• Selon lui, la moitié des habitants de ce quartier populaire arrive à la retraite invalide. « Ce sont des travailleurs qui ont des conditions de travail difficiles, explique Dominique Tribillac. Jusqu’à 45 ans, ils n’ont pas d’arrêt, et après ça commence.

      L’usure se déclare à cause de mouvements répétitifs qui sollicitent les mêmes membres ou muscles. « On arrive donc à une situation bancale en fin de carrière. Le patient peut-il encore travailler ou non, faire le même job… »

      Le médecin pointe aussi le manque de spécialistes dont les délais d’attente pour un rendez-vous sont de plus en plus élevés : « Les gens ne peuvent donc pas reprendre leur travail sans les avoir vus. »
      Un médecin dans l’illégalité

      Mais tous ces arguments n’ont pas convaincu l’Assurance maladie. Ainsi, le docteur Tribillac a été sanctionné malgré un avis favorable d’une commission consultative pour le laisser exercer sereinement. C’était sans compter sur la direction de la CPAM de Seine-Maritime qui en a décidé autrement. Cette dernière n’a d’ailleurs pas souhaité répondre à nos questions au sujet du médecin du Val-Druel.

    • Quand un membre de l’ordre médical se solidarise avec les patients il est systématiquement réprimandé puis annihilé s’il continue à lutter du côté des patients.

      Unit 731
      https://en.m.wikipedia.org/wiki/Unit_731


      L’exemple historique qui a défini cette logique de classe sont les aides soignants et médecins tués par leurs pairs dans les camps de la mort japonais parce qu’ils ne supportaient plus de participer aux vivisections et expérimentations quotidiennes. Ces médecins trop humains subissaient le même sort que les autres victimes des médecins japonais.


      Shirō Ishii / 石井 四郎, médecin chef et directeur du camp de recherche médicale l’unité 731
      https://en.m.wikipedia.org/wiki/Unit_731
      On traite le sujet des Mengele et Ishii dans le cadre de la documentation des crimes de guerre japonais et du génocide des juifs d’Europe par les nazis.

      https://en.m.wikipedia.org/wiki/Japanese_war_crimes
      https://en.m.wikipedia.org/wiki/German_war_crimes

      C’est faux car la shoa n’était pas un crime de guerre mais une politique d’extermination conçue indépendamment de la stratégie militaire. L’holocauste a été possible à cause du contexte de la guerre. La Endlösung était gérée par une administration indépendante de l’appareil militaire allemand.


      Berlin, Unter den Eichen 135, l’ancien SS-Wirtschafts- und Verwaltungshauptamt

      Elle. constituait un élément clé de l’organisation criminelle nazie sans aucune place dans les actions et stratégies militaires. Dans une logique administrative il faudrait la placer au niveau policier qui est différent du domaine militaire.

      La raison d’être des camps de la mort japonais était la recherche médicale et biologique dans un but et contexte militaire. A la différence des camps nazis ils faisaient partie de l’organisation militaire et les médecins y avaient des grades militaires japonais.

      Pourtant le rôle des médecins dans ces mécaniques meurtrières constitue un sujet particulier qu’on fait disparaître derrière le brouillard idéologique des discussions du racisme et nationalisme. Parfois on évoque même l’idéologie du surhomme nazi et de la race suprême japonaise.

      La vérité cachée du rôle central des médecins dans les organisations de la mort

      L’élément commun à toutes ces horreurs et à l’histoire du gentil médecin de famille qui paie de sa poche les indemnités de.ses patients est le pouvoir de sélection, de triage à la rampe d’Auschwitz comme dans le cabinet ou le médecin accepte ou refuse d’accorder un arrêt de travail pour cause de maladie.

      Les médecins participent à la rentabilisation des investissements dans le capital humain en limitant les arrêts maladie au minimum nécessaire. Ce triage concerne tous les assurés et condamne à la souffrance et la mort un plus grand nombre de travailleurs que celui des pauvres victimes du triage à la rampe d’Auschwitz. Au fond c’est la même chose.

      Il y a une différence remarquable entre les deux systèmes :

      L’extermination des juifs et opposants politiques n’était pas rentable immédiatement. On comptait sur l’effet à long terme dans un monde sans parasites et sous-hommes. La recherche des médecins japonais, plus « sérieuse » et efficace que les sordides expérimentations farfelues du côté allemand, misait sur sa rentabilisation par le succès des armes chimiques dans les guerres á venir. A partir de 1945 les me´decins japonais ont d’alleurs réussi à acheter leur impunité contre la communication de leurs données aux médecins proches du général MacArthur.

      Le médecin dans un pays démocratique par contre exerce un métier qui doit contribuer à la rentabilité immédiate de la coûteuse ressource humaine. Il doit réaliser l’équilibre entre les dépenses pour le bien aller des individus et le profit qu’ils sont censés produire pour la classe économique au pouvoir.

      Les expérimentations meurtrières des Mengele/Ishii ne font d’ailleurs que confirmer la véracité de la définition du médecin comme maître incontesté des décisions sur la vie et la mort des patients.

      #iatrocratie #mafia_médicale #médecine_de_classe
      #unit_731 #Auschwitz #médecine #crimes_de_guerre #armes_biologiques

  • Un médecin du travail jugé trop conciliant avec des salariés a été sanctionné
    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/080224/un-medecin-du-travail-juge-trop-conciliant-avec-des-salaries-ete-sanctionn

    Jean-Louis Zylberberg a été lourdement sanctionné par l’Ordre pour avoir délivré des certificats d’inaptitude à six salariés de la même entreprise. Leur patron jugeait qu’il s’agissait d’avis « de complaisance ». L’affaire repose le débat autour du secret médical dans le monde du travail.
    [...]
    Pour la CGT, syndicat auquel appartient le médecin sanctionné, c’est au contraire une « attaque inconcevable à l’encontre de l’autonomie d’exercice des médecins et, à terme, dangereuse pour la santé des salarié·es ». Dans un communiqué de soutien, l’organisation insiste : « Les intérêts des salarié·es et la protection de leur santé ne peuvent pas être bafoués par les intérêts économiques du patronat. » Sollicité par Mediapart, le conseil de l’ordre des médecins n’a pas donné suite.

    Depuis 2007, tout employeur peut attaquer un médecin auprès de l’Ordre « dès lors qu’il est lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie ». Avant cette date, seuls les patient·es, assurances, la Sécurité sociale ou des associations de malades pouvaient introduire une plainte disciplinaire. Mais un mot, ajouté dans un article du Code de la santé publique, a tout changé. L’adverbe « notamment » a été accolé à la liste des plaignant·es potentiel·les.

    « Les employeurs se sont engouffrés dans la brèche », déplore le député insoumis François Ruffin, qui a adressé une question écrite fin décembre 2023 au ministre du travail, à la suite de la convocation du docteur Zylberberg. « De plus en plus de médecins doivent faire face à des sanctions disciplinaires pour avoir simplement fait leur travail : tenter de protéger la santé des salariés », ajoute l’élu LFI dans son texte. La CGT abonde et demande, dans son communiqué, que « l’État prenne ses pleines responsabilités, en retirant le terme “notamment” […] du Code de la santé publique » afin de garantir « l’indépendance et la protection de la médecine du travail ».

    Les certificats et attestations faisant le lien entre la santé physique ou mentale et le travail sont dans la ligne de mire des employeurs. L’association Santé et médecine du travail (a-SMT), présidée par Jean-Louis Zylberberg, estime que deux cent plaintes sont ainsi portées chaque année contre des praticien·nes, dont la moitié concernerait les médecins du travail.
    [...]
    Le secret médical est ici une question centrale. « Il est inadmissible qu’un·e médecin ait à choisir entre violer le secret médical en divulguant des informations sur le/la patient·e ou renoncer à se défendre et à avoir un procès équitable », tempête la CGT. Dominique Huez, de l’association Santé et médecine du travail, abonde : « Dans le cas du docteur Zylberberg, des avis d’inaptitude sont pointés. Or, il nous est interdit de parler de la santé du patient sur ces certificats car ils sont transmis à l’employeur et cela briserait le secret médical ! »
    [...]
    Le docteur Zylberberg ajoute : « La parole des salariés est gommée. Personne ne les entend alors que ce sont les seuls qui peuvent parler. Mais le principe du contradictoire ne fait pas partie de la procédure », ironise-t-il.

    #santé #travail #santé_au_travail #médecine_du_travail

  • Cadences, sous-traitance, pression… quand le travail tue

    « Morts au travail : l’hécatombe. » Deux personnes meurent chaque jour, en moyenne, dans un accident dans le cadre de leur emploi. Ce chiffre, sous estimé, qui n’intègre pas les suicides ou les maladies, illustre un problème systémique

    « J’ai appris la mort de mon frère sur Facebook : la radio locale avait publié un article disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé près de la carrière, raconte Candice Carton. J’ai eu un mauvais pressentiment, j’ai appelé la gendarmerie, c’était bien lui… L’entreprise a attendu le lendemain pour joindre notre mère. » Son frère Cédric aurait été frappé par une pierre à la suite d’un tir de mine le 28 juillet 2021, dans une carrière à Wallers-en-Fagne (Nord). Il travaillait depuis dix-sept ans pour le Comptoir des calcaires et matériaux, filiale du groupe Colas.

    Deux ans et demi plus tard, rien ne permet de certifier les causes de la mort du mécanicien-soudeur de 41 ans. D’abord close, l’enquête de gendarmerie a été rouverte en septembre 2023 à la suite des conclusions de l’inspection du travail, qui a pointé la dizaine d’infractions dont est responsable l’entreprise. Cédric Carton n’avait pas le boîtier pour les travailleurs isolés, qui déclenche une alarme en cas de chute. « Ils l’ont retrouvé deux heures après, se souvient sa sœur. Le directeur de la carrière m’a dit que mon frère était en sécurité, et qu’il avait fait un malaise… alors qu’il avait un trou béant de 20 centimètres de profondeur de la gorge au thorax. » En quête de réponses, elle a voulu déposer plainte deux fois, chacune des deux refusée, multiplié les courriers au procureur, pris deux avocats… Sans avoir le fin mot de cette triste histoire.

    Que s’est-il passé ? Est-ce la « faute à pas de chance », les « risques du métier » ? Qui est responsable ? Chaque année, des centaines de familles sont confrontées à ces questions après la mort d’un proche dans un accident du travail (AT), c’est-à-dire survenu « par le fait ou à l’occasion du travail, quelle qu’en soit la cause ».

    « Un chauffeur routier a été retrouvé mort dans son camion », « Un ouvrier de 44 ans a été électrocuté », « Un homme meurt écrasé par une branche d’arbre », « Deux ouvriers roumains, un père et son fils, trouvent la mort sur un chantier à Istres [Bouches-du-Rhône] »… Le compte X de Matthieu Lépine, un professeur d’histoire-géographie, qui recense depuis 2019 les accidents dramatiques à partir des coupures de presse locale, illustre l’ampleur du phénomène. Vingt-huit ont été comptabilisés depuis janvier.

    En 2022, selon les derniers chiffres connus, 738 décès ont été recensés parmi les AT reconnus. Soit deux morts par jour. Un chiffre en hausse de 14 % sur un an, mais stable par rapport à 2019. Et, depuis une quinzaine d’années, il ne baisse plus. A cela s’ajoutent 286 accidents de trajet mortels (survenus entre le domicile et le lieu de travail) et 203 décès consécutifs à une maladie professionnelle.

    Et encore, ces statistiques sont loin de cerner l’ampleur du problème. La Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) ne couvre que les salariés du régime général et n’intègre donc ni la fonction publique, ni les agriculteurs, ni les marins-pêcheurs, la majorité des chefs d’entreprise ou les autoentrepreneurs. C’est ainsi qu’en 2022 la Mutualité sociale agricole (MSA) a dénombré 151 accidents mortels dans le secteur des travaux agricoles, 20 % de plus qu’en 2019.

    Pour disposer de chiffres plus complets, il faut se tourner vers la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail (Dares). Problème : sa dernière étude porte sur 2019… A cette époque, elle dénombrait 790 AT mortels chez les salariés affiliés au régime général ou à la MSA et les agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

    Le secteur de la construction est celui où la fréquence des accidents mortels est la plus importante (le triple de la moyenne). Arrivent ensuite l’agriculture, la sylviculture et la pêche, le travail du bois et les transports-entreposage. Quatre-vingt-dix pour cent des victimes sont des hommes, et les ouvriers ont cinq fois plus de risques de perdre la vie que les cadres.

    Les accidents mortels sont deux fois plus fréquents chez les intérimaires. (...)
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/06/cadences-sous-traitance-pression-quand-le-travail-tue_6214988_3234.html

    https://justpaste.it/2ozrb

    #travail #accidents_du_travail #le_travail_tue

    • Accidents du travail : la lenteur de la justice pour faire reconnaître la responsabilité de l’employeur
      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/morts-au-travail-la-douloureuse-lenteur-de-la-justice_6215011_1698637.html

      Les familles de victimes d’accidents mortels doivent parfois attendre des années avant de voir le bout de procédures judiciaires complexes.

      Pour ceux qui ont perdu un proche à la suite d’un accident du travail, la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur est essentielle. Mais les procédures, d’ordre pénal ou civil, tournent parfois au parcours du combattant, voire s’étirent sur des années, ajoutant à la douleur des familles. Fabienne Bérard, du collectif Familles : stop à la mort au travail, cite l’exemple de Fanny Maquin, qui a perdu son mari cordiste, Vincent, il y a douze ans. Et qui n’est toujours pas passée en justice pour être indemnisée. « Comme souvent, il y a eu un grand nombre de renvois d’audience, explique-t-elle. L’avocat adverse met en avant que, depuis ce temps, elle a reconstruit une cellule familiale et que le préjudice ne peut pas être établi de la même manière… »

      Tout accident du travail mortel est suivi d’une enquête de l’inspection du travail (qui doit intervenir dans les douze heures), et de la gendarmerie ou de la police. Depuis 2019, les deux institutions peuvent mener une enquête en commun, mais c’est encore rare. Et souvent, l’enquête de l’inspection dure plusieurs mois, parce que les effectifs manquent pour mener à bien les constats immédiats, les auditions des témoins ou encore solliciter des documents auprès de l’entreprise.

      Ces investigations permettent de déterminer si la responsabilité pénale de l’employeur est engagée. Si les règles de santé et sécurité n’ont pas été respectées, l’inspection du travail en avise le procureur, qui est le seul à pouvoir ouvrir une procédure. « Dès lors, le parquet a trois possibilités, explique l’avocat Ralph Blindauer, qui accompagne souvent des familles. Soit l’affaire est classée sans suite, soit une information judiciaire avec juge d’instruction est ouverte, car le cas est jugé complexe, soit, le plus couramment, une ou plusieurs personnes sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel. »

      Un montant négligeable

      En cas de poursuite au pénal, l’employeur est fréquemment condamné pour homicide involontaire en tant que personne morale – ce qui est peu satisfaisant pour les victimes, et peu dissuasif. L’amende est en effet de 375 000 euros maximum, un montant négligeable pour un grand groupe. L’employeur est plus rarement condamné en tant que personne physique, car il est difficile d’identifier le responsable de la sécurité – la peine encourue est alors l’emprisonnement.

      Dans le cas d’une procédure au civil, la reconnaissance d’une « faute inexcusable » de l’employeur permet aux ayants droit (conjoints, enfants ou ascendants) d’obtenir la majoration de leur rente, ainsi que l’indemnisation de leur préjudice moral. La faute est caractérisée lorsque l’entreprise a exposé son salarié à un danger dont il avait, ou aurait dû, avoir conscience et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

      « Le nœud du sujet, c’est la conscience du danger, en particulier lors d’un malaise mortel, explique Morane Keim-Bagot, professeure de droit à l’université de Strasbourg. Les employeurs remettent en question le caractère professionnel de l’accident, en démontrant qu’il y a une cause étrangère exclusive. » Certains prétendent ainsi que la victime souffrait d’un problème cardiaque décelé au moment de l’autopsie, de surpoids, de stress ou de tabagisme.

      « Si vous tombez sur un inspecteur surchargé, un parquet qui s’y attelle moyennement, des gendarmes non spécialisés et débordés, les procédures durent facilement des années, sans compter les renvois d’audience fréquents, conclut Me Blindauer. La longueur très variable de ces affaires illustre aussi le manque de moyens de la #justice. »

      #responsabilité_de_l’employeur #inspection_du_travail #responsabilité_pénale

    • Entre déni des entreprises et manque de données, l’invisibilisation des suicides liés au travail

      https://www.lemonde.fr/emploi/article/2024/02/06/entre-deni-des-entreprises-et-manque-de-donnees-l-invisibilisation-des-suici

      Le manque de prise en compte du mal-être au travail renforce les risques d’accidents dramatiques.
      Par Anne Rodier

      « La dernière conversation que j’ai eue avec mon mari [Jean-Lou Cordelle] samedi 4 juin [2022] vers 22 heures concernait les dossiers en cours à son travail. Le lendemain matin, mon fils découvrait son père au bout d’une corde pendu dans le jardin », témoigne Christelle Cordelle dans la lettre adressée aux représentants du personnel d’Orange pour leur donner des précisions sur l’état psychologique de son mari avant son suicide, à l’âge de 51 ans, après des mois de surcharge de travail, d’alertes vaines à la hiérarchie et à la médecine du travail.

      Son acte, finalement reconnu comme « accident de service » – c’est ainsi que sont nommés les accidents du travail (#AT) des fonctionnaires –, n’est pas recensé dans le bilan annuel de la Sécurité sociale. Celui-ci ne tient pas, en effet, compte de la fonction publique, invisibilisant les actes désespérés des infirmières, des professeurs ou encore des policiers.

      L’Assurance-maladie parle d’une quarantaine de suicides-accidents du travail par an. Un chiffre stable, représentant 5 % du total des accidents du travail mortels, mais qui serait nettement sous-évalué. C’est entre vingt et trente fois plus, affirme l’Association d’aide aux victimes et aux organismes confrontés aux suicides et dépressions professionnelles (ASD-pro), qui l’évalue plutôt entre 800 et 1 300 chaque année, sur la base d’une étude épidémiologique sur les causes du suicide au travail réalisée fin 2021 par Santé publique France. https://www.santepubliquefrance.fr/recherche/#search=Suicide%20et%20activité%20professionnelle%20en%20France

      L’explosion des risques psychosociaux (RPS) en entreprise constatée étude après étude et par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM : https://assurance-maladie.ameli.fr/etudes-et-donnees/2018-sante-travail-affections-psychiques) apporte de l’eau au moulin de l’ASD-pro : 1 814 maladies professionnelles relèvent de maladies psychiques, en augmentation régulière, note le rapport 2022. Quant au dernier baromètre du cabinet Empreinte humaine, publié en novembre 2023, il est sans équivoque : près d’un salarié sur deux (48 %) était en détresse psychologique en 2023.

      « Passage à l’acte brutal »

      La mécanique mortifère de la souffrance au travail est connue. « Les mécanismes à l’œuvre semblent être toujours liés : atteintes à la professionnalité et à l’identité professionnelle, perte de l’estime de soi, apparition d’un sentiment d’impuissance », explique Philippe Zawieja, psychosociologue au cabinet Almagora.
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      Tous les RPS ne conduisent pas au geste fatal. « Il y a moins de suicidés chez les #salariés que parmi les #chômeurs, et 90 % des suicides interviennent sur fond de problème psychiatrique antérieur », souligne M. Zawieja. Mais « il existe des actes suicidaires qui ne sont pas la conséquence d’un état dépressif antérieur, qui marquent un passage à l’acte brutal [raptus], lié à un élément déclencheur conjoncturel », indique l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) https://www.inrs.fr/risques/suicide-travail/ce-qu-il-faut-retenir.html. Comme ce fut le cas du management toxique institutionnel à France Télécom. C’est alors que survient l’accident.

      « Pour Jean-Lou, tout s’est passé insidieusement, témoigne sa veuve. Il était en surcharge de travail depuis octobre-novembre 2021, avec des salariés non remplacés, des départs en retraite. Un jour de janvier, je l’ai vu buguer devant son ordinateur. A partir de là, j’ai été plus attentive. En mars [2022], ils ont allégé sa charge de travail mais insuffisamment. En avril, il a craqué. La médecine du travail a été prévenue. Il a finalement été mis en arrêt, sauf qu’il continuait à recevoir des mails. Ils lui avaient laissé son portable professionnel et il n’y avait pas de message de gestion d’absence renvoyant vers un autre contact. Jusqu’au bout, Orange n’a pas pris la mesure ».

      Le plus souvent, les suicides au travail sont invisibilisés, au niveau de l’entreprise d’abord, puis des statistiques. « Classiquement, l’entreprise, quand elle n’est pas tout simplement dans le déni, considère que c’est une affaire privée et que le travail n’en est pas la cause », explique le juriste Loïc Lerouge, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste du sujet.

      Un déni qui a valu à Renault la première condamnation pour « faute inexcusable de l’employeur pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires alors qu’il avait conscience du danger » concernant les salariés du Technocentre de Guyancourt (Yvelines) qui ont mis fin à leurs jours dans les années 2000. [en 2012 https://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/12/suicide-au-technocentre-renault-condamne-pour-faute-inexcusable_1700400_3224 « On reconnaît pleinement la responsabilité de la personne morale de l’entreprise depuis l’affaire #France_Télécom », précise M. Lerouge.

      Caractérisation délicate

      L’#invisibilisation des suicides commence par le non-dit. En réaction aux deux suicides de juin 2023 à la Banque de France, où l’une des victimes avait laissé une lettre incriminant clairement ses conditions de travail, la direction a déclaré avoir « fait ce qui s’impose » après un tel drame https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/10/a-la-banque-de-france-le-suicide-de-deux-salaries-empoisonne-le-dialogue-soc . Puis, lors des vœux 2024 adressés au personnel le 2 janvier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, n’a pas prononcé le mot « suicide », évoquant les « décès dramatiques de certains collègues ». Et s’il a déclaré « prendre au sérieux les résultats et les suggestions » de l’enquête qui acte le problème de #surcharge_de_travail, présentée au comité social et économique extraordinaire du 18 janvier, il n’a pas mis sur pause le plan de réduction des effectifs dans la filière fiduciaire. Celle-là même où travaillaient les deux salariés qui ont mis fin à leurs jours. « Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail et sont en souffrance. Il existe à la Banque de France une forme de maltraitance généralisée », affirme Emmanuel Kern, un élu CGT de l’institution.

      La caractérisation des suicides en accidents du travail est un exercice délicat, au cœur de la reconnaissance de la responsabilité de l’employeur. Pour Santé publique France, la définition est assez simple (« Surveillance des suicides en lien potentiel avec le travail », 2021). Il s’agit de tout suicide pour lequel au moins une des situations suivantes était présente : la survenue du décès sur le lieu du travail ; une lettre laissée par la victime mettant en cause ses conditions de travail ; le décès en tenue de travail alors que la victime ne travaillait pas ; le témoignage de proches mettant en cause les conditions de travail de la victime ; des difficultés connues liées au travail recueillies auprès des proches ou auprès des enquêteurs.

      Mais pour l’administration, le champ est beaucoup plus restreint : l’Assurance-maladie prend en compte « l’acte intervenu au temps et au lieu de travail ». Et la reconnaissance n’aura pas lieu si des éléments au cours de l’enquête permettent d’établir que « le travail n’est en rien à l’origine du décès », précise la charte sur les accidents du travail rédigée à destination des enquêteurs de la Sécurité sociale https://www.atousante.com/wp-content/uploads/2011/05/Charte-des-AT-MP-acte-suicidaire-et-accident-du-travail.pdf. « En dehors du lieu de travail, c’est à la famille de faire la preuve du lien avec l’activité professionnelle », explique Michel Lallier, président de l’ASD-pro. Une vision nettement plus restrictive, qui explique cet écart entre les bilans des suicides au travail.

      #suicide_au_travail #risques_psychosociaux #médecine_du_travail #conditions_de_travail #management #cadences #pression #surcharge_de_travail

    • Manque de sécurité sur les chantiers : « Notre fils est mort pour 6 000 euros », Aline Leclerc
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/07/manque-de-securite-sur-les-chantiers-notre-fils-est-mort-pour-6-000-euros_62

      Pour réduire les coûts et tenir les délais, certaines entreprises du bâtiment accumulent les négligences et infractions au code du travail, susceptibles d’engendrer de graves accidents du travail

      Alban Millot avait trouvé l’offre d’emploi sur Leboncoin. Touche-à-tout débrouillard enchaînant les petits boulots, il n’avait aucune expérience dans la pose de panneaux photovoltaïques ni dans le travail en hauteur. Trois semaines après son embauche, il est passé à travers la toiture d’un hangar, le 10 mars 2021. Une chute mortelle de plus de 5 mètres. Le jour de ses 25 ans.

