samuel Hayat le reconnaît aisément, trop longtemps la lutte des universitaires s’est cantonnée à un triptyque devenu inefficace : un texte est écrit et publié dans la presse, une pétition est lancée et certains se joignent aux manifestations. Impossible de rendre populaire une lutte ainsi, tant elle apparaît déconnectée du réel. Aujourd’hui, rien de tout cela. « Les gens s’amusent et sont combatifs, c’est une mobilisation qui va durer et qui peut gagner. La preuve : la ministre a été obligée de recevoir les syndicats. On les met sous pression », veut croire Samuel Hayat.

      C’est grâce, croit-il, à un changement, salutaire selon lui, de stratégie. « On a appelé à manifester, en dehors de la mobilisation dans les universités et en dehors des syndicats. On a aussi fait le choix de manifester dans le cortège de tête. On entre ainsi en rupture avec les modes traditionnels de lutte assez sages. » Ou perdants. En 2009, les chercheurs opposés à la loi d’autonomie des universités (LRU) se relayaient pour une ronde infinie des obstinés. Cette marche sans fin avait pour but de porter hors les murs les revendications du mouvement universitaire.
      Une grève inédite des revues

      Cette lutte perdue a laissé des traces profondes et a pu réfréner les velléités de mobilisation ultérieures. Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction Actes de la recherche en sciences sociales, le concède mais espère que les choses sont en train d’évoluer. « Depuis la LRU, il a été compliqué de déconstruire le découragement. Mais, aujourd’hui, les gens ne veulent plus être découragés. »

      Dix ans plus tard, la configuration a changé, veut croire Samuel Hayat. « Là, on a un coup d’avance. Le mouvement de 2007-2009 contre l’autonomie des universités a eu lieu après le vote de la loi, juste lors de la mise en place des décrets d’application. Là, on se mobilise avant. »

      Johanna Siméant, professeure des universités en science politique à l’École normale supérieure et membre du comité de rédaction de la revue Genèses, abonde en ce sens. Elle considère en effet que depuis trop longtemps, les revendications de la communauté universitaire ne sont pas écoutées et encore moins entendues, et qu’il est temps d’y remédier. « On oscille entre le mépris de toute la technostructure qui s’est développée et les leçons dispensées par ces hommes quinquagénaires qui nous expliquent comment on doit chercher. Il est temps pour nous de réaffirmer nos valeurs et expliquer ce en quoi on croit, et surtout dire à quel point ce projet est toxique pour nous. »

      Johanna Siméant était invitée à la cérémonie des vœux de Frédérique Vidal au titre de récipiendaire de la médaille d’argent du CNRS. La prise de parole de la ministre a été perturbée et un doctorant blessé par les forces de l’ordre. Johanna Siméant a pris la parole pour, entre autres, dire ceci : « Madame la ministre, la communauté scientifique ne veut pas de cette énième soi-disant “réforme” dont nous ne savons que trop qu’elle porte le darwinisme, la concurrence toxique, la bureaucratie de l’évaluation permanente et de la soumission de projets. De la soumission tout court. »
      La chercheuse tenait à ce que son titre soit utile. En tant que personne titulaire d’une production scientifique validée et reconnue par ses pairs, elle espère contribuer à diffuser l’idée que ce mouvement n’est pas guidé par des « doctorants excités » mais par une partie de la communauté universitaire bien décidée à reprendre la main sur son destin.

      La candidature collective au HCERES s’inscrit dans cette droite ligne de lutte. « On en a marre de jouer en défense et de réagir seulement, décrypte encore Johanna Siméant. Nous sommes dans un mouvement de réaffirmation collective, où on ne fait pas que pleurer sur le service public en train d’être détruit sous nos yeux. On joue quelque chose d’important, on dénonce la dégradation de nos conditions de production intellectuelle. »

      Le 6 janvier, Genèses, la revue interdisciplinaire de sciences humaines et sociales, a impulsé un mouvement inédit de grève des revues scientifiques. Pour expliquer la grève, la revue proclame sur son site : « Il s’agit de défendre non seulement un système de protection sociale, mais aussi des valeurs telles que la solidarité, l’idée de service public, l’indépendance de la recherche (et, au-delà, la possibilité de décrire rationnellement le monde), face à la lente destruction des conditions de production du savoir et à sa marchandisation qui menace l’accès de tou·te·s aux connaissances. »

      Le comité de rédaction de Genèses ne traitera plus de propositions d’article ou de dossiers jusqu’à nouvel ordre. Une dizaine de revues de sciences humaines et sociales ont annoncé faire de même.

      Anne Bory, maître de conférences en sociologie à Lille et membre du comité de rédaction d’Actes de la recherche en sciences sociales, explique que cette forme d’action a répondu à plusieurs préoccupations. La première étant de libérer du temps pour ceux qui alimentent ces revues. « On souhaite le ralentissement du cours normal du travail pour nous permettre de tenir des assemblées générales dans nos facs, aller assister aux AG interprofessionnelles, fournir aussi des outils d’analyse et de connaissance utiles au mouvement. Il nous faut lever le pied pour mobiliser, tout simplement. »

      Sans compter que les revues revêtent un intérêt particulier, car les publications sont utilisées pour évaluer les chercheurs, ce qui pourrait aller s’amplifiant avec ce projet de loi.

      Johanna Siméant explique que l’utilisation du mot « grève » à Genèses est volontaire pour signifier que ces chercheurs suspendent cette activité. Tant pis s’il s’agit d’une des facettes « les plus plaisantes du métier », poursuit-elle.

      Il est indispensable à ses yeux, dans cette période charnière, de montrer le fonctionnement de la science de manière concrète et de visibiliser ainsi « l’écosystème de la recherche ». Dans le cas précis des revues, cela consiste pour les membres des comités de rédaction à relire et amender les articles d’autres chercheurs, bénévolement et sur leur temps personnel. L’universitaire raconte encore vouloir dénoncer la dégradation des conditions de travail dans ces revues, où il est de plus en plus rare de trouver des secrétaires de rédaction à temps plein.

      Anne Bory identifie un risque important avec une réforme qui renforcerait l’évaluation des chercheurs. « Ce projet de loi va mettre les revues au cœur d’un système d’évaluation et de sanction. Il y aura forcément une course à l’échalote de la publication avec une moindre qualité des articles et surtout une fragilisation complète de leurs conditions de production. » Samuel Hayat partage cette crainte : « On va nous faire endosser un rôle de DRH. On ne veut pas que ce travail des revues devienne un instrument darwininien, un instrument d’un système de sélection. »

      Open éditions, la plateforme publique d’édition de revues scientifiques, a été bloquée 24 heures le 16 décembre. La page d’accueil présentait un texte qui expliquait les raisons de la grève. Anne Bory juge qu’il s’agit d’une bonne manière d’inciter ceux qui ne se mobilisent pas à la faire notamment chez les étudiants qui utilisent ce site. « C’est une modalité parmi d’autres, une façon de reprendre la main sur ce qu’on nous impose. On revendique aussi du temps pour réfléchir. » Ce qui reste leur raison d’être.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/230120/petits-coeurs-flash-mob-candidatures-multiples-greve-des-revues-la-recherc

    • LPPR : les chercheurs aussi descendent dans la rue
      La future loi de programmation pluriannuelle de la recherche et le dossier des retraites inquiètent la communauté scientifique, dont les membres se joignent dorénavant aux manifestations, à l’instar de celle du 24 janvier.

      Un investissement très attendu, enfin « à la hauteur » pour la recherche française : c’est la promesse de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), en cours de préparation. C’est pourtant contre ce texte que montent désormais des contestations dans une partie de la communauté universitaire.

      Jusque-là, le mouvement contre la réforme des retraites, dans laquelle les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche sont présentés comme des « perdants », au même titre que les enseignants du secondaire, n’avait eu que peu d’écho dans le monde universitaire et estudiantin. Une série de mesures de « compensations » a été promise par le gouvernement pour assurer un niveau de pension équivalent.

      https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/27/lppr-les-chercheurs-aussi-descendent-dans-la-rue_6027419_1650684.html

    • Les #revues_scientifiques fragilisées par les projets de loi

      Pour marquer leur opposition à la réforme des retraites et au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), près de 70 revues ont décidé, par-delà leurs différences de disciplines, de se constituer en collectif, et elles s’alarment, dans une tribune au « Monde », de l’afflaiblissement du service public de la recherche.

      Depuis le début de l’année, plusieurs dizaines de revues de sciences humaines et sociales se déclarent les unes « en lutte », les autres « en grève . En soutien et en participation au mouvement social en cours, leurs comités de rédaction protestent à la fois contre le projet visant les retraites et contre les projets actuellement en circulation de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette mobilisation est inédite. Par bien des aspects, aussi, elle est incongrue : que peut bien vouloir dire, pour une revue, « se mobiliser », se dire « en lutte », « se mettre en grève » ?

      En perturbant ou en interrompant leur activité, en refusant de se tenir à distance de ce qui se joue dans la communauté scientifique autant que dans le monde social, ces revues souhaitent mettre en avant aussi bien ce qui les fait que celles et ceux qui les font. Car leur travail intellectuel et éditorial, la production et le partage des savoirs qu’elles assurent sont eux aussi menacés par les projets de lois actuels, qui vont contribuer à la fragilisation toujours plus forte du service public.

      L’existence de nos revues relève d’une économie de la connaissance efficace. Ce sont des scientifiques, dont une partie conséquente sont des agents publics, qui évaluent les textes, les discutent, les amendent ou les rejettent, pour finalement publier les travaux susceptibles de contribuer à la connaissance collective. Ces travaux bénéficient ensuite du travail de mise en forme, réalisé par des professionnels formés aux métiers de la do cumentation et de l’édition qui ont des statuts variés, du fonctionnariat au CDD. Enfin, ce sont surtout les bibliothèques universitaires, organismes publics, qui achètent les revues à l’unité ou en bouquets par des plates-formes numériques. Cette offre en ligne, gratuite pour les étudiants, permet une diffusion hors du champ universitaire : les journalistes ainsi que les enseignants, les associations, les élus, les citoyens bénéficient d’un apport substantiel de connaissances fiables et renouvelées.

      Si cette économie de la connaissance assure l’enrichissement du savoir, elle rapporte toutefois peu en termes financiers. Elle est en effet adossée à une infrastructure invisible, celle du service public de la recherche.

      C’est ce service public qui garantit des personnels formés, qualifiés et stables de secrétariat de rédaction.

      C’est ce service public qui offre des réseaux ou des maisons d’édition, pour la numérisation, l’archivage ou la promotion des articles.

      C’est ce service public qui permet l’existence de revues scientifiques numériques de qualité en accès ouvert et entièrement gratuites.

      C’est ce service public, enfin, qui, malgré la lente dégradation des conditions de travail des enseignants-chercheurs statutaires et la précarisation des jeunes chercheurs, continue de leur offrir le temps nécessaire pour siéger aux comités de rédaction, pour concevoir les dossiers, lire, évaluer et discuter les articles proposés. Mais in fine, les revenus produits par les revues ne servent pas à rémunérer les scientifiques qui les font vivre, ou encore les travailleurs et travailleuses qui les fabriquent. Ces quelques revenus reviennent en effet aux sociétés qui éditent, et plus encore qui diffusent ces revues au sein d’un secteur éditorial fragile sauf à avoir recours à des dispositifs d’accès ouvert, que quelques revues ont lancé ces dernières années et qui demandent à être renforcés pour diffuser encore plus largement les savoirs scientifiques.

      La LPPR, telle qu’annoncée, promet de saper les fondements de cette triple économie, financière, scientifique et humaine, des revues. Elle frappe de plein fouet les personnels dits de soutien à la recherche, qui sont justement ceux qui permettent aux revues d’exister en tant qu’objets, en tant que produits manufacturés (même en ligne, même dans l’espace virtuel, un article est mis en page et monté). Elle précarise ces personnels, substituant à l’emploi pérenne des contrats dits « de chantier », qui obligeront les revues, collectifs comme on l’a vu fragiles, à épuiser leurs forces pour soumettre des dossiers à des évaluations tatillonnes et solliciter le droit de bénéficier de quelques heures du contrat de travail d’un travailleur de l’édition.

      Promouvant une recherche par projets assortie à des contrats de recherche de durée limitée, diminuant drastiquement les recrutements de chercheurs titulaires, cette loi fragilise de façon dramatique les jeunes chercheurs en quête de poste, qui sont celles et ceux qui contribuent massivement à la production d’articles scientifiques et au renouvellement dynamique des connaissances. La concentration de l’argent public sur d’obscurs « grands défis sociétaux » tend à un mouvement malthusien de la production scientifique et à l’élimination « darwiniste », pour re prendre les termes funestes du président du CNRS, des revues qui ne répondent pas de prime abord à ces « grands défis . Ce faisant, elle contribue à affaiblir le pluralisme et l’indépendance de la recherche publique.

      Qu’elles se mettent en grève ou se déclarent en lutte, qu’elles fassent paraître un numéro blanc ou publient des textes sur les réformes actuelles et à venir, les revues montrent d’un coup l’envers du décor et tout ce qui rend possible la production et la diffusion d’un savoir à la fois indépendant (notamment des mannes industrielles), fiable (car discuté par des scientifiques de haut niveau) et neuf (c’est ce savoir qui est à la base des futurs manuels universitaires, puis scolaires).

      Nos revues ne doivent leur existence qu’au service public de la recherche. Voir l’une et l’autre simultanément menacés est au jourd’hui ce qui nous amène, collectif des revues en lutte, à nous opposer aux projets de réforme en cours avec la plus grande fermeté.

      Pour le collectif des revues en lutte : Sylvie Tissot (Actes de la recherche en sciences sociales) ; Caroline Ibos (Les Cahiers du genre) ; Anne Jollet (Les Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique) ;Fabrice Ripoll (Carnets de géographes) ; Clyde Plumauzille (CLIO. Femmes, genre, histoire) ; Laurent Bonelli (Cultures & Conflits) ; Manuel Schotté (Genèses. Sciences sociales et histoire) ; Christophe Daum (L’Homme et la Société) ; Julie Landour (Nouvelle revue du travail) ; Laure Bereni (Politix) ;François Sarfati (Sociologies pratiques) ; Fanny Gallot (Travail, genre et sociétés)

      La liste complète des revues en lutte sur Universiteouverte.org

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/28/les-revues-scientifiques-fragilisees-par-les-projets-de-loi_6027462_3232.htm

    • Grève à l’Université ? A propos des débats stratégiques dans le mouvement

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une #grève générale illimitée. Une grève conséquente aurait pourtant pour vertu d’ouvrir une brèche pour une mobilisation étudiante, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite.

      À la rentrée 2018, les Gilets jaunes initiaient le soulèvement inédit des salariés les plus subalternisés. Les ronds-points voyaient alors la convergence des chômeurs, précaires, travailleurs pauvres, auto-entrepreneurs, artisans, retraité.e.s démuni.e.s, etc. À la faveur de la « réforme » des retraites, le mouvement social historique qui ébranle le gouvernement français depuis le 5 décembre 2019 a pris le relais. La grève interprofessionnelle mobilise une large base syndicale et les travailleurs statutaires de différents secteurs (transports, énergie, santé, éducation, etc.), mais aussi des avocats, des médecins, des directeurs d’hôpitaux, certains cadres et haut-fonctionnaires, des journalistes de l’audiovisuel, des chercheuses et chercheurs, ou encore des universitaires, bien que l’alma mater, notamment en région parisienne, soit entrée relativement tardivement dans cette grève dont l’ampleur est inégalée depuis 1968. Manifestement, l’inclination des diplômés urbains vers le conformisme, lequel s’est exprimé dans leur vote massif pour Emmanuel Macron au premier et second tour de l’élection présidentielle, est en voie d’effondrement. Le penchant petit-bourgeois à lorgner vers la bourgeoisie parisienne plutôt que de se solidariser avec les classes populaires, semble entrer en crise et le phénomène de se propager également au sein du milieu académique. Pour la première fois, à Paris (dont 12 des 15 députés sont macronistes), les cortèges universitaires auto-organisés étaient très visibles lors de la manifestation intersyndicale du 24 janvier 2020. Intellos, prolos : même combat, alliés dans la grève ?

      Pour certains, rien ne semble moins sûr. Le 20 janvier dernier, Ronan de La Lande de Calan et Geoffroy de Lagasnerie publiaient, dans le blog des invités de Mediapart, une tribune intitulée « Une mobilisation impossible ? Quand les universitaires confondent la lutte et l’autopunition » (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/200120/une-mobilisation-impossible-quand-les-universitaires-confondent-la-l). Les deux signataires commencent par y saluer les divers secteurs en lutte contre la réforme des retraites qui « se sont appuyés sur des formes traditionnelles d’action dont l’efficacité n’est plus à démontrer – débrayages, blocages du système productif et des moyens de transport, manifestations monstres ». Ils soulignent également la créativité du répertoire d’action du mouvement de certaines corporations (avocats, médecins, pompiers, danseurs, etc.). Cet hommage est à l’évidence un soutien au mouvement de grève interprofessionnel, mais le positif du tribut sert surtout, ici, à dénoncer le supposé manque d’imagination du champ universitaire, lequel se contenterait « par défaut » de répliquer mécaniquement des formes de mobilisation parmi les plus traditionnelles et les moins efficaces. Dans le domaine de la conflictualité sociale, ce qui semble utile et efficient pour certains serait donc, pour le monde universitaire, infertile. Au ban des accusés : les assemblées générales, la grève et les blocages. Pour nos deux philosophes, l’Université (personnels et usagers ?) se prendrait pour un secteur productif comme les autres, « comme si le pouvoir allait trembler parce que telle revue ne paraîtrait pas, ou tel séminaire serait annulé ».

      Il y a, dans cette dénonciation, une part critique intéressante qui tient au fait de souligner qu’une partie du champ universitaire, peu encline à sortir de sa zone de confort, continue sans aucun doute à entretenir quelque illusion quant à sa magnificence intellectuelle et se plaît à penser que ce sont le(ur)s idées qui mènent le monde et, en l’espèce, feraient les mobilisations. Pourtant, il est patent que les séminaires, journées d’étude, colloques, revues, etc., n’ont pas pour prime vocation à « saisir les masses » (ça se saurait !). Quand, de temps à autre, ces lieux d’élaboration font lien avec d’autres espaces sociaux, il faut bien des médiations pour qu’ils en viennent à participer à des forces matérielles qui soient autre chose qu’un travail intellectuel. Cesser les différentes formes de production symbolique caractéristiques de l’académisme ne dérange guère que l’entre-soi universitaire (et encore !). De même, estimer que la multiplication des motions, tribunes, billets et pétitions (pour le moins mesurées, voire carrément frileuses) ne se diffusant que fort parcimonieusement dans l’espace public dominant puisse avoir quelque effet pratique est sans doute, encore, une concession à un idéalisme qui s’avère d’autant plus vain que les cibles de ses adresses s’avèrent aussi sourdes qu’aveugles.

      Mais La Lande et Lagasnerie vont un cran plus loin. Ils estiment que la grève « ordinaire » signe un renoncement à produire des idées. C’est là que l’interpellation se transforme en leçon ; de celles que Lagasnerie, avec un certain sens du placement public, affectionne de dispenser assez régulièrement à ses « collègues ». L’invective apparaît alors d’une grande prétention, subsumant sous le chapeau de la routine et du suivisme, mille initiatives à la base dont ils semblent tout ignorer. Car c’est bien, là, méconnaître la riche diversité des actions des personnels et des usagers de l’Université, dont la portée souvent assez modeste peut, néanmoins prendre quelque importance, notamment par des formes de répétition persévérante qui ne sauraient seulement être vues comme un rabâchage paresseux et sans issue. Souvenons-nous, en 2009, de la ronde infinie des (universitaires) obstiné.e.s, initiée et votée en AG par des personnels et usagers de l’université Paris 8 qui se relayaient pour tourner jour et nuit devant l’Hôtel de ville (place de la grève). Sans doute est-il utile de repenser « l’imaginaire de la lutte, [et d’]inventer de nouvelles formes de mobilisation et de présence dans l’espace public », mais si tant est que la chose soit une nécessité, celle-ci n’est certainement pas une concession à cette antienne de l’idéologie dominante faisant fatalement de la grève un mode d’action contreproductif. Rien dans la séquence présente ne permet de prendre au sérieux ce type d’anathème, sauf à condescendre à l’éditocratisme crasse des chaînes d’information continue ou au syndicalisme collaborationniste.

      Messieurs La Lande et Lagasnerie devraient savoir que tous les grands mouvements de grève interprofessionnels en France (et ailleurs) ont produit des modes d’action créatifs qui ne furent nullement en contradiction avec le répertoire d’action traditionnel du mouvement ouvrier (doléances, pétitions, manifestations de rue, assemblées générales, comités et piquets de grève, etc.). En mai 1968, l’une des plus flamboyantes affiches de l’atelier populaire (fabriquée au sein des Beaux-Arts de Paris en grève) montre une manifestante lançant un pavé. Elle est légendée « La beauté est dans la rue ». Quant à la grève générale de juin 1936, elle fut, par exemple, rythmée par des bals populaires dans les usines occupées, et accompagnée par de fort nombreuses œuvres (photographies, chansons, peintures, etc.). À cette époque, les universitaires marxistes étaient convaincus de la portée d’une alliance de classe entre l’intelligentsia de gauche et les classes populaires.

      Aujourd’hui, le monde académique semble loin d’être au diapason d’une grève sans concession. La mobilisation universitaire ressemble, à ce jour, davantage à une mosaïque de débrayages partiels qu’à une grève générale illimitée. Peu de composantes des universités sont concrètement en grève. Si les responsabilités administratives et d’évaluation, prenantes et peu/pas rémunérées, sont des cibles toutes trouvées (et encore !) de ralentissement des missions, les mandats d’enseignement et de recherche font l’objet d’âpres négociations intérieures chez les enseignant.e.s-chercheur.e.s dont une part non négligeable a tendance à considérer que ne pas assurer les activités au fondement de leur métier serait une violence intolérable faite à ce qu’ils sont ou croient être (les lieux de l’autopunition sont d’abord dans les têtes). D’aucun.e.s auraient ainsi l’impression de renoncer à leur singularité sociale durement acquise et à cette position symbolique à laquelle ils.elles tiennent tout particulièrement, parfois jusqu’à la névrose narcissique. Aussi, la tribune de nos deux compères ne s’avère pas d’une grande originalité quand ils affirment que « la ‘‘grève’’ à l’Université, avec cessation de toute activité d’enseignement et de recherche [?], ne correspond qu’à [...] une condamnation des intellectuels au silence ». Comme si les lieux d’élaboration et d’analyse pouvaient n’émerger qu’au sein de l’alma mater. C’est, là, faire montre d’une forme évidente d’épistémocentrisme scolastique. D’ailleurs, il n’est pas très étonnant de constater que le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) dont la vocation est de précariser au maximum l’ESR et de le placer sous la coupe du privé, semble mettre davantage le feu aux poudres académiques que la réforme des retraites. Pourtant, l’un des enjeux majeurs pour le mouvement universitaire tient sans doute à sa capacité à décoller le nez du guidon corporatiste.

      Même au sein de ses espaces censément les plus critiques, l’Université n’est pas ce lieu de résistance dont ses oblats les plus dévoués (i.e. celles et ceux qui en tirent le plus d’avantages) produisent le mythe. Aussi faut-il admettre que les pilotis de la LPPR (Labex, Idex, EUR, etc.) ont été plantés depuis plusieurs années avec l’assentiment du plus grand nombre, de certaines avant-gardes « radical chic » et des Janus Bifrons qui se vivent en pourfendeurs des dominations et en hérauts de l’empowerment, mais sont, dans les faits, les meilleurs suiveurs de l’ordinaire universitaire, prêts à accueillir et examiner toutes les propositions susceptibles de leur apporter quelque avantage. Se déclarant contre la précarité ou le délire évaluatif, certain.e.s n’ont pourtant pas hésité à participer à ces dispositifs « d’excellence ». On voudra bien pardonner ces petits dévoiements « corpo » (la chaire universitaire est faible), s’ils n’étiolent pas, aujourd’hui, les nécessités d’une mobilisation massive et de prendre une pleine part aux dynamiques interprofessionnelles. Car l’Université est frappée des mêmes maux que les secteurs de la santé, de la justice, des transports, de la culture, de l’enseignement, etc. Les « réformes » macronistes sont portées par un projet politique d’ensemble qui ne s’est jamais autant révélé, notamment quant à sa nature butée et autoritaire.

      Dans cette perspective, ce sont les étudiant.e.s qui nous semblent devoir jouer un rôle tout à fait primordial. L’expérience montre que ce sont eux.elles – plus dégagé.e.s de l’emprise des identités professionnelles qui brident – qui sont les plus susceptibles d’étendre le mouvement social à l’espace universitaire et qui ont la volonté la plus affirmée de faire se conjoindre les luttes, seule manière d’instaurer, dans la longueur (car ça va durer), un rapport de force qui pourrait s’avérer gagnant. Aussi, considérons-nous qu’il n’y a pas trop de grève, mais, a contrario, pas assez. Penser que la grève est une « condamnation collective à l’impuissance et un maintien de l’ordre universitaire » ; qu’elle est un renoncement aux « conditions de la production d’analyse, de critique et de contre-proposition », c’est faire, malgré soi, le jeu de la macronie et ne pas placer le curseur au bon endroit, surtout à rajouter : « puisqu’à la fin ce sont les professeurs qui décident des modalités de rattrapage des examens et qui très souvent imposent la reprise aux étudiants ». On a, là, un exemple caricatural de la difficulté qu’ont nos intellectuels situés – croyant détenir le seul brevet valable à dire le sens politique – à considérer le mouvement social dans sa globalité et de rabattre des enjeux politiques généraux sur des problèmes de pouvoir internes au monde universitaire. Et même à vouloir se centrer pour l’essentiel sur les difficultés spécifiques à l’université, la grève n’est-elle pas le moyen adéquat pour prendre du temps, discuter franchement de la situation pesant sur l’institution, se donner les moyens de s’organiser en dehors des instances officielles ?

