• La logique intenable du développement des territoires - La Grappe
    https://lagrappe.info/spip.php?article454

    De fait en métropole, personne ne s’occupe de l’entretient de son environnement : jardin ou espaces extérieurs, bâti, point d’eau, mangeoires, ..., car ce n’est pas l’affaire de celui qui loge là, ce n’est pas son « job » dirait-on, certains sont payés pour cela. Or ceci est symptomatique du fait que personne ne se sent responsable de prendre soin, comme partie intégrante, de son milieu : on ne tisse plus de relations avec l’environnement, car nous n’en faisons pas partie, nous ne sommes que des passagers dépossédés. Personne n’habite en métropole, les métropolitains ne font qu’y loger.

    #urbanisme #métropole #métropolisation #urban_matters #habitation #logement #grands_projets

    • Et cela ne se joue pas que dans les métropoles.
      En Hautes Corbières, la dépossession du territoire, l’espace dans lequel on vit toutes, a été planifiée et est effective depuis 20 ans : fermeture de la poste, suppression des bennes où l’on pouvait récupérer des objets déposés, mise sous la coupe de Véolia de la distribution de l’eau dans les villages, fermeture des petites écoles qui maintenaient le lien inter habitants (vieux et enfants), découpage avec tracé à la règle des espaces agricoles ou non agricoles, ou des parcs naturels etc. Tout cela a été fait sans aucune concertation, ou des simulacres de démocratie participative et imposé à la population « pour son bien ».
      La conséquence que j’ai observé dans un petit village de ces Hautes Corbières c’est la soumission résigné et accepté à un mode de vie régit par d’autres et par des idéaux modernistes obsolètes comme celui du tout voiture : destruction de patrimoine comme celui de « la maison du pauvre* » ou des murs de 300 ans au profit de parkings au centre du village et de bitumage, alors que les espaces de jeux des petits enfants sont mis à l’extérieur du village.
      Un exemple récent de comportement induit par cette dépossession constante, un samedi, un camion a laissé tomber des gravats sur la route sinueuse des corbières, mais personne ne va s’arrêter pour les enlever et éviter un accident à celleux qui rentreront de nuit parce que c’est à la DDE de le faire …

      *La maison du pauvre nommait une petite maison construite pour permettre aux brassiers ou aux vagabonds de se loger.

    • Sans vouloir contester le fond du propos, sur l’absence d’implication dans l’entretien des espaces communs/partagés dans les métropoles (ou ailleurs) et la dépossession qu’elle traduit, il faut noter que les jardins privés des maisons individuelles sont au contraire très largement appropriés et entretenus. C’est d’ailleurs un argument mis en avant par ceux qui souhaitent relativiser le cout écologique et social de la périurbanisation. Voir par ex Eric Charmes dans « L’écologie politique contre les métropoles  ? », La Vie des idées : https://laviedesidees.fr/L-ecologie-politique-contre-les-metropoles

    • il faut noter que les jardins privés des maisons individuelles sont au contraire très largement appropriés et entretenus.

      C’est vrai mais après cela dépend ce qu’on entend par « entretenus », car pour beaucoup il s’agit encore trop souvent d’avoir un « jardin » qui ressemble au mieux à un terrain de golf et au pire à un décor de magazine (en minéralisant le tout avec graviers, pierres ou même bitume..., avec un coin d’herbe pour faire joli). Par chez moi le truc typique c’est l’étendue de pelouse et un arbre/arbuste au milieu.

    • ça n’ira pas aussi vite que les modes vestimentaires mais ça peut changer, y compris parce que même des municipalités réacs ont pu parfois abandonner les pesticides pour leurs plantations (trop souvent renouvelées à grand frais, les annuelles servant à se médailler « ville fleurie ») et leur donner une allure plus « anglaise », plus libre, allant jusqu’à utiliser des graminées

      #végétation #végétalisation #jardins

  • Ferroviaire : la gestion absurde de la ligne Saintes-Niort, symbole d’une maintenance erratique du réseau


    L’équipe voie de la SNCF Réseau, à Surgères (Charente-Maritime), le 24 octobre 2023. SOPHIE FAY / LE MONDE

    En attendant de refaire cette voie ferrée vétuste, la SNCF doit remettre à niveau les rails au moins deux fois par an. Pendant ce temps, la première ministre refuse de faire payer la régénération ferroviaire par le budget de l’Etat, malgré son annonce en février d’un plan de 100 milliards d’euros. Par Sophie Fay (Villeneuve-la-Comtesse (Charente-Maritime), envoyée spéciale)

    Sous le regard de ses quatre collègues, Mario Bouchet, responsable de l’équipe voie de Surgères (Charente-Maritime), s’agenouille, l’oreille presque collée au rail. D’un coup d’œil aguerri par trente-deux années d’expérience, il vérifie la courbure avant d’intervenir au « Jackson » sur le ballast. Le « Jackson », c’est une sorte de marteau-piqueur qui remue le ballast en vibrant, que la #SNCF utilise depuis les années 1980, quand on découvrait les chorégraphies de Michael Jackson. Le nom est resté.

    Il permet de bourrer des cailloux sous le rail pour le surélever de quelques dizaines de millimètres. On mesure le résultat au niveau. Puis l’équipe renouvelle l’opération une dizaine de mètres plus loin, là où un « train mesure » a signalé une anomalie. « Si une différence de deux centimètres ou plus s’installe entre la hauteur des deux rails en ligne droite, on coupe la circulation », explique Sébastien de Camaret, directeur sécurité zone Atlantique de SNCF Réseau. Si l’écart se compte en dizaines de millimètres, on ralentit la vitesse à 40 kilomètres heure au lieu de 120.
    Cette petite ligne où circulent six allers-retours de #TER entre Niort et Saintes et quelques trains de fret est si vieille qu’il faut sans cesse surveiller et « bourrer » du #ballast toutes les deux à quatre semaines sur certaines portions. Certaines traverses datent des années 1960, les rails des années 1970. Le soubassement sur lequel ils reposent doit être renforcé. Plus au sud, entre Saintes et Bordeaux, on trouve des éléments de voies de 1927, bientôt centenaires. Il y a bien longtemps qu’ils auraient dû être changés. Surtout si cette ligne doit servir de plan B en cas de problème sur l’autoroute ferroviaire Cherbourg-Mouguerre (allant de la Manche aux Pyrénées-Atlantiques) pour le fret.

    Des équipes prudentes

    L’opération de régénération complète de la voie est programmée au deuxième trimestre 2024. Mais tant que les travaux n’ont pas commencé, les équipes sur le terrain sont prudentes : sur le bas-côté des voies, à hauteur de Villeneuve-la-Comtesse (Charente-Maritime), deux rails traînent dans le fossé depuis 2016, inutilisables. Ils devaient déjà remplacer les anciens, mais « cette année-là les travaux se sont multipliés, notamment ceux de la #ligne_à_grande_vitesse Tours-Bordeaux et l’opération a finalement été déprogrammée », expliquent les agents.

    Il y a sept ans, on manquait déjà d’effectifs pour l’entretien des petites lignes et cela a encore empiré. « Les difficultés que nous avons connues dans le groupe du fait du manque de conducteurs de train, nous les aurons bientôt du fait du manque d’#agents_de_maintenance », prévient un cadre régional, qui craint de ne pas avoir les effectifs à mettre en face des projets et redoute que le #Grand_projet ferroviaire du Sud-Ouest − le prolongement de la ligne à grande vitesse jusqu’à Toulouse − ne se fasse au détriment des lignes dites de dessertes fines du territoire, peu fréquentées. Fer de France, l’association qui structure la filière du ferroviaire, rappelle aussi que la bonne organisation des travaux nécessite d’avoir de la visibilité à cinq ans sur les financements.

    C’est pourtant bien à cela que doivent servir les 100 milliards d’euros du plan de « nouvelle donne ferroviaire » promis par la première ministre, Elisabeth Borne, en février, après le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Mais Fer de France ne les voit guère venir.

    Dans le projet de #budget en cours de discussion au Parlement, il n’y en a pour l’instant qu’une petite trace : les 600 millions d’euros prélevés sur les autoroutes et les aéroports par le biais d’une nouvelle taxe, affectés au budget de l’Agence française de financement des infrastructures de transport de France et déjà fléchés pour financer, notamment, les études préalables aux futurs #RER_métropolitains.

    Revoir sa copie

    Pour ce qui est de la régénération du réseau existant et de sa modernisation, Elisabeth Borne n’a pas prévu de rallonge budgétaire et demande pour l’instant à la SNCF de faire plus de bénéfices pour trouver les 1,5 milliard d’euros supplémentaires dont elle a besoin chaque année pour rajeunir son réseau , un chiffre confirmé par le COI.
    Cette injonction de Matignon a obligé le PDG du groupe, Jean-Pierre Farandou, à retirer le plan stratégique qu’il avait préparé et mis à l’ordre du jour de son dernier conseil d’administration le 12 octobre. Il doit revoir sa copie, alors même qu’il s’était déjà engagé à trouver 500 millions d’euros supplémentaires chaque année. Le ministre chargé des #transports, Clément Beaune, avait validé cette trajectoire. De même que l’Agence des participations de l’Etat, l’actionnaire de la SNCF.

    Après avoir promis 100 milliards d’euros d’ici à 2040, la première ministre, elle, revient à la lettre de la réforme qu’elle a pilotée en 2018 et qui exige de la SNCF qu’elle autofinance ses travaux. Sous l’œil désappointé des cheminots et des élus et experts membres du COI, tous d’accord sur le fait que le rajeunissement du réseau ferré ne peut pas se faire au bon rythme sans une rallonge d’argent public.
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/31/ferroviaire-la-gestion-absurde-de-la-ligne-saintes-niort-symbole-d-une-maint

    #bousilleurs #infrastructures #Train #transports_collectifs #métropolisation #territoires_foutus_par_la_République #France_à_fric

  • Un nouvel urbanisme de la hauteur ?
    https://metropolitiques.eu/Un-nouvel-urbanisme-de-la-hauteur.html

    Construire de nouvelles #tours pour loger les citadins ? Alors que la question de la grande hauteur en ville s’invite de nouveau dans les débats, Geoffrey Mollé montre que l’urbanisme vertical ne permet pas d’accroître l’offre de logements accessibles au plus grand nombre. Après une période d’étiage de plus de trente ans, les tours résidentielles sont de retour dans les villes françaises, comme cela a été observé ailleurs en Europe (Appert 2016). Depuis 2015, les projets d’immeubles d’une cinquantaine de #Terrains

    / #Loi_Elan, #logement, #métropolisation, tours, #requalification, #verticalisation_urbaine

  • La métropole comme horizon ? Décidément oui !
    https://metropolitiques.eu/La-metropole-comme-horizon-Decidement-oui.html

    Les #Débats actuels sur la #métropolisation interrogent notamment le rôle de l’expertise dans l’élaboration des #politiques_publiques. Martin Vanier explicite ici sa vision de la métropolisation et revient sur l’articulation entre ses positions de chercheur en sciences sociales et d’expert auprès des collectivités. Dans son article du 26 mai 2022 consacré aux « experts du fait métropolitain », Christophe Parnet critique la pensée, l’action et les interventions d’un ensemble d’universitaires engagés comme Débats

    / #métropole, métropolisation, #collectivités_locales, #expertise, politiques publiques

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_vanier3.pdf

  • La métropole comme horizon
    https://metropolitiques.eu/La-metropole-comme-horizon.html

    En dépit de nombreuses critiques académiques et militantes, la #métropolisation continue de constituer le cadre des réformes territoriales successives. Christophe Parnet montre comment les discours et analyses des experts du fait métropolitain contribuent à circonscrire le champ des possibles en matière d’aménagement de l’espace. Il est peut-être moins nécessaire de se répéter entre nous que la #métropole est notre avenir – ce qui est vrai – que de prêter une attention politique et idéologique majeure au #Terrains

    / métropole, #expertise, #réforme_territoriale, #Lyon, #Marseille, #Aix-en-Provence, métropolisation

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_parnet.pdf

  • La #mondialisation urbaine au prisme des salons internationaux de l’immobilier
    https://metropolitiques.eu/La-mondialisation-urbaine-au-prisme-des-salons-internationaux-de-l-i

    Tout comme les productions audiovisuelles, les grands projets urbains doivent désormais s’exposer pour attirer des investisseurs. En ouvrant les portes du MIPIM, le livre d’Antoine Guironnet montre les ressorts de la mondialisation et de la #financiarisation de la ville. Dès les premières lignes d’Au marché des métropoles. Enquête sur le pouvoir urbain de la #finance, Antoine Guironnet nous fait pénétrer sur les lieux du MIPIM (pour Marché international des professionnels de l’immobilier), « #Terrains

