Des chercheurs de Harvard développent un utérus artificiel pour porter un embryon hybride, composé de gènes d’éléphant et de mammouth laineux. Un projet fou qui soulève beaucoup de questions.
Ce n’est plus de la science-fiction. Le mammouth laineux, disparu il y a plus de 4 000 ans, pourrait refaire son apparition sur la surface de la Terre.
Grâce aux dernières avancées de la génétique, ce scénario, digne du film Jurassic Park, est de plus en plus réaliste. Depuis 2015, les équipes du généticien George Church, à l’université de Harvard (Etats-Unis), avancent à grand pas et s’apprêtent à publier leurs découvertes dans une revue scientifique. « Notre objectif est de produire un embryon hybride entre un éléphant et un mammouth. En réalité, il s’agirait plutôt d’un éléphant avec de nombreuses caractéristiques d’un mammouth. Nous n’y sommes pas encore, mais cela pourrait arriver dans deux ans », détaillait George Church en février 2017.
Simple coup de bluff médiatique ou perspective réelle ? « La plupart des spécialistes pensent que ce genre de projets va finir par voir le jour assez rapidement », constate Alexandre Robert, chercheur enseignant au Centre d’écologie et des sciences de la Conservation du Muséum national d’histoire naturelle de Paris.
–Après plusieurs années de recherche, George Church dit avoir déjà « ressuscité » 44 gènes de mammouth, grâce à une technologie génétique baptisée CRISPR/Cas9. Son laboratoire affirme être en mesure d’extraire et remplacer certaines parties du génome d’un éléphant d’Asie, le plus proche parent du pachyderme disparu, par des fragments d’ADN issus de mammouths conservés quasi intacts dans la glace de Sibérie.
Le fruit de cette manipulation, qui n’est pas un clonage, pourrait donner naissance à un « mammouth éléphant », doté de petites oreilles, d’une couche de graisse sous l’épiderme, d’un système sanguin adapté au froid et de longs poils. Autre caractéristique, mise en avant par le professeur Church : le « mammouth éléphant » serait dépourvu de longues défenses, pour éviter d’être la cible des trafiquants d’ivoire.
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Le jeune mammouth Lybia a été découvert en 2007 en Sibérie dans un état de parfaite conservation. /Chicago Field Museum
Un utérus artificiel en cours de test
L’université de Harvard travaille désormais sur la création d’un utérus artificiel pour y développer l’embryon de l’animal hybride. L’éléphant d’Asie étant une espèce protégée, il est hors de question d’utiliser une femelle comme mère porteuse, pour une gestation à risques d’environ 22 mois. Un utérus artificiel portant des embryons de souris est en cours de test. Quatre articles scientifiques, contenant notamment les résultats de cette expérience, doivent être publiés prochainement. « Nous avons une étude sur le point de sortir qui décrit comment intégrer des cellules-souches dans l’endomètre (la muqueuse de l’utérus, NDLR) », a annoncé George Church le week-end dernier lors d’une conférence au Vatican.
Nombreuses questions éthiques et environnementales
Le professeur et l’organisation Revive & Restore, qui soutient les recherches, justifient leurs travaux par la protection de la biodiversité et des espèces en danger. Mais cette entreprise de « dé-extinction » du mammouth soulève de nombreuses questions éthiques et environnementales.
« Il ne suffit pas de créer un être vivant viable pour recréer une espèce et l’intégrer dans un écosystème, avertit Alexandre Robert. Ces expérimentations présentent des risques, en termes de souffrance animale notamment. Ces animaux hybrides ne seront pas forcément capables de s’adapter à leur nouvel environnement ».
George Church répond aux critiques en affirmant que le retour d’une population de #mammouths sur le permafrost de Sibérie aurait pour avantage de lutter conter le réchauffement climatique. Selon lui, en piétinant la toundra, les pachydermes limiteraient la formation de poches de gaz à effets de serre qui se forment dans le sol sibérien. Il souhaite donc introduire les « mammouths éléphants » conçus aux Etats-Unis dans le parc du Pléistocène, une réserve naturelle de 160 km 2 située au nord de la Sibérie. Au risque de tourner au fiasco, comme dans le film de Spielberg, où les dinosaures se retournent contre les humains ? Le chercheur Alexandre Robert n’est pas optimiste : « Il suffit de voir les difficultés posées par la réintroduction des loups et des ours en France… Donc imaginez ce qu’il pourrait se passer avec des bêtes de plusieurs tonnes ! »