• Police attitude, 60 ans de maintien de l’ordre
    documentaire | Public Senat :
    https://www.publicsenat.fr/emission/documentaire/police-attitude-60-ans-de-maintien-de-l-ordre-185200

    lien vidéo : https://www.dailymotion.com/video/x7xmncq

    En 2019, à la suite d’affrontements d´une grande violence entre manifestants et forces de l’ordre, pour la première fois dans l’histoire la conception française du maintien de l’ordre a été remise en question. Mais quelle est-elle ? Et est-ce la meilleure ? La seule possible ? Revisitant 60 ans d’histoire en France et chez nos voisins allemands et britanniques à l’aide d´archives éclairantes et avec des témoins et des spécialistes de premier plan, ce film déconstruit le mythe de l’excellence du maintien de l’ordre à la française tout en posant une question essentielle pour la démocratie : les manières de faire de la police, quand elle est confrontée à des citoyens en colère.

    Un film de François Rabaté, produit par Brotherfilms.

    #maintien_de_l'ordre #police #doctrine

  • #Allo_Place_Beauvau - c’est pour un signalement final
    http://www.davduf.net/allo-place-beauvau-c-est-pour-un-signalement

    Après deux années, 992 signalements, des jours et des nuits, #Allo_Place_Beauvau s’arrête. Place à de nouvelles initiatives ! Quelques explications dans la vidéo ci-dessous et mille mercis chaleureux à tous ceux qui ont œuvré dans l’ombre, victimes, témoins et vidéastes. Source : Violences policières : « Evidemment qu’il y a un problème systémique » (Mediapart) Allo Place Beauvau

    / Une, Allo Place Beauvau, #Gilets_Jaunes, #Maintien_de_l'ordre

    https://www.mediapart.fr/journal/france/120121/violences-policieres-evidemment-qu-il-y-un-probleme-systemique

  • De l’usage des #campements dans les #politiques_migratoires

    La litanie des #expulsions de migrants se poursuit, après Paris place de la République fin novembre, les associations alertent sur l’accélération du phénomène à #Calais au cours du mois écoulé. Alors que l’expérience longue pourrait informer de nouvelles pratiques, pourquoi ce recours systématique à l’expulsion perdure-t-il ? Parce que les campements sont un répertoire des politiques migratoires, et non la conséquence d’un trop plein auquel nos capacités d’accueil ne pourraient plus faire face.

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    Lundi 23 novembre 2020, vers 19h, plusieurs centaines de personnes exilées issues du campement de St-Denis n’ayant pu bénéficier de “la #mise_à_l’abri” organisée par la préfecture de Paris la semaine précédente, accompagnées d’associations de soutien, d’avocats, d’élus et de journalistes, déploient 200 tentes sur la #place_de_la_République. Malgré la résistance des exilés et de leurs soutiens, la place sera évacuée le soir même. La police pourchassera jusque tard dans la nuit et en dehors de #Paris celles et ceux qui n’ont plus où aller. La #violence déployée fera l’objet de nombreuses images sur les réseaux sociaux.

    Cette opération est loin d’être inhabituelle, contrairement à ce que laisse penser la médiatisation inédite à laquelle elle a donné lieu et qui s’explique par une conjonction de facteurs : le lieu de la scène (le centre de Paris), le moment (montée des critiques sur les violences policières et adoption d’une loi interdisant de les filmer), les acteurs (des journalistes et des élus violentés et non plus seulement des exilés et leurs soutiens). Depuis le 2 juin 2015 et l’évacuation d’un campement dans Paris (sous le métro la Chapelle), on dénombre soixante-six opérations de ce type dans la capitale et sa petite couronne (une moyenne d’un par mois). Dans le Calaisis, elles relèvent de la routine.

    Les évacuations de campement sont ainsi devenues courantes, relayées par des articles de presse qui se suivent et se ressemblent, préférant souvent à l’analyse un alignement de faits bruts immédiats, peu éloignés des communiqués de la préfecture de police. Que révèle donc la litanie dans laquelle s’inscrit cet énième épisode ? Que cristallise-t-il comme phénomènes ?

    Pour le comprendre, nous proposons de revenir sur la manière dont sont fabriqués ces campements et mises en scène ces évacuations en faisant l’effort d’inverser le regard, de le diriger vers les coulisses que la lumière des projecteurs laisse dans l’ombre.

    La fabrique des campements

    À première vue, le campement apparaît comme le signe d’un #trop_plein, preuve que les étrangers seraient trop nombreux et que nous aurions atteint les limites de nos #capacités_d’accueil, d’un point de vue économique comme social. Les campements sont en réalité davantage fabriqués par les choix de politiques migratoires de l’État, que par une submersion par le nombre.

    Ceux qui survivent dans les campements du Nord de Paris sont majoritairement en demande d’asile, certains attendent une réponse, d’autres de pouvoir simplement déposer une demande, une minorité a été déboutée. Ils sont majoritairement Afghans et Soudanais, mais aussi Ethiopiens et Erythréens et dans une moindre mesure Guinéens et Ivoiriens. Pas de Chinois, de Sri-Lankais, de Maliens… qui sont accueillis – bien ou mal – par des compatriotes installés de longue date. Pas non plus de Syriens – qui sont peu venus en France.

    Les campements sont le résultat de #politiques_publiques qui ont précarisé les demandeurs d’asile au lieu de les laisser doucement s’intégrer au tissu économique et social de notre pays. Car en vertu d’une loi adoptée en 1991, les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler. En contrepartie, ils sont censés bénéficier d’un #hébergement, d’une #allocation et de l’#accès_aux_soins. En leur interdisant l’accès au marché de l’emploi, on les assigne à une #dépendance, qui leur est ensuite reprochée. Et qui s’est transformée en #précarité extrême – jusqu’à la rue pour certains – à mesure que les réformes successives ont introduit de nombreuses conditions pour accéder et se maintenir dans le #dispositif_d’aide. Des aides par ailleurs attribuées dans la pratique de manière toujours plus tardive, incomplète et fréquemment suspendues sous divers motifs, ou simplement par erreur.

    Les campements sont également fabriqués par le #choix_politique de sous-dimensionner de manière structurelle le #dispositif_d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile. Ce choix, car il s’agit bien d’un choix et non d’une fatalité, est spécifiquement français. On ne trouve en effet aucun campement dans les rues des pays européens comparables à la France. Les seuls pays confrontés à ce phénomène sont ceux qui, situés aux portes de l’Europe, conjuguent arrivées massives et contexte économique dégradé, tels la Grèce, la Bulgarie ou l’Italie.

    Au plus fort des mouvements migratoires vers l’Europe en 2015, la France ne recensait que 79 000 demandeurs d’asile (soit 0,1% de sa population) là où l’Allemagne en comptabilisait un million, mais aucun camp de rue. L’#Allemagne a en effet choisi d’ouvrir des #hébergements, réquisitionner des centaines de gymnases et même un ancien aéroport, plutôt que de laisser les exilés dehors. En France, c’est la théorie de l’#appel_d’air, selon laquelle des conditions favorables risqueraient d’attirer les migrants et des conditions défavorables de les dissuader de venir, qui explique le choix de privilégier une politique basée sur l’#insuffisance_structurelle.

    À la fois issu de dynamiques spontanées (des personnes à la rue qui se regroupent pour passer la nuit) et organisées (des soutiens qui apportent nourritures, tentes et vêtements puis qui exigent des pouvoirs publics l’installation de points d’eau et de WC), les campements apparaissent et s’étendent jusqu’au jour où, jugés trop gros et/ou trop visibles, les autorités décident d’une opération d’évacuation. Ces évacuations laissent cependant toujours dans leur sillage les germes du prochain campement.

    Car si une partie des personnes est effectivement mise à l’abri dans des #hôtels pour entrer dans le #dispositif_national_d’accueil, d’autres sont placées dans des #gymnases avant d’être remises à la rue une ou deux semaines plus tard. Un dernier groupe est systématiquement laissé sur le trottoir sans aucune solution, pas même celle de retourner au campement puisque celui-ci a été détruit pour des raisons sanitaires.

    Un sondage organisé par des associations en 2020 a montré qu’une évacuation laisse en moyenne un quart des personnes sans solution le jour même et que près de la moitié de ceux qui sont mis à l’abri se retrouvent à la rue le mois suivant. Les deux-tiers des personnes évacuées l’auraient ainsi déjà été plusieurs fois.

    Rien d’étonnant donc à ce que les campements succèdent aux opérations de mise à l’abri, et inversement. Cela n’empêche pas la préfecture d’annoncer à chaque évacuation, que cette fois c’est la dernière.

    Une question se pose alors. À la soixante-sixième évacuation, alors que l’expérience longue pourrait informer de nouvelles pratiques, pourquoi rien ne change ?

    Est-ce de l’impuissance ? De l’impréparation ? Et si le campement et l’évacuation constituaient des répertoires de l’#action_publique, plutôt que les manifestations d’un phénomène qui la dépassent ? Ils serviraient alors à cadrer le débat en mettant en scène et en image l’immigration comme un problème, un « trop-plein », justifiant selon la théorie – jamais démontrée – de l’appel d’air, une politique de fermeté.

    Le campement : invisible mais pas trop

    Le campement doit pouvoir servir d’illustration sans cependant prendre trop d’ampleur. D’où une gestion subtile par l’État de la visibilité des campements qui nécessite de naviguer habilement entre la #mise_en_scène du débordement et la maîtrise du #désordre.

    Les campements existent de longue date en France (campements Rroms, campements du Calaisis depuis la fin des années 1990) ainsi que les regroupements informels (à Paris, gare de l’Est au début des années 2000, puis à Austerlitz en 2014) mais ne surgissent dans l’espace médiatique qu’à partir de l’été 2015. Leurs images, relayées par les médias et les réseaux sociaux, entrent en résonance avec les messages, différents selon les publics, que les autorités souhaitent faire passer sur l’immigration.

    Aux citoyens français, on montre l’immigration comme problème en mettant en #spectacle des migrants non seulement trop nombreux mais aussi affamés, sales, malades qui suscitent dès lors un mélange d’#empathie, de #dégoût et de #crainte. La persistance des campements malgré les évacuations fait apparaître l’immigration comme un puits sans fond en donnant l’impression qu’on écume, mais que l’inondation est trop importante.

    Aux migrants, c’est le message du #non-accueil (« il n’y a pas de place pour vous ») qu’on espère faire passer par ces images dans l’objectif de faire fuir ceux qui sont déjà là et décourager ceux qui pourraient vouloir venir.

    Mais les campements ne doivent pas non plus être trop visibles car ils peuvent susciter une #solidarité susceptible de se mettre en travers des politiques migratoires restrictives. Pour peu qu’ils soient au cœur des villes, ils peuvent devenir lieux de rencontre, d’apprentissages, d’engagement et de mobilisation. La quasi-totalité des #collectifs_solidaires est ainsi née dans les campements. Leur recrutement dans les milieux non militants et leur mode de fonctionnement agile et horizontal ont largement renouvelé et même bousculé le champ du soutien aux étrangers.

    Les campements, lieux où personne a priori ne souhaite se retrouver, sont ainsi devenus, dans un renversement, un objectif, un moyen d’obtenir quelque chose pour les exilés et leur soutien. Car, paradoxalement, alors que les évacuations avaient pour objectif affiché de faire disparaître les campements, elles ont abouti à en faire une modalité d’accès à l’hébergement, bien souvent la seule.

    « Faire tenir » un campement est devenu dès lors stratégique pour les personnes exilées et les militants. Il constitue non seulement une solution immédiate bien que précaire mais il permet aussi de rendre visible la situation des exilés et susciter par là une solution plus pérenne. Ce n’est dès lors plus seulement le campement mais aussi sa visibilité qui est devenue une ressource, pour les exilés et leurs soutiens. Et c’est bien en retour la lutte contre cette visibilité qui est devenue un enjeu pour les pouvoirs publics.

    D’où l’ambivalence du traitement étatique à l’égard des campements : les laisser se former tant qu’ils restent de petite taille et peu visibles, les évacuer mais jamais complètement ; les tolérer mais pas n’importe où. Surtout pas au centre, à Paris : depuis 2016, la politique de la préfecture de police de la capitale, appuyée en cela par la Mairie, consiste à repousser les campements à la périphérie puis à l’extérieur de la ville. Les consignes des policiers auprès des personnes exilées sont sans ambiguïté : pour espérer poser sa couverture quelque part, il faut partir en dehors de Paris.

    Le campement revient néanmoins sous les feu des projecteurs au moment de l’évacuation organisée comme un spectacle.

    L’évacuation : le spectacle… et ensuite

    L’évacuation est autant une opération de #maintien_de_l’ordre que de #communication. C’est le moment où l’État met en scène sa #responsabilité et sa #fermeté. Son #humanité aussi. Il doit laisser voir un subtil mélange de deux facettes : non, il n’est pas laxiste en matière d’immigration mais oui, il respecte les valeurs républicaines et humanistes. Il doit aussi faire croire aux habitants du campement, comme aux médias, que tout le monde va être mis à l’abri… tout en ayant prévu un nombre de places insuffisant.

    D’où les deux moments de l’évacuation : celui visible du spectacle sur une scène centrale sous les projecteurs, en présence de nombreux acteurs ; puis quand ces derniers sont partis, la suite en coulisses, où la violence peut se déployer à l’abri des regards.

    Après 66 évacuations parisiennes, il est possible d’identifier un #rituel respecté à la lettre. Les mêmes gestes sont répétés avec précision et minutie, sans presque aucune variation.

    D’abord la date : un vrai-faux mystère est savamment entretenu autour du jour de l’évacuation. Certains acteurs, les structures d’hébergement mais aussi les journalistes, doivent être au courant. D’autres, les associations et les personnes exilées, doivent être tenus dans l’ignorance pour limiter les risques d’installations de dernière minute sur le campement. Les collectifs solidaires seront néanmoins les premiers sur place au petit matin pour distribuer boissons chaudes et informations, tenter de récupérer du matériel et surveiller les comportements des policiers.

    Les opérations proprement dites débutent à 5h du matin par l’encerclement du campement par des policiers lourdement équipés ; le préfet arrive, il ouvre la conférence de presse à laquelle assistent les journalistes, les élus et l’opérateur France Terre d’Asile. Il déclare qu’il convient de lutter contre les « #points_de_fixation » que constituent les campements parce qu’ils sont dangereux « pour les riverains comme pour les migrants », il annonce que suffisamment de places ont été mobilisées pour que tout le monde soit hébergé, que c’est la dernière évacuation et que le campement ne se reformera pas. Les journalistes relaient le nombre de places rendues disponibles et interviewent un exilé et un soutien.

    Les exilés montent dans les bus après avoir été fouillés un par un, pendant que leurs tentes, sacs de couchage et autres affaires sont détruites. Les soutiens profitent de la fenêtre d’attention médiatique pour déployer une banderole destinée à être photographiée et relayée sur les réseaux sociaux.

    Alors que les journalistes et les élus sont partis depuis longtemps, on « s’apercevra » qu’il n’y a pas assez de place. Commence alors la seconde partie de l’évacuation. La mise à l’abri prend un sens différent : il s’agit de mettre à l’abri des regards ceux qui demeurent à la rue. Les policiers laissés seuls face à cette pénurie organisée, ayant ordre de faire disparaître « le campement », piochent alors dans leur répertoire : violence verbale et physique, coups de matraque, coups de pied, gaz lacrymo… pour chasser les personnes vers un ailleurs indéfini. Ce que les exilés et les soutiens encore présents s’efforceront de rendre visible par des photos et films sur les réseaux sociaux.

    *

    Comme les « faux mineurs isolés » et les « étrangers qui abusent » (des allocations, du système de soin et d’asile), les campements et leur évacuation sont une figure centrale du #récit_médiatique sur le phénomène migratoire. Pourtant, ils n’en représentent qu’une toute petite partie et nous en disent moins sur ce dernier que sur nos choix politiques. Ce récit sert tout autant à raconter une histoire qu’à en taire une autre.

    Les campements et les évacuations racontent l’immigration comme #problème et les étrangers comme trop nombreux et trop coûteux pour pouvoir être bien accueillis. L’horizon des politiques migratoires est dès lors restreint à une seule question : comment réduire le nombre des arrivées et éviter les « appels d’airs » ? Ainsi racontée, l’histoire interdit de prendre le recul nécessaire à une compréhension fine du phénomène migratoire. Elle dirige toutes les ressources vers le #non_accueil, le #contrôle et la #répression et les détourne de l’investissement dans l’accueil, la formation, l’insertion et tous les autres outils permettant aux étrangers de construire leur place dans notre société.

    Ce #récit laisse dans l’ombre l’histoire d’un #État qui condamne à la misère les nouveaux arrivants en les privant du droit de travailler, substitué par un système d’accueil structurellement sous-dimensionné et de moins en moins accessible. Il permet enfin de continuer à ignorer les recherches qui depuis maintenant plus de 30 ans démontrent de manière presque unanime que l’immigration est très loin de constituer un problème, économique, social ou démographique.

    Les campements sont un répertoire des politiques migratoires et non la conséquence d’un #trop_plein. Ils perdurent jusqu’à ce jour car ils sont non seulement le résultat mais aussi une justification des politiques migratoires restrictives. À rebours du campement et des impasses qui nous tiennent aujourd’hui lieu de politique, les recherches et les pratiques de terrain, vivifiées par l’émergence en 2015 d’un mouvement solidaire inédit, inventent des #alternatives et dessinent des perspectives où l’immigration n’est ni un problème ni une solution, mais bien ce qu’on en fait.

    https://aoc.media/analyse/2021/01/05/de-lusage-des-campements-dans-les-politiques-migratoires
    #campement #migrations #asile #réfugiés #Karen_Akoka #Aubépine_Dahan #précarisation #visibilité #in/visibilité #vide #plein #droit_au_travail #travail #SDF #sans-abris #sans-abrisme #destruction #ressources_pédagogiques

    ping @isskein @karine4

    • II.1.4) Description succincte : L’accord-cadre a pour objet l’acquisition de véhicules blindés maintien de l’ordre et sa maintenance associée au profit de la gendarmerie nationale. Il comprend trois postes : Acquisition de véhicules équipés, maintenance et pièces détachées associées, formation. L’accord cadre est conclu sans montant minimum ni montant maximum. A titre indicatif et non contractuel, les quantités estimées sont de quatre-vingt-dix véhicules.

  • Comment la police veut combattre les black blocs , Jean-Marc Leclerc
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-la-police-veut-combattre-les-black-blocs-20201218

    Des black blocs marchant devant un scooter en feu, lors de la manifestation des « gilets jaunes », le 12 septembre à Paris. Xeuhma/Hans Lucas via AFP

    ENQUÊTE - Le combat qui s’engage pour tenter de contenir les #casseurs sera de longue haleine. Plusieurs options sont sur la table.

    « Force reste à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venues pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anticasseurs - 142 interpellations et encadrement du cortège - a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants ». Le tweet volontariste du ministre de l’Intérieur après la #manifestation parisienne du 12 décembre dernier contre la loi « sécurité globale » masque une autre réalité : pour parvenir à ce résultat, il a fallu mettre sur le terrain trois policiers ou gendarmes par casseur. Il y avait 500 casseurs sur le pavé parisien ce samedi-là et 3 000 membres de forces de l’ordre, dont une moitié mobilisée sur l’essaim des enragés venus en découdre.

    « Près de 150 interpellations dans un cortège de 5 000 manifestants, c’est bien, mais après les gardes à vue, l’essentiel des interpellés échappera à une peine effective, faute de preuves suffisantes, aux yeux des magistrats du siège », spécule un professionnel du #maintien_de_l’ordre.


    Comment l’épisode Notre-Dame-des-Landes sert de laboratoire à la Chancellerie, Paule Gonzalès
    https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-l-episode-notre-dame-des-landes-sert-de-laboratoire-a-la-chanceller
    Des forces de l’ordre face à des zadistes, le 17 mai 2018. GUILLAUME SOUVANT/AFP

    DÉCRYPTAGE - À l’époque, les parquets de Nantes et de Saint-Nazaire étaient confrontés à des difficultés aujourd’hui récurrentes dans les manifestations.


    Classique : Au “Figaro”, un journaliste [Jean-Marc Leclerc] qui connaît très bien l’Intérieur, 28/11/11
    https://www.telerama.fr/medias/au-figaro-un-journaliste-qui-connait-tres-bien-l-interieur,75644.php
    ...désigné en 2011 par un ministre de l’intérieur comme "personnalité qualifiée" pour être membre d’un "groupe de travail sur l’amélioration du contrôle et de l’organisation des bases de données de la police [!]"...

    #police #renseignement_opérationnel #black_bloc #justice #Judiciarisation

    #paywall (il doit manquer des morceaux)

    • Clappings, fumigènes, « ACAB »... Dans les manifestations, l’influence des supporteurs « ultras » au sein du black bloc, Abel Mestre (...)
      https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/12/19/violences-pendant-les-manifestations-des-supporteurs-de-football-ultras-deso

      Les supporteurs de football radicaux sont de plus en plus présents dans le cortège de tête. Le phénomène s’est amplifié pendant le mouvement des « gilets jaunes », puis avec celui contre la loi « sécurité globale ».

      A première vue, la scène est classique. Le 28 novembre, lors de la manifestation parisienne contre la loi « sécurité globale », des manifestants affrontent les forces de l’ordre, comme c’est devenu la règle à chaque manifestation depuis le mouvement contre la loi travail, en 2016. Ils font partie du cortège de tête et sont adeptes de la stratégie du black bloc, où des militants radicaux se réclamant de l’antifascisme, de l’anarchisme ou de l’autonomie revêtent une tenue entièrement noire, masques ou cagoules compris, afin de ne pas être identifiables. Mais, si l’on s’attarde sur les détails, ce qu’il se passe ce jour-là semble incongru. La charge se fait derrière une banderole qui est bien particulière : elle représente un portrait de Diego Maradona, joueur de football argentin et idole d’une partie de la gauche, mort trois jours plus tôt.

      Cette irruption du football dans une manifestation politique n’est pas anecdotique. Elle marque les liens forts qui unissent depuis plusieurs années, notamment à Paris, une partie des supporteurs radicaux des tribunes, les ultras, et ceux du mouvement social. Les « ultras » – qui soutiennent de manière collective et organisée leur équipe avec des chants, des slogans et des scénographies, pour qui la violence est acceptée mais n’est pas une fin en soi, contrairement aux hooligans – étaient ainsi présents dans les cortèges contre la loi travail il y a un peu plus de quatre ans, pendant le mouvement des « gilets jaunes » en 2018-2019 et, donc, cette fois-ci contre la loi « sécurité globale ». Edouard (le prénom a été changé), la petite trentaine, supporteur du PSG et qui manifeste dans le cortège de tête, confirme : « Il y a pas mal d’ultras qui viennent des tribunes. Cette fois-ci, c’est dans de plus fortes proportions : il y en avait 30 à 50 en première ligne aux dernières manifs. »

      Plus encore que numériquement, l’influence ultra se note dans certains codes repris dans les cortèges : des chants rythmés par des clappings (comme le chant Siamo tutti antifascisti, « nous sommes tous antifascistes »), la généralisation des fumigènes (utilisés par les seuls cheminots dans les années 1990) et, surtout, le mot d’ordre « ACAB ». Cet acronyme signifie « All Cops Are Bastards » (« Tous les flics sont des bâtards »). On peut le retrouver dans sa déclinaison numérique (« 1312 », selon l’ordre des lettres dans l’alphabet), voire dans une version « horaire » avec, parfois, des rassemblements convoqués à 13 h 12. Il est peu à peu devenu un signe transversal de ralliement et de sentiment antipolice.

