reste dubitative devant l’argument de vente avancé par un fabricant d’intelligence dite artificielle :
« Trucmuche® libère votre créativité grâce à des outils inspirants qui vous aident à polir vos écrits. »
Alors elle a beau savoir que ce n’est pas sémantiquement faux — le verbe « polir » peut effectivement être considéré comme mélioratif au sens de « parfaire » et utilisé dans cette acception — elle ne peut s’enlever de la tête l’image de la menuisière ou du menuisier rabotant tout ce qui dépasse afin d’obtenir un produit parfaitement lisse et standardisé. Ce n’est pas forcément mal, hein : visiblement les ordinateurs écrivent mieux ou au minimum plus intelligiblement que la plupart des gens... qui n’écrivent pas, c’est-à-dire qui n’ont aucune velléité littéraire. Non, c’est à partir du moment où la réclame met en avant la notion de « créativité » que ça devient chelou : si celle de la machine ne saurait être mise en doute (il faut être rudement créative pour réussir à pondre un texte normalisé sur n’importe quel sujet), quid de celle de son utilisateurice ? Et puis même si la vieille Garreau elle-même n’est pas écrivaine (ouf ! Manquerait plus que ça...) il lui semble que rédiger une bafouille même policée est loin du polissage, il faut au contraire que ce soient des montagnes russes, que ça accroche, qu’il y ait des contrastes, des ruptures de rythme, des différences de registres et de textures, des courbes, des épingles à cheveux, des pics et des creux ! Un texte est le dernier endroit à aplanir — et s’il est déjà tout plat en quoi est-il encore « inspirant » ?
Attention, hein, que l’on ne se méprenne pas, cet auguste flux Facebook n’est absolument pas un plaidoyer contre ces logiciels génératifs, bien au contraire : elle est contre Sapiens Sapiens qui cherche à plier la machine à ses fantasmes et à subséquemment s’approprier ses productions. En écriture comme en beaucoup de choses « l’important c’est le chemin » et pas tellement le résultat — or en nous fournissant directement ce dernier l’algorithme nous prive de l’essentiel de l’acte d’écrire, c’est-à-dire de la maturation du texte, des hésitations, des errances ou des volte-face (1).
En écrivant soi-même le but c’est d’écrire ; en sous-traitant auprès d’une machine le but c’est d’avoir écrit.
D’ailleurs jamais aucun appareil n’aurait été assez gâteux pour valider un dazibao bancal et confus à ce point-là.
#MamieNicoleSEmmêleUnPeuLesPinceaux.
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(1) Oui, même si c’est contre-intuitif « volte-face » est invariable, inutile de s’adresser au service des réclamations — de toute façon au sein de la Dictatature du punkàchiennariat il n’y en a pas.