      « Quand le gendarme vous l’annonce, il parle d’un “accident”, comme on dit quand quelqu’un meurt sur la route », se rappelle douloureusement Laurent Millot, son père. La chute renvoie toujours d’abord l’idée d’une erreur d’attention, d’un déséquilibre. La faute à pas de chance. Et à la victime surtout – Alban n’a-t-il pas marché sur une plaque translucide qu’il savait fragile ?

      Ce n’est que quelque temps après que reviennent en mémoire ces petites phrases qui donnent à l’« accident » un autre sens. « J’avais eu Alban au téléphone une semaine avant. Il m’a dit que son travail était hyperdangereux, et qu’il allait s’acheter son propre harnais parce que celui fourni par la boîte était bas de gamme », raconte Véronique Millot, sa mère. Quand pour la rassurer il lui a dit : « Je fais ça seulement jusqu’à l’été », elle a répondu : « Te tue pas pour un boulot… »

      Inexpérimentés

      L’enquête, étoffée dans ce dossier, a mis en évidence une effarante liste de dysfonctionnements et d’infractions au code du travail de la PME qui l’employait, dont l’activité officiellement enregistrée (son code NAF ou APE) était « commerce de détail en quincaillerie, peintures ». Le seul technicien dûment diplômé avait quitté la société deux mois avant l’embauche d’Alban. Sur les vingt-cinq salariés, une dizaine de commerciaux et seulement trois équipes de deux poseurs, lesquels étaient en conséquence soumis à un rythme intense pour honorer les commandes.

      Avant sa mort, Alban et son collègue de 20 ans, et trois mois d’ancienneté seulement, étaient partis le lundi de Narbonne (Aude) pour un premier chantier en Charente, puis un autre en Ille-et-Vilaine, avant un troisième, le lendemain, dans les Côtes-d’Armor, et un ultime, le mercredi, en Ille-et-Villaine, où a eu lieu l’accident. Alban, seul à avoir le permis, avait conduit toute la route.

      Inexpérimentés, les deux hommes n’avaient reçu qu’une formation sommaire à la sécurité. Et, surtout, ne disposaient pas de harnais complets pour s’attacher, comme l’a constaté l’inspectrice du travail le jour du drame.

      « Méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant

      Sans matériel, ils ont loué sur place une échelle chez Kiloutou. « Combien pèse une plaque photovoltaïque ? », a demandé le président du tribunal correctionnel de Rennes, lors du procès en première instance. « Dix-huit kilos », a répondu le chef d’entreprise. « Il faut monter l’échelle avec le panneau sous le bras ? », s’est étonné le président. « Cela dépend du chantier. »

      Il sera démontré pendant l’enquête, puis à l’audience, la « méconnaissance totale » et « déconcertante » du dirigeant, commercial de formation, de la réglementation en vigueur sur le travail en hauteur comme sur les habilitations électriques. Il n’avait entrepris aucune démarche d’évaluation des risques. Et ce, alors que deux autres accidents non mortels avaient eu lieu peu de temps avant sur ses chantiers.

      Dans son jugement du 6 juin 2023, le tribunal a reconnu l’employeur – et non l’entreprise, déjà liquidée – coupable d’homicide involontaire, retenant la circonstance aggravante de « violation manifestement délibérée » d’une obligation de sécurité ou de prudence, « tant l’inobservation était inscrite dans ses habitudes ».

      Enjeux financiers

      Car ces négligences tragiques cachent aussi des enjeux financiers. Monter un échafaudage, c’est plusieurs heures perdues dans un planning serré, et un surcoût de 6 000 euros, qui aurait doublé le devis, a chiffré un ouvrier à l’audience. « En somme, notre fils est mort pour 6 000 euros », souligne Mme Millot.

      L’affaire résonne avec une autre, dans laquelle Eiffage Construction Gard et un sous-traitant ont été condamnés en première instance comme en appel lors des procès qui se sont tenus en mai 2021 et avril 2022, à Nîmes. Mickaël Beccavin, cordiste de 39 ans, a fait une chute mortelle le 6 mars 2018, alors qu’il assemblait des balcons sur les logements d’un chantier d’envergure. Pour une raison restée inexpliquée, une corde sur laquelle il était suspendu a été retrouvée sectionnée, trop courte de plusieurs mètres. Quand la défense de l’entreprise a plaidé la seule responsabilité de la victime, qui aurait mal vérifié son matériel, l’inspecteur du travail a proposé une autre analyse.

      « On peut vous expliquer que le cordiste doit faire attention, mais la question n’est pas que là. La question est : est-ce qu’on devait faire appel à des cordistes pour ce chantier ? », a expliqué Roland Migliore à la barre, en mai 2021. Car la législation n’autorise les travaux sur cordes, particulièrement accidentogènes, qu’en dernier recours : cette pratique n’est possible que si aucun autre dispositif de protection dite « collective » (échafaudage, nacelle…) n’est envisageable. « La protection collective protège le salarié indépendamment de ce qu’il peut faire lui. S’il s’attache mal, il est protégé, rappelle l’inspecteur du travail. Au contraire, si l’on choisit la protection individuelle, on fait tout reposer sur le salarié. »

      « Précipitation »

      Le recours à la corde était apparu à l’audience comme un choix de dernière minute, sur un chantier où « tout le monde était pressé ». L’inspecteur du travail avait alors souligné cet aspect : « Malheureusement, dans le BTP, les contraintes sur les délais de livraison poussent à la précipitation : on improvise, quitte à ne pas respecter le plan général de coordination. »

      Secrétaire CGT-Construction, bois et ameublement de Nouvelle-Aquitaine, Denis Boutineau n’en peut plus de compter les morts. « Très souvent, c’est lié à un manque de sécurité. Quand vous êtes en ville, regardez les gens qui travaillent sur les toits, il n’y a aucune protection ! Pourquoi ? Pour des raisons économiques ! » Il cite ainsi le cas d’un jeune couvreur passé à travers un toit Everite. « L’employeur avait fait deux devis ! Un avec la mise en sécurité, un sans ! Bien sûr, le second était moins cher. Lequel croyez-vous qu’a accepté le client ? »

      Caroline Dilly reste, elle aussi, hantée par un échange avec son fils Benjamin, 23 ans, quelque temps avant sa mort, le 28 février 2022. Couvreur lui aussi, il aurait chuté en revenant dans la nacelle après avoir remis une ardoise en place sur un toit. Il n’était pas titulaire du certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (Caces), nécessaire à l’utilisation de cet engin. Et la nacelle était-elle adaptée pour réaliser ce chantier ? C’est ce que devra établir la procédure judiciaire, encore en cours.

      Mais avant de rejoindre cette entreprise, Benjamin avait été renvoyé par une autre, au bout de quinze jours. « Il avait refusé de monter sur un échafaudage qui n’était pas aux normes », raconte sa mère, qui s’entend encore lui faire la leçon : « Y a ce que t’apprends à l’école et y a la réalité du monde du travail ! » « Je m’en veux tellement d’avoir dit ça… J’ai pris conscience alors à quel point prendre des risques au travail était entré dans nos mœurs. Tout ça pour aller plus vite. Comment en est-on arrivés à ce que la rentabilité prime sur le travail bien fait, en sécurité ? », se désole-t-elle.

      « Quand on commence, on est prêt à tout accepter »

      Depuis qu’elle a rejoint le Collectif familles : stop à la mort au travail, elle est frappée par la jeunesse des victimes : « Quand on commence dans le métier, on n’ose pas toujours dire qu’on a peur. Au contraire, pour s’intégrer, on est prêt à tout accepter. »

      Alexis Prélat avait 22 ans quand il est mort électrocuté sur un chantier, le 5 juin 2020. Son père, Fabien, bout aujourd’hui d’une colère qui lui fait soulever des montagnes. Sans avocat, il a réussi à faire reconnaître par le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux la « faute inexcusable » de l’employeur.

      C’est-à-dire à démontrer que ce dernier avait connaissance du danger auquel Alexis a été exposé et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le jeune homme est descendu dans une tranchée où était clairement identifiée, par un filet rouge, la présence d’un câble électrique. « Le préposé de l’employeur sous les ordres duquel travaillait la victime ce jour-là aurait dû avoir connaissance du danger », dit le jugement rendu le 11 mai 2023, qui liste des infractions relevées par l’inspecteur du travail, notamment l’« absence d’habilitation électrique » et l’« absence de transcription de l’ensemble des risques dans le document unique d’évaluation des risques ».

      Fabien Prélat relève également que, comme pour Alban Millot, le code APE de l’entreprise ne correspond pas à son activité réelle. Elle est identifiée comme « distribution de produits informatiques, bureautique et papeterie ». Il estime par ailleurs que le gérant, « de fait », n’est pas celui qui apparaît sur les documents officiels. « Bien sûr, ce n’est pas ça qui a directement causé la mort de mon fils. Mais si l’Etat contrôlait mieux les choses, ces gens-là n’auraient jamais pu s’installer », s’emporte-t-il.

      « Pas assez de contrôles de l’inspection du travail »

      Cheffe du pôle santé et sécurité à la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), syndicat patronal, et elle-même gestionnaire d’une PME de charpente et couverture dans le Puy-de-Dôme, Cécile Beaudonnat s’indigne de ces pratiques. « Ce sont des gens contre qui on lutte, explique-t-elle. On les repère quand leurs clients nous contactent, dépités, quand ils comprennent que l’entreprise qui leur a mal installé des panneaux solaires n’avait ni les techniciens qualifiés, ni l’assurance professionnelle décennale », explique-t-elle.

      Normalement, pour s’installer, il y a l’obligation d’avoir une formation professionnelle qualifiante homologuée (au moins un CAP ou un BEP) ou de faire valider une expérience de trois ans sous la supervision d’un professionnel. « Malheureusement, il n’y a pas assez de contrôles de l’inspection du travail », déplore-t-elle. Avant d’ajouter : « Pour nous, c’est avant tout au chef d’entreprise d’être exemplaire, sur le port des équipements de protection, en faisant ce qu’il faut pour former ses salariés et en attaquant chaque chantier par une démarche de prévention des risques. Nous sommes une entreprise familiale, on n’a aucune envie d’avoir un jour un décès à annoncer à une famille. »

      « Il y a une bataille à mener pour faire changer les mentalités. Y compris chez les ouvriers, pour qu’ils ne se mettent pas en danger pour faire gagner plus d’argent à l’entreprise ! Quand on voit les dégâts que ça fait sur les familles… », s’attriste Denis Boutineau.

      Les deux parents d’Alexis Prélat ont obtenu, chacun, 32 000 euros en réparation de leur préjudice moral, sa sœur 18 000 euros. Ils espèrent maintenant un procès en correctionnelle. « La meilleure façon de changer les choses, c’est d’obtenir des condamnations exemplaires », estime Fabien Prélat.

      Fait rare, l’employeur d’Alban Millot a, lui, été condamné en correctionnelle à trente-six mois de prison dont dix-huit ferme. Il a fait appel du jugement. « Avant le procès, j’avais la haine contre ce type, confie Laurent Millot. L’audience et, surtout, une sanction telle que celle-là m’ont fait redescendre. »

    • Accidents du travail : quand les machines mettent en péril la vie des salariés
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/08/accidents-du-travail-quand-les-machines-tuent_6215360_3234.html

      Dans l’industrie, le BTP ou l’agriculture, les accidents liés à l’utilisation de machines comptent parmi les plus graves et les plus mortels. Employeurs, fabricants et responsables de la maintenance se renvoient la faute.

      Lorsqu’il prend son poste, ce lundi 27 décembre 2021, cela fait déjà plusieurs mois que Pierrick Duchêne, 51 ans, peste contre la machine qu’il utilise. Après deux décennies dans l’agroalimentaire, il est, depuis cinq ans, conducteur de presse automatisée dans une agence Point P. de fabrication de parpaings, à Geneston (Loire-Atlantique). Depuis un an et demi, la bonne ambiance au boulot, cette fraternité du travail en équipe qu’il chérit tant, s’est peu à peu délitée. L’atmosphère est devenue plus pesante. La cadence, toujours plus infernale. Les objectifs de #productivité sont en hausse. Et ces #machines, donc, « toujours en panne », fulmine-t-il souvent auprès de sa femme, Claudine.

      Ce jour-là, il ne devait même pas travailler. Mais parce qu’il était du genre à « toujours aider et dépanner », dit Claudine, il a accepté de rogner un peu sur ses vacances pour participer à la journée de maintenance et de nettoyage des machines. Pierrick Duchêne a demandé à son fils qu’il se tienne prêt. Dès la fin de sa journée, à 15 heures, ils devaient aller à la déchetterie. Mais, vers 11 h 30, il est retrouvé inconscient, en arrêt cardiorespiratoire, écrasé sous une rectifieuse à parpaing. Dépêché sur place, le service mobile d’urgence et de réanimation fait repartir son cœur, qui s’arrête à nouveau dans l’ambulance. Pierrick Duchêne meurt à l’hôpital, le 2 janvier 2022.

      Son histoire fait tragiquement écho à des centaines d’autres, se produisant chaque année en France. En 2022, la Caisse nationale d’assurance-maladie a recensé 738 accidents du travail mortels dans le secteur privé, selon son rapport annuel publié en décembre 2023. 1 % d’entre eux sont liés au « risque machine » – auquel on peut ajouter les accidents liés à la « manutention mécanique », de l’ordre de 1 % également. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), qui répertorie plus précisément les incidents de ce type, les machines sont mises en cause dans 10 % à 15 % des accidents du travail ayant entraîné un arrêt supérieur ou égal à quatre jours, ce qui représente environ 55 000 accidents. Dont une vingtaine sont mortels chaque année.

      « La peur suppure de l’usine parce que l’usine au niveau le plus élémentaire, le plus perceptible, menace en permanence les hommes qu’elle utilise (…), ce sont nos propres outils qui nous menacent à la moindre inattention, ce sont les engrenages de la chaîne qui nous rappellent brutalement à l’ordre », écrivait Robert Linhart, dans L’Etabli (Editions de Minuit), en 1978. L’industrie, et notamment la métallurgie, est un secteur d’activité dans lequel les risques pour la santé des ouvriers sont amplifiés par l’utilisation d’outils et de machines. Les employés agricoles, les salariés de la chimie ou les travailleurs du BTP sont aussi très exposés. Sur le terrain, les services de l’inspection du travail font régulièrement état de la présence de machines dangereuses.

      « Aveuglement dysfonctionnel »

      Si leur fréquence baisse depuis les années 1990, ces accidents sont souvent les plus graves, avec des blessures importantes, et les procédures qui s’ensuivent sont extrêmement longues. La responsabilité peut être difficile à établir, car plusieurs acteurs sont en jeu : l’employeur, le fabricant de la machine, l’installateur, la maintenance. La plupart du temps, chacun se renvoie la faute. Comme si la machine permettait à tous de se dédouaner.

      « Le risque zéro n’existe pas », entend-on régulièrement au sujet des accidents du travail, qui plus est quand une machine est en cause. Pourtant, le dysfonctionnement brutal que personne ne pouvait anticiper, qui accréditerait la thèse d’une infortune létale, n’est quasiment jamais à l’œuvre. Au contraire, les défaillances des machines sont souvent connues de tous. « Il peut s’installer une sorte d’aveuglement dysfonctionnel, analyse Jorge Munoz, maître de conférences en sociologie à l’université de Bretagne occidentale. Le problème est tellement récurrent qu’il en devient normal. »

      Une situation qui hante encore les jours et les nuits de Delphine et de Franck Marais, les parents de Ludovic. Personne ne pouvait soupçonner que ce jeune apprenti barman de 19 ans mettait sa vie en péril en servant pintes et cafés derrière le comptoir d’une brasserie réputée de Tours. Mais, le 16 décembre 2019, quelques minutes avant de rentrer chez lui, à 23 h 45, sa tête est percutée par le monte-charge des poubelles.

      La machine fonctionnait depuis des mois, voire plusieurs années, avec les grilles de protection ouvertes. « Quelqu’un a désactivé la sécurité qui empêchait le monte-charge de démarrer ainsi, grilles ouvertes », raconte Franck, le père. Qui ? Un salarié, pour gagner du temps ? L’employeur, pour que ses salariés aillent plus vite ? Le responsable de la maintenance, à la demande de l’employeur ? Un oubli du technicien ? « On ne saura probablement jamais, mais, finalement, là n’est pas la question, estime l’avocate des parents, Marion Ménage. Ce qui compte, c’est que l’entreprise savait qu’il fonctionnait grilles ouvertes et qu’elle n’a rien fait. »

      « Il se sentait en danger »

      Sécurité désactivée, maintenance non assurée, prévention déconsidérée… Les mêmes logiques, les mêmes légèretés face à des machines dangereuses reviennent méthodiquement dans les récits, soulignant le caractère systémique de ces événements dramatiques. « Les dispositifs de sécurité ralentissent parfois le processus de travail et empêchent de tenir la cadence, analyse Jorge Munoz. On peut être tenté de défaire le mécanisme et, donc, de mettre en péril l’utilisateur. » C’est cette logique mortifère qui a été fatale à Flavien Bérard. Le jeune homme de 27 ans était sondeur pour la Société de maintenance pétrolière (SMP), une entreprise de forage et d’entretien de puits pétroliers, gaziers et de géothermie.

      D’abord employé sur un site dans le Gard, où il s’épanouit malgré les conditions de travail difficiles, Flavien Bérard est transféré après une semaine à Villemareuil, en Seine-et-Marne. Il se retrouve sur un chantier de forage pétrolier dont est propriétaire SMP, « les puits du patron », comme on surnomme le lieu. Industrie lourde, à l’ancienne, rythme en trois-huit, rendements à tout prix… Flavien est confronté à un milieu dur et peu accueillant. « Il nous a vite dit que c’était difficile, se souvient sa mère, Fabienne. Le gaillard de 1,84 mètre, plus de 80 kilos, corps de rugbyman, est pourtant du genre à tenir physiquement.

      « Il nous a surtout dit qu’il se sentait en danger, que les machines étaient dangereuses et qu’il avait des doutes sur la sécurité », déplore aujourd’hui Fabienne Bérard. Ses inquiétudes s’avèrent prémonitoires. Alors qu’il avait décidé de ne pas poursuivre sur le site une fois sa mission arrivée à son terme, le 5 mars 2022, vers 4 heures, une pièce métallique d’une trentaine de kilos se détache d’une machine de forage et percute Flavien à la tête, une quinzaine de mètres plus bas. Il meurt le lendemain, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.

      « On nous a tout de suite parlé d’une erreur humaine, avec une sécurité désactivée », explique le père de la victime, Laurent Bérard. Selon l’avocat des parents, Lionel Béthune de Moro, le rapport machine de l’expert judiciaire ferait état de « 373 non-conformités », dont 3 concerneraient le système responsable de l’accident. « Une sécurité essentielle a été désactivée, pour le rendement », ajoute-t-il. « On nous a même dit que ce n’était pas la première fois qu’il y avait un problème avec cette machine », renchérit Fabienne Bérard.

      Complexité des procédures

      Ces exemples posent la question de la #prévention et de la maintenance. « L’objectif, c’est que les entreprises voient celles-ci comme un profit et non comme un coût », affirme Jean-Christophe Blaise, expert de l’INRS. L’institut a justement pour mission de développer et de promouvoir une culture de prévention des accidents du travail au sein des entreprises. « Dans certains cas, elle peut être perçue comme quelque chose qui alourdit les processus, qui coûte plus cher, complète Jorge Munoz. Mais l’utilisation d’une machine nécessite une organisation spécifique. »

      D’autant qu’une politique de prévention se déploie sur le long terme et nécessite des actions régulières dans le temps. Les agents de l’INRS travaillent sur trois aspects pour éviter les drames autour des machines : les solutions techniques, l’organisation du travail et le levier humain (formation, compétences, etc.). « Un accident du travail est toujours multifactoriel et il faut agir sur tout à la fois, souligne M. Blaise. La clé, c’est la maintenance préventive : anticiper, prévoir plutôt que subir. »

      Les accidents du travail liés aux machines ont un autre point commun : la complexité des procédures qui s’ensuivent. Plus de deux ans après les faits, Claudine Duchêne ne connaît toujours pas les circonstances exactes de la mort de son mari. « Je sais juste que la machine n’aurait pas dû fonctionner en ce jour de maintenance, qu’il n’aurait pas dû y avoir d’électricité », assure-t-elle. L’enquête de la gendarmerie a été close en juillet 2022, celle de l’inspection du travail a été remise à la justice en juin 2023. Celle-ci révélerait « une faute accablante sur l’organisation de la journée de maintenance », précise Claudine Duchêne. Depuis, elle attend la décision du parquet de Nantes.

      Aux enquêtes de police et de l’inspection du travail peut s’ajouter une expertise judiciaire, ralentissant encore un peu plus la procédure, comme dans le cas de Flavien Bérard. « L’attente est longue et douloureuse pour les familles, souligne Me Béthune de Moro. Plus il y a d’intervenants, plus cela alourdit les choses, mais c’est toujours pour éclairer la situation, dans un souci de manifestation de la vérité. » La famille attend désormais d’éventuelles mises en examen et une ordonnance de renvoi dans l’année pour un procès en 2025.

      Après l’accident de Ludovic Marais, le monte-charge a été mis sous scellé jusqu’en mars 2023, une procédure indispensable mais qui allonge encore les délais. Cela a empêché l’intervention d’un expert judiciaire pendant plus de trois ans. « Le nouveau juge d’instruction a décidé de lever les scellés et une nouvelle expertise est en cours », confie Me Ménage. Le rapport pourrait arriver d’ici à l’été. Sachant que les avocats de la défense pourront éventuellement demander une contre-expertise. La brasserie, le patron, la tutrice du jeune apprenti, Otis (la société ayant installé le monte-charge) et un de ses techniciens chargé de la maintenance sont mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail ». Un procès pourrait avoir lieu fin 2024 ou en 2025. La fin d’un chemin de croix judiciaire pour qu’enfin le deuil soit possible.

    • Accidents du travail : les jeunes paient un lourd tribut
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/09/accidents-du-travail-les-jeunes-paient-un-lourd-tribut_6215566_3234.html

      Entre les entreprises peu scrupuleuses et la nécessité pour les jeunes de faire leurs preuves dans un monde du travail concurrentiel, les stagiaires, élèves de lycées professionnels ou apprentis sont les plus exposés aux risques professionnels.

      Quatre jours. L’unique expérience professionnelle de Jérémy Wasson n’aura pas duré plus longtemps. Le #stage d’observation de cet étudiant en première année à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie (ESTP) devait durer deux mois, dans l’entreprise Urbaine de travaux (filiale du géant du BTP Fayat). Le 28 mai 2020, il est envoyé seul sur le toit du chantier du centre de commandement unifié des lignes SNCF de l’Est parisien, à Pantin (Seine-Saint-Denis). A 13 h 30, il fait une chute en passant à travers une trémie de désenfumage – un trou laissé dans le sol en attente d’aménagement – mal protégée. Il meurt deux jours plus tard, à 21 ans.

      L’accident de Jérémy a laissé la grande école du bâtiment en état de choc. « C’est ce qui m’est arrivé de pire en trente ans d’enseignement supérieur », exprime Joël Cuny, directeur général de l’ESTP, directeur des formations à l’époque. La stupeur a laissé la place à de vibrants hommages. Un peu courts, toutefois… L’ESTP ne s’est pas portée partie civile au procès, regrette Frédéric Wasson, le père de Jérémy, qui souligne que « Fayat est l’entreprise marraine de la promo de [s]on fils… », ou que, dès 2021, Urbaine de travaux reprenait des dizaines de stagiaires issus de l’école.

      #Stagiaires, élèves de lycées professionnels en période de formation en milieu professionnel, #apprentis… Les jeunes paient un lourd tribut parmi les morts au travail : trente-six travailleurs de moins de 25 ans n’ont pas survécu à un accident du travail en 2022, selon le dernier bilan de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). C’est 29 % de plus qu’en 2019. Et encore cela ne porte que sur les salariés du régime général. La CNAM souligne aussi que, par rapport aux autres accidents du travail, il s’agit davantage d’accidents « classiques, c’est-à-dire hors malaises et suicides », et d’accidents routiers.