    / financiarisation, finance, mondialisation, #immobilier, #métropole, #métropolisation

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_lecler.pdf

  • La métropole tentaculaire
    https://audioblog.arteradio.com/blog/177155/podcast/178475/episode-1-la-metropole-tentaculaire

    Dans ce premier épisode on parle du phénomène de métropolisation et de ses conséquences variées sur nos vies, sur le vivant (pollution, gentrification, betonnisation des sols, etc). Plusieurs militant-es de chez nous ont passé du temps dans les jardins d’Aubervilliers menacés par les JOP 2024 et dans les champs de Gonesse et Saclay sur lesquels doivent pousser les gares du Grand Paris Express. Durée : 38 min. Source : Avis de tempête

    https://sons-audioblogs.arte.tv/audioblogs/v2/sons/177155/182728/podcast_182728_8G79z.mp3

  • L’attractivité, un mythe de l’action publique territoriale
    https://metropolitiques.eu/L-attractivite-un-mythe-de-l-action-publique-territoriale.html

    Revenant sur plus de dix ans de recherches, Michel Grossetti bat en brèche les thèses suggérant que les villes auraient les moyens d’attirer à elles les entreprises « innovantes » et les travailleurs « créatifs » L’attractivité des territoires est devenue une préoccupation constante des élus et de ceux qui les conseillent, qu’ils soient en charge d’une ville, d’une région ou d’un pays. Il faut attirer des entreprises, des activités, des cadres, des entrepreneurs, des étudiants, bref, tout ce qui est censé #Essais

    / attractivité, #métropolisation, #mobilité_résidentielle, #développement

    #attractivité
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_grossetti.pdf

    • L’erreur de beaucoup de raisonnements sur l’attractivité est de surestimer la mobilité géographique durable, celle qui amène une famille à s’installer dans une ville pour plusieurs années, ou une entreprise à créer un établissement important dans une agglomération où elle n’était pas présente auparavant. Il est indéniable que la mobilité de courte durée (professionnelle ou de loisirs) des personnes s’est accrue considérablement avec le développement des transports rapides (aériens ou ferroviaires), mais la mobilité durable a connu une progression bien moindre. Les créateurs d’entreprises ou ceux qui ont des professions « créatives » ont des familles, des réseaux, suivent des logiques sociales complexes qui sont très loin de faire ressembler leurs « choix de localisation » à la recherche d’un lieu de villégiature pour quelques jours. Les entreprises sont engagées dans des logiques économiques dans lesquelles la question de la localisation est souvent secondaire. Elles peuvent parfaitement entretenir des liens distants en organisant des courts séjours de leurs membres et en utilisant les moyens de communication actuels. Si elles considèrent devoir être présentes dans une agglomération pour accéder à des ressources particulières (des marchés le plus souvent, ou parfois certaines technologies), elles peuvent ouvrir des antennes légères et facilement réversibles. Pour les villes, il semblerait donc préférable de miser sur la formation de celles et ceux qui y vivent déjà, et sur l’élévation du niveau général des services urbains accessibles à tous, que d’espérer attirer des talents ou des richesses qu’elles seraient incapables de créer.

    • En fait, la mobilité résidentielle durable est affreusement couteuse et difficile à mettre en œuvre. Quand les membres du foyer ont tous trouvé leur activité, il n’est plus envisageable de bouger, tant il va être lent, couteux et hasardeux de recaser tout le monde ailleurs.
      Et le marché immobilier n’aide pas, particulièrement le locatif, complètement bloqué par la loi Boutin  : pour louer, il te faut un CDI confirmé et au moins 3 fois le montant du loyer en salaire. La première règle brise la mobilité professionnelle, la seconde bloque dans les 75% de la population locative là où elle logeait avant la loi. Les précaires n’ont plus du tout la possibilité d’aller vers un nouveau boulot, sauf à avoir une voiture et à kiffer d’y vivre dedans.

    • Ne pas sous-estimer le fait que des élus qui omettraient de vanter « l’attractivité de leur territoire » se verront privés de toutes les dotations de l’Etat, de ses agences, satellites divers, et de l’Europe, indispensables pour boucler leur budget, sauf à se voir placés sous la tutelle du Préfet... D’où l’importance de prendre en compte le mécano financier complexe qui accompagne le triomphe du néo-libéralisme le plus débridé, horizon, pour l’heure, indépassable de notre temps...

  • #Liberté, #exigence, #émancipation. Réinstituer l’#Université

    Les strates successives de #réformes subies par l’Université depuis vingt ans, même si elles ne sont pas dénuées d’incohérences, reposent sur un socle politique et idéologique relativement précis [1]. Celui-ci trouve notamment son articulation dans les travaux de sociologie des établissements d’enseignement supérieur par Christine Musselin [2] ou dans le rapport Aghion-Cohen de 2004 [3] sur “éducation et croissance”[4]. Pour une part, ce socle reprend les théories de la #croissance par l’#innovation et la “#destruction_créatrice” inspirées de #Joseph_Schumpeter [5] , surtout pertinentes pour la #recherche. Le socle intellectuel présidant aux réformes récentes combine cet héritage avec une vision de l’#aménagement_du_territoire fondée sur la partition entre des #métropoles intelligentes et concurrentielles et un vaste hinterland tributaire du #ruissellement_de_croissance, ce qu’Olivier Bouba-Olga et Michel Grossetti [6] appellent la « #mythologie_CAME » (#compétitivité-#attractivité-#métropolisation-#excellence). Dans cette perspective, hormis quelques cursus d’élite, les formations universitaires doivent surtout offrir des gages “d’#employabilité” future. Au fil des reconversions professionnelles, le “portefeuille de #compétences” initial se verra étoffé par des #certificats_modulables attestant de quelques #connaissances_spécialisées, ou de “#savoir-faire” dont certains relèveront probablement surtout du conditionnement opérationnel. Dans le même temps, #évaluation et #valorisation sont devenus les termes incontournables et quasi indissociables de la formulation d’une offre “client” qui débouche sur une organisation par marché(s) (marché des formations diplômantes, des établissements, de l’emploi universitaire…). Dans les variantes les plus cohérentes de ce programme, ces #marchés relèvent directement du #Marché, d’où la revendication d’une #dérégulation à la fois des #frais_d’inscription à l’université et des #salaires des universitaires.

    Sortir l’Université de l’ornière où ces réformes l’ont placée impose de construire un contre-horizon détaillé. Les mots d’ordre défensifs de 2008 et 2009 n’avaient sans doute que peu de chances d’arrêter la machine. Aujourd’hui, la demande d’une simple abrogation des dispositions prises à partir de 2007 ne serait pas à la hauteur des changements internes que ces politiques ont induits dans l’Université. On ne saurait de toute façon se satisfaire d’une perspective de restauration de l’ancienne Université. C’est en ce sens que nous parlons de ré-institution ou de refondation.

    Émanciper qui, de quoi, pour quoi faire

    Il est impératif de prendre comme point de départ la question des finalités sociales et politiques de l’Université. Si la référence à la notion d’émancipation est indispensable à nos yeux, elle ne suffit pas non plus à définir un nouvel horizon. La capacité du discours réformateur néolibéral à assimiler et finalement dissoudre le projet émancipateur n’est plus à prouver, y compris en matière scolaire : le recours à la notion de compétence, du primaire à l’université, renvoie ainsi, cyniquement, à une idée généreuse de pédagogies alternatives visant à libérer l’institution scolaire de ce qui était perçu comme un carcan autoritaire transformant les élèves en singes savants. Cet idéal scolaire émancipateur systématiquement dévoyé a pris des formes multiples et parfois contradictoires, et ce n’est pas ici le lieu de les analyser. Au moins depuis Boltanski & Chiapello [7], on sait qu’il ne faut pas sous-estimer la capacité du management à digérer la “critique artiste du capitalisme”, pour mettre en place un nouveau modèle de néolibéralisme autoritaire. L’auto-entrepreneur·euse de soi-même assujetti·e aux normes de valorisation par le marché est pour nous un épouvantail, mais il s’agit d’une figure d’émancipation pour certains courants réformateurs.

    L’émancipation n’est jamais une anomie : c’est un déplacement collectif et consenti de la nature des normes et de leur lieu d’exercice. Poser la question de la finalité émancipatrice de l’#enseignement_supérieur, c’est demander qui doit être émancipé de quoi et pour quoi faire. Ce “pour quoi faire”, en retour, nous renvoie au problème du comment, dans la mesure où devant un tel objectif, c’est sans doute la détermination du chemin qui constitue en soi le seul but atteignable.

    L’#autonomie_étudiante

    À première vue, la réponse à la question « qui » est tautologique : il s’agit d’émanciper les étudiant·es — mais comme on va le voir, si l’on pose l’existence d’un cycle auto-amplificateur entre étudiant·es et enseignant·es, cela pose aussi la question de l’émancipation de l’ensemble des universitaires. Il importe de souligner que les étudiant·es ne sont pas forcément « la jeunesse », ni la jeunesse titulaire du baccalauréat. Quant à savoir de quoi il s’agit de les émanciper, la réponse est d’abord : du déterminisme par le milieu social, culturel et géographique d’origine [8]. Cela représente à la fois un enjeu démocratique et un enjeu social majeur.

    L’Université doit être librement et gratuitement accessible à toute personne détenant le baccalauréat à tout âge de la vie ; tout établissement universitaire doit proposer une voie d’accès, le cas échéant via une propédeutique, aux personnes ne détenant pas le baccalauréat mais désirant entamer des #études_supérieures ; l’#accès gratuit à l’Université et à son ouverture intellectuelle et culturelle ne doit pas être conditionné à l’inscription à un cursus diplômant.

    Ce programme impose la mise en œuvre parallèle d’une politique d’#autonomie_matérielle des étudiant·es. Nous souscrivons à l’essentiel des propositions formulées par le groupe Acides [9] en faveur d’un “#enseignement_supérieur_par_répartition”, c’est-à-dire d’un système socialisé d’#accès_aux_études, pour qu’elles soient menées dans les meilleures conditions de réussite. Nous proposons que l’#allocation_d’autonomie_étudiante soit versée de droit pour trois ans, prolongeables d’un an sur simple demande, à toute personne inscrite dans une formation diplômante de premier cycle, avec possibilité de la solliciter pour suivre une formation universitaire non-diplômante, mais aussi une formation de deuxième ou de troisième cycle. Pour ces deux derniers cycles, toutefois, ce système nous semble devoir coexister avec un dispositif de pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire dans les métiers d’intérêt général que la collectivité a vocation à prendre en charge : médecine et soins infirmiers, enseignement primaire et secondaire, recherche scientifique, aménagement du territoire et transition écologique…

    Pour une #géographie de l’#émancipation_universitaire

    Ces premiers éléments nécessitent de se pencher sur ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler “le #paysage_universitaire”. Il faut ici distinguer deux niveaux : un niveau proprement géographique, et un niveau sociologique qui conduit immanquablement à poser la question des différents cursus post-bac hors universités, et notamment des grandes écoles.

    Au plan géographique, il est nécessaire de s’extraire de la dichotomie mortifère entre des établissements-monstres tournés vers la compétition internationale et installés dans des métropoles congestionnées, et des universités dites “de proximité” : celles-ci, à leur corps défendant, n’ont pas d’autre fonction aux yeux des réformateurs que d’occuper une jeunesse assignée à résidence géographiquement, socialement et culturellement [10]. Le #maillage_territorial actuel est dense, du fait de l’héritage de la dernière vague de création d’#universités_de_proximité. Pour autant, il s’organise selon une structure pyramidale : l’héritage évoqué est en effet corrigé par une concentration des investissements au profit de quelques établissements hypertrophiés. A contrario, nous préconisons une organisation en réseau, dont les cellules de base seraient des établissements de taille moyenne, c’est-à-dire ne dépassant pas les 20.000 étudiants. Nous avons besoin d’universités à taille humaine, structurées en petites entités autonomes confédérées. Ces établissements doivent offrir aux étudiants des perspectives d’émancipation vis-à-vis du milieu d’origine et de la sclérose intellectuelle qui frappe le pays ; ils doivent permettre une recherche autonome, collégiale et favorisant le temps long.

