Le jeu de bonneteau du projet de #loi_de_finance #2021
La lettre de démission du directeur général de la recherche et de l’innovation, B. #Larrouturou (▻https://seenthis.net/messages/888341), sitôt la loi de programmation de la recherche adoptée, éclaire d’un jour nouveau les #dysfonctionnements chroniques du ministère : les hauts fonctionnaires des administrations centrales n’ont eu aucun contact avec la ministre depuis six mois, cette dernière étant maintenue à l’isolement par le cabinet qui lui a été imposé par l’Elysée. On comprend dans ces conditions que Mme #Vidal ait fait porter les #amendements délétères de son groupe d’influence, la défunte #Curif devenue l’#Udice, par des parlementaires centristes.
Les universitaires et les chercheurs ont eu la surprise de recevoir un “courrier destiné à l’ensemble des personnels de Madame #Frédérique_Vidal” (sic), truffé de fautes d’orthographe et de syntaxe, rassemblant l’ensemble des éléments de langage budgétaires égrenés par la ministre depuis un an. Leur réfutation, fastidieuse mais nécessaire, a été menée avec sérieux par le rapporteur au Sénat Jean-François Rapin (▻http://www.senat.fr/rap/l20-138-324/l20-138-3241.pdf), qui a mis à jour l’essentiel des #manipulations_budgétaires. On comprend mal, dans ces conditions, que le groupe Les Républicains ait voté ce #budget, en le conditionnant à l’adoption d’un amendement (▻http://www.senat.fr/enseance/2020-2021/137/Amdt_II-993.html) aussi absurde qu’injuste prélevant 20 millions à l’#Université au profit des #organismes_de_recherche.
La #désinformation ne repose pas tant sur des chiffres erronés que sur un projet de loi confus, une comptabilité illisible et un budget insincère. L’angle d’attaque du sénateur Rapin est le bon : la #Loi_de_Programmation_de_la_Recherche ne programme strictement rien. Son volet budgétaire — qui fixe un #plafond bien plus qu’un #plancher — n’a été là que pour camoufler le plus longtemps possible la visée de la loi : dérégulation statutaire et généralisation des contrats. Relevons ici quelques faits saillants.
Les #postes statutaires — 242 postes de chargés de recherche #CNRS seront ouverts au #concours en 2021 (▻https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042593121) : 51 de moins qu’il y a 3 ans, 117 de moins qu’il y a 10 ans. 60 postes de chargés de recherche à l’#Inserm (▻https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042660370) soit 15 de moins qu’en 2014. Le projet de loi de finance prévoit un plafond d’autorisation d’#emplois de 266 619 soit 11 de moins que l’an dernier. Et pour cause, depuis des années, comme le souligne la Cour des Comptes (▻https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-04/NEB-2019-Recherche-enseignement-superieur.pdf), 20’000 emplois programmés à l’Université ne sont pas créés, faute de moyens. Les 315 emplois supposés être créés dans la #fonction_publique en 2021 (5 200 en 10 ans) par la #LPR sont donc dérisoires et n’existeront probablement même pas, de nouveaux “#gels” de #postes_pérennes compensant les nouveaux #emplois_contractuels (« #tenure_tracks » et doctorants).
Les #crédits — Dans le projet de loi de finance (▻http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3642_projet-loi.pdf), les crédits de paiement de la #Mission_Recherche_et_Enseignement_Supérieur décroissent de 28 664 milliards € à 28 488 milliards €, soit -0,6%, quand l’#inflation devrait être de 0,75% et le glissement vieillesse technicité de 0,45%. Le budget de l’Université (programme 150) croît de 244 millions € parmi lesquels 164 millions € pour les mesures de la LPR [1]. Or, l’inflation correspond à 105 millions € et le #glissement_vieillesse_technicité à 56 millions soit -161 millions €. Le plan de #revalorisations et de #promotions des #carrières scientifiques n’est donc pas financé, et sera compensé par la suppression de postes statutaires. Le budget de la #recherche_publique (programme 172) croît de 221 millions € [2]. 60 millions € serviront à résorber un trou dans la #masse_salariale du CNRS, qui y a consommé son fond de roulement ces dernières années. Ne restent pour les mesures de la LPR que 79 millions €. L’inflation correspond à 54 millions € et le glissement vieillesse technicité à 48 millions €, soit -101 millions €. Le plan de revalorisations et de promotions des carrières scientifiques devra donc prélever dans les #crédits_récurrents. En 2021, les crédits de l’#Agence_Nationale_de_la_Recherche (#ANR) augmenteront de 35 millions €. L’augmentation du taux de succès à l’ANR en 2021 ne sera logiquement financée que dans les budgets ultérieurs [3].
Le #plan_de_relance — Le budget du projet de loi de finances 2021, médiocre, n’a pu être présenté en hausse qu’en mobilisant des crédits du plan de relance (hors LPR, donc) [4] qui proviennent essentiellement de #crédits_européens encore non votés (▻https://www.budget.gouv.fr/documentation/file-download/6187). Le budget européen pour la recherche est lui même passé de 100 milliards € escomptés à 76 milliards € en juillet puis 80 milliards € en novembre sans que l’on connaisse encore la ventilation entre recherche publique et privée. Impossible, donc, de faire un bilan factuel, prenant en compte les effets budgétaires du Brexit. Dans le plan de relance, 805 millions € sont consacrés à la recherche, qui s’ajoutent aux 1 250 millions d’euros en provenance du #Programme_d’investissements_d’avenir (#PIA). 247 millions € sont dédiés à l’#enseignement_supérieur en 2021, qui s’ajoutent aux 125 millions € du PIA. En 2021, 900 millions € seront consacrés à la #rénovation_énergétique des #bâtiments universitaires, en procédant par appel à projet plutôt que par un recensement des bâtiments vétustes. Cela reste excessivement loin des 6,4 milliards € annoncés par Mme Vidal dans son courrier, dont ni le rapporteur du Sénat, ni nous, n’avons trouvé la trace. Parmi ces sommes, 300 millions € sont supposés être consacrés à la préservation de l’#emploi_privé en #recherche_et_développement (#R&D), qui seront difficilement dépensés, la plupart de ces emplois étant déjà financés par le #Crédit_d’Impôt_Recherche (#CIR). Dernier élément notable, la montée en charge rapide des #prêts_étudiants garantis par l’État annonce l’arrivée du dernier volet de transformation du supérieur : l’augmentation des #frais_d’inscription.
Reçu via la mailing-list RogueESR, 14.12.2020
#ESR #université #facs #mensonges #chiffres