      « Irresponsabilité totale »

      L’inexpérience de ces jeunes, quand elle n’est pas compensée par un accompagnement renforcé, explique en partie cette surmortalité. Quelque 15 % des accidents graves et mortels surviennent au cours des trois premiers mois suivant l’embauche, et plus de la moitié des salariés de moins de 25 ans morts au travail avaient moins d’un an d’ancienneté dans le poste.

      Tom Le Duault a, lui, perdu la vie le lundi 25 octobre 2021. Cet étudiant en BTS technico-commercial entame alors son quatrième contrat court dans l’abattoir de LDC Bretagne, à Lanfains (Côtes-d’Armor). Sa mère y travaille depuis vingt-neuf ans, et il espère ainsi mettre un peu d’argent de côté. Comme lors de ses premières expériences, il est « à la découpe », où il s’occupe de mettre en boîte les volailles. Ce matin-là, un salarié est absent. Tom doit le remplacer dans le réfrigérateur où sont stockées les caisses de viande. Il est censé y empiler les boîtes avec un gerbeur, un appareil de levage.

      « Sur les dernières images de vidéosurveillance, on le voit entrer à 9 h 53. Il n’est jamais ressorti, et personne ne s’est inquiété de son absence », regrette Isabelle Le Duault, sa mère. Il est découvert à 10 h 45, asphyxié sous deux caisses de cuisses de volaille. Elle apprend la mort de son fils par hasard. « J’ai vu qu’il y avait plein de monde dehors. Une fille m’a dit qu’il y avait un accident grave, elle m’a dit de demander si ce n’était pas mon fils au responsable. Il m’a demandé : “C’est Tom comment ?” C’était bien lui… »

      Les conclusions des enquêtes de gendarmerie et de l’inspection du travail ont vite écarté une éventuelle responsabilité du jeune homme. Jean-Claude Le Duault, son père, en veut à l’entreprise. « Tom n’a pas voulu les décevoir, vu que sa mère travaillait là. Mais on ne met pas un gamin de 18 ans seul dans un atelier, une heure, sans vérifier, sur un gerbeur. Il ne connaît pas les dangers, les règles de sécurité. C’est une irresponsabilité totale, à tous les étages. »

      Manquements

      Dans un monde du travail concurrentiel, les jeunes se doivent de faire leurs preuves. A quel prix ? Selon une enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2020, 59 % des jeunes sortant de la voie professionnelle sont exposés à des risques de blessures ou d’accidents. Or, dans le même temps, ils n’ont pas la même connaissance de leurs droits. Toujours dans cette étude, 42 % déclaraient ne pas avoir reçu de formation ou d’informationsur la santé et la sécurité à l’arrivée sur leur poste. C’est le cas de Tom Le Duault, qui n’avait même pas de fiche de poste. Comme son utilisation du gerbeur n’était pas prévue, il avait été formé sur le tas.

      « Il avait déjà travaillé avec un appareil de levage lors de son précédent contrat, et il s’était déjà blessé à la cheville, ce qui avait causé trois semaines d’arrêt, fulmine Ralph Blindauer, avocat de la famille. Il a été formé par un autre intérimaire. C’était une formation à l’utilisation, pas à la sécurité ! »

      A l’absence d’encadrement et de formation s’ajoutent d’autres manquements, détaillés lors du procès de l’entreprise au pénal : l’appareil était défaillant, ce qui a vraisemblablement causé l’accident, et les salariés de LDC avaient l’habitude d’empiler les caisses sur trois niveaux au lieu de deux, faute de place dans la chambre froide, ce qui est contraire aux règles de sécurité.

      Le rôle du tuteur est crucial

      LDC Bretagne a été condamné, en mai 2023, à une amende de 300 000 euros, tandis que l’ancien directeur de l’#usine – devenu, entre-temps, « chargé de mission » au sein de l’entreprise – a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Reconnaissant ses manquements, l’entreprise n’a pas fait appel, chose rare. La direction de cette grosse PME déclare que des mesures complémentaires ont été prises à la suite du décès de Tom, notamment un « plan de formation renforcé à la sécurité, des habilitations, une évaluation complète et approfondie des risques sur les différents postes, des audits par des cabinets indépendants ou le suivi d’indicateurs ».

      Un badge est désormais nécessaire pour se servir d’un gerbeur, ajoute Isabelle Le Duault. Elle a choisi de rester dans l’entreprise, mais à mi-temps. « Moi, je ne peux plus passer devant cette usine, ou même dans cette ville », renchérit son mari.

      En stage ou en apprentissage, le rôle du tuteur est crucial. Sur le chantier d’Urbaine de travaux, à Pantin, l’arrivée de Jérémy Wasson n’avait pas été anticipée. Le lundi matin, personne ne s’occupe de lui, car le chantier est en retard. Il ne reçoit rien d’autre qu’un livret d’accueil et un rendez-vous de quinze minutes pendant lequel on lui parle surtout des gestes barrières. « Jérémy s’est très vite interrogé sur la nature de son stage. Dès le premier jour, on lui a fait faire du marteau-piqueur, le mercredi soir, il trouvait ça fatigant et inintéressant. Ce soir-là, on a hésité à prévenir l’école… », raconte son père.

      Renforcer la formation à la sécurité

      La société Urbaine de travaux a été condamnée, en 2022, à 240 000 euros d’amende pour « homicide involontaire », et l’ingénieure en chef du chantier à 10 000 euros et deux ans de prison avec sursis. Cette décision du tribunal de Bobigny a confirmé les lourdes conclusions de l’inspection du travail, notamment la violation délibérée d’une obligation de #sécurité, l’absence d’encadrement et de formation de Jérémy et l’absence de #sécurisation de la trémie. L’entreprise a fait appel.

      Face à la violence de ces récits, qui concernent parfois des mineurs, le sujet a été érigé en axe prioritaire dans le plan santé au travail du gouvernement. Mais le choix du ministère du travail de publier deux mémentos qui mettent jeunes et entreprises sur le même plan, les invitant à « respecter toutes les consignes », peut étonner.

      Les écoles et centres de formation ont aussi un rôle à jouer pour renforcer la formation à la sécurité. En 2022, la CNAM a recensé plus de 1 million d’élèves et apprentis (CAP et bac professionnel) ayant reçu un enseignement spécifique en santé et sécurité au travail.

      Faciliter la mise en situation des adolescents

      A la suite du décès de Jérémy, l’ESTP a renforcé les enseignements – déjà obligatoires – sur la sécurité. Un élève ne peut se rendre en stage sans avoir obtenu une certification. « En cas de signalement, on fait un point avec les RH de l’entreprise, et si ça ne se résout pas, nous n’avons pas de scrupules à arrêter le stage. Mais je ne remets pas en cause la volonté des entreprises de créer un environnement de sécurité pour accueillir nos élèves », déclare Joël Cuny.

      Un argument difficile à entendre pour la famille de Jérémy Wasson… Car les #entreprises restent les premières responsables de la santé des jeunes sous leur responsabilité, comme du reste de leurs salariés. Le nombre d’apprentis a explosé ces dernières années, la réforme du lycée professionnel souhaite faciliter la mise en situation des adolescents.

      Par ailleurs, le gouvernement a annoncé l’obligation pour les élèves de 2de générale et technologique, dès 2024, d’effectuer un stage en entreprise ou en association de deux semaines, semblable au stage de 3e. La question ne s’est jamais autant posée : les employeurs mettront-ils les moyens pour protéger tous ces jeunes ?

      #apprentissage

    • Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade, Anne Rodier
      https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/10/avec-la-sous-traitance-des-accidents-du-travail-en-cascade_6215798_3234.html

      Pression économique des donneurs d’ordre, délais resserrés, manque de prévention… Les salariés des entreprises en sous-traitance, en particulier sur les chantiers et dans le nettoyage, sont plus exposés aux accidents du travail. Surtout lorsqu’ils sont #sans-papiers.

      https://justpaste.it/axscq

      #sous-traitance

  • Hôpital public : « Quand la situation est dégradée au point de mettre les patients en danger, c’est un devoir moral de dénoncer l’inacceptable »

    Alors que le 13 janvier, au CHU de Dijon, Gabriel Attal a promis de mettre l’hôpital en haut de la pile des problèmes à résoudre, un collectif rassemblant plus de 230 médecins, soignants et personnels hospitaliers dénonce, dans une tribune au « Monde », la répression qui s’abat sur celles et ceux qui alertent sur les dysfonctionnements.

    Irène Frachon a permis la condamnation du laboratoire Servier en appel le 20 décembre 2023. C’est la victoire de la « fille de Brest » – et celle de milliers de victimes – qui a réussi à montrer qu’elle avait raison de s’être attaquée au si puissant lobby pharmaceutique. Elle restera un exemple pour ces femmes et ces hommes, souvent anonymes, témoignant de la situation catastrophique de l’#hôpital public.
    Ces lanceurs d’alerte, impliqués au quotidien auprès des #patients, ne voulant rien d’autre que d’être entendus, ont pourtant été punis de leur bonne foi. Sébastien Harscoat à Strasbourg, ou Caroline Brémaud à Laval le savent : alerter, pour le bien de la communauté, est dangereux. Les lanceurs d’alerte, pour le sociologue Francis Chateauraynaud, auteur de Alertes et lanceurs d’alerte (« Que sais-je ? », PUF, 2020), ne sont pas les dénonciateurs de fautes, de fraudes ou de mauvais traitements, mais des personnes ou des groupes qui, rompant le silence, signalent l’imminence, ou la simple possibilité, d’un enchaînement catastrophique.

    C’est exactement ce qui se passe à l’hôpital public. Depuis quelques années, aides-soignantes, infirmières, secrétaires médicales, psychologues, assistantes sociales, cadres de santé, patients, médecins, chefs de service… témoignent de la dégradation de l’#accès_aux_soins et de l’hôpital public. Ils alertent les pouvoirs publics, les élus et les patients présents, ou futurs, par la presse et les réseaux sociaux, sur la situation de notre système de #santé, espérant arrêter la spirale infernale. Pénuries de personnel, accueils inadéquats des patients, pertes de chance, voire morts inattendues ou évitables, sont désormais médiatisés.

    En 2022 une #surmortalité de 50 000 décès a été constatée par l’Insee. Aujourd’hui, plus personne, même le gouvernement, ne nie la dégradation de l’hôpital public et de l’accès aux soins pour tous. Brigitte Bourguignon, éphémère ministre de la santé, avait qualifié les collectifs d’hospitaliers et d’usagers d’ « oiseaux de mauvais augure », mais les collectifs de défense de l’hôpital public ne sont pas des prophètes de malheur : ils sont des optimistes voulant sauver notre système public.

    7 000 lits ont été fermés en 2022
    Ils dénoncent la communication mensongère sur des milliards providentiels qui ne sont que l’addition de fonds alloués au privé et au public sur la prochaine décennie, et rappellent les faits : on ne compte plus le nombre de services d’urgences « régulés » pour ne pas dire fermés (163 sur 389 à l’été 2023), les files d’attente de brancards sur les parkings des hôpitaux – à Strasbourg, le parking a vu pour Noël se monter une tente pour accueillir les patients –, l’attente prolongée des patients les plus âgés entraînant une surmortalité de 4 %.

    Et pourtant, près de 7 000 lits ont encore été fermés en 2022, et 3 milliards d’économies sont prévues en 2024. Les établissements hospitaliers doivent administrer sur des objectifs comptables, les #soignants continuent à fuir (50 % de départ des infirmières à dix ans de carrière) et près du tiers des postes de médecins hospitaliers sont vacants.

    Les lanceurs d’alerte qui s’exposent pour défendre l’institution, au lieu d’être écoutés, sont maintenant punis, sous prétexte d’un #devoir_de_réserve évoqué à chaque fois qu’une alerte est lancée. Ils sont parfois mis à l’écart ou démis de leurs chefferies de service (comme Caroline Brémaud à Laval), subissent sans « réserve » entretiens de recadrage (comme Sébastien Harscoat), audits internes à charge, blocages de mutation de service.

    Une situation indigne d’une démocratie sanitaire
    Les exemples se multiplient, pas toujours médiatisés par peur des #sanctions, obligeant certains à quitter leur service, leur hôpital voire l’hôpital public pour lequel ils s’étaient pleinement investis. Pourtant, la loi les protège. La loi du 21 mars 2022 précise : « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général (…). » C’est de cela qu’il s’agit, quand certains de nos « héros d’un jour » risquent leur carrière hospitalière pour défendre la santé, comprise comme bien commun.

    Quand la situation est dégradée au point de mettre les patients en danger, c’est un devoir moral de dénoncer l’inacceptable. A l’inverse, le silence est coupable et doit être questionné, y compris pour les directions hospitalières soumises directement à des injonctions insoutenables. Mettre la poussière sous le tapis, cacher les brancards derrière des paravents et faire taire les lanceurs d’alerte est indigne d’une démocratie sanitaire, de ce qu’on doit à la population. Interdire de mettre des mots sur les maux n’est pas un remède ; c’est une faute, comme étouffer la réalité avec le sophisme du pire.

    Les collectifs de défense de l’hôpital public et de notre système de santé universel demandent que ces actions d’intimidations voire de représailles cessent et que tous ensemble nous puissions travailler sereinement pour la sauvegarde de ce qui était jadis, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le meilleur système de santé du monde. Alerter est la première étape de la reconstruction et non, comme certains dirigeants veulent nous faire croire, la dernière étape de l’effondrement.

    Les premiers signataires : Philippe Bizouarn, anesthésiste-réanimateur, CHU Nantes, Collectif inter-hôpitaux ; Caroline Brémaud, urgentiste, CH Laval ; Sophie Crozier, neurologue, CHU de la Pitié-Salpétrière, Collectif inter-hôpitaux ; Sebastien Harscoat, urgentiste, CHU Strasbourg, Collectif inter-hôpitaux ; Véronique Hentgen, pédiatre, CH Versailles, Collectif inter-hôpitaux ; Corinne Jacques, aide-soignante, Collectif inter-urgences ; Cécile Neffati, psychologue, CH Draguignan, Collectif inter-hôpitaux ; Sylvie Pécard, IDE, CHU Saint-Louis, Collectif inter-hôpitaux ; Vincent Poindron, médecine interne, CHU Strasbourg, Collectif inter-hôpitaux ; Pierre Schwob, IDE Collectif inter-urgences.
    Liste complète des signataires : https://vigneaucm.wordpress.com/2024/01/15/signataires-tribune-le-monde-lanceurs-dalerte

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/15/hopital-public-quand-la-situation-est-degradee-au-point-de-mettre-les-patien

    • @CollectInterHop
      https://twitter.com/CollectInterHop/status/1746981442524000465

      En attendant des mesures concrètes pour l’hôpital, aux #urgences

      6 heures d’attente et 50 brancards dans les couloirs : les urgences du CHU de Dijon saturées
      https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/dijon/6-heures-d-attente-50-brancards-dans-les-couloirs-les-u

      Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), la situation dans les services d’urgences s’est dégradée de 41 % cette année par rapport à 2022. Quant à l’accès aux lits d’hospitalisation, la situation s’est détériorée de 52 % en un an d’après la FHF.

      #lits #brancards

    • Santé : Gabriel Attal critiqué pour sa « communication trompeuse » sur les 32 milliards d’euros supplémentaires annoncés
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/15/sante-gabriel-attal-critique-pour-sa-communication-trompeuse-sur-les-32-mill

      En visite samedi au CHU de Dijon, le premier ministre a chiffré à « 32 milliards d’euros supplémentaires » sur les « cinq ans à venir (…) l’investissement » prévu dans le système de soins. Une non-annonce qui a suscité de sévères réactions des professionnels du secteur.

      S’il s’agissait d’envoyer un signal positif au secteur de la santé, ça n’a pas marché. Quarante-huit heures après le premier déplacement, samedi 13 janvier, du nouveau chef du gouvernement, Gabriel Attal, dans un hôpital, le scepticisme n’a fait que croître chez les acteurs du soin. En cause : un « coup de communication » peu apprécié par une communauté professionnelle sous tension.

      En visite au centre hospitalier universitaire de Dijon, M. Attal a chiffré, devant la presse, à « 32 milliards d’euros supplémentaires » sur les « cinq ans à venir (…) l’investissement » prévu dans le système de soins. « Je le dis, notre hôpital et nos soignants, c’est un trésor national », a-t-il affirmé, aux côtés de la nouvelle ministre chargée de la santé, Catherine Vautrin.

      L’annonce a, de prime abord, semblé conséquente. Etait-ce là une nouvelle « enveloppe » fortement attendue dans un secteur en crise depuis des mois ? La question a résonné dans les médias. Avant que l’entourage du premier ministre n’apporte une réponse, en forme de rétropédalage : ces 32 milliards d’euros correspondent à la « hausse du budget de la branche maladie qui a été adoptée dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale », concernant l’hôpital et la médecine de ville, a fait savoir Matignon.
      Un montant pas tout à fait « nouveau », en somme. Rien que pour l’hôpital, cela représente 3 milliards d’euros supplémentaires en 2024 par rapport à 2023, a-t-on aussi précisé dans l’entourage de M. Attal. Selon les documents budgétaires, les dépenses de la branche maladie passeront de 242,2 milliards d’euros en 2022 à 273,9 milliards d’euros en 2027.

      « Pensée magique »
      « Communication trompeuse », « effet d’annonce », « pensée magique »… Les réactions ont été sévères. « On ne peut pas présenter un budget déjà voté pour les prochaines années comme des “milliards supplémentaires” », a fait valoir, dès dimanche par la voie d’un communiqué, le Collectif inter-hôpitaux, appelant de ses vœux un « cap politique clair pour les prochaines années et des mesures fortes aptes à faire revenir les soignants partis de l’hôpital ».

      Annoncer en fanfare comme des nouveautés des budgets déjà attribués, c’est une entourloupe classique. D’habitude ça ne se chiffre pas en milliards et le procédé vise des secteurs de la société qui n’ont pas droit de cité (les chômeurs et précaires, par exemple).
      On est en train de demander au petit socle électoral du macronisme de faire l’impasse sur la manière dont, pour la plupart, ils ne sont pas et ne seront pas soignés un tant soit peu correctement.

      #budget

      #communication_gouvernementale #gouvernement_kamikaze

    • Système de soins en crise : « C’est terriblement dangereux, pour les soignants comme pour les patients »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/01/24/systeme-de-soins-en-crise-c-est-terriblement-dangereux-pour-les-soignants-co

      Par Mattea Battaglia et Camille Stromboni

      DÉCRYPTAGE Plongée dans un système de soins où la crise s’éternise, en ville comme à l’hôpital, de Lille à Strasbourg, en passant par la Mayenne.

      Brigitte Bourguignon, François Braun, Aurélien Rousseau, Agnès Firmin Le Bodo et, depuis le dernier remaniement, le 11 janvier, Catherine Vautrin… Un ministre de la santé chasse l’autre, à un poste qui a rarement semblé aussi instable que sous ce second quinquennat d’Emmanuel Macron. Et le système de soins, lui, s’enfonce dans la crise. C’est en tout cas le sentiment d’une large frange de soignants : les services hospitaliers sont saturés, les cabinets des médecins libéraux ne désemplissent pas. « Le système craque », répète-t-on sur le terrain. Mais avec le sentiment de ne plus être entendu.

      La crise sanitaire avait marqué une rupture et polarisé l’attention sur la situation des hôpitaux et des soignants. C’était encore le cas il y a un an, avec le déferlement d’une « triple épidémie » mêlant grippe, Covid-19 et bronchiolite sur les services hospitaliers, des pénuries de médicaments constatées un peu partout, un mouvement de grève des médecins libéraux…

      Et après ? « Rien ne change, mais plus personne n’ose rien dire, lâche Marc Noizet, à la tête du syndicat SAMU-Urgences de France. Tout doucement, on en arrive à une résignation complète. C’est terriblement dangereux, pour les soignants comme pour les patients. » « On est dans une course permanente pour garder la tête hors de l’eau, témoigne Luc Duquesnel, patron des généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français. Pour beaucoup de collègues, la question n’est plus de savoir quand ça va s’améliorer, mais jusqu’où ils vont pouvoir tenir… »

      « Délestages » à la maternité de Lille

      De Lille à Strasbourg, de Créteil à la Mayenne, les symptômes d’une « maladie » qui ronge le système de soins continuent d’apparaître, toujours les mêmes – des bras qui manquent, des services qui ferment ou fonctionnent de manière dégradée, des déserts médicaux qui s’étendent, des patients qui ne trouvent pas de rendez-vous… Sans que la réponse politique paraisse à même d’inverser la tendance.

      A la maternité Jeanne-de-Flandre, au CHU de Lille – l’une des plus grandes de France –, la décision fait grand bruit : face au manque de pédiatres néonatologues, des transferts de patientes sont organisés, depuis décembre 2023, vers d’autres hôpitaux de la région, et jusqu’en Belgique. « La maternité continue de fonctionner normalement, seules certaines prises en charge en lien avec la réanimation néonatale sont orientées vers d’autres établissements partenaires », précise-t-on à la direction du CHU, tout en soulignant que des transferts de ce type ne sont pas inédits. Reste que ce « délestage » organisé devrait durer jusqu’en mai, le temps de reconstituer l’effectif médical.

      « Tant que c’étaient seulement les petites maternités qui fermaient, comme cela s’est encore produit tout l’été, le sujet restait sous les radars », pointe Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat des gynécologues et obstétriciens de France. « Mais, là, on est dans une autre dimension », alerte-t-il, relevant qu’il s’agit d’un service de niveau 3 (en charge des grossesses les plus à risque), dans une grande métropole.

      Manque de lits d’aval

      Devant les urgences du Nouvel Hôpital civil de Strasbourg, ce qui devait être une « solution provisoire » pour réduire les délais d’attente est toujours d’actualité : l’unité sanitaire mobile, permettant d’accueillir jusqu’à huit personnes et de libérer plus rapidement les transporteurs (ambulances et véhicules de pompiers), sera installée là aussi longtemps que nécessaire, explique-t-on à l’hôpital. Déployé quelques jours avant Noël, le préfabriqué devait être démonté le 2 janvier. Depuis deux semaines, des ambulanciers ont pris le relais des sapeurs-pompiers initialement postés : un accueil « insuffisamment sécurisé », s’inquiète Christian Prud’homme, infirmier anesthésiste et secrétaire du syndicat FO aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Ce que l’hôpital dément.

      Aux urgences de Nantes, le décès, le 2 janvier, d’une patiente âgée qui était dans la « file d’attente » depuis près de quatre heures, a provoqué un vif émoi chez les soignants. « Cette dame serait décédée très probablement, mais cela aurait été plus acceptable pour tout le monde [si c’était arrivé] dans des conditions moins indignes », estime Eric Batard, chef de service. Elle avait été vue, à son arrivée, par l’infirmier d’accueil, qui n’avait pas constaté de signe de risque vital, et attendait d’être examinée par un médecin.

      Dernier épisode en date : ce mardi 23 janvier, l’hôpital Nord Franche-Comté a fait savoir qu’il devait recourir à la « #réserve_sanitaire » face à des tensions majeures aux urgences et en médecine. Le renfort de trois médecins, de dix infirmiers et de dix aides-soignants est prévu du 24 au 30 janvier.

      Les difficultés actuelles vont « bien au-delà des urgences ou des maternités », relève David Piney, le numéro deux de la Conférence des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers. « Les équipes sont à flux tendu, des services de médecine polyvalente comme d’autres spécialités sont aussi saturés… Dès qu’il y a un imprévu, c’est toute l’organisation qui se bloque. »

      Dans ce tableau sombre, quelques signaux d’amélioration sont pointés ici ou là. A la fin de l’année 2023, le patron de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Nicolas Revel, a ainsi relevé un « frémissement » dans les recrutements, plus favorables, chez les infirmiers – le point noir qui oblige de nombreux hôpitaux à garder des lits fermés. « On ressent un léger mieux, mais ça reste compliqué », reconnaît le professeur Rémi Salomon, président de la commission médicale d’établissement.

      Médecine de ville : la chute se poursuit

      Si la photographie des difficultés hospitalières se dessine, par petites touches, dans la presse ou sur les réseaux sociaux, qui relaient au quotidien les alertes et mobilisations de soignants comme de patients, les tensions qui pèsent sur la #médecine_de_ville, cette « deuxième jambe » du système de soins, se perçoivent – et se racontent – différemment. Un récit à bas bruit, conséquence d’une démographie médicale déclinante face à une population toujours plus âgée et une demande de soins toujours plus forte.