    Pour cela, nous proposons un plan en deux temps. D’une part, un surcroît d’investissement doit être consenti vers des pôles de villes moyennes pour en faire, non des “universités de proximité” centrées sur le premier cycle, mais des établissements complets proposant également une activité scientifique de pointe et exerçant une attraction nationale, afin de décentrer le système universitaire actuellement structuré par l’opposition entre métropoles et hinterland. D’autre part, nous préconisons d’installer trois à cinq nouvelles universités dans des villes moyennes ou des petites villes, à bonne distance des métropoles, en prenant appui sur le patrimoine bâti abandonné par l’État et sur les biens sous-utilisés voire inoccupés appartenant aux collectivités. Certaines #villes_moyennes voire petites disposent en effet d’anciens tribunaux, de garnisons ou même des bâtiments ecclésiastiques qui tombent en déshérence. Notons qu’il ne s’agit pas seulement de les transformer en laboratoires et en amphithéâtres : au bas mot, notre pays a aussi besoin d’une centaine de milliers de places supplémentaires de cités universitaires à très brève échéance.

    L’#utilité_sociale de l’enseignement supérieur ne se réduit pas à “former la jeunesse” : cette nouvelle géographie ne saurait être pensée sur le mode du phalanstère coupé du monde. Au contraire, les #universités_expérimentales doivent être fondues dans la ville et dans la société. La refondation de l’Université s’accompagne donc d’un projet urbanistique. L’#architecture de l’université doit être pensée en sorte que les #campus soient des #quartiers de la ville, avec les services publics et privés nécessaires à une intégration vivante de ces quartiers dans le #territoire. Les lieux de vie universitaires doivent inclure des écoles maternelles, primaires et secondaires, des commerces, des librairies, des théâtres, des zones artisanales et des quartiers d’habitation pour celles et ceux qui feront vivre ces lieux. Les bibliothèques universitaires et les bibliothèques municipales des villes universitaires doivent être rapprochées, voire fusionnées.

    La question des #Grandes_Écoles

    Les politiques de différenciation entre établissements de recherche et de proximité croisent la problématique des grandes écoles, mais ne se confond pas avec elle : en atteste l’échec du projet de fusion de Polytechnique avec l’université d’Orsay-Saclay, ou la survivance d’une myriade d’écoles d’ingénieur·es et de commerce proposant des formations indigentes avec un taux d’employabilité équivalent à celui d’une licence d’une petite université de proximité. La refondation esquissée ici sera compromise tant que la question de la dualité Université / Grandes Écoles n’aura pas été réglée. On ne fera pas l’économie d’une instauration effective du monopole de l’Université sur la collation des grades. Cela implique une montée en puissance des #capacités_d’accueil, c’est-à-dire du nombre d’établissements, des moyens récurrents et des postes d’universitaires titulaires dans tous les corps de métier, de façon à pouvoir atteindre une jauge de 600.000 étudiant·es par promotion de premier cycle, 200.000 étudiant·es par promotion de deuxième cycle, 20.000 étudiant·es (rémunéré·es !) par promotion de troisième cycle, soit un total d’environ 2,4 millions d’étudiant·es. Précisons qu’il y avait en 2019-2020 1,6 millions d’étudiants à l’Université, 600.000 dans d’autres établissements publics, majoritairement des lycées (CPGE, BTS), et 560.000 dans le secteur privé. Le chiffre de 2.4 millions d’étudiants à l’Université correspond donc à une estimation basse des effectifs une fois le monopole universitaire sur la collation des grades rétabli.

    Dans le détail, l’application de ce programme signifie que les formations d’ingénieurs pourront et devront être assurées à l’Université, avec un pré-recrutement dans certains domaines, l’écologie notamment ; les sections de technicien supérieur (STS) seront soit rattachées aux instituts universitaires de technologie (IUT) existants, soit constituées en IUT. Pour ce qui est des écoles de commerce, on pourra se contenter de supprimer la reconnaissance de leurs diplômes dans les conventions collectives et les concours de la Fonction publique. L’Institut d’Études Politiques de Paris doit devenir une université de droit commun. Les IEP de Province et les antennes régionales de l’IEP Paris ont vocation à intégrer l’université la plus proche sous la forme d’une UFR de sciences politiques, tandis que la Fondation Nationale des Sciences Politiques doit être dissoute, et son patrimoine transféré, par exemple à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme [11].

    La question des #Écoles_Normales_Supérieures (#ENS), initialement pensées pour pré-recruter des enseignants et des chercheurs au service de l’Université, peut être résorbée par l’extension de ce pré-recrutement à travers le pays, le décentrage vis-à-vis de Paris et Lyon, la construction de cités étudiantes dotées de bibliothèques et la mise en place de formations expérimentales par la recherche interdisciplinaire. Les ENS seraient ainsi rendues caduques du fait de l’extension à l’Université du mode de fonctionnement qui était censé être le leur.

    Une fois privées de leur débouché de principe, on peut se demander quelle utilité resterait aux #classes_préparatoires : beaucoup fermeraient, mais certaines pourraient être maintenues pour aider au maillage territorial à un niveau de propédeutique, si l’on souhaite rétablir une sorte de trivium occupant les trois ou quatre premiers semestres, fonction que le DEUG assurait jadis. En tout état de cause, la licence elle-même ne pourra être obtenue qu’à l’Université.

    Que faire des #cursus ?

    Cela nous amène au problème de l’organisation des enseignements et des cursus, lequel nous impose de faire retour à la question initiale : émanciper qui, de quoi, comment et pour quoi faire ? Pour nous, l’existence de l’Université comme institution d’enseignement distincte du lycée se justifie par un lien spécifique entre la formation universitaire et la #recherche_scientifique. L’enseignement secondaire a pour fonction de transmettre des savoirs déjà stabilisés, ce qui n’est pas exclusif d’un aperçu de l’histoire complexe de cette consolidation, ni même des contradictions subsistant dans les corpus enseignés. La formation universitaire a ceci de spécifique qu’elle ne dissocie jamais totalement la production, la transmission et la critique des #savoirs. Par conséquent, seul le niveau propédeutique, encore essentiellement consacré à l’acquisition de bases communément admises d’une discipline, peut à la rigueur être dispensé hors Université, dans la mesure où il ne donne pas lieu à la collation d’un grade.

    Inversement, la licence (ou le titre qui pourrait lui succéder) impose un saut qualitatif avec une première confrontation aux réalités de la recherche scientifique, entendue comme pratique collégiale de la dispute argumentée, sur une problématique construite par la communauté au vu d’un état de la recherche. Aucune licence ne devrait pouvoir être accordée sans une première expérience en la matière, ne serait-ce qu’en position d’observation. Cette première expérience doit prendre des formes différentes selon les disciplines : stage d’observation en laboratoire, brève étude de terrain, traduction commentée… assortis de la rédaction d’un état de l’art. De ce fait, un #cursus_universitaire doit reposer sur un enseignement dispensé par des scientifiques ayant une activité de recherche. On peut penser qu’en-deçà de deux tiers du volume horaire d’enseignement assuré directement par des scientifiques titulaires, le caractère universitaire d’un cursus est remis en jeu. Reconnaître ce seuil aurait également le mérite de limiter réglementairement le recours aux #vacataires et contractuel·les, qui s’est généralisé, tout en laissant une marge suffisamment importante pour offrir aux doctorant·es qui le souhaitent une première expérience de l’enseignement, et en ménageant une place à des intervenant·es extérieur·es qualifié·es dont le point de vue peut être utile à la formation.

    S’agissant des formes d’#enseignement, nous ne croyons pas qu’il soit possible de s’abstraire dès le premier cycle d’une présentation argumentée et contradictoire de l’#état_de_l’art sur les grandes questions d’une discipline. Le #cours_magistral garde donc une pertinence, non comme instrument de passation d’un savoir déjà établi, mais comme outil de liaison entre transmission et critique des savoirs existants. La dimension expérimentale et créative de la formation doit toutefois monter en puissance au fur et à mesure que cette phase propédeutique initiale approche de son terme. De même, la forme du #séminaire_de_recherche doit avoir sa place dans le ou les derniers semestres de licence, et ce quel que soit le cursus.

    Nous ne nous inscrivons pas dans la distinction binaire entre cursus professionnalisants et non-professionnalisants. Cette question de la qualification nous paraît relever d’une pluralité de pratiques qui doit être réglée à l’échelle des disciplines et des mentions. Pour tenir les deux bouts, l’Université doit proposer un éventail de formations présentant des degrés divers d’imbrication avec la recherche finalisée et non-finalisée, des formes plurielles d’application, et des objectifs professionnels différents. Elle doit être conçue comme une grande maison rassemblant la diversité des formations supérieures ; à cet égard, elle ne doit pas reproduire l’opposition des trois baccalauréats (général, technologique et professionnel), ni leur hiérarchie.

    #Disciplines et #indiscipline

    La progression chronologique des cursus et leur cohérence académique ont une importance particulière. Nous persistons à penser que la connaissance scientifique a une dimension historique et cumulative, qui inclut aussi une part de contradictions. C’est ce qui fait l’importance de l’initiation à la notion d’état de la recherche. De ce fait, la temporalité des cursus doit être pensée en conformité avec une progression intellectuelle, pédagogique et scientifique, et non réduite à une combinaison de modules qu’il faudrait faire entrer au chausse-pied dans des maquettes obéissant à des contraintes essentiellement administratives. De là découlent plusieurs conséquences, qui s’appliquent aussi aux cursus interdisciplinaires et expérimentaux que nous appelons de nos vœux. Tout d’abord, les contraintes bureaucratiques ne doivent pas conduire à malmener la #temporalité_pédagogique des étudiant·es. Cela signifie en particulier que l’allocation d’autonomie étudiante en licence devra pouvoir être portée à quatre ans sur simple demande.

    Sur le plan de l’organisation de l’offre de cours, l’insistance sur la #progression_pédagogique et intellectuelle implique de définir quels enseignements fondamentaux doivent impérativement être validés pour permettre le succès dans les étapes ultérieures de la formation. Cela pose la question de la “compensation” des sous-disciplines entre elles : dans sa forme la plus radicale, ce dispositif permet notamment de passer à l’année supérieure si l’on obtient une moyenne générale supérieure à 10/20, sans considération des enseignements non-validés. Il ne nous semble pas pertinent d’abolir toute forme de compensation, car ce dispositif procède assez logiquement de l’idée qu’un cursus n’est pas une juxtaposition de certificats, mais représente l’agencement cohérent d’enseignements obéissant à une structure systématique. En revanche, nous pensons que pour chaque cursus, un bloc disciplinaire doit être dégagé, à l’échelle duquel un niveau minimal doit être atteint par l’étudiant·e pour être en situation de bénéficier des enseignements ultérieurs. Pour augmenter les chances de succès des étudiant·es après une première tentative infructueuse, les enseignements fondamentaux du premier cycle doivent être répétés à chaque semestre.

    On touche ici à un équilibre délicat : en effet, l’exigence d’une progression pédagogique cohérente, qui requiert un cadrage disciplinaire national, ne doit pas être mise au service d’une conception privilégiant la pure transmission au détriment de la production, de la critique et de la reconfiguration des savoirs et in fine des disciplines elles-mêmes. La discipline représente un stade socialement stabilisé de la pratique scientifique, mais elle émerge à partir d’un réseau social (au sens littéral du terme) de scientifiques, qui développent un jargon, des modèles de pensée, des revues, des conférences, dans une dialectique de l’évolution et de la conservation. Les maquettes de cursus et les instances d’élaboration du cadrage national doivent donc impérativement maintenir le caractère évolutif des disciplines, ainsi que la possibilité de leur hybridation, de leur scission ou de leur fusion.

    Si le contact avec la production et la critique des savoirs, au niveau licence, peut se réduire à une simple observation, il n’en va pas de même en master. Tout master, y compris ceux qui préparent à l’enseignement secondaire et ceux qui ouvrent le droit au titre d’ingénieur, doit inclure une part significative de séminaires de recherche et/ou de séjours en laboratoires et de terrains d’analyse. Considérant la définition que nous donnons de la recherche scientifique comme pratique argumentative contradictoire empiriquement étayée, reposant sur un état de l’art et faisant appel à un appareil probatoire objectivable, il nous semble que la mobilité des étudiants d’un établissement ou d’un laboratoire vers un autre doit être encouragée. Cela passerait par la mise en place de dispositifs d’accompagnement financier et logistique pour favoriser une pratique démocratique de la peregrinatio étudiante. En particulier, elle peut être systématisée dans les cursus donnant lieu à un pré-recrutement sous statut d’élève-fonctionnaire.

