• C’est sans doute l’indicateur économique le plus célèbre du pays. Scruté chaque mois par les médias, les élus, les syndicats et les entreprises. L’indice des prix à la consommation (IPC) sert à ajuster les loyers, à fixer le taux du livret A ou celui du SMIC, à revendiquer des hausses de salaire... Et pourtant, malgré son importance, son calcul reste totalement opaque. Seuls certains chercheurs ont accès à certaines données de manière très encadrée. C’est pour lutter contre ce secret que l’association Ouvre-boîte multiplie les procédures depuis quelques années. « Notre objectif est de rendre le calcul reproductible », explique à l’Informé Michel Blancard, ingénieur logiciel, fondateur et administrateur d’Ouvre-boîte. « C’est ambitieux, on sait qu’on n’obtiendra pas une reproductibilité parfaite, mais au moins on essaye de rendre sa réalisation plus transparente. » Le chemin est long mais l’association est en train de gagner son combat.

      son calcul reste totalement opaque pas vraiment, sa méthodologie est exposée, en version détaillée ou en version plus concise dans de nombreux documents. Ce qui est secret est l’échantillon des produits, l’échantillon des villes et l’échantillon des points de vente.
      cf. Indice des prix à la consommation (IPC), Documentation sur la méthodologie https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/indicateur/p1653/documentation-methodologique
      et notamment,
      • Pour comprendre l’indice des prix - Édition 1998
      très détaillé, https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/fichier/Indice_des_prix.pdf
      • Dossier d’information méthodologique. Indice des prix, pouvoir d’achat, 2004 https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/fichier/indice_des_prixpouvoir_achat_fevrier2004.pdf
      plus concis

      Historiquement, l’Insee, alors tout jeune héritier de la SGF, a été traumatisé par la période (1947-1956) où fonctionnait l’indice des 213 articles, dont la composition était publique et qui a donné lieu de la part des gouvernements à une politique de l’indice délibérée.

      Et pour le recul historique,
      Un siècle d’indice des prix de détail français (1913‑ 2013) ou la métamorphose d’un pionnier de la politique du chiffre, Béatrice Touchelay, 2013 in Politiques et management public, vol. 31/4, 2014, Les politiques du chiffre, entre « managérialisation » du politique et politisation du management
      https://journals.openedition.org/pmp/7291

    • oui, c’est exactement cela ; c’est d’ailleurs ce qui s’est passé lorsque la composition de l’indice était publique…
      (je m’aperçois que j’ai oublié le lien vers l’article sur l’historique de l’IPC dans mon commentaire précédent, c’est corrigé).

      Suivant les recommandations de la conférence internationale des statisticiens du travail du 12 août 1947. Le nouvel indice est présenté de façon très détaillée dans le dernier supplément du Bulletin Mensuel de Statistique (BMS) de l’année 1950 (INSEE, BMS, 1950), ce qui le rend très vulnérable (INSEE, BMS, 1951)†. Sa « mise en défense tardive » s’avère bien légère lorsque les pouvoirs publics engagent des millions de francs pour retarder le déclenchement de l’échelle mobile du SMIG. Or, l’inflation bat des records. L’indice des 213 articles est tenu jusqu’à la formation du gouvernement Mollet le 30 janvier 1956. À partir de cette date, son importance prend « l’allure d’un vaudeville » (Rosenstock-Franck, 1991). Il est discrédité par les manipulations du gouvernement qui interdit toute augmentation des services publics, subventionne certains producteurs et obtient ainsi de tenir l’indice (Touchelay, 2004).
      --------------
      † [Témoignage de Georges Laurent, chef de la section des prix de l’INSEE entre 1950 et 1963, octobre 1996.] Georges Laurent évoque « la naïveté » des statisticiens qui n’ont « pas songé à protéger cet indice des regards intéressés des producteurs et des pouvoirs publics ».