      Année après année, la chute se poursuit. Chez les généralistes, la densité – soit le nombre de médecins libéraux pour 100 000 habitants – est passée, entre 2013 et 2023, de 96,3 à 83,6, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. L’accès aux spécialistes – pédiatres, gynécologues, psychiatres… – est, lui aussi, de plus en plus difficile.

      Cela fait longtemps que les « #déserts_médicaux » ne se réduisent plus aux zones rurales. Symbolique, parce que réputée attractive, la région francilienne connaît également une détérioration de l’accès aux soins. « On a des médecins formés, il faut leur donner l’envie de s’installer », plaide Bernard Elghozi, généraliste installé dans le quartier du Mont-Mesly, à Créteil, depuis quarante-cinq ans. Cela fait dix ans que ce médecin a atteint l’âge de la retraite, cinq ans qu’il « songe vraiment à [s’]arrêter », confie-t-il, mais ne pas trouver de remplaçant pour « reprendre le flambeau » auprès de ses patients est, pour lui, un « crève-cœur ». « Régulièrement, je leur explique que j’arrêterai à la fin de l’année, et puis je reporte, je tiens… Ils sont peinés, anxieux de ne pas savoir qui va s’occuper d’eux. »

      En cinq ans, en dépit d’un réseau professionnel qu’il s’est aussi forgé comme militant associatif et praticien hospitalier à mi-temps, le docteur Elghozi n’a rencontré que deux libéraux, des pédiatres, possiblement intéressés par la reprise de son cabinet. Mais aucun généraliste.

      A quelque 300 kilomètres de là, en Mayenne, un territoire rural parmi les plus en difficulté, le docteur Luc Duquesnel, patron de la Confédération des syndicats médicaux français, a lui aussi l’attention focalisée sur les « départs ». Sur les dix-neuf #médecins de la maison de santé où il exerce, sept sont partis en retraite, un ailleurs dans le département, un autre en Bretagne… « On est de moins en moins nombreux pour faire des gardes toujours plus lourdes. On n’a pas le choix, on tient, même si on a le sentiment de se prendre un tsunami sur la tête. »

  • Un collectif de plus de 120 médecins généralistes dénonce des pressions de l’assurance maladie pour réduire les #arrêts_de_travail
    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/arrets-de-travail-des-medecins-denoncent-des-pressions-de-lassurance-mala

    En cette fin 2023, des milliers de médecins traitants sont « priés » par l’Assurance maladie de prescrire moins d’arrêts de travail, sur ordre de Bercy. « Priés », ou, plus exactement menacés de sanctions s’ils n’appliquent pas les procédures de mises sous objectif (MSO), et de mises sous accord préalable (MSAP).

    La MSO consiste à faire signer au médecin un contrat avec l’#Assurance_maladie, l’engageant à baisser ses prescriptions d’arrêt de travail d’un certain pourcentage. Si le médecin n’y parvient pas, il est sanctionné par une #amende de 6 800 euros en moyenne, renouvelable après chaque période d’observation… S’il refuse la MSO, le médecin se voit imposer la MSAP, qui l’oblige, pour chaque prescription d’arrêt, à solliciter l’accord préalable du médecin-conseil de l’Assurance maladie. Il est en quelque sorte mis sous tutelle : à la fois infantilisé vis-à-vis de ses patients, et culpabilisé puisqu’il sera rendu responsable par la Sécurité sociale du retard de paiement des indemnités journalières que cela entraîne.

    Ces procédures sont appliquées tous les ans depuis 2004 à de nombreux médecins désignés « forts prescripteurs ». Mais en 2023, le nombre de médecins déclarés en excès statistique et donc inquiétés par la Sécurité sociale a explosé, touchant plusieurs milliers d’entre eux, soit environ un quart des médecins traitants.

    Dans le viseur de la Sécu

    Chaque médecin traitant est statistiquement comparé à un groupe de médecins estimé comparable, alors que cette comparaison repose presque exclusivement sur des critères socio-économiques de sa commune d’exercice, et non pas sur les pathologies de ses patients. Or, une patientèle peut être très différente d’un médecin à l’autre, et donc générer d’importants écarts de prescription.

    Par exemple, un médecin installé dans un quartier « populaire » risque d’avoir beaucoup de patients pratiquant des travaux manuels et pénibles, présentant des pathologies musculo-squelettiques, par exemple des tendinites, nécessitant souvent des arrêts de #travail.

    D’autres médecins traitants qui pratiquent la psychothérapie prennent en charge de nombreux patients fragiles au niveau psychiatrique, dont l’état de santé nécessite parfois des prescriptions d’arrêts longs ou répétés. Ces médecins se trouvent de facto dans le viseur de la Sécurité sociale.

    En outre, cette comparaison se base sur des indicateurs parfois inexacts : arrêts de travail prescrits par d’autres médecins imputés au médecin traitant, failles quotidiennes dans les logiciels de l’Assurance maladie. Il est fréquent que des médecins se voient attribuer certains actes techniques qu’ils ne pratiquent jamais !

    L’Assurance maladie ne semble plus s’intéresser à la #santé des #patients. Lors de nos convocations à la Sécurité sociale, nous devons nous justifier sans donner d’éléments médicaux. Quelles que soient nos explications, l’entretien se termine presque toujours par une menace de sanctions… Seuls les chiffres comptent, aux dépens de la santé du patient. C’est le #délit_statistique. Nous n’exerçons plus sereinement notre métier : dans notre esprit se télescopent l’intérêt du patient et le nôtre. Soit nous choisissons de prioriser la santé du patient et prescrivons l’arrêt qui nous met en danger statistique, soit nous priorisons notre sécurité statistique et mettons de côté la santé du patient, en contradiction avec notre éthique.

    Des symptômes de souffrance au travail

    Nous appréhendons à présent les consultations qui pourraient mener à la prescription d’un arrêt, perdant parfois l’empathie nécessaire pour nos patients et développons nous-mêmes des symptômes traduisant notre souffrance au travail. Le « #management » que l’Assurance maladie exerce sur nous a de sérieuses analogies avec le management funeste qui fut celui de grandes entreprises… et avec celui que subissent nombre de nos patients en burn-out.

    Par ailleurs, tenir pour seuls responsables les médecins traitants de la hausse du montant des #indemnités_journalières est injuste et contre-productif.

    Cette hausse a bien été expliquée par de nombreux économistes : hausse du nombre d’actifs, de leurs salaires et donc du montant des indemnités journalières, vieillissement des actifs, hausse des maladies de longue durée, des maladies mentales, les suites de Covid, etc. Sans oublier l’impact déprimant et angoissant du monde, entre pandémie, guerres, perte du pouvoir d’achat et bien sûr la question climatique… De plus, le manque global de toutes les spécialités médicales, dont les médecins du travail et de médecins-conseils de la Sécurité sociale chargés de favoriser le retour au travail des patients, ne fait que retarder leur prise en charge et leur retour au travail.

    Par ailleurs, trop de médecins d’autres spécialités délèguent au #médecin_traitant la prescription de l’arrêt de travail qu’ils pourraient rédiger eux-mêmes.

    La France manque cruellement de médecins traitants, avec une baisse des effectifs de plus de 10% depuis 2010. C’est une spécialité très exigeante et l’une des moins rémunérées.

    Laissez-nous soigner !

    Les pressions croissantes de l’Assurance maladie ne font qu’aggraver ce déficit : les jeunes ne veulent plus s’installer, et de nombreux médecins déjà installés se déconventionnent ou se désinstallent, blessés et épuisés.

    Nous acceptons bien entendu les contrôles de l’Assurance maladie, car il s’agit d’argent public, mais uniquement sur des critères médicaux, dossier par dossier. Nous refusons le contrôle statistique, déshumanisé, déconnecté des pathologies de nos patients. Ce ne sont ni des individus standards que nous recevons, ni des chiffres, ce sont des êtres humains, tous différents.

    Laissez-nous exercer notre métier sereinement, qui nous fait accompagner le patient de la naissance jusqu’à la mort, nous place en première ligne, et parfois en dernier rempart quand tout s’effondre.

    Laissez-nous soigner en toute humanité !

    Ni complaisants, ni délinquants. Soignants, tout simplement.

    #soins #maltraitance #médecine #médecine_générale

  • #Bien-être : « Tant qu’on utilisera le #yoga pour être en forme au #travail, on aura un problème »

    Loin de nous apporter le bonheur promis, la sphère bien-être perpétue un système nuisible qui ne peut que nous rendre malheureux. Interview de #Camille_Teste.

    Huiles essentielles, massages et salutations au soleil promettent de nous changer de l’intérieur, et le monde avec. À tort ? C’est le sujet de l’essai Politiser le bien-être (https://boutique.binge.audio/products/politiser-le-bien-etre-camille-teste) publié en avril dernier chez Binge Audio Editions. Selon l’ex-journaliste Camille Teste, non seulement nos petits gestes bien-être ne guériront pas les maux de nos sociétés occidentales, mais ils pourraient même les empirer. Rassurez-vous, Camille Teste, aujourd’hui professeur de yoga, ne propose pas de bannir les sophrologues et de brûler nos matelas. Elle nous invite en revanche à prendre conscience du rôle que jouent les pratiques de bien-être, celui de lubrifiant d’un système capitaliste. Interview.

    Le bien-être est la quête individuelle du moment. C’est aussi un #business : pouvez-vous préciser les contours de ce #marché ?

    Camille Treste : La sphère bien-être recouvre un marché très vaste qualifiant toutes les pratiques dont l’objectif est d’atteindre un équilibre dit « intégral », c’est-à-dire psychologique, physique, émotionnel, spirituel et social, au sens relationnel du terme. Cela inclut des pratiques esthétiques, psychocorporelles (yoga, muscu...), paramédicales (sophrologie, hypnose...) et spirituelles. En plein boom depuis les années 90, la sphère bien-être s’est démultipliée en ligne dans les années 2010. Cela débute sur YouTube avec des praticiens et coachs sportifs avant de s’orienter vers le développement personnel, notamment sur Instagram. Rappelons que le milieu est riche en complications, entre dérives sectaires et arnaques financières : par exemple, sous couvert d’élévation spirituelle, certains coachs autoproclamés vendent très cher leurs services pour se former... au #coaching. Un phénomène qui s’accélère depuis la pandémie et s’inscrit dans une dynamique de vente pyramidale ou système de Ponzi.

    Pourquoi la sphère bien-être se tourne-t-elle autant vers les cultures ancestrales ?

    C. T : Effectivement, les thérapies alternatives et les #néospiritualités ont volontiers tendance à picorer dans des pratiques culturelles asiatiques ou latines, comme l’Ayurveda née en Inde ou la cérémonie du cacao, originaire d’Amérique centrale. Ce phénomène relève aussi bien d’un intérêt authentique que d’une #stratégie_marketing. Le problème, c’est que pour notre usage, nous commercialisons et transformons des pratiques empruntées à des pays dominés, colonisés ou anciennement colonisés avant de le leur rendre, souvent diluées, galvaudées et abîmées, ce qu’on peut qualifier d’#appropriation_culturelle. C’est le cas par exemple des cérémonies ayahuasca pratiquées en Amazonie, durant lesquelles la concoction hallucinogène est originellement consommée par les chamanes, et non par les participants. Pourquoi cette propension à se servir chez les autres ? Notre culture occidentale qui a érigé la #rationalité en valeur suprême voit d’un mauvais œil le pas de côté spirituel. Se dissimuler derrière les pratiques de peuples extérieurs à l’Occident procure un #alibi, une sorte de laissez-passer un peu raciste qui autorise à profiter des bienfaits de coutumes que l’on ne s’explique pas et de traditions que l’on ne comprend pas vraiment. Il ne s’agit pas de dire que les #pratiques_spirituelles ne sont pas désirables, au contraire. Mais plutôt que de nous tourner vers celles d’autres peuples, peut-être pourrions-nous inventer les nôtres ou renouer avec celles auxquelles nous avons renoncé avec la modernité, comme le #néodruidisme. Le tout évidemment, sans renoncer à la #médecine_moderne, à la #science, à la rationalité, et sans tomber dans un #traditionalisme_réactionnaire.

    Vous affirmez que la sphère bien-être est « la meilleure amie du #néolibéralisme. » Où est la connivence ?

    C. T : La #culture_néolibérale précède bien sûr l’essor de la sphère bien-être. Théorisée au début du 20ème siècle, elle s’insère réellement dans nos vies dans les années 80 avec l’élection de Reagan-Thatcher. Avant cette décennie, le capitalisme laissait de côté nos relations personnelles, l’amour, le corps : cela change avec le néolibéralisme, qui appréhende tout ce qui relève de l’#intime comme un marché potentiel. Le capitalisme pénètre alors chaque pore de notre peau et tous les volets de notre existence. En parallèle, et à partir des années 90, le marché du bien-être explose, et l’économiste américain Paul Zane Pilzer prédit à raison qu’au 21ème siècle le marché brassera des milliards. Cela a été rendu possible par la mécanique du néolibéralisme qui pose les individus en tant que petites entreprises, responsables de leur croissance et de leur développement, et non plus en tant que personnes qui s’organisent ensemble pour faire société et répondre collectivement à leurs problèmes. Peu à peu, le néolibéralisme impose à grande échelle cette culture qui nous rend intégralement responsable de notre #bonheur et de notre #malheur, et à laquelle la sphère bien-être répond en nous gavant de yoga et de cristaux. Le problème, c’est que cela nous détourne de la véritable cause de nos problèmes, pourtant clairement identifiés : changement climatique, paupérisation, système productiviste, réformes tournées vers la santé du marché et non vers la nôtre. Finalement, la quête du bien-être, c’est le petit #mensonge que l’on se raconte tous les jours, mensonge qui consiste à se dire que cristaux et autres cérémonies du cacao permettent de colmater les brèches. En plus d’être complètement faux, cela démantèle toujours plus les #structures_collectives tout en continuant d’enrichir l’une des vaches à lait les plus grasses du capitalisme.

    Il semble que le #collectif attire moins que tout ce qui relève l’intime. Est-ce un problème d’esthétique ?

    C. T : La #culture_individualise née avec les Lumières promeut l’égalité et la liberté, suivie au 19ème et 20ème siècles par un effet pervers. L’#hyper-individualisme nous fait alors regarder le collectif avec de plus en plus d’ironie et rend les engagements – notamment ceux au sein des syndicats – un peu ringards. En parallèle, notre culture valorise énormément l’#esthétique, ce qui a rendu les salles de yoga au design soignées et les néospiritualités très attirantes. Récemment, avec le mouvement retraite et l’émergence de militants telle #Mathilde_Caillard, dite « #MC_danse_pour_le_climat » – qui utilise la danse en manif comme un outil de communication politique –, on a réussi à présenter l’#engagement et l’#organisation_collective comme quelque chose de cool. La poétesse et réalisatrice afro-américaine #Toni_Cade_Bambara dit qu’il faut rendre la résistance irrésistible, l’auteur #Alain_Damasio parle de battre le capitalisme sur le terrain du #désir. On peut le déplorer, mais la bataille culturelle se jouera aussi sur le terrain de l’esthétique.

    Vous écrivez : « La logique néolibérale n’a pas seulement détourné une dynamique contestataire et antisystème, elle en a fait un argument de vente. » La quête spirituelle finit donc comme le rock : rattrapée par le capitalisme ?

    C. T : La quête de « la meilleure version de soi-même » branchée sport et smoothie en 2010 est revue aujourd’hui à la sauce New Age. La promesse est de « nous faire sortir de la caverne » pour nous transformer en sur-personne libérée de la superficialité, de l’ego et du marasme ambiant. Il s’agit aussi d’un argument marketing extrêmement bien rodé pour vendre des séminaires à 3 333 euros ou vendre des fringues censées « favoriser l’#éveil_spirituel » comme le fait #Jaden_Smith avec sa marque #MSFTSrep. Mais ne nous trompons pas, cette rhétorique antisystème est très individualiste et laisse totalement de côté la #critique_sociale : le #New_Age ne propose jamais de solutions concrètes au fait que les plus faibles sont oppressés au bénéfice de quelques dominants, il ne parle pas de #lutte_des_classes. Les cristaux ne changent pas le fait qu’il y a d’un côté des possédants, de l’autre des personnes qui vendent leur force de travail pour pas grand-chose. Au contraire, il tend à faire du contournement spirituel, à savoir expliquer des problèmes très politiques – la pauvreté, le sexisme ou le racisme par exemple – par des causes vagues. Vous êtes victime de racisme ? Vibrez à des fréquences plus hautes. Votre patron vous exploite ? Avez-vous essayé le reiki ?

    Le bien-être est-il aussi l’apanage d’une classe sociale ?

    C. T : Prendre soin de soi est un #luxe : il faut avoir le temps et l’argent, c’est aussi un moyen de se démarquer. Le monde du bien-être est d’ailleurs formaté pour convenir à un certain type de personne : blanche, mince, aisée et non handicapée. Cela est particulièrement visible dans le milieu du yoga : au-delà de la barrière financière, la majorité des professeurs sont blancs et proposent des pratiques surtout pensées pour des corps minces, valides, sans besoins particuliers.

    Pensez notre bien-être personnel sans oublier les intérêts du grand collectif, c’est possible ?

    C. T : Les espaces de bien-être sont à sortir des logiques capitalistes, pas à jeter à la poubelle car ils ont des atouts majeurs : ils font partie des rares espaces dédiés à la #douceur, au #soin, à la prise en compte de nos #émotions, de notre corps, de notre vulnérabilité. Il s’agit tout d’abord de les transformer pour ne plus en faire un bien de consommation réservé à quelques-uns, mais un #bien_commun. C’est ce que fait le masseur #Yann_Croizé qui dans son centre masse prioritairement des corps LGBTQI+, mais aussi âgés, poilus, handicapés, souvent exclus de ces espaces, ou la professeure de yoga #Anaïs_Varnier qui adapte systématiquement ses cours aux différences corporelles : s’il manque une main à quelqu’un, aucune posture ne demandera d’en avoir deux durant son cours. Je recommande également de penser à l’impact de nos discours : a-t-on vraiment besoin, par exemple, de parler de féminin et de masculin sacré, comme le font de nombreux praticiens, ce qui, en plus d’essentialiser les qualités masculines et féminines, est très excluant pour les personnes queers, notamment trans, non-binaires ou intersexes. Il faut ensuite s’interroger sur les raisons qui nous poussent à adopter ces pratiques. Tant que l’on utilisera le yoga pour être en forme au travail et enrichir des actionnaires, ou le fitness pour renflouer son capital beauté dans un système qui donne plus de privilèges aux gens « beaux », on aura un problème. On peut en revanche utiliser le #yoga ou la #méditation pour réapprendre à ralentir et nous désintoxiquer d’un système qui nous veut toujours plus rapides, efficaces et productifs. On peut utiliser des #pratiques_corporelles comme la danse ou le mouvement pour tirer #plaisir de notre corps dans un système qui nous coupe de ce plaisir en nous laissant croire que l’exercice physique n’est qu’un moyen d’être plus beau ou plus dominant (une idée particulièrement répandue à l’extrême-droite où le muscle et la santé du corps servent à affirmer sa domination sur les autres). Cultiver le plaisir dans nos corps, dans ce contexte, est hautement subversif et politique... De même, nous pourrions utiliser les pratiques de bien-être comme des façons d’accueillir et de célébrer nos vulnérabilités, nos peines, nos hontes et nos « imperfections » dans une culture qui aspire à gommer nos failles et nos défauts pour nous transformer en robots invulnérables.

    https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/bien-etre-tant-quon-utilisera-le-yoga-pour-etre-en-forme-au-travail-on-aura-un-
    #responsabilité

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/817228

  • Individualisme pandémique | Mediapart | 07.08.22

    https://www.mediapart.fr/journal/france/070822/face-une-pandemie-faut-il-se-contenter-d-outils-imparfaits

    De nombreux chercheurs et chercheuses l’ont souligné durant cette crise : la France, qui était à l’origine même de la santé publique à la fin du XVIIIe siècle, est maintenant l’un des pays les plus focalisés sur le soin individuel curatif. « En matière de dépenses nationales de santé, chaque fois que nous dépensons 100 euros, 96 euros vont aux soins individuels et 4 euros seulement à la prévention organisée. Le déséquilibre est très fort alors que les pays à forte politique de santé publique sont plutôt sur un ratio de 90/10 », déplore William Dab.

    Pour cet ex-directeur général de la santé, « nous avons été remarquables dans le domaine des soins : nous avons été l’un des pays où il y a eu le moins de pertes de chance. En revanche, en ce qui concerne la prévention, il y beaucoup de choses à rebâtir ». À commencer par accepter d’autres approches que la médecine curative individuelle, des approches où le « plus » est souvent mieux que le « parfait », où le mieux est parfois l’ennemi du bien.

    • Cité dans l’article:
      To mask or not to mask: Modeling the potential for face mask use by the general public to curtail the COVID-19 pandemic

      Face mask use by the general public for limiting the spread of the COVID-19 pandemic is controversial, though increasingly recommended, and the potential of this intervention is not well understood. We develop a compartmental model for assessing the community-wide impact of mask use by the general, asymptomatic public, a portion of which may be asymptomatically infectious. Model simulations, using data relevant to COVID-19 dynamics in the US states of New York and Washington, suggest that broad adoption of even relatively ineffective face masks may meaningfully reduce community transmission of COVID-19 and decrease peak hospitalizations and deaths. Moreover, mask use decreases the effective transmission rate in nearly linear proportion to the product of mask effectiveness (as a fraction of potentially infectious contacts blocked) and coverage rate (as a fraction of the general population), while the impact on epidemiologic outcomes (death, hospitalizations) is highly nonlinear, indicating masks could synergize with other non-pharmaceutical measures. Notably, masks are found to be useful with respect to both preventing illness in healthy persons and preventing asymptomatic transmission. Hypothetical mask adoption scenarios, for Washington and New York state, suggest that immediate near universal (80%) adoption of moderately (50%) effective masks could prevent on the order of 17–45% of projected deaths over two months in New York, while decreasing the peak daily death rate by 34–58%, absent other changes in epidemic dynamics. Even very weak masks (20% effective) can still be useful if the underlying transmission rate is relatively low or decreasing: In Washington, where baseline transmission is much less intense, 80% adoption of such masks could reduce mortality by 24–65% (and peak deaths 15–69%), compared to 2–9% mortality reduction in New York (peak death reduction 9–18%). Our results suggest use of face masks by the general public is potentially of high value in curtailing community transmission and the burden of the pandemic. The community-wide benefits are likely to be greatest when face masks are used in conjunction with other non-pharmaceutical practices (such as social-distancing), and when adoption is nearly universal (nation-wide) and compliance is high.

      https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.06.20055624v1

    • Et aussi cité dans l’article, l’enquête de Mediapart sur la pénurie de masques (déjà plusieurs fois cité sur seenthis) :

      Masques : les preuves d’un mensonge d’Etat

      Pénurie cachée, consignes sanitaires fantaisistes, propositions d’importations négligées, stocks toujours insuffisants, entreprises privilégiées : basée sur de nombreux témoignages et documents confidentiels, une enquête de Mediapart révèle la gestion chaotique au sommet de l’État, entre janvier et aujourd’hui, sur la question cruciale des masques. Et les mensonges qui l’ont accompagnée. Les soignants, eux, sont contaminés par centaines.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/020420/masques-les-preuves-d-un-mensonge-d-etat

  • Casino accusé « d’atteinte à la santé » de ses salariées
    https://disclose.ngo/fr/article/casino-brise-sante-femmes

    Des documents confidentiels obtenus par Disclose dévoilent la violence subie par les premières lignes du géant Casino. Face à l’inaction de la direction, une expertise indépendante a été déclenchée dans les 400 supermarchés et hypermarchés du groupe. Lire l’article

  • La santé sociale
    https://laviedesidees.fr/La-sante-sociale.html

    Longtemps cloisonnés, les champs du sanitaire et du social peuvent-ils être articulés ? Ne le sont-ils pas déjà dans le cadre de certaines expériences ? Cet ouvrage de la collection Puf - Vie des idées développe le concept de santé sociale en revenant sur des initiatives de soignants qui intègrent une dimension sociale aux marges du système de santé.

    #Société

  • La santé est-elle l’affaire des municipalités ?
    https://laviedesidees.fr/La-sante-est-elle-l-affaire-des-municipalites-5347.html

    Comment les municipalités peuvent-elles se saisir des préoccupations sanitaires ? Quels sont leurs moyens d’actions pour agir sur les questions de santé ? Comment ces structures d’exercice coordonné peuvent-elles constituer l’instrument principal d’une politique de santé locale ?