    Échapper à la Tour d’Ivoire

    La finalité sociale d’une refondation de l’enseignement supérieur ne doit pas se réduire à la formation initiale des corps mettant en œuvre l’accès aux droits fondamentaux (soin, santé environnementale, génie civil, justice, éducation…). Plus généralement, le rôle de l’Université excède la question de l’émancipation “des étudiant·es” au sens d’un groupe social à la recherche d’une formation précise ou d’une qualification. À la crise environnementale qui frappe la terre entière selon des modalités différentes s’ajoute en France une crise sociale et démocratique profonde. L’objectif de refondation de l’Université est une étape de la réponse politique à cette triple crise.

    Nous devons satisfaire trois exigences : la première est l’autonomie intellectuelle et matérielle maximale de la jeunesse ; la deuxième nécessité est la réévaluation de l’utilité sociale des savoirs et des qualifications, contre les hiérarchies actuelles : il s’agit d’aller vers une organisation où un·e bachelier·e professionnel·le maîtrisant les bonnes techniques agro-écologiques ne se verra plus placé.e socialement et scolairement en-dessous d’un·e trader·euse polytechnicien·ne, ni un·e professeur·e des écoles en-dessous d’un·e publicitaire. Le troisième objectif, par lequel nous souhaitons terminer cette contribution, est l’octroi d’une formation scientifique, technique et artistique de qualité pour le plus grand nombre, condition nécessaire à un traitement démocratique et contradictoire des grands problèmes scientifiques, techniques et écologiques du moment.

    Ce dernier point impose un double mouvement. L’imbrication de l’Université dans la ville doit également concerner les formations elles-mêmes. L’Université doit être sa propre “#université_populaire”, dispensant des enseignements ouverts à toutes et tous. Cela peut se faire pour partie sous la forme d’une #formation_continue gratuite ; l’argent actuellement versé au titre de la formation continue serait alors converti en cotisations patronales à l’enseignement supérieur “par répartition”. Mais au-delà des formations continues, l’Université doit continuer de proposer des formations scientifiques non diplômantes et des cours libres à destination des publics intéressés, et étoffer cette offre lorsqu’elle existe.

    Réinstituer une #communauté_universitaire

    Ce plan suppose une émancipation des universitaires, en particulier des corps enseignants, qui soit l’œuvre des universitaires eux-mêmes. Or après vingt années de fabrication managériale du consentement, le refus ou la difficulté de penser la science et ses modalités de production, de réception et de critique prévalent dans l’esprit d’un grand nombre d’enseignant·es-chercheur·euses. Répondre en détail à ce défi imposerait un retour sur les #politiques_de_recherche qu’il s’agit de reconstruire, et sur l’organisation collective de l’#autonomie_du_monde_savant, avec ses conditions budgétaires et statutaires notamment. Cette affirmation ne relève pas du mot d’ordre catégoriel mais de la nécessité intellectuelle : une recherche scientifique de qualité, participant du libre exercice de la #disputatio ou discussion argumentée et orientée vers la recherche de la vérité, demande des garanties matérielles contre toute tentative d’intimidation ou toute dépendance vis-à-vis de donneur·euses d’ordres, de financeur·euses extérieur·es ou tout·e collègue plus puissant·e et susceptible de prendre ombrage d’un travail. La #liberté_académique a ses conditions de réalisation, et la première est d’offrir aux universitaires un statut pérennisant leur indépendance [12].

    La #précarisation objective et subjective des emplois universitaires et scientifiques change la nature de leur métier, et par ricochet, l’essence même de la recherche, et des formations dispensées à l’Université. En droit, cette protection statutaire s’étend à tous les corps de métier vitaux à l’exercice des missions universitaires. Pour nous, les personnes concernées ne sont pas des “personnels des universités” : elles sont l’Université en tant que communauté de pratiques et de buts. Aujourd’hui, une sphère bureaucratico-managériale s’est constituée par accrétion d’une partie de ces corps de métier (au premier rang desquels certain·es enseignant·es-chercheur·euses). Cette sphère se trouve de fait dans une situation de sécession vis-à-vis du reste de l’Université. Ses prébendes reposent sur la dépossession pratique des agent·es qui constituent la sphère académique. Pour le dire autrement : la sphère gestionnaire des universités se construit sur la négation de l’idée d’Université, et la reconstruction de celle-ci passera nécessairement par le démantèlement de celle-là.

    Le réarmement rationaliste critique a des implications pour l’organisation même de l’Université, qui doit être intégralement revue dans le sens d’une gestion collégiale à échelle humaine, avec rotation des responsabilités, réduction maximale de la division du travail, reconnaissance de la valeur de tous les métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, protection contre les différentes formes de harcèlement et d’intimidation, qu’elles émanent de l’intérieur ou de l’extérieur de l’institution. Cette auto-administration au plus près du terrain doit être redoublée par des garanties nationales en termes de péréquation territoriale et disciplinaire et par la présence d’instances démocratiques de coordination en réseau, selon le principe d’équilibre territorial énoncé plus haut. Les prérogatives accaparées par les bureaucraties depuis vingt ans doivent être reprises démocratiquement, à la fois au sommet (au niveau du pilotage national), et au niveau de l’organisation du fonctionnement des établissements.

    Il y a quelques années, un dirigeant d’université parisienne déplorait que son établissement, alors occupé par des étudiants, soit devenu un “capharnaüm” avec “de la violence, de la drogue, du sexe même” — il y aurait beaucoup à dire sur la hiérarchie des maux que construit cette formule. Signalons simplement que l’Université promue par ces dirigeants est une maison qui rend fou, pleine de violence, de CAME et de souffrance. L’avenir démocratique du pays dépend en partie de notre capacité à leur opposer une vision de l’Université comme tiers-lieu plein de controverses argumentées, d’invention intellectuelle et de #plaisir.

    [1] L’objet de cette contribution n’est pas de récapituler la littérature abondante consacrée à la critique de l’existant ou à la documentation des réformes. Pour une synthèse informée, on se reportera notamment à l’ouvrage de Chr. Granger La destruction de l’Université française (La Fabrique, 2015). On lira également avec intérêt, pour ce qui est des questions de formation, L’Université n’est pas en crise de R. Bodin et S. Orange (Le Croquant, 2013) et La Société du concours d’A. Allouch (Le Seuil, 2017). Le séminaire « Politique des Sciences » et la revue Contretemps Web proposent également des suivis analytiques intéressants de la mécanique réformatrice sur la moyenne durée. Pour une critique des premières étapes du programme réformateur, on lira notamment les travaux de Chr. Charle et Ch. Soulié, comme Les ravages de la « modernisation » universitaire en Europe (Paris : Syllepse, 2007) et La dérégulation universitaire : La construction étatisée des « marchés » des études supérieures dans le monde (Paris : Syllepse, 2015).

    [2] Chr. Musselin, Le Marché des universitaires. France, Allemagne,États-Unis, Paris, Presses de Sciences Po, 2005 ; Chr. Musselin, La grande course des universités,Paris, Presse de Sciences Po, 2017.

    [3] Ph. Aghion, É. Cohen (avec É. Dubois et J. Vandenbussche). Éducation et croissance. Rapport du Conseil d’Analyse Économique, 2004. https://www.cae-eco.fr/Education-et-croissance.html

    [4] Il faudrait également analyser sur la durée la production de think tanks et de revues proches des milieux réformateurs. Citons par exemple plusieurs rapports de l’Institut Montaigne : J.-M. Schlenker, Université : pour une nouvelle ambition, avril 2015 ; G. Babinet & E. Husson (dir.), Enseignement supérieur et numérique : connectez-vous !, juin 2017 ; R. McInness (dir.), Enseignement supérieur et recherche : il est temps d’agir !, avril 2021. On pourra également prendre connaissance avec intérêt du dossier « Universités : vers quelle autonomie ? » paru dans Esprit en décembre 2007, sous la codirection d’Yves Lichtenberger, Emmanuel Macron et Marc-Olivier Padis.

    [5] On pourrait contester l’interprétation que Philippe Aghion, notamment, donne de Schumpeter, en objectant que les théories de celui-ci sont pensées pour l’innovation industrielle et prennent pour point de départ le profit lié au cycle de la marchandise. L’application de tels modèles à un capitalisme de crédit faisant une place importante à la dette étudiante représente une rupture par rapport au cadre initial de Schumpeter, rupture dont les tenants et aboutissants en terme d’économie politique gagneraient à être explicités par les économistes défendant de ce nouveau modèle.

    [6] O. Bouba-Olga et M. Grossetti, “La mythologie CAME (Compétitivité, Attractivité, Métropolisation, Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?”, 2018. hal-01724699v2

    [7] L. Boltanski et E. Chiapello, Le Nouvel Esprit du Capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

    [8] La réflexion politique de RogueESR étant articulée autour des notions d’autonomie et de liberté, nous employons de préférence le terme d’ »émancipation », à la fois pour sa dimension simultanément collective et individuelle, pour sa capacité à désigner l’autoritarisme réformateur comme adversaire central, et pour sa faculté à souligner qu’il ne s’agit pas d’offrir l’éducation à celles et ceux qui en sont privés, mais aussi de libérer celle-ci. Mais au moins pour ce qui est de son premier volet, ce programme d’émancipation rejoint la problématique de la « démocratisation » posée par le Groupe de Recherches pour la Démocratisation Scolaire.

    [9] D. Flacher, H. Harari-Kermadec, L. Moulin. “Régime par répartition dans l’enseignement supérieur : fondements théoriques et estimations empiriques », Économie et Institutions, 2018. DOI : 10.4000/ei.6233

    [10] Le projet de “collège de premier cycle” de l’université Paris-Saclay a montré que le même établissement peut parfois jouer tour à tour les deux rôles via des dispositifs de différenciation interne.

    [11] Assurément, ces changements, qui n’affecteront qu’une minorité d’étudiant·es, se heurteront à une résistance considérable compte tenu du rôle que les corps concernés jouent dans l’appareil d’Etat. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous récusons l’idée qu’une refondation de l’enseignement supérieur pourrait se faire sur la seule base de revendications catégorielles ou à plus forte raison strictement budgétaires : le concept d’Université, pour être réalisé, demande une articulation à un programme de ré-institution plus large de la société.

    [12] Cela implique un plan de rattrapage pour l’emploi titulaire, à destination des universitaires précaires qui assurent aujourd’hui des tâches fondamentales dans tous les corps de métiers. Dans la mesure où le chiffre de 15.000 postes parfois avancé est manifestement insuffisant puisqu’inférieur à ce que nécessiterait le simple maintien des taux d’encadrement tels qu’ils étaient en 2010, nous ne nous avancerons pas sur un chiffrage : celui-ci devra être réalisé a posteriori, sur la base d’un audit des besoins qui en définisse le plancher – et non le plafond. Pour un chiffrage des besoins, voir https://tinyurl.com/2jmfd5k9. Le collectif Université Ouverte a également publié des éléments de chiffrage : https://tinyurl.com/4uptvran

    https://mouvements.info/liberte-exigence-emancipation-reinstituer-luniversite

  • L’écran de la Samaritaine Didier Rykner
    https://www.latribunedelart.com/l-ecran-de-la-samaritaine

    La Tribune de l’Art avait combattu le projet de la Samaritaine, mené par LVMH avec le soutien de la Ville de Paris et du Ministère de la Culture ( https://www.latribunedelart.com/paris-samaritaine ). Détruire un ensemble de maisons anciennes des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles au cœur de Paris nous faisait revenir au vandalisme des années 1960. La décision du Conseil d’État validant cette opération en désavouant le tribunal administratif était un parfait scandale. Mais on ne lutte pas contre Bernard Arnault, surtout quand celui-ci bénéficie de tous les soutiens politiques, de la droite à la gauche, en passant par une grande partie de la presse ( https://www.latribunedelart.com/la-samaritaine-lvmh-et-la-presse-l-eternel-retour ).


    8. La vue panoramique sur écran depuis la Samaritaine : un écran filmant la Seine... - Photo : Didier Rykner

    Le bâtiment construit par SANAA, nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire ( https://www.latribunedelart.com/samaritaine-la-victoire-de-bernard-arnault-la-defaite-du-patrimoine ), est d’une grande médiocrité, et en rupture totale avec son environnement. Contrairement au procès d’intention que nous font certains, nous ne sommes évidemment pas hostile à l’architecture contemporaine. Il y a d’excellents architectes comme Tadao Andō ou Rudy Ricciotti [1], des architectes capables du meilleur comme du pire, tel Jean Nouvel. Mais il y a aussi des architectes que nous préférons ne pas qualifier, comme Yves Lion, Dominique Perrault ou encore Bruno Gaudin.