      La Lande et Lagasnerie affirment que « le premier point sur lequel la grève pourrait avoir comme telle une réelle efficacité, serait de renoncer à produire des diplômes, qui constituent l’unique produit sur ce qui est devenu un ‘‘marché’’ de l’enseignement supérieur, et l’unique levier d’action sur les pouvoirs publics ». S’agit-il de se mettre en grève pour porter la revendication générale de ne plus avoir à produire de diplômes (perspective radicale qui ne saurait tenir seule), ou bien est-ce, plus modestement, de configurer, pour l’heure, la « grève universitaire » autour de la non délivrance des diplômes attendus (politiques de rétention en février ?) ? On ne saisit pas très bien le sens de la proposition qui, dans un cas comme dans l’autre, nous semble, de toute manière, passer à côté de l’utilité stratégique de la grève. La production d’accréditations et d’évaluations est, certes, un élément important de l’économie politique et symbolique du secteur, à repenser (avec bien d’autres points), mais elle n’est certainement pas la justification première de la grève dont la principale vocation est de dé-cadencer et faire effraction dans les habitudes professionnelles.

      L’engagement politique des connaissances ne saurait notamment se résumer à une histoire de champ et ne tenir dans les connaissances elles-mêmes, mais dépend des fonctions sociales que celles-ci sont susceptibles d’assurer, notamment dans le cadre de conflits sociaux. Aussi, les sciences s’engagent essentiellement quand elles sont articulées à des espaces et des communautés d’action dont l’université mobilisée n’est qu’une modique fraction. On sait notamment la force qui peut émerger de la jonction du mouvement ouvrier et du mouvement étudiant. Une lecture intéressée avait voulu dépeindre mai 1968 comme une fête étudiante plus ou moins folklorique qui se serait déroulée à l’écart de la grève générale ouvrière de type cégétiste. Les sociologues qui ont développé cette vue culturaliste et générationnelle ont, ensuite, clairement évolué vers la droite, à l’instar d’Alain Touraine qui en est venu à soutenir Alain Juppé et, plus récemment, Emmanuel Macron. En revanche, Henri Lefebvre a écrit, dès 1968, que les affiches colorées, les barricades improvisées et les drapeaux levés lors de l’insurrection étudiante dans le Quartier latin ont joué comme un fanal, comme un signal reçu par les travailleurs que le passage à l’acte était à l’ordre du jour. C’est sans doute une question qui reste actuelle : comment concevoir le passage entre la révolte étudiante et les fonctionnaires en grève qui font habituellement tourner l’Université ? La révolte est autant de nature matérielle (contre la précarité, les bullshit jobs, les stages trop peu rémunérés, les bourses anémiques, les logements pitoyables, la vie chère, etc.) que symbolique (une autre vie doit être possible, plus joyeuse, pleine de sens) et même morale ou éthique (refuser l’inégalité, la sélection, la discrimination des étudiants étrangers, le saccage des droits et la destruction de la planète). C’est en se ressourçant de cette « contre-culture » que les scholars pourront se détourner de l’illusion narcissique qui les poussent à penser qu’ils se doivent de jouer les conseillers du prince et des classes dirigeantes macronistes.

      À l’université, une vraie grève aurait notamment pour vertu de permettre une mobilisation d’ampleur des étudiant.e.s, cruciale pour redonner du souffle à une révolte sociale dont la durée est inédite. Parce que son avenir est largement hypothéqué et la misère étudiante renouvelée, la jeunesse a tout intérêt – et ses raisons – à entrer massivement dans la lutte ; mais encore faut-il lui faciliter la chose. Ouvrir une brèche pour le mouvement étudiant, lui donner les moyens de ses ambitions, est plus que jamais essentiel. À cet égard, la grève apparaît comme l’un des leviers essentiels du champ universitaire qui, contrairement à d’autres secteurs pionniers, n’en a fait, jusqu’alors, qu’un usage pour le moins modéré. Plus largement, la grève est également la condition de possibilité pratique pour que puisse précisément s’inventer un espace public oppositionnel porteur de propositions concrètes construites par la documentation, la rencontre, la discussion, l’auto-organisation et l’action. Le projet d’une « Université ouverte à toutes et à tous, tout le temps [...], foyer de la critique » ne doit pas participer à la sanctuarisation de l’institution, mais inviter celle-ci à « sortir sa science » en d’autres lieux et à produire, avec/sur/pour eux, des communs de la connaissance politiques. Aussi, le retrait de la LPPR pour lequel il faut évidemment se battre ne saurait être un but suffisant. La présente séquence doit aussi être un moment d’éducation des éducateurs par l’ouverture aux différents secteurs mobilisés, afin de construire des intellectuels collectifs à même de porter, tant théoriquement que pratiquement, un projet alternatif de société : « Contre les impératifs marchands et les contrôles bureaucratiques, les forces critiques au sein de l’université devraient chercher à se liguer avec tous les foyers de production de connaissance [...] pour coopérer à la reconfiguration d’un espace public laminé par l’horreur économique de la logique néolibérale » (Daniel Bensaïd : « Faut-il défendre l’Université ? »), par la brutalité gouvernementale et par le mensonge institutionnel. Et à prendre au sérieux cette nécessité, parions que se dire ni de droite ni de gauche, répudier les classes populaires – prétendument incultes, sexistes et racistes –, ou encore récuser les formes d’action traditionnelles du mouvement ouvrier, deviendra demain, au sein des universités, aussi ringard que ne le fut, hier, la référence à Marx.

      https://www.revolutionpermanente.fr/Greve-a-l-Universite-A-propos-des-debats-strategiques-dans-le-m

    • #Nantes : les vœux du président de l’université annulés

      #Olivier_Laboux, le président de l’université de Nantes, avait prévu de présenter ses vœux aux personnels ce mardi midi mais une manifestation organisée par le syndicat Sud Éducation l’en a empêché.

      La traditionnelle cérémonie des vœux devait se faire dans le Théâtre Universitaire. Olivier Laboux qui clos deux années de mandat à la présidente de l’université nantaise avait prévu d’y recevoir les personnels pour faire, comme il est de coutume, un bilan et évoquer l’avenir de l’établissement.

      Mais, le rendez-vous a été finalement annulé, une manifestation ayant été organisée sur place.

      Le syndicat Sud Education avait mobilisé une trentaine d’enseignants pour une « contre cérémonie » symbolique et pour adresser au président ses « bons vœux de retraite anticipée ».

      « On a organisé cette cérémonie, a déclaré avec un certain humour Christèle Allès, enseignante et syndiquée à Sud Education, pour remercier le président de toutes les actions qu’il a menées pendant ses deux années de mandat. On a de plus en plus d’heures assurées par des vacataires, des précaires. On demande donc un plan de titularisation. ll y a eu des grands projets de réorganisation sur lesquels on a été vaguement consultés mais pas de vraie dynamique de concertation. »

      Le syndicat a également critiqué la présence de la police à plusieurs reprises sur le campus, lors de différentes moblisations.

      Quant à la succession d’Olivier Laboux : « La candidate qui se présente pour le remplacer estime Christèle Allès, est issue de son équipe et devrait mener la même politique. »

      https://www.youtube.com/watch?v=_ls9esYO6hM&feature=emb_logo

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/nantes/nantes-voeux-du-president-universite-annules-1780233.ht

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      Le texte de remerciements (sic) :

      Cher collègue, cher Président,

      Nous sommes venus vous adresser nos vœux de départ en retraite anticipée et vous remercier nous aussi pour les temps forts de ces huit années écoulées. Cette liste de nos remerciements est longue et non-exhaustive :

      Merci pour tous vos grands succès : la comue UBL, Next 1, la NU !

      Merci pour nous avoir consulté pour le logo de la nouvelle université, et de nous avoir épargné une consultation directe sur le fond !

      On est impatient de voir Next 2 et d’expérimenter collectivement la précarité à la sauce LPPR.

      Merci pour la préservation des pôles, au Nord et au Sud de la ville !

      Merci de lutter contre le réchauffement climatique en gelant tous ces postes de titulaires BIATSS et EC !

      Merci de préserver le suspens pour le jour de paie des vacataires !

      Merci pour l’erreur de la banque en faveur des vacataires, et merci d’avoir partagé la responsabilité de cette erreur avec tous les précaires !

      Merci d’être venu de si nombreuses fois sur le campus Tertre, comme aujourd’hui où vous repartez avant d’être arrivé !

      Merci d’avoir socialisé votre prime annuelle de 28 000 euros avec les collègues de catégorie C, un beau geste de team-building !

      Merci pour ces nombreuses fermetures administratives !

      Merci d’avoir permis à nos étudiants de passer leurs partiels dans des conditions sereines et dans le confort de leur 9 m² en « distanciel » !

      Merci pour votre sens inné du dialogue social !

      Merci de nous donner un coup de main pour relire les mails syndicaux en ce moment, et merci de les faire modérer à notre place !

      Merci de nous avoir fait l’honneur du titre de zadistes extrémistes !

      Merci d’avoir envoyé vos seconds couteaux briefer les syndicalistes étudiants !

      Merci d’avoir collabourer avec la Préfecture pour compléter le trombinoscope des étudiants !

      Merci d’avoir à de nombreuses reprises cultivé la proximité de nos étudiants avec les forces de « l’ordre » !

      Merci d’avoir familiarisé deux de nos collègues aux instances du conseil disciplinaire !

      Et enfin, nous vous remercions de votre hospitalité envers les exilé.e.s en pleine trêve hivernale !

      Chanson 1 (sur l’air des gilets jaunes) : On est là / On est là ! / Même si Laboux ne veut pas / Nous on est là / Pour l’honneur des enseignants / Et celui des étudiants / … / Pour l’honneur des vacataires / Et pour celui des précaires / ...

      Chanson 2 (sur l’air de « merci patron ») : Merci Laboux merci Laboux / Quel plaisir de travailler avec vous / On est heureux comme des fous / Merci Laboux merci Laboux / Ce que vous faîtes ici-bas / Un jour Vidal vous l’rendra

    • Les enseignants chercheurs et les étudiants de l’UPV disent non à la LPPR !

      https://www.youtube.com/watch?v=5LxnzmXQE6Y&feature=youtu.be

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      Montpellier. Grogne : les universitaires sont en colère contre la loi sur la recherche

      A Montpellier, les chercheurs dénoncent la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) portée par le gouvernement qui, selon eux, condamne la recherche publique.


      https://actu.fr/occitanie/montpellier_34172/montpellier-grogne-universitaires-sont-colere-contre-loi-sur-recherche_31156179

    • #Balance_ton_rapport (photos et vidéos) : tout le monde déteste l’HCERES
      Aujourd’hui 30 janvier 2020, j’ai participé avec une centaine de collègues universitaires, doctorant.e.s et étudiant.e.s, à une action à l’université Paris Diderot en protestation contre la réforme des retraites, les réformes Blanquer (lycées) et le projet de loi de Programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) : toutes ces réformes sont en effet liées par leur caractère systémique, autoritaire (aucun débat n’est possible), et ultra-libéral. Il s’agit de mettre en coupe réglée l’ensemble des services publics au profit du seul marché, en cassant les principes de solidarité et de collégialité de nos métiers. Ces réformes, issues de la radicalisation violente du libéralisme gouvernemental et entrepreneurial, sont toutes profondément injustes et inégalitaires. Elles vont accentuer la précarité et le centralisme bureaucratique partout où elles s’appliqueront. C’est pourquoi nous les refusons toutes en bloc, et c’est aussi pourquoi nous revendiquons non pas l’immobilisme, mais un débat authentique et un renforcement des solidarités et des collégialités contre la mise en concurrence de tous contre tous.

      Lors de cette action interprofessionnelle, il y a eu jonction entre plusieurs cortèges sur l’Avenue de France : université, personnels du rail, enseignant.e.s des lycées et collèges et personnels hospitalier. Enfin, l’action des universitaires et étudiant.e.s s’est terminée devant le bâtiment de l’HCERES (Haut Comité à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur) par un jet symbolique de rapports de recherche et d’évaluation devant la porte fermée à double tour de cette institution.

      Pour celles et ceux pas très au fait du volapuk universitaire, L’HCERES, pour reprendre l’expression ironique de pas mal de collègues quand leur labo ou leur formation est évaluée par cette bureaucratie, c’est les “bœuf carottes” de l’université. Alors que nous passons notre temps à rendre des comptes et à nous évaluer constamment les un.e.s les autres, l’HCERES en rajoute une couche tous les 5 ans, sur la base de critères que nous ne partageons pas et qui n’ont jamais été sérieusement débattus. Et ces évaluations sont fantastiquement chronophages : pour chaque labo ou chaque formation, elles imposent à des dizaines d’universitaires de travailler durant des mois pour justifier de leur métier au lieu de le pratiquer… L’HCERES n’a donc de cesse de nous empêcher de faire notre travail d’enseignant.e.s et de chercheurs par son harcèlement bureaucratique, et par son adhésion aux dogmes de la compétition et de l’autoritarisme managérial.

      En tant que chercheurs et chercheuses, nous savons pourtant que c’est la collaboration et l’auto-organisation qui favorisent la créativité dans la recherche et l’enseignement supérieur. De même que nous savons toutes et tous que ces réformes vont à l’encontre des urgences écologiques et de la préservation de la viabilité de la planète. En effet, comme l’a rappelé récemment le Réseau Thématique “Sociologie de l’environnement et des risques” (RT 38) de l’Association Française de Sociologie, “aucun progrès sur le plan environnemental ne sera efficient sans véritable progrès social“. Et comme le soulignent également les sociologues de l’environnement, on ne peut se satisfaire :

      Ni de la réforme des retraites actuellement induite par les fonds de pension – ce sont les mêmes organisations, tournées vers le profit à court terme, qui détruisent les conditions d’un monde viable.
      Ni de la Loi sur la programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) qui entrainerait des régressions sociales importantes et limiterait de fait les contributions pourtant nécessaires des chercheurs.es à l’analyse des enjeux sociaux et environnementaux.

      Fait symptomatique et assez comique, au retour de cette action qui se situait au siège de l’HCERES, pas très loin du bâtiment Olympe de Gouge de l’université Paris Diderot, la présidence de l’université – ou peut-être les services de répression… pardon… de sécurité de l’université – paniquée par la horde de vandales anarcho-punks au couteau entre les dents et au bâton de dynamite entre les mains qu’elle devait fantasmer à notre sujet, avait verrouillé toutes les grilles de l’entrée du bâtiment, et bloquait donc elle-même la circulation des étudiant.e.s et des collègues. En fait, il y avait une majorité de bac + 10, de professeur.e.s et de maitre.sse.s de conférences, de doctorant.e.s et d’étudiant.e.s, dont on sait parfaitement qu’ils et elles ne sont pas des adeptes du cocktail Molotov, mais plutôt de l’argumentation rationnelle et de la bonne vieille disputatio. Mais dans l’université de Paris 2.0, très “disruptive”, “communicante”, “inclusive” et “win-win”, il n’est pas question d’argumenter avec les enseignant.e.s et les étudiant.e.s : on bloque les accès de manière autoritaire et on appelle la sécurité. C’est lamentable, et ça en dit long sur les conceptions de la démocratie qui sévissent au sein de la présidence de cette université qui devient un lieu d’internement dès qu’un débat pourrait se mettre en place. Il est temps de dégager ces pompeux cornichons !

      Mais assez de texte ! Voici les photos de cette après-midi festive et mobilisée. Cliquez sur les images pour accéder à la visionneuse plein écran. Plus bas, vous avez une vidéo du lancer de rapports :


      http://igorbabou.fr/balance-ton-rapport-tout-le-monde-deteste-lhceres

    • Marche ou Grève #25 : Université, la rébellion face au désastre qui vient

      Dans le cadre de la mobilisation contre la réforme des retraites, un mouvement se massifie dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche contre des mesures annoncées par le gouvernement (Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche) qui amplifieront encore la précarité déjà existante.

      Depuis décembre, des étudiant-e-s et des personnels se mobilisent par la grève ou la suspension de leurs activités et l’implication dans des manifestations et des actions diverses. La table ronde d’aujourd’hui vise à appréhender l’ensemble des enjeux de cette mobilisation avec des représentant-e-s des différents acteurs des facs et des labos en lutte tandis qu’une coordination nationale des universités se tiendra ce week-end.

      https://www.lemediatv.fr/emissions/marche-ou-greve/marche-ou-greve-25-universite-la-rebellion-face-au-desastre-qui-vient-TRLc

    • #Précaires de l’enseignement et de la recherche : on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche

      Un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines contre la réforme des retraites, appelle à « la prise de risques pour sauver l’Université publique ». Il propose notamment aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à « une démission collective des fonctions administratives ».

      Ces derniers jours, différents médias, dont Mediapart, ont relayé plusieurs textes relatifs à la mobilisation en cours dans notre secteur, qui nous ont interpellé·es. Nous sommes un collectif de précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en Île-de-France, mobilisé·es depuis plusieurs semaines pour protester tant contre la réforme des retraites que contre les transformations promises à l’Université par le gouvernement actuel. Faisant ici particulièrement référence à la loi pluriannuelle de programmation de la recherche (LPPR) annoncée, nous n’en oublions pas pour autant les différentes mesures mises en place depuis plusieurs années, visant à réduire les possibilités ouvertes aux chercheur·euses de produire et de diffuser le savoir. Force est de constater que l’accumulation rapide de réformes structurelles réduisent et réduiront encore comme peau de chagrin tant la qualité des travaux de recherche en France que les enseignements dispensés aux étudiant·es. Le cocktail des réformes s’avère ainsi particulièrement brutal, teinté de mépris et deviendra sans aucun doute explosif si ces dernières aboutissent. Si les revendications du secteur de l’ESR gagnent en visibilité, certains points brillent par leur absence, en témoignent les nombreuses tribunes de titulaires qui passent sous silence nos conditions de travail et nos luttes.

      Nous sommes d’abord touché·es par l’invisibilisation voire, parfois, la déconsidération des précaires de l’ESR qui affleurent dans différents articles publiés, en dépit de nos nombreux comptes-rendus d’assemblées générales et communiqués largement relayés, notamment via le site de l’Université ouverte[1]. La condition spécifique des précaires de l’ESR, résultat de politiques néolibérales engagées depuis au moins une quinzaine d’années, est pourtant au cœur de ce qui devrait constituer le refus de ces réformes. Les précaires constituent par ailleurs une masse de travailleurs·ses non négligeable[2] qui participent à l’effort de production intellectuelle et d’enseignement en France. Ces « oublis » renforcent une représentation tronquée de l’Université, où notre travail de fourmi, nécessaire, est passé sous silence : tout comme nous corrigeons l’immense majorité des partiels, réalisons la quasi-totalité des heures de travaux dirigés ou assurons une part cruciale de l’administration universitaire, nous — et en particulier des femmes — sommes des piliers de la mobilisation actuelle, dans ses différents foyers, où nous peinons à mobiliser nos pairs titulaires. Ces textes reflètent la négation tant de notre existence en tant que collectif faisant partie intégrante de la « communauté universitaire », que de notre nécessaire voix pour mobiliser en son sein.

      Jusqu’ici, nous avons soit été englobé·es dans un groupe admonesté sur un ton paternaliste quant aux modalités de sa mobilisation, soit réduits à une marge d’« excité·es ». Nous appelons au contraire la communauté universitaire à se saisir de l’opportunité de cette mobilisation pour remettre en cause les rapports de domination qui la gouvernent.

      Cette invisibilisation des précaires comme groupe et acteur important des mobilisations actuelles se répercute dans la critique politique. Nous ne contredisons pas les collègues concernant la nécessité d’être inventif dans la lutte ni sur le diagnostic d’un manque d’indépendance de l’Université et d’une aggravation de la situation avec les réformes promises. Mais ces dernier·es écartent trop souvent toute une autre série de problèmes : les transformations à venir de l’Université vont également renforcer des logiques de précarisation[3]. Notoirement, l’accès à un poste pérenne dans l’ESR arrive en moyenne à l’âge de 34 ans, soit 10 ans environ après le début d’une thèse. La mise en place d’un dispositif de « tenure track » — directement importé du modèle américain, ou, plus concrètement, un CDD de 6 ans post-thèse avant l’obtention d’un poste — allongera sans aucun doute la durée de carrières déjà longues et chaotiques. Faut-il rappeler que les précaires de l’ESR réalisent la même variété d’activités que leurs collègues titulaires[4], dans des conditions d’incertitude autrement plus difficiles ?

      L’enjeu de la titularisation colonise nos intimités : comment prendre du repos quand il faut publier sans cesse pour espérer être recruté·e ? Est-il acceptable de devoir attendre la quarantaine pour savoir si et où l’on va pouvoir s’installer ? Comment travailler sereinement, quand les vacations — des charges administratives ou d’enseignement ponctuelles — sont payées avec des mois, voire une année de retard, et parfois assurées sans même qu’un contrat de travail n’ait été signé ? Comment survivre tandis que du travail gratuit nous est de plus en plus fréquemment extorqué, alors qu’entre corrections et préparations de cours nous touchons en majorité moins qu’un SMIC horaire ? Nous n’acceptons plus d’être réduit·es à des pions interchangeables, à une main-d’œuvre anonyme et corvéable à merci. De telles conditions de travail dans un secteur désinvesti par les financements publics conduisent à considérer les non-titulaires de l’ESR comme des objets — y compris sexuels, comme le prouvent tristement les nombreuses révélations de viols et d’agressions sexuelles à l’encontre d’étudiant·es et de doctorant·es[5]. Pour autant, et en dépit des conditions objectives de travail qui nous atomisent (rares sont les précaires d’Île-de-France qui ont accès à un bureau) et nous placent dans un système de féroce compétition pour l’obtention d’un poste pérenne, nous parvenons à (nous) mobiliser, et nous attendons, sans tomber dans le corporatisme, un soutien effectif et bienveillant de la part de nos pairs titulaires et par-là bien mieux protégé·es.

      Nous rappelons que nous sommes en grève et appelons à l’arrêt total des activités administratives, d’enseignement et de recherche. On ne « soutient » pas la grève : on la fait ou on l’empêche. Ce mode d’action est prioritaire : la grève réaffirme notre statut de travailleurs·ses, et signifie à nos collègues, aux étudiant·es et à l’ensemble de la société civile que l’université publique et la recherche émancipée des intérêts privés ne peuvent exister sans nous. La grève est utile : elle dégage le temps nécessaire pour intervenir dans les universités ouvertes, dans la construction de solidarités entre établissements et dans le blocage des autres secteurs au travers de coordinations interprofessionnelles. Par ailleurs, elle politise nos universités, en suscitant des interactions avec et entre nos étudiant·es et permet de rendre compte des conditions indignes de travail et de rémunération dans lesquelles nous enseignons, ainsi que des conséquences à très court terme des réformes en cours. Du fait de notre position dominée, nous sommes au contact direct des étudiant·es les plus fragiles, et ne pouvons que constater qu’il serait indécent de continuer à travailler eu égard à cette précarité étudiante, qui, aujourd’hui, s’avère mortelle, comme en témoigne la triste actualité d’un étudiant lyonnais qui s’est immolé par le feu devant le siège du Crous. Nous côtoyons quotidiennement les premières victimes d’une destruction accélérée de l’Université publique, mais aussi du système de solidarité français.

      Afin de nous montrer un réel soutien, nous proposons aux enseignant·es titulaires un nouveau moyen d’action, en les appelant à une démission collective des fonctions administratives. À l’instar des hospitaliers, il est temps pour les enseignant·es-chercheurs·ses de se mobiliser à la hauteur de l’urgence. Il est désormais l’heure pour ces enseignants·es de prouver leur solidarité avec l’ensemble des personnels de l’ESR, de considérer leur position privilégiée et d’assumer pleinement les responsabilités qu’une telle position implique. La prise de risques pour sauver l’Université publique et gratuite ne peut incomber uniquement aux étudiant·es, privé.es de formation diplômante, et aux précaires.

      En bref, nous ne sommes ni angoissé·es ni excité·es. Nous sommes déterminé·es et en colère. La revendication d’un plan de création massif de postes de titulaires (BIATSS, ITA, enseignant·e·s-chercheur·ses) constitue notre revendication centrale et doit devenir celle de l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous ne nous battrons pas pour d’autres revendications tant que celle-ci ne sera pas satisfaite. Nous exigeons de l’ensemble des titulaires qu’ils et elles nous rejoignent dans la grève des activités administratives, pédagogiques et scientifiques. Nous n’organiserons pas les diplômes, nous refuserons de prendre des postes de vacataires, nous ne ferons pas la rentrée. Nous appelons à ce titre l’ensemble des acteurs·trices de l’enseignement supérieur et de la recherche à nous rejoindre massivement dans l’effort de grève. Nous enjoignons également tous·tes les étudiant.es à rejoindre cette mobilisation, en participant aux assemblées générales, en renforçant les piquets de grève, en grossissant les rangs des manifestant.es, pour des conditions de travail et d’étude décentes, pour une université gratuite et ouverte à toutes et tous. Soyons collectivement à la hauteur des enjeux : il en va de notre système de retraite, de notre avenir professionnel et de celui de l’Université publique.