    #Société #santé
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20220215_sante.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20220215_sante-2.docx

    • Aujourd’hui, comme l’a illustré le poids pris par l’État dans le traitement de la pandémie de Covid-19, la mobilisation de l’échelon municipal en termes de santé ne semble plus aller de soi. La clause générale de compétence, qui permet depuis 1884 aux municipalités d’intervenir sur toute question présentant à leurs yeux un intérêt public local dès lors que cela n’empiète pas sur les attributions d’un autre échelon d’action publique, a pourtant été confirmée pour les communes par la loi du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) tandis que cette dernière la supprimait pour les départements et les régions.

      Force est de constater que le lien entre santé et localité s’est progressivement distendu au cours du dernier siècle quand il s’est au contraire renforcé sur d’autres sujets, comme en témoigne l’essor des polices municipales. Pourtant, face à la crise sanitaire, les mairies ne sont pas restées passives et ont déployé des actions tous azimuts pour distribuer des masques, organiser la circulation des personnes par voie d’arrêtés ou encore permettre la vaccination sur leur territoire. La question de la pertinence de l’échelon municipal dans la construction et la mise en œuvre des politiques de santé se repose donc aujourd’hui avec acuité. Se « repose » car plusieurs réformes institutionnelles et sociales ont fait, dans les années 1880-1900, de l’aide aux plus vulnérables une ambition municipale forte. De grandes lois d’assistance ont été promulguées en 1893 (pour l’aide médicale), en 1905 (pour les vieillards et infirmes) ou encore en 1913 (pour les femmes en couche) mais, durant les Trente Glorieuses, la substitution de l’« aide sociale » à l’assistance (loi de 1953) a retiré aux municipalités l’essentiel de leur rôle en la matière et la « sanitarisation du social » a alors conduit à différencier de plus en plus interventions médicales et sociales.

      Prenant appui sur plusieurs terrains d’enquêtes ayant trait aux enjeux locaux de santé, et plus particulièrement à des centres et maisons de santé, ce chapitre propose d’ouvrir quelques pistes de réflexion en soulignant les spécificités des actions sanitaires municipales, mais aussi leur dimension éminemment politique, au sens où elles impliquent des choix et des conceptions différentes de l’intérêt sanitaire local. Une attention particulière sera portée aux centres de santé municipaux, qui constituent un instrument privilégié et en constante évolution, mais trop souvent négligé, de ces politiques de santé.

      [...] Lancé au début des années 2000 dans le cadre de la politique de la ville, le dispositif des « ateliers santé-ville » permet le déploiement de moyens humains et budgétaires spécifiques visant tout à la fois à améliorer la connaissance de la santé des habitants à travers la réalisation d’un diagnostic partagé de santé, la participation active de ces derniers dans le pilotage des dispositifs sanitaires, la coordination et la formation des acteurs locaux des secteurs sanitaire et médico-social, l’accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins des populations précarisées, dans une logique d’empowerment non dépourvue de tensions.

      Cet essai est un extrait du livre La santé sociale qui paraît le 16 février

      #détricotage #ville #municipalités #santé_locale #santé_environnementale #prévention #maisons_de_santé #centres_de_santé #centres_de_santé_municipaux (ex-dispensaires) #santé_publique #médecine_libérale #État #déserts_médicaux #hôpital #coordination_des_soins #décloisonnement #crise_sanitaire #masques #vaccination #ARS #comités_d’usagers (inexistants) #enquête

  • « Les candidats qui feront une offre politique fondée sur la science auront beaucoup à gagner »

    La pandémie a permis d’éduquer les Français aux raisonnements scientifiques, note le médecin épidémiologiste Jean-David Zeitoun, qui appelle, dans une tribune au « Monde », les candidats à l’élection présidentielle à élaborer leurs programme sur des faits établis.

    Tribune. En médecine, il existe un principe simple et inviolable : un traitement peut comporter des risques, mais ses bénéfices attendus doivent être supérieurs aux dommages. Rudolf Virchow (1821-1902), un champion médical prussien du XIXe siècle, estimait que la politique n’était rien d’autre qu’une médecine appliquée à la société. Plus exactement, il disait que « la médecine est une science sociale, et la politique n’est rien d’autre qu’une médecine à plus large échelle ». Les leaders politiques « traitent » leur population en leur proposant des interventions dont les avantages l’emportent sur les inconvénients. Il se trouve que ces interventions reposent souvent sur des données, voire sur la science.

    On ne sait pas si les candidats à l’élection présidentielle de 2022 auront recours à la science, mais beaucoup de thèmes de campagne s’y prêteront : la santé, l’environnement, la démographie – et donc l’immigration. Les candidats auront l’opportunité d’élaborer leurs programmes sur une quantité de faits, auxquels ils pourront ensuite ajouter leurs idées.

    Pour leurs politiques de santé, il leur sera facile de rappeler des vérités claires, dont certaines sont connues depuis deux siècles. La santé publique est plus puissante que la médecine. Elle coûte moins cher et marche plus souvent. De ce fait, elle est bien plus rentable. Elle n’est pas concurrente des soins, au contraire, car une population en meilleure santé est plus performante économiquement, ce qui permet d’accéder aux traitements les plus sophistiqués, qui sont constamment plus chers.

    Taxation et régulation

    Quand on parle de santé publique, il faut compter avec les déterminants sociaux. En France comme ailleurs, le capital social prédit la santé. Si l’on tient seulement compte des revenus, il existe 13 ans d’écart d’espérance de vie entre les 5 % des Français les plus pauvres et les 5 % les plus riches. Cela veut dire 1/6e de vie en plus ou en moins, sans parler de ce qu’elle contient. Aucune intervention aucun médicament ne pourront jamais atteindre l’effet du capital social sur la santé.

    On verra si ces mêmes candidats reconnaîtront que l’amélioration de la santé française ne se jouera que minoritairement dans le système de soins. La bonne ou la mauvaise santé se préparent en dehors de l’hôpital ou du cabinet du médecin. Un Etat qui tient à protéger sa population doit s’en prendre aux industries qui vivent intentionnellement ou non de la production de maladies. La chimie, les transports fossiles, l’alcool, le tabac, certains aliments toxiques et, peut-être, déjà, les médias sociaux ont tous des effets négatifs sur la santé physique et mentale.

    Il existe des exemples réussis qui prouvent qu’une action est possible : la pollution de l’air et le tabagisme baissent dans les démocraties à revenus élevés. Il a fallu de la taxation et de la régulation, des approches que beaucoup de leaders ne trouvent pas « sexy » malgré leur efficacité. La répression des autres industries antisanté est à notre portée. Elle n’endommagerait ni la création de richesses ni le bien-être, car ces industries détruisent plus de valeur qu’elles n’en créent, et elles ne rendent pas heureux.

    Demande d’élucidation

    Les candidats les plus complets admettront aussi que certaines vérités ne sont pas connues. Sur l’hôpital, par exemple, le diagnostic est évident, mais le traitement ne l’est pas. De plus, quelle est la dimension optimale d’un parc hospitalier ? Combien de lits doit compter un hôpital ? Quel est le meilleur système de rémunération des professionnels ?

    Cette conception scientifique de la campagne peut s’appliquer à l’environnement – un sujet que je connais un peu – et à la démographie – un domaine que je ne connais pas mais dont les scientifiques ont aussi des choses à nous dire. Les candidats qui feront une offre politique fondée sur la science auront beaucoup à gagner, car la demande est forte. Plusieurs indices en témoignent.

    Premièrement, les Français font encore largement confiance à la science, comme l’a montré une étude académique récente [« Les Français et la science 2020 », portée par l’université de Lorraine, publiée en novembre 2021] relatée dans ces colonnes.
    Lire aussi Article réservé à nos abonnés « A l’égard des sciences et techniques, il faut plutôt parler de désenchantement que de défiance »
    Deuxièmement, il y a une demande d’élucidation. Même la dissémination des thèses complotistes trahit une envie de comprendre, comme l’historien Johann Chapoutot vient de le rappeler (Les 100 mots de l’histoire, PUF, 2021).

    Troisièmement, les candidats scientifiques profiteraient de l’éducation que la pandémie nous a imposée. En moins de deux ans, les Français ont accumulé des connaissances et renforcé leur raisonnement, notamment statistique. Ils en savent plus sur les microbes, les vaccins et les médicaments qu’un bon étudiant en médecine [études souvent imbéciles, ok, mais qui ne formeraient à rien du tout , on me l’avait caché ; ndc]. Leur appréhension de l’incertitude est aussi certainement meilleure. Les enquêtes d’opinion suggèrent que le même effet d’éducation émerge en matière environnementale, peut-être bientôt en démographie.

    Il paraît qu’il faut raconter une histoire pour gagner une élection, et le vote de 2022 ne devrait pas y échapper. Pourvu qu’il s’agisse d’une histoire vraie. On ne soulage pas un malade en lui faisant croire aux miracles, et il est probable qu’on réponde mieux aux demandes sociales en préférant les faits au faux. En chroniquant le livre de Freud, Malaise dans la civilisation [paru en 1930] – une analyse encore dramatiquement valable –, Stefan Zweig disait que « nous sommes fatigués depuis longtemps des consolateurs » [Freud : la guérison par l’esprit, Payot, 2021]. Aujourd’hui, nous voudrions demander aux candidats de nous consoler, car nous sommes fatigués des menteurs.

    Jean-David Zeitoun est docteur en médecine, docteur en épidémiologie clinique, et auteur de « La Grande Extension. Histoire de la santé humaine » (Denoël, 2021).
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/10/les-candidats-qui-feront-une-offre-politique-fondee-sur-la-science-auront-be

    Huffington post : Jean-David Zeitoun
    Médecin hépato-gastroentérologue, consultant, doctorant en Santé Publique, associé à The Family, diplômé de Sciences Po Paris et doctorant en Santé Publique. Il est également consultant pour plusieurs cabinets de conseil et industriels en lien avec le médicament. Il est associé à The Family, une société d’investissement basée à Londres et à Paris, où il est responsable de l’accompagnement des start-up dédiées à la santé.

    essentiellement pour la phrase que j’ai graissée, et la manière d’emballer un poisson dont on le voit ni les yeux ni les ouïes, qu’on nous promet pas cher si on s’obstine pas sur le système de santé
    #savoir_se_vendre #science #médecine #médecine_sociale #santé_publique #soins #sytème_de_soins

  • Notre système de santé craque – Union Syndicale de la Psychiatrie
    https://www.uspsy.fr/?p=26708

    Les soins urgents et vitaux sont encore dispensés mais dans quelles conditions ?

    Les personnels des soins sont au bout du rouleau, désabusés de leur métier, broyés dans la machine.

    Au point pour certains de perdre la boussole de leur éthique professionnelle et de mettre en avant le tri à faire sur les malades qui se présentent.

    Qui en est responsable ?

    Certainement pas ces professionnels eux-mêmes, sur qui on reporte des questions qui devraient être traitées par le débat démocratique.

    Depuis des années, les gouvernements successifs ont sacrifié notre système public de santé et l’ont vendu à la découpe au privé, sans aucune pensée globale et prospective sur les besoins et défis de santé à venir.

    Des professionnels sous-payés par rapport à leurs compétences, leur qualification et leur engagement ; une absence de reconnaissance des savoir-faire ; une logique économique qui passe avant la logique des soins ; des dysfonctionnements majeurs liés à une logistique et une administration inadaptées, pourtant pléthoriques ; un empiètement de plus en plus important de techniques managériales nocives qui ne sont là que pour faire marcher des escadrons de petits soldats…

    La servitude volontaire [et stipendiées manière honteuse, ndc] des plus gradés, paramédicaux, administratifs et malheureusement parfois médicaux, soumet aveuglément l’ensemble au dogme de la productivité, de la performance, d’une prétendue efficience, de la course au chiffre, de la #concurrence entre services, établissements… Cette bureaucratie comptable, disciplinée et aveugle, dont le coût et le poids sont énormes, présente dans toutes les strates des hôpitaux, des GHT mille-feuille, des #ARS… aboutit à une maltraitance des #patients et des #soignants, détruit le soin, dégoute les soignants et les conduit à l’arrêt ou à la fuite.

    Quoi de mieux que ce lent pourrissement, cette destruction organisée pour faire fuir aussi les patients et permettre de proposer le privé lucratif comme sauveur ?

    Nous en sommes arrivés là.

    Peut-on encore parler d’erreur ou d’incompétence là où une stratégie de #non-assistance clairement affichée trouve son illustration ?

    Plus encore, c’est l’absence de vision de santé publique qui fait défaut : celle qui articulerait la #médecine_de_ville à la médecine hospitalière, restaurerait une permanence des soins, prendrait véritablement en compte les plus précaires (4 % de la population n’a pas de mutuelle et devra payer de sa poche le nouveau 1 #forfait_urgence à 19,61 € alors que les le manque de #médecins généralistes est criant). Là encore il s’agit de favoriser attente, conflit, humiliation des patients par des équipes exsangues pour les dégouter un peu plus.

    La psychiatrie en est une parfaite illustration. Alors qu’elle est démantelée depuis des années mais ô combien nécessaire par les temps difficiles que nous traversons, elle n’a eu droit qu’à quelques mesurettes en septembre dernier alors que les besoins se chiffrent en milliards.

    Aussi l’USP appelle-telle à la mobilisation pour dénoncer cette politique et pour la défense d’une évolution positive de notre système de santé vers un accès pour tous sans condition le mardi 11 janvier, à l’unisson des intersyndicales et des collectifs de la santé, ainsi qu’à la participation aux Assises citoyennes du soin psychique des 11 et 12 mars 2022 à Paris.

    40 ans de destruction de la #psychiatrie, avec des dizaines de milliers de lits supprimés, tout comme les formations « infirmiers psy », ça fait expérience sur la #santé_publique.

    si ils évoquent des besoins à hauteur de milliards pour la psychiatrie, c’est qu’il s’agit de redéfinir de fond en comble et dans la durée les prises en charge : formation de soignants, psychiatres compris, modalités de soin, non seulement dans les lieux institutionnels (et déjà là, les besoins sont énormes : si la contention et l’isolement sont davantage utilisés, ce n’est pas seulement en raison d’une idéologie sécuritaire qui infuse partout, de la misère intellectuelle et pratique des approches du soin ; c’est aussi en raison du manque de moyens attribués que ces pratiques apparaissent à certains comme les seules possibles), mais aussi en ambulatoire (des hospitalisation de jour au secteur) et en ville.

    #management #bureaucratie #accès_aux_soins

  • Alors, on te voit plus aux soirées ? Pour une santé communautaire. - Paris-luttes.info
    https://paris-luttes.info/alors-on-te-voit-plus-aux-soirees-15592

    Parce que la forme pandémie n’est pas simplement naturelle, mais fortement impactée par l’organisation sociale, je m’oppose à toute méthode qui consisterait à « laisser faire la nature », à « faire confiance à son corps » et « booster son immunité naturelle ». Pire encore, l’idée qu’« il faut bien mourir de quelque chose ». L’immunité naturelle et collective, pour autant qu’elle soit atteignable (ce qui n’est pas certain), a un coût humain. Et, ce coût humain est d’abord payé par les plus fragiles (que ce soit une fragilité naturelle ou créée par le monde dans lequel on vit), ce qui n’est rien d’autre qu’un nouvel eugénisme dégueulasse.
    Je dois t’avouer que j’ai été effaré de la porosité de nos milieux aux discours niant la dangerosité du virus et aux scientifiques "alternatifs" (pour ne pas dire escrocs). Pourtant, tu sais à quel point je suis sensible à un certain nombre d’arguments techno-critiques ou anti-industriels… Mais, dans le champ étroit du médical et de la lutte contre le virus (traitements, vaccins, moyens de prévention), qui d’autre que les experts ? Questionner ces experts, c’est par exemple les interpeller sur les mystérieux « covid longs », construire des groupes patient-e-s/médecins, plutôt que leur opposer des chiffres manipulés ou des scientifiques alternatifs (eux aussi en blouse blanche et poursuivant également un business personnel très lucratif…). Quant à nous, quelques séances d’éducation populaire sur la thématique de l’immunité nous seraient sans doute fortement bénéfiques !!

    enfin des textes comme ça bordel.

    (aaaaaah une #piqûre)

  • #Nike, la victoire à tout prix

    L’équipementier américain Nike a lancé en 2001 aux États-Unis un groupe d’athlètes de haut niveau, l’Oregon Project, financé par la marque à des fins promotionnelles. Mais en 2019, son entraîneur Alberto Salazar est suspendu par l’Agence américaine antidopage lors des championnats du monde d’athlétisme. Il est accusé d’"incitation à une conduite dopante". La direction de Nike dissout aussitôt le projet.

    Plus disponible sur arte, mais voici la bande-annonce :
    https://ne-np.facebook.com/infobyarte/videos/nike-la-victoire-%C3%A0-tout-prix-thema-arte/324506792744931/?__so__=permalink&__rv__=related_videos

    #sport #Alberto_Salazar #dopage #doping #Nike_Oregon_Project #Oregon_Project #Projet_Oregon #marathon #médecine_du_sport #athlétisme #techniques_d'entraînement #entraînement #violences_psychologiques #Mary_Cain #violences_physiques #poids #performance #optimisation #médicaments #EPO #vaporFly #vapor_fly #technologie #chaussures #AlphaFly #Alpha_Fly #marketing #Peter_Julien #dopage_technologique

  • Coronavirus : la Grèce ordonne à des dizaines de médecins privés de travailler dans les hôpitaux
    https://www.rtbf.be/info/monde/detail_coronavirus-la-grece-ordonne-a-des-dizaines-de-medecins-prives-de-travai

    Pour soulager les médecins hospitaliers débordés par la pandémie de coronavirus, le ministère grec de la Santé a ordonné vendredi à 85 médecins privés de s’y présenter pour travailler.

    Des officiers de police ont remis les documents correspondants aux médecins, qui doivent maintenant se présenter dans les hôpitaux samedi matin, a rapporté la radio publique.

    Le gouvernement a pris jeudi une décision qui rend cette mesure possible. Selon les experts juridiques, ceux qui refusent risquent jusqu’à trois ans de prison. 

    En raison de la quatrième vague de la pandémie de coronavirus, les hôpitaux, notamment dans le nord de la Grèce, sont totalement surchargés depuis des semaines.

    Début novembre, le gouvernement avait déjà appelé les médecins privés à se porter volontaires. Cependant, seuls une quarantaine de médecins s’étaient portés volontaires.

    Selon les associations de médecins hospitaliers, le système de santé grec a besoin d’au moins 150 médecins supplémentaires.

    #crise_sanitaire #sante #santé #coronavirus #sars-cov-2 #covid #pandémie #santé_publique #médecins #médecine_libérale

  • Le marché de la #GPA en #Ukraine

    Cela fait une décennie qu’en Ukraine des femmes se font payer pour mettre au monde des bébés. Pour un certain nombre de couples sans enfant d’Europe, ces mères porteuses représentent l’ultime espoir. Quelles sont les règles de ce nouveau business ? En quête de réponses, nous partons en Ukraine visiter un centre de fertilité et rencontrer des mères porteuses, qui racontent avec lucidité pourquoi elles louent leur corps. Le reportage suit par ailleurs un couple allemand qui se rend en Ukraine pour récupérer son enfant, et donne la parole à des opposants à la GPA.

    https://www.youtube.com/watch?v=ufe_6v7ihb8


    #film #film_documentaire #documentaire
    #mères_porteuses #procréation_médicalement_assistée #parentalité #gestation_pour_autrui #Biotexcom #médecine_reproductive #trafic_d'êtres_humains #femmes #maternité_de_substitution

  • Bill Gates, un capitalisme philanthropique ? Entretien avec Radhika Desaï

    Bon mari ou pas ? Avant que sa vie privée soit étalée dans les médias, Bill Gates en était le héros.
    Dans ce récit médiatique, Gates, tout comme George Soros, reste l’exemple du « bon capitaliste » qui, fortune faite, consacre ses vieux jours à faire le bien autour de lui. Et si cette image-là était, elle aussi, complètement bidon ?
    L’analyste indienne Radhika Desaï explique en quoi sa stratégie covid et pharmaceutique en général ne fait aucun bien au tiers monde. Au contraire.

    Bill Gates semble très différent des néolibéraux traditionnels et de Trump, il apparaît comme le capitalisme à visage humain. Bien des gens sont satisfaits de voir que dans toute cette jungle, au moins Bill Gates fait un travail humanitaire essayant d’aider les gens. Est-ce réel ou encore de la cupidité ?

    Je pense que c’est de la cupidité sous couvert d’aider les gens. Vous savez, les profits ont toujours été réalisés au nom d’un plus grand bien. Dans une économie complètement néolibérale classique, vous avez un système capitaliste où les entreprises se font concurrence, mais le résultat final est, nous dit-on, le bien-être de la société. Parce que les consommateurs obtiennent ce qu’ils veulent et au prix le plus bas, etc. Dans un certain sens, l’intérêt général a toujours été la justification, en arrière-plan, du capitalisme.

    Cependant, c’est différent maintenant. Par le passé, dans la phase de libre concurrence du capitalisme classique au XIXe siècle, vers 1850, les capitalistes et l’État étaient censés être séparés. Ensuite, on a vu la taille des entreprises capitalistes augmenter et leur collaboration devenir de plus en plus étroite avec l’État. Ce que nous voyons maintenant, c’est, sans le dire ouvertement, l’exploitation ouverte de l’État à des fins de profits. Je pense qu’il en existe de nombreux modèles. Mais l’élément essentiel est que ces entreprises – sociétés pharmaceutiques ou liées à la santé ou aux services publics – prétendent travailler pour le bien-être général. Ici, s’agissant de nouveaux médicaments et de vaccins, le client final devient l’État et la chose est justifiée en disant que les gens en ont besoin, mais qu’ils n’ont pas les moyens de les acheter. Donc l’État doit les payer à leur place.
     
    Cependant, les gens les paient quand même ?
    Bien entendu, les gens les paient, car l’État les taxe ensuite afin de payer des prix excessivement élevés à ces grandes sociétés monopolistiques.
     
    Vous nous dites que l’activité actuelle de Bill Gates est le résultat d’un nouveau problème dans le système capitaliste ? Les gens n’ayant plus les moyens d’acheter il faut donc trouver de nouveaux clients ?
    Exactement. Si vous y réfléchissez, en remontant aux années 1970, le modèle d’État-providence de l’après-guerre est arrivé lorsque le capitalisme était en crise. Fondamentalement, le système productif avait atteint sa capacité maximum, mais la demande ne suivait pas, ne pouvait augmenter et il y eut une stagnation économique. Vous aviez alors deux façons d’en sortir. La solution du moindre effort aurait été d’exploiter le budget de l’État pour augmenter la demande, et répondre aux besoins non satisfaits des pays en développement. Vous auriez pu utiliser un moyen progressiste en augmentant la demande dans les pays développés, cela aurait résolu le problème et l’investissement productif. Mais cette voie n’a pas été prise.

    La voie qui a été empruntée fut le néolibéralisme. Vous désengagez l’État, vous coupez les dépenses sociales, vous ne visez plus le plein emploi, mais plutôt une faible inflation. Ceci a structurellement exacerbé le un problème sous-jacent qui persiste depuis cinquante ans : la surcapacité de production et la difficulté à vendre.

    Il y avait donc différentes façons de surmonter ce problème, mais le capitalisme a gagné du temps. D’abord en créant un endettement public, puis en créant de la dette privée. Maintenant que ces deux modèles sont un peu épuisés, où aller ? Eh bien, vous exploitez la fiscalité de l’État !
     
    Bill Gates serait une solution pour répondre à la crise ?
    Absolument. Pensez à cet « Événement 201 ». Le 18 octobre 2019, la Fondation Gates, l’école de santé publique Johns Hopkins Bloomberg et le Forum économique mondial ont organisé conjointement un événement à New York : une simulation d’épidémie de coronavirus. On a invité des personnes très influentes : ministres, anciens ministres, hauts fonctionnaires, grands PDG, organisations philanthropiques et l’armée. Ces divers intervenants ont réfléchi à la solution que pouvait adopter la communauté internationale pour réagir face à une telle crise. Évidemment, vous et moi savons que chaque fois que quelqu’un utilise le terme « communauté internationale », il représente les principales nations libérales de l’Occident, et tous ceux qui sont d’accord avec elles.