    Il paraît que SANAA est un grand cabinet d’architectes. Le Louvre Lens n’en témoigne pas vraiment, même si l’on peut trouver pire. L’édifice qu’ils viennent de construire pour la Samaritaine n’est pas seulement médiocre extérieurement (ill. 1), il l’est aussi à l’intérieur (ill. 2 et 3). Ce n’est même pas médiocre, ce n’est rien. On pourrait se trouver dans un centre commercial de Tokyo ou de Dubaï, il n’y aurait aucune différence. Voilà pourquoi on a détruit un îlot du Paris historique !


    Intérieur du nouveau bâtiment de la Samaritaine - Architectes : SANAA - Photo : Didier Rykner

    La restauration elle-même des bâtiments Art nouveau et Art déco de la Samaritaine nous semble plutôt réussie (ill. 4 à 6), même s’il faudrait sans doute l’étudier plus soigneusement. L’architecte qui en est le maître d’œuvre est un de nos bons architectes en chef, Jean-François Lagneau. Nous l’avons contacté sur un point qui nous inquiétait : à l’origine, le bâtiment d’Henri Sauvage était construit avec des dalles Saint-Gobain en verre qui faisaient office de planchers à tous les niveaux, et qui donnaient à l’ensemble une luminosité et une transparence exceptionnelles. Cet aspect a complètement disparu et Jean-François Lagneau nous a indiqué que ce n’était pas faute d’avoir cherché une solution qui puisse correspondre aux normes de sécurité actuelles. Or, il semble impossible d’installer des planchers en verre qui ne s’écrouleraient pas au moindre incendie. Dont acte, même si cela est bien triste.


    Un des grands halls de la Samaritaine après restauration - Photo : Didier Rykner

    Nous nous interrogions sur deux autres points. D’abord, les lettres formant le mot « Samaritaine », qui datent de l’origine et font partie de la façade classée, n’ont pas encore été remplacées (ill. 6 et 7) et l’on pouvait s’inquiéter d’y voir à la place apparaître les mots « Cheval Blanc », nom de la chaîne d’hôtels de luxe qui s’y est installée. C’était en tout cas le souhait de LVMH. Heureusement, la DRAC Île-de-France nous a confirmé qu’elle tient à sa repose après restauration. Espérons que ce sera le cas.


    Façade de la Samaritaine d’Henri Sauvage (état actuel, sans le nom sur la façade) - Photo : Didier Rykner

    Le second point concernait des appliques Art déco de part et d’autre de la porte d’entrée du magasin, qui n’existent plus. Il s’avère qu’il s’agissait en réalité d’œuvres récentes, datant des années 1980, d’un designer américain, Hilton McConnico. Celui-ci avait créé deux pastiches fort réussis, qui furent vendus chez Lucien à Paris https://www.lucienparis.com/lot/6580/1482598?offset=170& le 14 juin 2010. Si l’on peut regretter que ces deux éléments, qui d’une certaine façon faisaient partie de l’histoire du bâtiment, aient été supprimés, on ne peut décemment crier au scandale. La commande était celle de l’ancien restaurant Toupary qui occupait la terrasse au dernier étage.


    8. La vue panoramique depuis la Samaritaine : un écran filmant la Seine... - Photo : Didier Rykner

    Rappelons qu’Anne Hidalgo célébrait ce projet https://twitter.com/Anne_Hidalgo/status/2518629569 en soulignant qu’il « servait au mieux la mixité sociale » sous prétexte qu’une crèche de 80 places devait être créée. Pas de chance : pour l’instant, aucune place de crèche n’existe encore ( https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-la-creche-de-la-samaritaine-n-a-aucun-enfant-pour-ses-80-berceaux-0 ), et cela n’en prend pas le chemin, le Ier arrondissement n’étant pas « une zone prioritaire » . Mieux encore : désormais, seuls les clients de l’hôtel de luxe qui s’est installé derrière la façade sur la Seine pourront jouir de la vue magnifique qui autrefois était accessible à tous. Les simples parisiens pourront monter à l’étage sous les toits et s’asseoir pour regarder un écran géant montrant en direct la Seine qu’ils ne peuvent plus admirer de la terrasse (ill. 8). La mixité sociale, pour Anne Hidalgo, c’est mettre ses administrés devant un écran filmant la Seine. Peut-on imaginer un tel mépris ?

    #anne_hidalgo #bourgeoisie #mépris #Grand_Paris #urbanisme #métropole #métropolisation #france #logement #hidalgo #ps #ville_de_paris #mixité_sociale #ségrégation #luxe #vandalisme #Art_nouveau #Art_déco #ecrans

  • Les impensés de la métropolisation : le cas des #Hauts-de-France
    https://metropolitiques.eu/Les-impenses-de-la-metropolisation-le-cas-des-Hauts-de-France.html

    Loin de se réduire à une opposition binaire entre pôles métropolitains attractifs et périphéries reléguées, le portrait social des Hauts-de-France brossé par Jessie Lerousseau révèle une grande diversité de modèles de #développement infra-régionaux. En 2010, en créant le statut de #métropole, la réforme des collectivités territoriales a amorcé un mouvement institutionnel qui a changé la donne de la politique de l’aménagement du territoire. Désormais, toute intercommunalité formée de plus de 500 000 habitants et #Terrains

    / métropole, #région, #inégalités, développement, Hauts-de-France, #Picardie, #Nord–Pas-de-Calais, (...)

    #métropolisation
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_lerousseau.pdf

  • La #métropolisation de la France, un danger pour la République
    https://lvsl.fr/les-metropoles-et-la-metropolisation-de-la-france-sont-un-danger-pour-la-republ

    La métropolisation est une tendance lourde de nos sociétés. Né aux États-Unis, ce phénomène de concentration de la production de richesses dans de très grandes agglomérations a gagné la France au cours des dernières décennies et l’a profondément transformée. La métropolisation a conduit à une éviction des classes moyennes et populaires des métropoles, renvoyées dans une France périphérique appauvrie. La crise des Gilets jaunes a mis en lumière les dommages démocratiques de cette partition sociale et territoriale. C’est la thèse de Pierre Vermeren, professeur d’histoire contemporaine à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui vient de publier dans la collection Le Débat chez Gallimard L’impasse de la métropolisation. L’historien souligne que la conquête électorale des métropoles par l’écologisme politique paraît relever davantage d’un réflexe de fermeture sur soi que d’une prise en compte du problème posé.

  • Concevoir un imaginaire métropolitain autre pour penser la coopération territoriale
    https://metropolitiques.eu/Revisiter-l-imaginaire-metropolitain-pour-penser-la-cooperation-loca

    Un imaginaire métropolitain dessinant un destin commun est-il concevable ? Cynthia Ghorra-Gobin interroge celui des responsables politiques et des médias pour saisir les enjeux de la #coopération entre la #métropole et les petites villes qui l’entourent. Dans notre contexte national, la métropole a été conçue comme le territoire de l’économie alors qu’il en est parfois autrement ailleurs, comme aux États-Unis. En s’inspirant de l’anthropologie – qui à la suite des travaux de Maurice Godelier indique que #Essais

    / #Lyon, métropole, #métropolisation, #Minneapolis, coopération

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_cgg.pdf

  • Faire et défaire la #métropolisation

    Comment la #financiarisation a transformé les projets de #renouvellement_urbain du #Grand_Paris et du #Grand_Lyon

    Quelles sont les conséquences matérielles et politiques de la financiarisation de l’immobilier d’entreprise ? À travers l’analyse de #grands_projets de renouvellement urbain, Antoine Guironnet montre que les collectivités doivent désormais s’adapter aux attentes des gestionnaires d’actifs, dont les interventions remettent parfois en cause les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle.

    À partir du milieu des années 1990, en France, les marchés immobiliers connaissent d’importantes transformations capitalistiques qui aboutissent à leur financiarisation (Nappi-Choulet 2013 ; sur les infrastructures, voir Cremieux 1999). Ce processus bouleverse l’ampleur et la forme de la circulation des capitaux sur ces marchés. Il se traduit d’abord par une croissance inédite des capitaux placés dans l’immobilier locatif, en particulier non résidentiel (bureaux, commerces, plateformes logistiques). Ce processus se matérialise aussi par le développement d’une industrie de la gestion d’actifs immobiliers rassemblant des intermédiaires financiers

    chargés de rémunérer ces capitaux pour le compte de leurs clients institutionnels (sociétés d’assurances, mutuelles, fonds de pension, fonds souverains, etc.) et particuliers. Ces gérants d’actifs mobilisent des stratégies et des techniques de la finance de marché dans l’objectif d’optimiser la rentabilité et la liquidité de leurs placements, dont ils évaluent les risques et les bénéfices par rapport à d’autres produits immobiliers, mais aussi financiers.

    Désormais, les collectivités qui s’engagent dans l’aménagement urbain font donc face à une industrie de l’immobilier d’entreprise financiarisée. La comparaison de deux grands projets dans les premières couronnes des métropoles parisiennes et lyonnaises, les Docks de Saint-Ouen et le Carré de Soie à Villeurbanne et Vaulx-en-Velin (figures 1 et 2), permet d’en comprendre les conséquences sur la gouvernance et la matérialité des transformations urbaines

    . Dans ces territoires historiquement industriels, il s’agit d’accueillir de nouvelles activités et populations participant de leur métropolisation. La maîtrise publique de ces opérations y est cependant contrainte compte tenu de l’acquisition directe du foncier par quelques promoteurs (limitée à certains secteurs opérationnels). Ces projets, qui débutent au début des années 2000, s’inscrivent également dans une conjoncture immobilière marquée par l’afflux de capitaux sur les marchés immobiliers, et ce en dépit de la crise financière de 2007-2008 qui marque tout au plus une parenthèse.

    Au-delà de ces similarités territoriales, foncières et immobilières, ces deux projets relèvent de politiques différentes. D’un côté, la municipalité de Saint-Ouen, communiste jusqu’en 2014, souhaitait reconvertir un quartier à dominante industrielle et énergétique tout en conservant une mixité sociale et fonctionnelle, notamment du point de vue de la diversité des activités économiques. De l’autre, le Grand Lyon, dont le maire-président, Gérard Collomb, adopte dès son premier mandat (2001-2008) une ligne entrepreneuriale avec pour objectif d’intégrer le « top 15 » des métropoles européennes aux côtés de Barcelone et Francfort, moyennant l’attraction d’entreprises notamment. Or malgré ces différences politiques, le financement de l’immobilier tertiaire par les gérants d’actifs s’est accompagné d’effets socio-spatiaux remarquablement similaires. Cependant, les rapports de pouvoir entre collectivités et acteurs immobiliers conduisant à une forme sélective de renouvellement urbain varient d’un projet à l’autre du point de vue de leur conflictualité et de leur échelle.

    Le calibrage des projets en fonction des critères sélectifs des gérants d’actifs

    La comparaison des premières phases opérationnelles des deux projets fait apparaître, pour ce qui est de l’immobilier tertiaire, des similarités notables. Les immeubles de bureaux sont concentrés à proximité des transports en commun : le long d’une « rue tertiaire » dans les Docks ; autour du pôle multimodal de transport au Carré de Soie. Leurs caractéristiques constructives et architecturales sont standardisées : organisation en plots divisibles, hauteur sous plafond et profondeur de plateau calibrées, certification ou labellisation environnementale
    . De même, les locataires sont presque exclusivement des grandes entreprises capables de louer de vastes surfaces sur le long terme, le plus souvent dans le cadre d’une relocalisation au sein de l’agglomération, ou même de la commune

    .

    Ce renouvellement urbain sélectif a des effets sur l’aménagement des nouveaux quartiers. La concentration spatiale d’immeubles de bureaux monofonctionnels va à rebours des objectifs de mixité fonctionnelle. Au Carré de Soie, alors que le périmètre du projet concerne un vaste territoire de 500 hectares, l’immobilier de bureau est concentré dans un rayon d’une centaine de mètres autour du pôle multimodal. Associée à la standardisation des immeubles de bureau, cette polarisation conditionne en outre la préservation du patrimoine local. En effet, la réhabilitation des bâtiments industriels au titre de la mémoire ouvrière (halle Alstom à Saint-Ouen, usine TASE à Vaulx-en-Velin) a été contrainte par la capacité des promoteurs à pouvoir y recréer, derrière les façades industrielles, des plots de bureaux standardisés et à y installer préalablement des locataires présentant des garanties financières ou une réputation au sein de l’industrie immobilière.