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/300120/precaires-de-l-enseignement-et-de-la-recherche-ne-soutient-pas-la-gr

    • L’université a besoin du soutien des #parents

      A vous, parents de nos étudiant·e·s,
      A vous, à nous tou·te·s mères, pères de tous nos enfants et de tous nos jeunes,
      A vous, à nous, adultes qui participons à faire grandir et à former les jeunes

      Partout en France, dans les universités et les équipes de recherche, enseignant·e·schercheur·e·s, doctorant·e·s, jeunes chercheur·e·s et étudiant·e·s se mobilisent contre le projet
      de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).

      D’autres mobilisations ont lieu en même temps dans les secteur éducatif et culturel et dans les hôpitaux. Et des millions de voix s’élèvent depuis plusieurs mois contre la réforme des retraites.
      Les institutions du service public en charge de la transmission, du soin et du souci des autres, celles qui sont au service des plus jeunes, des plus âgés, ou des plus vulnérables, sont en
      colère : elles connaissent depuis plusieurs années une dégradation du service qu’elles sont censées rendre, à cause d’un #sous-financement chronique que les réformes actuelles,
      conduites au nom de #mesures_d'économies, de la #compétitivité, et de l’#optimisation vont
      accentuer.

      Pourquoi ce mouvement contre la « LPPR » ? Et pourquoi est-il essentiel de partager avec vous les raisons de cette mobilisation ?

      Une mise en cause obstinée de la mission de partage et de transmission aux plus jeunes par un sous-financement chronique et organisé de l’université publique

      Comme le souligne le site Sauvons l’université , une loi de Programmation 1 Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) serait en principe une bonne chose, s’il s’agissait d’un engagement
      financier de l’État sur plusieurs années. La France en a besoin : la recherche publique et l’enseignement des savoirs issus de la recherche sont des activités vitales pour les pays et les
      sociétés humaines.

      Or depuis quinze ans, et particulièrement depuis le vote en 2007 de loi dite « Responsabilité et autonomies des universités » (LRU) dont les effets délétères avaient pourtant été annoncés,
      les postes à l’université ont énormément diminué, alors que les étudiant·e·s sont de plus en plus nombreux et nombreuses. Cela a entraîné une dégradation des conditions d’apprentissage et de travail à l’université que vos enfants, les jeunes de ce pays, subissent, à nos côtés : locaux vétustes et parfois peu ou mal chauffés, intervenants peu ou pas payés et précarisés, difficultés croissantes à mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques originales et créatives en dépit du terme trompeur d’« autonomie » des universités, qualité de l’encadrement fragilisée, etc.
      Malgré un engagement de tous les jours auprès des étudiants, nous avons de plus en plus
      de difficultés à faire dignement notre métier d’enseignant.
      Cette dégradation s’est accompagnée de la mise en place d’un système de #sélection et d’orientation ubuesque, et que vous connaissez toutes et tous : la plateforme #Parcoursup. Vous
      et vos enfants êtes désormais pris dans un véritable parcours du « combattant » (figure valorisée par un pouvoir obsédé par la compétition), qui ne garantit pas aux étudiant·e·s de
      s’engager sereinement et intelligemment dans des études qui les mèneront à leur vie professionnelle. De leur côté, les enseignant·e·s-chercheur·e·s se retrouvent chaque année
      dans la situation absurde d’être obligés de « trier » des dossiers sans véritables critères justes.

      Au nom d’évidences indiscutables pour le pouvoir, et pourtant choquantes, il semble impossible d’accueillir plus d’étudiant·e·s. On nous dit qu’il faut faire barrage à ceux qui « n’y auraient pas leur place ». Pourquoi une conquête des politiques éducatives des années 1980 (amener 80% d’une classe d’âge au baccalauréat) est-elle devenue aujourd’hui pour les hommes et les femmes politiques une sorte de scandale irréaliste ? Pourquoi des politiques publiques pensées et mises en oeuvre après la seconde guerre mondiale, dans des conditions difficiles dans un pays appauvri et qui ont permis l’accès de la population et notamment des plus jeunes à la santé, à la justice, à l’enseignement et la formation, deviennent-elles soudain impensables et déraisonnables ? Pourquoi enfin l’une des premières puissances économiques mondiales, qui a été capable d’injecter en quelques jours des milliards dans son système bancaire quand celui-ci était en
      difficulté, qui a pu dégager des milliards de crédits d’impôts au bénéfice des entreprises, rechigne-elle tant désormais à utiliser sa richesse pour sa jeunesse, en finançant comme il se
      doit ses universités et ses institutions éducatives et culturelles ?
      Le #mépris dans lequel le pouvoir actuel tient l’université publique, et ce faisant une partie de nos jeunes, est extraordinairement choquant. Il est intolérable car il signifie que nous ne faisons plus société collectivement, et que nous sommes prêt·e·s à spolier certain·e·s au bénéfice d’une petite partie. Une grande part de la richesse publique est dissipée dans des crédits d’impôts qui ne servent plus fondamentalement les besoins essentiels des populations.
      Et l’accroissement des inégalités et les gains indécents des actionnaires sont devenus tels que des hauts fonctionnaires, des cadres, et certains millionnaires en viennent à soutenir les
      mobilisations en cours, refusant d’être les bénéficiaires de politiques qui se font au prix du mensonge et de l’indignité.

      Les diagnostics des « experts » et le projet de réforme : ce qui ne va pas du tout !

      Les experts qui sont à l’origine du projet de réforme font un diagnostic que les enseignant·e·s-chercheur·e·s partagent en partie : la recherche manque d’argent, et les enseignant·e·s-chercheur·e·s sont mal payé·e·s. Ils ajoutent à cela un discours inquiétant, voire décliniste, sur la position de la recherche française et des universités à l’international, parlant « d’#urgence à agir » et de lutte contre « le #décrochage_scientifique ». Une telle situation exige à leurs yeux la refonte de fond en comble de la recherche et des universités, en conditionnant les financements à des logiques productivistes, de compétition, et en obéissant à des principes « managériaux » permettant de « piloter » la recherche d’en haut, via de grands projets aux thématiques imposées.

      Pourquoi sommes-nous opposé.e.s à leurs propositions ?

      Contre les logiques productivistes et de compétition à tout va

      Les auteurs d’une tribune récente dans Le Monde rappellent les résultats indiscutables de l’évaluation statistique des politiques publiques : la quantité de publications scientifiques est proportionnelle à l’argent investi dans la recherche, elle est pratiquement insensible aux réformes structurelles. Or pendant les quinze dernières années, l’effort financier s’est concentré sur une niche fiscale, le crédit d’impôt recherche, destinée à contourner l’interdiction européenne des aides publiques directes aux entreprises. L’évaluation officielle qui en a été faite montre que même son effet sur l’investissement privé est négatif. On
      appauvrit pour rien l’institution publique universitaire.

      Nous savons par ailleurs que la logique productiviste et la compétition forcenée sont destructrices des coopérations, des collectifs et des individus, et n’ont plus de sens face à l’imminence des transformations environnementales massives qui impacteront vos enfants, nos enfants.

      Nous ne cessons de lire et d’entendre que les mesures d’économies se font pour ne pas léguer des dettes aux générations futures. Mais nous privons la recherche et l’enseignement des moyens de s’adapter aux priorités vitales, de créer, et d’expérimenter dans un monde abimé qui doit rester habitable et riche d’avenirs possibles pour notre jeunesse. La recherche, réduite à la vision qui inspire le projet de réforme, aveugle et enferme plus qu’elle n’éclaire et émancipe.

      Contre la logique managériale et le « #pilotage » d’en haut

      Nous l’avons dit : non seulement l’Etat ne donne pas les moyens aux enseignant·e·scherheur·e·s de mener à bien leurs missions de service public, mais il les pointe du doigt, dénonçant leur manque de productivité et de compétitivité.

      Nous tenons d’abord à dénoncer le procédé qui est désormais bien connu et qui s’applique aussi à l’hôpital : les institutions sont entravées, les dysfonctionnements sont dénoncés, et les entreprises privées désignées comme étant plus efficaces. Une telle attitude repose sur une foi déraisonnable dans les vertus d’un management particulièrement virulent quand il s’agit de « transformer » une organisation, toute opposition étant qualifiée de « résistance au changement ». C’est ce qui s’est passé à #France_Télécom, avec les effets humains désastreux que vous connaissez. Nous refusons cette situation dans laquelle nous sommes placé·e·s, et tenons à affirmer que nous « ne résistons pas au changement » comme il est courant d’entendre dire. Nous résistons à ce changement et, en dépit de toutes les difficultés, ce que nous voulons c’est une université ouverte à l’ensemble des étudiant·e·s, autonome, gratuite et
      où l’#esprit_critique se cultive ; une université où les étudiant.e.s se forment à un métier et trouvent ainsi leur place dans la société, où ils et elles peuvent aussi transformer celle-ci à partir de leurs aspirations ; une université où l’on apprend à observer et à analyser le monde et à faire en sorte qu’il soit habitable et qu’il le redevienne pour celles et ceux qui en sont exclu·e·s ; une université, enfin, qui rayonne.

      Les rapports préparatoires à la loi proposent pour leur part un management de la recherche sur projets, ceux-ci décidés « en haut », participant d’une concentration du pouvoir au niveau de l’État que l’on observe dans de nombreux domaines depuis plusieurs années. Mais là encore, si notre gouvernement souhaite une recherche puissante, il doit laisser aux chercheur·e·s de
      l’autonomie et de la liberté, une autonomie et une liberté que le monde académique encadre lui-même puisque nous ne cessons d’évaluer les travaux de nos confrères et consoeurs, et d’être évalué.e.s par eux et elles.

      Et nos étudiant·e·s dans tout ça ? Et l’enseignement ? Les grands absents… à moins que…

      Les rapports préparatoires à la loi ne se préoccupent nullement de la qualité de l’enseignement délivré aux étudiant·e·s. Cela semble indifférent aux experts qui les ont préparés, obnubilés par la productivité et la compétition internationale où seule la recherche compterait.

      Pire encore, un élément important de la réforme trahit une indifférence à la jeunesse : alors que les universitaires sont à la fois chercheurs et enseignants, et qu’ils et elles ne conçoivent pas de séparation entre ces deux activités, la réforme prévoit d’alourdir les charges d’enseignements de certain·e·s, l’enseignement devenant une sorte de #punition, pour permettre aux « meilleur·e·s » de se consacrer à leurs recherches. C’est là une vision de
      l’enseignement qui nous scandalise, et qui trahit une méconnaissance totale de ce qui fait la force et la spécificité de l’université : l’imbrication étroite de la recherche et de l’enseignement qui permet d’enseigner des savoirs régulièrement mis à jour, et non des connaissances statiques, périmées ou figées dans des programmes édictés par des bureaucrates.

      Enfin, nous sommes en droit de nous demander si cette réforme, qui risque d’accentuer et d’encourager un monde universitaire à plusieurs vitesses, ne mènera pas au développement de formations universitaires payantes (plus ou moins chères selon le rang de l’université) et au développement du crédit aux étudiants.

      Réfléchir et assumer ce que nous voulons collectivement pour notre jeunesse
      Alors, que souhaitons-nous pour l’université ? Nos propositions, constamment réitérées et jamais entendues par le gouvernement, nous voulons les partager avec vous, car nous avons l’espoir que nous pouvons tous et toutes agir en tant que parents de l’ensemble de la jeunesse.

      Signalons pour commencer que tout n’a pas à être détruit dans notre système : en dépit d’un discours de dévalorisation permanente de l’ensemble du système éducatif et universitaire français, fondé sur la conviction idéologique absurde qu’un secteur public non compétitif ne peut être de même niveau qu’un secteur soumis à la concurrence, le modèle universitaire français continue de fonctionner et d’attirer des jeunes du monde entier. De nombreux collègues et étudiants de pays supposés être « en avance » dans la réforme nous demandent de résister au démantèlement de notre espace universitaire qui reste ouvert, même s’il a été profondément altéré depuis 15 ans. Il conserve encore des potentialités de régénération que nous avons le devoir de maintenir :

      1. L’université accueille et doit continuer d’accueillir un public nombreux, aux caractéristiques socio-culturelles diverses. Il s’agit d’un service public d’enseignement ouvert à toutes et tous, et gratuit et nous devons absolument aller vers un accès encore plus ouvert même si des formations ou filières sont plus sélectives que d’autres. L’université soit s’enrichir de la diversité sociale et culturelle, et non courir le risque de s’aligner sur la médiocrité déjà souvent constatée d’une « élite » sociale internationale insensible, peu créative, et nourrie par les idéologies du management et par des clichés dépassés sur les
      sociétés et sur l’environnement. Nous souhaitons préserver les valeurs d’un service public ouvert à toutes et tous, combattant les inégalités au lieu de les exacerber.

      2. L’université doit être pensée à l’échelle des générations et non par rapport à des impératifs du seul marché. Aligner la définition des thématiques prioritaires à l’agenda industriel - notamment celui des industries américaines du Web qui posent de graves problèmes juridiques, éthiques, environnementaux - ne permet pas à la recherche d’être en phase avec ce qui se passe. La recherche ne peut pas se donner les moyens d’appréhender la société actuelle si elle est financée par des gens qui ne considèrent qu’une infime de partie de
      cette société. L’université transmet des savoirs sur le long terme qui ne se laissent pas réduire à des statistiques de réussite. Les étudiant·e·s en ressentent les bénéfices parfois des années après avoir reçu leur diplôme et après avoir intégré le monde professionnel.

      3. L’université est un lieu d’émancipation. La société doit se nourrir des aspirations de sa jeunesse et non lui demander de sacrifier celles-ci. Pour cela, l’université doit se réformer, surtout pas dans le sens d’un accroissement de la hiérarchie et de la bureaucratie managériale, mais dans le sens d’un accroissement des libertés d’expérimenter, car la pensée ne peut pas engendrer de nouvelles idées lorsqu’elle se trouve prise dans des carcans normatifs et idéologiques.

      4. Les études universitaires sont un temps de découverte, d’ouverture sur le savoir et, plus largement, sur le monde, qui devrait bénéficier à toutes et tous : à celles et ceux qui font des études, à celles et ceux qui contribuent à la production des savoirs, à celles et ceux qui comptent sur les savoirs. Ce que nous reconnaissons être essentiel pour les plus jeunes enfants vaut pour l’ensemble des étapes de la vie. Nous savons tous, en tant que parents et
      enseignants que le renforcement des inégalités par la mise en concurrence permanente ne donne rien de bon. C’est une volonté commune d’aller vers la #coopération qui est à la base de nos efforts éducatifs Or, face aux crises que nous vivons, il est temps de prendre au sérieux, enfin, la coopération, trop souvent reléguée au monde domestique ou non productif.

      5. Les universités sont ancrées dans des territoires. Elles dépendent non seulement des activités des enseignant·e·s, des chercheur·e·s et des étudiant·e·s mais aussi de dizaines, de centaines, des milliers de personnes qui y interviennent : enseignant·e·s vacataires, ingénieur·e·s, technicien·ne·s, et personnels administratif, dont certains sont mal payés, et parfois même ne sont pas payés. Ces personnels sont celles et ceux qui accueillent, nettoient,
      réparent, entretiennent nos établissements publics. Il y a également celles et ceux qui, par dizaines, par centaines, par milliers, aident d’une manière ou d’une autre à la production des savoirs publics et à leur diffusion, et contribuent aux milliers d’enquêtes, à des productions culturelles, à la transmission, à des expérimentations pédagogiques. Nous souhaitons que ces contributions, ces liens, ces partages, soient reconnus, et qu’ils soient structurants : ces liens et partages sont masqués au profit d’une représentation tronquée de la recherche et de l’université, comme étant uniquement affaire de spécialistes.

      Chers membres de la communauté des parents, chers adultes, nous sommes collectivement responsables des enfants et des jeunes. Les universités peuvent vous sembler lointaines, elles peuvent vous sembler complexes, mais elles sont essentielles pour l’avenir de nos jeunes et elles sont publiques. Merci de les aider. Ne laissons pas la politique actuelle devenir une machine à désespérer et à dépouiller les générations futures de l’intérêt général du service public. Soutenez la mobilisation des universités, soutenez la mobilisation de l’ensemble du
      système éducatif, soutenez la mobilisation de toutes les institutions de service public : éducation, recherche, culture, santé, soin, justice. Nous en avons hérité collectivement, nous devons les transmettre. Manifestez avec nous, rejoignez les mouvements de parents en soutien aux enseignants et à leurs enfants mobilisés. Ecrivez à vos élus, prenez la parole et la plume pour défendre une université et une recherche au service de l’intérêt général, pour défendre plus largement tout ce que nous devons transmettre à nos jeunes : sans vous, sans le soutien du public, cet héritage disparaîtra.

      Le 29 janvier 2020,
      Douze enseignants-chercheurs (Cergy, Université Polytechnique des Hauts de France, Lille,
      Paris-Diderot, Paris 13, Sorbonne Université - CELSA & INSPé, Paris 8, Sorbonne Nouvelle-
      Paris 3).

      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents
      https://aoc.media/opinion/2020/02/03/luniversite-a-besoin-du-soutien-des-parents

    • Motion de la coordination des facs et Labos en lutte - 2 février 2020

      Calendrier voté en AG :
      – 5 février : journée d’anniversaire de la mobilisation + journée de la fonction publique
      – 6 février : journée interpro
      – 11 février : journée de mobilisation sur la précarité (a l’appel des précaires)
      – 17 février : journée interpro
      Entre le 17 février et le 5 mars : mobilisations sur toutes les journées interpro
      – 5 mars : première journée "l’université et la recherche s’arrêtent"
      – 6 et 7 mars : coordination nationale
      – 8 mars : des cortèges ESR dans les mobilisations et les grèves féministes

      La coordination nationale des facs et labos en lutte réunie les 1er et 2 février 2020 à Saint-Denis, aux côtés d’autres secteurs en lutte, a rassemblé plus de 750 étudiant·es, enseignant·es et/ou chercheur·es appartenant à 82 disciplines, ingénieur·es, membres des personnels administratifs, techniques, sociaux, de santé et des bibliothèques (BIAT.O.SS, IT.A), précaires ou titulaires, venu·es de nombreux établissements d’Île-de-France et de 33 autres agglomérations, ainsi que de 5 pays étrangers.

      Dans la continuité du mouvement interprofessionnel initié le 5 décembre, la coordination appelle à la grève contre la casse des retraites, la réforme de l’assurance chômage, la sélection à l’université (ParcourSup), l’augmentation des frais d’inscription et en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (Bienvenue en France), la réforme de formation des enseignant·es, et le projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), qui, dans l’esprit de la Loi de Transformation de la Fonction Publique de 2019, va achever la destruction du service public de l’enseignement et de la recherche. Nous savons que ces logiques néolibérales ne sont pas propres à notre secteur. Elles frappent avec violence tous les secteurs publics et s’intensifient dans les secteurs privés : mise en concurrence systématique, sur-travail et travail gratuit, dérives managériale et autoritaire, perte de sens du métier et de son utilité sociale, maltraitance et souffrances des agent·es comme des usager·es, course à la rentabilité, recul de la solidarité, précarisation, bureaucratisation, répression, division internationale inégalitaire du travail scientifique, discrimination selon le genre, la classe, la race, le handicap, la nationalité, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, etc. La précarité structurelle et la dégradation des conditions de travail, d’étude et de vie, qui touchent les acteurs et actrices du privé comme du public, affectent d’ores et déjà le monde universitaire.

      En effet, l’université et la recherche reposent aujourd’hui sur le travail gratuit, l’exploitation et l’invisibilisation d’un ensemble de travailleur·ses : membres du personnel d’entretien, de sécurité, de restauration, dont les tâches sont massivement sous-traitées ; membres du personnel technique et administratif ; soignant·es et travailleur·ses sociales·aux ; étudiant·es ; doctorant·es et post-doctorant·es, vacataires d’enseignement et de recherche. Ici comme ailleurs, cette précarité, qui touche prioritairement et plus durement les personnes appartenant à des groupes discriminés, peut se traduire par le mal-logement et la malnutrition, le manque d’accès aux soins et aux produits de première nécessité, la mobilité forcée, des souffrances psychiques (burn out, dépression, anxiété, etc.).

      Malgré les déclarations d’intention, cet ensemble de réformes n’offre aucune solution à cette précarité généralisée mais, bien au contraire, l’aggrave. La réforme des retraites, dans un milieu marqué par des carrières tardives et hachées, viendrait prolonger ces situations de précarité après l’arrêt de l’emploi. Avec la réforme de l’assurance-chômage, qui cible les contrats courts, les précaires de l’enseignement et de la recherche voient leur situation s’aggraver. La Loi Pluriannuelle de Programmation de la Recherche (LPPR) en préparation dégraderait les statuts et les conditions de travail (CDI-chantier, tenure track, généralisation du financement sur appel à projets…). La sélection à l’entrée et l’augmentation des frais d’inscription à l’université détérioreraient encore davantage les conditions d’étude et de vie des étudiant·es, en particulier étrangèr·es.

      Contre cette vision néolibérale et autoritaire, contre la marchandisation des savoirs, nous voulons un véritable service public d’enseignement et de recherche, intégré à une éducation publique de qualité de la maternelle à l’université, financé à la hauteur de ses besoins grâce à un plan d’investissement massif jusqu’à 1% du PIB pour la recherche publique. Contre la prolifération des emplois précaires, nous voulons un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires. Contre la précarité étudiante, nous voulons la mise en place d’un salaire étudiant. Contre l’extractivisme scientifique et la colonialité de la recherche et de l’enseignement, nous voulons des relations scientifiques et universitaires fondées sur le partage et la co-construction des savoirs ainsi que sur la libre circulation des personnes. Contre la compétition généralisée, les logiques d’exclusion et de discrimination, nous voulons une université ouverte à tout·es, fondée sur la coopération, productrice d’émancipation collective et de justice sociale.

      Jusqu’au retrait de l’ensemble de ces réformes, nous continuerons la lutte aux côtés de nombreux autres secteurs, en nous mobilisant au sein de l’enseignement et de la recherche, comme dans les actions interprofessionnelles. Nous condamnons absolument les violences policières et la répression qui s’abattent sur les mouvements sociaux, comme elles frappent déjà constamment les personnes les plus précarisées et les plus discriminées. Face à l’obstination et à la violence du gouvernement, nous appelons à poursuivre et étendre la grève reconductible dans l’enseignement et la recherche !

      Cette motion est adoptée à l’unanimité des votant·es, avec trois abstentions.

      La coordination nationale appelle à la tenue d’assemblées générales locales (de laboratoires, de départements, d’UFR et d’universités ; de catégories d’usager·es et de travailleur·ses) afin d’organiser la grève notamment grâce aux modalités d’action suivantes.

      Voici la liste des différentes propositions d’action issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Mise en place d’une grève réelle et effective :

      – Bloquer et dénoncer toutes les sanctions pédagogiques et disciplinaires ainsi que les pressions hiérarchiques contre les lycéen·nes, étudiant·es et travailleur·ses mobilisé·es.
      – Mettre fin aux heures complémentaires pour tou·tes les travailleur·ses titulaires.
      – Se réunir en rencontres inter-catégorielles, inter-disciplinaires, inter-composantes, inter-labos pour discuter de la mobilisation.
      – Appeler les travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche titulaires à :
      ne plus donner cours pour libérer à tou·tes du temps pour la mobilisation
      refuser d’organiser les partiels en modifiant si nécessaire les règles de contrôle des connaissances.
      pratiquer la rétention des notes et cesser toute forme d’évaluation.
      cesser la remontée des maquettes.
      refuser de participer aux jurys semestriels.
      cesser toute activité de recherche (terrains, expériences, traitements de données, rédactions…).
      interrompre l’activité des revues scientifiques.
      annuler l’organisation ou la participation à tous les événements et réunions scientifiques.
      suspendre jusqu’à nouvel ordre tout appel à communication ou à contribution.
      n’assurer le travail d’encadrement de la recherche qu’en réponse à des demandes explicites des étudiant·es ou des doctorant·es concerné·es.
      refuser de recruter des vacataires pour la prochaine rentrée.
      refuser tout contrat LRU, CDI chantier, contrat trop court et vacations abusives ; exiger à la place des contrats de travail en bonne et due forme.
      participer à l’alimentation des caisses de grève, notamment en reversant des jours de salaire lorsqu’ils ne sont pas prélevés.
      bloquer ParcourSup.
      refuser de participer aux corrections et aux jurys du baccalauréat et de tous les concours de l’Éducation Nationale.
      arrêter de gérer les contrats.
      boycotter et démissionner des systèmes d’évaluation (HCERES, ANR, etc.).
      démissionner des responsabilités collectives.
      Actions de pression et de visibilisation :

      – Envoyer massivement des articles aléatoires aux revues prédatrices.
      – Fabriquer un mini-mémo avec les droits et l’explication des réformes.
      – Faire des séances de mobilisation avec les étudiant·es.
      – Faire signer un contrat d’engagement individuel à tout arrêter.
      – Signer les publications « Université publique » ou « Service public de l’enseignement et de la recherche ».
      – Facturer le temps de travail pour l’ANR et l’envoyer à l’ANR.
      Pour une mobilisation interprofessionnelle :

      – Organiser et animer des universités ouvertes et populaires permanentes.
      – Rejoindre et participer activement aux actions interprofessionnelles.
      Pour une mobilisation inclusive et solidaire :

      – Mener des actions juridiques et solidaires des travailleur·ses et étudiant·es étrangèr·es de l’enseignement et de la recherche.
      – Mener des actions juridiques et solidaires des réprimé·es du mouvement social.
      – S’opposer aux contrôles des titres de séjours des étudiant·es dans les universités.
      – Dénoncer toutes les discriminations dans les procédures de recrutement en France.

