• Copains comme cochons : élus, éleveurs ou écrivains, qui sont les lobbyistes du porc en #Bretagne ?

    La Bretagne concentre la majorité de la production porcine de France. Un leadership qu’un conglomérat d’éleveurs, de politiques et d’alliés parfois inattendus compte préserver contre vents et marées. À travers quatre #infographies réalisées en partenariat avec La Revue dessinée, nous montrons les liens qu’entretiennent ces acteurs et les structures qui servent à défendre leurs intérêts. Une #cartographie inédite et pourtant non exhaustive d’un #lobby capable de tordre le bras au gouvernement.

    #Philippe_Bizien, un poids lourd de la filière

    L’enquête publiée par Splann ! en juillet 2022 sur l’extension de la #porcherie #Avel_vor, à #Landunvez (29), met en évidence l’#influence de son gérant sur toute la filière. Propriétaire de l’une des plus grandes exploitations porcines de France, d’où peuvent sortir chaque année jusqu’à 26.000 cochons, Philippe Bizien cumule de nombreuses autres fonctions. Il dirige plusieurs poids lourds de l’#agro-industrie : président de la société #Evel’Up (numéro 2 du porc en France) il est aussi à la tête de différentes structures défendant les intérêts des éleveurs et des méthaniseurs, en Bretagne.

    Ni les recours juridiques contre l’extension d’Avel vor menés par des associations environnementales, gagnés en première instance en 2019 et en appel en 2021, ni la condamnation de Philippe Bizien et de sa société pour #homicide_involontaire en 2022, ni, enfin, l’ouverture d’une #enquête impliquant Avel vor pour #mise_en_danger_de_la_vie_d’autrui par le pôle environnemental du parquet de Brest en 2023, n’ont eu raison de son ascension au sein du lobby du cochon.

    En 2023, il hérite d’une fonction nationale : il devient président de la section porcine de la #Coopération_agricole (anciennement #Coop_de_France), le très puissant syndicat défendant les intérêts des coopératives françaises auprès des pouvoirs publics français et des institutions européennes. Il cumule ainsi cinq mandats – donc cinq indemnités – et bénéficie d’un accès privilégié aux politiques et aux représentants de l’État.

    En janvier 2024, une délégation composée des députés Renaissance #Didier_Le_Gac et #Antoine_Armand, s’est rendue dans l’élevage de Philippe Bizien dans le cadre « d’une mission confiée par #Marc_Fesneau pour ancrer favorablement l’élevage en France », selon les mots de Didier Le Gac. Un soutien réaffirmé par le député Antoine Armand sur le réseau X, faisant fi des polémiques lié à la porcherie landunvezienne « On les suspecte. On les dénigre et parfois on les harcèle. Mais comme ici dans le Finistère, ils et elles nourrissent la France, sont engagés dans la transition écologique et façonnent nos paysages. »

    De puissants relais locaux

    Au-delà des liens de sang qui unissent, jusqu’en 2014, le gérant d’Avel vor au maire de Landunvez, – qui n’est autre que son père – lequel signe les autorisations d’agrandir la porcherie, c’est tout le secteur porcin qui tire les ficelles de la politique locale du pays de Landunvez.

    À la lumière de cet organigramme, les liens entre élus locaux et Evel’Up, la coopérative porcine présidée par Philippe Bizien, sont flagrants.

    À quelques dizaines de kilomètres de Landunvez, la commune de #Saint-Renan est administrée depuis 2014 par #Gilles_Mounier (divers droite), qui était cadre d’Evel’Up jusqu’en en 2021. Il a abandonné ce poste lors de son accès à la vice-présidence du conseil départemental du Finistère, en tant que chargé du développement durable et des territoires. Son épouse est toujours responsable communication au sein d’Evel’Up.

    À #Saint-Renan, les liens entre Evel’Up et la mairie ne datent pas d’hier puisque le prédécesseur de Gilles Mounier au poste de maire, #Bernard_Foricher, était aussi salarié de cette coopérative porcine (qui portait alors le nom de #Pigalys).

    Gilles Mounier n’est pas le seul à être passé de la direction d’Evel’Up à une carrière politique. Un peu plus au nord de Landunvez, la commune de #Kernouës est administrée par #Christophe_Bèle, directeur pendant 20 ans de la coopérative porcine Pigalys, devenue #Aveltis puis… Evel’Up.