    Cette sélectivité correspond aux attentes des gérants d’actifs immobiliers qui privilégient, ici dans le cadre de politiques d’investissement au niveau de risque-rendement perçu comme modéré

    , certaines formes urbaines et types d’occupation reflétant leurs « conventions d’investissement », c’est-à-dire de constructions sociales partagées et situées (Guironnet 2017, p. 58). Cependant, bien que leurs critères conditionnent les projets menés par les collectivités, leurs interactions avec les élus et services de l’urbanisme et du développement économique sont rares. D’autres acteurs immobiliers diffusent et imposent leurs critères selon une division du travail bien établie. Les sociétés de conseil en immobilier (BNP Paribas Real Estate, CBRE, Cushman & Wakefield, JLL, etc.) se chargent d’accompagner les transactions, de produire des données sur les marchés immobiliers locaux (souvent mobilisées dans la programmation des projets) et, parfois, d’évaluer les projets à la lumière des conventions d’investissement. Leurs interactions avec les collectivités sont secondaires en regard de celles des promoteurs, qui se font les porte-parole des gérants d’actifs immobiliers.

    Dans la mesure où les grandes et moyennes entreprises se désengagent de l’immobilier en préférant la location de surfaces à l’achat, les gérants d’actifs sont devenus en l’espace d’une quinzaine d’années la principale clientèle des grands promoteurs d’immobilier tertiaire qui diffusent leurs conventions

    . Cette discipline marchande se traduit par l’anticipation par les promoteurs des attentes de leur clientèle d’investisseurs, lesquels n’hésitent pas, le cas échéant, à user de leur position d’acheteur pour faire adapter certains programmes. Du fait de la mobilité professionnelle au sein du secteur de l’immobilier tertiaire, plusieurs promoteurs ont en outre déjà exercé comme gérants d’actifs ou dans des entreprises qui leur fournissent des services, comme les conseils immobiliers. Enfin, plus ponctuellement, certains d’entre eux mobilisent des techniques (montage en cession-bail) ou développent des activités propres à l’investissement (portage par des filiales foncières).
    Des rapports de pouvoir à géométrie variable, mais favorables aux gérants d’actifs

    Dans les deux cas, les relations entre collectivités et gérants d’actifs sont donc médiatisées par les conseils en immobilier et surtout les promoteurs. Pour autant, la conflictualité ainsi que l’échelle de ces relations diffèrent, aboutissant à des formes de gouvernance urbaine spécifiques.

    À Saint-Ouen, les négociations ont été nombreuses entre les promoteurs et la municipalité, épaulée par la société d’économie mixte d’aménagement du département (Séquano). Les principes de mélange des fonctions définis par l’urbaniste de la ZAC et soutenus par les élus municipaux se sont heurtés au projet de Nexity. Fort de l’acquisition de terrains sur une surface importante dès 2004, ce groupe immobilier a fini par avoir gain de cause pour regrouper l’immobilier tertiaire le long d’une rue dédiée. De même, le projet initial de mutualisation des parkings entre bureaux, logements et commerces afin de réduire l’usage de la voiture a été modifié. Certains promoteurs ont pu maintenir des parkings privatifs pour les employés des bureaux, au motif que les immeubles seraient dans le cas contraire moins attractifs pour les entreprises, et donc in fine pour les gérants d’actifs faute de loyers.

    Dans un contexte institutionnel fragmenté favorisant la compétition entre communes de la métropole parisienne

    , la municipalité a fini par amender son projet au profit des acteurs de l’immobilier financiarisé. La priorité accordée au logement a conduit la municipalité à reculer sur l’immobilier de bureau afin de préserver ses objectifs. Les besoins de financement du bilan d’aménagement ont également pesé dans la balance, d’autant plus que la politique de logement (plafonnement des prix de vente, construction de 40 % de logements sociaux) créait un manque à gagner en termes de recettes dégagées par la vente de droits à construire aux promoteurs et que les coûts de recyclage du foncier industriel étaient élevés.

    Au Carré de Soie, c’est le consensus entre le Grand Lyon et les promoteurs immobiliers qui a présidé à la définition du projet puis à sa mise en œuvre. Ce consensus portait sur la réalisation d’un pôle tertiaire secondaire accueillant, autour de la gare multimodale, une « masse critique » de 100 000 à 150 000 mètres carrés à destination de grandes entreprises. Cette programmation a été portée par les services de développement économique du Grand Lyon, s’appuyant sur l’agenda de l’exécutif pour mieux enrôler les urbanistes du projet. Elle s’inscrit dans un processus plus général de conversion d’une partie de ces services aux conventions d’investissement dans le cadre d’une politique d’offre immobilière destinée à rendre « visible » et « lisible » l’agglomération aux yeux des investisseurs (voir Guironnet 2016). Cette politique passe par la relance de l’observatoire régional de l’immobilier d’entreprise afin d’améliorer la « transparence » du marché lyonnais. Elle se traduit aussi par la création d’une équipe de techniciens familiers des tendances et standards du marché de l’immobilier tertiaire financiarisé, notamment du fait de leur fréquentation assidue des salons immobiliers comme le Marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM). À partir de 2011, ces agents mettent en place une « stratégie tertiaire » qui flèche l’aménagement de la métropole lyonnaise vers quelques sites économiques prioritaires hiérarchisés et spécialisés (dont le Carré de Soie). Couplée avec un phasage de la construction dans le temps, cette polarisation a vocation à produire une offre immobilière attractive pour les gérants d’actifs, en contenant le risque d’emballement du marché, donc en garantissant une rémunération régulière de leur capital.

    La métropole lyonnaise se caractérise ainsi par l’établissement d’une « coalition de croissance » (Logan et Molotch 1987) financiarisée associant d’une part l’exécutif et les services de développement économique du Grand Lyon, d’autre part les conseils et promoteurs immobiliers locaux. Du fait de l’intégration intercommunale établie depuis plusieurs décennies et de l’agenda entrepreneurial poursuivi par l’exécutif, cette coalition est structurée à l’échelle métropolitaine. Cette organisation des rapports de pouvoir est cependant mise au service d’orientations politiques qui ne visent pas à contraindre les gérants d’actifs et leurs intermédiaires, mais à en faire des partenaires d’un développement territorial alors sélectif.
    Les fronts pionniers de la financiarisation en ville

    La comparaison des projets des Docks de Saint-Ouen et du Carré de Soie à Villeurbanne et Vaulx-en-Velin montre en définitive deux combinaisons locales favorables à la financiarisation de la production urbaine, et ce malgré des différences politiques. Cela se traduit par un calibrage sélectif de l’urbanisme et du développement économique par les gérants d’actifs, approfondissant certaines tendances comme la standardisation ou la polarisation spatiale. Ainsi, ces acteurs pèsent sur les termes du renouvellement urbain dans les territoires métropolitains qu’ils plébiscitent. Or, compte tenu du contexte d’austérité budgétaire, leur pouvoir est susceptible de s’étendre à de nouveaux territoires et populations, comme l’aménagement foncier (Thibault 2017) ou le logement intermédiaire (Bigorgne 2017). Cette « colonisation » (Chiapello 2017) de fronts pionniers prend alors également de nouvelles formes : dans le cas du logement intermédiaire, la puissance publique mobilise elle-même des capitaux et des instruments de la finance qu’elle internalise au sein d’organisations dédiées pour mener des politiques publiques, augurant de leur financiarisation émergente. Il en va du renforcement de l’emprise des logiques actionnariales sur de nouveaux territoires, et des mécanismes d’arbitrage entre les bénéficiaires des politiques publiques.

    https://metropolitiques.eu/Comment-la-financiarisation-a-transforme-les-projets-de-renouvelleme
    #Paris #Lyon #géographie_urbaine #urbanisme #matérialité

  • Vers un #tournant_rural en #France ?

    En France, la seconde moitié du XXe siècle marque une accélération : c’est durant cette période que la population urbaine progresse le plus fortement pour devenir bien plus importante que la population rurale. À l’équilibre jusqu’à l’après-guerre, la part des urbains explose durant les « trente glorieuses » (1945-1973).

    Dans les analyses de l’occupation humaine du territoire national, l’#exode_rural – ce phénomène qui désigne l’abandon des campagnes au profit des centres urbains – a marqué l’histoire de France et de ses territoires. En témoigne nombre de récits et d’études, à l’image des travaux de Pierre Merlin dans les années 1970 et, plus proches de nous, ceux de Bertrand Hervieu.

    Ce long déclin des campagnes est documenté, pointé, par moment combattu. Mais depuis 1975, et surtout après 1990, des phénomènes migratoires nouveaux marquent un renversement. Le #rural redevient accueillant. La #périurbanisation, puis la #rurbanisation ont enclenché le processus.

    La période actuelle marquée par un contexte sanitaire inédit questionne encore plus largement. N’assisterait-on pas à un #renversement_spatial ? La crise en cours semble en tous cas accélérer le phénomène et faire émerger une « #transition_rurale ».

    Si cette hypothèse peut être débattue au niveau démographique, politique, économique et culturel, elle nous pousse surtout à faire émerger un nouveau référentiel d’analyse, non plus pensé depuis l’#urbanité, mais depuis la #ruralité.


    https://twitter.com/afpfr/status/1078546339133353989

    De l’exode rural…

    Dans la mythologie moderne française, l’exode rural a une place reconnue. Les #campagnes, qui accueillent jusque dans les années 1930 une majorité de Français, apparaissent comme le réservoir de main-d’œuvre dont l’industrie, majoritairement présente dans les villes a alors cruellement besoin. Il faut ainsi se rappeler qu’à cette époque, la pluriactivité est répandue et que les manufactures ne font pas toujours le plein à l’heure de l’embauche en période de travaux dans les champs.

    Il faudra attendre l’après-Seconde Guerre mondiale, alors que le mouvement se généralise, pour que la sociologie rurale s’en empare et prenne la mesure sociale des conséquences, jusqu’à proclamer, en 1967 avec #Henri_Mendras, « la #fin_des_paysans ».

    L’#urbanisation constitue le pendant de ce phénomène et structure depuis la géographie nationale. Dans ce contexte, la concentration des populations à l’œuvre avait déjà alerté, comme en témoigne le retentissement de l’ouvrage de Jean‑François Gravier Paris et le désert français (1947). Quelques années plus tard, une politique d’#aménagement_du_territoire redistributive sera impulsée ; elle propose une #délocalisation volontaire des emplois de l’#Ile-de-France vers la « #province », mais sans véritablement peser sur l’avenir des campagnes. Le temps était alors surtout aux métropoles d’équilibre et aux grands aménagements (ville nouvelle – TGV – création portuaire).

    https://www.youtube.com/watch?v=JEC0rgDjpeE&feature=emb_logo

    Pour la France des campagnes, l’exode rural se traduisit par un déplacement massif de population, mais aussi, et surtout, par une perte d’#identité_culturelle et une remise en cause de ses fondements et de ses #valeurs.

    Le virage de la #modernité, avec sa recherche de rationalité, de productivité et d’efficacité, ne fut pas négocié de la même manière. Les campagnes reculées, où se pratique une agriculture peu mécanisable, subirent de plein fouet le « progrès » ; tandis que d’autres milieux agricoles du centre et de l’ouest de la France s’en tirèrent mieux. L’#exploitant_agricole remplace désormais le #paysan ; des industries de transformation, notamment agroalimentaires, émergent. Mais globalement, le rural quitta sa dominante agricole et avec elle ses spécificités. La campagne, c’était la ville en moins bien.

    Ce référentiel, subi par les populations « restantes », structurait la #vision_nationale et avec elle les logiques d’action de l’État. Cette histoire se poursuivit, comme en témoignent les politiques actuelles de soutien à la #métropolisation, heureusement questionnées par quelques-uns.

    … à l’exode urbain !

    Le recensement de 1975 marque un basculement. Pour la première fois, la population rurale se stabilise et des migrations de la ville vers ses #périphéries sont à l’œuvre.

    Le mouvement qualifié de « périurbanisation » puis de « rurbanisation » marquait une continuité, toujours relative et fixée par rapport à la ville. La « périurbanisation » exprimait les migrations en périphéries, un desserrement urbain. La « rurbanisation », la généralisation du mode de vie urbain, même loin d’elle. Le processus n’est pas homogène et il explique pour une grande part la #fragmentation contemporaine de l’#espace_rural en y conférant des fonctions résidentielles ou récréatives, sur fond d’emplois agricoles devenus minoritaires. Ainsi, la banlieue lyonnaise, l’arrière-pays vauclusien et la campagne picarde offrent différents visages de la ruralité contemporaine.