      La coordination nationale appelle également à ce que les assemblées générales locales se prononcent collectivement sur les revendications suivantes pour mandater sur ces points des délégué·es à la prochaine coordination nationale des Facs et Labos en Lutte qui se tiendra les 6 et 7 mars 2020.

      Voici la liste des différentes propositions de revendications issues des assemblées générales et des ateliers de la coordination nationale des 1er et 2 février 2020.
      Le retrait des réformes et des projets de réforme suivants :

      – Réforme des retraites.
      – Réforme de l’assurance chômage.
      – Sélection à l’université (ParcourSup).
      – Augmentation des frais d’inscription, en particulier pour les étudiant·es extra-européen·nes (« Bienvenue en France »).
      – Projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR).
      – Loi de Transformation de la Fonction Publique.
      – Réforme de la formation des enseignant·es.
      Pour un monde de la recherche et une université égalitaires et non-discriminantes :

      – Mettre un terme aux discriminations dans les recrutements et instaurer l’égalité dans les rémunérations et les responsabilités.
      – Abroger les critères de nationalité dans l’accès aux études, aux postes et aux financements.
      – Garantir à tou·tes les étudiant·es étrangèr·es le droit d’étudier en sécurité administrative et juridique (renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée des études).
      – Garantir à tou·tes les chercheur·ses étrangèr·es un visa.
      – Imposer le respect effectif du droit à utiliser un prénom d’usage.
      – Développer les programmes d’accueil des étudiant·es et chercheur·ses en danger dans leurs pays de résidence.
      – Avoir dans toutes les instances de décision des représentant·es de tou·tes les membres de l’enseignement et de la recherche (précaires, étudiant·es, etc.).
      – Appliquer des sanctions réelles contre les personnes coupables de harcèlement sexuel et/ou moral.
      – Mettre en place des crèches gratuites dans les universités et les établissements de recherche.
      – Recruter des soignant·es et des travailleur·ses sociales·aux.
      Pour l’amélioration des conditions de travail et d’étude dans l’enseignement et la recherche :

      – Une université gratuite pour tou·tes et ouverte à tou·tes.
      – Le respect du droit du travail.
      – La rémunération de toutes les activités invisibles effectuées par les travailleur·ses administratif·ves, techniques et ingénieur·es (BIAT.O.SS et ITA), les enseignant·es et/ou chercheur·ses non-titulaires, les étudiant·es.
      – La revalorisation immédiate des bourses étudiant·es et la mise en place d’un salaire étudiant pour toutes et tous.
      – L’arrêt de la sous-traitance et la réintégration des services externalisés dans nos établissements.
      – La revalorisation des grilles de salaires de toutes les catégories de travailleur·ses et l’augmentation du point d’indice (gelé depuis 10 ans avec un retard de 17%).
      – L’alignement immédiat des salaires des non-titulaires sur ceux des statutaires.
      – Un plan massif de recrutement et de titularisation dans toutes les catégories de travailleur·ses de l’enseignement et de la recherche, sur statut de fonctionnaire avec respect des grilles salariales.
      – La titularisation de tou·tes les contractuel·les et vacataires employé·es sur des fonctions pérennes.
      – L’alignement des primes sur le reste de la fonction publique pour toutes les catégories de travailleur·ses et la transformation des primes en rémunérations pérennes.
      – La fin des primes au mérite.
      – Le dédoublement systématique des TD à partir de 30 étudiant·es.
      – Une vraie formation continue à la pédagogie (avec un temps de travail réservé à cela) pour tou·tes les enseignant·es.
      – Le passage à 128h d’enseignement en présentiel pour les enseignant·es, afin de dégager du temps pour l’encadrement des étudiant·es, la réflexion sur la pédagogie et la recherche ainsi que pour partager le travail entre plus de titulaires.
      Pour une redistribution égalitaire des budgets de la recherche :

      – La suppression du Crédit impôt recherche.
      – La suppression de l’ANR.
      – La suppression de l’HCERES.
      – La suppression de l’IUF.
      – L’arrêt des Idex, Labex et autres structures « d’excellence ».
      – La garantie que chaque instance de financement soit composée à majorité d’élu·es.
      – La redistribution égalitaire des budgets des différentes agences, pour arriver à 14 000 euros par an et par travailleur·ses.
      – La gestion collective dans les laboratoires de l’ensemble des financements.
      – Le refus de la logique d’évaluation individuelle généralisée, notamment pour les BIAT.O.SS et ITA qui y sont déjà soumis.e.s.
      Pour un service public de la publication de la recherche :

      – Refuser la bibliométrie comme outil d’évaluation.
      – Défendre la science ouverte et la libre diffusion des travaux de recherche.

      http://www.sauvonsluniversite.fr/spip.php?article8631

    • « On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs »

      Le sénateur communiste #Pierre_Ouzoulias, chercheur de profession, porte un regard acéré sur la politique du gouvernement pour la recherche. Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Depuis un an maintenant, le milieu académique attend la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) promise par le gouvernement. Mais, à part des prises de paroles polémiques, les seules annonces concrètes pour le moment concerne le déblocage de 118 millions d’euros pour revaloriser les primes de tous et les salaires des derniers recrutés. La loi elle-même devait être ambitieuse et présentée en Conseil des ministres en février. Elle risque d’être réduite (une dizaine d’articles) et repoussée au printemps.

      Pour le sénateur communiste et ancien chercheur Pierre Ouzoulias, ces atermoiements sont « une forme de mépris ». Il appelle la ministre Frédérique Vidal à « sortir du bois ».

      Le contour de la LPPR reste très flou, alors qu’elle a été annoncée il y a un an. Aux dernières nouvelles, elle devrait être repoussée. Que vous inspire cette séquence ?

      Je ne suis même pas sûr qu’il y ait une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Le Sénat n’a jamais été informé qu’il serait susceptible de se saisir de ce texte avant la fin de la session parlementaire en juin. Cela repousse l’étude de ce texte à l’automne. Or il me semble politiquement compliqué de débattre en même temps d’une loi de programmation et du budget pour 2021… Tout ceci démontre de la précipitation, de l’improvisation et, au final, une forme de mépris pour la communauté scientifique et universitaire.
      Dans son avis très commenté sur la réforme des retraites, le Conseil d’Etat a notamment critiqué le fait de prévoir une loi de programmation pour compenser la perte de retraite des fonctionnaires. Le salaire des chercheurs va-t-il est revalorisé ?

      Cet épisode montre encore une forme d’improvisation totale. Le dossier n’est pas géré. Cela fait deux ans que l’on parle de revalorisation du salaire des chercheurs. Aujourd’hui, on parle aussi de compensation en raison du projet de réforme des retraites. Clairement, les collègues craignent d’avoir une compensation mais jamais de revalorisation. Pourtant, tout le monde est d’accord pour dire que les salaires dans la recherche publique sont trop bas.

      La ministre a annoncé une revalorisation des salaires des entrants. Que savez-vous d’autre sur le sujet ?

      Nous sommes dans le flou. Est-ce que c’est la grille des salaires qui va être revalorisée ? Ou bien cette hausse passera-t-elle par des primes ? Et si c’est le cas, seront-elles dépendantes de la future évaluation que le gouvernement veut mettre en place ? Il faut que la ministre sorte du bois et donne à lire son projet. La seule chose que nous savons au Sénat, c’est que cette loi ferait une dizaine d’articles. Cinq pour la compensation des retraites et cinq autres pour le reste. Mais cela est faible et très loin des ambitions montrées au début par le Premier ministre et le président de la République…

      Le réel moment de vérité sera le budget 2021. En trois ans, le gouvernement n’a jamais fait un effort spécifique en direction de la recherche. Je ne crois pas que leur dernière année budgétaire pleine soit suffisante pour réaliser un rattrapage budgétaire conséquent. Si le sujet était vraiment primordial pour eux, ils s’y seraient pris plus tôt.
      La politique du gouvernement sur la recherche ne passe pas uniquement par la LPPR. Que retenez-vous de son action ?

      Un dispositif mis en place par la loi Pacte est passé un peu inaperçu. Il permet aux chercheurs de créer une entité privée pour abriter une partie de leurs activités. Il s’agit d’une transformation des dispositifs mis en place par les lois Allègre. J’ai lu les rapports de la Cour des comptes sur ces dispositifs. Ils sont peu utilisés par les chercheurs. Ils ne veulent pas échapper aux règles de la fonction publique, ils veulent du temps et des moyens pour mener leurs travaux.
      Ce n’est pas ce que dit le gouvernement qui veut contourner les concours de recrutement et créer des postes de chercheurs en CDI.

      Je pense que ce gouvernement ne s’est pas posé certaines questions essentielles. Le concours de recrutement au CNRS est un concours hautement international. Des personnes du monde entier postulent, alors même que les salaires ne sont pas mirobolants et les conditions de travail se dégradent. Pourquoi ? J’ai demandé à des chercheurs étrangers pourquoi ils étaient venus en France. Ils viennent chercher la stabilité de l’emploi et la liberté académique. Ils veulent un cadre stable pour pouvoir prendre des risques. C’est quelque chose que le système anglo-saxon ne permet pas car tout est remis en cause tous les cinq ans pour chercher de nouveaux financements. Ce qui rend la France attractive, ce n’est pas le salaire, c’est le cadre.
      Même si le projet n’est pas complètement présenté, on voit des réactions fortes de la communauté universitaire contre cette loi (lire ici ou ici). Est-ce que le gouvernement a peur, avec cette loi, d’ajouter un conflit universitaire au front social ?

      Oui je pense. Le projet esquissé par ce gouvernement est dans la droite ligne de ce qui se fait depuis dix ans avec Valérie Pécresse et Geneviève Fioraso. Si les collègues réagissent fortement, c’est parce qu’ils voient bien cette continuité. Continuité dans la précarité, continuité dans l’idée que l’excellence naît de la concurrence. Tout ceci est délétère pour la recherche. Les récents prix Nobels et médaille Fields que la France a reçus, comme celle de Cécric Villani, sont les fruits du système mis en place dans les années 80. C’est ce système que l’on veut casser.
      On a entendu aux 80 ans du CNRS Emmanuel Macron parler de l’évaluation des chercheurs…

      Les chercheurs crèvent sous les évaluations. C’est sans fin ! Ce qui est vécu comme une injustice, c’est l’écart entre les évaluations auxquelles sont soumis les chercheurs et la faiblesse de l’évaluation du Crédit impôt recherche, qui s’élève tout de même à 6,5 milliards d’euros.

      Ceci dit, on voit une fronde s’élever contre l’évaluation. On ne peut pas réformer la recherche sans les chercheurs. Une règle d’or académique postule que l’on soit évalué par ses pairs. S’ils décident de ne pas participer aux évaluations, le système s’effondre.

      Quelles sont vos propositions pour la recherche française ?

      Je pense qu’il existe un consensus autour de quelques points. La science française est en danger. Les salaires sont trop bas et les conditions de travail ne sont pas bonnes. Il faut augmenter la part du PIB consacrée à la recherche. Si nous ne le faisons pas, nous allons décrocher par rapport à nos voisins allemands notamment. Nous sommes un des rares pays où le nombre de doctorant diminue alors même que le nombre de bacheliers augmente. C’est un très mauvais signe. Il faut un engagement budgétaire fort.

      https://www.liberation.fr/france/2020/01/31/on-ne-peut-pas-reformer-la-recherche-sans-les-chercheurs_1776027

    • La Présidente de l’UT2J #Toulouse, porte-parole de la mobilisation

      Lundi 3 février, 17h24

      Cher·ère·s collègues,
      Cher·ère·s étudiant·e·s,

      Le texte du projet de Loi de programmation pluriannuelle de programmation de la recherche, annoncée par le gouvernement, n’est pas encore connu, mais les rapports préparatoires ont déjà été publiés, soulevant des interrogations et des inquiétudes fortes chez l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche au niveau national. Au sein de notre université, des réactions nombreuses se sont exprimées, dans différents cadres, unanimes dans leur rejet d’un grand nombre de propositions contenues dans les rapports.

      En tant que présidence, nous réaffirmons que la vision de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous portons et que nous déployons au sein des instances de l’UT2J ne correspond pas aux perspectives tracées par les rapports préparatoires au projet de loi.

      Notre vision de la recherche ne cherche pas à accélérer la concurrence entre unités de recherche ou entre chercheur·e·s ; elle n’a pas pour objectif d’allouer les ressources sur la base d’une évaluation surplombante et discriminante ; elle ne vise pas à affaiblir le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s et à accentuer la précarité. Dans un contexte budgétaire et d’emploi de plus en plus contraint, nous cherchons à préserver et soutenir les collectifs de recherche que sont les unités de recherche qui constituent le terreau des activités scientifiques, à leur apporter des moyens (dotations récurrentes, services mutualisés développés par la DAR, personnels d’appui, accompagnement des études doctorales, etc.), à veiller, autant que possible, à l’équilibre entre les aspirations et projets individuels et la nécessaire implication dans la formation et les responsabilités administratives collectives. Nous partageons le refus exprimé par les communautés scientifiques de dispositions qui viendraient aggraver la précarisation et l’insécurisation, remettre en question le statut des enseignant·e·s chercheur·e·s, accentuer la mise en concurrence par une allocation des ressources financières faisant prévaloir la logique des appels à projets au détriment des dotations pérennes.

      Concernant la précarité, l’UT2J travaille depuis plusieurs années à améliorer ce qui relève de son pouvoir, particulièrement l’amélioration du processus de traitement des rémunérations. Nous entendons poursuivre cet effort pour sécuriser davantage les conditions de vie et de travail des personnels concernés. Cela suppose que nous engagions aussi une réflexion avec l’ensemble des parties prenantes pour réfléchir à nos pratiques et à nos modes d’organisation et pour explorer les pistes qui permettraient de limiter la précarité de certains emplois dans l’ensemble de nos activités.

      Dans l’attente que soit rendu public le texte de loi, nous relaierons, tant auprès du ministère que de la CPU, les différentes prises de position afin que soient entendues les craintes exprimées, mais aussi l’attachement de notre communauté aux principes qui fondent le service public d’enseignement et de recherche. Par ailleurs, notre université prendra part, selon des modalités qui restent à définir, à la journée « L’université et la recherche s’arrêtent » prévue le 5 mars prochain.

      Cordialement,

      Pour la Présidence,
      #Emmanuelle_Garnier

      https://academia.hypotheses.org/10895
      #Université_Toulouse_Jean_Jaurès #Université_de_Toulouse

    • Misère des universités et universités de la misère

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen·ne·s et les étudiant·e·s.

      Novembre 1997. L’Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche (ARESER) publie un ouvrage auquel de nombreux universitaires et chercheur-e-s-ont participé[1]. Parmi eux, Pierre Bourdieu qui, avec l’historien Christophe Charle et le sociologue Bernard Lacroix, a coordonné cette publication. Les diagnostics établis sont graves et, déjà, révélateurs de la situation alarmante des universités Sous-investissement chronique de la puissance publique, manque d’encadrement des étudiant-e-s en particulier en sciences humaines et en droit ce qui a notamment pour conséquence un taux d’échec élevé en premier cycle dont sont victimes les personnes socialement et culturellement les plus fragiles, démoralisation des enseignants toujours plus absorbés par des tâches administratives multiples[2] et incapables d’accomplir dans de bonnes conditions les missions d’enseignement et de recherche qui sont les leurs, opacité des mécanismes de recrutement des enseignants-chercheurs et « poids croissant du localisme » auxquels s’ajoute une « concurrence » exacerbée « pour des postes raréfiés » en raison de restrictions budgétaires et d’une politique malthusienne qui ne s’est jamais démentie.

      Et les auteurs de rappeler ce paradoxe singulier. Alors que l’éducation et la scolarité des enfants sont des préoccupations majeures des familles dans un contexte de chômage de masse et de longue durée, de même la poursuite des études supérieures après l’obtention du baccalauréat, les responsables politiques ne s’inquiètent de l’état des universités, de la situation des étudiant-e-s, de celle des personnel-le-s administratifs et des enseignant-e-s qu’à l’occasion de mobilisations significatives et/ou de difficultés financières d’une particulière gravité en alternant mesurettes élaborées dans la précipitation pour rétablir le calme et poursuite des politiques de « rigueur. »

      Vingt-trois ans plus tard, la situation n’a cessé d’empirer et ce quels que soient les majorités à l’Assemblée nationale, les gouvernements en place et les présidents. Le quinquennat de François Hollande l’a confirmé. Qui se souvient des diaphanes secrétaires d’Etat à l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso d’abord, Thierry Mandon ensuite, et de leurs actions significatives en faveur des universités ? Après avoir servi avec docilité le fossoyeur en chef de la majorité présidentielle et du Parti socialiste, ils ont, comme beaucoup d’autres, disparu corps et bien avec la débâcle politique que l’on sait. A droite comme au sein de la défunte gauche gouvernementale, nonobstant de menues oppositions rhétoriques sans grandes conséquences pratiques, le budget de l’enseignement supérieur est depuis longtemps une variable d’ajustement toujours conçue comme une dépense, jamais comme un investissement à long terme exigeant une constance certaine dans l’allocation des ressources financières et humaines afin de bâtir des universités capables d’assurer de façon optimale leurs missions d’enseignement et de recherche.

      Aujourd’hui, les communicants affairés ont trouvé d’autres termes que celui de rigueur pour qualifier les orientations mises en œuvre. « Modernisation », « rationalisation » et désormais « Loi de programmation pluriannuelle de la recherche » (LPPR) présentée par le Premier ministre, Édouard Philippe pour, dixit les éléments de langage utilisés, « redonner à la recherche de la visibilité, de la liberté et des moyens. » A charge pour Frédérique Vidal, la transparente ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, de mettre en place « une vaste consultation de la communauté scientifique française » qui, selon elle, a déjà « imprimé en partie sa marque » sur ce projet. Après le soi-disant « Grand débat national » et la préparation de la loi sur les retraites, on sait ce qu’il en est des consultations présidentielles et gouvernementales : de grossières et bruyantes machineries prétendument démocratiques au service de l’imposition autoritaire des orientations décidées en haut lieu. Faire diversion, alimenter les medias et les bavards radiophoniques et télévisuels qui se pressent sur les plateaux, diviser autant qu’il est possible les forces en présence, tels sont les ressorts principaux de ces coûteuses mises en scène.

      Merci au président-directeur général du CNRS, Antoine Petit, d’avoir révélé ce que cache le ronflement sonore des formules précitées, et ce que trament Matignon et de Bercy, en se prononçant haut et fort en faveur d’une « loi ambitieuse, inégalitaire » et « darwinienne » (26 novembre 2019). Lumineux mais très inquiétant. De tels propos permettent de comprendre ceci : pour les néo-libéraux engagés dans la destruction des services publics en général et dans celle de l’enseignement supérieur en particulier, la liberté signifie lutte de tous contre tous pour obtenir des fonds publics et privés afin de financer la recherche, et renforcement des liens universités/entreprises pour les établissements qui le pourront et qui bénéficieront ainsi de sommes très substantielles. En témoigne l’implantation souhaitée du groupe pétrolier Total sur le campus de l’Ecole polytechnique où il finance déjà, à hauteur de 3,8 millions d’euros, une chaire d’enseignement intitulée : « Défis technologiques pour une énergie responsable. » Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour savoir que ceux qui tiennent les cordons de la bourse déterminent également le contenu des recherches et les usages qui en seront fait. Les ministres et les béni-oui-oui de la majorité présidentielle chantent les louanges de la « modernisation » et de la liberté retrouvée, il faut comprendre vassalisation et privatisation rampantes des activités de recherches, et paupérisation pour le plus grand nombre.

      Indignations subjectives ? Vérités objectives. A preuve. Combien de temps encore allons-nous tolérer la dégradation continue des universités de ce pays qui se trouve en huitième position pour les sommes consacrées à l’enseignement supérieur ? Rappelons que « la dépense intérieure d’éducation rapportée à la richesse a baissé de 7,7% à 6,7% entre 1996 et 2016. Cela veut dire que chaque année », la France « consacre une part moindre de sa richesse à la formation de la jeunesse. » (Sources Observatoire des inégalités et OCDE) Combien de temps encore allons-nous tolérer que 20 % les étudiant-e-s- et des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté soit 3,6% de plus qu’en 2002 ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que de 30 000 étudiant-e-s fréquentent les Restos du cœur faute de moyens financiers suffisants ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 13,5% des étudiant-e-s renoncent à des soins médicaux pour ne pas grever davantage leur budget ? Combien de temps encore allons-nous tolérer les ravages de la sélection sociale dans les établissements d’enseignements supérieurs auxquels accèdent seulement 11% des enfants d’ouvriers alors qu’ils représentent 30% des jeunes âgés de 18 à 23 ans ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que 46% des étudiant-e-s travaillent pendant l’année universitaire au risque de compromettre sérieusement leurs études [3] ? Combien de temps encore allons-nous tolérer des amphithéâtres surchargés et des taux d’encadrement des étudiant-e-s qui découragent les plus faibles et sont les causes des nombreux échecs en premier cycle ?

      Combien de temps encore allons-nous tolérer l’obscénité ajoutée à l’horreur lorsque la ministre Frédérique Vidal, à la suite de l’immolation d’un étudiant de 22 ans devant le Centre régional des œuvres universitaires (Crous) de Lyon le 8 novembre 2019, propose comme solution, pour celles et ceux qui sont confrontés à de graves difficultés financières, la mise en place d’un numéro d’appel, payant qui plus est ? L’auteur du présent article a donc téléphoné pour savoir ce qu’il en était et il a découvert ceci : les étudiant-e-s concernés sont renvoyés aux services sociaux déjà existants et simplement informés de leurs droits. Telle est donc la réponse de ce gouvernement au 130 000 étudiants en situation de grande précarité. Combien de temps encore allons-nous tolérer l’augmentation constante des précaires parmi le personnel administratif et enseignant, et la baisse continue du nombre de postes de titulaires pour les seconds (3650 postes ont ainsi été perdus entre 2012 et 2018) ? Combien de temps encore allons-nous tolérer que des doctorants, au terme de leur contrat, utilisent leur allocation chômage pour achever leur thèse dans des conditions toujours plus difficiles ?

      Chacun-e- est libre de compléter cette liste qui n’est pas exhaustive, tant s’en faut. Derrière ces chiffres, il y a des dizaines de milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes dont les espérances sont ruinées par cette politique qui transforme en destin social l’existence de ceux qui sont les moins préparés à affronter la massification et à la paupérisation de l’enseignement supérieur. Sordide et insupportable violence sociale et symbolique infligée aux plus démunis.

      La Loi de programmation pluriannuelle de la recherche défendue par le gouvernement ne concerne pas seulement les membres de l’enseignement supérieur. Parents, ce sont vos espoirs, vos efforts individuels et financiers, et l’avenir de vos enfants qui sont en jeu et qui risquent d’être plus encore mis à mal si ce projet liberticide et inégalitaire est adopté. De même pour les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s. Ce sont de vos aspirations personnelles, universitaires et professionnelles dont il est question. La coordination des universités et des laboratoires en lutte a décidé de faire du 5 mars 2020 une journée de mobilisation nationale. Il est urgent de faire reculer ce gouvernement et le chef de l’Etat.

      O. Le Cour Grandmaison, université Paris-Saclay-Evry-Val-d’Essonne.

      [1]. ARESER, Quelques diagnostics et remèdes urgents pour une université en péril, Paris, Liber-Raisons d’Agir, 1997. Furent également associés F. Balibar (Paris-VII), C. Baudelot (ENS Ulm) et D. Roche ( Paris-I), notamment.

      [2]. En 1964, déjà, Paul Ricœur écrivait : « Il faut mettre fin à l’écrasement stupide des universitaires sous les tâches administratives, sinon ancillaires, à la monumentale bêtise du gaspillage d’énergie que le manque de moyens entraîne. » « Faire l’université. » In Lectures 1. Autour du politique, Paris, Seuil, 1991, p. 375. Le chef de l’Etat, qui a réussi à faire croire qu’il est un disciple de ce philosophe, serait bien inspiré de le lire au plus vite.

      [3]. « S’ils ne travaillaient pas les étudiants salariés auraient une probabilité plus élevée de 43 points de réussir leur année. » Enquête Insee du 19 novembre 2009. « L’impact du travail salarié des étudiants sur la réussite et la poursuite des études universitaires. » M. Beffy, D. Fougère et A. Maurel. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwi554241rf

      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/040220/misere-des-universites-et-universites-de-la-misere

    • Première cérémonie populaire des contre-vœux d’#Université_de_Paris

      Nous, les personnels administratifs et enseignant·e·s, ainsi que les étudiant·e·s de l’UP, sommes mobilisé·e·s contre la réforme des retraites et la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Si nous tenions à être là, c’est parce que nous trouvons votre silence assourdissant sur les sujets qui nous sont chers.