      Des codes « spectaculaires »

      Au départ, ACAB est une chanson d’un groupe skinhead londonien, The 4-Skins, sortie au début des années 1980. La première fois que des ultras le reprennent sur une banderole, c’est à Padoue, en Italie, dans les années 1990. Sa déclinaison numérique est quant à elle l’idée des supporteurs de Livourne. « Les ultras importent des codes, une nouvelle manière de faire. Ces codes sont repris car ils sont spectaculaires dans l’espace public, encore plus dans une manifestation, explique au Monde Sébastien Louis, docteur en histoire contemporaine, spécialiste du supportérisme radical. Chez les ultras, il y a une cohésion de groupe, où le collectif est mis en avant par rapport aux individualités. Il y a aussi des personnes prêtes à aller au contact, qui sont disposées à la violence. C’est quelque chose que les militants d’extrême gauche n’ont pas, à part dans les manifs. »

      Olivier Laval, ancien ultra parisien, qui collabore à Encré dans la tribune, revue spécialisée sur ce thème, détaille : « Les ultras ont une aptitude à faire face aux forces de l’ordre. Aucun segment de la population n’est autant confronté au maintien de l’ordre qu’eux. Quand, toutes les semaines, tu vois des CRS ou des gendarmes mobiles, ils ne t’impressionnent plus. Ils savent se fondre dans la masse pour ne pas se faire repérer, leur mode opératoire est fait de petits groupes mobiles. »

      Le sigle « ACAB » est, en tout cas, passé des tribunes aux cortèges. La multiplication des affaires de violences policières, aussi bien pendant les manifestations qu’en dehors, joue ainsi un rôle de ciment pour des contestations protéiformes qui dépassent les structures traditionnelles syndicales et partidaires. Les images d’affrontements avec les forces de l’ordre lors des manifestations peuvent également attirer des supporteurs au départ peu politisés, pour qui le réflexe « antiflic » reste une base de la culture ultra.

      Ce mélange des genres n’est pas nouveau. Il est même consubstantiel aux ultras. Cette mouvance est née dans l’Italie de la fin des années 1960. Pour la première fois, des jeunes tifosi s’organisent au sein de groupes aux noms provocateurs comme les Fedayn (AS Roma) ou les Brigate rossonere (« brigades rouges et noires ») du Milan AC. Certains d’entre eux reprennent même le geste mimant le pistolet P38, comme dans les cortèges de la gauche extraparlementaire de l’époque. « Il s’agit davantage d’une source d’inspiration et d’une récupération des noms et des symboles que de l’expression immédiate d’une culture politique. Les ultras ne sont pas des courroies de transmission des organisations extraparlementaires qu’ils parodient », nuance Sébastien Louis, dans son livre référence Ultras, les autres protagonistes du football (Mare et Martin, 2017).

      En près de cinquante ans, les interactions entre ultras et contestation politique ont cependant évolué, voire ont changé de nature : en Europe, les idées d’extrême droite ont peu à peu gagné les esprits, en particulier en Italie (Vérone, Lazio Rome, entre autres) ou encore en Grèce. Au Moyen-Orient, les ultras ont joué un rôle important lors de la révolution égyptienne de 2011 contre le régime d’Hosni Moubarak. Ces supporteurs deviennent, ici ou là (Turquie, Tunisie…), des acteurs politiques évoluant hors des structures institutionnelles.

      Une « porosité limitée »

      En France, dans la géographie des virages ultras, Paris est une exception. Pourquoi certains ultras viennent-ils aujourd’hui dans le cortège de tête ? La polarité entre les tribunes Auteuil du Parc des Princes (dont les abonnés sont souvent issus des quartiers populaires et ont, au fil du temps, assumé un discours antiraciste) et Boulogne (où de nombreux supporteurs, par le passé, étaient d’extrême droite) a joué il y a quelques années le rôle d’un catalyseur, d’un accélérateur de conscientisation politique.

      Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir aux années 2005-2010 et à la « guerre des tribunes parisiennes ». Les ultras d’Auteuil prenant de plus en plus de poids, les incidents et les affrontements se multiplient et s’intensifient avec leurs rivaux de Boulogne, en particulier les hooligans. Jusqu’au 28 février 2010, où une bagarre entre les deux tribunes laisse un blessé grave, Yann Lorence, du kop de Boulogne. Il mourra après trois semaines de coma. A la suite de ces événements, le président du PSG de l’époque, Robin Leproux, met en place son plan de sécurisation du stade, les ultras se retrouvant « à la rue ». Edouard se souvient : « L’antagonisme avec Boulogne a radicalisé une minorité à Auteuil. C’est comme ça que j’ai rencontré des militants, en allant traîner à Ménilmontant [quartier parisien où les antifascistes sont implantés]. »

      Sébastien Louis confirme : « Paris est un cas spécifique en raison de l’opposition entre les Tigris Mystic [groupe de la tribune Auteuil, aujourd’hui dissous] et Boulogne, de la violence qui a continué autour du stade [en 2010]. » Il poursuit : « C’est vrai qu’il y a des signes de politisation, comme la banderole à Auteuil dénonçant la politique extrêmement répressive de la Chine contre les Ouïgours [en 2019], mais il faut rester prudents. Certains ultras fréquentent des activistes de gauche, ils se nourrissent. Mais la porosité est limitée. Peu d’ultras sont militants et peu de militants sont ultras. » En clair : si des ultras participent à certaines manifestations, la grande majorité se tient très éloignée de la politique. Certains préfèrent ainsi les actions caritatives, comme à Saint-Etienne où ils distribuent des colis alimentaires.

      « Rupture générationnelle »

      Il n’empêche. La situation des tribunes parisiennes a contribué à l’émergence d’une nouvelle génération de militants, dont l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA) est la composante la plus connue. « Il y a eu une rupture générationnelle dans le mouvement antifasciste parisien, confirme Marco (le prénom a été changé), 33 ans, qui évolue dans ces milieux. Avant, c’était très influencé par le punk rock et les redskins [skinheads d’extrême gauche], la CNT [Confédération nationale du travail] était hégémonique. Le nouveau mouvement antifa naît avec une génération tournée vers le stade, notamment à Auteuil, qui est fortement implantée en banlieue et qui a plus une culture rap. Le lien se fait au moment de “la guerre des tribunes”, où des gens du stade sont venus avec les antifas pour aller trouver les mecs de Boulogne. » A en croire certains activistes du cortège de tête, il y a aujourd’hui une « agrégation » entre les militants « autonomes, des “gilets jaunes”, des gens qui viennent du stade. Et les antifascistes font le lien ».

      Il est vrai qu’une des particularités de l’AFA est d’être à la confluence de ces divers mouvements. Ses militants théorisent l’idée d’« autodéfense populaire », qui entend combattre, selon leur terminologie, « les aspects fascistes » du régime politique français, notamment, selon eux, les violences policières dans les quartiers populaires ou la « justice de classe ». Une répression qui s’exprime, toujours selon ces militants, d’abord dans les quartiers populaires mais aussi envers les supporteurs de football, avant de se généraliser à l’ensemble du mouvement social. En découle une convergence des objectifs contre un système qui s’incarne dans un adversaire commun : le policier.

    • « Le black bloc est difficile à cerner, il s’agrège et se défait au gré des événements » , Sylvain Boulouque, historien, 29 avril 2019
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/29/le-black-bloc-un-ensemble-heterogene-aux-traditions-politiques-bigarrees_545

      Plusieurs générations et traditions politiques cohabitent au sein de cette mouvance qui pratique l’émeute urbaine pour lutter contre le capitalisme, explique l’universitaire Sylvain Boulouque dans une tribune au « Monde ».

      Tribune. Depuis maintenant une vingtaine d’années, dans de nombreuses manifestations et partout dans les démocraties libérales, un nouveau groupe est apparu dans les cortèges : le black bloc, qui se présente comme une nouvelle pratique de l’anticapitalisme, en réplique aux nouveaux moyens de surveillance et de contrôle, et aux mutations de l’économie mondiale.

      Le black bloc est avant tout une pratique manifestante. Formés de plusieurs dizaines ou centaines de personnes qui se masquent le visage et se couvrent de vêtements noirs, ces groupes cherchent à faire reculer les barrages policiers et à ouvrir un trajet non officiel aux manifestations. Ils assument et s’efforcent de banaliser un niveau de violence urbaine impliquant des risques élevés, tant pour les membres des forces de l’ordre que pour eux-mêmes, et pour les manifestants de base pris dans les affrontements.

      De plus en plus souvent mixte – la présence de femmes y est en augmentation –, le black bloc est difficile à cerner, tant politiquement que socialement.
      Au-delà de l’aversion commune envers le « capitalisme », il recrute sur des bases plus affinitaires que strictement idéologiques. Il s’agrège et se défait au gré des événements. Défiant l’ordre public, il s’en prend à tout bien matériel susceptible de symboliser le libéralisme économique et laisse derrière lui, inscrits au fil des dégradations, des slogans souvent rédigés dans une veine sarcastique.

      Anonymat

      Le black bloc n’a pas pignon sur rue. Si des appels explicites à l’émeute urbaine circulent et peuvent être relayés, notamment sur certains sites et sur les réseaux sociaux, ils ne sont pas signés et, comme la tenue noire, renvoient à l’anonymat. Ses membres, sauf exception, ne revendiquent jamais ouvertement leur participation.
      Pour pouvoir se mettre en ordre de bataille, le black bloc bénéficie de la bienveillance des autres manifestants qui, sans prendre part aux affrontements, protègent sa formation. Le « cortège de tête », informel, avec lequel il n’a pas de démarcation claire, est à la fois son refuge et sa protection.

      Dans ces groupes, plusieurs générations et plusieurs factions politiques cohabitent. Les plus anciens ont transmis l’expérience acquise depuis les années 1970. Si dans les deux décennies suivantes, les actions violentes sont devenues moins fréquentes, la culture de l’émeute n’a pas pour autant disparu.

      Anarchisme

      En Europe, ces pratiques renaissent à Gênes (Italie) en 2001 puis à Evian (Haute-Savoie) en 2003. Une nouvelle vague d’émeutiers émerge à Strasbourg, puis à Poitiers en 2009, rejoints ensuite par une frange des participants aux « zones à défendre » de Notre-Dame-des-Landes (loire-Atlantique) et de Sivens (Tarn) entre 2014 et 2018.
      S’y mêlent certains manifestants contre la « loi travail » en 2016, des participants aux mouvements universitaires de 2018, jusqu’à la « casse » d’ampleur du 1er mai 2018. Il semble falloir compter aujourd’hui aussi avec le ralliement de « gilets jaunes ».

      Le black bloc forme donc un ensemble hétérogène aux traditions politiques bigarrées, comme le résume le slogan « Beau comme une insurrection impure », renvoyant au mélange des appartenances et des révoltes. Il bénéficie de la mansuétude voire du soutien tacite d’une partie de la gauche radicale anticapitaliste.

      Les groupes se réclamant de l’anarchisme sont une composante importante, comme l’indiquent les drapeaux noirs et noir et rouge ainsi que le « A » cerclé bombé sur les murs. A la frontière entre anarchisme et marxisme, les différents courants héritiers de « l’autonomie » des années 1980, refusant les formes traditionnelles de la contestation politique, sont très présents.

      De manière toujours informelle et déterminée par des choix individuels, des membres et des sympathisants de diverses déclinaisons du marxisme, se réclamant pour quelques-uns du maoïsme et pour d’autres du trotskisme, participent aussi aux affrontements. Cette porosité – impensable jusque dans les années 1990 – s’explique par l’affaiblissement des barrières idéologiques, les solidarités de terrain l’emportant sur les appartenances politiques.

      Patchwork idéologique

      L’explication est à chercher dans leurs engagements spécifiques et notamment dans la sociabilité associative.
      Toujours sans aucune généralisation possible, les émeutiers peuvent appartenir à des nébuleuses variées : antifascistes radicaux, membres de collectifs contre les violences policières, aide aux migrants, écologie radicale, collectifs féministes, groupes de « solidarité internationale » avec les Palestiniens et les Kurdes, par exemple. La pratique sportive joue aussi un rôle, des sports de combat jusqu’au football, notamment à travers les clubs de supporteurs des villes ouvrières ou des quartiers populaires.

      Loin du cliché sur les émeutiers issus prioritairement des milieux intellectuels, le black bloc actuel est beaucoup plus divers dans sa composition sociale. Si les premières analyses des participants au début des années 2000 montraient un haut niveau d’études, les différents éléments aujourd’hui recueillis soulignent une présence plus forte des milieux populaires.

      Cette « sédimentation » insurrectionnelle repose également sur des cultures musicales partagées. Si les plus anciens ont baigné dans l’atmosphère du punk rock anglais, les générations récentes ont de nouvelles références, où les paroles et les concerts soulignent la détestation de l’ordre social.

      Les références historiques mises en avant témoignent aussi de ce patchwork idéologique : la Révolution française, la Commune de Paris restent incontournables mais s’y ajoutent les révoltes contemporaines. Les slogans utilisés soulignent le caractère bigarré d’une mouvance où se mêlent le vocabulaire propre aux banlieues, les clins d’œil aux séries télévisés, mais aussi la reprise d’aphorismes de René Char, comme « Agir en primitif et prévoir en stratège ».

      Le black bloc souligne l’hétérogénéité des formes de l’anticapitalisme contemporain. Ses participants sont pour beaucoup des enfants de la démocratisation scolaire. Majoritairement issus des banlieues proches et plus marginalement des centres-villes, beaucoup se sont formés à la politique sur les bancs de l’université.
      Les métiers qu’ils exercent recoupent en grande partie les classes moyennes. Ils renouvellent une volonté de rupture avec le fonctionnement de la société actuelle et s’inscrivent dans une forme de continuité, comme si les « enragés » d’hier étaient devenus les « ingouvernables » d’aujourd’hui.

      #anticapitalisme #black_bloc #analyse #histoire

    • Black blocs : qu’est-ce que la « violence légitime » ?
      https://www.lemonde.fr/campus/article/2018/05/09/black-blocs-qu-est-ce-que-la-violence-legitime_5296478_4401467.html

      La violence est un état de fait, elle est aussi un problème de droit, analyse le professeur de philosophie Thomas Schauder. Sans une certaine dose de violence, l’ordre peut-il être respecté ? Et sans violence, l’ordre pourrait-il être renversé ?

      #violence_politique #violence_légitime

    • Black bloc : « La multiplication des manifestations a offert à certains l’occasion d’apprendre le cycle provocation-répression », Sylvain Boulouque, Historien
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/21/black-bloc-la-multiplication-des-manifestations-a-offert-a-certains-l-occasi

      Tribune. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, le black bloc n’est pas un mouvement politique, mais une pratique manifestante, apparue d’abord dans la mouvance autonome allemande et qui s’est depuis développée dans la gauche émeutière européenne. L’un des premiers Schwarzer Blocks est apparu à Frankfurt, le 1er mai 1980. Il s’agissait d’un groupe anarchiste manifestant le visage découvert.

      L’expression est ensuite reprise par la police allemande pour désigner les autonomes tentant d’empêcher les expulsions des squats. Elle connaît une réappropriation positive dans les années 1990 et se dessine sous sa forme actuelle. Le black bloc est aujourd’hui une pratique manifestante internationale qui se retrouve aussi bien à Hongkong, à Barcelone, à Santiago…

      Les émeutiers ne se revendiquent pas forcément de cette mouvance. Cette pratique prend une tonalité particulière en France parce qu’elle s’inscrit dans la continuité de deux siècles d’émeutes urbaines depuis la Révolution française. En France, actuellement, de l’observation du phénomène black bloc, quelques constantes se dégagent.

      Une force capable de défier l’Etat

      Le bloc se constitue en avant ou dans le cortège au début ou au cours des manifestations. Pour se développer, il doit bénéficier d’un effet de surprise, d’un terrain et d’un milieu favorables. Le bloc se forme au sein d’une foule plutôt bienveillante, parfois appelée, en fonction de sa place dans la manifestation, « cortège de tête ». Il lui sert de zone de protection et de refuge. Ses participants s’habillent de noir pour rester dans l’anonymat et éviter toute personnalisation, par refus du principe du chef et parfois même par romantisme révolutionnaire.

      Les émeutiers se pensent et se constituent comme une force capable de défier l’Etat. Ses membres affirment une forme de désobéissance civile. Ils rejettent les manifestations imposées par les pouvoirs publics et s’inscrivent dans une logique révolutionnaire visant à rompre avec les pratiques dites réformistes des manifestations pacifiques. Le recours à la violence est une de ses expressions possibles. Il est l’affaire de choix individuels ; tous les manifestants physiquement présents au sein du bloc ne participent pas à l’émeute ou à des actions violentes, mais se montrent solidaires ou refusent de condamner les choix des autres.

      Force est de constater que les actions du black bloc ne sont médiatisées que lorsque certains de ses participants ont recours à la violence. Ainsi, peu de commentateurs ont fait état de l’existence d’un « pink bloc » lors de la manifestation féministe du 23 novembre 2019 à Paris ; personne, ou presque, n’a relevé qu’à Hambourg, le 6 décembre dernier, un black bloc de plus de 3 000 personnes a manifesté pacifiquement pour afficher sa solidarité avec cinq manifestants incarcérés lors de précédentes manifestations pour des actions violentes.

      Des émeutiers pas tous issus de la catégorie des CSP +

      Inversement, les dégradations sont filmées en direct avec une forme de fascination, voire une certaine délectation. Elles sont ensuite reprises en boucle et font l’objet d’une avalanche de déclarations politiques, traduisant les discours sécuritaires qui viennent étayer des projets de lois ou des discours politiques dans les traditions des mouvements de droite conservatrice ou nationaliste, sur lesquels se greffe une pseudo-analyse du phénomène black bloc, souvent éloignée des réalités sociopolitiques.

      Les émeutiers appartiendraient tous à la catégorie des CSP +, seraient des enfants de bonnes familles, voire des enfants d’enseignants. Or, excepté quelques cas isolés, rien ne permet de valider ces hypothèses. Régulièrement brandi par une partie de la sphère politique de gauche et de droite, le thème des provocations policières – les « casseurs » seraient manipulés pour discréditer les mouvements revendicatifs, voire certains d’entre eux seraient des policiers – relève, pour l’essentiel, de la fantasmagorie.

      Cette fantasmagorie rejoint des thèses avancées principalement par le Parti communiste français pour qualifier les actions des autonomes dans les années 1970, sans qu’aucune preuve n’ait été apportée, hormis la réalité de certaines infiltrations à des fins de surveillance. Dans la même logique, une partie de la mouvance antifasciste est parfois incriminée par l’extrême droite, qui, par un procédé rhétorique, cherche à jeter l’opprobre sur le mot même.

      Un reflet de l’évolution d’une partie de la société

      Si les tenues et les pratiques manifestantes peuvent parfois être proches et si quelques manifestants participent à ces actions, rien ne prouve que la majorité des militants qui se revendiquent « antifas » participent aux violences. L’accusation de laxisme de la justice bute sur la réalité des faits. Des dizaines de personnes ont été condamnées à des peines de prison ferme et plusieurs centaines ont été frappées d’interdiction, avec des mises à l’épreuve, de manifester ou de se rendre dans les villes le jour des manifestations depuis 2016.

      Ces débats biaisés empêchent de comprendre la nature et la transformation du phénomène. En effet, si le black bloc est une pratique manifestante, cherchant à renvoyer l’Etat à ses propres contradictions, il est aussi un reflet de l’évolution d’une partie de la société, la renvoyant à sa propre violence. La forme du black bloc semble en mutation, un reflet et une conséquence de la déshumanisation et de la crise sociale, d’une part, et de l’augmentation des violences policières, d’autre part.

      Comme la pratique émeutière se diffuse in situ, par l’expérimentation de la rue, la multiplication des manifestations a offert à de nouvelles générations l’occasion d’apprendre le cycle provocation-répression. Les anciennes générations cohabitent avec de nouvelles, dont le profil évolue. On assiste à un élargissement générationnel – des mineurs aux cinquantenaires –, quantitatif, et à une diffusion géographique du nombre de personnes pouvant potentiellement participer aux émeutes.

      L’émergence d’une nouvelle forme de conflictualité

      Les blocs se formaient principalement dans quelques îlots (Paris, le Grand-Ouest). Aujourd’hui, dans toutes les grandes villes se produit ce type d’action. Socialement, une mutation s’opère. Les informations qui émergent suite aux différents procès et aux comparutions immédiates montrent que toutes les catégories sociales se retrouvent devant la justice. Aux profils majoritairement d’étudiants et d’ouvriers qui composaient les accusés auparavant succèdent, devant les tribunaux, des individus aux situations encore plus précaires.

      Ils viennent non des centres-villes mais des banlieues et, plus encore, des périphéries. La socialisation politique évolue. Les nouveaux émeutiers se sont forgé une opinion de manifestation en manifestation. Les slogans et graffitis qui accompagnent les émeutes se sont modifiés. L’anticapitalisme demeure, mais le caractère sarcastique et symbolique des attaques s’est réduit, sans avoir totalement disparu.

      Cette mutation traduit l’émergence d’une nouvelle forme de conflictualité, illustration d’une rupture interne dans la violence politique et sociale, subie comme exprimée. Le caractère jusque-là codifié des émeutes tend à disparaître. La tendance actuelle est bien plus inscrite comme une forme de révolte contemporaine qui, faute de perspectives, verse dans le nihilisme.

      #autonomes #anticapitalisme #précaires

  • Samedi, c’est Parapluie et c’est demain
    https://lundi.am/Samedi-c-est-Parapluie

    « La prison… Le bagne… L’échafaud ! dira-t-on. Mais que sont ces perspectives en comparaison d’une vie d’abruti, faite de toutes les souffrances (…) Entêtés dans vos égoïsmes étroits, vous demeurez sceptiques à l’égard de cette vision, n’est-ce pas ? Le peuple a peur semblez-vous dire. Nous le gouvernons par la crainte de la répression ; s’il crie, nous le jetterons en prison ; s’il bronche, nous le déporterons au bagne ; s’il agit, nous le guillotinerons ! Mauvais calcul, Messieurs, croyez-m’en ! Les peines que vous infligez ne sont pas un remède contre les actes de révolte. La répression, bien loin d’être un remède, voire même un palliatif, n’est qu’une aggravation du mal. (…) Du reste, depuis que vous tranchez les têtes, depuis que vous peuplez les prisons et les bagnes, avez-vous empêché la haine de se manifester ? Dites ! Répondez ! ».

    On a trouvé la chef du black bloc !
    https://blogs.mediapart.fr/zazaz/blog/151220/trouve-la-chef-du-black-bloc
    https://seenthis.net/messages/891698

    • (...) il faut savoir que les parapluies sont autant de hiéroglyphes secrets, d’étranges sémaphores qui cachent une habile dispositif qui déclencheraient magiquement des casses en manifestation. Ce fait surprenant a été évoqué de manière très sérieuse par Le Canard Enchaîné du mercredi 9 décembre 2020. Le Canard est formel :

      « selon la préfecture de Police, (…) les modes opératoires sont rodés. Au signal d’un parapluie qui s’ouvre, tout le monde enfile sa tenue de combat –noir intégral. (…) et le groupe passe à l’action ».

      Trois jours plus tard une certaine Moun était arrêtée parce qu’elle coïncidait avec le mode opératoire révélé par Le Canard selon les indications de la préfecture de Police trois jours auparavant. Le Canard est toujours très bien informé sur ce qui se pense (ou plutôt ne se pense pas) au sommet de l’État, parce que c’est directement là qu’il se tuyaute pour trouver des infos. C’est ici qu’on comprend, qu’au sommet de l’État, il se raconte des histoires qui se médiatisent et qu’ensuite cette médiatisation transforme ces bobards en réalité.

      #manifestation #police #media #maintien_de_l'ordre #black_bloc

  • « Une mère de famille peut faire 70 heures de garde à vue simplement parce qu’elle tient un parapluie. »
    http://www.davduf.net/une-mere-de-famille-peut-faire-70-heures-de-garde

    Travailleuse sociale, gilet jaune d’Amiens, membre des Mutilés pour l’exemple et de la Coordination nationale contre la loi Sécurité globale, Mélanie Ngoye Gaham a passé trois jours et trois nuits en garde à vue. Pour rien. Ou plutôt si : pour avoir manifesté le 12 décembre contre la loi Sécurité globale. Elle est sortie sans aucune charge retenue contre elle. « Bien sûr que oui j’ai peur. J’ai toujours eu peur d’aller manifester, mais bien sûr que non je ne lâcherai pas la rue. Dès janvier je serai de (...) #Allo_Place_Beauvau

    / Une, #Allo_Place_Beauvau, #Gilets_Jaunes, #Police, #Maintien_de_l'ordre

  • Le nouveau schéma national du maintien de l’ordre. Avis du Défenseur des droits n°20-08, 30 novembre 2020
    https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20299

    1. Evolution de la doctrine du maintien de l’ordre vers une meilleure communication

    2. Persistance du manque de transparence de l’action des forces de l’ordre et de l’information du public
    Identification des forces de l’ordre
    Journalistes et observateurs

    3. Maintien du lanceur de balles de défense

    4. Evolution des armes de force intermédiaire

    5. Evolution vers une plus grande judiciarisation et une plus grande mobilité des forces

    Le ministre l’annonce dans son édito au schéma national du #maintien_de_l’ordre : « la plus grande mobilité des forces, pour mettre fin aux exactions et interpeller les auteurs de violences, devient un impératif ». Si le #Défenseur_des_droits reconnaît que l’action de police judiciaire est indispensable dans la gestion de l’ordre public, il s’était inquiété dès 2018, comme nombre de personnalités, de la part grandissante donnée à la mission répressive du maintien de l’ordre.

