Raphaël Foïs a monté d’un coup le volume de la sono pile à ce moment-là. « Et maintenant, une chanson que vous connaissez tous : ’L’Opportuniste’ de Jacques Dutronc ! Pour quelqu’un qui a aussi bien retourné sa veste que notre Olivier Dussopt, c’est idéal, n’est-ce pas ? » La foule exulte, reprend les paroles en levant les bras. Le secrétaire de l’Union locale CGT d’Annonay est content de sa trouvaille. Et pour cause : c’est dans cette commune d’Ardèche, située à 70 km au sud de Lyon, que l’actuel ministre du Travail est né il y a 44 ans, qu’il a été élu conseiller régional, puis député, puis maire. Mais depuis qu’il porte la réforme des retraites du gouvernement, l’enfant du pays a les oreilles qui sifflent.
Samedi 11 février, ils étaient encore 6 500 à marcher dans les rues et 8 500 mardi lors de la dernière manifestation, selon la CGT, 5 500 selon la gendarmerie. « Cela représente la moitié des habitants », calcule approximativement Raphaël Foïs, béret sur le crâne. Dans cette ville d’un peu plus de 16 000 habitants, « normalement, une manif chez nous, c’est 200 ou 500 personnes ».
Ici, encore plus qu’ailleurs, on n’a toujours pas digéré qu’"Olivier", comme tout le monde l’appelle, soit devenu macroniste. A l’avant du cortège, une banderole donne le ton : « Dussopt socialiste un jour, traître toujours. » Michel, 51 ans, « pas syndiqué, pas politisé », a « ’les boules ». "J’ai tout le temps voté pour lui. Mais là, comment peut-il se regarder dans un miroir ? "Le père de famille a eu « un choc » en entendant l’élu du coin redire du bien de la réforme.