    Parallèlement, dans les territoires les plus délaissés (en Ardèche, dans l’Ariège, dans les Alpes-de-Haute-Provence par exemple), un « #retour_à_la_terre » s’opère. Si le grand public connaît ces nouveaux résidents sous l’appellation de « #néo-ruraux », des moments successifs peuvent être distingués.

    La chercheuse Catherine Rouvière s’intéressa à ce phénomène en Ardèche ; elle le décrypte en 5 moments.

    Les premiers, avec les « #hippies » (1969-1973), marquèrent culturellement le mouvement, mais peu l’espace, à l’inverse des « néo-ruraux proprement dits » (1975-1985) qui réussirent plus largement leur installation. Plus tard, les « #travailleurs_à_la_campagne » (1985-1995) furent les premiers à faire le choix d’exercer leur métier ailleurs qu’en ville. Enfin, les politiques néolibérales engagèrent dans ce mouvement les « personnes fragiles fuyant la ville » (1995-2005) et mirent en action les « #altermondialistes » (2005-2010). Le départ de la ville est donc ancien.

    https://www.youtube.com/watch?v=NcOiHbvsoA0&feature=emb_logo

    Jean‑Paul Guérin, voit déjà en 1983 dans ce phénomène d’exode urbain une opportunité pour les territoires déshérités de retrouver une élite. Ce qu’on qualifie aujourd’hui d’émigration massive avait ainsi été repéré depuis près de 30 ans, même si l’Insee l’a toujours méthodiquement minoré.

    Vers une transition rurale ?

    Présenter ainsi l’histoire contemporaine des migrations françaises de manière symétrique et binaire est pourtant trompeur.

    Tout comme l’exode rural est à nuancer, l’exode urbain engagé il y a des décennies mérite de l’être aussi. Les relations ville-campagne sont bien connues, la ruralité se décline dorénavant au pluriel et de nouveaux équilibres sont souvent recherchés. Malgré cela, la période actuelle nous oblige à poser un regard différent sur cette histoire géographique au long cours. La crise de la #Covid-19 marque une accélération des mouvements.

    Aujourd’hui, quelques auteurs s’interrogent et proposent des ajustements. En appelant à une Plouc Pride, une marche des fiertés des campagnes, Valérie Jousseaume nous invite ainsi collectivement à nous questionner sur la nouvelle place de la ruralité.

    https://www.youtube.com/watch?v=agAuOcgcOUQ&feature=emb_logo

    Et si, au fond, cette tendance témoignait d’un basculement, d’une transition, d’un tournant rural, démographique, mais aussi et surtout culturel ?

    La période rend en effet visible « des #exilés_de_l’urbain » qui s’inscrivent clairement dans un autre référentiel de valeurs, dans la continuité de ce qui fut appelé les migrations d’agrément. Celles-ci, repérées initialement en Amérique du Nord dans les années 1980 puis en France dans les années 2000, fonctionnent sur une logique de rapprochement des individus à leurs lieux de loisirs et non plus de travail.

    L’enjeu pour ces personnes consiste à renoncer à la ville et non plus de continuer à en dépendre. Dans la ruralité, de nombreux territoires conscients de ce changement tentent de s’affirmer, comme la Bretagne ou le Pays basque.

    Pourtant ils versent souvent, à l’image des métropoles, dans les politiques classiques de #compétitivité et d’#attractivité (#marketing_territorial, politique culturelle, territoire écologique, créatif, innovant visant à attirer entrepreneurs urbains et classes supérieures) et peu s’autorisent des politiques non conventionnelles. Ce phénomène mimétique nous semble d’autant plus risqué que dès 1978, Michel Marié et Jean Viard nous alertaient en affirmant que « les villes n’ont pas les concepts qu’il faut pour penser le monde rural ». Mais alors, comment penser depuis la ruralité ?

    https://www.youtube.com/watch?v=YOEyqkK2hTQ&feature=emb_logo

    Il s’agit d’ouvrir un autre référentiel qui pourrait à son tour servir à relire les dynamiques contemporaines. Le référentiel urbain moderne a construit un monde essentiellement social, prédictif et rangé. Ses formes spatiales correspondent à des zonages, des voies de circulation rapides et de l’empilement. Ici, l’#artificialité se conjugue avec la #densité.

    Le rural accueille, en coprésence, une diversité de réalités. Ainsi, la #naturalité se vit dans la #proximité. Ce phénomène n’est pas exclusif aux territoires peu denses, la naturalisation des villes est d’ailleurs largement engagée. Mais l’enjeu de l’intégration de nouveaux habitants dans le rural est d’autant plus fort, qu’en plus de toucher la vie des communautés locales, il se doit de concerner ici plus encore qu’ailleurs les milieux écologiques.

    Le trait n’est plus alors celui qui sépare (la #frontière), mais devient celui qui fait #lien (la #connexion). La carte, objet du géographe, doit aussi s’adapter à ce nouvel horizon. Et la période qui s’ouvre accélère tous ces questionnements !

    L’histoire de la civilisation humaine est née dans les campagnes, premiers lieux défrichés pour faire exister le monde. La ville n’est venue que plus tard. Son efficacité a par contre repoussé la limite jusqu’à dissoudre la campagne prise entre urbanité diffuse et espace naturel. Mais face aux changements en cours, à un nouvel âge de la #dispersion, la question qui se pose apparaît de plus en plus : pour quoi a-t-on encore besoin des villes ?

    https://theconversation.com/vers-un-tournant-rural-en-france-151490
    #villes #campagne #démographie #coronavirus #pandémie

    –—

    ajouté à la métaliste « #géographie (et notamment #géographie_politique) et #coronavirus » :
    https://seenthis.net/messages/852722

  • Décentraliser n’est pas démocratiser - regards.fr
    http://www.regards.fr/politique/article/decentraliser-n-est-pas-democratiser

    C’est un faux débat par excellence. La ville est devenue le territoire par excellence de l’organisation sociale, et la métropolisation est le pivot de son expansion. Dès lors, revient sur le devant de la scène ce sempiternel débat sur l’obsolescence de l’État national. Si l’État désigne la puissance publique, il ne relève pas d’un seul territoire. La commune ne fait pas moins partie de la sphère étatique que le département, la région, la nation ou les institutions continentales. La question traditionnelle est de savoir comment fonctionne le grand « tout » de l’État : de façon centralisée ou décentralisée. Dans les dernières décennies, la réponse s’est portée vers la seconde hypothèse, ce que l’on peut tenir pour un progrès.

    #décentralisation #urban_matter #planification_urbaine #ville

    • La « participation citoyenne » est le nouveau pont-aux-ânes du gauchisme culturel propre à la petite bourgeoisie intellectuelle qu’incarne parfaitement Regards entre autres. Ces incantations sans lendemain achoppent toujours sur la réalité des processus décisionnels qui associent les opérateurs privés dominants, l’Etat, le politique, et l’immense armée de réserve d’idiots utiles qui aident à faire fonctionner le tout. Essayez un peu de proposer des ruptures qui permettraient d’un finir avec l’opacité desdits processus décisionnels et vous verrez immédiatement se constituer une sainte alliance des « décideurs » bien décidés à interdire au commun des mortels de s’occuper de leurs affaires...

  • L’#écologie_municipale, ou la ville face à son histoire

    Les verts élus dans les grandes #villes doivent faire un #choix : se focaliser sur la qualité de vie de leurs administrés au risque de renforcer la #fracture entre #centres urbains et #périphéries, ou au contraire renouer avec les #territoires_fantômes que les #métropoles consomment et consument.

    Après le succès des candidatures et alliances écologistes dans certaines des plus grandes villes de France dimanche, une chose a très peu retenu l’attention des commentateurs politiques. C’est le paradoxe, au moins en apparence, d’une #métropolisation de l’écologie politique – le fait que les valeurs vertes semblent trouver dans les grands centres urbains leur principal lieu d’élection. Au lieu de s’interroger sur les motivations et les idéaux des personnes qui peuplent ces villes pour essayer d’y lire l’avenir, peut-être faut-il alors renverser la perspective et regarder l’objet même que constitue la #ville, sa réalité indissociablement écologique et politique.

    Au regard de l’#histoire, cette #urbanisation des #valeurs_vertes ne va pas du tout de soi. La ville a souvent été définie, en Europe au moins, par l’enveloppe protectrice des remparts qui tenait à distance les ennemis humains et non humains (animaux, maladies), et qui matérialisait la différence entre l’espace de la cité et son pourtour agraire et sauvage. En rassemblant les fonctions politiques, symboliques, sacerdotales, les villes engendrent des formes de socialité qui ont fasciné les grands penseurs de la modernisation. Saint-Simon, par exemple, voyait dans la commune médiévale italienne l’origine du développement matériel et moral propre à la #modernité. Durkheim, plus tard, faisait de la ville le prototype du milieu fait par et pour l’humain, le seul espace où pouvait se concrétiser le projet d’#autonomie.

    Aspirations urbaines

    Mais les villes sont également devenues, avec le processus d’#industrialisation, de gigantesques métabolismes matériels. L’explosion démographique des métropoles industrielles au XIXe siècle va de pair avec la concentration du travail, de l’énergie, et plus largement des flux de matière qui irriguent l’économie globale. Au cœur des transformations de la vie sociale, la ville est aussi au cœur de ses transformations matérielles : elle aspire d’immenses quantités de ressources, pour les relancer ensuite dans le commerce sous forme de marchandises. En laissant au passage les corps épuisés des travailleurs et des travailleuses, ainsi que des montagnes de déchets visibles ou invisibles, résidus non valorisés du processus productif.

    Ainsi la ville irradie le monde moderne de son prestige symbolique et culturel, mais elle tend aussi à déchirer le tissu des circularités écologiques. L’un ne va pas sans l’autre. Chaque ville, par définition, est tributaire de circuits d’approvisionnement qui alimentent ses fonctions productives, ou simplement qui la nourrissent et la débarrassent des contraintes spatiales. Chaque ville est entourée d’une périphérie fantôme qui l’accompagne comme son ombre, et qui est faite des #banlieues où vivent les exclus du #rêve_métropolitain, des champs cultivés et des sous-sols exploités. Chaque urbain mobilise malgré lui un espace où il ne vit pas, mais dont il vit.

    L’une des sources de la #sensibilité_écologique contemporaine se trouve justement dans la critique de l’avant-garde urbaine. Dans l’Angleterre victorienne, William Morris ou John Ruskin retournent à la #campagne pour démontrer qu’une relation organique au #sol est susceptible de régénérer la civilisation, sans pour autant compromettre les idéaux d’émancipation. Mais ils luttaient contre une tendance historique dont l’extraordinaire inertie a rapidement provoqué la disqualification de ces expériences. Surtout pour le #mouvement_ouvrier, qui avait en quelque sorte besoin des formes spécifiquement urbaines d’#aliénation pour construire la #solidarité_sociale en réponse.

    Si l’on replace dans cette séquence d’événements le phénomène d’urbanisation des attentes écologiques actuelles alors il y a de quoi s’interroger sur l’avenir. Deux trajectoires possibles peuvent s’esquisser, qui ont cela d’intéressant qu’elles sont à la fois absolument irréconciliables sur un plan idéologique et matériel, et quasiment impossibles à distinguer l’une de l’autre dans le discours des nouveaux édiles de la cité verte.

    Faire atterrir le #métabolisme_urbain

    D’un côté, on trouve le scénario d’une consolidation des #inégalités_sociales et spatiales à partir des valeurs vertes. Pour le dire de façon schématique, les grands pôles urbains poussent la #désindustrialisation jusqu’à son terme en éliminant les dernières nuisances et toxicités propres à la #ville_productive : elles se dotent de parcs, limitent les transports internes et créent des #aménités_paysagères (comme la réouverture de la Bièvre à Paris). C’est ce que la sociologie appelle la #gentrification_verte, dont #San_Francisco est le prototype parfois mis en avant par les prétendants écologistes aux grandes mairies. Au nom d’une amélioration difficilement critiquable de la qualité de vie, la ville des #parcs et #jardins, des boutiques bio, des #mobilités_douces et des loyers élevés court le risque d’accroître le #fossé qui la sépare des périphéries proches et lointaines, condamnées à supporter le #coût_écologique et social de ce mode de développement. #Paris est de ce point de vue caractéristique, puisque l’artifice administratif qui tient la commune à l’écart de sa banlieue est matérialisé par la plus spectaculaire infrastructure inégalitaire du pays, à savoir le #boulevard_périphérique.