    Si les améliorations apportées en matière de communication vont dans le sens d’une meilleure prise en compte de la mission de prévention et d’encadrement, le Défenseur des droits constate cependant que le schéma consacre la #judiciarisation du maintien de l’ordre en accordant une place prépondérante aux missions d’interpellation et en favorisant la mobilité des forces.

    Le Défenseur des droits constate en outre que l’objectif de mobilité se traduit par l’engagement d’unités « hors unités de force mobile », telles que les brigades anti criminalité [#BAC] dans les opérations de maintien de l’ordre.

    Or, le Défenseur des droits constate que la majorité de ses saisines sont liées à l’intervention, en cours de manifestations, d’unités dont l’objectif est d’interpeller les auteurs d’infractions. Ces unités sont le plus souvent en civil ; elles ne portent donc aucun équipement de protection et se trouvent rapidement exposées. Elles font en conséquence un usage plus fréquent des armes de forces intermédiaires et notamment du #LBD et agissent le plus souvent sans coordination avec les unités spécialisées.

    Enfin, ces unités interviennent parfois également pour participer à la mission de maintien ou de rétablissement de l’ordre, toujours sans équipement et avec un matériel inadapté ne permettant pas la gradation dans le recours à la force.

    Cette judiciarisation est d’autant plus inadaptée au contexte du maintien de l’ordre que les conditions pour respecter les #garanties_procédurales en cas d’interpellations ne sont pas réunies, qu’il s’agisse du respect des #droits des personnes interpellées ou du contrôle effectif par l’autorité judiciaire, contrôle souvent retardé en raison du nombre d’interpellations concomitantes. Le Défenseur des droits rappelle à cet égard la rigueur dont les forces de l’ordre doivent faire preuve s’agissant des motifs du contrôle et de l’interpellation d’une personne, la #garde_à_vue étant une mesure privative de liberté contraignante, qui a également pour conséquence dans le contexte particulier du maintien de l’ordre, de priver un individu de son #droit_de_manifester.

    Les difficultés occasionnées par la mise en œuvre de cette judiciarisation, avec en particulier la multiplication de ces unités risque de modifier la perception qu’ont les manifestants des forces de l’ordre en manifestation et de dégrader fortement la relation police-population.

    Le Défenseur des droits rappelle l’importance de la mission administrative de prévention et d’encadrement de l’exercice du droit de manifester par les forces de l’ordre.

    6. Persistance des pratiques attentatoires aux libertés

    #libertés #police #LBD

  • Gérald Darmanin a maquillé les chiffres des interpellations lors de la manifestation à Paris
    https://www.mediapart.fr/journal/france/131220/gerald-darmanin-maquille-les-chiffres-des-interpellations-lors-de-la-manif


    Lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale, à Paris, le 12 décembre. © Fabien Pallueau/NurPhoto via AFP
    Droit de manifester ? Prends ça !

    Au terme d’une manifestation sévèrement réprimée, le ministre de l’intérieur a annoncé l’interpellation de 142 « individus ultra-violents ». C’est faux. Les éléments réunis par Mediapart montrent que les policiers ont procédé à des arrestations arbitraires dans un cortège pacifique.

    Pendant toute la manifestation parisienne contre la proposition de loi « Sécurité globale », Gérald Darmanin a pianoté sur son iPhone. À 14 h 12, un quart d’heure avant le départ du cortège, le ministre de l’intérieur lançait, sur son compte Twitter, le décompte d’une journée qui s’annonçait riche en arrestations : « Déjà 24 interpellations », postait-il, en joignant à son message une photo d’un tournevis et d’une clé à molette, deux outils « qui n’ont pas leur place dans une manifestation ».

    Une heure et demie plus tard, M. Darmanin reprend son portable. « 81 interpellations désormais, à 15 h 50 », annonce-t-il, sans photo d’outils cette fois, mais en parlant d’« individus ultra-violents ». À 17 h 50, le chiffre monte à « 119 interpellations », « des casseurs venus nombreux ». Pour finir, à 18 h 56, à « 142 interpellations » officielles, chiffre repris dans le bandeau des chaînes d’info en continu.

    Il aura pourtant fallu moins de 24 heures pour que la communication du ministre de l’intérieur, dont les résultats médiocres depuis son arrivée Place Beauvau font jaser jusque dans son propre camp, se dégonfle comme un ballon de baudruche.

    Selon les éléments et témoignages recueillis par Mediapart, les personnes interpellées dans le cortège parisien étaient en grande partie des manifestants pacifiques, qui ne sont d’ailleurs par poursuivis pour des faits de violences – ce qui prouve que la stratégie policière était bien de foncer dans le tas et de procéder à des arrestations arbitraires. Des journalistes indépendants ont également été arrêtés au cours des différentes charges, alors qu’ils étaient parfaitement identifiables.

    Les chiffres communiqués par le parquet de Paris, dimanche soir, donnent la mesure de la manipulation de communication orchestrée par la place Beauvau : alors que 39 procédures ont dores et déjà classées sans suite, seulement six manifestants seront jugés en comparution immédiate. Le parquet a aussi procédé à 27 rappels à la loi, estimant qu’il n’y avait pas matière à renvoyer devant les tribunaux. Une personne a accepté une CRPC (procédure de plaider coupable), 30 gardes à vue sont toujours en cours, et deux enquêtes visant deux personnes remises en liberté n’ont pas encore été classées.

    Sur les 19 mineurs arrêtés, le parquet a dores et déjà classé neuf enquêtes. Cinq autres dossiers ont été traité par un simple rappel à la loi, tandis que quatre jeunes sont convoqués devant le délégué procureur. Les investigations se poursuivent dans un seul cas.

    Alexis Baudelin fait partie des 142 personnes arrêtées au cours de la manifestation. Son cas a été jugé suffisamment emblématique pour que le Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) relaie une vidéo de son interpellation avec le commentaire suivant : « Les ordres de la préfecture de police sont clairs : empêcher toute constitution de Black bloc ! Ces factieux viennent semer la violence et le chaos. Ils sapent les manifestations. Nous nous félicitons des interpellations de ces individus très violents ! »

    Malgré les certitudes du syndicat des commissaires, Alexis Baudelin n’a même pas été poursuivi par le parquet. Il a été relâché samedi soir, cinq heures après son interpellation, sans la moindre charge, non sans avoir rappelé quelques règles de droit aux policiers. Et pour cause : Alexis Baudelin exerce la profession d’avocat, ce que les forces de l’ordre ignoraient puisqu’il ne défilait pas en robe.

    Le jeune homme a été interpellé lors d’une des nombreuses charges des voltigeurs des brigades de répression des actions violentes motorisées (Brav-M), venus scinder la manifestation juste après son départ (relire le récit de la manifestation ici). Ainsi que le montre une vidéo qu’il a lui-même filmée, l’avocat a été violemment attrapé par le cou et sorti du cortège, sans que les policiers ne soient en mesure d’expliquer les raisons de son interpellation. Avant d’être arrêté, Alexis Baudelin avait protesté contre une violente charge policière (ce qui n’est pas interdit) et portait avec lui un drapeau noir (ce qui n’a également rien d’illégal). 

    « Les policiers m’ont ensuite menotté mais ils se rendaient bien compte qu’ils n’avaient rien contre moi », témoigne-t-il auprès Mediapart. Pendant cinq heures, M. Baudelin est ensuite déplacé de commissariat en commissariat avec d’autres manifestants, qui « se demandaient comme [lui] ce qu’on pouvait bien leur reprocher ». Finalement présenté à un officier de police judiciaire du commissariat du XIVe arrondissement, l’avocat est relâché, sans même avoir été placé en garde à vue. « J’ai été arrêté puis retenu pendant cinq heures de manière totalement arbitraire, sans même qu’un fait me soit reproché », dénonce-t-il.

    Interrogé par Mediapart, le parquet de Paris indique que sur les 142 personnes arrêtées en marge de la manifestation, 123 ont été placées en garde à vue. C’est notamment le cas du journaliste indépendant Franck Laur, finalement libéré sans charge dimanche en début d’après-midi. « Il paraît que je suis parmi les 142 casseurs recensés par Gérald Darmanin », cingle le journaliste au terme de sa garde à vue, avant de raconter les circonstances de son interpellation : « J’ai été interpellé au cours d’une charge en fin de manifestation, à 18 heures, sur la place de la République [où s’est terminée la manifestation – ndlr]. Je filmais, j’étais identifiable comme journaliste, j’ai été frappé à coups de matraques et j’ai dit un mot qu’il ne fallait pas », indique-t-il.

    M. Laur est placé en garde à vue dans le commissariat du VIIIe arrondissement pour « outrage » mais aussi pour des faits de « port d’arme de catégorie D », en raison de son masque à gaz. Ces charges ont ensuite été abandonnées sans même que le journaliste ne soit entendu sur les faits. « On est venu me chercher en geôle ce dimanche et on m’a dit : “Votre garde à vue est terminée” », raconte-t-il. Franck Laur doit en revanche passer un IRM dans les prochains jours : « J’ai été amené à l’Hôtel-Dieu samedi soir pour passer une radio. Ils pensent que j’ai deux vertèbres fissurées en raison des coups de matraque », explique-t-il.

    Au commissariat, Franck Laur a partagé la cellule de Thomas Clerget, un autre journaliste indépendant membre du collectif Reporters en colère (REC). Lui aussi a été libéré sans charge ce dimanche après avoir été suspecté du délit de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences ». « J’ai été arrêté au cours d’une charge totalement gratuite, au milieu de gens qui marchaient. J’ai été matraqué par terre à la tête et à l’épaule », raconte cet habitué de la couverture des manifestations, qui a « eu l’impression que les policiers allaient à la pêche à l’interpellation ».

    Un homme frappé à la tête lors de la manifestation du samedi 12 décembre, à Paris. © Fabien Pallueau/NurPhoto via AFP
    Un communiqué de presse diffusé ce dimanche par le collectif REC et 15 autres organisations (dont la Ligue des droits de l’homme, la CGT et des syndicats de journalistes) a dénoncé un « déploiement policier et militaire brutalisant et attentatoire au droit de manifester ». Organisations bientôt rejointes dans leur constat par des élu·e·s comme Bénédicte Monville, conseillère régionale écologiste en Île-de-France. « Ma fille a été arrêtée hier alors qu’elle quittait la manifestation la police a chargé elle filmait, un policier la saisit et ils l’ont emmenée. Plusieurs personnes témoignent qu’elle n’a rien dit, opposé aucune résistance mais elle est en GAV pour “outrage” », a dénoncé l’élue sur Twitter. La mère d’un autre manifestant lui a répondu en faisant part de la même incompréhension : « Mon fils Théo a lui aussi été arrêté en tout début de manifestation, il est en GAV avec votre fille, commissariat du 20ième. Ils n’ont pas de faits à lui reprocher, juste des supposées intentions ».

    « La grande majorité des personnes arrêtées ne comprennent pas ce qu’elles font au commissariat », appuie Me Arié Alimi, dont le cabinet assiste une quinzaine d’interpelés. L’avocat estime que « ces personnes ont été interpelées alors qu’elles participaient tranquillement à une manifestation déclarée, cela signe la fin du droit de manifester ». Les avocats interrogés par Mediapart ignorent ce qui a pu pousser les policiers à arrêter certains manifestants pacifiques plutôt que d’autres, même si certains indices semblent se dessiner. Par exemple, des manifestants interpelés avaient des parapluies noirs, ce qui peut être utiliser pour former un black bloc (pour se changer à l’abri des drones et des caméras), mais est avant tout un accessoire contre la pluie (il pleuvait à Paris hier). « On a l’impression que les manifestants ont été arrêtés au petit bonheur la chance », témoigne Me Camille Vannier.

    Parmi les signataires du communiqué diffusé par le collectif REC figure aussi l’association altermondialiste Attac, dont un militant, Loïc, a aussi été interpelé à la fin de la manifestation, place de la République. « On discutait tranquillement ensemble quand les policiers ont commencé à charger, matraques en l’air. On s’est mis à courir. Ils voulaient visiblement vider la place, mais il n’y avait pas eu la moindre sommation », raconte Pascal, un autre membre d’Attac présent lors de l’arrestation. Au terme de 24 heures de garde à vue, Loïc a été remis en liberté dimanche soir sans charge, a informé son association.

    Un autre journaliste, le reporter Adrien Adcazz, qui travaille pour le média Quartier général, a pour sa part vu sa garde à vue prolongée ce dimanche soir. « Une décision totalement abusive », dénonce son avocat David Libeskind. « Vers 16 heures, sur le boulevard de Sébastopol, mon client a été pris dans une charge. Il a crié : “Journaliste ! Journaliste !” », précise l’avocat, qui indique que si son client n’avait pas de carte de presse (qui n’est pas obligatoire pour les journalistes), il avait bien un ordre de mission de son employeur.

    Selon Me Libeskind, Adrien Adcazz a été entendu pour des faits de « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences », de « dissimulation de son visage » (en raison du cache-cou noir qu’il portait), de « rébellion » et de « refus d’obtempérer ». Le 12 septembre, lors d’une précédente manifestation, Adrien Adcazz avait déjà été interpelé pour des faits similaires, avant que l’enquête ne soit classée sans suite, signale son avocat.
    Un autre client de David Libeskind, street-medic d’une cinquantaine d’années mobilisé pour soigner les manifestants victimes de violences policières, est sorti de garde à vue dimanche soir avec un « rappel à la loi » du procureur de la République pour « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences ».

    Depuis les manifestations contre la loi Travail en 2016, la « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences » est une infraction « systématiquement utilisée » par les officiers de police judiciaire, relève l’avocat Xavier Sauvignet, qui a assisté cinq manifestants interpelés samedi à Paris. Ce délit sanctionne le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation de violences volontaires contre les personnes ou de dégradations de biens.

    « La problématique, c’est qu’une fois que les personnes sont renvoyées devant un tribunal, elles sont bien souvent relaxées faute de preuves tangibles », indique Me Sauvignet. Alors, le parquet opte bien souvent pour un « rappel à la loi », une « pseudo-peine sans possibilité de se défendre », dénonce l’avocat, mais qui présente l’avantage de gonfler les statistiques du ministère de l’intérieur. Cette mesure présente d’autres conséquences, complète Xavier Sauvignet : « Cela a un double effet d’intimidation à l’égard des manifestants et d’affichage à l’égard de l’extérieur. »

    Oh la la, quel titre d’article idiot chez Mediapart. La blague sur BFM (?) passe pas, et l’essentiel non plus.

    https://seenthis.net/messages/891067
    https://seenthis.net/messages/891063
    https://seenthis.net/messages/891037

    Instauré en décembre 2016 (merci #PS) ces procédures de rappel à la loi sont bien trop souvent acceptées alors qu’elles constituent une reconnaissance de culpabilité (en violation du #principe_de_contradictoire censé régir la justice : le droit à une #défense), un #aveu (la "reine des preuves"...) et ouvrent le champ à la "récidive légale" (des peines aggravées). Le chantage est le suivant. Il faut choisir de l’accepter sous peine de procès, il s’agit d’être débarrassé, de pouvoir sortir (soit-disant) "sans suite", ou de risquer de comparaître, de vivre une longue procédure et d’être condamné.
    De fait, il est possible de refuser le rappel à la loi et ni les avocats ni les collectifs ne le disent assez.
    Un tel refus n’est pas nécessairement suivi de procès puisque le parquet sait qu’il doit ouvrir une procédure dont le résultat n’est pas garanti a priori, une procédure qui a toutes chances d’être perdante (sinon ils auraient lancé la procédure, ben oui). C’est vrai dans tous les cas, sauf si on est du bon côté du manche et que cette procédure est proposée en guise de "plaider coupable" pour moins cher. Et c’est encore plus vrai avec un chef d’accusation du type « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou violences », car c’est un délit d’intention que le ministère public aurait à étayer, un délit douteux au possible.

    #manifestation #répression #police #maintien_de_l'ordre #justice #arrestations_arbitraires #arrestations_préventives #rappel_à_la_loi #délits_imaginaires

  • Marche des Libertés du 12 décembre jusqu’au retrait total ! - un suivi par Paris-luttes.info, @paris
    https://paris-luttes.info/suivi-de-la-marche-des-libertes-du-14580

    La marche des libertés n’est pas interdite, elle partira de Place du Châtelet à 14h30, en passant par Boulevard de Sébastopol, Boulevard Saint-Denis, Boulevard Saint-Martin, Place de la République.

    Dispositif policier important autour de la place du Châtelet : trois canons à eau sont de sortie. Fouilles de sacs pour tout le monde et pas mal de contrôles.

    [dès 14:47] Les flics, en nombre disproportionné, s’ennuient et interpellent en masse. Papa flic Darmanin se vante déjà de 24 interpellations.

    Le cortège a été entièrement nassé du début à la fin, chargé dès la place du Châtelet. Plusieurs incursions policières ont saucissonné cette nasse en tronçons. Opérant des arrestations dès l’arrivé des manifestants et durant toute la durée de la manif, les policiers ont accueillis le cortège à République au canon à eau et à la grenade lacrymogène, sans sommations là non plus.

    La « coordination contre la sécurité globale » a refusé d’appeler à cette initiative https://seenthis.net/messages/888955

    ces deux #banderoles ont été chargées puis confisquées par les #FDO, plusieurs arrestations dans ces groupes

    Matraqué, ce musicien de la #FanfareInvisible qui jouait du tambour a été présenté comme... un manifestant maquillé ("oh là. ces images sont choquantes" ont-ils dit d’abord) par BFM (Beauté Française du Maquillage ?)

    « On revient un petit instant sur ces images d’un homme maculé de sang, c’est du maquillage, on vous rassure, pour l’instant pas de blessé »

    Entretien vidéo :
    https://twitter.com/CerveauxNon/status/1337799934171635718

    « Le policier qui m’a fouillé m’a franchement fouillé le slip, le sexe, l’anus »

    Nous avons rencontré un manifestant qui s’est confié au sortir de la manifestation sur l’#agression_sexuelle qu’il venait de subir par un policier.

    Louis Witter, @LouisWitter sur cuicui

    Place de la République, canons à eau hors champ

    #PPLSécuritéGlobale #marche_des_libertés #manifestation #libertés_publiques #police #répression #arrestations #arrestations-préventives

    • Le Parisien sur touiteur

      142 personnes ont été interpellées à Paris. Pour le ministre de l’Intérieur, la « stratégie de fermeté #anti-casseurs » a « permis de les en empêcher, de protéger les commerçants »

      5000 manifestants selon la pref, « quelques centaines » selon divers #media (dont Ouest-France), 10 000 selon les organisateurs.

      À 20H, à en croire le nombre et la fréquence des sirènes de police qui retentissent dans la ville, alors que la place de la République a été évacuée par la force depuis près de deux heures, il semble que des manifestants sortis des nasses successives soient encore dans les rues de l’est parisien.

      #Paris

    • Par des charges arbitraires à Paris, la police provoque l’insécurité globale
      https://www.mediapart.fr/journal/france/121220/par-des-charges-arbitraires-paris-la-police-provoque-l-insecurite-globale

      Quelques milliers de personnes ont manifesté à Paris contre les lois « liberticides » d’Emmanuel Macron. La police a décidé de décourager les manifestants en les chargeant indistinctement dès le départ du cortège, provoquant panique et blessures.

      « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », et de vouloir manifester en France. Ce ne sont pas Jeanne, Marie, Emma et Juliette qui diront le contraire. Ces quatre amies, toutes âgées de 20 ans, ont quitté le cortège avant même la fin de la manifestation contre les projets « liberticides » du président Emmanuel Macron, samedi 12 décembre à Paris. « C’est horrible, on s’est fait charger quatre fois sans aucune raison. De samedi en samedi, c’est de pire en pire », expliquaient-elles en rentrant chez elles, désabusées.

      Les étudiantes n’étaient venues avec aucune autre intention que celle de défendre leurs libertés, pancartes en main. Elles ne ressentent « aucune haine contre la police. À un moment, on est même allées voir des CRS, en leur demandant poliment pourquoi ils faisaient cela ». Sans réponse. « Pour nous, c’est de l’intimidation », considèrent-elles. Et cela marche : « On n’ira pas à la prochaine manif. »

      Comme elles, quelques milliers de personnes se sont rassemblées, ce samedi 12 décembre, à Paris, à l’appel de différents mouvements mobilisés contre la proposition de loi « sécurité globale » mais aussi du collectif contre l’islamophobie, qui conteste la loi « confortant le respect des principes de la République » (ex-loi séparatisme). Un premier appel, à l’initiative d’un groupe de gilets jaunes, avait été interdit par la préfecture de police de Paris. En régions, des milliers de manifestants se sont rassemblés dans une quarantaine de villes, à l’appel notamment de la coordination #StopLoiSécuritéGlobale qui ne s’est pas associée à la mobilisation parisienne, faute de garanties de sécurité après les échauffourées du week-end dernier.

      La manifestation parisienne a été émaillée d’incidents très tôt, quand les forces de l’ordre ont décidé de charger le cortège juste après son départ de la place du Châtelet, sans raisons apparentes. La stratégie de maintien de l’ordre déployée à Paris lors de la grande manifestation du samedi 28 novembre, où les forces de police étaient restées à distance, n’était qu’une parenthèse. Depuis la semaine dernière, sur ordre du préfet Didier Lallement, les policiers reviennent au contact, comme lors des manifestations des gilets jaunes.

      Sur son compte Twitter, la préfecture de police a expliqué que les forces de l’ordre étaient « intervenues au milieu du cortège […] pour empêcher la constitution d’un groupe de black-blocs violents ». Par vagues successives, les CRS, gendarmes mobiles, mais aussi les voltigeurs des Brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M) ont ainsi foncé dans le tas le long du boulevard de Sébastopol, sans faire le tri entre les manifestants et les personnes qu’ils souhaitaient interpeller.

      Une stratégie qui a fait monter la tension pendant de longues minutes et provoqué des blessures chez les manifestants. Comme ce musicien frappé au visage (voir photo ci-dessus). Sur BFM TV, une journaliste a expliqué en direct que le sang qui coulait sur son visage était « du maquillage, on vous rassure », avant de présenter ses excuses samedi soir. En effet, le jeune homme a bien reçu un coup de matraque alors qu’il se trouvait de dos au début d’une charge policière.
      À 17 h 50, trois heures et demie après le début de la manifestation, « 119 » personnes avaient été interpellées, selon le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, parlant de « casseurs venus nombreux ».

      Tout au long du défilé dans le centre de Paris, un impressionnant dispositif policier a été déployé pour contrôler les moindres faits et gestes des manifestants. Des barrages avaient été disposés (fouille de tous les manifestants) aux entrées de la place du Châtelet, cernée par les cordons de CRS et les canons à eau. Même dispositif à l’arrivée de la manifestation, place de la République, cerclée de grilles anti-émeutes. Entre les deux dispositifs, les manifestants ont pu défiler en rangs d’oignons, encadrés par les contingents de CRS et gendarmes mobiles qui sont même allés jusqu’à rythmer l’avancée du cortège. Au premier coup de sifflet : on avance. Au second : on s’arrête. Et ainsi de suite, jusqu’à faire perdre au cortège, déjà sonné par les charges du départ, tout son dynamisme.

