Lutter
Vivre est un sport de combat. Plutôt une course de fond. Ou les deux.
Surtout la sienne.
Elle tient la distance. Tranquillement. Calmement. Même si elle avoue parfois son immense fatigue.
Elle encaisse. Un coup après l’autre. Méthodique.
Il y a eu son premier #cancer à lui. Jeune. Très jeune. Les cancers sont toujours plus mauvais sur les jeunes. Toute cette vie, ça les excitent. Il y a eu l’annonce, la peur, l’hôpital, le combat. Surtout le #combat. Et la rémission.
Puis, le petit dernier. Trisomique. Une chance sur 2000. Après dépistage précoce. Polyhandicapé. Comme un uppercut. Il y a eu l’annonce, la peur, l’hôpital, les opérations. Et la plongée dans une vie différente pour toute la famille.
Il y a eu son deuxième cancer à lui. Les médecins ont dit que ce n’était pas une récidive. Mais c’était tout de même un nouveau coup dur, bien bas et bien dur. Mais presque le début d’un rythme. Lutter pour la survie, lutter pour grandir, lutter aussi pour les aînés, qui n’avaient rien demandé. Et ensemble, ils y arrivent, ils surmontent. 2 points à 0.
Les grands commencent à partir, le dernier n’arrive pas à grandir et comme le train, le cancer sifflera trois fois. Comme une vengeance dégueulasse, un mauvais karma.
En tout, ça lui fera 12 ans de lutte contre le cancer, à chaque fois avec une nouvelle sale gueule. Et à la fin, le crabe a gagné.
« Tu vois, des fois, c’est tellement moche que les gosses préfèrent que je ne raconte rien à personne. Sinon, ça fait trop mélodrame sponsorisé par Kleenex. Mais ce n’est que ma vie. »
Elle va bien. Elle fait d’ailleurs très attention à sa santé, à ce qu’elle mange, tout. Parce qu’avec le dernier, c’est 24H/24 7J/7. Sans congés #maladie. Cette année, elle a eu la grippe. Pas de chance. Parce qu’il ne comprend pas : même si elle ne tient pas debout, il faut qu’elle s’occupe de lui.
Elle a tenté les institutions spécialisées pour souffler. Même une demi-journée par semaine. Pas de place. Pas de personnel. Bientôt ado, souvent violent, il vient juste d’apprendre à boire tout seul. Impensable en institution. Trop lourd.
« Mais tu vois, le pire, ce n’est pas ça. Le pire, c’est qu’en même temps, j’ai perdu mon meilleur ami. Maintenant, je n’ai plus personne à qui parler. Personne avec qui partager ma merde en fin de journée. Ça, c’est vraiment dur ! »