    Le scénario qu’ils avaient imaginé est très révélateur… L’économie mondiale est au plus bas et ruinée, la santé des gens est menacée, la pandémie a fait soixante-cinq millions de morts dans le monde, beaucoup de choses ne vont pas ici et là, les entreprises privées doivent se redresser en collaboration avec l’État. Mais pour eux, rien ne va vraiment très mal, ils n’ont pas conscience du type de fracture qui vient de se produire. De toute façon, leur idée dans ce scénario hypothétique est que l’État doit collaborer avec les entreprises privées pour fournir des solutions. Autrement dit, ce genre de catastrophes deviendra désormais la bonne raison permettant au secteur privé de fournir à l’État les biens dont le peuple et la société ont besoin et d’en tirer des bénéfices. Parce que le problème de la demande insuffisante reste très important. La vraie question est donc comment créer de la demande. Eh bien, une façon simple de créer de la demande sera tout simplement de vendre à l’État qui ensuite taxera les gens. Vous savez que dans l’économie néoclassique, on nous dit que nos besoins sont satisfaits en exerçant notre choix, eh bien, maintenant, dans cette période de pandémie nous n’aurons plus le choix !
     
    Dès que vous parlez de Bill Gates sur Internet, ce que j’ai fait à plusieurs reprises dans mes émissions Michel Midi, eh bien, dans les dix secondes, quelqu’un lance : « Bill Gates utilise les vaccins pour éliminer une partie des pauvres ». Pensez-vous que cette théorie du complot se trompe de débat ?
    Oui. Je n’ai aucun doute que Bill Gates est probablement assez malthusien, comme, je pense, la plupart des riches. Historiquement le meilleur moyen de blâmer les pauvres pour leur misère des pauvres, a toujours été de dire qu’ils sont trop nombreux, n’est-ce pas ? Si vous voyez ne serait-ce qu’un pauvre dans un contexte de riches, il est de trop, il ne devrait même pas être présent. Cela a toujours été ainsi et je ne doute pas que Bill Gates est un malthusien tranquille, qui pense que le monde irait mieux avec seulement la moitié de sa population.

    Quoi qu’il en soit, je ne pense pas qu’il se soucie vraiment du bien-être du monde, que ce soit avec plus ou avec moins de population. Ce qui lui importe, c’est comment créer plus de possibilités de profit. Tous les écrits sur Bill Gates et son organisation, basés sur des recherches sérieuses, le confirment : Bill Gates n’est plus un homme d’affaires, il tente aujourd’hui de résoudre le problème de la demande pour les grandes entreprises. Sa Bill and Melinda Gates Foundation et d’autres semblables réunissent PDG et gouvernements, ils concluent des accords entre eux et c’est ainsi que les entreprises vont survivre.

    Marx et Engels avaient estimé que la montée du capitalisme industriel éliminerait les effets du passé féodal comme le propriétaire foncier et le prêt d’argent, ainsi ces formes d’intérêts rentiers seraient supprimés une fois pour toutes. En réalité l’intérêt rentier renaît sous une forme beaucoup plus large et puissante, l’intérêt des rentiers est maintenant devenu le grand levier sous lequel nous vivons. Il prive notre économie productive de tout son pouvoir, il l’utilise simplement, vous savez, comme un parasite installé sur son hôte. Et dans ce scénario, bien sûr, le parasite tue l’hôte.
     
    Mon ami Johan Hoebeke m’explique que chaque fois que Bill Gates donne de l’argent, il prépare en fait de futurs investissements…
    Exactement. Comme Ronald Reagan aimait à le dire : « Un déjeuner gratuit, ça n’existe pas ». Vous pensez qu’il vous donne quelque chose pour rien, mais en fait cela prépare le profit futur. Il est remarquable de voir à quel point l’ancienne règle de droit selon laquelle les transactions devraient être exemptes de conflits d’intérêts a tout à fait disparu. Aujourd’hui, ils font ces études où ils classent les pays, en particulier ceux du tiers monde, en fonction de leur corruption. Mais la seule différence entre un pays du tiers monde et un pays comme les États-Unis ou le Canada est qu’ici la corruption est ouvertement légale. Il est parfaitement légal pour Bill Gates de rencontrer Trudeau ou Trump ou Boris Johnson, et de conclure un accord avec eux. C’est de la pure corruption, mais tout le monde l’accepte. L’organisation Transparency International ne considère pas le Royaume-Uni comme un des pays les plus corrompus du monde, c’est pourtant la réalité que nous vivons.
     
    Examinons l’activité concrète de Bill Gates, il dit qu’il fait de l’humanitaire contre la faim dans le monde, il est dans la finance et dans les entreprises pharmaceutiques, les vaccins, dans la santé en général…
    Le modèle que Bill Gates voudrait imposer à tous les pays, c’est essentiellement la médecine intensive en capital : tous les dollars doivent être disponibles pour les firmes des soins de santé : que ce soit dans un système public ou privé, ça n’a pas d’importance.
     
    C’est un grand marché !
    Les dollars disponibles pour les soins de santé devraient aller à l’achat de ces médicaments très chers et à ce matériel médical sophistiqué : donc aux intérêts privés. Le but n’est pas de produire une meilleure santé, mais de créer un marché pour les produits de ces entreprises. Qu’elles construisent des hôpitaux, dirigent des hôpitaux, fournissent des hôpitaux, cela n’a pas d’importance.
     
    Cet énorme nouveau marché, c’est une grande partie du budget des États…
    Exactement. Sous couvert de l’argument du bien-être. Par exemple, nous le savons tous, les États-Unis ont un système de santé privé. Vous devez acheter les soins de santé dont vous avez besoin, mais par le biais d’une compagnie d’assurance qui fait ensuite plus d’argent sur vous, c’est son business… Les États-Unis sont ceux qui dépensent le plus de capital pour sur la santé et ils sont parmi ceux qui ont les pires résultats et des résultats très moyens pour le segment inférieur de la population. Aux USA, vous trouvez souvent des conditions de santé du tiers monde. Des pays pauvres comme Cuba et le Vietnam ont de meilleurs résultats pour la santé.

    Donc, l’accent mis sur la médecine intensive de capital, la médecine lucrative, signifie que les résultats pour la santé sont mauvais. Je veux dire qu’un système de santé publique est vraiment nécessaire. Tout au long de la période néolibérale, nous avons réduit le personnel formé et embauché de plus en plus de personnel non formé. Cela signifie que nous n’avons pas les ressources humaines vraiment nécessaires pour produire de bons soins de santé, car ce n’est pas le modèle proposé par Bill Gates.

    Prenez la pandémie actuelle, voyez la très forte différence avec les pays qui ont bien réagi : la Chine, Cuba, le Vietnam, l’État indien du Kerala, etc. Ils ont investi dans une véritable épidémiologie à grande échelle : dès que vous apprenez qu’il y a un cas, alors un important personnel formé se rend sur place, va tracer ses contacts, les isoler et aussi soutenir ces gens ! Parce que si vous vous contentez d’enfermer quelqu’un, alors il va essayer de trouver une issue. Mais si vous dites : « Regardez, nous avons besoin que vous soyez loin de votre famille, de votre travail pour un nombre x de jours, mais nous vous traiterons et nous veillerons à ce que votre famille ne souffre pas des conséquences économiques de votre absence », alors, les gens le feront volontiers, n’est-ce pas ?
     
    Vous voulez dire que la clé est une médecine sociale ?
    Exactement. Une véritable épidémiologie à grande échelle, ça commence par des équipes qui doivent se déplacer, parfois à pied, pour trouver ces personnes. Aujourd’hui, nous n’avons absolument pas la médecine à forte intensité de travail social dont nous avons besoin. À la place, nous avons cette médecine intensive capitaliste antisociale.
     
    Bill Gates affirme aussi lutter contre la faim…
    Les organismes génétiquement modifiés (OGM) et toutes ces autres cultures à forte intensité de capital dont Bill Gates et d’autres font la promotion partout dans le monde, cela mène en fait, dans des pays comme l’Inde, à des suicides d’agriculteurs. Parce que les agriculteurs sont incités à adopter ces techniques, ils en deviennent dépendants, elles sont très chères. Mais vous savez que les prix des matières premières fluctuent beaucoup et que les agriculteurs s’endettent. Et, contrairement aux gens qui nous ont fait plonger durant la crise financière de 2008, ces pauvres agriculteurs, eux, assument la responsabilité personnelle de pour leurs dettes qui très souvent causent leur suicide. Et puis, avec ces horribles produits chimiques, en les ingérant, c’est souvent ainsi qu’ils meurent. Donc, ce type d’agriculture que Bill Gates promeut n’arrête pas la faim, il va l’augmenter, car il supprime nos cultivateurs.
     
    Bill Gates est aussi intervenu dans la finance avec le « micro-crédit »…
    La finance, c’est très intéressant. Au début des années 2000, Muhammad Yunus est devenu très célèbre avec ces microprêts, ce microcrédit… Ce qu’ils ont appelé « inclusion financière » est vraiment un moyen de ramener principalement les plus pauvres des pauvres et leurs maigres revenus dans le filet de la dette. Là où les grands capitalistes peuvent profiter de ces maigres revenus pour réaliser un profit. Car, en leur accordant un petit prêt, ils font un profit. Il n’y a pas eu d’inclusion financière. Cela a permis à Bill Gates de promouvoir cette grande catastrophe de démonétisation…
     
    En novembre 2016, le Premier ministre Modi est passé à la télévision en déclarant que tous les billets, sauf les plus petites coupures, étaient « démonétisés » avec seulement quatre heures de préavis. On ne pouvait plus payer avec eux, il fallait les apporter à la banque. Cela a conduit à des jours de chaos dans un pays où la moitié de la population n’a même pas de compte bancaire et où 90 % des paiements sont effectués en espèces.
    Ce sont en fait des moyens de piéger les agriculteurs à bas revenus pour les mettre dans le filet des grandes institutions financières.
     
    La montée de ce nouveau type de capitalisme, est-ce un signe que les temps sont très difficiles pour les néolibéraux traditionnels ?
    Je pense que oui, en fait. Vous avez mentionné les théories du complot, j’ai des amis enclins à croire certaines d’entre elles, je ne doute pas que leurs raisons soient très correctes, en tout cas, ils pensent que cette réaction à la pandémie est excessive, que c’est juste une excuse pour que l’État augmente son contrôle et sa surveillance sur nous tous. Et là, je ne doute pas que les États du monde entier en profitent pour le faire. Là où mon avis diffère du leur, c’est que les forces du grand capital, les politiciens qui sont dans leurs poches et l’État feront tout pour promouvoir les résultats qui leur sont favorables. Pour promouvoir ce modèle que j’appelle le capitalisme pseudo-philanthropique ou le néolibéralisme.
     
    Y parviendront-ils ?
    C’est loin d’être garanti. Parce que les choses se sont vraiment dégradées partout. Dans cette pandémie, personne n’écrit ce scénario. Les États-Unis sont aujourd’hui devenus ingouvernables en partie à cause de la nature de la réponse à la pandémie.
     
    Pourquoi les économies néolibérales se sont-elles écroulées de cette façon en devant fermer leurs entreprises ?
    La raison est très simple : au cours des quarante dernières années, la capacité de leur système de santé publique à faire face à tout cela a été complètement mise de côté en faveur d’une médecine intensive en capital. Et aussi parce que la capacité de l’État a disparu. Lorsque la Chine a été confrontée à la pandémie, son État avait suffisamment de capacité pour mobiliser : confinement de Wuhan, confinement du Hubei, création d’infrastructures comme les hôpitaux supplémentaires. Traitement du problème de manière décisive et rapide.
     
    En Occident, nous n’avons pas cela. Et nous avons un autre problème, constaté avec l’élection de Trump et de Johnson. Madame Merkel s’en est bien sortie, mais auparavant, comme vous le savez, elle avait également perdu une partie de sa légitimité politique avec une crise gouvernementale. Mais face au virus, l’Allemagne a connu une meilleure situation, car elle a conservé une grande partie de sa capacité à faire une médecine publique… Presque toutes les autres sociétés occidentales ont dû subir cette déchéance, car elles n’avaient pas la capacité de faire autrement. Alors elles ont dû utiliser un gros marteau au lieu d’un très fin scalpel. Quoi qu’il en soit, ce scénario n’est sous le contrôle de personne, car le capitalisme néolibéral est en crise. Alors les gens diront : « Nous aurons une autre forme de capitalisme », mais je dis, non, le capitalisme néolibéral est la seule forme de capitalisme possible en ce moment. Tout le reste sera le début d’un « non-capitalisme ». Du socialisme, j’espère ! Bien que vous pourriez avoir d’autres formes…
     
    En fait, tout le monde est maintenant socialiste en Europe ! Tout le monde dit : « Vive l’État, la fonction publique, les travailleurs ! »
    Oui. Mais ces voix qui semblent très socialistes se divisent en deux. La plus grande partie se lancera dans un capitalisme pseudo-philanthropique. Donc en collaboration avec les grandes sociétés privées. En fin de compte, nous le paierons, pour des produits de valeur douteuse et les énormes profits que les capitalistes en tireront.

    Seul un très petit nombre parlera autrement. Nous devons avoir des instruments politiques populaires au pouvoir, qui réalisent ce que le capitalisme n’est plus capable de faire. Premièrement, sauver la société de la pandémie. Deuxièmement, mettre en place une société différente. Tout le monde sait que l’ancien modèle n’est plus légitime. La pandémie l’a montré, tout le monde le sait : nous ne pouvons pas revenir à ce vieux capitalisme néolibéral, car c’est l’inégalité, le racisme, le sexisme, il n’a pas généré de bons emplois du tout, il a généré des emplois de merde pour les personnes marginalisées, etc.

    Il est clair aujourd’hui que le néolibéralisme sape le système de santé. Dans ce contexte, le capitalisme doit être pseudo-philanthropique : « Nous allons résoudre tous ces problèmes, nous allons vous donner une nouvelle forme de capitalisme ». Mais en réalité, ce sera juste une nouvelle forme de néolibéralisme : une forme de capitalisme avec un équilibre politique entre les mains du capital des entreprises privées. Lesquelles vont utiliser tous les moyens possibles – principalement ceux de l’État – pour augmenter leurs bénéfices. C’est là que le capital veut nous emmener…
     
    Et pour s’y opposer ?
    La seule façon de s’y opposer réside dans les forces politiques. Elles peuvent être initialement petites, mais je pense qu’elles peuvent aussi grandir très rapidement. Des forces politiques qui comprennent qu’il ne faut pas perpétuer les anciennes conditions. Vous ne devez pas abandonner le pouvoir aux grandes sociétés. Comprenez que ces sociétés sont si grandes et si lucratives qu’elles ont conquis des secteurs de la société qui sont des monopoles naturels. Si vous fournissez de l’électricité, de l’eau, des services de santé, des transports, si vous exploitez des ressources naturelles, ce sont tous des monopoles naturels : ne doivent-ils pas être entre les mains du public ? Aujourd’hui, nous avons une capacité sans précédent à gérer toutes ces choses grâce à la sophistication des technologies de l’information et de la communication. En réalité, toutes ces grandes entreprises sont déjà des économies géantes planifiées.
     
    « Planifiées » ! Un gros mot, nous dit-on… Pensez-vous que la seule raison pour laquelle la majorité des gens ne veulent pas passer du capitalisme à une autre société, c’est parce que les capitalistes ont réussi à les convaincre qu’il n’y a pas d’alternative ?
    Oui. Eh bien, aujourd’hui, je ne suis plus sûr que les gens croient qu’il n’y a pas d’alternative. Au Canada par exemple, un sondage récent montre que la population penche de plus en plus vers des choses ouvertement socialistes. Y compris la propriété publique des monopoles.
     
    La Fondation Bill Gates n’est pas la première dans l’histoire du capitalisme US. Celles de Rockefeller, Ford et Carnegie ont déjà joué un rôle important dans le capitalisme ?
    Absolument. Le théoricien marxiste italien Gramsci a décrit à quel point le constructeur Henry Ford avait essayé de contrôler la vie de ses travailleurs jusqu’à leurs types de divertissements. Les capitalistes ont toujours été intéressés à façonner la société. Oui, ces fondations ont toujours joué un très grand rôle dans tous les pays. Mais aux États-Unis, c’est une très forte tradition. Dans ce soi-disant modèle philanthropique, la philanthropie devient simplement un moyen pour les entreprises capitalistes de modeler les sociétés comme ils le souhaitent. Oui, c’est une longue tradition, contrôlée aujourd’hui par des sociétés plus grandes que jamais. Leur pouvoir sur les gens est encore plus important. Les sociétés sont devenues si puissantes qu’elles dominent les gouvernements.
     
    La Fondation Bill Gates a quelque chose de plus. C’est encore un pas supplémentaire par rapport aux fondations précédentes et son rôle est beaucoup plus large.
    Oui. Son rôle est beaucoup plus important à cause de la faiblesse du capitalisme. Il ne survivra que si la Fondation Bill Gates et d’autres semblables réussissent à créer une sorte de capitalisme philanthropique. Bill Gates est plus important que les fondations des Rockefeller et des Ford. À leur époque, le capitalisme en était encore à une phase relativement expansive, il était encore productivement dynamique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
     
    Les médias européens défendent très fortement Bill Gates, tout comme George Soros. Ils mettent en avant la fameuse théorie du complot « Bill Gates veut éliminer une partie de l’humanité ». Mais ainsi ils cachent le rôle essentiel de Bill Gates, pas du tout philanthrope. Pourquoi ce silence ?
    Quelque chose de très décisif s’est produit au cours des cent cinquante dernières années pour les classes intellectuelles et professionnelles dont les médias sont un élément très important. Ces classes ont perdu leur sens moral, leur sens politique. Il fut un temps où être intellectuel c’était être de gauche ; aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. Tous les partis ont été repris par les classes moyennes professionnelles. Cependant, celles-ci ont déplacé les partis de droite vers la droite, mais elles n’ont pas déplacé les partis de gauche vers la gauche, mais bien également vers la droite. Les phénomènes Blair, Schröder, Bill Clinton, etc. Leurs actions suivent fondamentalement leurs intérêts économiques. Ces classes moyennes professionnelles de droite et de gauche forment maintenant un seul establishment et c’est pourquoi ce mécontentement contre tant de décennies de néolibéralisme a – jusqu’à présent en tout cas – été capitalisé par des forces différentes. Trump et Johnson sont venus d’ailleurs.

    La classe moyenne a perdu son sens critique. C’est pourquoi tous ces médias stéréotypés et mous utilisent l’expression « théorie du complot » et la lancent à quiconque pose simplement des questions. Où est passé notre droit de poser des questions ?
     
    Pour conclure, que suggérez-vous aux progressistes pour lutter contre les illusions sur Bill Gates ?
    => Le plus important est d’être en contact avec les gens ordinaires. Marx et Engels et d’autres intellectuels de la Deuxième Internationale ne se sont pas contentés de faire des déclarations incendiaires sur la classe ouvrière, non, ils ont travaillé avec la classe ouvrière. Je pense que nous devons nous reconnecter avec le mouvement des travailleurs. Y compris les plus marginalisés, car les syndicats dans la plupart des pays sont aussi devenus des organisations relativement élitistes. Nous devons donc aller au-devant des citoyens ordinaires et soutenir intellectuellement leurs mouvements. Je pense que c’est l’élément clé.

    Quand Marx et Engels écrivaient, il n’y avait en fait pas de partis au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Quand ils utilisaient le mot « parti », ils se référaient aux courants intellectuels. En tout cas, pour notre courant intellectuel, nous devons nous démarquer clairement de ces discours qui préparent le terrain au capitalisme pseudo-philanthropique. La clé, c’est de briser le fonctionnement de ces sociétés en « autorégulation » ; nous devons les remettre sous réglementation. Et surtout reparler de choses comme la propriété publique. Reparler du contrôle des capitaux, reparler de l’appropriation par l’État de tout le système financier. L’argent est une fonction d’État, il n’y a absolument pas besoin d’avoir un secteur financier privé. Ou alors il doit être si fortement réglementé qu’il devra se comporter comme un instrument public.

    Permettez-moi d’exposer une autre idée sur laquelle je vais probablement écrire. La gauche a également eu son propre néolibéralisme. Avec deux facteurs très importants.
    1. Un scepticisme total sur la planification et le contrôle de l’État.
    2. Un scepticisme complet sur les partis. Au lieu de planifier, on répand aujourd’hui l’idée que nous allons créer une sorte d’économie décentralisée de coopératives et de petits travailleurs collectifs sans planification globale. C’est justement ce que Marx critiquait dans le travail de Proudhon. Nous devons rejeter ce proudhonisme et l’idée qu’une économie moderne pourrait se passer de planification. Non, la planification est toujours nécessaire. Oui, vous pouvez la rendre démocratique, vous pouvez la décentraliser, vous pouvez faire toutes ces choses merveilleuses, mais il doit y avoir une sorte de planification globale !

    La deuxième illusion est que nous n’aurions pas besoin de partis. Non, nous devons avoir des partis. Encore une fois, ils peuvent être plus démocratiques, ils peuvent être responsables devant la base, etc. Mais sans une force politique capable de contrer tout ce dont dispose la classe capitaliste avec l’État, sans un instrument pour rompre ce lien et réorganiser massivement l’État en quelque chose de complètement différent, en serviteur du peuple, nous n’irons pas très loin.

    Voilà ce que nous devons garder à l’esprit pour sortir de ce terrible gâchis.

    Michel Collon & Radhika Desai . Professeure de politique à l’université de Manitoba au Canada. Auteure de Geopolitical Economy : After US Hegemony et de Globalization and Empire.
    Extrait du tome 2 de Planète malade de Michel Collon. Le tome 1 analyse d’autres aspects de Bill Gates.

    #bill_gates #Radhika_Desaï #capitalisme #néolibéraux #humanitaire #ONG #cupidité #libre_concurrence #exploitation #Etats #Profits #services_publics #médicaments #bien-être #État-providence #Crise #endettement_public #dette #dette_privée #Événement_201 #fondation_gates #Forum_économique_mondial
    #malthusianisme #pauvreté #pauvres #conflits_d’intérêts #corruption #santé #médecine #faim #ogm #micro-crédit #pandémie #médecine_publique #inégalité, #racisme #sexisme #théorie_du_complot #complotisme #autorégulation #réglementation #propriété_publique #argent #Proudhon

    Source : https://www.investigaction.net/fr/bill-gates-un-capitalisme-philanthropique-entretien-avec-radhika-des

  • T’es fatigué ? Prends donc un interne ! – LEXTERNE
    https://lexterne.wordpress.com/2021/05/17/tes-fatigue-prends-donc-un-interne

    Pour porter la lourde tâche de laisser votre cabinet à un interne deux jours par semaine, vous recevez une rémunération de 600 euros par mois. Lorsque l’interne est en stage au cabinet libéral, il est rémunéré par le CHU qui se fait ensuite rembourser par les ARS. Lorsque que l’interne de SASPAS remplace purement et simplement le médecin libéral (ce qui est généralement le cas), nous avons donc, en pratique, un médecin payé par la collectivité (l’interne) pour remplacer un médecin libéral deux jours par semaines, qui, lui, récupère l’argent de ses consultations sans les faire et même un petit bonus de 600 euros.

    • Après en avoir discuté avec un maître de stage universitaire voici quelques éléments contradictoires.

      Il s’agit d’un article très caricatural qui ne représente pas la majorité des maîtres de stage.

      La #Médecine_Générale ne s’apprend pas à l’hôpital mais au contact des patients dans les cabinets médicaux de ville ou de campagne sous la tutelle de maîtres de stage qui supervisent leurs internes.

      Le règlement interdit au #maître_de_stage de se faire remplacer par son interne. La situation décrite est caricaturale car dans la grande majorité des cas les maîtres de stage ont bien un rôle pédagogique et espèrent bien transmettre leur expérience aux #internes.
      Toutes les consultations faites par l’interne dans la journée sont débriefées et leurs actions éventuellement corrigées si nécessaires par le maître de stage.

      Il existe certainement des situations critiquables qui sont bien connues des associations d’internes qui en fin de stage émettent des notes favorables ou défavorables, ce qui permet aux nouveaux internes de bien choisir leurs stages et d’éviter les stages problématiques.

      On peut bien sûr rêver d’un système de santé public qui serait étayé par un réseau de dispensaires de Médecine générale pris en charge par l’état ou les ARS.

      De nombreux médecins seraient certainement volontaires pour travailler 35h/semaine en ayant leurs congés payés et leurs retraites financées au lieu d’être les médecins de premier recours les moins bien rémunérés à l’acte d’Europe, tout en travaillant 50 à 60 heures / semaine sans compter les gardes de nuit et de Week-end pour assurer la permanence des soins.