      À l’avant de la manifestation, le camion n’a pour autant pas cessé de cracher des slogans : « Y’en a marre, y’en a marre ! Stop aux lois liberticides ! Stop à l’islamophobie ! » Lucien, 23 ans, se réjouit que la contestation converge entre la PPL Sécurité globale et la loi séparatisme : « Nous sommes face à un seul phénomène : le développement d’un État policier qui se construit à l’encontre des minorités, et principalement des musulmans », estime-t-il. Pierre, un « jeune cadre dynamique » de 26 ans venu de Lyon, conteste cette approche : « J’ai un positionnement plus nuancé, je manifeste contre la loi sécurité globale, qui peut servir à maîtriser les mouvements sociaux, pas contre la loi séparatisme. »

      Une des charges au début de la manifestation sur le boulevard de Sébastopol. © AR

      Les raisons de manifester sont en réalité multiples. « Nous sommes une génération qui n’a jamais eu d’acquis, on n’a plus de but. Nos parents ont travaillé pour offrir une meilleure éducation à leurs enfants, nous on est face à la crise sociale, climatique, sanitaire, on ne connaît pas la notion de “monde meilleur”, on essaie juste de retenir nos libertés », analyse pour sa part Michèle, urbaniste de 27 ans, en relevant le nombre important de jeunes dans le cortège. À l’inverse, les drapeaux de syndicats ou d’organisations politiques se font rares, à l’exception d’un fourgon du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

      « On ne se sent pas en sécurité mais nous n’avons pas d’autres choix que de manifester. Ce qu’il se passe en ce moment est très grave. Dans dix ans, je veux pouvoir me dire que j’étais là, pour défendre nos droits et libertés », abonde Mila, 23 ans, en service civique chez France Terre d’asile, en listant l’accumulation de violences policières dont se sont fait l’écho les médias ces dernières semaines. « J’étais place de la République avec Utopia 56 [lors de l’évacuation brutale d’un campement de migrants – ndlr], je n’avais jamais ressenti une telle violence », explique-t-elle.

      Un peu plus loin, Magalie se tient sur le bord de la manifestation, « j’essaie de me protéger des charges ». À 41 ans, cette enseignante en Seine-Saint-Denis, « militante de longue date », ne cache pas son inquiétude : « Plus cela va, moins on a de droits. Je n’ai vraiment pas envie que tout parte à vau-l’eau, mais je crois que nous sommes proches de la révolte. »

    • « Régler par tous les moyens le problème [du #black_bloc]. » aurait dit Macron après la manifestation du 5 décembre dernier. Et le Canard de prédire, à l’instar d’un syndicat de police, « un résultat judiciaire proche de zéro », faisant mine de ne pas savoir, par exemple, que 500 personnes ont été condamnées à de la taule lors du mouvement des Gilets jaunes.

      Ce soir, 42 #GAV sur les 147 interpellations. Dont bon nombre pour « visage dissimulé » (bonnet + masque...), selon Vies Volées (collectif de familles victimes de crimes policiers https://www.viesvolees.org/le-collectif), @ViesVolees sur cui.

      Trumpisation chez les amis d’Action française ? Aujourd’hui, Darmanin publie 4 tweets et en retweete 4 autre pour vanter l’action des FDO à Paris.

    • Libérez nos camarades ! [reçu par mel]

      Aujourd’hui, à la manifestation parisienne contre les lois liberticides et racistes, contre les violences policières et l’islamophobie, notre camarade Ahamada Siby, du Collectif des Sans-Papiers de Montreuil (CSPM), a été arrêté par la police et emmené au commissariat du 13ème arrondissement. Nous apprenons qu’il a été arrêté parce que, selon la police, il aurait agressé un flic ? C’est rigoureusement impossible. D’autant plus que, quelques minutes plus tôt, il était allé voir tranquillement la police pour demander à pouvoir quitter la manifestation, en raison de sa blessure au genou.

      Pour nous qui connaissons Ahamada Siby, cette accusation est ridicule. Malheureusement nous savons parfaitement que dans ce régime, avec ce gouvernement, les flics pensent pouvoir agir comme bon leur semble, et qu’ils seront protégés. Ils inventent, et sauf vidéo démontant leur version, leur parole fait foi. C’est ainsi que cela se passe jusqu’à présent, et c’est aussi pour ça qu’Ahamada manifeste contre la loi sécurité globale comme contre la loi séparatisme.

      Ahamada Siby est l’un des 273 habitants du hangar situé au 138 rue de Stalingrad, un lieu qui sert de foyer après leur expulsion de l’AFPA en octobre 2019, et où l’électricité ne fonctionne plus depuis plusieurs mois.

      C’est un camarade très actif dans toutes les luttes actuelles. Celles des sans-papiers bien sûr, à Montreuil comme ailleurs, mais aussi contre les violences policières et les lois liberticides : il a fait toutes les manifestations contre la loi « sécurité globale ». Il a également participé à la marche pour Adama Traoré le 18 juillet dernier, animant comme souvent le cortège du CSPM, ou encore à des manifestations pour l’hôpital public.

      À travers lui, c’est tout le mouvement social qui est visé.

      Hier soir encore, vendredi 11 décembre à #Montreuil, il animait au mégaphone le cortège de la marche des sans-papiers.

      Nous lançons donc un appel à témoins : si vous avez filmé la scène de l’arrestation, ou les minutes qui ont précédé, contactez-nous.

      Nous savons qu’il ne suffit pas d’expliquer qu’il s’agit une fois de plus d’un abus de pouvoir ; pour obtenir la libération d’Ahamada Siby, nous devons manifester notre solidarité.

      Nous apprenons également ce soir que plusieurs membres des Brigades de Solidarité Populaire de Montreuil sont en garde à vue au commissariat du 13ème arrondissement.

      Nous exigeons la libération immédiate de nos camarades Ahamada Siby et BSP.
      Une présence bruyante en soutien est la bienvenue dès maintenant.

      🔊🔥Nous appelons surtout à un rassemblement de TOUTES et TOUS devant le commissariat du 13ème arrondissement (métro Place d’Italie) DEMAIN dimanche 13 décembre à 12h.🔥🔥🔥

      Collectif des Sans-Papiers de Montreuil (CSPM), Montreuil Rebelle, NPA Montreuil

      #délits_imaginaires

    • Stratégie des forces de l’ordre à Paris : « Efficace d’un point de vue technique, mais inquiétant d’un point de vue politique », selon un sociologue [Olivier Fillieule]
      https://www.francetvinfo.fr/politique/proposition-de-loi-sur-la-securite-globale/strategie-des-forces-de-l-ordre-a-paris-c-est-efficace-d-un-point-de-vu

      Pourquoi aujourd’hui, a-t-on autant de violences dans les manifestations ? Parce que le pouvoir ne veut plus tolérer des illégalismes en manifestation qui, jusqu’à présent, étaient considérés dans la doctrine du maintien de l’ordre comme des soupapes de sécurité. Il vaut mieux avoir un abribus qui pète et qui brûle, voire dans les manifestations d’agriculteurs, une grille de préfecture arrachée et 3 tonnes de purin dans la cour qui vont coûter un million d’euros que d’avoir un blessé. C’est cette manière de penser le maintien de l’ordre sur laquelle on a fonctionné pendant les 40 dernières années. Aujourd’hui, on s’achemine vers quelque chose de beaucoup plus dur, de plus en plus tendu, avec un risque de mort d’un côté comme de l’autre. Ce qui n’est pas souhaitable.

      note : les 42 personnes gardées à vue ont été dispersées dans un grand nombre de commissariats parisiens de 10 arrondissements (5e, 7e, 8e, 11e, 12e, 13e, 14e, 15e, 18e et 20e), ce qui complique la solidarité et la défense.
      à 13h ce dimanche, au moins un avocat et un journaliste ont été libérés

      #maintien_de_l'ordre #illégalismes

    • DÉFOULOIR RÉPRESSIF CONTRE LA MARCHE DES LIBERTÉS À PARIS - Acta
      https://acta.zone/defouloir-repressif-contre-la-marche-des-libertes-a-paris

      (...) la Loi Sécurité Globale est une réponse politique directe à l’intensification de la conflictualité sociale caractéristique de la dernière séquence (2016-2020) ; elle est aussi plus profondément le symptôme de la crise de légitimité d’un État français incapable de produire du consentement. On ne peut toutefois pas l’envisager sans considérer sa combinaison avec la Loi Séparatisme dont l’objectif évident est d’empêcher toute convergence entre l’ébullition que connaissent les classes populaires blanches et la révolte du prolétariat non-blanc.

      Dans un tel contexte, la gauche – Jean-Luc Mélenchon en tête – montre, une fois de plus, son aveuglement vis-à-vis de la réalité effective du tournant autoritaire et sa déconnexion avec le mouvement réel. Son incapacité à en saisir les dynamiques l’amène à une position de complicité objective avec le gouvernement. La répression qui s’est abattue aujourd’hui est aussi le fruit de cette complicité, et de la défection des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier. Face à cela, on se réjouit que les rencontres entre l’anti-racisme politique, les gilets jaunes et les différentes formes d’auto-organisation de la jeunesse issue du cortège de tête soient en capacité de tenir la rue et de ne pas glisser dans la tombe que la gauche est en train de nous creuser.

      Une charge policière s’empare de la banderole des brigades de solidarité populaire

  • Commission d’enquête #Police : audition (vive) de Valentin Gendrot et David Dufresne par Jean-Michel Fauvergue
    http://www.davduf.net/commission-d-enquete-police-audition-vive-de-1920

    Jeudi 12 novembre 2020, la commission d’enquête parlementaire relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de #Maintien_de_l'ordre a auditionné Valentin Gendrot, auteur de « Flic : un journaliste infiltre la police » et David Dufresne, auteur-réalisateur du film « Un pays qui se tient sage ». Il a été question de maintien de l’ordre, donc, de journalistes blessés par les forces de l’ordre, de racisme dans la police, d’omerta dans l’institution, du rôle politique de certains (...) #Allo_Place_Beauvau

    / Maintien de l’ordre, Police

    • https://seenthis.net/messages/392347#message392655

      Je voulais faire remonter cette audition qui date de 2015 qui avait été un peu vive aussi.

      Mais, en suivant ce lien, vous trouverez le texte lu par les membres présent à l’assemblée nationale ce jour là mais pas la captation vidéo de la chaîne parlementaire. Celle-ci, bizarrement, a été retiré de YouTube suite à une demande de taranis news (sous prétexte de violation de copyright). C’est génial cette forme dinvisibilisation...

      D’ailleurs je comprends pas. Une captation d’une audition à l’assemblée nationale par LCP c’est pas comme un débat télé classique dans un studio. Il y a pas dans mon souvenir un monteur régisseur qui s’amuse en direct à diffuser à l’image des vidéos de violences (pour « illustrer le débat ») pendant que les invités continuent à débattre en voix off.

      Du coup, je vois pas d’images copyright taranis...

  • Libertés, casse et communication politique
    à quoi joue la coordination contre la sécurité globale ?
    https://lundi.am/Libertes-casse-et-communication-politique

    Nous avons reçu plusieurs témoignages concernant la première marche des libertés qui s’est tenue ce samedi. Pèle-mèle ils pointaient les retournements de veste d’une partie de la gauche (aujourd’hui à l’unisson sur la question de la loi), s’offusquaient des discours de dissociation qui ont accompagné les affrontements de fin de parcours, ou pointaient l’absence de recul critique quant aux pratiques mises en oeuvres (de la casse au « smartphone levé »). Le texte que nous avons choisi a à la fois le mérite de traiter de l’ensemble de ces sujets, et de ne pas partir de la marche parisienne qui a concentré toutes les attentions. Plus qu’une critique d’un communiqué que l’on pourrait juger anecdotique il faut le voir comme une amorce de réflexion sur les stratégies de luttes et de divisions.

    Nous avons battu le pavé contre la loi liberticide dite de sécurité globale. Ce samedi de manifestation, qui était aussi celui de la réouverture des commerces, s’est déroulé dans la capitale des Gaules sous un soleil radieux !

    Désolé : on s’abaisse au même niveau de poncifs que le communiqué dont on va discuter.

    Nous avons manifesté donc, et constaté, avec joie, que l’inattendu mouvement contre une loi sécuritaire prenait de l’ampleur. C’est rare. Et c’est rare de se dire que la rue pourrait, si ce n’est gagner, au moins arracher enfin un bout d’honneur perdu.

    "Rentrer" de manif aujourd’hui c’est souvent rentrer dans un autre espace-temps, celui des réseaux sociaux et leurs folies post-manifestation. Cette fois, en plus des stratégies de com’ gouvernementales et de la tentative d’exister d’une extrême-droite plutôt aphone ces derniers jours, il y avait quelques autres raisons d’être dégouté. On pourrait parler de tel « photographe de terrain », qui sans une once de recul critique ou d’intelligence, met sur le même plan « casseurs » et BRAV parce que tous deux l’empêcheraient de filmer. Ou de l’ancien journaliste du JDD et créateur de Loopsider, qui tombe dans le piège pourtant grossier tendu par un syndicat de police visant à mettre sur le même plan les bastons entre CRS et manifestants et le tabassage de Michel Zecler. Surtout, il y eut, posté par David Dufresne sur Twitter, le "communiqué des organisateurs".

    Ce fameux communiqué [1] publié par la coordination [2] évoque notamment la manifestation où nous étions : celle de Lyon, pour en dénoncer "fermement", les "violences".

    Revenant de manifester, d’avoir inhalé notre dose de gaz, comme on en a l’habitude à Lyon depuis au moins 4 ans (d’ailleurs n’était-ce pas aussi contre ça que l’on était dans la rue ?), quelle joie de nous voir ainsi condamnés "fermement" (par extension). Naïvement, puisque ce sont nos corps, nos voix, que l’on avait mis en mouvement ce samedi, on pensait que c’était un peu notre manif. Des proprios se ramènent avec un acte notarié : ils condamnent .

    #loi_de_sécurité_globale #maintien_de_l'ordre #journalisme

    • Précision : après quelques remarques, David Dufresne a retiré le communiqué le soir même de son fil. J’ai pas la ref sous le coude car mon twitter est down pour la seconde soirée d’affilée mais j’ai pu le constater de mes yeux-vu. Et le communiqué a surtout été propulsé par le SNJ-CGT (et très peu relayé tant il était gênant)

    • MANIFESTATION À PARIS CE SAMEDI 12 DÉCEMBRE : LA COORDINATION STOP LOI SÉCURITÉ GLOBALE S’ABSTIENT
      https://www.sortiraparis.com/actualites/a-paris/articles/238012-manifestation-a-paris-ce-samedi-12-decembre-la-coordination-sto

      La coordination Stop Loi Sécurité Globale « n’organisera pas de mobilisation ce samedi 12 décembre à Paris ». Tel est le message communiqué ce mercredi 9 décembre par la coordination qui regroupe syndicats et organisations opposées aux lois relatives à la « sécurité globale » et sur les « Séparatismes ». Les entités enjoignent aux sympathisants de continuer la mobilisation « sur tout le territoire national », mais pas à Paris.

      C’est la première fois que ces associations et collectifs décident de ne pas battre le pavé dans la capitale pour protester contre des projets de loi qu’ils considèrent comme « liberticides ». Après avoir réuni « des centaines de milliers de personnes dans plus de 100 villes en France pour dénoncer une dérive sécuritaire très inquiétante » comme ils le soulignent dans leur communiqué, ses responsables considèrent que « les conditions de sécurité des manifestants et manifestantes ne sont pas assurées ». C’est pourquoi la coordination « n’organisera pas de mobilisation ce samedi 12 décembre à Paris ».

      Monsieur Mélenchon sur touiteur
      https://twitter.com/JLMelenchon/status/1337382503427043331

      Je soutiens la décision du collectif #StopLoiSecuriteGlobale d’annuler la marche de samedi à Paris. L’insécurité créée par #Lallement, Alliance et Black Bloc ne permet plus de manifester paisiblement. Les ennemis de la liberté et Macron marquent un point.

      La semaine dernière, ce n’est pas seulement David Dufresne qui a dépublié le communiqué hostile à une partie des manifestants et à certaines pratiques dont il est question plus haut mais bien l’ensemble de ses auteurs (la « coordination » contre la loi sécurité globale, un cartel d’organisations et des individualités, dont de nombreux #journalistes).

      #gauche (et maladroit) #manifestation

    • Face aux atteintes à la liberté d’informer, et l’instauration d’une surveillance de masse, des mobilisations sont prévues le 12 décembre dans toute la France. Voici la carte des rassemblements prévus et le communiqué de la coordination
      « StopLoiSecuriteGlobale », dont Basta ! est membre.
      https://www.bastamag.net/carte-des-rassemblements-contre-la-loi-securite-globale-StopLoiSecuriteGlo
      Stop Loi Sécurité Globale
      https://stoploisecuriteglobale.fr

    • La coordination « StopLoiSecuriteGlobale » est composée de syndicats, sociétés, collectifs, associations de journalistes et de réalisateurs.trices, confédérations syndicales, associations, organisations de défense de droits humains, comités de familles de victimes, de collectifs de quartiers populaires, d’exilés, de Gilets jaunes. [...]

      Après la manifestation parisienne du 5 décembre, et du fait de la stratégie de la terre brûlée mise en place par la préfecture de police, la coordination #StopLoiSecuriteGlobale considère que les conditions de sécurité des manifestants et manifestantes ne sont pas assurées et n’organisera pas de mobilisation ce samedi 12 décembre à Paris. [...]

      La coordination exige d’être reçue dans les plus brefs délais par le président de la République(...)

      Cette fois on évite de dénoncer « le black bloc », les manifestants, comme c’est poli ! Postures bureaucratiques et éthique bourgeoise unies toutes ensemble dans une hypocrisie neuneu sans autre objectif que de se montrer respectables et vertueuses. La honte.
      Ces orgas et ces gens se refusent à assumer la protection des manifestants qui seront là demain, avec les manifestants eux-mêmes... tout en se déclarant désireuses de négocier. On croit rêver....
      Pour clore 68, il avait fallu d’abord que la CGT s’aligne un tant soit peu sur les grévistes, les salons du Grenelle gaulliste ne viennent qu’ensuite. Le conservateur patron de FO Bergeron a dit pendant des décennies au pouvoir « écoutez-moi sinon ça va péter ». Mais sur ce coup, alors qu’y compris un point de vue instrumental imposerait à nos dignes représentants de prendre appuis sur ce grand nombre qu’ils prétendent représenter, on lâche les manifestants avant même la première lacrymo, la première arrestation.

      #sans_vergogne

  • #Police attitude, 60 ans de #maintien_de_l'ordre - Documentaire

    Ce film part d´un moment historique : en 2018-2019, après des affrontements violents entre forces de l´ordre et manifestants, pour la première fois la conception du maintien de l´ordre a fait l´objet de très fortes critiques et d´interrogations insistantes : quelle conception du maintien de l´ordre entraîne des blessures aussi mutilante ? N´y a t-il pas d´autres manières de faire ? Est-ce digne d´un État démocratique ? Et comment font les autres ? Pour répondre à ces questions, nous sommes revenus en arrière, traversant la question du maintien de l´ordre en contexte de manifestation depuis les années 60. Pas seulement en France, mais aussi chez nos voisins allemands et britanniques, qui depuis les années 2000 ont sérieusement repensé leur doctrine du maintien de l´ordre. Pendant ce temps, dans notre pays les autorités politiques et les forces de l´ordre, partageant la même confiance dans l´excellence d´un maintien de l´ordre « à la française » et dans le bien-fondé de l´armement qui lui est lié, ne jugeaient pas nécessaire de repenser la doctrine. Pire, ce faisant c´est la prétendue « doctrine » elle-même qui se voyait de plus en plus contredite par la réalité d´un maintien de l´ordre musclé qui devenait la seule réponse française aux nouveaux contestataires - lesquels certes ne rechignent pas devant la violence, et c´est le défi nouveau qui se pose au maintien de l´ordre. Que nous apprend in fine cette traversée de l´Histoire ? Les approches alternatives du maintien de l´ordre préférées chez nos voisins anglo-saxons ne sont sans doute pas infaillibles, mais elles ont le mérite de dessiner un horizon du maintien de l´ordre centré sur un rapport pacifié aux citoyens quand nous continuons, nous, à privilégier l´ordre et la Loi, quitte à admettre une quantité non négligeable de #violence.

    https://www.dailymotion.com/video/x7xhmcw


    #France #violences_policières
    #film #film_documentaire #Stéphane_Roché #histoire #morts_de_Charonne #Charonne #répression #mai_68 #matraque #contact #blessures #fractures #armes #CRS #haie_d'honneur #sang #fonction_républicaine #Maurice_Grimaud #déontologie #équilibre #fermeté #affrontements #surenchère #désescalade_de_la_violence #retenue #force #ajustement_de_la_force #guerilla_urbaine #CNEFG #Saint-Astier #professionnalisation #contact_direct #doctrine #maintien_de_l'ordre_à_la_française #unités_spécialisées #gendarmes_mobiles #proportionnalité #maintien_à_distance #distance #Allemagne #Royaume-Uni #policing_by_consent #UK #Angleterre #Allemagne #police_militarisée #Irlande_du_Nord #Baton_rounds #armes #armes_à_feu #brigades_anti-émeutes #morts #décès #manifestations #contestation #voltigeurs_motoportés #rapidité #23_mars_1979 #escalade #usage_proportionné_de_la_force #Brokdorf #liberté_de_manifester #innovations_techniques #voltigeurs #soulèvement_de_la_jeunesse #Malik_Oussekine #acharnement #communication #premier_mai_révolutionnaire #Berlin #1er_mai_révolutionnaire #confrontation_violente #doctrine_de_la_désescalade #émeutes #G8 #Gênes #Good_practice_for_dialogue_and_communication (#godiac) #projet_Godiac #renseignement #état_d'urgence #BAC #brigades_anti-criminalité #2005 #émeutes_urbaines #régime_de_l'émeute #banlieue #LBD #flashball #lanceur_de_balles_à_distance #LBD_40 #neutralisation #mutilations #grenades #grenade_offensive #barrage_de_Sivens #Sivens #Rémi_Fraisse #grenade_lacrymogène_instantanée #cortège_de_tête #black_bloc #black_blocs #gilets_jaunes #insurrection #détachement_d'action_rapide (#DAR) #réactivité #mobilité #gestion_de_foule #glissement #Brigades_de_répression_des_actions_violentes_motorisées (#BRAV-M) #foule #contrôle_de_la_foule #respect_de_la_loi #hantise_de_l'insurrection #adaptation #doctrine #guerre_civile #défiance #démocratie #forces_de_l'ordre #crise_politique

  • Gérald Darmanin équipe la Police nationale de Peugeot 5008 « Origine France Garantie » 11/09/2020
    https://www.bfmtv.com/auto/gerald-darmanin-equipe-la-police-nationale-de-peugeot-5008-origine-france-gar


    Dans la hotte du père « Noël » darmanin.

    Le ministre de l’Intérieur a annoncé que plus de 600 exemplaires du #SUV assemblé à Rennes allaient être remis aux forces de l’ordre avant la fin de l’année. Des SUV pour la #Police Nationale. Le ministre de l’Intérieur a indiqué ce jeudi sur Twitter que les forces de l’ordre allaient recevoir « plus de 600 exemplaires » du Peugeot 5008, diffusant au passage un visuel permettant d’observer le véhicule habillé de ses nouvelles couleurs. On notera d’ailleurs le choix d’un gris comme couleur principale, en lieu et place du blanc qui recouvre traditionnellement les voitures de police française.
    Le Peugeot 5008 de deuxième génération a été lancé en 2017. Il est assemblé à l’usine PSA de Rennes-La Janais et dispose aussi du label « Origine France Garantie », avec 68% de ses composants fabriqués en France.

    et pompili, elle roule en SUV aussi ?
    #cadeaux

    • Réception des premiers exemplaires des Peugeot 5008 du ministre de l’Intérieur offert à la police nationale.
      https://twitter.com/PoliceNationale/status/1330862832095801344
      https://video.twimg.com/amplify_video/1330845209274494976/vid/1280x720/8hPvcRUtYumWXA3I.mp4?tag=13

      A présent, #Darmanin annonce en guise de cadeau de Noël « les nouvelles 5008 de la Police Nationale et de la Gendarmerie nationale sont arrivées ! ». Prix à l’unité d’un tel véhicule : entre 30 et 40 000 euros pièce. Estimation de la dépense : 39 millions d’euros minimum. Cet achat ostentatoire en pleine crise sanitaire s’accompagne de lois liberticides : le gouvernement appuie de toutes ses forces la police, matériellement et politiquement.

      https://www.nantes-revoltee.com/argent-magique-des-4x4-vitres-teintees-pour-la-police-2

      Frankus - Uniformes
      http://www.insomniaqueediteur.com/wp-content/blogs.dir/9/files/2012/03/13-Uniformes.mp3

    • Nantes Révoltée - CADEAU DE NOËL : 89 NOUVEAUX BLINDES POUR LA RÉPRESSION, POUR 65 MILLIONS D’EUROS
      https://www.nantes-revoltee.com/cadeau-de-noel-89-nouveaux-blindes-pour-la-repression-pour-65-milli
      https://www.boamp.fr/avis/detail/20-154690/2

      Nous évoquions ce projet d’achat massif de nouveaux blindés pour la #gendarmerie il y a quelques semaines. L’appel d’offre est officiellement paru juste avant #Noël. Publié ce 22 décembre, il porte sur « l’acquisition de véhicules blindés maintien de l’ordre et sa maintenance associée au profit de la gendarmerie nationale ». Dans un rapport rédigé par le célèbre Benjamin Griveaux, l’estimation évoque une dépense de 65 millions d’euros pour 89 blindés.