      Mais c’était sous la IVe République,…

    • Lorsqu’un indicateur devient un objectif, il cesse d’être un indicateur.

      au choix :
      Loi de Goodhart

      When a measure becomes a target, it ceases to be a good measure

      en 1975, pour la politique monétaire au Royaume-Uni
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Goodhart

      ou loi de Campbell

      Plus un indicateur social quantitatif est utilisé comme aide à la décision en matière de politique sociale, plus cet indicateur est susceptible d’être manipulé et d’agir comme facteur de distorsion, faussant ainsi les processus sociaux qu’il est censé surveiller

      en 1979, plus généralement pour l’évaluation des politiques publiques et particulièrement l’éducation.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Campbell

      En France, on en a quelques beaux exemples aussi :
      • 80% de la classe d’âge au bac
      • mais notre champion, c’est le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy qui convoquait les préfets méritants pour les féliciter et les déméritants pour leur tirer l’oreille au vu des indicateurs policiers, notamment, le taux d’élucidation

      sans parler du plan quinquennal dans la défunte Union soviétique…

    • et à force de manipuler les chiffres des chômeurs (non indemnisés, ayant travaillés un peu, avec un CDD, en stage, radiés …) on a même fini par occulté le chômage tout court.
      #propagande #manipulations_politiques

      Il n’existe pas un institut indépendant qui prendrait 60% des produits sur le marché (au pif) et en listerait les prix à l’aide… d’un site internet web2 par exemple ? (Et du coup, ne plus avoir le ticket de caisse c’est un recul de la possibilité de ce comptage)

    • Je ne suis pas sûr que ce soit de Heisenberg dont il s’agisse ici, mais plutôt de cet autre principe quantique qui veuille que l’observation perturbe la mesure (mais si on est ici dans le domaine macro - au moins au sens quantique du terme…)

      Un indicateur résulte toujours de conventions ; on peut se référer avec fruit à Alain Desrosières sur le sujet. Sauf à faire du marketing, la notion de « vrai » n’a pas grand chose à voir dans l’affaire …

      Pour la méthodologie, je pense qu’il est assez dingue d’oser évoquer l’absence de méthode publiée (coucou, @sandburg …) Pour une excellente vue d’ensemble, on peut se reporter à cette page IPC - traitement statistique avec, de plus, lien vers les 104 agglomérations dans lesquelles ont lieu les relevés et les 21 000 "var-agglos (croisement des variétés - en gros les produits - et de l’agglomération où le relevé a été fait) ainsi que leurs pondérations dans le calcul de l’indice (en format facilement exploitable - tableur).
      https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/indicateur/p1653/processus-statistique

      Que demander de plus ? Ah ben, si, reste plus qu’à fournir les références exactes des produits relevés. Voir plus haut. Je suis intervenu dans le service IPC de l’Insee dans les années 1990 et je peux témoigner que le souvenir des manipulations de l’indice (40 ans plus tôt…) était vivace et entretenu et que l’attachement au secret des produits était très fort, à tous les niveaux hiérarchiques.

    • Pour le « vrai » panier, on peut noter que depuis un bon bout de temps, l’Insee propose de fabriquer son indice de prix personnel en ajustant les principaux postes de consommation à sa structure personnelle de consommation, décomposée sur une vingtaine de postes.
      https://www.insee.fr/fr/metadonnees/source/serie/s1194

      Je ne sais pas si beaucoup de monde s’en sert de cette façon. Il est aussi possible de représenter l’évolution des prix des grands groupes de produits (là aussi, une vingtaine).

      À titre d’exemple, l’électricité…

      À l’époque (2007-2012, cf. le copyright du graphique ci-dessus) où la possibilité avait été proposée de personnaliser son indice, elle avait été accueillie avec méfiance car on avait pu craindre que ce soit une manœuvre pour « délégitimer » l’IPC qui, malgré ses limites, sert de référence et le remplacer par un ensemble éclaté d’indices qui aurait permis de noyer le poisson : oui, mais votre indice à vous, c’est pas celui-là. Il n’en a rien été.

  • The Guardian : Le Pentagone se prépare à contrer les mouvements de rupture de la société civile, par Nafeez Ahmed

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=65987

    Les messages et les conversations sur Twitter seront examinés pour “identifier quels sont les individus mobilisés dans une contagion sociale, et quand ils se sont mobilisés”.

    Un autre projet retenu cette année à l’université de Washington “cherche à découvrir dans quelles conditions naissent les mouvements politiques visant un changement politique et économique à grande échelle”. Le projet, dirigé par le service de recherche de l’armée US, est centré sur “les mouvements de grande ampleur mettant en cause plus de 1000 participants engagés dans une action durable” et devrait couvrir 58 pays au total.