      Quant à la rémunération de 600 euros elle est normalement partagée par les trois ou quatre maîtres de stage qui reçoivent l’interne dans leur cabinet ou la maison de santé.
      #SASPAS

  • Le futur CHU de Saint-Ouen interroge la politique de santé de demain


    Vue du futur CHU Saint‐Ouen Grand Paris‐Nord, à Saint‐Ouen (Seine-Saint-Denis), dessiné par Renzo Piano Building Workshop et Brunet Saunier Architecture. RPBW, RENDERING BY ARTEFACTORYLAB

    L’histoire de ce projet immobilier au nord de Paris, fruit de la fusion des centres Bichat et Beaujon d’ici à 2028, raconte la politique de rationalisation des soins à l’œuvre dans l’hôpital public, sur tout le territoire, depuis plus de vingt ans.

    Sur les présentations officielles, il est l’hôpital de tous les superlatifs et de toutes les promesses. Celui du XXIe siècle. « Le premier campus médical et dentaire d’Europe en taille », « un équipement ambitieux et innovant », qui sera construit pour les cinquante années à venir, saura faire face aux prochaines crises, s’adapter à la médecine de demain, puisqu’il sera, évidemment, « agile » et « flexible ».
    Le futur centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Ouen Grand Paris Nord, fruit de la fusion des actuels CHU Bichat et Beaujon, attendu d’ici à 2028 au nord de la capitale, réussirait même le pari à 1,3 milliard d’euros de rééquilibrer l’offre de soins particulièrement inégalitaire en Ile-de-France. Et la prouesse de sortir la Seine-Saint-Denis de son statut de désert médical.

    « Du beau », « de l’excellence », pour Saint-Ouen et la banlieue, applaudit Karim Bouamrane, le maire socialiste de la ville hôte, dopé au cinéma américain et à la « méritocratie républicaine ». Il était membre du jury du concours qui, le 3 mars, a désigné lauréat, pour l’hôpital, le groupement emmené par Renzo Piano, Prix Pritzker, l’équivalent du Nobel en architecture. Qui dit CHU, dit aussi université. Les 12 500 étudiants annoncés, les laboratoires de recherche « joueront forcément sur l’attractivité du territoire », complète Stéphane Troussel, le président du département.

    Rassembler les deux sites « revient à fermer Beaujon »

    L’accueil est beaucoup plus réservé de l’autre côté du boulevard périphérique, dans les tours de Bichat, ou, plus à l’ouest, à Clichy-la-Garenne, dans les Hauts-de-Seine, où soignants et médecins, usés par la pandémie et inquiets de ses répercussions, voient dans ce projet immobilier le prolongement de la politique de réduction des coûts à laquelle ils sont soumis et dont souffre l’hôpital public depuis des années.

    Bien sûr, les débats se sont d’abord focalisés sur les fermetures de lits. Les premiers documents présentés par l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), qui pilote là sa plus grosse opération depuis l’ouverture de l’hôpital européen Georges-Pompidou il y a vingt ans, mentionnaient 389 lits de médecine, de chirurgie, et d’obstétrique en moins, sur les 1 049 d’aujourd’hui. Rassembler deux sites en un « revient donc à fermer Beaujon », résume Olivier Milleron, cardiologue à Bichat, qui milite au sein du collectif interhôpitaux. La crise due au Covid-19 est passée par là. L’AP-HP a obtenu de Matignon l’ajout de quelque 90 lits et une autorisation d’emprunt supplémentaire de 70 millions d’euros.

    Mais les réserves dépassent le seul sujet dit du « capacitaire ». C’est la philosophie même du projet qui est dénoncée. De savantes formules mathématiques rédigées avec des sigma et des « racines de GHM », annexées au projet médical d’établissement, annoncent les objectifs : une performance accrue, des durées de séjour toujours plus courtes, des taux d’occupation de services si élevés qu’il sera impossible « d’accueillir les patients non programmés », c’est-à-dire les urgences s’inquiètent les médecins.

    La situation particulièrement défavorisée du territoire exacerbe les débats. Le CHU Grand Paris Nord sera un centre de référence dans bien des spécialités mais il doit aussi remplir sa mission de proximité. Or, ici vivent des populations fragiles, celles-là même qui paient le plus lourd tribut à la pandémie. Lorsqu’elles frappent à la porte, leur prise en charge est souvent beaucoup plus lourde.

    Les équations de la « note méthodologique » de sept pages prennent encore plus de relief quand on en connaît l’origine. Selon les informations du Monde, ce document a été élaboré par le cabinet privé Ylios, spécialiste en « stratégie et organisation », aidé de la société de conseil Capgemini. Or, ce sont « les mêmes éléments », « la même grammaire », « qui étaient appliqués sur tous les projets », confie, sous couvert d’anonymat, un de ces consultants qui a travaillé, au cours de la dernière décennie, à la « modernisation », de nombreux CHU et hôpitaux en France.

    Les négociations nourries qui ont lieu actuellement entre la direction de l’AP-HP, les soignants, les élus et l’Etat racontent de fait une histoire beaucoup plus large. A Nantes, Tours, Caen, Nancy, Reims, pour ne citer que ces villes, les crispations sont les mêmes. Partout, des hôpitaux flambant neufs doivent sortir de terre d’ici à dix ans. Partout, le ton monte contre des projets trop étriqués. Philippe El Saïr, le nouveau directeur du CHU de Nantes, l’a même reconnu, en conférence de presse, en septembre 2020, après s’être plongé dans le dossier du déménagement des hôpitaux de la ville sur l’île de Nantes. « On est dans l’une des métropoles françaises qui enregistre la plus forte croissance de population, il y aurait un paradoxe à baisser le nombre de lits. » Partout, les élus se mobilisent.

    Certes, de nombreuses interventions se prêtent désormais à une prise en charge en « ambulatoire », c’est-à-dire sans nuit à l’hôpital. Mais tous ces projets qui dessinent la médecine de demain sont les héritiers de vingt ans de politique de rationalisation des coûts, avec pour acmé ces années dites du Copermo (le comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins), au cours desquelles les directions d’établissement ont fait appel à des cabinets de conseil pour répondre aux contraintes budgétaires qui leur étaient imposées. « Certains curseurs ont été poussés très loin, reconnaît aujourd’hui un consultant. Mais nous étions la main des tutelles dont les seuils étaient très volontaristes. »

    Lorsque le président de la République François Hollande annonce en juillet 2013 un futur « hôpital nord du Grand Paris », et demande à l’AP-HP de lancer le chantier au plus vite, le Copermo n’a pas un mois d’existence. Le principe est simple. Pour tout investissement supérieur à 50 millions d’euros, l’aval de Bercy et du ministère de la santé est requis. Les dossiers sont lourds à renseigner. En 2015, Ylios et Capgemini décrochent la mission de l’AP-HP. Il s’agit d’aider le siège à définir la stratégie médicale du Nord parisien : dimensionner le nouveau Lariboisière et le remplaçant de Bichat et Beaujon. Les architectures verticales de ces deux derniers établissements n’étant pas adaptées à l’ère du flexible et du modulable.

    Ce sont les deux mêmes cabinets, Ylios et Capgemini, qui, en 2016, interviennent à Tours pour « le nouvel hôpital Trousseau ». Des séminaires et des ateliers sont organisés. Cadres et médecins y sont conviés. A l’issue, la même recette de l’hôpital à moindre coût est présentée : réduction des lits (donc de personnel), développement de l’ambulatoire, report sur la médecine de ville. « Dans ce contexte, les professionnels du CHRU devront changer leurs pratiques et innover pour répondre aux nouveaux enjeux liés à la performance », prévient Capgemini Consulting dans ses documents. Mais « le projet immobilier est le catalyseur qui permettra de mettre en œuvre de nouvelles organisations ». « L’argument de l’hôpital neuf joue beaucoup pour gagner l’assentiment d’une communauté médicale », reconnaît un consultant.

    Du numérique à tous les étages

    Dans un essai de 45 pages, L’Hôpital, une nouvelle industrie (Gallimard, 2020), Stéphane Velut, chef du service de neurochirurgie à Tours, décode le langage et la méthode de ceux qui sont venus lui annoncer que « tout en restant dans une démarche d’excellence, il fallait désormais transformer l’hôpital de stock en hôpital de flux ». « Le système de flux marche bien quand tout se passe bien, détaille-t-il au Monde. Mais c’est oublier qu’un malade peut faire une complication postopératoire et occuper un lit trois semaines au lieu de cinq jours. »

    A Tours, Paris, partout ailleurs, on vend du numérique à tous les étages, un hôtel hospitalier pour les patients qui ne nécessitent pas de surveillance. Et des unités de 28 à 32 lits qui répondent au nouveau standard : une infirmière pour 14 malades (hors soins critiques), quand elles s’occupaient de 9 ou 10 patients dans les années 1990. Il y a aussi « ces principes de porosité entre les services », ajoute un autre consultant. « L’idée est, que, au sein d’une même unité, la cardiologie puisse, par exemple, s’étendre sur la pneumologie. N’allez pas dire que je suis pour la polyvalence, mais on parle de lits. Les médecins peuvent tout de même se déplacer s’ils ont des malades d’un côté ou de l’autre. » A Tours, Capgemini décroche la mission post-Copermo pour apprendre à tous à faire mieux avec moins. Une formation au Lean Management, cette méthode tout droit venue de l’industrie, est proposée à des cadres et soignants référents.

    La vague du Covid-19, qui aura eu le mérite de mettre la santé publique à l’agenda politique, est venue se déverser sur tout cela. « Il y a eu une prise de conscience que ces règles étaient trop économiques, trop gestionnaires, et que la logique sanitaire n’était pas prise à sa bonne mesure », observe le médecin et sénateur (apparenté PS) Bernard Jomier. Le Ségur de la santé dissout le Copermo. « C’en est terminé du dogme de la réduction de lits », jure le ministre de la santé Olivier Véran. « La méthode Ségur, c’est le retour à un regard médical, de terrain », précisent ses équipes, même si les projets doivent « évidemment viser une organisation fonctionnelle et soutenable dans le temps ». Les dossiers sur les rails sont réétudiés. A titre d’exemples, Nantes obtient 110 millions d’euros d’aides supplémentaires. Nancy, 110 millions et 150 lits. Tours, 90 millions et 84 lits. L’AP-HP, 90 lits et une nouvelle capacité d’emprunt.

    A Paris, la question d’un moratoire s’est toutefois posée lorsque le programme a été passé au filtre de la crise, après le premier confinement. « Mais sur un projet d’aussi longue haleine, nous avons fait le choix de ne pas relancer le processus pour ne pas retarder l’ouverture », justifie #Martin_Hirsch, au Monde. Les lits supplémentaires détendent « de facto les indicateurs de performance du Copermo », explique Jean-Baptiste Hagenmüller, chargé du projet à l’AP-HP. La méthodologie est ajustée. « Ce desserrement de la contrainte doit permettre d’assouplir les objectifs de la baisse de la durée moyenne de séjour », et tenir davantage compte « des patients précaires, isolés ou âgés ». Un effort sera toujours demandé, mais il ne sera plus le même pour tous.

    Coordination avec la médecine de ville

    Depuis la fin du concours d’architecture début mars, des réunions se tiennent chaque mercredi avec les agences Renzo Piano et Brunet Saunier. Le programme doit être finalisé d’ici à l’été, le contrat signé en septembre. En parallèle, l’Assistance-publique réfléchit à la manière d’accueillir, sur le site pavillonnaire de Claude-Bernard, au pied de Bichat, des lits de soins de suite, de la gériatrie, et peut-être même de la psychiatrie. « Nous travaillons à toutes les options complémentaires au bâtiment principal », insiste Martin Hirsch, dont « un projet complémentaire sur une parcelle adjacente ».

    Est-il aussi envisagé de revoir les ratios de personnel ? « J’ai moi-même proposé qu’on rouvre le sujet. Cela peut être justifié si les séjours sont plus courts. Ce qu’on appelle la densité en soins serait alors plus proche de celle de certains hôpitaux européens. » Pas question pour autant de faire le deuil de la performance.

    La difficulté, aussi, c’est que ces projets reposent sur plusieurs jambes. La cure d’amaigrissement imposée à l’hôpital passe par le développement de l’ambulatoire et une meilleure coordination avec la médecine de ville, dit la théorie. Afficher une telle ambition sur le territoire de Plaine Commune est un sacré pari. Dans la Seine-Saint-Denis, la densité médicale par habitant est parmi les plus faibles de France. « Dans cinq ans, sur les 17 généralistes que compte Saint-Ouen, une quinzaine auront dévissé leur plaque. Il restait un dermatologue et un rhumatologue, le rhumatologue vient de partir à la retraite », détaille le docteur Mohad Djouab, qui porte plusieurs casquettes dont celle de responsable des centres municipaux de santé de la commune.

    « C’est-à-dire que, si on fait atterrir l’hôpital comme ça, ça ne marchera pas, ce sera un échec », admet Bernard Jomier, qui connaît le dossier pour l’avoir suivi comme adjoint à la santé de la maire de Paris, entre 2014 et 2017. Il va falloir « faire en sorte de trouver des formules qu’on n’a pas trouvées jusqu’à présent », a concédé Martin Hirsch, début mars, lors du conseil municipal extraordinaire que la municipalité de Saint-Ouen consacrait au sujet.

    Au moins le patron des Hôpitaux de Paris peut-il compter sur la bonne disposition des élus locaux. S’ils se disent « vigilants », « exigeants » dans les courriers qu’ils lui adressent, tous ont pris le parti de saisir l’occasion d’améliorer l’offre de soins du territoire. « On partage les craintes sur le capacitaire, mais mettons plutôt la pression sur l’AP-HP pour qu’elle prenne des engagements sur les temps partagés ville-hôpital, et réveillons-nous sur une approche globale, insiste Katy Bontinck, vice-présidente de Plaine Commune. Il y a sept ans pour créer des conditions favorables à l’installation des professionnels de santé. »

    Le docteur Mohad Djouab mise tout sur la nouvelle génération de praticiens, plus enclins, selon lui, à être salariés de centres ou de maisons de santé, sur lesquels la ville a un levier. « Ce changement, on l’observe aussi chez les jeunes hospitaliers qui veulent avoir un pied aux urgences et un temps de respiration ailleurs. »

    Les postes d’assistants partagés ville-hôpital « sont une bonne façon de fonctionner », confirme Philippe Gabriel Steg, patron de la cardiologie à Bichat, et dont l’un des médecins exerce déjà ainsi. « Il rapporte des malades au service, et le centre de santé a un lien avec l’hôpital. » L’agence régionale de santé a aussi un vrai rôle à jouer. Tous parlent « projet territorial de santé », « synergies à inventer ». Des « groupes de travail » doivent voir le jour. Leur mission d’ici à 2028 est immense.
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/11/le-futur-chu-de-saint-ouen-interroge-la-politique-de-sante-de-demain_6079862

    #santé_publique #désert_médical #médecine_de_ville #hôpital #lean_management #ambulatoire #restructuration #93

  • Pour une médecine féministe, avec #GYN&CO

    « On se lève et on se casse. » Pour sa saison 2, Genre aux poings se consacre aux féminismes de 2021 et à leur bouillonnement. Quelles stratégies coexistent contre la domination patriarcale ? Quelle force et quels moyens sont mobilisés pour se battre ? Cette semaine, Mélanie et Charline du collectif Gyn&Co nous parlent de leur travail et de la définition d’une médecine féministe.

    Épisode 9 : Pour une médecine féministe, avec Gyn&Co

    C’est quoi une médecine féministe ? Qu’est-ce qu’un‧e soignant‧e safe ? Charline et Mélanie, toutes deux membres du collectif Gyn&Co, créé en 2013, mettent en avant un principe d’écoute des besoins et des douleurs des patient‧es. « C’est être à l’écoute de ce que la ou le patient‧e exprime, son vécu, son besoin et qu’aucun acte ne lui soit imposé. C’est se départir de ses préjugés racistes, sexistes, transphobes, et être conscient‧e de ces oppressions dans le milieu médical. »

    Les discriminations liées au sexe et au genre s’immiscent aussi dans les cabinets médicaux et les services des hôpitaux. Depuis une dizaine d’années, les témoignages s’accumulent de patient‧es qui dénoncent les violences sexistes et sexuelles subies lors de consultations. Souvent, les champs de la gynécologie et de l’obstétrique concentrent beaucoup de témoignages. Le 19 novembre 2014, le hashtag #PayeTonUtérus fait émerger plus de 7000 témoignages de femmes en moins d’une journée.
    Renverser une médecine oppressive

    Au-delà de recevoir ces témoignages de #violences et de #discriminations, Gyn&Co se veut une initiative permettant de renverser plus profondément la pratique de cette médecine longtemps exercée par des hommes et pour des hommes. « On s’inscrit dans une tradition féministe du ‘#self-help’. Les mouvements des années 70 ont offert la #réappropriation_des_savoirs et des pouvoirs sur nos #corps. L’institution médicale a eu pour objet de nous déposséder de ces #savoirs », précise Charline.

    https://radioparleur.net/2021/05/01/medecine-feministe-avec-gynco
    #féminisme #médecine_féministe #gynécologie #femmes #audio #podcast

  • Numéro 387 : Disparu en #Méditerranée

    En 2015, près de mille migrants disparaissent dans un naufrage en Méditerranée. Depuis, une équipe de chercheurs tente de retrouver leur identité. Un documentaire pudique et fort aux confins de l’indicible.

    C’est la tragédie la plus meurtrière en Méditerranée depuis la Seconde Guerre mondiale. Le 18 avril 2015, un bateau fantôme convoyant entre 800 et 1100 migrants coule au large des côtes libyennes. Très peu d’entre eux survivent. Qui étaient les disparus, d’où venaient-ils ? Comment leur redonner une identité et honorer leur mémoire ? Très vite, le gouvernement italien de Matteo Renzi prend la décision inédite de renflouer l’épave pour identifier les victimes. À Milan, l’anthropologue légiste Cristina Cattaneo travaille sur les 528 corps retrouvés et mène la plus vaste opération d’identification jamais entreprise en Méditerranée. En Afrique, José Pablo Baraybar, pour le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), rencontre les familles des disparus pour obtenir le plus d’informations ante mortem possibles, et recueillir leur ADN qui permettra à Cristina Cattaneo de croiser les résultats. En Sicile, la chercheuse Georgia Mirto arpente les cimetières à la recherche des tombes des disparus...

    https://www.youtube.com/watch?v=c9Qy5dIZJuI

    #mourir_en_mer #identification #morts #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #migrations #asile #réfugiés #naufrage #identification #épave #Cristina_Cattaneo #restes #médecine_légale #justice #droits_humains #Giorgia_Mirto #cimetières #cimetière #Sicile #Italie #pacte_migratoire #pacte_de_Marrakech #cadavres #traçabilité #enterrement #coopération_internationale #celleux_qui_restent #celles_qui_restent #ceux_qui_restent #dignité #survivants #mer_Méditerranée #vidéo

    –-

    Ils utilisent hélas les statistiques des morts de l’OIM au lieu d’utiliser celles de United :

    « L’OIM rapporte que la route de l’immigration la plus meurtrière au monde est la route de la Méditerranée centrale (...) L’agence explique que malgré la baisse du nombre de morts, la proportion de décès, rapportée aux tentatives de traversée, a augmenté en 2019 par rapport aux années précédentes. Signe peut-être que les embarcations qui partent sont plus précaires et que les personnes et les passeurs prennent plus de risques. » Ils donnent ensuite le chiffre d’un 1/100, ratio morts/départs.
    –-> embarcations plus précaires et plus de prise de risque ne sont pas une fatalité mais une conséquence des politiques migratoires restrictives et meurtrières de l’UE et ses Etats membres.

  • #Covid-19 : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/28/covid-19-en-imposant-aux-soignants-de-decider-quel-patient-doit-vivre-le-gou

    La saturation des services de réanimation pourrait très prochainement obliger les soignants à faire un « tri » entre les malades. Dans une tribune au « Monde », un collectif de neuf médecins de l’AP-HP demande à l’exécutif « d’assumer devant la société tout entière sa stratégie » face à la troisième vague.

    Tribune. Alors qu’une troisième vague épidémique de Covid-19 frappe la France, plusieurs régions sont très fortement affectées par un afflux massif de patients vers les hôpitaux. Ces patients sont plus jeunes et présentent des formes plus sévères de la maladie que lors des deux vagues précédentes, peut-être en raison de la virulence des nouveaux variants. Pour ces raisons, les services de réanimation sont fortement sollicités et à nouveau au bord de la saturation. Jeudi 25 mars, en Ile-de-France, les lits de réanimation disponibles s’arrachaient en quelques minutes.

    On espère que, dans quelques mois, la proportion croissante de personnes vaccinées ou ayant été contaminées contribuera à terme à freiner l’épidémie. En attendant, en l’absence d’un freinage brutal créé par un véritable confinement accompagné d’une prise de conscience collective, les professionnels de santé sont confrontés à un problème majeur : comment prévenir la complète saturation des services de réanimation dans les jours ou semaines qui viennent ? Trois options s’offrent à nous.

    Transfert de patients, déprogrammation d’opérations

    La première consiste à transférer des patients en réanimation des régions en tension vers des régions moins touchées. Efficace ponctuellement lors de la première vague, cette solution n’a pu être mise en œuvre que très marginalement lors de cette troisième vague, notamment parce que les patients sont atteints de façon plus sévère et sont donc intransportables. De plus, leurs proches sont devenus extrêmement réticents à ces transferts, considérant qu’ils n’ont pas à faire les frais d’une politique sanitaire qu’ils jugent défaillante. Cela n’a pas empêché le gouvernement de médiatiser à outrance ces transferts. On a ainsi vu des communicants s’agiter sur des tarmacs d’aéroport plutôt que s’attaquer au vrai problème : le devenir de nos malades.

    La deuxième option consiste à ouvrir de nouveaux lits de réanimation, dits « éphémères ». Si les équipements existent, il faut, en revanche, aller chercher le personnel soignant dans d’autres services de l’hôpital, notamment en fermant les blocs opératoires, et donc en déprogrammant des opérations. Cela n’est pas sans conséquence : pour chaque patient Covid soigné durant une quinzaine de jours dans un de ces lits « éphémères », on estime qu’environ 150 patients ne seront pas opérés. Si certaines interventions peuvent attendre, d’autres le peuvent moins, notamment la chirurgie du cœur ou celle des cancers.

    En 2020, du fait de la déprogrammation, environ un tiers des cancers digestifs n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui constitue, pour les patients concernés, une véritable perte de chance. Ceci est d’autant plus vrai que les déprogrammations d’aujourd’hui s’ajoutent à celles d’hier. Lorsqu’il est demandé aux hôpitaux de déprogrammer 40 % et jusqu’à 70 % des interventions chirurgicales, le gouvernement entérine une stratégie de priorisation qui ne dit pas son nom et qui consiste à privilégier les malades du Covid-19 au détriment des autres.

    Agir à l’opposé des règles éthiques

    La troisième option, conséquence de la stratégie de réponse sanitaire actuelle, consiste, en raison d’un nombre trop limité de places, à restreindre l’accès à la réanimation à des patients qui auraient pu en bénéficier. Ceci est très éloigné des règles élémentaires de l’éthique, qui préconisent que l’admission en réanimation soit évaluée au cas par cas, dans le seul intérêt du patient. Au contraire, la situation actuelle tend vers une priorisation, autrement appelée « tri », qui consiste, lorsqu’il ne reste qu’un seul lit de réanimation disponible mais que deux patients peuvent en bénéficier, à décider lequel sera admis (et survivra peut-être) et lequel ne sera pas admis (et mourra assez probablement). C’est bien vers cela que nous nous dirigeons.

    Les réanimations d’Ile-de-France sont saturées et il ne sera bientôt plus possible de créer de nouveaux lits dans ces services. Il faudra donc procéder à de tels choix. Pour cela, les soignants se tourneront vers les réflexions et recommandations de sociétés savantes et de comités d’éthique, lesquels suggèrent à demi-mot de privilégier, entre deux patients, celui auquel la réanimation fera gagner le plus d’années de vie en bonne santé. On voit bien à quel point cette estimation est subjective, nécessairement imprécise, et donc potentiellement source d’erreurs, de frustration et d’incompréhension pour les patients et leurs familles.