      Nous aurions aimé des vœux qui apportent le soutien de l’Université de Paris aux personnels, administratif comme enseignant, dont une grande partie, comme vous le savez, sont déjà précaires, et dont les pensions ne manqueront pas d’être laminées la réforme des retraites. Nous aurions aimé des vœux qui apportent un soutien aux étudiant·e·s de l’Université de Paris, futur·e·s salarié·e·s, et premier·e·s concerné·e·s. Madame la présidence, la mobilisation est là sous vos yeux : cours non assurés, examens annulés ou reportés, revues et séminaires arrêtés, bibliothèques fermées, assemblées générales, UFR en lutte et enseignant·e·s en grève…

      Puisque notre université forme de futurs médecins, nous aurions aimé des vœux qui expriment la solidarité de l’Université de Paris avec les services hospitaliers qui se mobilisent depuis des mois contre le démantèlement de l’hôpital public, alors que l’AP-HP menace aujourd’hui le personnel gréviste de sanctions.

      Et plus largement, pour prendre de la hauteur, nous aurions aimé des vœux qui dénoncent le projet de loi pour la recherche qui va accentuer la compétition entre les établissements, la compétitions entre les laboratoires, la compétition entre collègues, et qui va généraliser la précarité, fragiliser les emplois, créer quelques chaires d’excellence et beaucoup de vacataires, distribuer toujours plus de de crédits à quelques-uns et rien aux autres, selon le modèle aberrant d’Antoine Petit, non pas darwinien mais bassement capitaliste… Bref une loi qui va abîmer encore plus le service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Mais tous vos discours et ceux de la CPU viennent en soutien de cette politique que nous combattons.

      Nous aurions aimé que ces vœux soient l’occasion d’annoncer publiquement la reconduction de l’exonération systématique des frais d’inscription pour les étudiant·e·s étranger·e·s, et que s’appuyant sur la décision du conseil constitutionnel, l’Université de Paris interpelle enfin le ministère pour mettre fin à cette procédure indigne. A l’inverse, certaines de vos déclarations se prononcent en faveur de cette hausse.

      Ce ne sont que quelques sujets ; la liste est longue. Dans vos vœux, vous parlez gouvernance et classement, mais vous vous trompez de perspective. L’université n’est pas une entreprise. Le savoir n’est pas une marchandise.

      Alors, nos vœux pour 2020 sont que l’UP mette en œuvre concrètement, et défende fermement auprès des tutelles, une université de service public, une université ouverte à toutes et tous, où il fasse bon enseigner, travailler, chercher et étudier.

      Les personnels et étudiant·e·s en lutte de Paris-Diderot

      Reçu via mail, le 07.02.2020

    • Université : la « #Sorbonne en lutte » contre la précarité

      Mobilisés depuis début décembre contre la réforme des retraites et la loi de programmation de la recherche, enseignants-chercheurs, doctorants et étudiants se sont rassemblés sur la place de la Sorbonne à Paris pour une « veillée des idées ».

      C’est incognito sous leurs masques blancs que les enseignants et étudiants de la Sorbonne lancent leur performance pour mettre en scène « le vide » créé par la loi de programmation de la recherche et « la destruction des infrastructures publiques ». Depuis le 5 décembre, le département de science politique de l’université parisienne (Panthéon-Sorbonne) est en grève. Deux mois plus tard, en ce vendredi 7 février, ils organisent un « happening », pour se mobiliser autrement.

      Dès 17 h 30, professeurs et étudiants arrivent au compte-gouttes. Quelques-uns discutent devant une banderole flambant neuve portant leur nom de leur mouvement Sorbonne en lutte. D’autres tentent d’accrocher, avec les moyens du bord, un drap blanc où sont dessinées des fourmis entre les inscriptions « enseignement » et « précaire ».

      Un peu avant 18 heures, une enseignante-chercheuse démarre la performance et liste tout ce qu’ils incarnent ce soir. Une trentaine de personnes masquées sont postées derrière elle. « Nous sommes vidés… Nos corps sont vidés, nos cerveaux sont vidés… Ce soir, nous incarnons l’angoisse de la page blanche, les têtes creuses, le vide vertigineux de la connaissance qui ne sera pas produite, qui ne sera pas transmise, du fait des coups de boutoir de politiques qui tuent l’université à petit feu, que la LPPR [loi de programmation pluriannuelle de la recherche – ndlr] viendrait couronner. »

      L’universitaire précise ensuite que ces politiques fragilisent en particulier les doctorants, les jeunes chercheurs, sans oublier de mentionner « les petites mains de la recherche » que sont les précaires, à savoir les techniciens et personnels administratifs, et tous ceux qui ne sont pas fonctionnaires, ou « titulaires » dans leur jargon.

      Puis elle formule leurs inquiétudes concernant les libertés académiques.

      Le projet de loi de programmation de la recherche est toujours en cours de rédaction. Mais les propositions des groupes de travail, désignés en amont par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont déjà réussi à mettre les facs et les labos en ébullition.

      Parmi les sujets d’inquiétude : le renforcement du financement par projet et de la recherche sur des temps courts, des changements dans l’évaluation, l’arrivée de nouvelles formes de contrats de travail à l’américaine… Chercheurs des labos et enseignants-chercheurs des universités craignent une précarisation accrue de leurs métiers et de voir des étudiants « fatigués » et « angoissés ».

      En ce vendredi de février, une dizaine de prises de paroles s’enchaînent, sans le masque cette fois-ci. Trois étudiants racontent leurs conditions de vie précaires et appellent leurs professeurs à faire grève, pour qu’eux-mêmes puissent continuer à se mobiliser.

      Emma, étudiante à Paris-Sorbonne en géographie, rappelle la motion votée le 2 février par la coordination nationale des facs et labos en lutte. « Il est temps de joindre nos forces », clame la jeune étudiante, qui mentionne aussi la répression du mouvement des lycéens. Tout comme Pierre, en L2 science politique à Panthéon-Sorbonne, remonté contre les violences policières, la casse du code du travail, la LPPR, la précarité des étudiants – parfois obligés de travailler, la baisse des aides au logement (APL), les conditions d’accueil des étudiants étrangers.

      Pierre évoque Anas, l’étudiant précaire qui s’est immolé à Lyon début novembre, toujours dans le coma, avant de dénoncer la réponse apportée par le gouvernement : une ligne téléphonique… payante.

      Interrogé après son intervention, il regrette que les cours reprennent, tout simplement parce qu’on peut perdre sa bourse si on ne va pas en TD. Déçu que les problématiques des étudiants soient peu comprises, il profite de cette tribune pour les rappeler aux enseignants.

      Avec d’autres étudiants de Paris-I, ils se sont rapprochés des doctorants, « qui sont dans une précarité scandaleuse, qui peuvent comprendre aussi notre situation ». Mais connaître les galères de ses « aînés » n’est pas sans conséquence : « Je rêve d’étudier et de pouvoir faire avancer la recherche. Aujourd’hui, je me dis juste que c’est impossible. Donc je suis juste triste, désemparé de me dire qu’on ne donne plus la possibilité aux étudiants de croire à cette perspective d’avenir. C’est démoralisant. »

      Tous comme les étudiants, les doctorants appellent les enseignants à « prendre leurs responsabilités ». Membres de l’AG des précaires, trois femmes ont troqué le masque blanc contre un bout de tissu noir sur le haut de leur visage. Elles rapportent les inquiétudes sur la retraite à points, ou encore le durcissement des conditions d’indemnisation chômage – qui, jusque-là, permettait à de certains doctorants de terminer leur thèse.

      Elles rappellent également que « l’université tourne grâce à [leur] exploitation », et que « les conditions matérielles sont indignes, même dans les universités dites d’excellence ». Applaudies par la centaine de personnes présentes sur la place, elles concluent par leur slogan « précaires, précaires et en colère », repris en chœur.

      L’une d’elles, doctorante, nous explique que les doctorants ne se mobilisent plus, car moins précaires parmi les précaires. Sa consœur, doctorante en science politique, termine pourtant sa thèse sans aucune entrée d’argent : elle n’a plus de financement et plus de droit au chômage. « On a des amis vacataires, qui peinent à survivre avec un petit job alimentaire à côté, qui se logent à droite à gauche quand ils doivent donner leurs cours à Paris. Ils n’ont pas l’énergie et le temps d’être là en AG et de construire une mobilisation. »

      Et la doctorante d’ajouter qu’elles ont pris la parole pour se faire connaître mais aussi pour faire passer le message : « On aimerait que les titulaires aussi prennent leurs responsabilités parce qu’ils sont encore plus protégés que nous. [...] Quand eux ne se mettent pas vraiment en grève, ils maintiennent une pression sur les étudiants qui doivent rendre des devoirs, les précaires qui doivent continuer à rendre des articles et pareil pour les personnels administratifs. »

      Les chercheurs qui prennent la parole en sont conscients, ils n’oublient pas les étudiants, les doctorants et jeunes chercheurs. Johanna Siméant, politologue à Paris-I, a enseigné vingt-deux ans à l’université qu’elle voit se dégrader depuis de nombreuses années. Elle évoque « tous ses anciens élèves qui pensaient que ça valait la peine » de se lancer dans la recherche avant de déchanter. Elle mentionne aussi ce doctorant qui a atterri aux urgences psychiatriques, qui ne sera pas remboursé faute de mutuelle.

      Membre du comité éditorial de la revue Genèses – la première à s’être mise en grève –, elle revient avec nostalgie sur leur joie d’être intégrée dans les revues, les échanges dans les réunions, « ce temps qu’on pouvait se permettre de prendre ». Depuis quinze-vingt ans, ils perçoivent une baisse de la qualité des articles envoyés, « formatés pour le marché de la bibliométrie, débités pour qu’il n’y ait pas trop d’idées dans un article », et ainsi pouvoir en publier plus.

      Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février Le site de la revue Genèses, en grève © capture d’écran du 8 février

      Cette course à la publication risque de s’accélérer. Pour doper la compétition entre les chercheurs, le gouvernement souhaite adosser le financement aux résultats. Il est aussi envisagé de financer davantage via les appels à projets. Gilles Dorronsoro, enseignant-chercheur en science politique, regrette qu’« on ne calcule pas le temps passé collectivement à chercher de l’argent » ni « le temps passé à monter des projets qui ne verront jamais le jour ».

      Chercheurs et gouvernement sont au moins d’accord sur le décrochage de la recherche française. Idem sur la nécessité d’augmenter son budget. Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, lui-même chercheur de profession, n’y croit pas une seule seconde. Il pense plutôt qu’il va continuer à baisser et qu’il n’y aura peut-être même pas de loi de programmation. Au micro, il appuie ses dires en rappelant les propos de son président, Gérard Larcher (LR) : « Il faut d’abord trouver un agenda, un contenu et des moyens mais peut-être aussi une méthode d’approche. »

      Interrogé par Mediapart, le sénateur venu « témoigner sa solidarité aux étudiants, aux précaires, aux chercheurs », plaide lui aussi pour une convergence entre les étudiants, très mobilisés à l’arrivée de Parcoursup (admission postbac), et les enseignants, aujourd’hui en pointe contre les projets du gouvernement.

      « Mais c’est toute la stratégie du gouvernement, résume-t-il, ne jamais attaquer l’ensemble du corps en même temps et faire porter les réformes uniquement sur des petits secteurs parfaitement délimités. [...] Sur la durée, c’est évidemment très efficace. »

      Dans les interventions suivantes, un chercheur revient sur la mobilisation contre la réforme des retraites. Un autre dénonce « la clique bureaucratique » et le management qui seront sans doute exacerbés par la future loi de programmation de la recherche.

      Pour finir, le philosophe camerounais Achille Mbembe, enseignant à Johannesburg, évoque les luttes dans les universités sud-africaines, « pour décoloniser les institutions et refaire de l’institution universitaire un bien commun, à l’heure où tout concourt à privatiser cette ressource ». L’ancien étudiant de la Sorbonne souligne que la mobilisation qui a lieu ici entre en résonance « avec un moment global, un moment de brutalisation des sociétés ».

      https://www.mediapart.fr/journal/france/080220/universite-la-sorbonne-en-lutte-contre-la-precarite?onglet=full

    • #DroitsDansLeMur

      Jeudi 6 février 2020, journée de mobilisation nationale, des universitaires, titulaires et précaires, des facultés de droit et de science politique (entre autres Nanterre, Paris 1, Paris 2, Paris 12, Paris 13, Sceaux, Rennes, Lyon 2, Valenciennes, Angers) ont érigé un mur de codes - de la sécurité sociale, de la fonction publique, de l’éducation, du travail... - devant le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, pour dire leur opposition aux projets de réforme des retraites et de l’enseignement supérieur qui mènent dans le mur le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que le contrat social entre les générations.

      Ces enseignant.e.s-chercheur.e.s ont lu à voix haute, solennellement, des extraits des articles les plus précieux, aujourd’hui malmenés, comme l’article L111-2-1 du code de la sécurité sociale : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. (...) La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités. La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. »

      https://www.youtube.com/watch?v=8akUZp2OoaU&feature=youtu.be


      #Droits_dans_le_mur

    • Lettre que les étudiantes et étudiants mobilisés de l’UFR LAC (Paris 7) ont lue le 4 février en ouverture du Conseil d’UFR, à l’issue duquel la grève a été votée.

      Cher·ère·s professeur·e·s,

      Nous nous permettons de prendre la parole quelques minutes avant le début
      de ce Conseil d’UFR au nom des étudiantes et étudiants mobilisé·e·s depuis
      maintenant deux mois contre la réforme des retraites et, plus récemment,
      contre la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.

      Nous sommes là aujourd’hui parce qu’à l’échelle nationale comme à l’échelle
      de l’université, la mobilisation se trouve confrontée à un pallier décisif
      que nous voulons nous donner les moyens de franchir. Si la grève a été
      incontestablement suivie dans les secteurs des transports, si les sondages
      ont été plus favorables que jamais, si les manifestations ont été parmi les
      plus massives jamais enregistrées depuis ces dernières années, force est de
      constater la raideur et l’autoritarisme du gouvernement, qui se mesure à
      l’aune de la répression s’abattant sur toutes celles et tous ceux qui lui
      opposent résistance. Nous sommes donc à un point de bascule : le mouvement
      doit s’amplifier, sinon se radicaliser, ou alors il mourra à petit feu.
      Progressivement, de nombreux secteurs entrent en lutte, et en premier lieu
      les universités, tant attendues dans ce mouvement. Ce n’est donc pas le
      moment de rentrer dans les rangs, puisque nous venons de commencer la
      bataille, tant sur les retraites que sur la LPPR.

      À l’échelle de Paris-7, nous pouvons désormais affirmer qu’il existe une
      base étudiante prête à se mobiliser. Mais cela ne s’est pas fait tout seul.
      Il nous aura fallu deux mois de discussions, d’initiatives — à l’image de
      cette « formidable université populaire » que tant d’universités mobilisées
      nous ont enviée... Nous sommes mobilisé·e·s sur l’université populaire
      depuis deux mois, nous participons, avec les doctorant·e·s et le soutien de
      certains professeur·e·s, à mettre en place un programme dont les
      interventions, les échanges et les ateliers sont tous plus enrichissants et
      instructifs les uns que les autres. Car ce qu’il faut à tout prix éviter,
      c’est que la fac soit désertée et nous considérons, comme vous, qu’il est
      primordial qu’elle reste un lieu de savoir et de stimulation
      intellectuelle. Mais considérer que le maintien des cours n’est pas
      incompatible avec la mobilisation, c’est ne pas avoir conscience de notre
      situation car la mobilisation, tout comme la recherche, a ses petites
      mains. Bloquer des dépôts, écrire et maquetter des tracts, organiser des
      réunions d’information, remplir la caisse de grève, tenir le stand,
      organiser des assemblées générales, rédiger des comptes-rendus en tous
      genres, créer des outils informatiques, centraliser les outils de synthèse,
      faire des ateliers de banderoles ou de chorale, de l’affichage, des tours
      de service, des débrayages d’amphis, ce sont des actions qui demandent du
      temps et nous mobilisent intensément depuis deux mois. Faire vivre la grève
      est devenu notre activité à temps plein.

      Nous avons pleinement conscience des enjeux qu’un tel engagement implique.
      Nous sommes pour la plupart des élèves passionné·e·s, et les cours nous
      manquent. Mais c’est précisément parce que nous avons suivi vos cours et lu
      Aristote, Rawls mais aussi Rancière ou Camus que nous osons à notre tour « 
      dire non ». C’est précisément à force de développer notre esprit critique
      que nous nous rendons compte de l’urgence de la situation. Et plus nous y
      réfléchissons, plus nous nous en effrayons. Plus nous lisons, plus nous
      nous radicalisons. Non, il n’est pas « incongru » « à (n)otre âge et dans
      les études que (n)ous avons choisies (…) de se passionner pour la question
      des retraites », pas plus que de s’inquiéter de la dérive autoritaire du
      gouvernement, ou de la crise écologique. C’est précisément parce que nous
      étudions avec diligence en vue d’un futur meilleur que nous ne pouvons plus
      supporter de voir notre avenir confisqué par l’inaction climatique, par des
      dérives autoritaires toujours plus violentes, et par un gouvernement qui
      nous méprise. Nous avons raté trop de coches — pour ne citer que cela, et
      pêle-mêle : la fusion en 2016, la loi Travail bien sûr, Parcoursup, la
      hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers, les gilets
      jaunes, la réforme de l’assurance chômage... Autant de défaites qui nous
      donnent aujourd’hui la détermination de lutter plus fort. Il va donc de soi
      pour nous que dans le combat des retraites se trouve la somme des énergies
      et des liens accumulés au fil de ces années dans un combat pour un modèle
      de société plus juste, plus humain, plus égalitaire, où il fasse bon se
      projeter. Nous voyons les métiers auxquels nous aspirons se défaire sous
      nos yeux ; nous voyons notre démocratie prendre les traits de
      l’autoritarisme le plus abject — à coups de surveillance généralisée, LBD,
      et autres États d’urgence devenus constitutionnels ; nous voyons enfin la
      société capitaliste courir à sa perte, foncer droit dans le mur, et si les
      choses continuent ainsi, nous ne pourrons pas descendre du train à temps.

      La vérité, c’est que nous sommes à la fois épuisé·e·s, paniqué·e·s et
      révolté·e·s. Certaines et certains trouveront peut-être que nous en faisons
      trop, d’autres que c’est l’excitation inconsidérée et irréfléchie de la
      jeunesse qui parle, et à ceux-là nous répondons au contraire que ce refus
      de continuer à exercer normalement notre rôle d’étudiant·e montre plutôt à
      quel point nous avons compris, à quel point nous avons conscience de ce qui
      se joue aujourd’hui. Face à ces considérations, un semestre de perdu,
      quoiqu’il nous en coûte, ne nous fera pas hésiter, car c’est maintenant ou
      jamais. Plus le gouvernement et le capitalisme néolibéral piétinent nos
      espoirs, moins nous avons à perdre. Mais parce que nous ne voulons pas être
      acculé·e·s à de telles extrémités, nous nous tournons vers vous : la grève
      des titulaires peut créer les conditions matérielles de la naissance d’un
      mouvement étudiant massif. Comment s’engager à temps plein si l’on craint
      les partiels de fin de semestre, ou pire, les partiels de mi-semestre ? si
      l’on est boursier et que l’on dépend de la bienveillance des professeurs
      pour ne pas comptabiliser les absences, au risque de perdre sa bourse ? si
      l’on anticipe une fin d’année faite de montagnes de validations ? En
      faisant cours normalement, vous croyez nous aider mais vous nous condamnez.
      C’est cette posture en demi-teinte, cette posture de compromis mou qui nous
      paralyse. Et comme l’expriment les précaires de l’ESR dans leur appel : « 
      on ne soutient pas la grève, on la fait ou on l’empêche. » Vous avez,
      aujourd’hui, pour ce conseil d’UFR, une responsabilité lourde : celle de
      décider de la suite de ce mouvement social historique. Que nous ne soyons
      pas dupé·e·s par l’échelle de notre UFR, face aux milliers de personnes qui
      manifestent chaque semaine : une UFR en grève, c’est mille étudiant·e·s
      libres d’aller mener des actions coup de poing et de s’engager dans le
      mouvement social, cinquante enseignant·e·s mettant du temps à disposition
      pour s’organiser, et un modèle à suivre, pour toutes les universités de
      France. C’est pourquoi nous réitérons, aux côtés des précaires de l’ESR,
      notre appel à la grève totale : la grève des enseignements, à la grève des
      activités de recherche, à la grève administrative, à la rétention des
      notes, au boycott de Parcoursup. Autant de temps libéré pour lutter.

      Aujourd’hui, la situation fait que nous n’arrivons plus à exercer
      normalement notre fonction d’étudiant·e·s. Nous n’y arrivons plus, parce
      que franchir le seuil de la salle de classe, s’y asseoir quelques heures
      pour écouter parler de Chateaubriand ou Balzac nous est insupportable, tant
      c’est nier la violence et la gravité de ce qui est en train de se produire
      dans notre pays. Reprendre le fonctionnement normal de l’université, dans
      le contexte actuel, pour nous, cela signifie se voiler la face et se murer
      dans une logique court-termiste qui équivaut à jouer le jeu du
      gouvernement. Car face à cet avenir sinistre qu’on nous impose, comment
      faire comme si « tout allait bien se passer » et continuer à étudier
      sereinement ? Tout ce que nous revendiquons, c’est une chance concrète de
      prendre en main notre avenir, dans un moment politique où, plus que jamais,
      le gouvernement tente de nous le confisquer.

      –-> reçue par email via la mailing-llist de mobilisation, le 10.02.2020

    • Message du Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

      « Cher.e.s collègue.s,

      Cher.e.s étudiant.e.s,

      Les propositions présentées dans les trois rapports préparatoires à la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) et les informations ayant filtré des rencontres entre la Ministre de l’Enseignement Supérieur et les organisations syndicales provoquent une inquiétude légitime au sein de notre communauté. Cette inquiétude, en tant que Président de la Sorbonne Nouvelle, je la partage car je m’oppose fermement à toute remise en cause des fondements du système de financement de la recherche publique en France.

      En pareil contexte, et à l’encontre de plusieurs des préconisations contenues dans ces trois rapports, je tiens à vous redire mon attachement à une université de service public, et à vous confirmer mon opposition à toute mise en concurrence des établissements d’enseignement supérieur, des unités de recherche et des chercheur.e.s.

      Si l’objectif est d’augmenter la part de notre PIB consacrée à nos activités scientifiques, au delà des effets d’annonce, de renforcer durablement celle-ci, les solutions présentées, au cas où elles seraient retenues, iraient à l’encontre de l’effet escompté. Depuis trop longtemps, la recherche fondamentale est négligée au profit d’une logique de performance immédiate. Depuis trop longtemps, les modèles et les temporalités qui régissent les sciences exactes et expérimentales sont artificiellement plaqués sur les ALL-SHS.

      Là où les mesures envisagées consistent à concentrer les moyens, renforcer une logique d’appels à projets et introduire un nouveau dispositif d’entrée dans la carrière universitaire avec les tenure tracks, il me semble à l’inverse nécessaire de donner la part belle aux crédits récurrents et de réhabiliter le temps long d’une recherche prise en charge, dans des conditions plus sereines, par des enseignants-chercheurs fonctionnaires.

      En tant que Président d’université, je considère que ma mission est de combattre sans relâche toutes les formes de précarisation qui frappent les métiers et les carrières de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que nos étudiant.e.s.

      Afin qu’un débat le plus ouvert et constructif possible puisse s’engager au sein de notre communauté, je souhaite, en accord avec toute l’équipe présidentielle, organiser deux temps forts, de réflexion et d’échanges : une journée banalisée le jeudi 5 mars prochain ainsi qu’une demi-journée d’étude sur les enjeux des réformes en cours. Et vous pouvez compter sur moi pour relayer nos préoccupations auprès de la CPU et de nos tutelles.

      Bien cordialement,

      Jamil Jean-Marc DAKHLIA

      Président de l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 »

    • Précarité, financement : les enseignants-chercheurs mobilisés contre la future loi Vidal

      Les enseignants-chercheurs dénoncent les conséquences du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils craignent que leurs conditions de travail, déjà dégradées par la précarité, empirent. Les opposants pointent « une transformation néolibérale de l’université » qui fait place à « la figure du chercheur-entrepreneur ».

      Sur le campus de Pont-de-bois, de l’université de Lille, « aujourd’hui, c’est journée spécial précarité ». C’est le thème du jour, raconte Grégory Salle. Ce chargé de recherche en sociologie du CNRS est « un mobilisé parmi d’autres ». D’autres enseignants-chercheurs qui, partout en France, craignent l’arrivée du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Annoncé en février 2019 par le premier ministre, il se fait attendre. L’objectif est d’atteindre un budget équivalent à 3% du PIB pour la recherche. Il est aujourd’hui de 2,2%. Si ses contours exacts sont encore inconnus, trois rapports préparatoires, et les échanges entre syndicats et ministère ont amorcé le mouvement.