    Mais si le vert peut conduire à consolider la #frontière entre l’intérieur et l’extérieur, et donc à faire de la qualité de vie un bien symbolique inégalement distribué, il peut aussi proposer de l’abolir – ou du moins de l’adoucir. Une réflexion s’est en effet engagée dans certaines municipalités sur le pacte qui lie les centres-villes aux espaces fantômes qu’elles consomment et consument. La #renégociation de la #complémentarité entre #ville et #campagne par la construction de #circuits_courts et de qualité, l’investissement dans des infrastructures de #transport_collectif sobres et égalitaires, le blocage de l’#artificialisation_des_sols et des grands projets immobiliers, tout cela peut contribuer à faire atterrir le #métabolisme_urbain. L’équation est évidemment très difficile à résoudre, car l’autorité municipale ne dispose pas entre ses mains de tous les leviers de décision. Mais il s’agit là d’un mouvement tout à fait singulier au regard de l’histoire, dans la mesure où il ne contribue plus à accroître la concentration du capital matériel et symbolique à l’intérieur de la cité par des dispositifs de #clôture et de #distinction, mais au contraire à alléger son emprise sur les #flux_écologiques.

    Le défi auquel font face les nouvelles villes vertes, ou qui prétendent l’être, peut donc se résumer assez simplement. Sont-elles en train de se confiner dans un espace déconnecté de son milieu au bénéfice d’une population qui fermera les yeux sur le sort de ses voisins, ou ont-elles engagé un processus de #décloisonnement_social et écologique ? L’enjeu est important pour notre avenir politique, car dans un cas on risque le divorce entre les aspirations vertes des centres-villes et la voix des différentes périphéries, des #ronds-points, des lointains extractifs, alors que dans l’autre, une fenêtre s’ouvre pour que convergent les intérêts de différents groupes sociaux dans leur recherche d’un #milieu_commun.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/06/30/l-ecologie-municipale-ou-la-ville-face-a-son-histoire_1792880

    #verts #élections_municipales #France #inégalités_spatiales #mobilité_douce #coût_social ##décloisonnement_écologique

    via @isskein
    ping @reka @karine4

  • Décentralisation : pour un redécoupage des départements français | Atlantico.fr
    https://www.atlantico.fr/decryptage/3589898/decentralisation--pour-un-redecoupage-des-departements-francais-coronaviru

    Face à la crise du coronavirus, le gouvernement a réhabilité le département comme grille d’analyse territoriale. Il convient néanmoins d’adapter cette institution au monde actuel dans le cadre du nouvel acte de décentralisation. Une modification de leur périmètre apparaît nécessaire.
    […]
    En conséquence, nous proposons ci-dessous une liste indicative, ayant vocation à servir de base de discussion, des changements qu’il serait envisageable d’apporter à la carte administrative départementale, distinguant ceux majeurs, correspondant à plusieurs dizaines de communes, en nombre limité car il ne s’agit pas de la changer de fond en comble, de ceux mineurs, soit juste quelques communes. Parmi ces nombreuses propositions, qui ne prétendent pas à l’exhaustivité, certaines relèvent de l’évidence et sont consécutivement difficilement contestables, d’autres moins, d’où la nécessité d’une réflexion élargie entre les services de l’Etat et les acteurs locaux pour que le nouveau découpage corresponde au souhait de la majorité (par définition, il y aura toujours des mécontents, au moins par arrière-pensées politiques).

    suivent
    12 changements majeurs
    et une cinquantaine de changements « mineurs »

  • La #mythologie #CAME (#Compétitivité, #Attractivité, #Métropolisation, #Excellence) : comment s’en désintoxiquer ?

    La période récente se caractérise par l’émergence d’une mythologie séduisante dans le champ du #développement_économique : l’approfondissement de la #mondialisation plongerait l’ensemble des #territoires face à un impératif de compétitivité, seules quelques métropoles pouvant rivaliser pour attirer les talents et les leaders de demain, métropoles qu’il conviendrait donc de soutenir en concentrant les efforts sur l’excellence. Nous la résumons par l’acronyme CAME pour Compétitivité, Attractivité, Métropolisation et Excellence. Une analyse attentive des différents composants de la CAME montre cependant qu’aussi séduisante —voire addictive—qu’elle soit, elle ne résiste pas à l’épreuve des faits. Malgré cela, portée de manière plus ou moins marquée par certains chercheurs et organismes privés ou publics d’analyse et de conseil, elle sous-tend tout un ensemble de #politiques_publiques ; elle a même structuré une partie des débats autour des résultats des élections dans différents pays. Non seulement la CAME ne produit pas les effets attendus, mais elle provoque des #effets_indésirables. Les #ressources_publiques étant limitées, les dédier fortement à quelques acteurs (#startups, chercheurs jugés « excellents »...) ou à quelques lieux (métropoles) conduit à renforcer les #inégalités_socio-spatiales. Quelques éléments de réflexion sur des #alternatives envisageables, qui nous semblent plus saines, seront présentés afin d’aider à s’en désintoxiquer.

    https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01724699v2/document

  • Retour à Grenopolis
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=1256

    Autrefois notre ville s’appelait Cularo, et ses habitants, les Allobroges. Elle a bien changé en 2000 ans, et nous ne ressemblons plus guère aux Allobroges. Nous sommes aujourd’hui des Grenopolitains, résidents de la métropole de Grenopolis. Ces pages racontent comment Cularo est devenue Grenopolis. C’est l’histoire d’un site de production où se vendent les biens produits - le marché originel devenu « pôle urbain » - et de la piste, devenue réseau routier, qui sert au transport et à l’échange de ces produits. Le site et la piste, le pôle et le réseau, forment un cercle vicieux, suivant une perpétuelle spirale croissante. Tantôt les besoins (spontanés ou planifiés) du pôle l’amènent à étendre son réseau (ses réseaux), tantôt les besoins du réseau l’amènent à grossir son pôle (ses pôles). La résultante de (...)

    #Faits_divers
    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/retour_a_grenopolis.pdf

  • Quand les grandes #villes font sécession, par Benoît Bréville (Le Monde diplomatique, mars 2020)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2020/03/BREVILLE/61548

    Il se forme alors un cercle vicieux. En concentrant les richesses et les activités à forte valeur ajoutée dans les #métropoles, la mondialisation a accru leur poids économique, politique et culturel. Confrontées aux mêmes problèmes, abritant la même population aisée et diplômée, elles ont commencé à se ressembler — on trouve à New York ou à Pékin les mêmes gratte-ciel, les mêmes centres commerciaux aseptisés, les mêmes « clusters créatifs » —, puis à se rassembler. Unies pour défendre leurs intérêts communs, elles influent désormais sur les centres de décision, de la Banque mondiale à la Commission européenne, et orientent ainsi les politiques publiques à leur avantage, accentuant un modèle de développement spatialement inégalitaire, qui délaisse les campagnes et les petites communes.

    #territoire #inégalités

  • floraisons | Podcast (2-1) : Contre la #métropolisation capitaliste (avec Isabelle Attard, Guillaume Faburel & Floréal M. Roméro)
    https://floraisons.blog/podcast2-1

    En cette période d’agitation électorale, les grandes #villes auraient, nous dit-on, les solutions face à l’effondrement du vivant. Un emploi dans un fab lab ? Un post-it bleu ou rose pour faire #démocratie ? Des fermes en aquaponie pour notre autonomie ? Des jeux olympiques face au mur climatique ? Soyons sérieux·ses. C’est sans nul doute la raison pour laquelle nous assistons, justement dans les grandes villes, à une effervescence des mobilisations, accompagnées du mot d’ordre de la radicalité.

    Or, si les causes premières de ces crises sont effectivement à trouver dans les régimes urbains d’accumulation l’efficacité de tels mouvements demeure limité. Pourquoi ? En fait, il persiste quelques croyances vives quant à la puissance #politique de la transformation sociale et écologique de et par la ville, la grande, celle en voie active de métropolisation. Et si les formes de vie imposées à chacun·e par le #néolibéralisme, métropolitain, nous maintenaient dans la réalité hégémonique du fétiche de la marchandise et de ses formes actualisées de biopouvoir ?

    Cette rencontre entre Isabelle Attard, Guillaume Faburel et Floréal M. Roméro a permis de croiser plusieurs trajectoires de pensée et d’action, depuis celles mettant en critique les régimes passionnels de l’urbain métropolisé et l’assujettissement politique qui en découle très directement, jusqu’aux perspectives ouvertes par le #municipalisme_libertaire et son écologie sociale et les expériences décentralisées de l’autonomie.

    Enregistré à la Maison de L’Écologie de Lyon le 22 janvier 2020

    https://d3ctxlq1ktw2nl.cloudfront.net/staging/2020-02-19/51172355-44100-2-0d93decd60795f6ba6541264bdcbdc1c.m4a

  • Exils - Le Monolecte
    https://blog.monolecte.fr/2020/02/02/exils

    Plus prosaïquement, lorsque tout le monde trouve parfaitement normal de réclamer l’équivalent d’un salaire minimum pour loger dans un deux-trois pièces exigu et pas forcément très bien placé, c’est le moment où je me dis qu’il y a quelque chose de bien pourri dans les soi-disant choix résidentiels dans ce pays.

    #logement #territoires #exclusion #politique #métropolisation

    • Bref, ce qui est particulièrement bien caché aux sociologues de centre-ville, c’est l’ampleur des #inégalités (il est vrai que le problème se généralise) et surtout la perte de « chances » dans tous les domaines, suite à la disparition des #services_publics (partagé aussi par les banlieues populaires).
      À cela s’ajoute l’éloignement qui augmente (disparition des transports périphériques, routes à 80 km/h, villes saturées et chères) qui interdit de fait toute ascension sociale (alors que le pauvre de #banlieue peut encore accéder aux services et aux salaires de centre-ville).

      #pauvreté #périphérie

    • Il semblerait que ce ne soit pas seulement un fantasme de bouseuse :

      Push – Chassés des villes

      Les grandes métropoles deviennent peu à peu le territoire exclusif des riches. Dans le sillage de Leilani Farha, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable, une enquête sur un phénomène mondial qui s’amplifie.

      De Londres à New York en passant par Berlin, Valparaíso ou Uppsala, de plus en plus d’habitants des grandes villes, locataires à faibles revenus ou petits commerçants, voient leur loyer flamber ou leurs baux résiliés. En cause, la gentrification galopante qui transforme en un tour de main des quartiers défavorisés en enclaves embourgeoisées, mais aussi – et surtout – la prédation des grands investisseurs. Rasant des immeubles vétustes, ces derniers font sortir de terre des ensembles de standing, que les anciens occupants n’ont plus les moyens d’habiter, tandis que ces opérations immobilières assurent à leurs promoteurs de juteux retours sur investissement.

      425 %
      Rapporteuse spéciale des Nations unies sur le logement convenable, Leilani Farha, que le cinéaste suédois Fredrik Gertten a suivie pour ce film, parcourt la planète afin d’enquêter – et d’alerter – sur cette crise à bas bruit qui met à mal le droit au logement. Cette avocate de formation, originaire d’Ottawa, souligne par exemple qu’en trente ans, dans le grand Toronto, les prix de l’immobilier ont grimpé de 425 % en moyenne, tandis que le revenu familial moyen n’a augmenté que de 133 %. Ce phénomène mondial, loin de connaître une pause, s’amplifie. Étayée aussi par les analyses de la sociologue Saskia Sassen, du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz et du romancier italien Roberto Saviano, une enquête alarmante sur la manière dont le système financier alimente l’explosion des loyers, responsable de l’expulsion de citadins modestes des grands centres urbains.

      Documentaire suédois de Fredrik Gertten de 90 min disponible du 03/02/2020 au 03/05/2020 sur Arte → https://www.arte.tv/fr/videos/084759-000-A/push-chasses-des-villes

      #gentrification #ville #urbain #film #vidéo #vod #documentaire

  • Des vies inhumaines | Aude Vidal
    http://blog.ecologie-politique.eu/post/Des-vies-inhumaines

    Les vies que nous menons depuis deux semaines, pour celles et ceux qui sont tributaires de transports en commun en grève, ont fait apparaître l’inhumanité de nos vies – en particulier en région parisienne. Nous naviguons d’habitude sans trop de mal (encore que sans goût et sans aisance) dans des espaces surdimensionnés, qui ne sont pas à taille humaine. Cela ne nous était peut-être jamais apparu avec autant de clarté qu’il y a deux semaines. À combien de kilomètres vivons-nous de notre travail – ou travaillons de notre domicile ? Certes la durée est aussi une expérience sensible mais ces 15 km qui se faisaient en 50’ sans y penser ont pris une réalité particulière et sont devenus impossibles à surmonter. Source : Mon blog sur l’écologie (...)