    Ces deux soutiens historiques de la puissante filière porcine dans le #Finistère siègent désormais ensemble au sein de la commission locale de l’#eau et du syndicat des eaux du Bas-Léon. Ils occupent ainsi des postes stratégiques pour la gestion de l’eau du pays d’Iroise, à l’heure où le secteur porcin pèse lourd sur la qualité et la quantité d’#eau_potable disponible pour les habitants du territoire.

    La famille élargie

    À l’échelle nationale, le lobby porcin est aussi discret qu’organisé. Parmi ses principaux représentants, on trouve le député Les Républicains (LR) de #Loudéac-Lamballe (22), conseiller régional de Bretagne et vice-président de l’Assemblée nationale jusqu’en 2022, #Marc_Le_Fur. Surnommé le « #député_du_cochon », il s’attaque depuis plusieurs années aux associations qui critiquent l’élevage en déposant en 2022 par exemple, un amendement dit « anti-L214 » visant à « supprimer la réduction d’impôts pour les dons aux associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion sur les propriétés privées agricoles ».

    Dans sa croisade contre « les normes excessives » il est aidé par #Jacques_Crolais, son ancien attaché parlementaire, directeur de l’#UGPVB (#Union_des_groupements_des_producteurs_de_viande_de_Bretagne) jusqu’en avril 2024, poste qu’il vient de quitter pour prendre la direction… d’Evel’Up.

    Autre député défendant ardemment la filière porcine : #Didier_Le_Gac, député Renaissance de Brest rural (29), dont fait partie la commune de #Landunvez. Il est l’une des chevilles ouvrières de la cellule de gendarmerie dite « #Demeter » créée à la demande de la #FNSEA, ayant pour but « d’identifier et poursuivre les agressions, intrusions et dégradations sur les exploitations agricoles ». Son lancement a été effectué en grande pompe en décembre 2019 à Saint-Renan (29), commune administrée par Gilles Mounier (dont vous retrouverez la figure dans l’organigramme « de puissants relais locaux ») à quelques kilomètres de la porcherie de Philippe Bizien.

    À cette époque-là et jusqu’en 2023, la FNSEA était présidée par #Christiane_Lambert, éleveuse de porcs dans le Maine-et-Loire, aujourd’hui présidente du #Comité_des_organisations_professionnelles_agricoles_de_l’Union_européenne (#Copa-Cogeca) – le plus important syndicat agricole européen.

    Le 14 mars 2024, Christiane Lambert a reçu la médaille d’officier de la Légion d’honneur sous le haut patronage d’#Erik_Orsenna (dont vous retrouverez la figure dans l’organigramme « La famille étendue ») et de l’ex-ministre de l’agriculture #Julien_Denormandie. Tous deux proches de l’association vitrine des grandes entreprises de l’#agroalimentaire, #Agriculteurs_de_Bretagne, ils viennent de cosigner le livre « Nourrir sans dévaster » (Flammarion).

    Une influence nationale

    De Plouvorn à Plonevez-Porzay en passant par Lamballe, Pouldreuzic, Loc-Equiner… Le lobby porcin s’est fait une place de choix dans de nombreuses institutions locales et nationales. De la Vallée des Saints… jusqu’à l’Académie française.

    Une statue de Saint-Alexis a été installée dans la Vallée des Saints en juillet 2022, le lieu, crée par des militants bretons en 2009 sur la commune de Carnoët, dans les Côtes d’Armor, se veut « une Île de Pâques à la bretonne ».

    La sculpture en granit de 4,25 m de haut a été financée conjointement par Le Crédit Agricole du Finistère, la Sica de Saint-Pol-de-Léon – premier groupement français de producteurs de légumes et d’horticulteurs – et la Brittany Ferries, pour rendre hommage à #Alexis_Gourvennec, considéré comme le père de l’agriculture bretonne moderne.

    Il était l’un des plus gros éleveurs porcins français avec 2.000 truies et 48 employés en 1984. Il a occupé la présidence de la Caisse régionale du Crédit Agricole de 1979 à 1998. Connu pour légitimer le recours à la violence en manifestation, l’entrepreneur léonard a contribué à diffuser sur la péninsule une vision ultra-libérale et productiviste de l’agriculture.