      C’est surtout une tribune du PDG du CNRS, Antoine Petit, qui « met le feu au poudre » se souvient Grégory Salle. « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire - oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies » écrit le 26 novembre, dans Les Echos, le patron du CNRS. « Ça a eu un effet de cristallisation » explique Christophe Voilliot, co-secrétaire général du SNESUP-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur. « C’était particulièrement maladroit. Ça a remué même les plus modérés » constate Grégory Salle.
      Manifs et flashmob

      Depuis quelques semaines, le mouvement se développe, mêlé de contestation contre la réforme des retraites, qui touche particulièrement le monde des fonctionnaires et de l’enseignement. Les manifestants et opposants multiplient les actions et innovent : aux traditionnelles AG, affiches et manifestations, grèves de l’enseignement et grèves des fonctions administratives, s’ajoutent les rétentions de notes ou, comme la semaine dernière, un flashmob féministe devant la gare de Lille Flandres, au petit matin. Quand de fait, on est relativement peu nombreux, il faut se faire remarquer. On parle aussi de démissions de fonctions. Maintenant, ce sont les revues universitaires qui se joignent au mouvement. Une journée fac morte se prépare pour le 5 mars.

      https://twitter.com/websaison/status/1225316989872361475?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E12

      Les questions sont nombreuses. Pour le SNESUP-FSU, « il y a des problèmes qui tiennent au mode de financement de la recherche et au statut des personnels ». Alors que le nombre d’étudiant augmente, « avec 30.000 de plus ces dernières années », le nombre d’enseignants-chercheurs recule, « de l’ordre de 2.500 enseignants en moins, c’est considérable » alerte Christophe Voilliot. « Mécaniquement, soit on embauche sur des statuts précaires, soit on augmente le temps de travail » pointe le responsable syndical, par ailleurs maître de conférences en Sciences politiques à l’université de Nanterre. Il « demande un plan de recrutement ».
      « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible »

      Le sénateur PCF Pierre Ouzoulias connaît bien le sujet pour être lui-même chargé de recherche du CNRS en archéologie. « Il y a une dégradation constante depuis 10 ans des conditions de travail des enseignants-chercheurs » souligne le sénateur des Hauts-de-Seine. Résultat de ce malaise, le sentiment d’un métier dévalorisé. « On leur renvoie l’image qu’ils ne servent à rien pour la société. C’est terrible » dit Pierre Ouzoulias.

      Grégory Salle « n’aime pas trop ce terme de malaise » pour sa part, car il renvoie au « registre psychologique ». Or le problème vient avant tout « des conditions sociologiques, économiques et matérielles, qui sont intenables ». « Si on met ensemble la surcharge de travail, le fait d’être sous-payé, soumis à une bureaucratie de plus en plus démente, ça met les gens matériellement sous pression » explique le sociologue.

      Selon Grégory Salle, « la précarité professionnelle, vraiment méconnue du plus grand nombre », joue beaucoup dans la mobilisation. Il ajoute :

      Pour les étudiants, on doit passer pour des notables. Devant eux, il y a de vrais professeurs d’université qui ont des positions tout à fait stables, mais aussi de vrais précaires qui ne vivent pas forcément avec plus de 1.000 euros par mois.

      Conséquence : les jeunes docteurs ne trouvent pas de poste. Et face à un secteur bouché, les vocations s’en trouvent découragées. « Le nombre d’étudiants inscrits en thèse diminue » constate Christophe Voilliot.
      La ministre Frédérique Vidal promet de revaloriser le salaire des jeunes chercheurs

      Face à la fronde, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, tente de désamorcer et de rassurer. Invitée de Public Sénat le 31 janvier, elle expliquait ne pas vouloir « du tout » toucher au temps de travail des chercheurs – l’une des craintes – assurant qu’« il ne faut pas prendre à la lettre tout ce qui est écrit dans les rapports » (voir à 47 min dans la vidéo). La câlinothérapie continue via une tribune, publiée lundi 10 février dans Le Monde. La ministre dit avoir « entendu leur appel à réinvestir massivement dans la recherche ».

      Plus concret, en janvier, lors de ses vœux, Frédérique Vidal annonce l’augmentation des jeunes chercheurs à l’embauche, avec 2 Smic dès 2021, contre des salaires d’environ 2.200 à 2.500 euros brut aujourd’hui (soit 1,3 à 1,4 Smic). « Une bonne idée » reconnaît Christophe Voilliot, « sauf que vous risquez d’embaucher des gens mieux payés que des enseignants qui ont 6 ou même 9 ans d’ancienneté. Il faut donc revoir toutes les grilles ».

      Ce mardi, dénonçant « les rumeurs », lors des questions d’actualité au gouvernement, Frédérique Vidal en a remis une couche et assure que « chaque discipline trouvera sa place dans cette loi programmation de la recherche ». Une précision qui n’est pas anodine. Car les sciences humaines et sociales mobilisent plus qu’en physique, chimie ou mathématique.
      « Une vision catastrophique de la science »

      Une situation en partie liée à la question du financement. « Il est proposé d’accroître les financements par appels à projet, et non plus par laboratoire ou équipe. (…) On est dans un marché de la recherche, qui renvoie au darwinisme » explique le co-secrétaire général du SNESUP-FSU. Le tout mêlé à une évaluation renforcée, où la publication devient le critère.

      Derrière ça, « il y a une vision utilitariste de la recherche. Je mets l’argent, je veux des résultats. Et évidemment, tout ce qui est sciences humaines n’a plus de raison d’être. Pourquoi travailler sur l’araméen, le latin, l’archéologie ? ça ne sert à rien, il n’y a pas d’innovation. C’est une vision catastrophique de la science » dénonce le sénateur Pierre Ouzoulias. Pour Gregory Salle, « on est en plein dans la figure du chercheur-entrepreneur », mâtiné d’une « novlangue managériale où on parle d’innovation et de synergie. Mais en réalité, cela débouche sur une standardisation de la recherche. Tout le monde essaie d’être dans les clous ».
      « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe »

      Autre conséquence : une individualisation de la recherche. « Ce qui compte, c’est l’individu seul et plus l’esprit d’équipe. Or depuis le XVIIIe siècle, la recherche, c’est d’abord une recherche d’équipe » explique Pierre Ouzoulias. « Les grandes réussites scientifiques sont faites de coopérations très larges, comme le GIEC, sur le climat » ajoute Christophe Voilliot.

      Reste à savoir quand sortira le projet de loi. Frédéric Vidal évoquait sur notre antenne « fin mars, début avril ». Mais selon Pierre Ouzoulias, il ne verra peut-être jamais le jour. Entre la réforme des retraites et le budget 2021, à l’automne, le calendrier n’est pas évident. Pour le sénateur communiste, ce ne sera pas pour autant une victoire : « Le gouvernement n’a pas besoin de cette loi pour mener une transformation néolibérale de l’université » Ce mardi, devant les députés, Frédérique Vidal parlait pourtant bien au futur. Sa loi « réarmera notre pays et mettra la science au cœur du débat public ».

      https://www.publicsenat.fr/article/politique/precarite-financement-les-enseignants-chercheurs-mobilises-contre-la-fut

    • Liste des personnes qui ont signé une lettre de #démission_collective des responsabilités :

      Contre la LPPR et l’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche :
      démission collective de nos responsabilités administratives

      Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,

      Nous sommes enseignant·es, enseignant·es chercheur·es et chercheur·es : maîtres·ses de conférences, professeur·es d’université, chargé·es de recherche ou directeur·rices de recherche. Nous tenons par ce courrier à vous faire part de notre profonde indignation et de notre opposition résolue au projet de Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) que vous portez.

      Si le projet de loi venait à être adopté, il conduirait inévitablement à une dégradation accrue des conditions d’enseignement et de recherche ainsi qu’à une amplification inacceptable de la précarisation, pourtant déjà si répandue dans l’enseignement supérieur et la recherche. Au-delà de la modulation des services (sans l’accord des intéressé·es, sans plafond d’heures et sans paiement d’heures complémentaires), qui réduirait drastiquement le temps de recherche des universitaires, la remise en cause du statut même d’enseignant·e-chercheur·e (système de « tenure tracks », « CDI de chantier » n’ayant de CDI que le nom, etc.) constitue une faute morale grave, particulièrement à l’encontre de nos collègues les plus exposé·es à la précarité. Pour ces dernier·es, la perspective d’obtenir un poste de titulaire s’amenuise dramatiquement. Nous, titulaires de l’ESR, nous sentons particulièrement responsables vis-à-vis des doctorant·es et docteur·es sans poste qui se consacrent à des études longues et exigeantes, prennent au sérieux la qualité de la recherche et la dimension émancipatrice des savoirs. Elles et ils participent au dynamisme de la recherche et assurent une part conséquente des enseignements dispensés dans le supérieur. En ce sens, elles et ils fournissent, dans des conditions difficiles, un travail (parfois) gratuit ou (souvent) mal rémunéré sans lequel l’Université cesserait de fonctionner. Nous refusons de nous résigner à nous faire gestionnaires de la précarité et demandons à votre gouvernement de répondre à l’urgence de la situation en créant des postes de titulaires.

      Nous alertons également sur les dangers que constitue le développement de la recherche sur projets fléchés au détriment de financements pérennes, pourtant seuls à même de garantir l’autonomie de la recherche, d’accompagner la recherche fondamentale et de permettre des expérimentations indispensables à l’émergence de savoirs nouveaux. Nous rappelons que l’histoire devrait nous inciter à la plus grande prudence face aux prétentions à mettre la main sur le pilotage de la production des savoirs. La course aux brevets et à la propriété intellectuelle, ainsi que le développement de financement sur fonds privés sont antinomiques avec une recherche au service de l’intérêt public et du bien commun. Nous nous élevons contre l’esprit inégalitaire et « darwinien » de la LPPR qui renforce la mise en concurrence généralisée des établissements, des unités de recherche, des disciplines et des personnels, alors même que nous savons à quel point celle-ci est contre-productive en termes de création de savoirs, réduisant le partage et la coopération et accroissant considérablement les risques de fraudes et les dérives éthiques.

      La réduction de la part des financements pérennes est allée de pair avec un accroissement de la logique évaluatrice. La recherche de financements dans laquelle nous a précipité cette politique scientifique déplorable affecte profondément les missions de recherche et d’enseignement, qui sont pourtant le cœur de notre métier. Combien de temps perdu à répondre aux appels à projet, à monter des dossiers en s’adaptant aux critères de tel ou tel organe de financement, et à évaluer nous-mêmes la conformité des projets déposés par nos collègues ou futurs collègues à ces critères souvent arbitraires qui relèvent d’une logique externe à celle du champ scientifique. Ces activités se font au détriment du temps et de l’attention que nous devrions consacrer à former et encadrer nos étudiant·es, à mener et diffuser nos recherches et à faire vivre la communauté scientifique.

      Nous sommes attaché·es à l’idéal de la science ouverte et au principe de liberté académique, inhérente à la fonction de chercheur·e. C’est le sens même des mobilisations en cours dans l’ESR. De nombreuses propositions ont déjà été faites, et continuent de l’être, pour inventer un autre modèle de gouvernance de la recherche : par exemple par la « Coordination nationale des facs et des labos en lutte », qui a poursuivi cet important travail lors d’une réunion nationale les 1er et 2 février 2020. Nous constatons que vos rapports n’en tiennent aucunement compte : l’absence d’écoute de votre Ministère vis-à-vis de nos revendications légitimes est proprement sidérante.

      L’état actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche rend impossible la poursuite de nos missions et activités ordinaires. Il est impensable de faire comme si de rien n’était en participant au fonctionnement habituel de l’Université et des institutions de recherche. C’est pourquoi, en tant que :

      membre des commissions d’évaluation de l’Hcéres, membres des conseils centraux d’universités (CAC, CA, CFVU, CR), directeur·trices d’écoles doctorales, directeur·trices de laboratoires (UP ou UMR), directeur·trices d’UFR, responsables de mentions, de parcours ou de spécialités de Licence et de Master, président·es de jury de diplôme, membres de conseils d’UFR et de conseils de laboratoire, responsables de commissions pédagogiques, des relations internationales, des équivalences, des mineures externes, des stages, membres de conseils de perfectionnement, etc.

      nous décidons collectivement de démissionner de nos fonctions et mandats de responsabilités administratives si nous n’obtenons pas le retrait du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ou que vous optez pour un passage en force à travers des cavaliers législatifs ou des décrets.

      Aucun programme d’excellence ne pourra prospérer sur les ruines de l’Université.

      Veuillez croire, madame la Ministre, à notre attachement véritable au service public et à ses valeurs.

      https://framaforms.org/demission-collective-de-nos-responsabilites-administratives-esr-15808983

      J’en fait partie...

    • « La Loi de programmation pluriannuelle pour la recherche ne doit pas consacrer une seule forme d’excellence »

      Si une réflexion sur le financement de la recherche est nécessaire, la concentration de moyens sur certaines universités risquerait d’appauvrir davantage les autres établissements, estime la sociologue Christine Musselin dans une tribune au « Monde »

      Une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) est forcément une excellente nouvelle alors que les dépenses dans ce domaine sont loin de l’objectif de 3 % du PIB. Mais fallait-il une loi pour la recherche et l’innovation plutôt que pour l’enseignement supérieur et la recherche ?

      Certes, une réflexion sur le financement de la recherche est utile, et un des groupes de travail installés par la ministre, Frédérique Vidal, au printemps 2019, a été chargé de la mener. Il a proposé des mesures qui conforteraient les effets des trois précédents PIA (Programmes d’investissements d’avenir) : renforcement de la différenciation entre les universités et entre les équipes ; concentration des moyens sur les établissements les plus scientifiquement reconnus. La loi reprendrait donc le modèle de la « Grande université de recherche ». Mais il ne concerne ni tous les établissements ni toutes leurs missions !
      Prendre en compte la diversité des profils

      Une loi qui ne consacre qu’une forme « d’excellence » risque d’appauvrir un peu plus ceux et celles qui ne rentrent pas dans ce cadre et de rendre moins attractives les autres missions de l’université – notamment celle d’enseignement –, pourtant tout aussi indispensables.
      Le ministère répondra que le dialogue de gestion qu’il veut instaurer avec chaque établissement permettra de pallier ce manque. Mais quels budgets significatifs pourront y être consacrés une fois la LPPR financée ? Comment ce dialogue de gestion, très cadré, pourrait-il prendre en considération la diversité des profils ? Seuls des contrats pluriannuels globaux le permettraient.

      Le second enjeu est celui de la gestion des personnels scientifiques. La question était posée à un autre groupe de travail. Parmi les propositions, celle de la revalorisation des rémunérations semble acquise, ne serait-ce que pour amortir la possible réforme des retraites. Espérons toutefois que les propositions iront au-delà et qu’elles permettront, enfin, d’atteindre des niveaux de salaires proches de ceux de nos voisins européens. D’autres mesures avancées par ce groupe sont urgentes : revalorisation du doctorat, allongement de la durée des contrats doctoraux, amélioration des conditions d’entrée dans la carrière… Mais certaines sont inquiétantes et leur juxtaposition problématique.

      Un « CDI de plusieurs années », et après ?

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/la-loi-de-programmation-pluriannuelle-pour-la-recherche-ne-doit-pas-consacre
      #paywall

    • Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : « Une réforme néolibérale contre la #science et les #femmes »

      Un collectif de chercheuses et d’universitaires spécialistes du genre dénonce, dans une tribune au « Monde », la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, car elle accroîtra les inégalités au sein de la science française en concentrant les ressources dans les mains de quelques-uns.

      Depuis quelques semaines, les protestations grondent dans le monde universitaire contre le projet gouvernemental annoncé d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Cette réforme, inscrite dans le sillage de politiques néolibérales engagées au milieu des années 2000, prévoit de diminuer encore davantage le nombre d’emplois publics stables au profit d’emplois précaires, de concentrer les moyens sur une minorité d’établissements, de subordonner la production scientifique à des priorités politiques de courte vue, d’accroître les inégalités de rémunération et de soumettre les universitaires et chercheurs à une évaluation gestionnaire plutôt qu’à celle de leurs pairs.

      On connaît les effets délétères que ces politiques vont continuer d’engendrer sur la diversité, l’originalité et l’excellence des savoirs produits, sur la qualité de la formation dispensée aux jeunes générations et, in fine, sur la capacité de la France à répondre à de grands défis de société, comme l’urgence environnementale, les problèmes de santé publique, ou encore la montée des régimes autoritaires.

      « #Gestionnarisation » à outrance de l’université

      Les technocrates qui font ces réformes, coupés de nos métiers, ne voient pas que la « gestionnarisation » à outrance de l’université, comme celle de l’hôpital, est « contre-performante », pour reprendre leurs termes. Mais ces projets contiennent une autre menace, plus rarement dénoncée : ils vont accroître les inégalités liées à la classe, à l’assignation ethnoraciale, à la nationalité, au handicap, à l’âge, ainsi que les inégalités entre les femmes et les hommes.

      Le monde académique, qui fut jusqu’aux années 1970 un bastion masculin, ne diffère pas d’autres univers de travail : les hommes y occupent la plupart des positions dominantes. Alors que les femmes représentent 44 % des docteurs, elles sont 45 % des maîtres de conférences mais 25 % des professeurs des universités.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/loi-de-programmation-pluriannuelle-de-la-recherche-une-reforme-neoliberale-c

    • « A l’université, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre »

      Des chercheurs et des enseignants-chercheurs, membres du collectif Sauvons l’université, estiment, dans une tribune au « Monde », que la réforme annoncée pour la recherche affaiblira encore davantage le service public, à l’image de ce qui s’est fait pour l’hôpital.

      L’hôpital public est en crise absolue, le grand public en a désormais pleinement conscience. Ce qu’il sait moins, c’est que la recherche et l’enseignement supérieur le sont aussi. Si leurs « usagers » ne sont pas dans la même urgence vitale que les malades des hôpitaux – encore que la pauvreté d’un jeune étudiant lyonnais l’ait poussé à s’immoler par le feu le 8 novembre –, leur formation intellectuelle est plus que jamais en péril, leur avenir professionnel plus que jamais compromis. Si la détérioration des conditions d’exercice des personnels de la recherche et de l’enseignement supérieur reste sans comparaison possible avec celle des hospitaliers, c’est la même destruction du service public qui est à l’œuvre ici et là.

      Comme à l’hôpital, les professionnels de l’enseignement supérieur travaillent désormais au sein d’une institution totalement désorganisée, épuisée par quinze années de réformes successives. Répondant à l’injonction de se hisser dans des classements internationaux aux critères absurdes, des laboratoires d’excellence, des équipements d’excellence, des formations d’excellence ont surgi dans le paysage universitaire. Tel un rat de laboratoire, le chercheur erre dans un labyrinthe de guichets à la recherche de financements. Il rédige des projets, des rapports de projets en cours, des évaluations de projets, des bilans de projets. Il recommence quand il a terminé. Vissé derrière son ordinateur, sur lequel il cherche dans quelle fenêtre « innovante » il pourrait s’inscrire, il réduit de jour en jour le temps consacré à la recherche et à ses étudiants.

      Comme à l’hôpital où, à côté de plateaux techniques coûteux, on manque de simples compresses, ces nouvelles structures concentrent l’essentiel des moyens financiers, au détriment de la plupart des unités de recherche et d’enseignement dont les dotations ont diminué, dont les locaux sont délabrés, dont les fournitures les plus élémentaires se tarissent. Comme à l’hôpital, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre dans la mise en concurrence généralisée des personnes et des équipes, dans la course au projet innovant, dans une réorganisation institutionnelle incessante.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/a-l-universite-la-destruction-des-collectifs-de-travail-est-a-l-uvre_6029014

    • Il faut défendre le Conseil national des universités

      Nombreux sont ceux qui aujourd’hui regardent le #Conseil_national_des_universités comme un organe obsolète. Ils ajoutent que sa suppression serait toutefois vécue par les enseignants comme une « hérésie ». Le choix des mots n’est pas anodin : défendre le #CNU n’est pas être un censeur orthodoxe, réaffirmant une foi doctrinale qui se passerait d’arguments – en voici quelques-uns, qui ne sont pas des moindres.

      https://aoc.media/opinion/2020/02/11/il-faut-defendre-conseil-national-des-universites

    • La ministre de la recherche Frédérique Vidal reçue sous les huées de chercheurs du CNRS de Grenoble

      Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, était au CNRS de Grenoble ce jeudi 13 février. L’objet de sa visite ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires dans le cadre de la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. La ministre a essuyé les huées d’un comité d’accueil réfractaire aux futures dispositions de ladite loi, ainsi qu’au projet de réforme des retraites.

      C’est sous les huées d’un groupe d’une cinquantaine de chercheurs que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation est arrivée au CNRS de Grenoble, ce jeudi 13 février. L’objet de cette visite, annoncée au dernier moment et placée sous haute protection policière ? Un temps d’échange avec des directeurs de laboratoires et des chercheurs, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) initiée il y a tout juste un an.

      Un dispositif encore en cours d’élaboration mais qui suscite nombre d’inquiétudes dans les rangs des chercheurs et syndicats FO, Sud et FSU du CNRS. Que lui reprochent-ils entre autres griefs ? Notamment « de mettre la recherche au service du fric » et de créer les conditions d’une mise en concurrence des chercheurs « en ne gardant que les meilleurs ». Et, en filigrane, un autre projet gouvernemental, celui de la réforme des retraites dont ils réclament en bloc le retrait.

      La LPPR « creuse la tombe de la recherche publique en France » selon les syndicats

      « La LPPR c’est une loi contre la recherche qui va dans le sens des précédentes lois », affirme Pierre Giroux, secrétaire général du SNTRS CGT. Son constat ? « Les personnels sont de plus en plus isolés. Il n’y a plus de travail d’équipe et nous sommes obligés de faire des demandes de contrats pour faire avancer nos recherches », déplore le syndicaliste.

      Le texte en préparation « creuse la tombe de la recherche publique en France », selon ce dernier, qui concède toutefois ne pas en connaître tous les détails. « Nous nous prononçons contre cette loi. Et demandons l’ouverture de négociations pour qu’une autre loi et un autre financement de la recherche soient possibles », appuie Pierre Giroux.

      Mêmes échos négatifs de la part de Benjamin Trocmé, directeur de recherche au CNRS et conseiller départemental. Ce dernier brocarde « une ministre qui arrive en catimini et sans vraiment rencontrer les personnels ». Lui aussi reconnaît ne pas exactement savoir à quelle sauce les chercheurs vont être mangés.

      « Des rumeurs commencent à circuler. Il y a toute une philosophie tendant à mettre les labos en compétition », s’inquiète-t-il. « Jusqu’à présent, la recherche ça a toujours été de la coopération et de l’émulation. Cette loi est incompatible avec le principe même de la recherche », tranche Benjamin Trocmé.

      Les manifestants ont refusé de dialoguer avec Frédérique Vidal

      Cette réaction épidermique, tant sur la LPPR que sur les retraites, n’a pas manqué d’étonner Émilie Chalas, députée de la conscription sur laquelle se situe le CNRS. « C’est surprenant parce que les textes sont toujours en cours de discussion à l’Assemblée nationale. […] On sent bien là une instrumentalisation politique des inquiétudes », juge-t-elle. « Frédérique Vidal est une ministre qui a le contact plutôt facile. Peut-être s’arrêtera-t-elle pour échanger avec les manifestants ? », a-t-elle envisagé.

      Mais non. Les manifestants ont catégoriquement refusé le dialogue, pourtant proposé par le directeur de cabinet du préfet de l’Isère. En cause ? La présence d’un contingent de gendarmes mobiles ayant pris position dans l’enceinte du CNRS et qui les avaient prévenus qu’ils feraient usage de la force s’ils ne se déplaçaient pas au-delà d’une ligne imaginaire.

      « En quarante ans de présence, on n’a jamais vu ça au CNRS ! », s’indignent des chercheurs, remontés comme des coucous. Mais ce n’est pas tout. Un peu plus tôt, bien qu’ils soient en possession d’une invitation officielle, plusieurs enseignants et syndicalistes de l’Université Grenoble-Alpes (UGA) n’avaient pas pu pénétrer sur le site.

      « Il y avait clairement une volonté de ne pas nous faire rentrer », estime Nicolas Sieffert, enseignant-chercheur au Département de la licence sciences et technologies (DLST). « Nous sommes juste des chercheurs. Il n’y avait aucune volonté de bloquer, sinon celle de protester », plaide-t-il.

      « Cette loi va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche »

      « Cette loi de programmation est une loi budgétaire qui va nous donner la trajectoire des investissements dans la recherche sur les sept à dix prochaines années », explique, quant à elle, Frédérique Vidal. Le challenge ? Trouver comment utiliser au mieux cet argent « qui viendra en plus de ce qui est fait actuellement » pour répondre à trois questions fondamentales. À savoir : « rendre la recherche attractive, continuer à faire de la France un grand pays de recherche, et mieux articuler les recherches fondamentales publiques et privées », énumère la ministre.

      « La loi sera une loi budgétaire mais il faudra ensuite la décliner en circulaires ou règlements. S’il y a quelques modifications à y apporter, il faudra le faire dans les semaines qui viennent », précise Frédérique Vidal. « C’est tout l’objet des rencontres d’aujourd’hui », a-t-elle expliqué.

      Pour autant, si l’on en croit la fraîcheur du comité d’accueil, la pilule risque bien de ne pas passer aussi facilement.

      Frédérique Vidal déclare entendre les inquiétudes des chercheurs. Cependant, et sans surprise, la ministre n’en défend pas moins pied à pied la future loi, en vantant une initiative gouvernementale inédite.

