Qui dit #hiérarchie sociale, dit hiérarchie de #valeurs
Ici encore, pas besoin de démonstration : les #classes sociales du sommet de la pyramide n’ont pas les mêmes critères de valeur (financiers, culturels, comportementaux) que les classes les moins favorisées. Les #médecins faisant eux-même l’objet d’une sélection liée au milieu d’origine, il n’est pas surprenant que la « culture », autrement dit les valeurs d’une majorité de médecins reflètent le mode de pensée des milieux les plus favorisés.
Parmi les « valeurs » du monde médical français figurent :
– l’idée qu’un patient est moins apte à décider pour lui-même que le médecin à qui il fait appel ; ce préjugé découle de l’illusion que devenir médecin confère des qualités ou une clairvoyance particulières ; pour beaucoup de médecins issus de milieux favorisés, il n’est en réalité que le prolongement d’un #préjugé de classe, selon lequel un riche éduqué est toujours plus apte à faire pour les autres des choix appropriés qu’un pauvre sans éducation ne peut faire des choix pour lui-même (je caricature à peine).
Ce premier préjugé se double d’un autre préjugé, non moins sérieux :
– l’idée que toute critique émise par un patient à l’égard des soins ou des soignants est nulle et non avenue – au prétexte qu’un patient (malade ou non) ne serait pas en mesure d’avoir une opinion objective. Cette disqualification de la parole et de l’opinion (tenues pour « douteuses », « suspectes » ou au moins « sujettes à caution ») est un pur critère de classe. En effet, aux yeux du médecin qui n’a pas conscience de ses préjugés, un patient risque toujours d’apparaître comme un « pauvre ».
Ces deux préjugés s’aggravent d’un troisième, fortement ébranlé depuis dix ans mais encore fermement ancré, à savoir que les patients n’ont pas à s’informer ni à communiquer entre eux, et que leurs initiatives de communication sont toujours des obstacles à la bonne pratique de la #médecine. Il était encore de bon ton, en 2000 ou 2001, de dire qu’on lisait « tout et n’importe quoi » sur le web en matière de santé. C’est difficilement défendable aujourd’hui, quand on voit l’effort d’#information aussi bien professionnel qu’institutionnel qui s’est déployé dans tous les pays industrialisés disposant de l’internet. Aujourd’hui, on ne peut pas simultanément s’offusquer que certaines femmes, « à l’heure de l’Internet » ne connaissent rien à la contraception ET reprocher à d’autres femmes de préférer un DIU à une pilule. Ce type de reproche n’est pas seulement idiot et illogique, il est contre-productif. Il est éminemment souhaitable que les patient.e.s s’informent, et leur donner des sources d’information fiable fait intégralement partie des obligations des professionnels de santé !
– l’idée que la loyauté d’un médecin va d’abord à ses confrères ; ensuite au(x) patients ; le simple fait que les médecins aient autant de mal à critiquer leurs confrères, à dénoncer leurs actes illégaux ou malfaisants, ou à entendre la moindre critique de leur profession est, à lui seul, très significatif de ce conflit d’intérêts, énoncé clairement dans des documents officiels propres à l’Angleterre, aux Pays-Bas, au Canada, à la Suède... mais que je n’ai jamais vu énoncé en France.
– une fâcheuse tendance à favoriser l’argument d’#autorité face à l’argument scientifique ; j’en ai souligné, au fil des vingt années écoulées, quelques exemples frappants en matière de #santé des #femmes, du refus de DIU aux femmes sans enfant à la prise de pilule en continu, en passant par la prescription sous influence pharmaceutique de Diane, Jasmine et autres « pilules contre l’acné », au mépris des risques encourus par les utilisatrices ; toutes ces attitudes n’ont rien de scientifique, elles sont seulement idéologiques et autoritaires - et, par conséquent, anti-professionnelles.
– la #misogynie et le #sexisme ; ils sont attestés par un très grand nombre de femmes, et un nombre non négligeable d’hommes ; ils sont visibles sur les fresques des salles de garde et audibles dans les chansons paillardes ; ils sont lisibles dans l’énoncé de nombreux cours, dans les attitudes des enseignant.e.s, dans le comportement des hommes (et parfois de certaines femmes ) médecins avec les patientes, les infirmières, les sages-femmes, les aide-soignantes ; ils sont patents dans l’attitude de nombreux gynécologues ; #homophobie, #transphobie et peur de toute personne ou comportement « non conforme » font partie intégrante du sexisme médical – et les personnes concernées en font douloureusement les frais.
– le #racisme ; il est, malheureusement, inhérent à la structure pyramidale de la société française, et n’épargne pas la profession médicale ; associé à la misogynie et aux critères de classe, il permet de comprendre qu’une femme blanche, riche, qui accouche dans une clinique privée, a beaucoup moins de souci à se faire qu’une femme pauvre, non blanche, ne parlant pas le français, qui accouche dans une maternité publique – et ce n’est pas insulter les personnels de maternités publiques que de dire ça, mais leur rappeler que personne n’est maître de ses propres préjugés… et encore moins des préjugés de ses supérieur.e.s hiérarchiques.
(Je m’arrête là, mais la liste n’est pas exhaustive.)