    Les soignants feront du mieux qu’ils peuvent mais se tromperont parfois, tant l’exercice est complexe. Enfin, parce qu’ils seront contraints d’agir de façon contraire aux règles élémentaires de l’éthique, ils n’en sortiront certainement pas indemnes. Il y a fort à parier que beaucoup en garderont à tout jamais des séquelles psychiques. A terme, il est bien probable que nombre d’entre eux se détourneront de leur métier de soignant, ce qui dégradera un peu plus la santé de nos hôpitaux.

    En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre et quel patient doit mourir, sans l’afficher clairement, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite. Il y a un an, Emmanuel Macron disait : « Nous sommes en guerre. » Chacun sait qu’il n’y a pas de guerre propre et que les dégâts collatéraux de cette crise dépassent la dimension sanitaire, puisque son impact est aussi économique, sociétal, psychologique et philosophique. Ce n’est pas tant la stratégie de réponse sanitaire qui est en cause. Ce qui est en cause, c’est l’absence de transparence sur ses conséquences. Le gouvernement a choisi une stratégie et il doit en assumer les arbitrages devant la société tout entière. En la matière, il se doit de prendre la responsabilité des conséquences de sa stratégie.

    Vis-à-vis de ses citoyens, tout gouvernement se revendiquant démocratique a un devoir de loyauté. Il est temps que l’exécutif assume clairement et publiquement les conséquences sanitaires de ses décisions politiques.

    Alexandre Demoule, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris ; Martin Dres, maître de conférences de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Francis Bonnet, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Saint-Antoine, Paris ; Alain Combes, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Jean-Michel Constantin, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Muriel Fartoukh, professeure de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Tenon, Paris ; Bertrand Guidet, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital Saint-Antoine ; Charles-Edouard Luyt, professeur de médecine intensive – réanimation, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière ; Louis Puybasset, professeur d’anesthésie – réanimation, médecine péri-opératoire, AP-HP Sorbonne Université, hôpital La Pitié-Salpêtrière.

    • Covid-19 en France : les directeurs de crise de l’AP-HP prévoient d’être dépassés « dans les quinze prochains jours »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/28/covid-19-en-france-les-directeurs-de-crise-de-l-ap-hp-previennent-qu-ils-von

      Dans une tribune publiée dans « Le Journal du dimanche », une quarantaine de responsables disent se préparer à devoir « faire un tri des patients » pour faire face à la troisième vague qui submerge la région parisienne.

      #médecine_de_catastrophe #tri #déprogrammation

    • En 2020, du fait de la déprogrammation, environ un tiers des cancers digestifs n’ont pas été diagnostiqués à temps, ce qui constitue, pour les patients concernés, une véritable perte de chance. Ceci est d’autant plus vrai que les déprogrammations d’aujourd’hui s’ajoutent à celles d’hier. Lorsqu’il est demandé aux hôpitaux de déprogrammer 40 % et jusqu’à 70 % des interventions chirurgicales, le gouvernement entérine une stratégie de priorisation qui ne dit pas son nom et qui consiste à privilégier les malades du Covid-19 au détriment des autres.

      J’ai l’impression que personne ne suit les chiffres des morts par déprogrammation. Si coviiiiiiid tracker donnait aussi une estimation quotidienne des morts par effet domino, ptet que les communiquants au pouvoir auraient un peu plus de mal à utiliser le bouton « déprogrammer » non ?

    • C. sur Paris, à qui on a découvert une tumeur au cerveau il y a un mois, il devait être opéré d’urgence le 23 mars, opération finalement repoussée au 8 avril parce que même les lits de neurochirurgie ont été réquisitionnés pour les malades du covid. Il flippe chez lui en attendant.

      Et le tri est déjà en route depuis quelques semaines même dans des régions moins touchées.
      La mère d’un pote atteinte de covid, Narbonne, deux fois aux urgences, refus de prise en charge, renvoyée chez elle avec de l’aspirine. 82 ans.

      Je témoigne ici comme je suppose que nous connaissons maintenant tous et toutes un décès autour de nous ou le report de soins d’urgence. Donc, on ne peut plus nous la faire.
      #empire_du_pire

  • A Argenteuil, des malades du Covid-19 rentrent plus vite chez eux grâce à l’oxygénothérapie à domicile
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/02/a-argenteuil-des-malades-du-covid-19-rentrent-plus-vite-chez-eux-grace-a-l-o

    Depuis la mi-octobre, 140 patients ont été pris en charge par l’unité Covid-19 du centre hospitalier et suivis quotidiennement par des infirmières à domicile.

    Il y a quinze jours, Lucien Joyes a ressenti « un grand froid dans la nuit ». Il ne le savait pas encore, mais il s’agissait des premiers symptômes du Covid-19. Après deux courtes hospitalisations de cinq et trois jours au centre hospitalier (CH) d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise, il est désormais soigné dans son appartement. Au pied de son lit installé dans le salon, contre la fenêtre et face à la télévision, une machine lui propulse de l’oxygène dans les narines par le biais d’un long tube en plastique.

    « J’ai une famille qui m’entoure, ils sont aux petits soins et font tout pour me rendre la vie agréable », dit en souriant l’homme de 70 ans, soulagé d’être sorti de l’hôpital qu’il ne connaît que trop bien, ses différents problèmes de santé l’ayant déjà mené les années passées dans les services de neurologie, de cardiologie et de pneumologie.

    Si Lucien a pu rentrer chez lui si vite, c’est grâce au dispositif d’oxygénothérapie à domicile mis en place par le centre hospitalier d’Argenteuil depuis la mi-octobre pour faire face à la deuxième vague de l’épidémie.

    Une petite équipe d’infirmières et d’aides-soignantes se partage une trentaine de patients sur un territoire allant de Sannois à Carrières-sur-Seine et d’Herblay à Gennevilliers, dans un rayon d’environ 8 kilomètres autour d’Argenteuil. Tous les matins, elles se rendent au domicile des malades passés par l’hôpital et dont l’état a été jugé assez bon pour leur permettre de finir chez eux leur sevrage en oxygène.

    Au bout de dix à quinze jours en général, si leur saturation en oxygène, c’est-à-dire leur taux d’oxygène dans le sang, devient supérieure à 94 %, ils passeront à un suivi téléphonique quotidien, jusqu’à leur complète guérison. La société Vitalaire viendra alors récupérer les extracteurs d’oxygène mis à leur disposition.

    « Ça m’a soulagée de rentrer chez moi »

    Pour leur tournée, Cécile Hubert, infirmière depuis vingt-sept ans au CH d’Argenteuil, et Natalia Pereira da Silva, aide-soignante depuis 2003, ont une routine bien au point. Devant le domicile de chaque patient, Natalia passe à Cécile, en plus de son masque, les différents équipements nécessaires à sa protection et à celle du malade : charlotte, surblouse, surchaussures et gants. Le tout sera jeté à la poubelle à la fin de chaque consultation.

    Pendant que Cécile mesure la tension, les fréquences respiratoire et cardiaque, la saturation en oxygène et prend la température du malade, Natalia note tout sur une fiche de suivi. Des données qui seront ensuite entrées sur la plate-forme Terr-eSanté, un outil de coordination, d’échange et de partage d’informations entre professionnels de santé pour assurer le suivi optimal des patients.

    Si ce dispositif demande une grande organisation, il représente un avantage sans conteste pour les personnes désireuses de quitter l’hôpital, à l’image de Françoise Tourbin, 73 ans. « C’est bon, les hôpitaux j’y vais trop fréquemment », souffle cette grande fumeuse qui vient de se faire opérer du cœur. Après plus d’un demi-siècle de cigarette, elle venait juste d’arrêter de fumer quand elle a attrapé le Covid-19. Après un passage éclair à l’hôpital le temps d’un bilan de santé, elle accueille désormais les soignantes à la porte de son petit pavillon sans tube d’oxygène dans le nez.

    Comme tous les soignés à domicile, son oxygénothérapie était accompagnée de corticoïdes en cachet et de piqûres d’anticoagulant réalisées par une infirmière libérale. Un traitement que l’on sait, depuis la première vague, efficace contre la maladie.

    A Montigny-lès-Cormeilles, Josiane Loyot accueille aussi ses visiteuses sans oxygène, mais elle est gentiment rappelée à l’ordre car sa saturation n’est pas encore jugée assez bonne. « A l’hôpital, j’ai été mal reçue. Ils ont du boulot et nous, les patients, on est plus ou moins chiants, mais ça se voit qu’ils n’en peuvent plus, les soignants. J’ai demandé à sortir, ça m’a soulagée de rentrer chez moi », raconte cette femme de 72 ans entre deux plaisanteries. Quand son fils sera reparti sur son chantier en Côte d’Ivoire, elle fera appel au service de portage de repas à domicile mis en place par la mairie pour les personnes âgées.

    Lits libérés pour d’autres malades

    « Quand on est à l’hôpital, on est contraints par une institution », opine Catherine Le Gall, chef des urgences du CH d’Argenteuil, qui reconnaît que les malades sont contents de rentrer plus vite chez eux. La coordinatrice du dispositif de suivi à domicile dresse un bilan positif de cette expérience : sur 140 patients pris en charge depuis la mi-octobre, aucun n’est mort à domicile et seulement 10 % d’entre eux ont eu besoin de repasser par l’hôpital, essentiellement pour des examens complémentaires. « Cent dix malades, c’est l’équivalent de l’activité d’un service de trente lits », souligne-t-elle. Autant de lits libérés pour d’autres malades, dans un hôpital qui voit passer dans ses urgences de 160 à 200 personnes par jour.

    A Argenteuil comme partout en France, la question du nombre de lits disponibles pour accueillir l’afflux de nouveaux patients atteints du Covid-19 était au cœur de toutes les préoccupations cet automne. D’autant plus dans un département comme le Val-d’Oise, touché très gravement par la première vague. Au printemps, « l’hôpital a été submergé, tout a été déprogrammé et ça a désorganisé les soins, se souvient Catherine Le Gall. Alors, pour cette deuxième vague, on n’a pas voulu vivre la même chose ».

    De mars à mai, l’hôpital comptait 200 lits réservés au Covid-19, dont quarante en réanimation, tandis que, de septembre à novembre, seulement 75 « lits Covid » ont été ouverts, dont dix-huit en réanimation. Au pic de la première vague, les soignants ont dû gérer 242 patients en même temps, tandis que, à celui de la deuxième vague, 91 malades du Covid-19 se trouvaient à l’hôpital.

    Une situation observée dans l’ensemble du Val-d’Oise, dernier département français avec Mayotte à passer en vert sur la carte du déconfinement à la fin mai. Quand le territoire comptait 180 lits de réanimation occupés par des patients du Covid-19 le 8 avril, ils n’étaient plus que 70 à la mi-novembre.

    « La trajectoire est bonne mais l’objectif n’est pas atteint », souligne toutefois Anne Carli, déléguée départementale du Val-d’Oise de l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, qui ne veut pas se féliciter trop tôt de la fin de cette deuxième vague. « On est encore très loin du seuil d’incidence de cinquante nouveaux cas par semaine pour 100 000 habitants, qui constitue le seuil d’alerte. »

    Qualité du lien entre la médecine de ville et l’hôpital

    Les raisons pour lesquelles cette deuxième vague s’est mieux passée que la première sont nombreuses, et notamment la meilleure prise en charge des malades grâce aux corticoïdes, aux anticoagulants et une oxygénothérapie préférée à l’intubation.

    « La grande différence entre les deux vagues, c’est la qualité du lien entre la médecine de ville et l’hôpital », appuie également Anne Carli. Au printemps, c’est en effet surtout l’hôpital qui a été en première ligne pour faire face à cette maladie infectieuse émergente, avec des professions libérales plus difficilement associées. « Mais le Val-d’Oise a beaucoup investi sur le lien ville-hôpital », explique la déléguée départementale, notamment par le biais de l’outil Terre-eSanté mis à disposition par l’ARS d’Ile-de-France depuis plus d’un an, mais dont les professionnels de santé peinaient à s’emparer. « Cette crise a rendu l’outil indispensable », insiste Anne Carli.

    Un constat partagé par Catherine Le Gall, dont les équipes ont commencé à utiliser l’outil avec le Covid-19. « Il permet de mettre en place un parcours de soins coordonnés entre différents professionnels de santé », explique-t-elle. Par exemple, dans le cas d’un suivi de Covid-19, sont mis en relation autour d’un même patient le médecin des urgences, son infectiologue, son médecin traitant, les infirmières, le centre de télésurveillance, et un pneumologue quelques mois plus tard. Le malade a également accès à son dossier et peut informer ses médecins de ses nouveaux symptômes.

    « Dans le futur, il faudrait créer des cercles de soins pour d’autres pathologies », s’enthousiasme Catherine Le Gall. Pour gérer le Covid-19, « un médecin seul dans son coin, c’est dangereux, et l’hôpital seul, c’est un canard boiteux. Le lien entre la ville et l’hôpital, c’est l’avenir pour les malades ». D’autant plus dans une région comme l’Ile-de-France frappée par la désertification médicale.

    #covid-19 #HAD #médecine_de_ville #hôpital #santé-publique

    • Débat d’experts autour de l’oxygénothérapie à domicile
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/02/debat-d-experts-autour-de-l-oxygenotherapie-a-domicile_6061896_3244.html

      De nombreux spécialistes estiment que les recommandations de la Haute Autorité de santé concernant une prise en charge à domicile sont « dangereuses ». Par Delphine Roucaute

      Faut-il encourager la prise en charge des personnes atteintes du Covid-19 à domicile, même quand elles ont besoin d’apports constants en oxygène ? Pour répondre à cette question, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié un ensemble de recommandations pratiques, le 9 novembre, au moment où les services hospitaliers étaient submergés par la deuxième vague. L’institution estime que cette prise en charge doit être réservée à deux situations : d’abord pour les patients hospitalisés et pouvant achever leur sevrage en oxygène à domicile, donc en aval de l’hôpital, et ensuite pour les malades non hospitalisés, mais ayant néanmoins des besoins en oxygène, donc en amont de l’hôpital.

      Les critères d’éligibilité au dispositif sont les mêmes pour les deux types de patients. D’abord, un environnement favorable, c’est-à-dire un domicile salubre, à moins de 30 minutes d’un hôpital et du SAMU, la présence d’un tiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre et l’accompagnement d’une équipe de médecins. Mais aussi des critères liés au patient, qui ne doit pas avoir une saturation en oxygène trop basse ni de contre-indication signalant des risques de forme grave de la maladie (diabète, insuffisance rénale, etc.).

      Appel à la prudence

      Ces recommandations, pourtant très contraignantes, ont été jugées insuffisantes par plusieurs spécialistes. Dans un Tweet, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a déclaré que « le maintien à domicile de patients devenant oxygénorequérants est dangereux ». Dans le même temps, la Société de pneumologie de langue française a appelé à la prudence et publié ses propres « rappels réglementaires et techniques », insistant sur la nécessité d’un encadrement par un pneumologue, alors que la HAS place la responsabilité de coordination entre les mains des médecins généralistes.

      Si l’oxygénothérapie en aval de l’hôpital fait plutôt consensus parmi les spécialistes, c’est bien l’opportunité d’une prise en charge directement à domicile qui fait débat. Le président de la SPILF, Pierre Tattevin, explique cette différence : « Dans le cas du Covid, quand on commence à avoir besoin d’oxygène à domicile, c’est que ça commence à être grave. Même à l’hôpital, c’est difficile à suivre. » Par ailleurs, insiste-t-il : « Organiser le suivi du patient en lien avec un généraliste, c’est compliqué. Il y a un risque de manque de réactivité en cas de problème. »

      « Sur le fond, on est d’accord que l’oxygénothérapie en amont est risquée et relève de l’exceptionnel ; ces recommandations sont là pour créer des repères et fixer le cadre si ce genre de cas se présente pour des médecins généralistes », explique Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale, qui a participé au groupe de travail mis en place par la HAS. Car ces cas existent déjà, souvent à la demande de patients ne désirant pas entrer à l’hôpital. Près de 30 000 patients atteints du Covid-19 requérant une oxygénothérapie ont été pris en charge par les prestataires de santé à domicile (PSAD), 20 000 au cours de la première vague et 10 000 au cours de la seconde. Les prescriptions d’oxygénothérapie émanant de médecins généralistes n’ont pas dépassé 5 % des patients lors de la seconde vague, selon le président de la Fédération des PSAD.

      Il ne faut pas oublier que ces recommandations sont émises en situation de crise sanitaire, pour désengorger les services hospitaliers. « L’oxygénothérapie à domicile est un moyen de conserver les chances des patients en cas de saturation des services », et notamment dans l’éventualité d’une troisième vague, fait ainsi valoir de son côté Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé, organisation représentant les patients.

      « Une demande des patients »

      De l’avis d’Aurélien Dinh, praticien dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP) et l’un des créateurs du dispositif Covidom (télésurveillance des patients atteints de Covid-19) de l’AP-HP, ces recommandations « ne sont pas suffisamment prudentes, car il y a souvent une aggravation brutale de l’état du patient après sept jours de maladie ». Pour autant, l’équipe qui a pris en charge en aval de l’hôpital 75 malades oxygénorequérants lors de la première vague, sans aucun décès ni réhospitalisation, est prête à tenter l’expérience.

      L’équipe de Covidom a ainsi engagé une réflexion pour les patients qui ont besoin d’une oxygénothérapie à moins de 2 litres d’oxygène, âgés de moins de 65 ans et sans comorbidité particulière. « Nous pourrions les hospitaliser de vingt-quatre à quarante-huit heures pour les évaluer, faire un bilan biologique, puis mettre en place le dispositif à domicile, s’assurer qu’ils seront entourés », explique le docteur Dinh.

      Si la présidente de la HAS, Dominique Le Guludec, reconnaît une communication un peu hâtive, elle ne compte pas revenir sur les préconisations et préfère traiter directement avec les sociétés savantes. « Il faut faire confiance aux médecins, on a besoin de toutes les forces disponibles. Dès qu’on voit que l’état du patient ne s’améliore pas rapidement, il faut passer la main à l’hôpital », explique-t-elle. « On a précisé que la prise en charge directement à domicile en amont de l’hôpital est exceptionnelle, renchérit Catherine Grenier, directrice de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS. Mais c’est aussi une demande des patients. Il est important de prendre en compte le caractère délétère de l’hospitalisation. »

    • Le truc, c’est que quand la sat des covidés s’enfonce, tu as 5-10 min pour lui sauver la peau. Alors que le patient ne se rend même pas compte qu’il est en train d’étouffer. C’est spécifique au covid19 et ça s’appelle l’hypoxie heureuse. Cette politique de HAD est purement criminelle dans ce contexte particulier.
      Mais ça fait de beaux chiffres de sorties d’hosto et ça sort les gus des stats de mortalité covid.

      https://association-victimes-coronavirus-france.org/quest-ce-que-lhypoxie-heureuse

    • Oui, enfin pas tout à fait puisque la controverse porte plutôt, contre une indication aussi vague que générale d’oxygénothérapie à domicile, sur le fait de préciser que c’est en aval des hospitalisations que celle-ci peut-être mise en oeuvre, après le pic éventuel de symptômes respiratoires.

    • En sachant que la soit disant hypoxie est réellement une hypoxémie , (baisse du taux d’oxygène dans le sang) qui n’est « joyeuse » que parce qu’elle n’entraîne pas, à ce stade, une hypoxie (organes insuffisamment fournis en oxygène).

      Une véritable hypoxie n’est jamais joyeuse.

      What We Have Learned About COVID-19 : Part One - Mass General Advances in Motion
      https://advances.massgeneral.org/pulmonary/article.aspx?id=1269

      Happy Hypoxia : Not Hypoxia and Not New

  • Face au Covid, l’efficacité des réseaux autogérés de soignants, plus réactifs que le gouvernement - Basta !
    https://www.bastamag.net/Medecine-de-ville-deuxieme-vague-generalistes-infirmieres-liberales-pharma

    Pour organiser ces tournées spéciales d’infirmières et de médecins généralistes, ces soignants se sont appuyés sur leur communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Expérimentées sur le terrain depuis une quinzaine d’années, et formalisées par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les CPTS réunissent des médecins, infirmières, sages-femmes, kinésiologues ou podologues qui décident de se regrouper pour partager leur savoirs et mutualiser leurs moyens. Il en existe plusieurs centaines en France, certaines très actives, d’autres moins.
    Je lis, j’aime, je vous soutiens

    Leurs objectifs : faciliter l’accès aux soins et mieux organiser la prévention. « Pour nous, la santé ne se réduit pas à la prise en charge par les médecins, explique Sophie Dubois, pharmacienne, et directrice de la CPTS du 13ème arrondissement de Paris. Nous travaillons donc avec le secteur médico-social. » Pendant le confinement, tous les soirs, un médecin et un infirmier étaient présents pour faire le tour des Ehpad, assurer une présence médicale et intervenir au niveau des soins palliatifs. « On a aussi organisé des tournées sur le centre d’hébergement d’urgence qui abrite des personnes sans domicile, cite Sophie Dubois. Un médecin et une médiatrice en santé [chargée d’accompagner des personnes qui sont confrontés à des obstacles dans l’accès aux soins] y faisaient une vacation une fois par semaine, des infirmiers trois fois par semaine. »

    Une auto-organisation très efficace

    « Être en hyper local, au sein d’un territoire que l’on connaît, c’est vraiment garant d’efficacité, insiste Sophie Dubois. Cela nous a été tellement utile pour trouver du matériel, et notamment des équipements de protection, qui manquaient partout. » Habituée à travailler avec la mairie, la CPTS du 13ème arrondissement a récupéré les kits d’hygiène des cantines, inutiles puisque les écoles étaient fermées. « Nous avons aussi pu nous servir des kits prévus pour les élections et qui n’avaient pas été utilisés. 5000 masques FFP2 ont par ailleurs été récupérés à la Bibliothèque nationale de France [située dans le même arrondissement]. Enfin, des toiles ont été achetées chez un fournisseur agricole et confiées à des couturières du quartier pour fabriquer des sur-blouses. » Avoir ce matériel a permis de protéger les soignants, et de garder des lieux de soins ouverts.

    La réactivité des communautés autogérées de soignants a permis d’offrir une continuité de soins à des patients qui auraient, sans cela, été laissés de côté

    De nombreux centres Covid ont été créés partout en France, souvent en collaboration avec les collectivités locales. Partout l’auto-organisation s’est révélée efficace. « Le terrain a été plus rapide que les institutions », résume Claire Beltramo. « Le fait de nous connaître nous a rendus très réactifs, ajoute Sophie Dubois. Nous sommes habitués à tenir compte les uns des autres. Il y a eu beaucoup de solidarité. » Dans de nombreux endroits, l’accueil des patients a été géré bénévolement par des kinés, sages-femmes ou podologues – autant de soignants souvent impliqués dans des CPTS mais dont l’activité était très réduite, voire nulle, en raison de la crise. Cette réactivité a permis d’offrir une continuité de soins à des patients qui auraient, sans cela, été laissés de côté.

    Pour la CPTS du 20ème de Paris, ce travail invisible est « un scandale que l’on peut chiffrer à plusieurs dizaines de milliers d’euros ». Dans leur analyse de cette première vague, les soignants « de ville » insistent sur le fait qu’ils ne pourront pas s’engager à une telle hauteur pour la deuxième vague qui a débuté en octobre. D’autant que certains d’entre eux ont payé un lourd tribut lors du premier pic de contamination : 20 % des médecins et 40 % des infirmières sont tombés malades dès les premières semaines.

    Pour cette deuxième vague de l’épidémie de Covid, les pratiques restent encore trop « hospitalo-centrées » et la parole des médecins généralistes largement ignorée

    « Globalement les soignants "de ville" ne sont pas totalement tenus à l’écart comme lors de la première vague où le discours était d’appeler le Samu en cas de symptômes », note Sophie Bauer, vice-présidente de la fédération des CTPS. Mais les pratiques restent trop « hospitalo-centrées » dit-on parmi les soignants. La parole des médecins généralistes est toujours largement ignorée, alors qu’ils ont tiré la sonnette d’alarme dès la fin du mois d’août sur l’aggravation de la situation. « Les ARS étaient entièrement concentrées sur le dépistage, on ne pouvait parler de rien d’autre, déplore Claire Beltramo. On aurait pu réfléchir ensemble à l’organisation des sorties d’hôpital, qui ne vont pas tarder à arriver. On l’a fait de notre côté, bien sûr. Mais on aurait aimé le faire en lien avec les institutions. On a quand même fait nos preuves, pendant la première vague. »

    #Santé_publique #Médecine_ville #Auto-organisation #Autogestion #Communs