    Par-delà cet hommage en granit, les figures bien vivantes présentes dans cet organigramme, continuent de creuser le sillon d’Alexis Gourvennec.

    La filière porcine s’est par ailleurs organisée pour influencer l’opinion publique et laver l’image de l’agriculture bretonne et de ses pollutions. #Agriculteurs_de_Bretagne, association créée par de grandes entreprises de l’agroalimentaire en 2009 après la mort très médiatisée d’un cheval dans les algues vertes à Saint-Michel-en-Grève (22), assure des missions d’accueil d’écoles dans des exploitations de son réseau ainsi que la diffusion du magazine #Le_P’tit_Agri, destiné aux 7-11 ans. Elle tient également des stands lors de grands événements comme les Vieilles Charrues, à Carhaix (29) ou déploie parfois ses couleurs dans des stades, dont celui de Guingamp (22).

    Présidente de ce lobby jusqu’en 2022, #Danielle_Even, éleveuse de porcs dans les Côtes-d’Armor, a été propulsée sur la scène médiatique par l’académicien, businessman et conseiller des présidents Mitterrand et Macron, Erik Orsenna, lequel a invité « sa voisine », en 2013, sur le plateau de l’émission de Michel Drucker « Vivement Dimanche ». « La Bretagne, grâce au porc, sera le nouveau Qatar ! », lance-t-il alors. Depuis, il est présent pour soutenir le lobby à de nombreuses reprises comme lors des remises de légion d’honneur à #André_Sergent, éleveur de porcs et président de la chambre d’agriculture du Finistère, ou à Christiane Lambert, ancienne présidente de la FNSEA et actuelle présidente de la Copa-Cogeca.

    https://splann.org/enquete/les-travers-du-porc/lobby-porc-bretagne

    #élevage #porc #France #infographie #élevage_porcin
    #industrie_agro-alimentaire

  • Des journalistes et médias s’organisent pour défendre la liberté d’informer sur l’agroalimentaire
    https://www.bastamag.net/defendre-liberte-presse-informer-agroalimentaire-bretagne-Ines-Leraud-algu

    En Bretagne, des journalistes qui enquêtent sur l’agro-alimentaire sont poursuivis ou subissent des pressions. C’est le cas de Basta ! et d’Inès Léraud poursuivis par le groupe Cheritel. Dans cette lettre ouverte à la région, plus de 250 journalistes, médias et collectifs de professionnels de la presse appellent à mettre fin à cette loi du silence. Basta ! s’associe à cet appel demandant des garanties en matière de liberté de la presse. À Loïg Chesnais-Girard, président Jean-Michel Le Boulanger, (...) ça bouge !

    / #Médias_libres, #Agriculture, #Multinationales

    #ça_bouge_ !

    • Journalistes pour la liberté d’informer sur l’agroalimentaire en Bretagne.
      https://framaforms.org/journalistes-pour-la-liberte-dinformer-sur-lagroalimentaire-en-bretagne-
      Lettre de journalistes et professionnel·les de la presse adressée à la Région Bretagne, en français et en breton, la grande classe !
      https://seenthis.net/messages/886563

      #Inès_Léraud est convoquée par la justice pour une audience qui devrait se tenir les 20 et 21 janvier 2021 au Tribunal de Grande Instance de Paris. Elle est attaquée en diffamation par un chef d’entreprise guingampais, Jean Chéritel, patron du groupe Chéritel Trégor Légumes, dont elle a épinglé les pratiques managériales et commerciales dans un article publié par @bastamag #Bastamag en mars 2019.

      https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ines-leraud-attaquee-justice-avoir-enquete-agroalimenta

      Et le collectif de rappeler, dans son communiquer, la petite phrase d’Emmanuel Macron au pape François en 2018, quand il lui présente son ministre Jean-Yves Le Drian : « Les Bretons, c’est la mafia française ». "Cette phrase ne nous a ni fait rire, ni rendus fiers. Mais elle disait peut-être vrai".

      https://www.youtube.com/watch?v=q0TB2t2uKL8&feature=youtu.be


      https://www.bastamag.net/Agriculture-et-alimentation

      En Bretagne, de nombreux journalistes ont décidé d’unir leur voix pour dénoncer la difficulté d’informer sur l’agroalimentaire local.
      https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-m/l-edito-m-25-mai-2020

      le comité de soutien et une revue de presse sur le site d’Inès Léraud : https://seenthis.net/messages/871455#message876435