      Le député En Marche Xavier Batut justifie ainsi cette dépense : « depuis près de trois ans, une accélération et une multiplication de situations de crises variées ont nécessité le recours accru aux VBRG, outre-mer mais également, pour la première fois depuis des décennies, sur le territoire métropolitain. […] Ces engagements aujourd’hui réguliers ont mis en évidence l’urgence de procéder au remplacement du parc blindé ». En d’autres termes : on cogne de plus en plus fort et on compte bien continuer, il faut du matériel flambant neuf.

      Évidemment, chez les gendarmes, on se félicite de ces nouveaux jouets, surtout que la commande est plus élevée qu’espérée. Un colonel de gendarmerie explique avec gourmandise dans la presse que le nouveau Véhicule Blindé de Maintien de l’Ordre « doit être en mesure de transporter un groupe de maintien de l’ordre, d’intervention ou de combat de 8 à 10 gendarmes » qu’il doit être « compatible avec le combat, rustique et facile à entretenir ». L’engin sera armé d’un dispositif de lance-grenades et de contre-tir téléopéré ou sous tourelle (lance-grenades, arme collective et/ou de précision) ; il devrait aussi être équipé d’une lame ou à défaut d’un treuil très puissant. « Ce futur blindé devra plus particulièrement être doté d’un blindage sérieux, c’est-à-dire protégeant des armes légères d’infanterie et des engins explosifs improvisés (IED) simples. ». Parmi les candidats déjà pressentis, le véhicule Sherpa APC de la firme Arquus et la variante « Gendarmerie » du blindé militaire léger Serval de Nexter – sur la photo.

      Dans le projet de finances pour l’année qui vient, la mission « Sécurités » doit être dotée d’une enveloppe de 13,9 milliards d’euros, augmentée d’un milliard d’euros au titre du plan de relance pour le ministère de l’Intérieur. Forcément, entre les achats de drones, de grenades, les nouvelles voitures de police et les primes, il faut sortir le carnet de chèque avec l’argent public. Et pour la santé et l’éducation ? Rien. Nous sommes en guerre.

      #maintien_de_l'ordre

  • Thierry Fournier | La Main invisible

    https://www.thierryfournier.net/la-main-invisible

    La Main invisible

    Série d’#images numériques, impressions fine art sur dibond, dimensions variables, 2020
    Créées à partir de photographies et avec l’aimable autorisation de NnoMan, Amaury Cornu, Benoît Durand, Anne Paq, Julien Pitinome, Kiran Ridley et Charly Triballeau, de 2016 à 2020

    La Main invisible transforme des photographies qui témoignent de #violences_policières, en effaçant intégralement les policiers de l’image. En soulevant la question de la censure et en faisant mine de s’y soumettre, l’image ne montre plus que les personnes subissant un assaut, mené par un vide spectral qui n’a plus ni corps ni visage. Le terme de “main invisible” est un des concepts historiques du libéralisme, qui postule que la somme spontanée des actions du marché conduirait au bien commun.

    Je remercie très chaleureusement les photographes pour leur confiance et leur concours.

  • Alors il est toujours de bon ton d’être plus militant que les autres, et en ce moment de faire remarquer qu’« on n’a pas attendu @davduf » pour être aware et « dénoncer la violence de la police »… Ou suggérer lourdement qu’il ne découvrirait le sujet que parce que les gilets jaunes ne sont pas des personnes racisées.

    Ce qui donne par exemple aujourd’hui ce début de thread (rétouité par Olivier Cyran) :
    https://twitter.com/tombillon/status/1327243609259864066?prefetchtimestamp=1605520484769

    Puisque ces jours-ci ça parle pas mal du droit de filmer la police, petite anecdote perso qui remonte à près de 10 ans #thread #SecuriteGlobale

    (parce que, oui, on n’a pas attendu Dufresne et compagnie pour documenter et dénoncer la violence de la police, dans les manifs ou ailleurs)

    Alors « pas attendu » pour « pas attendu », j’ai connu David Dufresne à peu près à l’époque où il couvrait les sans-papiers de l’église Saint-Bernard pour Libé :
    https://www.liberation.fr/evenement/1996/08/24/a-7h50-la-porte-cede-le-recit-de-l-assaut-policier_179042

    C’était en 1996. Il y a 24 ans. Et 10 ans après la mort de Malik Oussekine, ça a été un des épisodes fondateurs qui ont marqué ma propre conscience de la violence d’État (parce que sociologiquement, je fais partie des gens qui peuvent très facilement choisir de prétendre que ça n’existe pas, puisque ça ne m’arrive pas à moi).

    Sinon, en remontant un peu, en juin 1995, on trouve déjà par exemple l’histoire de Roland Émélé Eabeyabé : En Seine-St-Denis, la police frappe, séquestre et oublie
    https://www.liberation.fr/libe-3-metro/1995/06/06/en-seine-st-denis-la-police-frappe-sequestre-et-oublie_135463

    • Quand on balance « On n’a pas attendu Davduf », c’est explicitement une question d’antériorité. Quand, dans nos milieux, je vois assez systématiquement de braves andouilles prétendre que David a découvert les violences policières avec les gilets jaunes, éventuellement avec Tarnac, et qu’il ignore/occulte les violences faites depuis des années aux populations racisées, bon ben voilà, c’est pas franchement un point de vue intéressant.

      Si ensuite tu veux reprocher à David de ne pas être suffisamment radical, pourquoi pas (moi-même je suis généralement beaucoup moins radical, sur plein de sujets, que mes ami·es de Seenthis). C’est d’ailleurs ce que fait l’article de Paris-Luttes, pour tout de même conclure :

      Bien que visible sans être accessible à tout le monde, ce film encourage, pour une fois, la confrontation d’opinions et la compilation des différentes vidéos de violences policières. Même si ce film fait l’impasse sur certains points évoqués précédemment, il est à voir car il (re)met en exergue l’action répressive de l’État ces dernières années et peut être une éventuelle porte d’entrée vers la réflexion plus large d’un monde sans Police.

    • j’avais malgré tout préféré Un cinéma qui se tient sage
      https://lundi.am/Un-cinema-qui-se-tient-sage

      Avec ces films, bons ou mauvais, qui prennent à bras le corps le monde actuel et les formes qu’il produit, le cinéma redevient politique (et plus seulement un produit culturel) parce qu’il recrée du commun et c’est au moins l’intérêt de ce film que de se proposer comme support d’un commun – un an et demi de lutte intense et des milliers d’images youtube.

      Immédiatement, lorsque le cinéma est commun, la critique redevient primordiale et tout simplement possible. Il devient possible et intéressant de discuter d’un film comme Un pays qui se tient sage. Et pas seulement probable mais nécessaire car il s’agit avec ce film de débattre d’au moins deux problématiques majeures : que faire des images « amateur » des violences policières et quel est le lien entre ces images et quelque chose qui s’appellerait le cinéma ? Et par ailleurs, à qui donner la parole, comment documenter une lutte ?

    • Attitude très habituelle chez les militants (les plus radicaux ?). Dès que « leur » sujet touche une audience plus large que leurs cercles restreints et qu’ils en sont quelque part dépossédés, ça râle au lieu d’en être content car les ego sont blessés. Et généralement ça ne donne rien de très joli comme « arguments » et positionnements (genre ici, Davduf n’est qu’une sorte d’opportuniste qui pique notre travail). Au final on se demande donc bien ce qui compte le plus... Cela ramène à la question de savoir pourquoi on milite, surtout quand le sujet de militance est extérieur à nos intérêts directs et personnels.

  • Commission d’enquête #Police : audition (vive) de Valentin Gendrot et David Dufresne par Jean-Michel Fauvergue
    http://www.davduf.net/commission-d-enquete-police-audition-vive-de

    Jeudi 12 novembre 2020, audition de la commission d’enquête parlementaire relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de #Maintien_de_l'ordre. Il a été question de maintien de l’ordre, donc, de journalistes blessés par les forces de l’ordre, de racisme dans la police, d’omerta dans l’institution, du rôle politique de certains syndicats de police, de l’IGPN, et de l’IGGN, de la presse, des relations police-population, des violences policières, de formation et de recrutement. (...) #Allo_Place_Beauvau

    / Une, #Allo_Place_Beauvau, Maintien de l’ordre, Police, #Gilets_Jaunes

    http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3138_proposition-resolution

  • Loi sécurité globale : policiers floutés, citoyens floués
    http://www.davduf.net/loi-securite-globale-policiers-floutes-citoyens

    Comment ne pas parler de censure ? Une loi écrite par la #Police pour la #Police vise à éviter que celle-ci ne perde la bataille de l’image et le monopole du récit. Empêcher le contrôle, la transparence, est le seul moyen qu’elle a trouvé pour tenter de conserver un peu de sa légitimité largement écornée. Police

    / Une, #Maintien_de_l'ordre, Police

  • Je suis prof. Seize brèves réflexions contre la terreur et l’obscurantisme, en #hommage à #Samuel_Paty

    Les lignes qui suivent ont été inspirées par la nouvelle atroce de la mise à mort de mon collègue, Samuel Paty, et par la difficile semaine qui s’en est suivie. En hommage à un #enseignant qui croyait en l’#éducation, en la #raison_humaine et en la #liberté_d’expression, elles proposent une quinzaine de réflexions appelant, malgré l’émotion, à penser le présent, et en débattre, avec raison. Ces réflexions ne prétendent évidemment pas incarner la pensée de Samuel Paty, mais elles sont écrites pour lui, au sens où l’effort de pensée, de discernement, de nuances, de raison, a été fait en pensant à lui, et pour lui rendre hommage. Continuer de penser librement, d’exprimer, d’échanger les arguments, me parait le meilleur des hommages.

    1. Il y a d’abord eu, en apprenant la nouvelle, l’#horreur, la #tristesse, la #peur, devant le #crime commis, et des pensées pour les proches de Samuel Paty, ses collègues, ses élèves, toutes les communautés scolaires de France et, au-delà, toute la communauté des humains bouleversés par ce crime. Puis s’y est mêlée une #rage causée par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, et avant même d’en savoir plus sur les tenants et aboutissants qui avaient mené au pire, se sont empressés de dégainer des kits théoriques tendant à minimiser l’#atrocité du crime ou à dissoudre toute la #responsabilité de l’assassin (ou possiblement des assassins) dans des entités excessivement extensibles (que ce soit « l’#islamisation » ou « l’#islamophobie ») – sans compter ceux qui instrumentalisent l’horreur pour des agendas qu’on connait trop bien : rétablissement de la peine de mort, chasse aux immigré.e.s, chasse aux musulman.e.s.

    2. Il y a ensuite eu une peur, ou des peurs, en voyant repartir tellement vite, et à la puissance dix, une forme de réaction gouvernementale qui a de longue date fait les preuves de son #inefficacité (contre la #violence_terroriste) et de sa #nocivité (pour l’état du vivre-ensemble et des droits humains) : au lieu d’augmenter comme il faut les moyens policiers pour enquêter plus et mieux qu’on ne le fait déjà, pour surveiller, remonter des filières bien ciblées et les démanteler, mais aussi assurer en temps réel la protection des personnes qui la demandent, au moment où elles la demandent, on fait du spectacle avec des boucs émissaires.

    Une sourde appréhension s’est donc mêlée à la peine, face au déferlement d’injures, de menaces et d’attaques islamophobes, anti-immigrés et anti-tchétchènes qui a tout de suite commencé, mais aussi face à l’éventualité d’autres attentats qui pourraient advenir dans le futur, sur la prévention desquels, c’est le moins que je puisse dire, toutes les énergies gouvernementales ne me semblent pas concentrées.

    3. Puis, au fil des lectures, une #gêne s’est installée, concernant ce que, sur les #réseaux_sociaux, je pouvais lire, « dans mon camp » cette fois-ci – c’est-à-dire principalement chez des gens dont je partage plus ou moins une certaine conception du combat antiraciste. Ce qui tout d’abord m’a gêné fut le fait d’énoncer tout de suite des analyses explicatives alors qu’au fond on ne savait à peu près rien sur le détail des faits : quel comportement avait eu précisément Samuel Paty, en montrant quels dessins, quelles interactions avaient eu lieu après-coup avec les élèves, avec les parents, qui avait protesté et en quels termes, sous quelles forme, qui avait envenimé le contentieux et comment s’était produit l’embrasement des réseaux sociaux, et enfin quel était le profil de l’assassin, quel était son vécu russe, tchétchène, français – son vécu dans toutes ses dimensions (familiale, socio-économique, scolaire, médicale), sa sociabilité et ses accointances (ou absences d’accointances) religieuses, politiques, délinquantes, terroristes ?

    J’étais gêné par exemple par le fait que soit souvent validée a priori, dès les premières heures qui suivirent le crime, l’hypothèse que Samuel Paty avait « déconné », alors qu’on n’était même pas certain par exemple que c’était le dessin dégoutant du prophète cul nu (j’y reviendrai) qui avait été montré en classe (puisqu’on lisait aussi que le professeur avait déposé plainte « pour diffamation » suite aux accusations proférées contre lui), et qu’on ne savait rien des conditions et de la manière dont il avait agencé son cours.

    4. Par ailleurs, dans l’hypothèse (qui a fini par se confirmer) que c’était bien ce dessin, effectivement problématique (j’y reviendrai), qui avait servi de déclencheur ou de prétexte pour la campagne contre Samuel Paty, autre chose me gênait. D’abord cet oubli : montrer un #dessin, aussi problématique soit-il, obscène, grossier, de mauvais goût, ou même raciste, peut très bien s’intégrer dans une #démarche_pédagogique, particulièrement en cours d’histoire – après tout, nous montrons bien des #caricatures anti-juives ignobles quand nous étudions la montée de l’antisémitisme, me confiait un collègue historien, et cela ne constitue évidemment pas en soi une pure et simple perpétuation de l’#offense_raciste. Les deux cas sont différents par bien des aspects, mais dans tous les cas tout se joue dans la manière dont les documents sont présentés et ensuite collectivement commentés, analysés, critiqués. Or, sur ladite manière, en l’occurrence, nous sommes restés longtemps sans savoir ce qui exactement s’était passé, et ce que nous avons fini par appendre est que Samuel Paty n’avait pas eu d’intention maligne : il s’agissait vraiment de discuter de la liberté d’expression, autour d’un cas particulièrement litigieux.

    5. En outre, s’il s’est avéré ensuite, dans les récits qui ont pu être reconstitués (notamment dans Libération), que Samuel Paty n’avait fait aucun usage malveillant de ces caricatures, et que les parents d’élèves qui s’étaient au départ inquiétés l’avaient assez rapidement et facilement compris après discussion, s’il s’est avéré aussi qu’au-delà de cet épisode particulier, Samuel Paty était un professeur très impliqué et apprécié, chaleureux, blagueur, il est dommageable que d’emblée, il n’ait pas été martelé ceci, aussi bien par les inconditionnels de l’ « esprit Charlie » que par les personnes légitimement choquées par certaines des caricatures : que même dans le cas contraire, même si le professeur avait « déconné », que ce soit un peu ou beaucoup, que même s’il avait manqué de précautions pédagogiques, que même s’il avait intentionnellement cherché à blesser, bref : que même s’il avait été un « mauvais prof », hautain, fumiste, ou même raciste, rien, absolument rien ne justifiait ce qui a été commis.

    Je me doute bien que, dans la plupart des réactions à chaud, cela allait sans dire, mais je pense que, dans le monde où l’on vit, et où se passent ces horreurs, tout désormais en la matière (je veux dire : en matière de mise à distance de l’hyper-violence) doit être dit, partout, même ce qui va sans dire.

    En d’autres termes, même si l’on juge nécessaire de rappeler, à l’occasion de ce crime et des discussions qu’il relance, qu’il est bon que tout ne soit pas permis en matière de liberté d’expression, cela n’est selon moi tenable que si l’on y adjoint un autre rappel : qu’il est bon aussi que tout ne soit pas permis dans la manière de limiter la liberté d’expression, dans la manière de réagir aux discours offensants, et plus précisément que doit être absolument proscrit le recours à la #violence_physique, a fortiori au #meurtre. Nous sommes malheureusement en un temps, je le répète, où cela ne va plus sans dire.

    6. La remarque qui précède est, me semble-t-il, le grand non-dit qui manque le plus dans tout le débat public tel qu’il se polarise depuis des années entre les « Charlie », inconditionnels de « la liberté d’expression », et les « pas Charlie », soucieux de poser des « #limites » à la « #liberté_d’offenser » : ni la liberté d’expression ni sa nécessaire #limitation ne doivent en fait être posées comme l’impératif catégorique et fondamental. Les deux sont plaidables, mais dans un #espace_de_parole soumis à une autre loi fondamentale, sur laquelle tout le monde pourrait et devrait se mettre d’accord au préalable, et qui est le refus absolu de la violence physique.

    Moyennant quoi, dès lors que cette loi fondamentale est respectée, et expressément rappelée, la liberté d’expression, à laquelle Samuel Paty était si attaché, peut et doit impliquer aussi le droit de dire qu’on juge certaines caricatures de Charlie Hebdo odieuses :

    – celles par exemple qui amalgament le prophète des musulmans (et donc – par une inévitable association d’idées – l’ensemble des fidèles qui le vénèrent) à un terroriste, en le figurant par exemple surarmé, le nez crochu, le regard exorbité, la mine patibulaire, ou coiffé d’un turban en forme de bombe ;

    – celle également qui blesse gratuitement les croyants (et les croyants lambda, tolérants, non-violents, tout autant voire davantage que des « djihadistes » avides de prétextes à faire couler le sang), en représentant leur prophète cul nul, testicules à l’air, une étoile musulmane à la place de l’anus ;

    – celle qui animalise une syndicaliste musulmane voilée en l’affublant d’un faciès de singe ;

    – celle qui annonce « une roumaine » (la joueuse Simona Halep), gagnante de Roland-Garros, et la représente en rom au physique disgracieux, brandissant la coupe et criant « ferraille ! ferraille ! » ;

    – celle qui nous demande d’imaginer « le petit Aylan », enfant de migrants kurdes retrouvé mort en méditerranée, « s’il avait survécu », et nous le montre devenu « tripoteur de fesses en Allemagne » (suite à une série de viols commis à Francfort) ;

    – celle qui représente les esclaves sexuelles de Boko Haram, voilées et enceintes, en train de gueuler après leurs « allocs » ;

    – celle qui fantasme une invasion ou une « islamisation » en forme de « grand remplacement », par exemple en nous montrant un musulman barbu dont la barbe démesurée envahit toute la page de Une, malgré un minuscule Macron luttant « contre le séparatisme », armé de ciseaux, mais ne parvenant qu’à en couper que quelques poils ;

    – celle qui alimente le même fantasme d’invasion en figurant un Macron, déclarant que le port du foulard par des femmes musulmanes « ne le regarde pas » en tant que président, tandis que le reste de la page n’est occupé que par des femmes voilées, avec une légende digne d’un tract d’extrême droite : « La République islamique en marche ».

    Sur chacun de ces dessins, publiés en Une pour la plupart, je pourrais argumenter en détail, pour expliquer en quoi je les juge odieux, et souvent racistes. Bien d’autres exemples pourraient d’ailleurs être évoqués, comme une couverture publiée à l’occasion d’un attentat meurtrier commis à Bruxelles en mars 2016 et revendiqué par Daesh (ayant entraîné la mort de 32 personnes et fait 340 blessés), et figurant de manière pour le moins choquante le chanteur Stromae, orphelin du génocide rwandais, en train de chanter « Papaoutai » tandis que voltigent autour de lui des morceaux de jambes et de bras déchiquetés ou d’oeil exorbité. La liste n’est pas exhaustive, d’autres unes pourraient être évoquées – celles notamment qui nous invitent à rigoler (on est tenté de dire ricaner) sur le sort des femmes violées, des enfants abusés, ou des peuples qui meurent de faim.

    On a le droit de détester cet #humour, on a le droit de considérer que certaines de ces caricatures incitent au #mépris ou à la #haine_raciste ou sexiste, entre autres griefs possibles, et on a le droit de le dire. On a le droit de l’écrire, on a le droit d’aller le dire en justice, et même en manifestation. Mais – cela allait sans dire, l’attentat de janvier 2015 oblige désormais à l’énoncer expressément – quel que soit tout le mal qu’on peut penser de ces dessins, de leur #brutalité, de leur #indélicatesse, de leur méchanceté gratuite envers des gens souvent démunis, de leur #racisme parfois, la #violence_symbolique qu’il exercent est sans commune mesure avec la violence physique extrême que constitue l’#homicide, et elle ne saurait donc lui apporter le moindre commencement de #justification.

    On a en somme le droit de dénoncer avec la plus grande vigueur la violence symbolique des caricatures quand on la juge illégitime et nocive, car elle peut l’être, à condition toutefois de dire désormais ce qui, je le répète, aurait dû continuer d’aller sans dire mais va beaucoup mieux, désormais, en le disant : qu’aucune violence symbolique ne justifie l’hyper-violence physique. Cela vaut pour les pires dessins de Charlie comme pour les pires répliques d’un Zemmour ou d’un Dieudonné, comme pour tout ce qui nous offense – du plutôt #douteux au parfaitement #abject.

    Que reste-t-il en effet de la liberté d’expression si l’on défend le #droit_à_la_caricature mais pas le droit à la #critique des caricatures ? Que devient le #débat_démocratique si toute critique radicale de #Charlie aujourd’hui, et qui sait de de Zemmour demain, de Macron après-demain, est d’office assimilée à une #incitation_à_la_violence, donc à de la complicité de terrorisme, donc proscrite ?

    Mais inversement, que devient cet espace démocratique si la dénonciation de l’intolérable et l’appel à le faire cesser ne sont pas précédés et tempérés par le rappel clair et explicite de l’interdit fondamental du meurtre ?

    7. Autre chose m’a gêné dans certaines analyses : l’interrogation sur les « #vrais_responsables », formulation qui laisse entendre que « derrière » un responsable « apparent » (l’assassin) il y aurait « les vrais responsables », qui seraient d’autres que lui. Or s’il me parait bien sûr nécessaire d’envisager dans toute sa force et toute sa complexité l’impact des #déterminismes_sociaux, il est problématique de dissoudre dans ces déterminismes toute la #responsabilité_individuelle de ce jeune de 18 ans – ce que la sociologie ne fait pas, contrairement à ce que prétendent certains polémistes, mais que certains discours peuvent parfois faire.

    Que chacun s’interroge toujours sur sa possible responsabilité est plutôt une bonne chose à mes yeux, si toutefois on ne pousse pas le zèle jusqu’à un « on est tous coupables » qui dissout toute #culpabilité réelle et arrange les affaires des principaux coupables. Ce qui m’a gêné est l’enchaînement de questions qui, en réponse à la question « qui a tué ? », met comme en concurrence, à égalité, d’une part celui qui a effectivement commis le crime, et d’autre part d’autres personnes ou groupes sociaux (la direction de l’école, la police, le père d’élève ayant lancé la campagne publique contre Samuel Paty sur Youtube, sa fille qui semble l’avoir induit en erreur sur le déroulement de ses cours) qui, quel que soit leur niveau de responsabilité, n’ont en aucun cas « tué » – la distinction peut paraitre simple, voire simpliste, mais me parait, pour ma part, cruciale à maintenir.