    L’an dernier, la Minerva Initiative du Dpt de la Défense a financé un projet intitulé “Qui ne devient pas terroriste, et pourquoi ?”, projet qui met pourtant dans le même sac militants pacifistes et “partisans de la violence politique” ne différant des terroristes qu’en ce qu’ils ne se lancent pas eux-mêmes dans le “militantisme armé”. Le projet vise explicitement l’étude des militants non violents :

    « Dans n’importe quel contexte il se trouve nombre d’individus qui partagent les mêmes conditions familiales, culturelles et/ou socio-économiques que ceux déterminés à s’engager dans le terrorisme, et qui, même s’ils ne vont pas jusqu’à l’engagement armé, éprouvent de la sympathie pour les buts des groupes armés. Le champ des études sur le terrorisme n’a pas, jusqu’il y a peu, pris en compte l’étude de ce groupe témoin. Ce projet ne concerne pas les terroristes, mais les sympathisants de la violence politique. »

    Chacune des 14 études de cas du projet “met en œuvre des entretiens approfondis avec plus de 10 activistes et militants de partis ou ONG qui, bien que favorables à des causes radicales, ont choisi la voie de la non-violence”.

    “Il y a un jeu de guerre, a déclaré Price, qui met en scène des militants de l’environnement protestant contre une pollution engendrée par une centrale à charbon près du Missouri, dont certains étaient membres de la fameuse ONG environnementale Sierra Club. Les participants étaient chargés de “distinguer ceux qui étaient des ‘porteurs de solutions’, ceux qui étaient des ‘fauteurs de troubles’, et le reste de la population, vouée à devenir la cible d’opérations d’information, afin de faire bouger son centre de gravité vers cet ensemble de perspectives et de valeurs constituant le ‘terminus souhaité’ de la stratégie de l’armée.”

    Ces jeux de guerre sont en phase avec toute une série de documents de planification du Pentagone, qui suggèrent que la surveillance de masse de la National Security Agency (NSA) est en partie motivée par la préparation à la déstabilisation que provoquera la survenue des chocs environnemental, énergétique et économique.

    Le professeur James Petras, titulaire de la chaire Bartle de sociologie à l’université Binghamton de New York, rejoint les préoccupations de Price. Les chercheurs en sciences sociales subventionnés par Minerva et rattachés aux opérations anti-insurrectionnelles du Pentagone sont impliqués dans “l’étude des émotions provoquées par l’exacerbation ou la répression des mouvements idéologiques”, dit-il, y compris “la neutralisation des mouvements issus de la base”.

    Minerva est un excellent exemple de la nature profondément bornée et vouée à l’échec de l’idéologie militaire. Pire encore, le refus des responsables du DoD de répondre aux questions les plus élémentaires est symptomatique de ce simple fait : dans leur inébranlable mission de défense d’un système mondial de plus en plus impopulaire au service des intérêts d’une infime minorité, les agences de sécurité n’ont aucun scrupule à nous dépeindre, nous le reste du monde, comme de potentiels terroristes.

    • Cela rappelle également les recherches de la RATP avec le projet #Prismatica couplé à la vidéosurveillance dans le métro, des #sociologues spécialistes des mouvements de foule ont été mis à contribution pour repérer ce qu’ils ont nommé « #comportement_déviant » : courir en sens inverse de la foule, attendre deux fois une rame, lever un poing en l’air … Plus récemment ce sont les panneaux publicitaires qui filment et analysent le comportement des passants pour en extraire des informations commercialisables.

      http://bigbrotherawards.eu.org/Projet-PRISMATICA-RATP
      http://www.bastamag.net/Les-cameras-publicitaires-un-pur

    • Intéressant... Quand j’étais étudiante, la RATP avait demandé à certains chercheurs de nos labos de travailler dans une tout autre perspective : il s’agissait d’utiliser la perception éthologique de l’espace et des sons pour désamorcer les aspects inquiétants et|ou agressifs de certains territoires du métro. Il s’agissait donc de modifier la manière dont le son pouvait se réverbérer dans certains espaces avec des matériaux différents, en modifiant des angles, en apportant d’autres sonorités. Il s’agissait aussi d’ouvrir la vue des espaces trop confinés (mettre des miroirs dans les angles des couloirs, par exemple, modifier les tonalités) ou, au contraire, de briser les perspectives quand elles sont génératrices d’angoisse, guider les flux, les rendre fluides et doux, transformer l’expérience perceptive du déplacement dans le réseau du métro, pour en évacuer les dimensions angoissantes ou agressives.

      Complètement à l’inverse de ce qui est recherché 10 ans plus tard : je pense que cela traduit un changement profond de société où l’on est passé de la pacification des rapports sociaux à la stigmatisation et la démonstration de force.
      http://seenthis.net/messages/267761