      #fnsea #agro_industrie #Bretagne #eureden #triskalia

    • Enquêter sur l’industrie agro-alimentaire n’est pas une sinécure : pressions et intimidations entravent le travail journalistique. Basta ! et la journaliste Inès Léraud passeront en procès le 28 janvier 2021 pour s’y être intéressés de trop près. Un récent documentaire de France 5 fait aussi les frais de cette omerta.
      https://seenthis.net/messages/886563#message887059
      Le documentaire « Une terre sacrifiée » n’est plus disponible en ligne comme par hasard !

      Un évènement majeur s’est produit récemment en Bretagne. France 5 a diffusé le film documentaire Bretagne, une terre sacrifiée d’Aude Rouaux et Marie Garreau de Labarre. Le documentaire décrit le coût environnemental, social et sanitaire du développement de l’agro-industrie en Bretagne. Il fait intervenir des témoins de l’intérieur habituellement peu diserts sur le sujet, comme un agriculteur intensif, Christophe Thomas qui déplore avoir reçu à son insu des aliments pour bétail contaminés par des antibiotiques, et ce de la part du plus important groupe agroalimentaire breton, Eureden.

      Avec ce film, France 5 a réalisé sa meilleure performance annuelle avec plus d’un million de téléspectateurs. Les réactions consécutives à cette diffusion mettent en lumière les moyens financiers et stratégiques que possède le secteur agroalimentaire pour museler les sources (principalement les agriculteurs), les élus et la presse.

      Quand l’agro-industrie alimentaire réécrit l’histoire

      Le premier groupe agroalimentaire breton, Eureden, n’a demandé aucun droit de réponse à France 5, mais a diffusé auprès de ses agriculteurs, via son titre de presse agricole Paysan breton, une pleine page dénonçant les soi-disant fausses informations véhiculées par le film. Il parle d’humiliation à l’égard « du travail fait par des milliers d’agriculteurs » alors que le film dénonce au contraire les mesures prises par les dirigeants de l’agro-industrie au détriment des agriculteurs et des salariés agricoles.

      #Richard_Ferrand et #Marc_Le_Fur, tous deux bretons, respectivement président (LREM) et vice-président (LR) de l’Assemblée nationale, ont chanté le même refrain à propos du film. Ils ont déploré « un réquisitoire (…) scandaleux, contre les paysans et contre la Bretagne », opérant là encore un retournement intellectuel et une manipulation de l’opinion. La même rengaine est apparue dans un courrier du président du groupe Rassemblement national à la Région, adressé aux agriculteurs, distribué directement dans leurs boîtes aux lettres, expliquant que ce film est « un procès à charge contre votre profession ».

      La branche régionale de FNSEA en Bretagne est allée jusqu’à parler de film de « fiction ». Elle a aussi diffusé sur Twitter le visage de l’une des témoins principales du documentaire, en l’occurrence une journaliste locale, Morgan Large, enquêtant sur l’agriculture intensive. Ce choix d’illustration a été perçu comme une façon sournoise de cibler la journaliste. Questionnée sur ce choix par des internautes, la FRSEA a simplement supprimé son tweet.

      Quelques jours plus tard, la journaliste a subi des nuisances à son domicile : absente le dimanche 6 décembre, elle apprend que ses animaux divaguent sur la voie publique, et découvre que leur clôture a été ouverte volontairement. Il s’agit d’une intimidation courante dans le monde agricole, vécue notamment de façon répétée par l’agricultrice Caroline Chenet, témoin du film La mort est dans le pré, qui a décidé de ne plus parler publiquement. La radio Kreiz Breizh, qui emploie Morgan Large, a quant à elle subi les jours suivants deux tentatives d’effraction de ses locaux.
      Une force de frappe médiatique et politique inédite en France

      Le lendemain de la diffusion sur France 5, une vidéo de 2 minutes, non signée, est apparue sur les réseaux sociaux, descendant le documentaire en flèche au motif qu’il aurait évincé du montage les progrès réalisé par une exploitation porcine (la ferme de Kermerrien) filmée par l’équipe de France 5. Cette vidéo bâtit là encore un retournement complet de la vérité puisque une séquence est justement consacrée aux progrès effectués par la ferme. Elle est en réalité produite par Agriculteurs de Bretagne, lobby fondé par des dirigeants du secteur agroalimentaire et faisant appel à une société de communication spécialisée dans l’attaque des opposants à l’agro-industrie. Pendant ce temps, le 3 décembre, le président du Conseil régional de Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, présentait en conférence de presse son nouveau livre Le souffle breton préfacé par Erik Orsenna, écrivain, académicien et figure tutélaire du fameux lobby Agriculteurs de Bretagne !