    8. Ce qui m’a gêné, aussi, et même écoeuré lorsque l’oubli était assumé, et que « le système » néolibéral et islamophobe devenait « le principal responsable », voire « l’ennemi qu’il nous faut combattre », au singulier, ce fut une absence, dans la liste des personnes ou des groupes sociaux pouvant, au-delà de l’individu #Abdoullakh_Abouyezidovitch, se partager une part de responsabilité. Ce qui me gêna fut l’oubli ou la minoration du rôle de l’entourage plus ou moins immédiat du tueur – qu’il s’agisse d’un groupe terroriste organisé ou d’un groupe plus informel de proches ou de moins proches (via les réseaux sociaux), sans oublier, bien entendu, l’acolyte de l’irresponsable « père en colère » : un certain #Abdelhakim_Sefrioui, entrepreneur de haine pourtant bien connu, démasqué et ostracisé de longue date dans les milieux militants, à commencer par les milieux pro-palestiniens et la militance anti-islamophobie.

    Je connais les travaux sociologiques qui critiquent à juste titre l’approche mainstream, focalisée exclusivement les techniques de propagande des organisations terroristes, et qui déplacent la focale sur l’étude des conditions sociales rendant audible et « efficace » lesdites techniques de #propagande. Mais justement, on ne peut prendre en compte ces conditions sociales sans observer aussi comment elles pèsent d’une façon singulière sur les individus, dont la responsabilité n’est pas évacuée. Et l’on ne peut pas écarter, notamment, la responsabilité des individus ou des groupes d’ « engraineurs », surtout si l’on pose la question en ces termes : « qui a tué ? ».

    9. Le temps du #choc, du #deuil et de l’#amertume « contre mon propre camp » fut cela dit parasité assez vite par un vacarme médiatique assourdissant, charriant son lot d’#infamie dans des proportions autrement plus terrifiantes. #Samuel_Gontier, fidèle « au poste », en a donné un aperçu glaçant :

    – des panels politiques dans lesquels « l’équilibre » invoqué par le présentateur (Pascal Praud) consiste en un trio droite, droite extrême et extrême droite (LREM, Les Républicains, Rassemblement national), et où les différentes familles de la gauche (Verts, PS, PCF, France insoumise, sans même parler de l’extrême gauche) sont tout simplement exclues ;

    – des « débats » où sont mis sérieusement à l’agenda l’interdiction du #voile dans tout l’espace public, l’expulsion de toutes les femmes portant le #foulard, la #déchéance_de_nationalité pour celles qui seraient françaises, la réouverture des « #bagnes » « dans îles Kerguelen », le rétablissement de la #peine_de_mort, et enfin la « #criminalisation » de toutes les idéologies musulmanes conservatrices, « pas seulement le #djihadisme mais aussi l’#islamisme » (un peu comme si, à la suite des attentats des Brigades Rouges, de la Fraction Armée Rouge ou d’Action Directe, on avait voulu criminaliser, donc interdire et dissoudre toute la gauche socialiste, communiste, écologiste ou radicale, sous prétexte qu’elle partageait avec les groupes terroristes « l’opposition au capitalisme ») ;

    – des « plateaux » sur lesquels un #Manuel_Valls peut appeler en toute conscience et en toute tranquillité, sans causer de scandale, à piétiner la Convention Européenne des Droits Humains : « S’il nous faut, dans un moment exceptionnel, s’éloigner du #droit_européen, faire évoluer notre #Constitution, il faut le faire. », « Je l’ai dit en 2015, nous sommes en #guerre. Si nous sommes en guerre, donc il faut agir, frapper. ».

    10. Puis, très vite, il y a eu cette offensive du ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin contre le #CCIF (#Collectif_Contre_l’Islamophobie_en_France), dénuée de tout fondement du point de vue de la #lutte_anti-terroriste – puisque l’association n’a évidemment pris aucune part dans le crime du 17 octobre 2020, ni même dans la campagne publique (sur Youtube et Twitter) qui y a conduit.

    Cette dénonciation – proprement calomnieuse, donc – s’est autorisée en fait d’une montée en généralité, en abstraction et même en « nébulosité », et d’un grossier sophisme : le meurtre de Samuel Paty est une atteinte aux « #valeurs » et aux « institutions » de « la #République », que justement le CCIF « combat » aussi – moyennant quoi le CCIF a « quelque chose à voir » avec ce crime et il doit donc être dissous, CQFD. L’accusation n’en demeure pas moins fantaisiste autant qu’infamante, puisque le « combat » de l’association, loin de viser les principes et les institutions républicaines en tant que telles, vise tout au contraire leur manque d’effectivité : toute l’activité du CCIF (c’est vérifiable, sur le site de l’association aussi bien que dans les rapports des journalistes, au fil de l’actualité, depuis des années) consiste à combattre la #discrimination en raison de l’appartenance ou de la pratique réelle ou supposée d’une religion, donc à faire appliquer une loi de la république. Le CCIF réalise ce travail par les moyens les plus républicains qui soient, en rappelant l’état du Droit, en proposant des médiations ou en portant devant la #Justice, institution républicaine s’il en est, des cas d’atteinte au principe d’#égalité, principe républicain s’il en est.

    Ce travail fait donc du CCIF une institution précieuse (en tout cas dans une république démocratique) qu’on appelle un « #contre-pouvoir » : en d’autres termes, un ennemi de l’arbitraire d’État et non de la « République ». Son travail d’#alerte contribue même à sauver ladite République, d’elle-même pourrait-on dire, ou plutôt de ses serviteurs défaillants et de ses démons que sont le racisme et la discrimination.

    Il s’est rapidement avéré, du coup, que cette offensive sans rapport réel avec la lutte anti-terroriste s’inscrivait en fait dans un tout autre agenda, dont on avait connu les prémisses dès le début de mandat d’Emmanuel Macron, dans les injures violentes et les tentatives d’interdiction de Jean-Michel #Blanquer contre le syndicat #Sud_éducation_93, ou plus récemment dans l’acharnement haineux du député #Robin_Réda, censé diriger une audition parlementaire antiraciste, contre les associations de soutien aux immigrés, et notamment le #GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés). Cet agenda est ni plus ni moins que la mise hors-jeu des « corps intermédiaires » de la société civile, et en premier lieu des #contre-pouvoirs que sont les associations antiracistes et de défense des droits humains, ainsi que les #syndicats, en attendant le tour des partis politiques – confère, déjà, la brutalisation du débat politique, et notamment les attaques tout à fait inouïes, contraires pour le coup à la tradition républicaine, de #Gérald_Darmanin contre les écologistes (#Julien_Bayou, #Sandra_Regol et #Esther_Benbassa) puis contre la #France_insoumise et son supposé « #islamo-gauchisme qui a détruit la république », ces dernières semaines, avant donc le meurtre de Samuel Paty.

    Un agenda dans lequel figure aussi, on vient de l’apprendre, un combat judiciaire contre le site d’information #Mediapart.

    11. Il y a eu ensuite l’annonce de ces « actions coup de poing » contre des associations et des lieux de culte musulmans, dont le ministre de l’Intérieur lui-même a admis qu’elles n’avaient aucun lien avec l’enquête sur le meurtre de Samuel Paty, mais qu’elles servaient avant tout à « #adresser_un_message », afin que « la #sidération change de camp ». L’aveu est terrible : l’heure n’est pas à la défense d’un modèle (démocratique, libéral, fondé sur l’État de Droit et ouvert à la pluralité des opinions) contre un autre (obscurantiste, fascisant, fondé sur la terreur), mais à une #rivalité_mimétique. À la #terreur on répond par la terreur, sans même prétendre, comme le fit naguère un Charles Pasqua, qu’on va « terroriser les terroristes » : ceux que l’on va terroriser ne sont pas les terroristes, on le sait, on le dit, on s’en contrefout et on répond au meurtre par la #bêtise et la #brutalité, à l’#obscurantisme « religieux » par l’obscurantisme « civil », au #chaos de l’#hyper-violence par le chaos de l’#arbitraire d’État.

    12. On cible donc des #mosquées alors même qu’on apprend (notamment dans la remarquable enquête de Jean-Baptiste Naudet, dans L’Obs) que le tueur ne fréquentait aucune mosquée – ce qui était le cas, déjà, de bien d’autres tueurs lors des précédents attentats.

    On s’attaque au « #séparatisme » et au « #repli_communautaire » alors même qu’on apprend (dans la même enquête) que le tueur n’avait aucune attache ou sociabilité dans sa communauté – ce qui là encore a souvent été le cas dans le passé.

    On préconise des cours intensifs de #catéchisme_laïque dans les #écoles, des formations intensives sur la liberté d’expression, avec distribution de « caricatures » dans tous les lycées, alors que le tueur était déscolarisé depuis un moment et n’avait commencé à se « radicaliser » qu’en dehors de l’#école (et là encore se rejoue un schéma déjà connu : il se trouve qu’un des tueurs du Bataclan fut élève dans l’établissement où j’exerce, un élève dont tous les professeurs se souviennent comme d’un élève sans histoires, et dont la famille n’a pu observer des manifestations de « #radicalisation » qu’après son bac et son passage à l’université, une fois qu’il était entré dans la vie professionnelle).

    Et enfin, ultime protection : Gérald Darmanin songe à réorganiser les rayons des #supermarchés ! Il y aurait matière à rire s’il n’y avait pas péril en la demeure. On pourrait s’amuser d’une telle #absurdité, d’une telle incompétence, d’une telle disjonction entre la fin et les moyens, si l’enjeu n’était pas si grave. On pourrait sourire devant les gesticulations martiales d’un ministre qui avoue lui-même tirer « à côté » des véritables coupables et complices, lorsque par exemple il ordonne des opérations contre des #institutions_musulmanes « sans lien avec l’enquête ». On pourrait sourire s’il ne venait pas de se produire une attaque meurtrière atroce, qui advient après plusieurs autres, et s’il n’y avait pas lieu d’être sérieux, raisonnable, concentré sur quelques objectifs bien définis : mieux surveiller, repérer, voir venir, mieux prévenir, mieux intervenir dans l’urgence, mieux protéger. On pourrait se payer le luxe de se disperser et de discuter des #tenues_vestimentaires ou des #rayons_de_supermarché s’il n’y avait pas des vies humaines en jeu – certes pas la vie de nos dirigeants, surprotégés par une garde rapprochée, mais celles, notamment, des professeurs et des élèves.

    13. Cette #futilité, cette #frivolité, cette bêtise serait moins coupable s’il n’y avait pas aussi un gros soubassement de #violence_islamophobe. Cette bêtise serait innocente, elle ne porterait pas à conséquence si les mises en débat du #vêtement ou de l’#alimentation des diverses « communautés religieuses » n’étaient pas surdéterminées, depuis de longues années, par de très lourds et violents #stéréotypes racistes. On pourrait causer lingerie et régime alimentaire si les us et coutumes religieux n’étaient pas des #stigmates sur-exploités par les racistes de tout poil, si le refus du #porc ou de l’#alcool par exemple, ou bien le port d’un foulard, n’étaient pas depuis des années des motifs récurrents d’#injure, d’#agression, de discrimination dans les études ou dans l’emploi.

    Il y a donc une bêtise insondable dans cette mise en cause absolument hors-sujet des commerces ou des rayons d’ « #alimentation_communautaire » qui, dixit Darmanin, « flatteraient » les « plus bas instincts », alors que (confère toujours l’excellente enquête de Jean-Baptiste Naudet dans L’Obs) l’homme qui a tué Samuel Paty (comme l’ensemble des précédents auteurs d’attentats meurtriers) n’avait précisément pas d’ancrage dans une « communauté » – ni dans l’immigration tchétchène, ni dans une communauté religieuse localisée, puisqu’il ne fréquentait aucune mosquée.

    Et il y a dans cette bêtise une #méchanceté tout aussi insondable : un racisme sordide, à l’encontre des #musulmans bien sûr, mais pas seulement. Il y a aussi un mépris, une injure, un piétinement de la mémoire des morts #juifs – puisque parmi les victimes récentes des tueries terroristes, il y a précisément des clients d’un commerce communautaire, l’#Hyper_Cacher, choisis pour cible et tués précisément en tant que tels.

    Telle est la vérité, cruelle, qui vient d’emblée s’opposer aux élucubrations de Gérald Darmanin : en incriminant les modes de vie « communautaires », et plus précisément la fréquentation de lieux de culte ou de commerces « communautaires », le ministre stigmatise non pas les coupables de la violence terroriste (qui se caractérisent au contraire par la #solitude, l’#isolement, le surf sur #internet, l’absence d’#attaches_communautaires et de pratique religieuse assidue, l’absence en tout cas de fréquentation de #lieux_de_cultes) mais bien certaines de ses victimes (des fidèles attaqués sur leur lieu de culte, ou de courses).

    14. Puis, quelques jours à peine après l’effroyable attentat, sans aucune concertation sur le terrain, auprès de la profession concernée, est tombée par voie de presse (comme d’habitude) une stupéfiante nouvelle : l’ensemble des Conseils régionaux de France a décidé de faire distribuer un « #recueil_de_caricatures » (on ne sait pas lesquelles) dans tous les lycées. S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre, disait la chanson. Qu’ils aillent donc, ces élus, distribuer eux-mêmes leurs petites bibles républicaines, sur les marchés. Mais non : c’est notre sang à nous, petits profs de merde, méprisés, sous-payés, insultés depuis des années, qui doit couler, a-t-il été décidé en haut lieu. Et possiblement aussi celui de nos élèves.

    Car il faut se rendre à l’évidence : si cette information est confirmée, et si nous acceptons ce rôle de héros et martyrs d’un pouvoir qui joue aux petits soldats de plomb avec des profs et des élèves de chair et d’os, nous devenons officiellement la cible privilégiée des groupes terroristes. À un ennemi qui ne fonctionne, dans ses choix de cibles et dans sa communication politique, qu’au défi, au symbole et à l’invocation de l’honneur du Prophète, nos dirigeants répondent en toute #irresponsabilité par le #défi, le #symbole, et la remise en jeu de l’image du Prophète. À quoi doit-on s’attendre ? Y sommes-nous prêts ? Moi non.

    15. Comme si tout cela ne suffisait pas, voici enfin que le leader de l’opposition de gauche, celui dont on pouvait espérer, au vu de ses engagements récents, quelques mises en garde élémentaires mais salutaires contre les #amalgames et la #stigmatisation haineuse des musulmans, n’en finit pas de nous surprendre ou plutôt de nous consterner, de nous horrifier, puisqu’il s’oppose effectivement à la chasse aux musulmans, mais pour nous inviter aussitôt à une autre chasse : la #chasse_aux_Tchétchènes :

    « Moi, je pense qu’il y a un problème avec la #communauté_tchétchène en France ».

    Il suffit donc de deux crimes, commis tous les deux par une personne d’origine tchétchène, ces dernières années (l’attentat de l’Opéra en 2018, et celui de Conflans en 2020), plus une méga-rixe à Dijon cet été impliquant quelques dizaines de #Tchétchènes, pour que notre homme de gauche infère tranquillement un « #problème_tchétchène », impliquant toute une « communauté » de plusieurs dizaines de milliers de personnes vivant en France.

    « Ils sont arrivés en France car le gouvernement français, qui était très hostile à Vladimir Poutine, les accueillait à bras ouverts », nous explique Jean-Luc #Mélenchon. « À bras ouverts », donc, comme dans un discours de Le Pen – le père ou la fille. Et l’on a bien entendu : le motif de l’#asile est une inexplicable « hostilité » de la France contre le pauvre Poutine – et certainement pas une persécution sanglante commise par ledit Poutine, se déclarant prêt à aller « buter » lesdits Tchétchènes « jusque dans les chiottes ».

    « Il y a sans doute de très bonnes personnes dans cette communauté » finit-il par concéder à son intervieweur interloqué. On a bien lu, là encore : « sans doute ». Ce n’est donc même pas sûr. Et « de très bonnes personnes », ce qui veut dire en bon français : quelques-unes, pas des masses.

    « Mais c’est notre #devoir_national de s’en assurer », s’empresse-t-il d’ajouter – donc même le « sans doute » n’aura pas fait long feu. Et pour finir en apothéose :

    « Il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France et tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c’était le cas de l’assassin ou d’autres qui ont des activités dans l’#islamisme_politique (...), doivent être capturés et expulsés ».

    Là encore, on a bien lu : « tous les dossiers des Tchétchènes présents en France », « un par un » ! Quant aux suspects, ils ne seront pas « interpellés », ni « arrêtés », mais « capturés » : le vocabulaire est celui de la #chasse, du #safari. Voici donc où nous emmène le chef du principal parti d’opposition de gauche.

    16. Enfin, quand on écrira l’histoire de ces temps obscurs, il faudra aussi raconter cela : comment, à l’heure où la nation était invitée à s’unir dans le deuil, dans la défense d’un modèle démocratique, dans le refus de la violence, une violente campagne de presse et de tweet fut menée pour que soient purement et simplement virés et remplacés les responsables de l’#Observatoire_de_la_laïcité, #Nicolas_Cadène et #Jean-Louis_Bianco, pourtant restés toujours fidèles à l’esprit et à la lettre des lois laïques, et que les deux hommes furent à cette fin accusés d’avoir « désarmé » la République et de s’être « mis au service » des « ennemis » de ladite #laïcité et de ladite république – en somme d’être les complices d’un tueur de prof, puisque c’est de cet ennemi-là qu’il était question.

    Il faudra raconter que des universitaires absolument irréprochables sur ces questions, comme #Mame_Fatou_Niang et #Éric_Fassin, furent mis en cause violemment par des tweeters, l’une en recevant d’abjectes vidéos de décapitation, l’autre en recevant des #menaces de subir la même chose, avec dans les deux cas l’accusation d’être responsables de la mort de Samuel Paty.

    Il faudra se souvenir qu’un intellectuel renommé, invité sur tous les plateaux, proféra tranquillement, là encore sans être recadré par les animateurs, le même type d’accusations à l’encontre de la journaliste et chroniqueuse #Rokhaya_Diallo : en critiquant #Charlie_Hebdo, elle aurait « poussé à armer les bras des tueurs », et « entrainé » la mort des douze de Charlie hebdo.

    Il faudra se souvenir qu’au sommet de l’État, enfin, en ces temps de deuil, de concorde nationale et de combat contre l’obscurantisme, le ministre de l’Éducation nationale lui-même attisa ce genre de mauvaise querelle et de #mauvais_procès – c’est un euphémisme – en déclarant notamment ceci :

    « Ce qu’on appelle l’#islamo-gauchisme fait des ravages, il fait des ravages à l’#université. Il fait des ravages quand l’#UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de la France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire. »

    Il faudra raconter ce que ces sophismes et ces purs et simples mensonges ont construit ou tenté de construire : un « #consensus_national » fondé sur une rage aveugle plutôt que sur un deuil partagé et un « plus jamais ça » sincère et réfléchi. Un « consensus » singulièrement diviseur en vérité, excluant de manière radicale et brutale tous les contre-pouvoirs humanistes et progressistes qui pourraient tempérer la violence de l’arbitraire d’État, et apporter leur contribution à l’élaboration d’une riposte anti-terroriste pertinente et efficace : le mouvement antiraciste, l’opposition de gauche, la #sociologie_critique... Et incluant en revanche, sans le moindre état d’âme, une droite républicaine radicalisée comme jamais, ainsi que l’#extrême_droite lepéniste.

    Je ne sais comment conclure, sinon en redisant mon accablement, ma tristesse, mon désarroi, ma peur – pourquoi le cacher ? – et mon sentiment d’#impuissance face à une #brutalisation en marche. La brutalisation de la #vie_politique s’était certes enclenchée bien avant ce crime atroce – l’évolution du #maintien_de l’ordre pendant tous les derniers mouvements sociaux en témoigne, et les noms de Lallement et de Benalla en sont deux bons emblèmes. Mais cet attentat, comme les précédents, nous fait évidemment franchir un cap dans l’#horreur. Quant à la réponse à cette horreur, elle s’annonce désastreuse et, loin d’opposer efficacement la force à la force (ce qui peut se faire mais suppose le discernement), elle rajoute de la violence aveugle à de la violence aveugle – tout en nous exposant et en nous fragilisant comme jamais. Naïvement, avec sans doute un peu de cet idéalisme qui animait Samuel Paty, j’en appelle au #sursaut_collectif, et à la #raison.

    Pour reprendre un mot d’ordre apparu suite à ce crime atroce, #je_suis_prof. Je suis prof au sens où je me sens solidaire de Samuel Paty, où sa mort me bouleverse et me terrifie, mais je suis prof aussi parce que c’est tout simplement le métier que j’exerce. Je suis prof et je crois donc en la raison, en l’#éducation, en la #discussion. Depuis vingt-cinq ans, j’enseigne avec passion la philosophie et je m’efforce de transmettre le goût de la pensée, de la liberté de penser, de l’échange d’arguments, du débat contradictoire. Je suis prof et je m’efforce de transmettre ces belles valeurs complémentaires que sont la #tolérance, la #capacité_d’indignation face à l’intolérable, et la #non-violence dans l’#indignation et le combat pour ses idées.

    Je suis prof et depuis vingt-cinq ans je m’efforce de promouvoir le #respect et l’#égalité_de_traitement, contre tous les racismes, tous les sexismes, toutes les homophobies, tous les systèmes inégalitaires. Et je refuse d’aller mourir au front pour une croisade faussement « républicaine », menée par un ministre de l’Intérieur qui a commencé sa carrière politique, entre 2004 et 2008, dans le girons de l’extrême droite monarchiste (auprès de #Christian_Vanneste et de #Politique_magazine, l’organe de l’#Action_française). Je suis prof et je refuse de sacrifier tout ce en quoi je crois pour la carrière d’un ministre qui en 2012, encore, militait avec acharnement, aux côtés de « La manif pour tous », pour que les homosexuels n’aient pas les mêmes droits que les autres – sans parler de son rapport aux femmes, pour le moins problématique, et de ce que notre grand républicain appelle, en un délicat euphémisme, sa « vie de jeune homme ».

    Je suis prof et j’enseigne la laïcité, la vraie, celle qui s’est incarnée dans de belles lois en 1881, 1882, 1886 et 1905, et qui n’est rien d’autre qu’une machine à produire plus de #liberté, d’#égalité et de #fraternité. Mais ce n’est pas cette laïcité, loin s’en faut, qui se donne à voir ces jours-ci, moins que jamais, quand bien même le mot est répété à l’infini. C’est au contraire une politique liberticide, discriminatoire donc inégalitaire, suspicieuse ou haineuse plutôt que fraternelle, que je vois se mettre en place, sans même l’excuse de l’efficacité face au terrorisme.

    Je suis prof, et cette #vraie_laïcité, ce goût de la pensée et de la #parole_libre, je souhaite continuer de les promouvoir. Et je souhaite pour cela rester en vie. Et je souhaite pour cela rester libre, maître de mes #choix_pédagogiques, dans des conditions matérielles qui permettent de travailler. Et je refuse donc de devenir l’otage d’un costume de héros ou de martyr taillé pour moi par des aventuriers sans jugeote, sans cœur et sans principes – ces faux amis qui ne savent qu’encenser des profs morts et mépriser les profs vivants.

    https://lmsi.net/Je-suis-prof

    #Pierre_Tevanian

    –—

    –-> déjà signalé sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/882390
    https://seenthis.net/messages/882583
    ... mais je voulais mettre le texte complet.

  • La #RTS, #Darius_Rochebin et la loi du silence

    Gestes déplacés, propos salaces, utilisation de fausses identités sur les réseaux sociaux : de nombreux témoignages font état de dysfonctionnements au sein de la RTS. Parmi les figures épinglées, l’ancien présentateur phare Darius Rochebin

    Genève, décembre 2017. A l’intérieur de la tour de verre qui abrite la RTS, il est environ 20h. Dans un enregistrement transmis au Temps, deux journalistes discutent hors antenne de la bombe médiatique du moment : l’affaire Yannick Buttet (PDC/VS). En pleine vague #MeToo, le politicien valaisan quitte le parlement à la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre après le dépôt d’une plainte pour harcèlement sexuel. La polémique est nationale.

    « Je trouve que c’est l’arbre qui cache la forêt, dit une première voix, celle d’une présentatrice du service public. En tant que nana… on est là, on s’étonne. Tu te dis, excusez-moi, mais ici, c’est quand qu’on la fait, l’enquête ? » Son collègue rebondit : « C’est un autre débat, ça. Qui c’est qui plaque contre les murs ici ? » Elle rétorque : « Darius, il fait ça. »

    En une phrase, le mythe vacille. Darius Rochebin aurait-il outrepassé ses droits ? La suite de l’enregistrement laisse par ailleurs entendre qu’il n’est pas le seul. Le Temps a mené l’enquête. Fruits de plusieurs mois de travail, nos recherches ont permis de lever le voile sur des comportements pour le moins problématiques de la part de plusieurs collaborateurs du service public. Survenus à partir du début des années 2000, certains de ces faits étaient connus à l’interne mais n’ont jamais été révélés publiquement.