    • Interpellation du Président #Michel_Deneken par l’AG des personnels de l’#Université_de_Strasbourg

      Lors de la présentation à la presse du projet Cap 2030 de notre université, vous avez prononcé cette phrase, rapportée par les DNA (https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030) ce 13 février dans un article intitulé « Une vision commune et des priorités à l’horizon 2030 » :

      "Nous sommes une #entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de #clients".

      En tant qu’universitaire, vous connaissez la valeur des mots. Ces mots ne sont pas les nôtres.

      Non, Monsieur le Président, nous ne sommes pas une « entreprise », mais un Service public.

      Les étudiants ne sont pas des « clients » : nous leur offrons une formation publique, des savoirs publics et une recherche publique. Nous vous prions instamment de défendre les valeurs de la Fonction publique de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et non celles du secteur privé, auquel nous n’appartenons pas et auquel nous ne voulons en aucun cas
      appartenir.

      L’Assemblée générale des personnels de l’Université résistante de Strasbourg.

      #Deneken

      –-----

      L’article paru dans le journal DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace) :

      Université de Strasbourg : une vision commune et des priorités à l’horizon 2030

      L’Unistra a élaboré un document d’orientation stratégique afin de définir ses priorités d’ici 2030. Avec l’objectif de déterminer des grands axes d’actions pour l’enseignement supérieur et la recherche mais aussi de répondre à court terme aux préoccupations actuelles.

      • Cap 2030 : plus de 600 propositions

      « Autrefois les stratégies des universités étaient décidées par les ministères. Nous nous sommes emparés des marges d’autonomie. Nous avons le devoir de donner une perspective, une stratégie à notre université. L’immédiat ne doit pas nous faire oublier de tracer un cap », explique Michel Deneken, président de l’Unistra. Avant de poser cette question : « Quels sont les grands défis, dans les 10 ans, qui peuvent nous mobiliser ? »

      Pour y répondre, l’université avait lancé, l’an dernier, auprès des plus de 60 000 membres de sa communauté – composée de 52 000 étudiants, plus de 5 500 enseignants, enseignants-chercheurs et personnels, et plus de 4 500 intervenants professionnels extérieurs – une consultation inédite nommée Cap 2030.

      Plus de 6 000 réponses ont été apportées et près de 620 propositions ont été faites, « dont 30 % sont déjà mises en œuvre », note Christelle Roy, vice-présidente chargée des Stratégies et développements. Avec deux préoccupations majeures : la qualité de vie et le développement durable.

      • Un document de référence

      L’idée de l’Unistra de définir sa vision et ses grandes priorités à l’horizon 2030 remonte à la fin 2018.

      La consultation de sa communauté avait été organisée en mars et avril 2019, l’année de ses 10 ans d’existence (depuis la réunification).

      Le document d’orientation stratégique a été adopté, le 28 janvier 2020, par le congrès de l’université. Ce document de cinq pages n’est pas un document décisionnel, ne prévoit pas de financements particuliers, mais constitue un document de référence, explique Christelle Roy.

      Chaque composante, chaque unité de recherche, chaque service, chaque personne pourra s’en saisir, pour s’en inspirer, élaborer ou participer à des projets, formuler de nouvelles actions concrètes. Il servira également de document d’appui pour consolider des grands appels à projets nationaux ou européens. Prochaine étape, la réalisation en mars d’un livret de référence qui permet « d’acter et de partager une vision commune ».

      • « Quel est notre ADN ? »

      Ce travail de prospective « nous a permis de prendre la mesure de ce que nous sommes », remarque Michel Deneken. « Il existe 80 universités en France, chacune est insérée dans un territoire et tributaire d’une histoire différente. Quel est notre ADN ? Qui sommes-nous dans le paysage français et européen ? Nous sommes une grande université de recherche. Nous sommes insérés dans Eucor et labellisés européenne avec Epicur. Comme le fait le CNRS, cette différenciation nous permet de mettre les moyens là où la différence est la plus grande. »

      • Une vision réaliste

      Plusieurs propositions pourront être rapidement mises en œuvre, notamment pour améliorer le développement durable, une demande qualifiée de « lame de fond » par Michel Deneken.

      Le document d’orientation propose « une vision réaliste », dans un contexte où
      « nous avons du mal à être financés de manière pérenne », remarque le président de l’Unistra. « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. Nous n’avons pas le droit d’augmenter le nombre de m2, pas de création d’emplois depuis plusieurs années. Nous avons plus d’étudiants et moins de professeurs. À un moment... » Puis de finir sur une bonne note : « Nous sommes victimes de notre attractivité. »

      https://www.dna.fr/edition-strasbourg/2020/02/13/une-vision-commune-et-des-priorites-a-l-horizon-2030

    • Pourquoi je démissionne de toutes mes fonctions (administratives) à l’université de Nantes.

      Ne pas céder sur son désir. Depuis 7 ans je suis responsable pédagogique et administratif d’une licence professionnelle en Community Management. Je l’étais. Car à compter d’aujourd’hui, je démissionne. Rien ne permet d’indiquer aujourd’hui si celle licence pourra ouvrir l’année prochaine. Il faudra assurer son recrutement, le suivi des inscriptions et des négociations estivales d’étudiants en recherche de contrats ou simplement en demande d’information. Il faudra aussi recruter de nouveaux vacataires. Il faudra faire les emplois du temps en jonglant avec d’innombrables contraintes. Je ne le ferai pas. Je démissionne. Je démissionne de toutes mes fonctions administratives.

      En 7 ans, je pense avoir exploré toutes les principales failles d’une université qui achève de se renier dans chacune de ses valeurs fondamentales et qui ne tient plus que par la curiosité et l’envie de ses étudiants et le dévouement, hélas souvent mortifère, d’une partie de son personnel enseignant, technique et administratif.

      Quand j’ai voulu monter cette licence professionnelle je suis passé par toutes les phases au mieux ubuesques et au pire kafkaïennes. On m’a fait remplir d’innombrables dossiers et formulaires sans cesse recommencés, qui n’avaient aucun autre sens que celui de m’habituer à vivre dans un monde où chaque décision, chaque choix, chaque envie et chaque idée ne vaut que si elle peut être déclinée en autant de procédures cherchant l’épuisement de la (bonne) volonté. J’ai avalé toutes les couleuvres possibles, j’ai commencé, déjà, à m’asseoir sur un certain nombre de mes principes, parce que je pensais qu’il demeurerait une possibilité de les retrouver plus tard. Que ce renoncement n’était que provisoire. J’avais tort. Je vous avais raconté tout cela ici.

      Pendant des années, j’ai du défendre une formation qui n’était jamais « assez rentable » au regard d’autres formations, en tout cas pour certains collègues et responsables de site, de pôle ou de toute autre entité managériale superfétatoire. Pendant des années à l’échelle globale de l’université comme à celle de chacune de ses composantes, des formations ont été « mises en concurrence », non sur le plan pédagogique mais uniquement sur des paramètres et des critères financiers. Cette folie a conduit à d’innombrables tensions entre collègues, jusqu’à l’année dernière et cette scène surréaliste où le directeur de ma composante m’a demandé, sous peine de fermer la formation, de m’engager personnellement à trouver 5 ou 6 contrats. On nageait déjà en plein délire. Je vous avais raconté tout cela ici (sautez directement au passage « Mes chers collègues, je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être ... »).

      Et puis il y a eu, cette rentrée à l’université de Nantes, l’affaire du trop-perçu des vacataires. Une erreur initiale de la direction des finances publiques, et quelques strates logicielles et administratives plus tard, des vacataires sommés de rembourser des sommes allant de quelques dizaines et plus d’un millier d’euros. Des vacataires qui représentent, rappelons-le près de 30% des heures d’enseignement dans les universités françaises. A l’université de Nantes, comme en atteste l’extrait du bilan social ci-dessous, ces vacataires assurent 127 000 heures d’enseignement. Pour vous donner un point de comparaison relatif, une formation de licence professionnelle c’est 450 heures d’enseignement en moyenne. Je vous laisse faire le produit en croix.

      Vacataires que l’on a donc, matériellement et symboliquement, traité comme du bétail. Depuis le mois de Septembre, nombre d’entre eux ont démissionné, mettant en péril l’existence même de certaines formations. Nombre d’entre eux sont également restés. Parce qu’ils n’avaient pas le choix (financier). Parce qu’ils étaient sincèrement attachés aux étudiants et aux formations. Et aussi parce que la possibilité de faire figurer « enseignant à l’université » sur son CV reste une reconnaissance symbolique importante. La licence dont je m’occupe emploie chaque année une quinzaine de vacataires intervenant pour deux ou trois heures et parfois pour assurer des enseignements complets autour d’une quarantaine d’heures. A ces gens-là on a envoyé différents courriers les sommant de payer sans même leur offrir la possibilité d’étalonner les paiements. Et sans que je ne sois, comme responsable de formation, jamais informé ni des sommes en jeu ni même de la nature desdits courriers. Puis devant le tollé du premier courrier tant la forme était violente, méprisante et humiliante, un courrier « d’excuse » fut envoyé aux mêmes pour déplorer la violence formelle du premier. Et puis ... et puis tout à continué. Les relances incessantes dont celles en guise de voeu de bonne année. Les demandes d’étalement pour lesquelles on vous somme de produire un dossier digne des services sociaux de l’Angleterre Thatcherienne. Vous sollicitez une exonération ou un étalement et vous avez déjà rempli 2 dossiers différents ? Merci de nous envoyer « un état de vos ressources actuelles selon votre situation familiale, un état de vos dépenses (loyer, électricité, téléphone, taxe habitation, impôts sur le revenu, crédit), les justificatifs d’une situation de difficulté financière importante (incident bancaire...). » Tout cela est bien sûr authentique.

      C’était là ma limite. La plupart de ces gens, de ces « vacataires », je les connais depuis plus de 10 ans. Pour nombre d’entre eux c’est moi qui les ai « recrutés » ou plus exactement « embarqués » dans cette histoire. Ils viennent pour une paie de misère. Ils n’ont même pas le droit d’être défrayés parce que l’université ne le permet pas. Alors bien sûr on triche. On fait des faux. Oui. Des faux. Dix ans que je fais des faux. Je rajoute ici ou là des fausses heures de cours parce que j’ai honte de ne pas pouvoir faire autrement pour pouvoir au moins défrayer un petit peu les vacataires qui sont à nos côtés et devant nos étudiants. Chaque année je « pose » les emplois du temps de ces vacataires. On finit par pénétrer dans des zones d’intimité. Pas de cours le mercredi parce qu’il est divorcé et a la garde de ses enfants. Pas de cours pour elle les semaines impaires, pour la même raison. Que des cours le vendredi après-midi en Janvier parce qu’il en profite pour visiter des clients dans le coin le vendredi matin. Pour elle, pas de cours le lundi matin de Septembre à Décembre parce qu’elle suit un traitement médical un peu « lourd ». Et tout le reste. La famille. Les enfants. Les loisirs. Les opinions politiques. Depuis 10 ans. 10 ans qu’on les connaît ces vacataires. Qu’on prend le café avec eux. Elle c’est sans sucre. Et lui c’est plutôt du thé. Il y en a qu’on accueille à la maison pour leur éviter de payer l’hôtel. Car certains viennent de loin. Il y en a qui nous amènent des chocolats à Noël. Il y en a qui prennent nos étudiants en stage. Ou en contrat. Il y en a qui versent chaque année de la taxe d’apprentissage à nos formations. A l’université de Nantes. Celle-là même qui leur réclame ce « trop-perçu ». Il y en a tellement. Qui passent. Qui restent. Qui reviennent. Certains sont devenus des copains. Le resteront quoi qu’il arrive.

      Dans l’affaire du trop-perçu des vacataires j’ai averti et alerté tous les services centraux de l’université. Présidence, DGS, DRH, directions concernées de l’IUT. J’ai arrosé large. Je n’ai pas du être le seul. J’ai demandé et j’ai expliqué. J’ai dit que nous ne pourrions pas supporter ces démissions. J’ai dit que des formations allaient être en (grand) danger. J’ai dit que sur le fond comme sur la forme rien de ce qui était fait n’était ni normal, ni digne, ni respectueux. J’ai même proposé un protocole pour en sortir. Un « tuto » de sortie de crise. Qui consistait par exemple à prioriser avec les responsables de formation, les sommes à recouvrer dans l’immédiat, celles à recouvrer plus tard, et enfin un volet de cas particuliers pour lesquels une exonération partielle ou totale, immédiate ou différée, était à la fois envisageable et justifiée, soit au regard de la situation des personnes, soit au regard des exigences et nécessités de service des formations. Mais rien. Nombre de vacataires ayant finalement payé, nombre d’entre eux ayant également démissionné, et étant toujours en contact étroit avec chacun d’entre eux, j’ai fini par demander une exonération totale des sommes qu’il restait à payer pour 4 d’entre eux. Il y avait à chaque fois une bonne raison : l’entreprise de l’un nous versait régulièrement de la taxe d’apprentissage, une autre s’était tapée le trajet Bordeaux - La Roche sur Yon 4 fois par an pendant 7 ans, et un autre traversait un moment personnel compliqué. C’était bien sûr inéquitable. Mais dans un système à ce point dysfonctionnel il ne peut plus y avoir de point d’équilibre ou d’équité, seulement des points de rupture. Et j’ai mis ma démission dans la balance.

      Pendant que l’université continuait de réclamer quelques centaines d’euros « d’argent public » à de récalcitrants vacataires, le président sortant de l’université, Olivier Laboux, nous livrait son « bilan de mandat », sur les pages web de l’université, en version .pdf et ... avec un document imprimé de 32 pages sur papier glacé diffusé à ... je n’ose imaginer combien d’exemplaires. Avec cet argent également public d’une impression tout à fait inutile, combien de vacataires aurait-il été possible d’épargner et de soulager ? J’ai posé cette question par mail au président. J’attends toujours sa réponse.

      Parmi les gens auxquels j’ai écrit, il y a quelques managers venus du privé et il y a surtout beaucoup, beaucoup d’universitaires. Mais non. Rien. La seule réponse que j’obtins fut celle du « je partage votre exaspération » mais « il s’agit d’argent public » suivi d’un inénarrable « mais on va apprendre de cet échec pour s’améliorer, pour alléger les procédures ». Malgré tout cela et depuis désormais presque 6 mois que cette affaire a éclaté, jamais ces gens n’ont agi en universitaires. Pourtant beaucoup d’entre eux sont universitaires. Jamais ils n’ont pris de contact direct avec les responsables de formation. Jamais ils n’ont envisagé de prendre en compte l’impact de leurs décisions de recouvrement sur le contenu des formations. Jamais ils n’ont pris en compte l’aspect humain et la relation de sens qui unit l’immense majorité de ces « vacataires » à l’université. Tous ces gens n’ont été que comptables, et en plus de cela de mauvais comptables, tristement incapables d’une quelconque forme d’expertise. Je crois que c’est cela qui est le plus navrant. Que des universitaires puissent à ce point être oublieux de ce qu’ils sont.
      Nous sommes devenus indignes de ce(ux) que nous représentons.

      Parce qu’il faut que les formations soient toujours plus « rentables », l’université déploie des trésors d’ingéniosité budgétaire pour accompagner les étudiants dans la recherche de contrats (contrats pro ou contrat d’apprentissage) qui vont lui rapporter de l’argent, des « ressources propres » comme l’on dit dans la novlangue managériale. Et pourquoi pas.

      Mais à l’heure où la précarité étudiante (matérielle et psychologique) progresse, la médecine universitaire du 21ème siècle est indigente, les services sociaux sur les campus sont soit inexistants soit totalement saturés, et - expérience vécue - quand nous sommes confrontés à des cas extrêmement difficiles de harcèlement sur un lieu de stage les services juridiques sont absents, surchargés ou se déclarent eux-mêmes incompétents et d’autres services (la DEVU en l’occurence, merci à eux d’ailleurs) font ... ce qu’ils peuvent. J’en suis arrivé, cette année, à faire intervenir une inspectrice du travail à la retraite pour sensibiliser les étudiants à ces questions, intervention que je dois bien entendu payer « sur les crédits de ma formation », grâce à l’argent que me rapportent ... les contrats. Je n’ai même pas cherché à discuter quand on me l’a annoncé. Pour être sincère, sur le moment, cela m’a d’ailleurs presque paru ... normal. La formation est désormais rentable. Je paie donc certains intervenants sur mes propres crédits. Tout cela est un non-sens absolu. Et occupe l’essentiel de nos agendas qui ne sont faits que de fausses urgences alimentées par d’imbéciles procédures nécessitant d’improbables et toujours plus complexes dossiers soumis à d’aléatoires et aveugles arbitrages budgétaires.

      Je ne pense pas, en l’état actuel de la gestion des universités françaises, qu’il soit encore possible de faire avancer les choses. En tout cas par des formes de négociation qui postulent ou présupposent une acceptation de l’environnement managérial actuel de l’université. Même les gens intelligents sont pris dans un environnement auto-référentiel qui les aveugle et les abrutit. Ils dansent comme des lapins dans des phares. Quand l’université leur annonce qu’ils vont devenir des « préfigurateurs de la vision » (là encore c’est authentique) ils trouvent ça normal et se précipitent aux réunions pour en être. Quand le ministère baptise « Bienvenue en France » un plan visant à multiplier par 16 les frais d’inscription pour les étudiants étrangers, ils trouvent ça cohérent. Eux-mêmes, dans leur propre université, font voter une baisse de 20% du budget des bibliothèques universitaires. De leur bibliothèque universitaire. Quand on les interpelle sur la violence systémique et symbolique de leurs courriers et de leur mode de management ils disent n’y voir « aucune intentionnalité ». Si demain on leur annonçait le remplacement du ministère de l’enseignement et de la recherche par celui des démarches ridicules ils se mettraient à marcher en canard ou en crabe.

      J’avais jusqu’à maintenant « résisté » parce qu’à chaque fois c’est moi qui prenait la décision finale. Et cette décision était prise conformément à un certain nombre de mes valeurs. Et me permettait, du moins le pensais-je, de protéger et d’accompagner au mieux les étudiants et parfois les collègues. Juste un exemple parmi tant d’autres : on m’expliquait (avec force) qu’il ne fallait prendre que des étudiants « financés » par un contrat en licence pro ? Je maintenais un accès de droit en formation initiale pour des étudiants avec de bons dossiers et continuais de refuser des étudiants avec des contrats mais de mauvais dossiers. Parce que je ne suis pas là pour faire du chiffre. Mais pour former des étudiants qui ont un projet cohérent. Cela peut vous paraître fou mais voilà contre quoi nous sommes nombreux à lutter, pied à pied, chaque jour, depuis des années.

      Aujourd’hui la plupart des digues qui me permettaient de protéger et d’accompagner efficacement les étudiants sautent les unes après les autres. Et celles qui me permettaient, pour une formation dont j’ai la charge, de rester (vaguement) responsable parce que décisionnaire du sort qui était fait aux collègues, titulaires, précaires et vacataires, ces digues là ont donc également sauté. Je n’ai donc plus aucune raison de continuer. Le système en lui-même ne semble plus capable d’une forme, même vague, même lointaine, de résilience. Si mon seul rôle consiste à accompagner des collègues sur le chemin de l’humiliation administrative, financière et symbolique sans pouvoir de quelque manière que ce soit l’empêcher, l’éviter ou la combattre, alors c’est que je ne suis plus à ma place, ou que ma place est celle d’un allié de ce système. Ce n’est bien sûr pas envisageable.

      Mais derrière tout « système » il y a des gens, décisionnaires, responsables devant la communauté qu’ils sont supposés représenter. A chaque étage franchi dans l’échelle des responsabilités universitaires - et même en laissant de côté les simples arrivistes déjà nombreux - j’ai l’impression que l’on ne fait que grandir en aveuglement et dans l’acceptation cynique et réfléchie de formes douces d’inhumanité. Jusqu’à l’étage ministériel et l’immonde plan « Bienvenue en France » contre lequel la communauté universitaire dans son ensemble n’a même plus été en capacité de réunir les formes de résistance nécessaires à son abolition immédiate.

      Très sincèrement je ne sais plus comment me comporter avec ces gens là. Les ignorer est coupable. Leur parler semble vain. Les insulter soulage à peine.

      Il (me) faut trouver d’autres terrains de lutte. Peut-être plus essentiels. Probablement moins universitaires. Car ce qui reste à sauver de l’université semble se jouer désormais principalement en dehors d’elle-même.

      « Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner » écrivait Saint-Exupéry. Alors soyons exigeants :-)

      Je remercie sincèrement, les collègues, titulaires, vacataires, précaires, grégaires, mais aussi, et leur part est immense, les secrétariats et services administratifs, services de formation continue, qui ont fait vivre et porté à bout de bras cette formation pendant 7 années à mes côtés. Que nous ayons été d’accord ou pas, pendant 7 années cette licence a aussi été la votre et ce que chaque diplômé est devenu, il vous le doit aussi un peu. Chaque parcours aura été unique et chaque rencontre précieuse. Ce que vous avez apporté aux étudiants n’a pas vraiment de prix. Vous le savez. La vie continue.

      La vie continue mais il va falloir que quelque chose change. Pour que nous retrouvions du sens à faire ce que nous faisons chaque jour. Nous le devons à nos étudiants. A nos collègues. Surtout précaires. D’abord précaires. Et un peu à nous-mêmes.

      « Ne pas céder sur son désir » disait Lacan, pour que la personne devienne sujet. Il ne nous reste que nos désirs à opposer aux ratiocinations faussement rationnelles du New Public Management dans les dernières strates encore capables de prendre collectivement soin des êtres et de ces choses bizarres que l’on trouve notamment dans les bibliothèques universitaires et que l’on appelle des connaissances. Ne pas céder sur son désir. Celui de prendre soin. A l’université comme à l’hôpital. Alors ne cédons pas sur nos désirs.

      Le 5 Mars l’université et la recherche s’arrêtent. C’est écrit sur les murs.

      https://www.affordance.info/mon_weblog/2020/02/pourquoi-je-demissione-universite-nantes.html
      #démission #violence #résilience #humiliation_administrative #aveuglement #inhumanité #désirs #new_public_management #connaissances #prendre_soin

    • #Montpellier : des manifestants perturbent l’inauguration du #village_des_sciences pour interpeller les élus

      Près de 150 personnes se sont invitées à l’inauguration du village des sciences de Montpellier, ce 11 février, pour protester contre la précarité des étudiants, mais aussi protester contre la loi de programmation de la recherche et la réforme des retraites (LPPR).

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/herault/montpellier/montpellier-manifestants-perturbent-inauguration-du-vil

    • #Campus_Triolet : des manifestants perturbent l’inauguration du Village des sciences

      Une centaine de manifestants ont perturbé l’inauguration des nouveaux bâtiments du village des Sciences sur le Campus Triolet, ce mardi matin.

      Le cortège, composé de syndicats, d’enseignants et de personnels de l’université, a envahi le bâtiment 35, en début de visite puis le bâtiment dédié à l’enseignement, jusqu’à la cérémonie de coupure de ruban.

      La visite s’est ensuite poursuivie avec les manifestants, dans un amphithéâtre où une prise de parole des officiels, dont la nouvelle rectrice Sophie Béjean, était prévue et a été perturbée.

      L’inauguration a finalement été écourtée par les organisateurs.

      https://www.lagazettedemontpellier.fr/live/5e4284a6be881b00305f7478/campus-triolet-des-manifestants-perturbent-l-inauguration-du-

    • Doctorants et docteurs précaires : « On n’est jamais assez bien, alors qu’on se tue au travail »

      Sous-payés, sous pression, les précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche sont en lutte depuis deux mois. Ils racontent leur quotidien pour « Libération ».

      « On est exploités alors que sans nous, l’université ne tourne pas ! » soupire Juliette (1), en deuxième année de thèse. Assise sur un banc place de la Sorbonne, elle jette un regard désabusé vers l’université Paris-1, où elle est vacataire. Depuis deux mois, comme elle, de nombreux précaires sont mobilisés pour dénoncer leur situation : grèves, tribunes, manifestations, la parole se délie. « Ça fait des années qu’on est maltraités, mais personne n’en parlait, par peur de perdre nos contrats », marmonne la doctorante de 24 ans derrière son écharpe.

      En France, 24% des enseignants du supérieur sont précaires (sans compter les vacataires). Ils peuvent aussi bien être doctorants ou docteurs enchaînant les contrats courts, et travaillent sous différents statuts : doctorants, thèse financée ou non, avec une mission d’enseignement, Ater (attaché temporaire d’enseignement et de recherche), avec un CDD d’un an renouvelable une fois… C’est encore plus compliqué pour les quelque 130 000 vacataires. Ils sont payés à l’heure de cours donnée et ne cotisent pas. Docteure en arts, Eugénie (1) va bientôt fêter ses 45 ans mais n’a toujours pas de poste fixe. Depuis dix ans, elle enchaîne les vacations avec un deuxième emploi pour s’en sortir.

