#loi_pour_la_précarité

  • Interview d’un gréviste de Ouibus via @lundimatin
    Trains et cars, la précarisation en marche
    https://lundi.am/OUIBUS-degraisse-Interview-d-un-greviste

    Ils ont vu les choses de façon grandiose, extravagante. Ils ont foncé dans le plan Macron. La SNCF était là à fourguer et fourguer des millions d’euros d’argent public et les dirigeants de OUIbus, mais c’était complètement des débutants, des ignorants. Ils ont pris l’argent et il l’ont jeté par la fenêtre.

    Ils se sont pris pour les meilleures. Du genre « Nous, c’est la SNCF, nous on a de l’argent. On va écraser tous nos concurrents ». Pour le présent, c’est leur salarié qu’ils écrasent.

    Ça donne quoi plus précisément ce recours à la sous-traitance ? Tu disais que les propositions de reclassement s’étaient révélées être du vent. Côté salaire par exemple ?
    Ils sont fous, ils nous prennent vraiment pour des pigeons. Fin mai, je suis dans le bureau d’un directeur OUIBUS avec la DRH à coté. Ce qu’ils me disent ?! L’entreprise est en difficulté, pour remonter les caisses de cette entreprise, messieurs, il faut faire un effort…. Tu vois, un directeur qui gagne 12 000€ par mois et la DRH à côté 8000€ pour un mi-temps qui te dises ça ? Quand tu vois les écarts… C’est inadmissible ! C’est une honte de me dire ça à moi. 10,4€ de l’heure. Et je suis encore trop payé parce que j’ai des primes de découché ?
    Je remplissais ma valise de tuperwares pour pouvoir manger dans les hôtels et mettre les 10€ de repas qu’on me donnait pour relever mon salaire. Chez Faure, le sous-traitant, les primes sont minimes. A la SNCF elles sont basées sur celles des cheminots, par contre quand on arrive chez un privé, le privé va appliquer celles de la convention collective du transport et qui descend à ras les pâquerettes. C’est là qu’ils nous baissent drastiquement nos salaires. Entre les primes de découché et les primes repas, on y perd de 500 à 600 euros. C’est ça la différence entre la SNCF et un sous-traitant privé.

    Son projet, à Macron, c’est la précarité. Je l’ai toujours dit, sa loi c’est une loi sans loi, c’est une loi pour la création de la précarité. Et on va y venir. C’est pas parce qu’il est tout jeune, il est tout beau, ça y est c’est le renouveau. Non, non ! Il y a du nouveau certes mais il faut voir est-ce que c’est un nouveau positif ou si c’est un nouveau négatif.

    Alors le PDG je lui ai dit : « Oui monsieur, je suis prêt à poser 200€ sur la table, à condition que vous aussi vous mettiez votre salaire sur la table. Pour sauver l’entreprise ! » Alors là, il a failli me retourner la table sur la tête : « Comment vous osez me parler comme ça à moi ! Vous êtes qui pour me parler de mon salaire ! » Ça ne lui a pas plu du tout.

    Tu parlais de ces deux journées de pression chez le sous-traitant FAURE, enfermé de salle en salle avec le DRH qui vous répète la même question pour vous faire craquer. A ce moment, vous n’étiez plus que douze. Ça a débuté comment leur stratégie pour pousser à la démission ?
    Début 2016 ils ont commencé à nous proposer des petites choses pour qu’on parte, on les a vu venir. Puis ils ont essayé par tous les moyens d’éliminer la masse salariale. A changer les horaires d’un jour à l’autre, à serrer les horaires pour que les gens n’en puissent plus et qu’ils craquent. C’était dangereux de conduire, on n’avait pas assez de temps de repos. Les syndicats criaient, la direction s’en foutait complètement. Ils avaient pour objectif d’éliminer. Il y a eu des accidents à cause de la fatigue. A Milan, un gars s’est endormi sur son volant, il s’est encastré dans les glissières. Un deuxième accident, un collègue qui a fait un Genève-Paris toute la nuit, arrivé sur le périph parisien aux alentours de 8 heures du matin, il s’est endormi, il est rentré dans un camion. Les deux étaient de Lyon. Il n’y a pas eu de blessés, ils ont eu de la chance.
    Comment font-ils pour se débarrasser d’employés qui sont protégés par les conventions collectives de la SNCF ?
    En ce moment, à la SNCF, Il y a tous ceux qui partent à la retraite et peut-être que vous le savez pas mais la SNCF a changé de politique. Avant ils embauchaient des moins de 30 ans sous statut cheminot, mais maintenant ils emploient a partir de 35, 40 voir 45 ans, parce qu’en commençant après trente ans, y’a plus le droit au statut de cheminot. Ils se préparent à ce qu’il y ait le moins de cheminot possible. Et puis les gars ils ne sont pas pris en tant que cheminot, ils sont pris en tant que salarié de la SNCF, en CDI.

    Alors un jour c’est sûr, la SNCF va dire : « tiens j’ai un sous-traitant, transfert d’activité, lui ce n’est pas un cheminot et hop je le transfère ». Il se fera embaucher dans des conditions non négociables, précaires, dans des boites de sous-traitance où il n’y a pas de sécurité de l’emploi. C’est ce qu’ils ont fait avec nous mais y a un flou, ça pose beaucoup de questions sur la légalité de la manœuvre. C’est pas vraiment un transfert. La SNCF reste propriétaire des lignes mais en sous-traite l’exploitation. Comme ça, plus de parc à entretenir, plus d’employés à payer parce qu’elle s’est débarrassée de la masse salariale. Mais elle touche toujours une partie des bénéfices. Elle n’a plus qu’à empocher l’argent.

    Mais surtout, l’opération de la SNCF, c’est de sous-traiter les licenciements. Hop, transfert d’activité dans le privé sans te demander ton avis, propositions non tenues de reclassement en son sein, réduction de salaire. On était en grève et on s’est fait licencier pour faute grave par Faure avec qui on n’a jamais signé de contrat de travail et puis la SNCF, elle, ne s’est pas mouillée à licencier.

    Tu disais en assemblée : « Ce qui se passe à OUIBUS, la sous-traitance par région, la dégradation des contrats jusqu’à la sous-traitance des licenciements, ça préfigure ce qui va se passer durant la libéralisation du rail en France ». Comment ça ?
    Eh bien oui. On est les premiers à subir ce genre de choses. La SNCF aujourd’hui elle nous a utilisés comme un laboratoire, pour préparer le terrain pour l’exterminer des cheminots, leur statut et leurs acquis sociaux.

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