      La proximité entre les représentants de l’agro-industrie et le monde politique régional va plus loin : le vice-président à l’agriculture et à l’agroalimentaire en Bretagne n’est autre que Olivier Allain (majorité présidentielle), ancien président de la branche départementale de la FNSEA et de la chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor, dont l’exploitation perçoit d’importantes aides de la PAC (près de 80 000 euros annuels alors que lui-même participe aux négociations sur la PAC.

      Georges Gallardon, président d’Eureden qui, on l’a vu, qualifie France 5 d’organe de désinformation est lui-même vice-président (divers droite) de la communauté du Kreiz-Breizh et maire de Saint-Tréphine (Côtes-d’Armor). Philippe Le Goux, directeur de la communication d’un important groupe porcin, Aveltis, est également vice-président (PS) de Leff Armor Communauté, entre Guingamp et Saint-Brieuc. Cet élu de la République a, au titre de ses fonctions de communicant, plusieurs fois entravé le travail des journalistes en incitant par courriel les éleveurs à ne pas parler à la presse.

      Enfin, juste après la diffusion du film de France 5, le groupe agroalimentaire Eureden commandait au média Brut la réalisation de vidéos promouvant les soit-disant efforts du groupe en matière d’écologie. « Soit-disant » car une enquête des élèves journalistes de l’IUT de Lannion a montré au contraire comment ce groupe maintenait les agriculteurs dans l’usage des pesticides.

      L’agro-industrie bretonne, et même française, possède, on le voit, un arsenal d’outils impressionnants pour maîtriser le discours à son sujet : fait quasiment unique dans le paysage industriel français, elle détient ses propres titres de presse. Elle fait également appel à des agences de communication spécialisées et contrôle en partie la presse généraliste en la finançant via la publicité et des partenariats, comme l’a dénoncé le collectif Kelaouin. Elle est assez puissante pour pénétrer le tissu politique local ou faire nommer des ministres de l’Agriculture – comme l’a révélé l’ancien ministre Dominique Bussereau dans le film FNSEA, enquête sur un empire agricole de Marianne Kerfriden – et depuis 2019 elle est parvenue à ce qu’une cellule de la gendarmerie nationale lui soit spécialement dédiée : “La cellule demeter”. Tout cela en bénéficiant d’importantes subventions européennes, nationales, et régionales.

      Le procès bâillon, encore et toujours

      La tâche pour exercer un contrôle démocratique et comprendre le fonctionnement de ce fleuron industriel français qu’est l’agroalimentaire (dont, à titre d’exemple, les exportations en Arabie saoudite rapportent plus que les ventes d’armes françaises), est immense. D’autant plus que la presse régionale a intégré des réflexes d’autocensure pour ne pas perdre ses annonceurs et ne pas se mettre à dos des élus locaux. Comme l’illustrent le documentaire de France 5 et le cas de la journaliste Morgan Large, quand la presse ose dénoncer, elle est sujette à de multiples pressions.

      Ces pressions, Basta ! et moi-même les rencontrons aussi, notamment sous forme de procès bâillon, depuis que j’ai enquêté sur l’agroalimentaire et sur les algues vertes.

      Par bonheur, il existe des médias comme Basta ! qui effectuent depuis longtemps un travail extraordinaire, pointu, difficile, dans ce domaine – les archives de Basta ! sur les questions agroalimentaires sont tout simplement salutaires pour quiconque veut travailler sur ce sujet –, et qui osent s’aventurer sur des terrains risqués grâce à l’unique soutien de ses abonnés, comme c’est le cas pour l’affaire Chéritel pour laquelle Basta ! et moi-même sommes poursuivis en diffamation.

      https://www.bastamag.net/Travail-dissimule-fraude-sur-les-etiquettes-les-multiples-abus-d-un-groupe