      Un salaire de misère

      Sans le savoir, on voit leurs noms partout sur les emplois du temps des facs : les TD (travaux dirigés) sont assurés par des précaires. Les vacataires, « ceux pour qui c’est le pire », comme le souligne Juliette, touchent 41,41 euros brut de l’heure. « Sauf qu’on est payés uniquement à l’heure de cours donnée ! » rappelle Paula, exaspérée. Elle a été vacataire pendant sa thèse à Montpellier et se souvient des heures de travail à rallonge, non rémunérées : « J’avais dû préparer un concours blanc d’agrégation. L’écriture m’a pris une semaine, la surveillance sept heures, la correction huit heures. Et j’ai été payée uniquement pour une heure de cours. »

      Juliette, vacataire en science politique, enchaîne elle aussi les heures de cours pour à peine 200 euros par mois. Et encore, quand elle touche son salaire. Depuis le début de l’année scolaire, elle n’a pas reçu le moindre centime alors qu’elle enseigne toutes les semaines : « Les vacataires sont toujours rémunérés à la fin du semestre. L’année dernière, j’ai été payée fin août pour des TD donnés en janvier. »

      A Paris-1, Juliette et les autres vacataires ont même fait une rétention de notes entre avril et juin 2019 pour réclamer la mensualisation de leur salaire. La fac a accepté, mais rien n’a changé. Même son de cloche du côté de Lille, où William est vacataire : « Depuis des années, on nous promet partout qu’on va être payés mensuellement, mais ce n’est jamais mis en place. »
      « J’aurais dû faire un CAP soudure »

      Bien sûr, Juliette n’a pas les moyens de se payer un loyer à Paris. Coup de chance, des amis l’hébergent gratuitement dans leur appartement, et ses parents lui font parfois des pleins de courses. Mais ce n’est toujours pas assez pour s’en sortir financièrement. Alors à côté, elle est ouvreuse dans un théâtre les soirs et week-ends, pour 200 euros par mois. Le reste du temps, elle jongle entre sa thèse et ses cours. « Je suis jeune, donc ça va, mais je ne vais pas pouvoir continuer comme ça toute ma vie », confie la jeune femme, honteuse de devoir constamment se reposer sur les autres : « Je suis toujours celle qui n’a pas d’argent, qui demande à aller dans un bar moins cher… »

      Eugénie, elle, a soutenu sa thèse il y a près de dix ans et n’a toujours pas été titularisée. Amoureuse de l’enseignement, elle ne veut pas lâcher la fac pour autant et donne des vacations dans une université parisienne. En parallèle, elle est rédactrice à temps partiel, pour toucher un revenu décent. Elle a supporté ce cumul pendant près d’une décennie, en espérant que la précarité n’était qu’une étape. Mais aujourd’hui, l’épuisement n’est plus surmontable : « Je prévois enfin de me reconvertir, bien malgré moi. Franchement, j’aurais dû faire un CAP soudure. »
      Une réponse positive sur trente candidatures

      Pour Suzanne (1) aussi, la question de la reconversion commence à se poser. Pourtant, elle s’estime presque chanceuse : elle a obtenu un poste d’Ater avec un salaire de 1 657,87 euros net par mois. A 34 ans, elle n’a jamais gagné autant d’argent, mais reste anxieuse : « Je vais savoir en juin si mon CDD est renouvelé en septembre… »

      Pour obtenir une place d’Ater, il faut postuler via la plateforme en ligne Galaxie. Suzanne a tenté l’expérience à cinq reprises, avec une trentaine de candidatures chaque fois partout en France. Elle n’a reçu qu’une seule réponse positive : à Tours, alors qu’elle vit à Nancy avec son conjoint, en CDI. Pas le choix, elle a déménagé seule dans un studio et essaie de le voir quand elle peut, en économisant pour se payer des billets de train. « Etudiante, j’étais déjà très précaire. Ça n’a jamais changé. Sauf que maintenant, il y a la déprime de se dire que même en étant surdiplômée et hyperqualifiée, je ne décroche pas de contrat », admet-elle.
      « Deux de mes amis se sont suicidés »

      Paula, doctorante en géographie, a elle aussi décroché un poste d’Ater en septembre, à Rouen. Un « miracle » : sur cinquante candidatures, elle n’a eu que trois réponses positives, « et c’est considéré comme un super score ».

      Ces rejets sont difficiles à encaisser : « Qu’est-ce qu’il faut faire pour être pris ? On n’est jamais assez bien, alors qu’on se tue au travail ! » Pour « améliorer » leur dossier, les doctorants et docteurs doivent multiplier les activités : participer à des colloques, publier dans des revues académiques, donner des cours… Tout ça pour espérer être titularisé tôt ou tard, alors que les postes sont de plus en plus rares. William, vacataire à Lille, a été témoin des conséquences dramatiques que peut avoir une telle pression : « Deux de mes amis se sont suicidés parce qu’ils n’arrivaient plus à tenir. »

      « C’est une angoisse terrible. Ça te bouffe de l’intérieur… » confirme Paula. Pour ne pas se laisser sombrer, elle a décidé de prendre plus de temps pour elle cette année : pour la première fois, elle ne travaille pas les week-ends : « Ce que j’aime, c’est l’université, mais je préfère me reconvertir plutôt que supporter ce stress permanent. »
      Des collectifs de précaires pour lutter

      Quelque chose rassure encore Juliette : dans cette précarité, elle a rencontré d’autres personnes qui vivent la même chose et sont prêtes à lutter pour leurs droits. Depuis deux mois, les collectifs de précaires se multiplient : à Rouen, Tours, Lille, Paris… Des actions ont lieu régulièrement pour faire connaître leur situation. « La réforme des retraites, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)… Ce sont des réformes qui vont avoir un impact encore pire sur nous ! explique William, en grève depuis le 5 décembre. En n’assurant plus nos cours, on a enfin pu se rencontrer et créer un mouvement collectif. »
      Leurs revendications : des titularisations plus nombreuses, une revalorisation des salaires, le retrait des projets de réformes… Face à tant de mobilisation, Eugénie croise les doigts, mais ne veut pas se faire d’illusions : « Si ces réformes passent, j’espère presque mourir de mon tabagisme avant la retraite. Car plus jamais ce niveau de précarité ! »

      https://www.liberation.fr/france/2020/02/12/doctorants-et-docteurs-precaires-on-n-est-jamais-assez-bien-alors-qu-on-s

    • Recherche : « Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ? »

      Plus de 700 directrices et directeurs de laboratoires de recherche contestent, dans une tribune au « Monde », les critères qui président à l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ils préconisent de « renforcer les collectifs » plutôt que de promouvoir « une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs ».
      « A l’université, la population étudiante augmente quand les recrutements chutent (de près de 40 % pour les enseignants-chercheurs entre 2012 et 2018. »
      Faute de tenir les engagements budgétaires pris par l’Etat à l’occasion de l’agenda de Lisbonne (2000), le service public de recherche et d’enseignement supérieur décroche. Son indépendance et sa stabilité sont ébranlées par des pratiques d’évaluation, de management et de gestion empruntées au secteur privé. Les politiques publiques favorisent ainsi les contrats courts et précaires au détriment des emplois pérennes, elles promeuvent la compétition contre la coopération et enjoignent de trouver des résultats rentables aux dépens de la liberté de chercher et de son incertitude radicale.

      Le 1er février, confirmant le projet d’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, le premier ministre déclarait : « Gouverner, c’est choisir, et choisir, c’est renoncer ; nous devons donc faire des choix et décider ce qui est le plus important. » On comprend qu’il ne faudra garder que les « meilleurs » d’entre nous. Mais selon quels critères ? Ceux qui obtiennent des prix internationaux ou des labellisations d’« excellence », déposent des brevets, obtiennent de très gros financements européens et font des recherches à haut « facteur d’impact » ?
      Soumettant la recherche à une pensée utilitariste et comptable, le management public mesure aujourd’hui la performance à court terme et ne considère le fruit du travail scientifique que par les seuls travaux à haute visibilité et à rentabilité immédiate. Pourtant chacun sait que la recherche ne peut être que le fait d’une vaste communauté, « stars » comprises : aucun « génie » n’existe sans un collectif stable, compétent et à l’abri de la précarité.

      Des postes précaires de compensation de plus en plus nombreux

      L’application généralisée et systématique des critères de la « performance », dont on connaît pourtant bien les défauts et les travers, constitue un danger majeur qui met notamment en péril notre indépendance vis-à-vis des financements privés et internationaux. Que se passera-t-il quand les chercheuses et les chercheurs travaillant dans les domaines de l’énergie, de l’économie, de l’agriculture ou de la pharmacie ne seront plus financés que par le secteur privé ou des intérêts sectoriels ? Les sciences où les brevets sont rares, qui ne nécessitent pas de gros équipements et dont les travaux profitent davantage à l’intelligence collective et au progrès social sont-elles amenées à disparaître ?

      Nous nous sommes engagés dans la direction de laboratoires pour animer des collectifs, soutenir des recherches diversifiées (fondamentales, appliquées, critiques, participatives, etc.) et leur valorisation au profit de l’ensemble de la société. Cependant notre activité consiste de plus en plus à contenir les effets délétères d’une politique qui entrave les raisons de notre engagement et réduit le pluralisme de la pensée. Les organismes publics de recherche ont vu leur personnel fondre. A l’université, la population étudiante augmente quand les recrutements chutent (de près de 40 % pour les enseignants-chercheurs entre 2012 et 2018).

      Les postes précaires de compensation sont désormais partout légion. La recherche dite « sur projet » se substitue aux crédits récurrents, pourtant seuls à même de créer les conditions propices à l’élaboration de l’intelligence collective qui fait notre force. La ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, nous a invités à faire connaître nos besoins et à formuler des propositions concrètes dans le but affiché de nous associer à l’élaboration de cette loi.

      La vocation de toute la science n’est pas de créer des start-up

      En juillet 2019, les personnels issus de l’ensemble de la communauté scientifique, regroupés au sein du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), ont à cette occasion affirmé la nécessité d’infléchir les orientations actuelles : « Il importe que la loi réaffirme le caractère de bien commun de la connaissance scientifique, […] qu’elle permette la réalisation des conditions les plus propices à l’expression de la créativité des chercheurs et des chercheuses qui nécessite stabilité, sérénité et liberté de recherche ; qu’elle fixe des perspectives pluriannuelles en termes de croissance de l’emploi scientifique et du financement public de la recherche publique. »
      Ces propositions qui permettraient de renforcer l’attractivité et l’efficacité de la recherche française ont reçu l’assentiment de près de 96 % de 467 votants issus des instances qui nous représentent ; 3 % se sont abstenus, 1 % a voté contre… Notre politique de recherche serait-elle faite par et pour 1 % des scientifiques ?

      La vocation de toute la science n’est pas de créer des start-up, d’obtenir des médailles ou de mener des recherches qui satisfassent le calendrier politique et le secteur privé. Nous tous savons que l’existence d’une science plurielle et indépendante, reposant sur des collectifs sereins et des recherches menées dans le temps long, est un pilier indispensable à la stabilité de toute société démocratique.

      Contre la dégradation du service public de recherche

      En dégradant son service public de recherche, la France s’apprête à se priver des moyens qui permettraient de surmonter l’ampleur de l’actuelle crise écologique, sociale, économique et environnementale. Naturellement, nous nous y opposons. Nous refusons de devoir subir davantage de compétition, de perdre plus de temps à nous battre les uns contre les autres et d’être évalués suivant des critères utilitaristes au profit d’intérêts particuliers.
      Nous défendrons une loi de programmation pluriannuelle de la recherche si elle se fonde sur les propositions mûrement réfléchies par notre communauté, sur la volonté de renforcer les collectifs et non sur la promotion d’une infime élite œuvrant au profit d’une infime partie des savoirs.

      Cette loi doit réaffirmer la nécessité du statut particulier et l’indépendance de celles et ceux qui font la richesse du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il y a maintenant quinze ans, notre communauté dénonçait la politique dangereuse qui s’impose aujourd’hui. Notre position est identique et nous restons déterminés à agir pour sauver les universités et la recherche.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/02/10/recherche-notre-politique-de-recherche-serait-elle-faite-par-et-pour-1-des-s

    • #Revendications syndicat SNESUP :

      Le dernier congrès de la FSU, en décembre dernier, a rappelé que nous demandons depuis plus de 15 ans un plan pluriannuel pour la recherche avec : une augmentation du budget de la recherche publique de 1 milliard d’euros par an pendant dix ans pour atteindre 1 % du produit intérieur brut (PIB) de dépenses publiques de Recherche et développement ; un plan pluriannuel pour l’emploi scientifique avec la création de 6000 postes de titulaires (enseignant·es-chercheur·es, chercheur·es, ingénieur·es, technicien·nes et administratif/ve·s) par an pendant dix ans ; des dotations de base des laboratoires de Recherche qui permettent de financer leur programme de Recherche ; une revalorisation des rémunérations de tous les personnels. La FSU demande que ce plan pluriannuel soit engagé dès 2020. Elle s’opposera à toutes les mesures qui pourraient être introduites dans la LPPR conduisant vers plus de précarité dans la Recherche publique (contrats dits « de mission » ou les « tenure track ») et vers un renforcement du pilotage de la Recherche publique, du système d’appels à projets, de la compétition et des inégalités.

      60 000 postes titulaires (enseignant·es-chercheur·es, chercheur·es, ingénieur·es, technicien·nes et administratif/ve·s) d’ici 10 ans ;

      Budget : 3,5 milliards par an soit 1 milliard pour l’immobilier, 1.5 milliards pour l’Enseignement supérieur soit (2 % du PIB en 2030), 1 milliard pour la Recherche publique (1 % PIB en 2030) avec relèvement significatif des financements de base des laboratoires à la hauteur des ⅔ du budget ;

      Revalorisation indiciaire pour toutes et tous et non par des primes discriminatoires et ne concernant qu’une minorité de collègues ;

      Revalorisation de la grille indiciaire des MCF par prise en compte du doctorat (soit l’équivalent de 90 points d’indice ou environ 450 euros net par mois, du début à la fin de carrière) et augmentation de l’indice maximal des PR (50 points d’indice) ;

      Augmentation du nombre des contrats doctoraux et allongement d’un an de la durée des contrats ;

      Possibilité offerte à tous les enseignant·es-chercheur·es de bénéficier plusieurs fois dans leur carrière d’un congé : Congé Recherche Conversion Thématique (CRCT), congé pour projet pédagogique (CPP), délégations CNRS ;

      Fin de la logique des politiques de sites qui concentrent l’essentiel des moyens, via les PIA notamment, sur les seuls territoires où le tissu socio-économique est le plus dense ;

      Remise à plat du Crédit Impôt Recherche vers l’embauche de docteurs (vers les PME et ETI) et promotion du dispositif Cifre auprès des entreprises.

      https://www.snesup.fr/article/retraites-lppr-tenons-tous-les-fronts-lettre-flash-ndeg1

    • La recherche publique en France en 2019 : Diagnostic et propositions du Comité national

      Extrait des propositions du Comité National (p. 20) :
      Pour le seul CNRS, et s’il l’on veut seulement revenir aux effectifs de personnels scientifiques permanents de 2005, campagnes de recrutement de 400 chercheur·se·s et 700 ingénieur·e·s et technicien·ne·s par an pendant au moins trois ans.

      Pour les universités publiques, si l’on veut augmenter les effectifs d’enseignants-chercheurs dans la même proportion que les effectifs étudiants sur la même période (+ 16%), il faudra environ 3000 recrutements supplémentaires par an pendant (au moins) trois ans, auxquels il convient d’ajouter, en proportion, le recrutement de 2000 personnels BIATSS supplémentaires par an.

      https://www.c3n-cn.fr/sites/www.c3n-cn.fr/files/u88/Propositions_Comite-national_Juillet-2019.pdf

    • Chercheurs et enseignants se mobilisent contre une future « #précarité_institutionnalisée » à l’Université

      Depuis le début de l’année 2020, les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche se mobilisent en amont de la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Ils dénoncent un financement insuffisant de la recherche publique et un recours croissant à la #contractualisation des effectifs.

      https://www.rue89strasbourg.com/mobilisation-des-chercheurs-et-enseignants-la-precarite-a-luniversi

      #Strasbourg

    • Réponse au Président de l’université de Strasbourg, Michel Deneken, qui a déclaré :

      « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients ».

      https://seenthis.net/messages/820393#message825801

      –------

      La réponse sur Mediapart :
      Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’Université

      Dans une lettre ouverte à Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, cent membres du personnel de l’Université de Strasbourg fustigent l’assimilation de leur université à une « entreprise » et la « lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial » qui accompagne la destruction méthodique de leur service public.

      Monsieur le Président,

      En une seule phrase, envoyée tel un camouflet à l’ensemble des personnels et étudiants de l’Université de Strasbourg, vous avez trahi notre idéal humaniste et les valeurs du Service public. Lors d’une conférence de presse sur « l’orientation stratégique » que vous voulez imprimer à notre établissement pour la décennie à venir, vous avez dit ceci, rapporté par les DNA du 13 février :

      « Nous sommes une entreprise qui a du mal à être heureuse d’avoir plus de clients. »

      Non, Monsieur le président, notre université n’est pas une « entreprise », ses étudiants ne sont pas des « clients », et leur nombre important ne nous empêche en rien d’être heureux. Nous ne sommes pas une entreprise : nous sommes l’Université. Faut-il vous rappeler le sens de ce mot ? Il dit l’universalité des savoirs que nous devons faire fructifier et transmettre au profit de toutes et tous. Il dit une communauté de recherche et d’enseignement unie par la construction et la transmission de la connaissance, au service de la société. Il dit encore : égalité dans l’accès au savoir, collégialité et liberté académique, recherche collective de la vérité, imagination scientifique.

      Nous ne sommes pas une entreprise, nous ne sommes pas des « opérateurs » et vous n’êtes pas notre patron. Depuis de trop longues années, nous devons subir la lente déformation de notre idéal que signale la diffusion d’un langage managérial devenu aussi incompréhensible et ridicule que le globish. Vous vous en êtes fait le héraut, alors que, premier parmi vos pairs, vous devriez défendre l’honneur, la joie de faire vivre et de transmettre l’idéal de l’humanisme rhénan dont vous vous targuez pour mieux le bafouer.

      Nous ne voulons plus entendre ce langage qui accompagne la destruction méthodique de notre service public. Nous voulons continuer à être l’université, caractérisée par la production et la transmission des connaissances à tous et toutes, une université ouverte sur le monde et accessible à tous ceux en recherche de connaissances. Nous ne voulons plus de managers et technocrates de la recherche et de l’enseignement supérieur qui, au lieu de soutenir le développement de notre activité, l’entravent en réduisant le nombre de personnels permanents et en rendant aléatoires les financements.

      Nous ne sommes pas une entreprise, nous sommes l’université.

      Et vous, Monsieur le Président, êtes-vous aussi l’Université ?

      https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/210220/nous-ne-sommes-pas-une-entreprise-nous-sommes-luniversite

    • Tué·es par le #Vidalovirus...

      Jeudi 20 février à 10 H 30, au Muséum national d’histoire naturelle, les chercheur.es, étudiant.es, biatoss sont tombé.es sur leur lieu de travail touché.es par la LPPR, la réforme des retraites, la loi de transformation de la Fonction Publique et autres virus macroniens...

      (reçu via une mailing-list de lutte)

    • La licence d’informatique de Paris-8 n’ouvrira pas l’an prochain

      Motion du Conseil des enseignant·es de la licence informatique, 4 février 2020

      À l’Université Paris 8, le Conseil des enseignant·es de la licence informatique((instance créée par le conseil de l’UFR MITSIC du 19 novembre 2019 pour s’occuper de la licence informatique, et regroupant l’ensemble des enseignant·es intervenant dans la licence, quelque soit leur statut, y compris les étudiant·es tuteurices.)) s’est réuni le 4 février 2020 et a pris la décision de ne pas ouvrir la première année de licence à la rentrée 2020.

      Cette décision, lourde de conséquences et difficile à prendre, est la conclusion inévitable d’une situation catastrophique. Depuis des années, l’équipe pédagogique n’est plus en mesure d’assurer correctement sa mission de service public d’enseignement supérieur. Les groupes d’étudiant·es sont de plus en plus surchargés alors que le nombre d’enseignant·es diminue (non-remplacement des départs en retraite, etc).

      Cela fait plusieurs années que les séances de travaux pratiques ne sont plus assurées en demi-groupe comme c’est censé être le cas, que chaque cours de première et deuxième année est amputé d’une dizaine d’heures, que plus aucune option n’est ouverte en troisième année, et depuis l’an dernier, des cours obligatoires de deuxième année ne sont plus dispensés. Tout cela malgré une équipe pédagogique dévouée qui assurait jusque là en moyenne une centaine d’heures de service complémentaire (au-delà du service réglementaire de 192h) par enseignant·e titulaire, en plus du recrutement de plusieurs chargé·es de cours vacataires.

      La situation n’est plus tenable, et il ne serait pas correct d’accueillir dans ces conditions de jeunes étudiant·es en demande légitime d’une formation de qualité : celle-là même que nous voudrions pouvoir leur offrir, celle pour laquelle nous avons choisi d’exercer ce métier.

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      Interrogé par Academia, Pablo Rauzy, maître de conférences au Département informatique de l’Université Paris-8 et syndiqué à la CGT Ferc-Sup, explique :

      « Comme le dit notre motion, la situation est alarmante depuis trop longtemps. Nos tutelles le savent, aussi bien la présidence de notre université que le rectorat. Avec la LPPR qui arrive et promet une aggravation de la situation, dans la continuité logique de la managérialisation et la privatisation de l’enseignement supérieur (Bologne, LMD, LRU, ORE, …), l’équipe pédagogique qui tenait jusque là la formation à bout de bras ne s’en sent plus la force ».

      Chronique d’une destruction annoncée ? Il faut espérer que cette décision terrible à prendre permette d’une part de protéger les personnels à bout, et d’autre part — dans une vision optimiste — de repenser correctement la formation des étudiant-es et le travail des personnels dédiés à l’enseignement et à la recherche.

      https://academia.hypotheses.org/11100

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      Ouverture de la licence d’informatique : bluff de la présidence de Paris-8 ?

      La présidence de l’université Paris 8, en accord avec la direction de l’UFR dont dépend la licence informatique tient à informer que, contrairement à des informations qui peuvent circuler, la licence d’informatique est ouverte, comme on peut le vérifier sur Parcoursup avec une capacité de 90 places, et sera en mesure d’accueillir, comme prévu, les nouveaux bacheliers à la rentrée 2020. Celles et ceux qui feront le choix de cette formation peuvent être assurés que tous les moyens sont mis en œuvre, comme chaque année et comme pour toutes les autres formations, pour garantir l’accueil des étudiants et leur accès à l’ensemble des cours.

      La présidence s’avance sur des bases légales assez faibles, puisque seuls les Conseils centraux, notamment le Conseil de la formation et de la vie étudiante (CFVU), peuvent décider de l’ouverture ou non d’une licence. Or, lorsque la lourde décision a été prise le 4 février 2020 par le Collectif des enseignant·es de la licence d’informatique ((instance créée par le conseil de l’UFR MITSIC du 19 novembre 2019 pour s’occuper de la licence informatique, et regroupant l’ensemble des enseignant·es intervenant dans la licence, quelque soit leur statut, y compris les étudiant·es tuteurices.)), le personnel titulaire n’était pas en nombre suffisant pour assurer l’encadrement de 90 étudiant·es et les éventuelles vacations nécessaires pour couvrir la maquette. La présidente déterminant les services, mais ne pouvant imposer d’heures complémentaires, il reste à savoir si la présidente Annick Allaire a bien comptabilisé les heures de service des enseignant·es affecté·es à la licence. Les enseignant·es n’étant pas obligé·es d’accepter des heures complémentaires, qui, payées 23 centimes en dessous du SMIC, pénalise fortement les activités de recherche qui sont non seulement indispensables à l’évaluation de leur carrière mais surtout à leur maintien à niveau comme enseignant·e.

      Espérons que l’Université de Paris-8 prendra rapidement conscience des besoins de recrutement pérennes d’enseignants et d’enseignantes-chercheuses compétent·es et ouvrira, dès 2021, des emplois de maîtres·es de conférences et de professeurs des universités, pour suivre les recommandations du CNESER, qui le 5 février 2020, dénonçait « une insuffisance de dotation récurrente de l’État » et insistait sur la nécessité

      de poursuivre et d’amplifier l’accompagnement budgétaire pérenne de l’État pour dégeler et ouvrir de nouveaux postes de titulaires (en particulier en L1 pour diminuer les effectifs en TD et aussi à l’IUT de Tremblay ), améliorer les conditions d’étude et de travail et maintenir la qualité de l’enseignement.
      Le maintien d’une université de qualité est essentiel pour le département de Seine-Saint-Denis et le CNESER ne saurait accepter sa mise en danger.

      https://academia.hypotheses.org/16090
      #Paris_8

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’
      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’

      Et #FrançoisMétivier conclut : « L’allocation de ressources sur la base d’une mise en #compétition ne conduit pas à l’optimum ».
      Voilà, c’est dit. Sur la base d’une analyse statistique...


      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M

    • #François_Métivier sur le système de #production_scientifique optimale :
      « Dans un système à productivité marginale décroissante (= où ça coûte de + en + cher de faire publier un chercheur), l’optimum c’est de diviser le budget également entre tous les chercheurs »

      Deux leçons à tirer :
      1. Fermons l’#ANR
      2. Il faudrait faire confiance aux chercheurs sans s’embêter avec des #appels_à_projets

      Vers la minute 36’

      Et #FrançoisMétivier conclut : « L’allocation de ressources sur la base d’une mise en #compétition ne conduit pas à l’optimum ».
      Voilà, c’est dit. Sur la base d’une analyse statistique...


      https://www.youtube.com/watch?v=MuOCfASFp7M