    Connivence entre cadres, personnalités influentes, taille de l’entreprise publique permettant à certains départements de déplacer les personnes mises en cause plutôt que de les sanctionner, crainte d’un dégât d’image dans le cadre de la votation « No Billag », peur de représailles professionnelles : les raisons du silence sont nombreuses.

    Pourquoi le briser maintenant ? A la faveur d’une libération historique de la parole ces dernières années et à la suite du départ en France de Darius Rochebin, une chape de plomb semble progressivement se lever à la RTS. A une exception près, les personnes qui apparaissent dans l’article ont toutefois souhaité que leur nom soit modifié. Certaines d’entre elles sont en effet encore en poste, tout comme celles qu’elles désignent.

    Lire aussi : Harcèlement sexuel au travail : de quoi parle-t-on ?
    1. Des dysfonctionnements depuis le début des années 2000

    Trois cas emblématiques témoignent de l’inaction aujourd’hui dénoncée. Le premier concerne un cadre toujours en poste – appelons-le Robert*. « Cette affaire représente environ dix ans de dysfonctionnement de la part d’un manager envers ses subordonnés en position de faiblesse et autant d’alertes ignorées par la direction », témoigne Pierre*, un collaborateur de la RTS.

    Entre 2005 et 2015, une quinzaine d’employés du service public se plaignent tour à tour de ce dernier : mobbing, harcèlement sexuel, envoi intempestif de lettres « vicieuses », SMS suggestifs pendant et en dehors des heures de bureau. Des subalternes affirment sortir « abîmés » de séances d’évaluation en sa compagnie. Le climat de travail est si mauvais qu’un collaborateur en vient presque aux mains avec lui au bureau. L’idée d’une plainte collective auprès de la police est même évoquée, avant que le front commun ne se délite. Pierre l’affirme : Robert est à l’origine de plusieurs burn-out et d’au moins deux démissions. « Il sait se rendre aimable avec ses égaux et ses supérieurs, dit-il. Mais une fois dans son pré carré, il réduit les gens en bouillie. »
    « Dans un placard doré »

    Pendant plusieurs années, la gravité de la situation est régulièrement signalée à la direction, sans effet. Au milieu des années 2010, un mail explosif parvient aux ressources humaines : une employée a récolté toutes les preuves (lettres, SMS) du harcèlement sur plus d’un an de la part de Robert à son encontre et demande des actes. La RTS tente de la raisonner et propose une médiation aux deux collaborateurs. Elle refuse. A sa demande, elle sera finalement mutée dans une autre ville. Selon une source proche du dossier, la RTS lui signifie en outre de « respecter la confidentialité la plus stricte » sur la situation. Robert aurait quant à lui reçu un simple avertissement.

    Quatre mois plus tard, il refait parler de lui : une autre de ses subalternes est mise en arrêt maladie à la suite de ce qu’elle estime être du mobbing. La direction est de nouveau interpellée et traite le problème à sa façon : en 2015, Robert est promu. « Placé dans un placard doré. » L’expression revient chez la demi-douzaine de personnes qui ont témoigné à son sujet. « Il n’a plus le droit d’avoir de subordonnés directs, mais jouit d’un statut confortable au sein de la hiérarchie, souligne Pierre. C’est malheureusement trop souvent ainsi que fonctionne la gestion des ressources humaines à la RTS. Tant qu’il n’y a pas de scandale public, les problèmes sont étouffés. »

    « De manière générale, il n’y a pas de prévention du harcèlement à la RTS, corrobore une autre de ses anciennes subalternes, qui a, depuis, changé d’employeur. J’ai essayé d’alerter mes supérieurs, mais personne n’a voulu m’écouter. Robert a été couvert et défendu par la hiérarchie. J’ai eu l’impression que le même profil du mâle alpha quinquagénaire se retrouvait à tous les échelons de la direction. La politique de management est rétrograde et ce type de comportement est protégé. »
    « La main baladeuse »

    L’enregistrement évoquant Darius Rochebin en début d’article mentionne un deuxième cas problématique : celui de Georges*, employé de longue date à la télévision romande, connu à l’interne pour avoir « la main baladeuse ». Son comportement est cependant allé plus loin. Selon nos informations, il a embrassé plusieurs fois l’une de ses anciennes subalternes sans son accord, avant d’insister par SMS à de nombreuses reprises. Cette dernière a confié son histoire au Temps, tout en souhaitant limiter l’exposé des détails afin de se préserver autant que possible.

    « J’aurais dû lui foutre une claque plus tôt, dit-elle. Mais il y avait une relation de pouvoir et j’avais honte. » Elle n’osera pas en informer ses supérieurs. Ceux-ci étaient-ils au courant ? Sans pouvoir le confirmer, cette ancienne employée de la RTS répond qu’après avoir raconté ce qu’il lui était arrivé à ses collègues, on l’avait avisée qu’il « avait déjà fait ce genre de choses auparavant ». Si ce n’est de la direction, l’affaire était connue d’un bon nombre d’employés. « La RTS est une maison où les collaborateurs se cramponnent à leur siège, juge cette ancienne collaboratrice. Certains sont là depuis trois décennies et se soutiennent les uns les autres. » Comme Robert, Georges est toujours en poste.

    Contactée par Le Temps, au sujet de ces deux collaborateurs, la direction de la RTS a fourni la réponse suivante : « Nous ne pouvons pas commenter les cas particuliers en raison de la protection de la personnalité. Lorsqu’un cas survient, nous le traitons toujours avec diligence et fermeté. »

    Les personnes qui se confient aujourd’hui sont nombreuses à évoquer la honte et la crainte que leur vécu ne soit ramené à une simple affaire de « drague lourde ». Pourtant, la loi est claire, comme le rappelle Sylvie Durrer, la directrice du Bureau fédéral de l’égalité : « Tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, relève du harcèlement sexuel, selon l’article 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes. » Il n’existe pas de définition exhaustive dudit harcèlement, qui peut se manifester sous diverses formes : « contacts physiques, attouchements non souhaités, avances ou encore pressions ». « Les comportements qui contribuent à créer un climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées, peuvent aussi représenter du harcèlement sexuel », précise la directrice.

    Les responsabilités de l’employeur sont également encadrées par la loi, souligne-t-elle : « En plus de son obligation d’instaurer des mesures de prévention contre le harcèlement sexuel, l’entreprise est tenue de prendre au sérieux les signalements de tels harcèlements et doit établir les faits. Les rumeurs et allusions doivent aussi donner lieu à une enquête. »

    Autour de Darius Rochebin, un silence assourdissant

    Des bruits de comportements déplacés, il en existe depuis des années au sujet d’un autre employé du service public : Darius Rochebin, présentateur phare de la RTS jusqu’à l’été 2020. Au-delà de ses compétences professionnelles incontestables, sa réputation, à l’interne, le précède : mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes sont régulièrement évoquées. Au sein de la chaîne publique, on raille volontiers sa conduite, sans toujours en mesurer les conséquences.

    Depuis que le présentateur a quitté la chaîne nationale pour LCI, plusieurs témoins commencent à évoquer ce qu’ils ont vécu, même si des craintes demeurent. Comme deux faces d’une même médaille, Darius Rochebin renvoie une image assurée à l’écran mais peut se comporter de manière inadéquate une fois les caméras éteintes. D’anciens ou d’actuels collaborateurs de la RTS rapportent ainsi le malaise, la sidération même, ressentis lors de conversations banales qui dérapent subitement sur le terrain sexuel ou intime. La parole a même fait place aux actes, comme en témoignent Aurore* et Clémence*.

    Un comportement « ahurissant et totalement déplacé »

    Avant l’incident, Aurore, employée de la RTS depuis une dizaine d’années, n’avait eu que des contacts épisodiques et toujours strictement professionnels, avec Darius Rochebin. « On se croisait dans les couloirs, parfois dans des séances, on s’échangeait un ou deux e-mails par année », précise la quinquagénaire. Un soir de 2014, elle quitte son bureau pour se rendre à une réunion. « J’ai croisé Darius Rochebin qui sortait de l’ascenseur, raconte-t-elle. On a fait quelques pas ensemble dans un couloir vide en discutant du boulot. Subitement, il a pris mon visage dans ses mains et a essayé de m’embrasser. Je l’ai immédiatement repoussé. Il est parti de manière furtive, sans me regarder ni présenter d’excuses. » Sous le choc, Aurore arrive « décalquée » à sa séance. « J’étais interloquée par son comportement que je jugeais ahurissant et totalement déplacé. J’ai pris ça pour un coup de folie. » Par la suite, leurs rares échanges professionnels se sont déroulés comme si de rien n’était. « J’ai voulu oublier cet épisode, confie Aurore, qui n’a jamais averti sa hiérarchie. Si ça s’était répété, j’aurais sans doute réagi différemment. »

    Collaboratrice de la RTS, Clémence relate des faits analogues. Au cours de sa carrière, cette mère de famille côtoie régulièrement Darius Rochebin. Peu après le Nouvel An 2006, à quelques heures du journal télévisé, c’est l’effervescence en salle de maquillage. « Tout le monde s’embrassait et s’échangeait des vœux pour la nouvelle année », se souvient Clémence. Darius Rochebin est là, aux côtés d’autres collègues. « Il s’est approché de moi, je l’ai pris par l’épaule pour lui faire la bise, il a saisi ma main libre et l’a fermement posée sur ses parties génitales », raconte Clémence. Les autres personnes présentes dans la salle ne réagissent pas. « Je ne sais pas si elles ont vu la scène », souligne la journaliste, qui relate l’incident à des collègues proches et à son mari, mais pas à sa hiérarchie de l’époque. C’est seulement à l’automne 2017, en pleine vague #MeToo, qu’elle en informe son supérieur. « Il est tombé des nues et a dit qu’il allait lui parler. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Je crois que c’est allé plus haut, mais je n’ai pas eu d’écho direct, je n’ai plus voulu me mêler de cette histoire.
    Un « malaise » apparaît

    Un autre témoignage illustre la marge de manœuvre dont bénéficiait Darius Rochebin au sein de la RTS : celui d’Antoine*, 22 ans au moment des faits. En mai 2012, Darius Rochebin entame une conversation privée avec le jeune homme sur le réseau social Twitter. A l’époque, le Genevois est un étudiant en lettres qui tente de percer dans le journalisme et voit en Darius Rochebin « un mentor inespéré » dans un milieu très compétitif. « Les conversations ont commencé de manière anodine, raconte Antoine. J’étais flatté qu’une telle star s’adresse à moi. Le ton était ambigu et est rapidement devenu aguicheur. J’étais surpris, mais intrigué. »

    Quelques jours plus tard, Darius Rochebin propose à Antoine un café, puis un dîner. « Il me disait qu’il devait tester de grands restaurants pour des articles et payait à chaque fois pour nous deux, précise l’étudiant. J’étais impressionné par ce faste, et évidemment par son statut. Lors de notre troisième rencontre, quelques semaines après notre première conversation, nous sommes allés en voiture dans la campagne genevoise. Au restaurant, il m’a présenté comme un jeune journaliste prometteur. »

    C’est sur le trajet du retour qu’Antoine raconte avoir eu « de premières appréhensions », termes qu’il utilise pour retranscrire son malaise dans un journal intime. « Il s’est arrêté au bord de la route. Il a initié un rapport sexuel, je ne l’ai pas repoussé. Je n’avais pas envie d’aller plus loin, mais j’avais l’impression de ne plus pouvoir revenir en arrière. En partant, il a dit qu’il m’enverrait le contact d’un rédacteur en chef qui pourrait m’offrir un stage. Son mentorat prenait implicitement une dimension transactionnelle, et je m’y suis plié. » Peu après, le présentateur met comme promis l’étudiant en relation avec un éminent producteur de la RTS et lui propose une visite des locaux de la télévision publique.
    « Une mission sur mesure »

    Quelques mois après leur premier échange sur Twitter, Darius Rochebin intervient directement auprès de la direction de la RTS pour mettre en place une collaboration avec Antoine : « Il m’a créé une mission sur mesure en tant que photographe. Il m’emmenait partout, du Festival de Cannes aux conférences du dalaï-lama », se souvient l’étudiant.

    Interrogée au sujet de cette mission, la direction de la RTS répond qu’en 2012, « Darius Rochebin a collaboré avec un photographe free-lance. Cette collaboration ponctuelle n’était pas effectuée dans le cadre du mandat de production de l’émission Pardonnez-moi, mais a eu lieu à l’occasion d’un événement pour le 10e anniversaire de l’émission. Pour cette exposition uniquement, la RTS a rémunéré le photographe sur la base des tarifs de droits d’auteur. »

    Des documents en notre possession laissent pourtant supposer qu’Antoine n’a pas été rémunéré uniquement sur la base des droits d’auteur. Selon la facture adressée par le jeune homme à la direction de la RTS, la rémunération est par ailleurs arrêtée à 800 francs, avec mention « forfait indiqué par M. Darius Rochebin ».

    Au fil des mois, la relation entre la star et l’étudiant se tend. « Plus j’étais distant, plus il devenait jaloux, inquisiteur, raconte ce dernier. Je redoutais les conséquences de mes refus sur ma situation professionnelle. Je ne savais plus comment mettre fin à cette relation. C’était une lutte continuelle. J’ai pris peur. » Antoine finit par couper les ponts et ignorer les relances du présentateur, avec qui il n’a aujourd’hui plus aucun lien.

    Des aspirants journalistes fascinés

    Alexandre* et Hugo*, deux jeunes hommes qui ont travaillé directement avec le présentateur, racontent eux aussi ses multiples tentatives d’immixtion dans leur vie privée : allusions déplacées, questions lubriques pendant et en dehors des heures de bureau, rapports de pouvoir ambigus. Fascinés, les jeunes journalistes peinent à réagir.

    Le premier, Alexandre, 24 ans au moment des faits, a travaillé à la RTS lorsqu’il était étudiant. En 2014, Darius Rochebin lui propose un soir d’aller manger. « Au restaurant, on discutait de choses et d’autres, et puis, soudain, il m’a demandé : « Mais toi Alexandre, tu te branles souvent ? » Choqué, le jeune étudiant élude. « Sur le moment, j’ai paniqué, j’ai fait une petite crise d’angoisse », raconte-t-il. Par la suite, Alexandre reçoit régulièrement des messages de Darius Rochebin sur Facebook : « ah, mais tu es tellement beau », « tu m’avais manqué », « ta bizarrerie brillante est trop attachante », « on se refait un dîner ? » Des sollicitations auxquelles le jeune homme répond peu, tentant de contenir les rapports au niveau strictement professionnel.

    Le deuxième, Hugo, a également travaillé à la RTS durant ses études entre 2011 et 2015. Dès leur premier contact, Darius Rochebin l’ajoute sur Facebook. « Lorsque l’on est stagiaire et qu’il s’agit de la star de la rédaction, c’est flatteur », souligne Hugo, 22 ans à l’époque. Darius Rochebin lui envoie ensuite des messages privés ambigus puis à caractère sexuel sur les réseaux sociaux. Le jeune étudiant décrit un malaise : « C’est comme s’il avait une double personnalité : l’une brillante, l’autre pas assumée, perverse. Plusieurs autres journalistes m’ont parlé de leur gêne lorsqu’ils étaient seuls avec lui en plateau et qu’ils ne pouvaient plus vraiment le côtoyer sans y penser. J’ai été surpris de voir à quel point cette facette du présentateur était connue dans son environnement professionnel, mais pas hors de la RTS. Une omerta à la mesure de l’épaisseur du personnage. »
    2. De fausses identités sur les réseaux sociaux

    Des alertes, la direction de la RTS en a pourtant reçu. « Tout le monde sait, mais personne ne fait rien » : c’est l’intuition qui anime Thomas Wiesel en 2017 lorsque le mouvement #MeToo libère la parole des victimes d’abus. Le jeune humoriste a rencontré Darius Rochebin en 2015 alors qu’il débutait dans le métier. « Quand il m’a contacté professionnellement, il faisait des remarques sur mon physique, me proposait de se voir pour une émission ou un verre, voulait mon numéro de téléphone plutôt que mon e-mail. Plusieurs personnes m’avaient mis en garde. J’ai immédiatement mis des barrières et il n’a pas insisté. »

    S’il ne s’est pas senti lui-même en danger, Thomas Wiesel craint que d’autres personnes ne restent silencieuses par peur des conséquences ou par honte de s’être laissé amadouer. D’autant que le Vaudois s’interroge depuis longtemps sur l’utilisation des réseaux sociaux par Darius Rochebin : alerté par plusieurs personnes, il soupçonne le présentateur d’avoir créé de faux comptes de femmes sur Facebook pour entrer en contact avec de jeunes hommes, dont certains de ses amis. Pour en avoir le cœur net, l’humoriste commence à enquêter.
    Une campagne « No Billag » très sensible

    A l’automne 2017, peu avant la votation sur l’initiative « No Billag » qui visait à supprimer la redevance radio-TV, Thomas Wiesel contacte le nouveau directeur de la RTS, Pascal Crittin, en poste depuis quelques mois seulement, afin de l’interpeller sur le sujet. Que savait la direction de la réputation de Darius Rochebin et de l’alerte formelle lancée par Clémence ? « Affirmant n’être au courant de rien, Pascal Crittin a fait part de son étonnement, raconte l’humoriste. Il m’a toutefois assuré qu’il ferait toute la lumière sur l’affaire et que Darius Rochebin serait suspendu si une plainte contre lui était déposée. »

    La direction de la RTS confirme aujourd’hui ces échanges. « Nous avons pris très au sérieux les propos de Thomas Wiesel et l’avons invité à nous fournir des éléments concrets, ainsi qu’à inciter les personnes concernées à prendre contact avec la justice, souligne Pascal Crittin. Toutefois et à ce jour, nous n’avons reçu aucune preuve, aucun document, ni aucun témoignage direct. » Pour Thomas Wiesel, il est « surprenant que l’entreprise n’ait jamais cherché à enquêter elle-même en profondeur, suite aux rumeurs qui circulaient depuis des années et encore plus suite à ce signalement ».

    Après l’intervention de l’humoriste, le nouveau directeur convoque néanmoins Darius Rochebin, une information confirmée par la direction de la RTS : « Nous lui avons fermement et formellement rappelé nos règles professionnelles concernant la présence sur les réseaux sociaux. » Selon nos informations, l’intéressé aurait reconnu, lors de l’entretien, l’existence de ces comptes Facebook mais affirmé qu’ils étaient gérés par des amis. Aujourd’hui, ces comptes Facebook ont été nettoyés.

    Si l’éventualité que les faux comptes mentionnés par Thomas Wiesel aient été gérés par des personnes voulant nuire à la réputation de Darius Rochebin a longtemps été évoquée, Le Temps a aujourd’hui la preuve qu’il n’en est rien. C’est bien l’ancien présentateur de la RTS qui a usé de fausses identités créées de toutes pièces pour entrer en contact tant avec des collègues qu’avec des inconnus. Il s’en est notamment servi pour obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous. Une dizaine d’entre eux, contactés par Darius Rochebin entre 2009 et 2017, nous ont livré leur récit. L’un était mineur au moment des faits. Par souci de concision, tous ces témoignages n’ont pas été reproduits ici.
    Les mystérieuses Laetitia Krauer et Lea Magnin

    Sur Facebook, le présentateur a créé au moins deux fausses identités formellement identifiées : Laetitia Krauer et Lea Magnin. La première ayant de loin été la plus active. Toutes deux sont supposées être étudiantes à l’Université de Genève. Sur leur photo de profil, dont on ignore la provenance, elles semblent très jeunes.

    Dans plusieurs conversations en ligne datant de 2012 que Le Temps a pu obtenir, Darius Rochebin évoque ouvertement son stratagème. « Tu veux voir l’un de mes avatars ? » questionne le présentateur, avant d’ajouter : « Regarde Laetitia Krauer, elle t’a envoyé un message », le tout accompagné d’une capture d’écran. « Sur Facebook, si Lea Magnin poste ça va ? Ou tu la trouves faux profil ? » poursuit Darius Rochebin dans une autre conversation. « J’ai aussi le code de mon ex mais je l’utilise pas trop, écrit-il encore. Les plus malins voient qu’il n’y a pas de vraie activité normale, mais si une fois tu veux sonder des gens (...) c’est génial comme les gens se livrent... » Le compte à travers lequel il s’exprime a été créé à partir de son ancienne adresse mail professionnelle de la RTS.

    Juriste en droit des technologies, Mikhaël Salamin précise que « l’utilisation d’une photo de profil – une donnée personnelle – pourrait être considérée comme une usurpation d’identité » puisque celle-ci est définie comme « l’usage abusif de données personnelles d’une tierce personne permettant son identification ». « L’usurpation d’identité en tant que telle ne figure pour l’instant pas dans le Code pénal suisse et ne peut donc être réprimée que si elle est liée à d’autres méfaits, comme l’atteinte à l’honneur, la violation de la personnalité, voire le harcèlement, détaille le juriste. Elle devrait néanmoins être introduite d’ici deux ans à la faveur d’une révision complète de la loi sur la protection des données, en l’absence d’un référendum populaire. »

    Une systématique précise

    Le procédé mis en place par Darius Rochebin obéit à une systématique précise, tant sur l’approche que sur les personnes ciblées. Ce sont, pour la plupart, de jeunes étudiants, stagiaires journalistes ou engagés en politique. Des individus qui, un jour ou l’autre, pourraient avoir besoin des médias et qui, de prime abord, ont toutes les raisons d’être flattés que Darius Rochebin s’intéresse à eux. Les conversations avec l’animateur débouchent d’ailleurs régulièrement sur des invitations à venir visiter les locaux de la RTS, voire à intervenir sur le plateau du téléjournal.

    Le premier contact intervient souvent après une première et modeste apparition à l’antenne, un événement ou encore un débat estudiantin auquel Darius Rochebin participe en tant qu’invité de marque. La plupart du temps, les internautes contactés croient parler à deux personnes distinctes : Darius Rochebin et une jeune étudiante – soit Laetitia Krauer, soit Lea Magnin. Ils ignorent que le présentateur mène en réalité ces deux discussions en même temps. Systématiquement, le présentateur star, dissimulé sous les traits de ces jeunes femmes, invite son interlocuteur à répandre des rumeurs à son propre sujet : « tu sais que Darius a une mini-bite ? », « son mini-kiki ne dépasse pas la taille de sa main en pleine action », « un dé à coudre » – et insiste sur la nécessité d’en parler.

    Une fois le domaine de la sexualité mis en avant, les questions de Laetitia Krauer ou de Lea Magnin au sujet de l’anatomie de leurs interlocuteurs s’enchaînent. Elles sondent les pratiques et les préférences sexuelles de ces derniers, demandent leur avis au sujet de Darius Rochebin. Sous les traits de Laetitia Krauer et de Lea Magnin, le présentateur cherche même à entraîner ses interlocuteurs sur le terrain de la critique insultante envers lui-même. Dans quel dessein tente-t-il de susciter de telles accusations ? Que fait-il des informations ainsi récoltées ? Ces questions restent ouvertes.

    Au fil des années, le procédé commence à éveiller des soupçons. Certaines cibles, alertées par d’autres, font rapidement le rapprochement entre Lea Magnin, Laetitia Krauer et Darius Rochebin et mettent un terme à la discussion. Pensant parler à une vraie femme, d’autres poursuivent en revanche l’échange et « se livrent ».

    A noter qu’une certaine Laetitia Krauer intervient également dans les médias pour saluer les performances de Darius Rochebin. Dans Télétop Matin en 2007 : « Merci à Darius Rochebin pour le merveilleux moment de « Pardonnez-moi » avec Mimie Mathy. A la fois drôle, piquant, émouvant à certains moments. » Idem en 2013, dans le guide TV et cinéma encarté dans La Liberté : « Sympa, l’initiative. J’adore Darius Rochebin qui est classe avec une pointe d’humour. »
    Un mineur trompé par un faux profil

    Plusieurs jeunes hommes révèlent avoir été visés par ces doubles approches en ligne. Samuel* a 16 ans lorsqu’il rencontre pour la première fois Darius Rochebin. Le collégien genevois s’intéresse à la politique, aux médias, et milite dans la section jeune d’un parti. A ses yeux, l’animateur est un modèle de réussite, une icône. En avril 2012, il est contacté sur Facebook par une certaine Laetitia Krauer qui lui parle immédiatement du petit pénis de Darius Rochebin, cherche à savoir ce qu’il pense de lui et lui demande son âge. Samuel répond qu’il a 17 ans – arrondissant son âge à la hausse, à quelques mois de son anniversaire. Le lendemain, l’adolescent reçoit une invitation Facebook de Darius Rochebin lui-même. Troublé par cette coïncidence, il en fait état au présentateur. Ce dernier lui répond que Laetitia Krauer est une « copine de son ex », « chaude comme la braise » et l’incite à tenter sa chance.

    Par la suite – la conversation durera plus d’un an – Darius Rochebin s’intéresse à la vie de Samuel, lui propose de visiter les coulisses de la RTS avec des camarades, promet de lui donner des conseils professionnels. « Il a instauré une forme de camaraderie entre nous, il adoptait le langage d’un pote, me donnait des conseils de drague », souligne Samuel, alors mis en confiance. En parallèle, Laetitia Krauer lui suggère de répandre les rumeurs précitées quant à l’anatomie de Darius Rochebin et s’évertue par tous les moyens à connaître la taille du sexe de Samuel, ce qu’elle n’obtiendra pas. Au fil du temps, Samuel commence à douter de l’identité de Laetitia Krauer qui l’inonde de messages, et s’en ouvre à Darius Rochebin. Le présentateur rassure immédiatement le collégien, tout en se distanciant de Laetitia Krauer : « Je pense qu’elle existe, mais elle est instrumentalisée par mon ex », dit-il.

    Samuel ne répondra plus aux sollicitations de Laetitia Krauer, mais acceptera trois rendez-vous avec Darius Rochebin. A deux reprises, le présentateur le convie au pied de la tour RTS. Le jour du premier rendez-vous, l’adolescent est impatient de partager un moment privilégié avec une star de l’audiovisuel. S’attendant à retrouver le présentateur pour un café à la RTS, il est étonné d’être invité à monter dans sa voiture garée dans un parking souterrain, après avoir marché quelques minutes dans la rue. « Je l’ai suivi mécaniquement sans poser de questions, raconte Samuel. J’étais intimidé, mais exalté. Avec le recul, je me dis que des alertes auraient dû sonner. » Ils roulent pendant quinze minutes avant que Darius Rochebin ne le dépose devant un hôtel proche de la gare. En rentrant chez lui, Samuel, « interloqué et un peu honteux », esquive les questions de ses parents, curieux de savoir comment s’est déroulée la rencontre avec celui qu’ils voient comme un modèle pour leur jeune fils.

    Le lendemain, Darius Rochebin s’excuse pour la brièveté du rendez-vous et lui propose un café. Lors de cette rencontre et de la suivante, le présentateur tient des propos salaces au jeune homme toujours mineur : « C’est vrai que les collégiennes sucent de bon cœur ? » « Tu baises qui en ce moment ? » Des questions qui achèvent de dérouter Samuel, au stade de ses premières expériences sexuelles. Avec le recul, il peine encore à mettre des mots sur ce qu’il a ressenti : un mélange de dégoût, de gêne, mais surtout le sentiment d’avoir été piégé.
    « J’ai l’impression d’avoir été manipulé »

    Dylan* et Sébastien* ont eux aussi été contactés par Darius Rochebin et son avatar Laetitia Krauer, respectivement en 2009 et 2011. Pour Dylan, 18 ans à l’époque, qui rêve de devenir journaliste, Darius Rochebin est un « modèle de réussite ». Lorsque le présentateur entame la discussion, l’adolescent déchante : « J’ai immédiatement senti une ambiguïté dans sa manière de me parler, il n’avait pas l’air détaché, mais au contraire très intéressé. » Très vite, Darius Rochebin lui propose un rendez-vous, que Dylan annule au dernier moment, prétextant une grippe. « Une star de son envergure qui invite un jeune étudiant à boire un verre, je ne le sentais pas, j’avais peur. J’en avais parlé à mes parents qui avaient aussi été intrigués par l’invitation et m’avaient conseillé de décliner. » A l’époque, un autre indice avait aussi alerté Dylan : les étranges conversations avec Laetitia Krauer qui ne cesse d’évoquer l’anatomie de Darius Rochebin. « J’ai discuté avec elle durant des mois, sans jamais la voir. Lorsque je proposais un rendez-vous, elle esquivait toujours, elle jouait à un jeu malsain. J’ai vraiment l’impression d’avoir été manipulé. »

    Avec Sébastien, Darius Rochebin évoque d’emblée Laetitia Krauer, « amie commune » sur Facebook, dont il se sert pour justifier un premier échange. « Il m’a dit qu’il avait appris que cette fille me parlait et qu’il ne fallait pas que je rentre dans son jeu. J’ai trouvé cette approche très bizarre. J’étais agacé par ces histoires qui ne me regardaient pas. » Alors qu’ils se connaissent à peine, Darius Rochebin lui propose d’intervenir dans le cadre d’un débat à la RTS. « Ça m’a semblé étrange comme proposition, se souvient Sébastien. Comme s’il mélangeait les casquettes privée et professionnelle. Par la suite, il m’écrivait souvent pour me proposer de boire des cafés. Il m’a recontacté quand j’ai commencé dans le métier, pour me reparler de Laetitia Krauer, parfois jusqu’à 3h ou 4h du matin. Au point que ma copine de l’époque l’a remarqué. J’ai fini par couper les ponts. En en parlant autour de moi, j’ai réalisé que d’autres jeunes étaient concernés, à Genève et au-delà. »
    Les médias, un monde comme les autres

    Entre les personnes contactées, le mot circule en effet largement. A tel point qu’à l’aube de la votation sur l’initiative « No Billag », en 2018, plusieurs médias romands s’intéressent de près aux mystérieux avatars de Darius Rochebin. Selon plusieurs sources concordantes, la direction va alors jusqu’à mettre en place une stratégie de communication de crise pour parer à l’éventualité d’un scandale. Sans que celle-ci doive, pour finir, être actionnée.

    Contacté, Darius Rochebin a répondu par l’intermédiaire de son avocat. Il « conteste fermement s’être livré à des actes pénalement répréhensibles » et précise n’avoir « jamais fait l’objet d’une plainte pénale, ni a fortiori d’une quelconque condamnation pénale ».

    Baiser de force, main placée sur les parties génitales, propos déplacés, allusions sexuelles : la direction de la RTS était-elle au courant de tels comportements ? « Tout comportement déplacé et blessant dans le cadre professionnel, de quelque nature que ce soit, est incompatible avec les valeurs de notre entreprise et la RTS les condamne avec force, précise Pascal Crittin. Lorsque des cas sont portés à notre connaissance, ils sont immédiatement traités, le cas échéant avec une enquête externe indépendante. Selon les conclusions de l’enquête, des sanctions sont prises allant jusqu’au licenciement immédiat. »

    En novembre 2017, Darius Rochebin saluait lui-même la « libération de la parole » liée au mouvement #MeToo. Née dans le monde du cinéma, la vague de dénonciations s’est étendue à tous les secteurs. Dans l’univers médiatique toutefois, certains tabous continuent de persister, mais comme partout ailleurs, des voix commencent à s’élever.

    https://www.letemps.ch/suisse/rts-darius-rochebin-loi-silence
    #Suisse #sexisme #me_too #harcèlement_sexuel #MeToo #silence #omerta #dysfonctionnement #mobbing #plainte_collective #harcèlement #confidentialité #main_baladeuse #Laetitia_Krauer #fausse_identité #Lea_Magnin #avatars

    • #MeToo : mis en cause dans une enquête, Darius Rochebin se met en retrait de #LCI « quelques jours »

      L’ex-présentateur phare du journal télévisé suisse est accusé de comportements déplacés par une enquête du Temps.

      Trois ans après l’affaire #MeToo, une enquête du média suisse Le Temps vient ébranler une nouvelle icône médiatique. Ce samedi 31 octobre, un article du quotidien a mis en lumière des comportements sexistes et troublants au sein de RTS, la Radio télévision suisse. Après plusieurs mois de recherches, les trois auteurs de l’enquête dénoncent « des comportements pour le moins problématiques de la part de plusieurs collaborateurs du service public ». Ces actions sont survenues « à partir du début des années 2000 » et certaines étaient connues par les équipes de RTS, ajoutent les journalistes.

      Le cas le plus frappant concerne une « star » du petit écran helvétique, Darius Rochebin. Le journaliste, ancien présentateur du journal télévisé de RTS et désormais sur LCI est soupçonné de comportements « inadéquats », dont des « mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes ».

      Une collaboratrice l’ayant croisé dans un couloir raconte : « subitement, il a pris mon visage dans ses mains et a essayé de m’embrasser. Je l’ai immédiatement repoussé. Il est parti de manière furtive, sans me regarder ni présenter d’excuses ». Une autre se souvient d’un moment survenu peu après le Nouvel an 2006 : « Il s’est approché de moi, je l’ai pris par l’épaule pour lui faire la bise, il a saisi ma main libre et l’a fermement posée sur ses parties génitales ».

      Le présentateur est aussi accusé d’utiliser son influence pour rencontrer des étudiants d’une vingtaine d’années, avec lesquels il a des relations ambiguës. Il aurait également créé de faux profils de jeunes femmes sur Facebook pour « entrer en contact avec de jeunes hommes ». Il se serait servi de ces profils pour « obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous », révèle Le Temps. Les conversations pouvaient aussi prendre une autre tournure : « Sous les traits de [ces faux comptes], le présentateur cherche même à entraîner ses interlocuteurs sur le terrain de la critique insultante envers lui-même », ajoute l’enquête.
      Darius Rochebin se met à l’écart « quelques jours » de LCI

      Visé par ces accusations, Darius Rochebin a répondu aux journalistes par l’intermédiaire de son avocat, contestant « fermement s’être livré à des actes pénalement répréhensibles ». « Jamais je n’ai fait l’objet d’une plainte. Jamais je n’ai eu de relation non consentie ou illicite. Je me battrai donc contre les amalgames, les ragots ou les insinuations dont je suis victime et j’examine avec mon avocat la suite judiciaire que je donnerai », a-t-il réagi, se disant « choqué par le récit malveillant » du Temps, qu’il juge « émaillé de propos anonymes ». « Jamais je n’en ai fait une position de pouvoir. Je n’ai d’ailleurs jamais exercé d’autorité hiérarchique. C’est dire combien il est faux que j’ai pu obtenir des échanges de faveurs et imposer une loi du silence pour couvrir des comportements illicites, s’ils avaient existé », conteste-t-il.

      Actuellement présentateur d’une émission sur LCI, Le 20h de Darius Rochebin, diffusée du lundi au jeudi entre 20h et 21h15, le journaliste ajoute avoir « demandé à LCI de [le] libérer quelques jours pour être auprès de [sa] famille ». « L’expérience de l’actualité m’a appris que tout pathos est inutile mais je tiens à dire combien je suis blessé par des attaques injustes. J’en suis d’autant plus déterminé », conclut-il.

      De son côté, le groupe TF1 a expliqué au Figaro n’avoir eu connaissance d’« aucun incident de cette nature » signalé au sein de la rédaction de LCI à l’encontre du journaliste. Le média « rappelle être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution. L’entreprise, qui sensibilise régulièrement ses collaborateurs, rappelle mener une politique active contre toute forme de harcèlement ».
      La direction de RTS se dit « consternée par la gravité et l’ampleur des faits reprochés »

      Parmi les exemples repérés par les auteurs figure également « Robert », un cadre toujours en poste et accusé, entre 2005 et 2015, de nombreux actes répréhensibles par « une quinzaine d’employés du service public ». Harcèlement sexuel, SMS suggestifs, envoi de lettres « vicieuses »... Les actions de ce cadre entraînent une dégradation du cadre de travail, provoquent des burn-out d’employés et il finit par être écarté par sa direction dans un « placard doré », après qu’une employée assure avoir « récolté toutes les preuves (lettres, SMS) du harcèlement sur plus d’un an de la part de Robert à son encontre et demande des actes ».

      La direction de RTS, quant à elle, nous assure être « consternée par la gravité et l’ampleur des faits reprochés. Si ces faits sont avérés, la RTS les condamne avec la plus grande fermeté. » Elle ajoute : « La RTS rejette fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs. Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes. »

      Concernant Darius Rochebin, la direction indique avoir été uniquement informée « des faux profils ». « Nous allons vérifier toutes les informations figurant dans cet article, réexaminer ses processus internes et prendre toutes les mesures nécessaires pour les améliorer le cas échéant », ajoute notre source, défendant les outils mis en place au sein de l’entreprise pour « libérer la parole (...) et signaler tous cas problématiques ».

      « Plusieurs rédactions ont travaillé ces dernières années sur les manquements de l’institution RTS au sujet d’affaires similaires, sans jamais toutefois aboutir. Si nous y parvenons aujourd’hui, c’est au prix d’un travail acharné et d’une minutieuse collecte de faits », explique Le Temps dans un édito cinglant. Le quotidien, qui défend ses « trois courageux journalistes », juge que leur enquête a un « intérêt public » : « tout a été fait pour mettre sous cloche des comportements inacceptables » au sein de RTS, et le journaliste Darius Rochebin, l’une des anciennes figures de proue du groupe, n’a « pas été à la hauteur » de sa réputation de « modèle pour la profession et le grand public ».

      https://www.lefigaro.fr/medias/plusieurs-figures-du-media-suisse-rts-accusees-de-comportements-deplaces-20

    • Entre Darius Rochebin et la France, la désillusion

      La presse française relaie avec stupéfaction l’enquête du « Temps » sur les agissements du présentateur vedette, aujourd’hui en poste à LCI. Il annonce se mettre en retrait « quelques jours »

      Après le concert de louanges, la stupéfaction. Samedi, la presse française a découvert avec effarement les révélations du Temps sur le présentateur vedette Darius Rochebin, accusé d’avoir eu des comportements déplacés pendant sa carrière à la RTS. « Il était la curiosité de la rentrée médiatique française », rappelle le quotidien Libération dans un article relatant les faits. De son côté, Le Parisien juge que cette enquête « va faire de gros remous à LCI », en référence à la chaîne française qui a réalisé le transfert surprise de l’intervieweur suisse.

      Prévue à 14 heures ce samedi, son émission de « grands entretiens » a été remplacée par une discussion entre David Pujadas et le professeur controversé Didier Raoult. LCI s’apprête-t-elle à tirer la prise ? Contacté par Le Figaro, le groupe TF1, propriétaire de la chaîne, assure n’avoir eu connaissance d’« aucun incident de cette nature » au sein de la rédaction de LCI.
      « Des attaques injustes »

      Le média français « rappelle être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution. L’entreprise, qui sensibilise régulièrement ses collaborateurs, rappelle mener une politique active contre toute forme de harcèlement ». Egalement sollicité par Le Figaro, Darius Rochebin indique se mettre en retrait « quelques jours ». « L’expérience de l’actualité m’a appris que tout pathos est inutile mais je tiens à dire combien je suis blessé par des attaques injustes. J’en suis d’autant plus déterminé », indique-t-il, examinant avec son avocat « la suite judiciaire » à donner.

      En septembre, son arrivée a au départ intrigué le landerneau médiatique parisien, peu habitué à intégrer de nouvelles recrues en provenance de l’étranger. L’animateur occupe la tranche du soir sur LCI. Son nom figure en majesté dans le titre de l’émission : Le 20H de Darius Rochebin. A une heure hautement concurrentielle, le journaliste reçoit des personnalités de premier plan pour commenter l’actualité. Dernier en date : l’ancien président socialiste François Hollande.
      Des compétences professionnelles reconnues

      Cette confiance, il la doit au patron de la chaîne d’information en continu, Thierry Thuillier, séduit par son intervention virale dans une émission de David Pujadas en novembre 2019. « Darius possède à la fois une immense culture politique et historique de notre pays et, en tant qu’étranger, il nous regarde avec beaucoup de décalage. On avait besoin de cette distance amusée qu’il nourrit sur nos querelles, nos passions », expliquait-il à Libération dans un portrait consacré au présentateur.

      Dans ce texte, le quotidien saluait son ton modéré, qui tranche avec le traditionnel désordre des plateaux de télévision français. Ce talent devait l’amener à suivre de près l’élection présidentielle de 2022. Libération l’imaginait alors en modérateur du débat de l’entre-deux-tours, moment décisif dans la vie démocratique du pays. L’enquête du Temps pourrait-elle mettre un coup d’arrêt à sa récente et fulgurante carrière française ?

      https://www.letemps.ch/monde/entre-darius-rochebin-france-desillusion

    • Suite aux révélations du Temps, la RTS « réfute toute accusation de laxisme »

      La direction de la chaîne publique a réagi samedi au contenu de l’enquête du jour faisant état de plusieurs comportements problématiques visant notamment l’ancien présentateur phare Darius Rochebin. Les collaborateurs ont par ailleurs été informés par un message interne

      « La RTS rejette fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs. » Samedi matin, la direction du service public a réagi, par voie de communiqué, à l’enquête du Temps faisant état de comportements problématiques de la part de plusieurs collaborateurs dont l’ancien présentateur phare Darius Rochebin. Elle réfute fermement avoir eu connaissance des faits évoqués.

      Comportements déplacés, allusions salaces, utilisation de fausses identités sur les réseaux sociaux : notre article rapporte plusieurs dysfonctionnements de la part du journaliste qui travaille aujourd’hui pour la chaîne française LCI. A son propos, la direction de la RTS poursuit : « Si les témoignages concernant les comportements de Darius Rochebin sont confirmés, la RTS fait part de sa consternation et condamne avec force tout manquement ou écart de conduite. »

      Trois outils pour « libérer la parole »

      La chaîne publique insiste par ailleurs sur sa politique en matière de gestion des cas de harcèlement : « Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes. » Par quels moyens un collaborateur peut-il effectuer une dénonciation ? « Outre la communication auprès de la hiérarchie directe, la RTS dispose de trois outils efficaces propices à libérer la parole, en vigueur depuis plusieurs années. » Le communiqué de presse mentionne d’une part une « plateforme de whistleblowing », d’autre part un « groupe de médiation interne » et, enfin, une « directive précise » qui concerne tout type de harcèlement.

      Un dispositif certifié

      Enfin, la direction de la RTS rappelle que cet arsenal fait l’objet de la certification Edge (certification de standard international Edge sur les entreprises favorisant l’égalité des genres). « La RTS invite toute personne concernée à utiliser ces différents moyens, en tout temps, afin qu’elle puisse agir rapidement et fermement, dans le respect de la protection de la personnalité et améliorer encore la gestion de tels cas. »

      Un message interne

      Les collaborateurs de la chaîne publique ont par ailleurs reçu ce matin un message à propos de ces révélations, dont la teneur est proche du communiqué de presse. Pascal Crittin, directeur de la RTS, sera présent à l’émission Forum de RTS La Première (18h-19h) et au 19h30, très probablement pour revenir sur l’affaire.

      https://www.letemps.ch/suisse/suite-aux-revelations-temps-rts-refute-toute-accusation-laxisme

    • La RTS réagit après l’annonce de cas de harcèlement dans ses murs

      Le quotidien Le Temps publie samedi une enquête sur de supposés cas de harcèlement au sein de la RTS. Les faits relatés concerneraient plusieurs collaborateurs, dont l’ancien présentateur du 19h30 Darius Rochebin. La RTS a réagi en prenant acte de l’enquête et en condamnant fermement les agissements décrits s’ils sont vérifiés.

      Selon les témoignages recueillis par le quotidien, l’ex-présentateur du 19h30 aurait eu des gestes déplacés envers des collègues hommes et femmes. Des cas de harcèlement impliquant d’autres collaborateurs de la RTS sont également mentionnés dans l’article du Temps.

      La RTS a réagi samedi en rejetant fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs et collaboratrices. Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités « avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes », explique-t-elle dans un communiqué.

      Interrogé dans l’émission Forum, le directeur de la RTS, Pascal Crittin, s’est dit « consterné » par ces révélations. « Si ces faits sont avérés, ils sont graves. Ces agissements sont totalement inacceptables et contraires aux valeurs et aux pratiques de la RTS », a-t-il expliqué.

      Concernant le cas de l’ancien présentateur du 19h30, « il y a eu beaucoup de rumeurs », concède Pascal Crittin. « Le problème pour nous, c’est de pouvoir agir sur des témoignages, et pas des rumeurs. Si nous avions eu un seul des témoignages parus dans Le Temps, nous aurions pu agir avec une enquête externe », développe le directeur de la RTS.
      Améliorer les outils

      La RTS précise qu’elle va vérifier toutes les informations figurant dans l’article du Temps, réexaminer ses processus internes et prendre toutes les mesures nécessaires pour les améliorer le cas échéant.

      Outre la communication auprès de la hiérarchie directe, la RTS rappelle qu’elle dispose d’outils « propices à libérer la parole ». Ainsi, la SSR a mis en place une plateforme anonyme d’annonce de cas. En outre, la RTS dispose depuis 1998 d’un groupe de médiation paritaire à l’interne et d’une directement certifiée concernant le harcèlement.

      Mais au regard des révélations du Temps, « on voit que tout le dispositif qui est en place ne fonctionne pas encore suffisamment bien », admet Pascal Crittin dans Forum.

      Le directeur de la RTS indique que ces procédures seront réexaminées et des mesures seront prises pour les améliorer.

      https://www.rts.ch/info/suisse/11717841-la-rts-reagit-apres-lannonce-de-cas-de-harcelement-dans-ses-murs.html
      #abus_de_pouvoir

  • How Straight Talk Helped One State Control #COVID - Scientific American
    https://www.scientificamerican.com/article/how-straight-talk-helped-one-state-control-covid

    ... late last year I heard about a cluster of fevers in December. And the chorus of warning voices grew between Christmas and New Year’s. As soon as we all returned from the New Year’s break on January 2 or 3, my office started to prepare. By February 8, we had distributed PPE [personal protective equipment] to nursing homes, hospitals and first responders. We had our contract tracing plan all mapped out. This was weeks ahead of our first documented case of COVID-19 on March 12.

    How important are testing and contact tracing to your response?

    They’re essential. Though we’ve had relatively few cases, we have 100 people tracing, and we have plans to hire more. Since May, we’ve partnered with a Maine-based laboratory, IDEXX, that has a very deep bench in reagents. So unlike some states, we’ve had no problems getting reagents for #tests. Everyone in the state 12 months or older can get tested at no cost, no questions asked.

    Do you think part of Maine’s success comes from its being relatively rural and remote?

    Not really. Other rural states such as Idaho, the Dakotas, West Virginia have much higher rates. That suggests that geography doesn’t have much explanatory power.

    What metrics do you rely on to measure success?

    Our goal is not to eradicate the disease but to suppress the virus to put us in a favorable position for vaccination. Our test positivity rate is consistently under 1 percent, and for weeks it [remained] under 0.6 percent. That’s the lowest in the U.S., and we think that puts us in a good position.

    What went wrong with the federal government’s response to the virus?

    It’s unclear…. We do know that on February 25, when [Nancy] Messonnier, [head of the Centers for Disease Control and Prevention’s National Center for Immunization and Respiratory Diseases], warned Americans to prepare for a pandemic, she was threatened [with firing by President Donald Trump in a call to the Secretary of Health and Human Services, according to reporting by the Wall Street Journal], and the CDC started to take a back seat.

    What would be your first step in changing the federal response?

    Stop candy coating. The communication approach has been filtered through what folks in Washington, D.C., want the intended impact to be: it’s outcome driven, and that doesn’t work. They have to stop shaping the message to conform with what they think people want to believe.

    Can you a give concrete example of this distorted messaging?

    The rollout of [the antiviral] #remdesivir, as though it were “mission accomplished.” We actually knew very little at that time about whether the drug worked in the treatment of COVID-19. This happened with other therapies as well.

    You give regular press briefings on public radio, as well as daily interviews on Maine AM radio. What do you hope to accomplish with these frequent interactions with the press and public?

    All too often, government is on the defensive, and our first inclination is to say, ‘Here’s what [the government has] done; here’s what we need to do.’ But in a high-anxiety, low-trust situation like this, you have to empower people to act. Every five or six weeks, I take stock of where we are and come up with a couple of key asks of the people in Maine. For example, this week, I asked them to commit to get a flu shot. It’s a concrete call to action, something everyone can do for themselves and their family. And it builds confidence and trust.

    #Maine #etats-unis #responsable